La Transgression Dans L'œuvre De David Cronenberg
Total Page:16
File Type:pdf, Size:1020Kb
Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne Ecole doctorale Arts plastiques, esthétique et sciences de l'art Thèse pour l'obtention du grade de docteur de l'Université Paris 1 Présentée et soutenue publiquement par : Fabien Demangeot La transgression dans l'œuvre de David Cronenberg Directeur de thèse : M. Vincent Amiel, Paris 1 Jury : M. Vincent Amiel, professeur des Universités, Paris 1 Mme Raphaëlle Moine, professeure des Universités, Paris 3 M. Anthony Fiant, professeur des Universités, Rennes 2 M. David Roche , professeur des Universités, Toulouse Jean Jaurès M. David Vasse, Maître de conférence, Université de Caen-Normandie 1 2 Remerciements Je tiens, tout d'abord, à remercier Vincent Amiel pour sa disponibilité et ses précieux conseils qui m'ont permis de mener à bien ce travail de recherches. Je remercie également mes parents et ma grand-mère pour leur soutien et leur aide durant ces trois années. 3 Table des matières Remerciements........................................................p. 3. Table des matières simplifiée...................................p. 4. Résumé/Abstract.......................................................p. 5-6. Introduction................................................................p. 7-34. Partie 1 : Transgresser la morale.................................p. 35-193. Partie 2 : Transgresser le corps....................................p. 194-322. Partie 3 : Transgresser le réel.......................................p. 323-438. Partie 4 : Transgresser le cinéma..................................p. 439-551. Conclusion.....................................................................p. 552-578. Bibliographie..................................................................p. 579-605. Filmographie...................................................................p. 606-632. Table des matières détaillée.............................................p. 633-637. 4 Résumé Totalement érigée autour de la question de la transgression, l' œuvre cronenbergienne, en exposant des comportements considérés comme déviants ainsi que des modes de sexualités allant à l'encontre des modèles normatifs propres à la culture mainstream, semble difficilement catégorisable. À la fois à l'intérieur et à l'extérieur du système hollywoodien, le réalisateur de La Mouche joue avec les codes génériques les plus éculés pour en proposer une véritable alternative. De ses débuts dans le cinéma underground, avec des œuvres telles que Stereo et Crimes of the future, à ses films les plus ''grand public'', comme A History of Violence et Les Promesses de l'ombre, le cinéaste a toujours mis à mal les horizons d'attentes de ses spectateurs. La transgression, chez Cronenberg, ne se résume cependant pas à la seule représentation de la violence et de la sexualité. Elle est un élément structurel majeur qui lui permet de garder une certaine singularité tout en évitant la redite. Comme nous le verrons, tout au long de cette étude, David Cronenberg, bien qu'il se soit progressivement détaché du genre du ''body horror'', s'est toujours intéressé aux mêmes thématiques que celles-ci touchent le corps, l'esprit, la famille ou encore la science. En allant jusqu'à adapter des œuvres littéraires jugées inadaptables (Le Festin Nu, Crash et Cosmopolis), le cinéaste a également exposé son désir d'abolir les frontières entre les arts. Mêlant ses obsessions personnelles à celles d'autres artistes, Cronenberg confère à son œuvre un caractère hybride que viennent métaphoriser les innombrables corps mutants qui peuplent ses films. Cette étude sera structurée autour des quatre grandes formes de transgression constitutives de son œuvre : la morale, le corps, le réel et le cinéma. Il s'agira de montrer que la transgression, loin d'être un simple artifice, est la composante essentielle d'une œuvre qui n'a jamais cessé de se déconstruire pour mieux se réinventer. Mots-clés :Cinéma-transgression-sexualité-hybridation-genre-mutation-monstruosité-fantasme- réalisme-David Cronenberg. 5 Abstract Entirely built around the issue of transgression, Cronenberg's work, by exposing behaviors considered as deviant, as well as modes of sexuality going against normative models proper to mainstream culture, seems difficult to categorize. Both inside and outside the Hollywood system, the director of The Fly plays with the most hackneyed generic codes to offer a real alternative. From his beginnings in underground cinema, with works such as Stereo and Crimes of the Future, to his most 'mainstream' films, such as Eastern Promises, the filmmaker has always diverted the expectations of its spectators. However, Cronenberg's transgression is not just about portraying violence and sexuality, it is also a major structural element that allows it to keep a certain singularity while avoiding repetition. Although, David Cronenberg gradually detached himself from the genre of "body horror", as we will see throughout this study, he has always been interested in the same themes that affect the body, mind, family or even science. By going so far as to adapt literary works deemed unadaptable (Naked Lunch, Crash and Cosmopolis), the filmmaker also exposed his desire to abolish the boundaries between the arts. Cronenberg gives his work a hybrid character that metaphorize the innumerable mutant bodies that populate his films by mixing his personal obsessions with those of other artists. This study will be structured around the four major forms of transgression that constitute his work: morality, body, reality and cinema. It will be necessary to show that the transgression, far from being a mere artifice, is the essential component of a work that has never ceased to be deconstructed to better reinvent itself Keywords:Cinema-transgression-sexuality-hybridization-gender-mutation-monstrosity-fantasy- realism-David Cronenberg. 6 Introduction Le verbe transgresser vient du latin transgredi qui signifie aller au-delà. L'au-delà désigne une limite qu'il ne faut pas franchir, une forme d'interdit qui appelle forcément l' infraction. Cet interdit, pour reprendre les propos tenus par Georges Bataille, dans L'Erotisme, est là pour être violé. Il ne peut d'ailleurs y avoir de transgression sans lois, sans principes à la fois institutionnalisés et intériorisés. Ainsi, en 1795, dans Métaphysique des mœurs, Emmanuel Kant définissait la transgression comme un fait ou une action contraire au devoir qui, quand elle est délibérée, se nomme un crime. L'épreuve de la transgression représenterait un véritable défi à l'obéissance imposée par les autorités les plus absolues que celles-ci soient d'ordre éthique, politique ou religieux. Le désir de transgression repose sur ce que Roger Caillois, dans son ouvrage L'Homme et le sacré, nomme « l'ambiguïté du Sacré »1. Le Sacré, pour Caillois, se partage entre pouvoir d'institution et de transgression, entre respect de l'interdit et fête destructrice. Si l'on ôte au terme Sacré une part de son sémantisme premier, nous nous retrouvons face à une définition beaucoup plus large de l'idée de sacralité. Le Sacré désigne ce qui est inaccessible, impossible, hors- du-monde et de notre expérience. Bien qu'il puisse être considéré comme un concept abstrait et immatériel, il représente aussi des instances éthiques et juridiques auxquelles l'Homme peut choisir ou non d'adhérer. De par les limites qu'il impose, le Sacré appelle la transgression. Il en constitue même les fondements. Depuis bien longtemps l’Homme est travaillé par le désir d'aller à l'encontre de sa propre condition, de sortir du carcan déterministe institué par la société dans laquelle il évolue. La mythologie regorge d'exemples abondant dans ce sens. L'homme, en recherchant l'expérience du Sacré, est condamné à perdre une part de ses privilèges. Que l'on songe à Adam et Ève, chassés du Paradis après avoir croqué dans la pomme, à Prométhée, