collection Éric Falardeau Éric Falardeau

Avec Le corps souillé, Éric Falardeau s’intéresse à deux genres cinématographiques souvent méprisés (le gore et la pornographie), et plus particulièrement à ce qui les unit : LE CORPS SOUILLÉ l’exhibitionnisme spectaculaire des fluides corporels, qui exprime selon lui un rapport trouble, voire haineux, au corps. Gore, pornographie et fluides corporels Leur exposition, fétichisée par le gros plan, agit comme un révélateur de la relation ambiguë que le sujet, le spectateur ou son double cinématographique (les personnages auxquels il s’identifie ou non), entretient avec son enveloppe charnelle. Le corps souillé permet à l’auteur d’aborder différents enjeux (anthropologiques, sociologiques et psychologiques) à travers l’analyse de la représentation des fluides corporels. Objets de dégoût et de fascination, ils sont l’expression d’une angoisse existentielle que le gore et la pornographie nous obligent insidieusement à confronter.

Éric Falardeau est doctorant en communication et enseigne le cinéma à Montréal. Ses recherches portent sur le cinéma pornographique. Il a réalisé le long métrage culte Thanatomorphose (2012) qui a remporté une dizaine de prix dans les festivals internationaux. Il a codirigé avec Simon Laperrière le collectif Bleu Nuit. Histoire d’une cinéphilie LE CORPS SOUILLÉ Nocturne (Somme Toute, 2014). En 2017, il a publié Une histoire des effets spéciaux au Québec (Somme Toute). Il prépare son deuxième long métrage.

ISBN : 978-2-89502-422-4 ,!7IC8J5-acecce! collection LE CORPS SOUILLÉ

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LE CORPS SOUILLÉ

Gore, pornographie et fluides corporels

ESSAI

collection

9782895024224_CorpsSouille_final.indd 3 19-02-15 09:37 Mise en page : Anne-Marie Jacques

Maquette de la couverture : Jean-Marie Lanlo

Illustration de la couverture : Nattapol Sritongcom/Shutterstock.com

Direction de la collection : Jean-Marie Lanlo

Distribution pour le Québec : Diffusion Dimedia 539, boulevard Lebeau Montréal (Québec) H4N 1S2

Distribution pour la : Distribution du Nouveau Monde

© Les éditions de L’instant même, 2019

L’instant même 237, rue Louise Longueuil, Qc. J4J 2T2 [email protected] www.instantmeme.com Dépôt légal – Bibliothèque et Archives nationales du Québec, 2019

Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada Titre : Le corps souillé : gore, pornographie et fluides corporels / Éric Falardeau. Noms : Falardeau, Éric, 1982- auteur. Collections : Instant ciné. Description : Mention de collection : L’instant ciné | Comprend des références bibliographiques et un index. Identifiants : Canadiana (livre imprimé) 20189432365 | Canadiana (livre numérique) 20189432373 | ISBN 9782895024224 (couverture souple) | ISBN 9782895029823 (PDF) | ISBN 9782895029830 (EPUB) Vedettes-matière : RVM : Films pornographiques—Histoire et critique. | RVM : Films gore—Histoire et critique. | RVM : Corps humain au cinéma. | RVM : Liquides organiques. Classification : LCC PN1995.9.S45 F35 2019 | CDD 791.43/6538—dc23 L’instant même remercie le Conseil des arts du Canada, le gouvernement du Québec (Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres – Gestion SODEC) et la Société de développement des entreprises culturelles du Québec. Nous reconnaissons l’appui financier du gouvernement du Canada.

9782895024224_CorpsSouille_final.indd 4 19-02-15 09:37 REMERCIEMENTS

Sylvain Beauchamp, Jacky Bernard, Stephen Biro, Stéfany Boisvert, Patrick Brissette, Ugo Brusaporco, Jörg Buttgereit, Fannie Caron-Roy, Véronique Chaput, Nicolas Coquet, Mario DeGiglio-Bellemare, Antonio Dominguez Leiva, Catherine Dumont, Gilles Esposito, Michèle Garneau, André Gaudreault, Alain Gauthier, Suzanne Girard, Céline Gobert, André Habib, Lloyd Kaufman, Marie-Josée Lamontagne, Jean-Marie Lanlo, Simon Laperrière, Benoît Lemire, Azad Lusbaronian, Frédérick Maheux, Ginette Martel, Rosanna Maule, Corey Mitchell, Karl-Henri Mondestin, Viva Paci, Dominique Pelletier, Louis Pelletier, Bernard Perron, Renaud Plante, Claire-Acélie Sénat, Veronica Sacco, Nadia Seraicco, Philippe Spurrell, Gilles Tassé, Jean Tourangeau, Pat Tremblay, Maude Trottier, Maxime Valois, Claudine Viens, Thomas Waugh, Annaëlle Winand. Aux équipes de Crépuscule, de Thanatomorphose et de Sam Bot. À mes parents, ma sœur, mes nièces Raphaëlle et Florence.

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9782895024224_CorpsSouille_final.indd 5 19-02-15 09:37 9782895024224_CorpsSouille_final.indd 6 19-02-15 09:37 « Je pense que dans un moment intense comme un meurtre, il y a quelque chose de sensuel entre la victime et l’assassin. J’irais meme jusqu’à dire que c’est erotique. Il y a quelque chose d’imperceptible qui lie les deux personnages principaux. L’erotisme et le sang. […] Mais il y a aussi un lien entre nos 2 orgasmes ; celui de l’amour et de la mort. » Dario Argento

« Refus categorique de s’en tenir à la seule suggestion, le gore s’abime dans la contemplation de la destruction du corps. Qu’il soit coupe, ecorche ou l’objet de fantastiques metamorphoses, le corps devient l’unique lieu de l’action, la page blanche sur laquelle s’ecrit le devenir-cadavre du personnage. Comment s’etonner alors que dans l’aventure il perde de sa superbe pour reveler en plein jour ses fonctions les plus triviales ? Le seul autre genre cinematographique à reduire ainsi ses personnages est le hardcore. » Philippe Rouyer

« Le but véritable était de montrer l’immontrable, de dire l’indicible. Je ne pouvais pas proposer ces parasites hors champ parce que personne n’aurait su ce qui se passait. C’est une bonne chose que de voir un personnage qui lève son couteau au-dessus de la poitrine d’un autre et entendre un “swouch” hors champ ; vous savez ce qui va arriver, vous le comprenez. Je créais des éléments qui ne pouvaient pas être suggérés parce que difficilement imaginables pour le spectateur. » David Cronenberg

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« Le tripotage reste un effleurement de l’Être, sa saisie profonde relève du malaxage […]. » Jean-Baptiste Botul

« Les sentiments ne se décrivent bien que par leurs effets. » Jean-Jacques Rousseau

« Chaque jour, j’observe la mort à l’œuvre dans le miroir. » Jean Cocteau

« La sexualite permet une veritable resurrection. C’est, genetiquement parlant, la seule reponse à la mort. » Jacques Ruffie

« Vous connaissez les plans d’éjaculation dans le cinéma pornographique ? Eh bien, c’était juste une substance différente : c’était rouge. » Roberta Findlay

9782895024224_CorpsSouille_final.indd 8 19-02-15 09:37 AVANT-PROPOS

Un peu plus d’une décennie s’est écoulée depuis le dépôt, la soutenance et l’acceptation de mon mémoire de maîtrise intitulé Vers une exposition de la haine : gore, pornographie et fluides corporels (Université de Montréal, 2008). Entretemps, les deux genres étudiés ont fait l’objet d’une nouvelle reconnaissance. D’une part, des réalisatrices et réalisateurs ont revisité le cinéma horrifique en l’arrimant aux problématiques et aux esthétiques contemporaines, propulsant par le fait même ces productions en tête du box-office et des palmarès critiques. Pensons entre autres à It Follows (David Robert Mitchell, 2014), A Girl Walks Home Alone at Night (Ana Lily Amirpour, 2014) ou Get Out (Jordan Peele, 2017). Le cinéma underground plus extrême a également eu le vent dans les voiles avec des titres comme Taeter City (Giulio De Santi, 2012), Red Krokodil (Domiziano Cristopharo, 2012), Necrophile Passion (Tom Heidenberg, 2013) et American Guinea Pig : Bouquet of Guts and Gore (Stephen Biro, 2014), pour ne nommer que ceux-là. D’autre part, les porn studies ont pris leur envol et le nombre d’études publiées sur le sujet n’a cessé d’augmenter. Le discours autour du pornographique s’est par conséquent grandement enrichi et complexifié. L’arrivée de la revue universitaire Porn Studies en 2014 est sans contredit un moment incontournable dans cette explosion de textes critiques et académiques sur le genre. De plus, des éditeurs se sont donné pour mission — nous devons les remercier chaleureusement — de restaurer sur disques optiques tout un catalogue de titres auparavant difficiles d’accès. C’est le cas de boîtes comme Distribpix et Vinegar Syndrome. Finalement, soulignons l’arrivée en août 2006 du site de partage et de diffusion en flux continu de vidéos pornographiques YouPorn

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qui a complètement transformé l’industrie du divertissement pour adultes. À la lumière de ces développements, de mes travaux ultérieurs et de la panoplie de films parus ou réédités depuis, dont une étrange vague de parodies pornographiques de films horrifiques1, il m’a semblé essentiel de revoir le texte, de l’actualiser et d’y inclure mes nouvelles réflexions. Ce que vous tenez entre les mains n’est donc pas une simple reproduction d’un travail de recherche universitaire, mais bel et bien une version révisée et, surtout, vulgarisée. Le cinéphile attentif remarquera même, ici et là, les inspirations ayant mené à la réalisation de mon premier long métrage Thanatomorphose (2012). L’effort de réécriture s’est déployé selon deux axes complémentaires. Dans un premier temps, j’ai allégé le texte afin de le rendre moins académique et plus près de la forme de l’essai. Il en résulte des coupures, une réorganisation des chapitres, des descriptions plus évocatrices, l’ajout d’analyses filmiques, etc. Ensuite, j’ai voulu tenir compte des nouveaux écrits entourant les genres à l’étude, dont la majorité provient de la bouillonnante discipline des porn studies, en insérant ici et là de nouvelles références. J’ai également profité de cette opportunité pour inclure des idées que j’ai subséquemment développées dans des conférences, des textes critiques et des articles universitaires. J’espère que vous apprécierez la lecture de cette nouvelle mouture. Éric Falardeau

1. Notamment Re-Penetrator (Doug Sakmann, 2005), Night of the Giving Head (Rodney Moore, 2008), The Texas Vibrator Massacre (Rob Rotten, 2008), A Wet Dream on Elm Street (Lee Roy Meyers, 2011) et Evil Head (Doug Sakmann, 2012), qui parodient respectivement Re-Animator (Stuart Gordon, 1985), (George A. Romero, 1968), The Texas Chainsaw Massacre (Tobe Hooper, 1974), A Nightmare on Elm Street (Wes Craven, 1984) et Evil Dead (Sam Raimi, 1983).

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La comtesse Irina s’approche lentement du sexe de sa victime consentante. Son visage disparaît entre les cuisses de sa proie. Prédatrice ultime, vampire, elle s’abreuve jusqu’à plus soif de la douce cyprine, jusqu’à ce que mort s’ensuive. Elle relève la tête et fixe la caméra. Long zoom in sur sa bouche luisante du désir de la pauvre femme. L’image se dilate, se dissout dans un flou aqueux et dans le grain magnifié de la pellicule. Elle acquiert progressivement une texture trouble, une matérialité érotique. Dans La Comtesse aux seins nus (1973) du prolifique cinéaste espagnol Jess Franco, la sculpturale comédienne Lina Romay se nourrit littéralement des fluides de ses amantes et amants1. Il est désormais cliché d’évoquer l’étreinte mortelle des créatures de la nuit pour illustrer la proximité entretenue dans les arts entre le sexe et la mort. Toutefois, bien que la plupart des films consacrés au vampirisme réfèrent plus ou moins directement au baiser mortel comme métaphore de l’acte sexuel, peu l’ont assumé aussi frontalement que le long métrage de Franco2. En offrant une mise en image littérale du mythe vampirique, il a exposé par le fait même les liens extrêmement puissants qui unissent les imaginaires de la sexualité et de l’horreur.

1. Le film est connu sous une multitude de titres et de versions, érotiques et pornographiques, censurées ou non, dont les plus célèbres sont Les avaleuses, Female Vampire et Erotikill. 2. Certains films pornographiques comme Suckula (Anthony Spinelli, 1973) Dracula Sucks (Phillip Marshak, 1979), Hungry (Paul Norman, 1992), Les Vampyres (James Avalon, 2000) et Lesbian Vampire Academy (David Edwards, 2014) usent et abusent également de la métaphore, mais de manière beaucoup moins aboutie, se satisfaisant du premier degré.

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Dans un livre sur le cinéma d’exploitation européen des décennies 1950 à 1980, Immoral Tales : European Sex and Horror Movies (1956-1984) (1995), Cathal Tohill et Pete Tombs reviennent sur cette interdépendance via le concept de fantastique, terme vague qui, dans son acceptation minimale, désigne tout un pan du cinéma penchant du côté du merveilleux, de l’étrange et du surnaturel3. Les auteurs dressent un historique du fantastique et y rattachent son expression cinématographique à de nombreux genres littéraires, dont le romantisme britannique (Byron, Lewis, etc.), la littérature décadente (Lorrain, Mirbeau, Corbière, Wilde, etc.) et le roman gothique (Walpole, Radcliffe, etc.). Ils insistent plus particulièrement sur le surréalisme français (Buñuel, Breton, etc.) du fait de l’intérêt porté par ce mouvement à l’irrationnel, à l’inconscient et aux débordements pulsionnels (sexe, violence, etc.4). Selon eux, ces courants ont été réactualisés indirectement à travers certains styles, mouvements ou écoles cinématographiques dont le surréalisme, évidemment, mais aussi l’expressionnisme allemand, les feuilletons français à la Louis Feuillade, l’horreur gothique, les avant-gardes, etc. Plus encore, c’est dans la proximité naturelle du médium avec le rêve, la vision, l’hallucination, ces mondes intimes peuplés par nos fantasmes, que les auteurs perçoivent un espace intérieur extériorisé sur l’écran où, comme le note si justement le sociologue Edgar Morin, « le cinéma reflète la réalité, mais il est aussi autre chose, qui communique avec le rêve » (1956, p. 11).

3. Pour une étude plus pointue du concept, de ses variantes et de ses limites, voir l’incontournable essai Introduction à la littérature fantastique de Tzvetan Todorov (1970). 4. Une variante est la notion de fantastique social telle que développée par le romancier Pierre Mac Orlan (1928). L’auteur du Quai des brumes (1927) désigne ainsi une forme d’inquiétude provoquée par les transformations sociales dues à la modernité. Les éléments surnaturels sont absents et les figures monstrueuses d’antan, du vampire au fantôme, sont progressivement remplacées par des êtres humains comme Jack l’Éventreur. Il serait possible de rapprocher ce type de fantastique au genre théâtral du Grand-Guignol qui mettait en scène, à l’aide d’effets spéciaux élaborés, des récits ou des faits divers sanglants (crimes passionnels, meurtres en série, exécutions, etc.).

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Les images en mouvement sont dès lors un miroir réfléchissant nos passions inavouables, notre animalité irrationnelle et nos désirs les plus profonds dans un double mouvement d’identification et de projection, d’attraction et de rejet. La mise à nu de nos envies et sentiments serait, selon Tohill et Tombs, au cœur des cinémas consacrés à l’horreur et au sexe, dont le fantastique cinématographique représenterait la matrice originelle5. Cette pollinisation du sexe dans l’horreur, et vice-versa, amorcée dans les diverses manifestations cinématographiques du fantastique dès le début du siècle, atteint son apogée à la fin des années 1960 et au début des années 1970. Si une certaine modernisation des grands mythes horrifiques s’effectue un peu partout dans le monde dès la fin des années 1950 (pensons par exemple à la maison de production britannique Hammer, qui a pleinement joué la carte de l’érotisme et décloisonné l’hybridation des deux genres), ce sont plutôt les jeunes cinéastes européens, principalement français et espagnols, de la génération suivante qui osent mélanger frontalement sexualité et violence. Parmi ceux-ci, il y a Jess Franco, évoqué précédemment, mais aussi le regretté Jean Rollin, qui a notamment réalisé Le viol du vampire (1968), La vampire nue (1970) et (1971), en plus de nombreux films pornographiques sous le pseudonyme de Michel Gentil.

5. Bien entendu, les premières « vues » érotiques puis pornographiques sont apparues très rapidement après l’arrivée du cinématographe, libérant ­également tout un imaginaire fantasmatique. Mais la clandestinité imposée par la représentation graphique d’actes sexuels a immédiatement relégué ces bandes en marge de l’industrie cinématographique, imposant de facto une forme en apparence redondante et peu recherchée. Cela amène certains auteurs contemporains à établir un parallèle entre cette production illégale et le jugement toujours actuel qu’elle n’existe que pour satisfaire des besoins masturbatoires. C’est entre autres le cas du cinéaste et chercheur français Frédéric Tachou, qui mentionne que « la pornographie­ cinématographique résulterait suivant cette idée de l’interaction entre ­virtualité immanente et contrainte extérieure. Elle serait un produit défiguré et tronqué, un rebut. Ici, la fonction valorisée, c’est celle de l’offre, plus précisément celle d’un désir de réalisation, ou d’achèvement venant de l’intérieur du cinéma, mais qui serait empêché » (2013, p. 113).

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Plusieurs facteurs expliquent cette soudaine déferlante d’un cinéma pulsionnel qui va progressivement se libérer des contraintes du fantastique, donc de l’excuse du rêve, de la fable ou du conte, et bousculer les limites de la suggestion pour s’engouffrer dans les excès de la monstration. D’une part, le public toujours plus avide de sensations fortes, de frayeurs et d’excitation encourageait l’industrie à le surprendre en lui offrant de l’inédit et du spectaculaire. D’autre part, les nombreux bouleversements sociaux et contestataires de l’époque ont entre autres eu pour effet d’ébranler les piliers de la censure et d’ouvrir un nouvel espace fictionnel correspondant aux préoccupations et envies de la jeunesse. Deux événements contribuent plus particulièrement, du moins en Occident, à redéfinir les normes de représentation de la sexualité et de la violence : la révolution sexuelle et la guerre du Vietnam. La première transforme les rapports entre les sexes et fait voler en éclats les contraintes morales et religieuses qui ont trop longtemps emprisonné les désirs, bousculant par le fait même les lois sur lesquelles reposait la censure, tandis que les actualités en provenance de la deuxième révèlent sans filtre les conséquences directes de la guerre à travers ses images de corps mutilés, brûlés et démembrés. L’imaginaire collectif ne sera dès lors plus jamais le même. Les créateurs profiteront de cette ouverture pour repousser les limites de la monstration graphique du sexe et de l’horreur, territoires alors toujours tabous sur les écrans. Productions illégales jusqu’alors jugées immorales, les films pornographiques bénéficient au tournant des années 1970 d’une soudaine visibilité, passant de la clandestinité à la légalité dans plusieurs pays occidentaux. Communément appelés stag films, smokers ou films de bordel en référence à leur clientèle (masculine) et à leurs lieux de projection (maisons closes, confréries, salons, etc.), les films pornographiques et érotiques primitifs forment un corpus vaste et hétérogène que plusieurs spécialistes délimitent historiquement de 1895 à 19676. Avec les différentes révolutions,

6. Le lecteur curieux qui désire en savoir davantage sur ces films et leur esthétique peut se référer aux ouvrages de Frédéric Tachou ainsi que d’Al di Lauro et de Gerald Rabkin mentionnés dans la bibliographie.

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il était désormais possible de légitimer la nudité et l’acte sexuel au cinéma sans avoir recours à un contexte justificatif (les films d’hygiène, médicaux et éducatifs, les documentaires exotiques, le fantastique, le film noir, le cinéma expérimental, etc.) ou à la suggestion (les nombreuses métaphores, du train entrant dans un tunnel à la cigarette de la femme fatale). La vague pornographique hardcore balayant les écrans américains en 1972 et 1973 (Behind The Green Door des frères Jim et Artie Mitchell, The Devil in Miss Jones et Deep Throat de Gerard Damiano, Bijou de Wakefield Poole7, etc.) est l’exemple le plus frappant de ce retour du refoulé visuel. Ces productions ambitieuses ont, un instant, laissé espérer une véritable ouverture de l’industrie cinématographique au genre et un effacement des stigmates entourant cette forme artistique de discours sur le sexe8. D’ailleurs, de nombreux amateurs, de même qu’une partie du discours critique, considèrent les années 1970 comme étant l’âge d’or du cinéma pornographique. Il serait en effet aisé de croire que les quelques années entre la légalisation du genre et l’arrivée de la vidéo ne sont dans son histoire qu’une parenthèse au cours de laquelle la narrativité a été mise de l’avant au détriment de ses aspirations monstratives. La vidéo aurait signé l’acte de décès de ce bref à-côté créatif et provoqué de nombreuses transformations esthétiques, thématiques et narratives, dont les plus importantes seraient la disparition progressive des projections en salle,

7. Un film très important pour la communauté homosexuelle new-yorkaise a anticipé la vague pornographique lors de sa sortie en décembre 1971 : Boys in the Sand, également réalisé par Poole et mettant en vedette l’icône gaie Casey Donovan. Ce long métrage fut un succès critique et commercial hors du commun allant même jusqu’à bénéficier d’une critique dans le célèbre magazine Variety. 8. Cette ouverture a rapidement été confrontée à une série de mesures fiscales et législatives visant de manière détournée à en censurer la production. C’est notamment le cas en France avec l’infâme « classement X », soit une loi de finances introduite par décret le 30 octobre 1975, qui retire les subventions à la production pornographique en plus d’imposer une nouvelle taxation aux producteurs et aux salles de cinéma. Pour des études plus détaillées sur l’histoire de ce classement, voir les ouvrages de Bier et Vettier cités dans la bibliographie.

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le retour dans la sphère privée (le visionnage à domicile) ou underground de la pornographie (fanzines, réseaux de distribution parallèles, etc.), l’émergence de productions amateurs, l’abandon du récit et le retour à la simple présentation de l’acte sexuel. La production numérique et la diffusion en ligne ne seraient alors que le prolongement logique de ce processus et le juste retour aux origines constitutives de la pornographie audiovisuelle, qui consiste uniquement à montrer des actes sexuels. Rien de plus, rien de moins. Mais est-ce que l’intérêt et le propos de la pornographie se trouvent dans le modèle narratif hégémonique du cinéma ? Il semble que poser la question, c’est y répondre. Comme la sexualité, la violence qui était habituellement reléguée dans le hors-champ surgit brusquement dans le cadre. Un peu partout en Occident, les lois entourant la censure sont critiquées, défiées et, ultimement, modifiées ou abandonnées. Le succès de Psycho (Alfred Hitchcock, 1960) aux États-Unis avait déjà durement ébranlé le Motion Picture Production Code (mieux connu sous l’appellation de code Hays) qui était en place depuis les années 1930. Ce dernier reposait sur un processus d’autorégulation des studios et visait à censurer tout film qui aurait pu porter atteinte aux valeurs morales du public. Le code Hays était apparu en réponse, d’une part, à une série de scandales qui avaient secoué l’industrie hollywoodienne9 et, d’autre part, au déferlement incontrôlé d’images jugées répréhensibles dont la nudité et la violence (des nudies aux films de gangsters). Les critiques contre le code ont provoqué des réflexions et mené à son remplacement par le système de classement par âge en 1968, ouvrant par le fait même la porte au cinéma d’exploitation indépendant (horreur, sexploitation, etc.). Désormais, la représentation de la violence peut s’effectuer plus librement et les récits peuvent s’inscrire dans une trame réaliste plutôt qu’uniquement fantastique. Pensons à des longs métrages

9. La plupart de ces scandales sont l’objet de l’infâme livre à potins Hollywood Babylon (1959) du cinéaste expérimental Kenneth Anger (Inauguration of the Pleasure Dome, Lucifer Rising). L’un des plus célèbres est celui du viol et du décès de la comédienne Virginia Rappe pendant l’une des soirées de débauche de l’acteur Roscoe « Fatty » Arbuckle.

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phares comme Bonnie and Clyde (Arthur Penn, 1967), Night of the Living Dead (George A. Romero, 1968), The Wild Bunch (Sam Peckinpah, 1969), The Last House on the Left (Wes Craven, 1972), Last House on Dead End Street (Roger Watkins, 1973) ou The Texas Chainsaw Massacre (Tobe Hooper, 1974). Les corps sont criblés de balles, déchiquetés, éventrés, brûlés, découpés, écartelés, tronçonnés, profanés. Tous les sévices sont permis et, surtout, filmés sous tous les angles possibles, préférablement en gros plan. À la suite du succès dans le circuit des ciné-parcs de films précurseurs, dont ceux d’Herschell Gordon Lewis, une nouvelle forme de cinéma horrifique qui s’amuseà réduire les individus à leur plus simple matérialité apparaît progressivement : le gore. Ce livre porte sur deux genres cinématographiques, le gore et la pornographie10, qui s’imposent sur la scène publique à la suite de cette ouverture progressive dans l’exhibition du sexe et de la violence au cinéma. De nombreux articles et ouvrages se sont attardés à ces deux genres et plus particulièrement au rôle central qu’occupe le corps, à la fois du point de vue de la représentation et de l’identification. Toutefois, ces études se limitent pour l’essentiel, d’une part à la fonction du comédien, à cette délicate distanciation entre le personnage et l’acteur, et d’autre part, à la présence charnelle comme ancrage dans le « réel » et double affectif du spectateur. Nous proposons ici d’aller un peu plus loin et d’explorer l’une des particularités qui caractérisent leur mise en image du corps et qui font leur singularité. Par-delà l’évidente recherche d’une visibilité maximale, le gore et la pornographie

10. Notons ici que le terme « pornographie » peut poser problème. En effet, l’éclectisme de la production, ses nombreux publics et ses modes de distri- bution variés nous amènent à nous demander de quelle pornographie nous parlons. Hétérosexuelle, gaie, lesbienne, queer, LGBTQ+, BDSM, féministe ou non, éthique, underground, illégale ? Dans ce contexte, il serait probable- ment plus juste d’utiliser le pluriel : les pornographies, ou encore un terme englobant, le pornographique, afin de prendre en compte tous les différents univers fantasmatiques et représentationnels qui la constituent. Afin ­d’éviter les malentendus et sauf lorsque précisé, nous utiliserons ces différentes formules tout au long du texte pour désigner l’ensemble du genre.

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sont les deux seuls genres à insister quasi systématiquement — en gros plan — sur l’éjection des fluides corporels, particulièrement le sperme et le sang11. Les fluides corporels sont les différentes substances liquides ou semi-liquides sécrétées ou rejetées par le corps humain. Parmi celles-ci, nommons le sang, le sperme, les menstrues, les sécrétions vaginales, la salive, la sueur, le pus, les larmes, le liquide amniotique, le lait maternel, l’humeur aqueuse, l’urine, les vomissures et les excréments12. Tous ces fluides ne sont pas nécessairement présents dans le gore et la pornographie, mais ils occupent une place centrale dans la monstration du sexe et de la violence. Cette obsession pour les fluides distingue ces deux genres et constitue une partie de leur intérêt. C’est aussi pourquoi ils sont paradoxalement souvent incompris et critiqués. En effet, elle dévoile une attitude face au corps qui dépasse la simple participation affective pour rejoindre l’espace symbolique et, par le fait même, les grands questionnements existentiels. Elle est au cœur des recherches esthétiques qui flirtent par instants avec l’abstraction, d’une économie narrative qui traduit en apparence une vacuité astreignant à la pure exploitation et, finalement, du pouvoir médusant d’identification qui se dégage des deux genres. Pourquoi ? Comment ? Quelle signification pouvons-nous en tirer ? L’hypothèse qui sera déployée au fil des pages est que l’exhibitionnisme spectaculaire des fluides corporels exprime un rapport trouble, voire haineux, au corps. Leur exposition, fétichisée par le gros plan, agit comme un révélateur de la relation ambiguë que le sujet, le spectateur ou son double cinématographique (les

11. De manière similaire, la linguiste française Agnès Pierron qualifie le Grand- Guignol de théâtre des 3 S : sang, sueur et sperme (1995). 12. Bien que d’ordinaire solides, les excréments sont généralement inclus dans les listes consultées et ils sont traités de manière similaire en tant que déchets du corps. Pour une liste exhaustive, voir The RE/Search Guide to Bodily Fluids (Spinrad, 1999) et Variations scatologiques. Pour une poétique des entrailles (O’Neill, 2005).

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personnages auxquels il s’identifie ou non), entretient avec son enveloppe charnelle dans la culture occidentale caractérisée par son imaginaire judéo-chrétien imprégné de la philosophie cartésienne et de son dualisme opposant le corps et l’esprit. La peau est une barrière entre l’intérieur et l’extérieur que l’on découpe cinématographiquement (le montage, les plans, etc.), quand ce n’est pas littéralement comme dans le gore, afin d’en observer toutes les aspérités, convulsions, spasmes et mouvements. « Corps performance » pornographique ou « corps matière » gore, il est soumis à une « frénésie du visible » puisqu’il est l’objet principal du regard de la caméra et du spectateur. Ultimement, le problème majeur révélé par cette insistance sur le corps serait que celui-ci est jugé désuet et non performant. Ce sont les nombreux enjeux anthropologiques, sociologiques, psychologiques et symboliques soulevés brièvement ici qui seront abordés de près ou de loin dans cet ouvrage à travers l’analyse filmique de la représentation des fluides corporels. Objets de dégoût et de fascination, ils sont l’expression d’une angoisse existentielle que le gore et la pornographie nous obligent insidieusement à confronter… Mais, tout d’abord, définissons.

9782895024224_CorpsSouille_final.indd 19 19-02-15 09:37 9782895024224_CorpsSouille_final.indd 20 19-02-15 09:37 RÉFÉRENCES

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9782895024224_CorpsSouille_final.indd 150 19-02-15 09:37 Avant-propos 9 Introduction 11 Indétermination et monstration 21 L’art de la parenthèse 31 L’insoutenable monstruosité des corps 41 La douce obsession du gros plan 47 Faux-semblants / artifice(s) 59 Le corps humain comme effet spécial 71 Le corps matière gore 79 Le corps performance pornographique 91 Altérité(s) corporelle(s) 109 La peau comme frontière 111 Métamorphoses 119 Angoisse, fluides, abjection 125 Contamination 129 Le corps humain : objet de dégoût et de fascination 137 Longue vie à la nouvelle chair 139 Références 145

9782895024224_CorpsSouille_final.indd 151 19-02-15 09:37 9782895024224_CorpsSouille_final.indd 152 19-02-15 09:37 Dans la collection « L’instant ciné » : Le cinéma, âme sœur de la psychanalyse, sous la direction de Marcel Gaumond, illustrations de Geneviève Ousset, 2005. L’oreille coupée et autres scénarios d’André-Philippe Côté et Mira Falardeau, 2007. Le cinéma de répertoire et ses mises en scène d’H-Paul Chevrier, 2012. Cinémas du monde. Toute image est porteuse d’un point de vue de Gilles Marsolais, 2012. Le cinéma du XXIe siècle. Des hommes et des femmes à la recherche de leur âme perdue, sous la direction de Marcel Gaumond, illustrations de Geneviève Ousset, 2016. Le cinéma québécois par ceux qui le font de Martin Gignac et Jean- Marie Lanlo. Discussions avec Érik Canuel, Catherine Martin, Charles- Olivier Michaud, Noël Mitrani, Kim Nguyen et Rafaël Ouellet, 2016. Le cinéma québécois au féminin de Céline Gobert et Jean-Marie Lanlo. Discussions avec Sophie Deraspe, Jessica Lee Gagné, Izabel Grondin, Isabelle Hayeur, Nicole Robert, Chloé Robichaud et Ségolène Roederer, 2017. Le film choral. Panorama d’un genre impur de Maxime Labrecque, 2017. Frankenstein lui a échappé. Les tourments cinématographiques d’un mythe moderne d’André Caron, 2018.

9782895024224_CorpsSouille_final.indd 153 19-02-15 09:37 collection Éric Falardeau Éric Falardeau

Avec Le corps souillé, Éric Falardeau s’intéresse à deux genres cinématographiques souvent méprisés (le gore et la pornographie), et plus particulièrement à ce qui les unit : LE CORPS SOUILLÉ l’exhibitionnisme spectaculaire des fluides corporels, qui exprime selon lui un rapport trouble, voire haineux, au corps. Gore, pornographie et fluides corporels Leur exposition, fétichisée par le gros plan, agit comme un révélateur de la relation ambiguë que le sujet, le spectateur ou son double cinématographique (les personnages auxquels il s’identifie ou non), entretient avec son enveloppe charnelle. Le corps souillé permet à l’auteur d’aborder différents enjeux (anthropologiques, sociologiques et psychologiques) à travers l’analyse de la représentation des fluides corporels. Objets de dégoût et de fascination, ils sont l’expression d’une angoisse existentielle que le gore et la pornographie nous obligent insidieusement à confronter.

Éric Falardeau est doctorant en communication et enseigne le cinéma à Montréal. Ses recherches portent sur le cinéma pornographique. Il a réalisé le long métrage culte Thanatomorphose (2012) qui a remporté une dizaine de prix dans les festivals internationaux. Il a codirigé avec Simon Laperrière le collectif Bleu Nuit. Histoire d’une cinéphilie LE CORPS SOUILLÉ Nocturne (Somme Toute, 2014). En 2017, il a publié Une histoire des effets spéciaux au Québec (Somme Toute). Il prépare son deuxième long métrage.

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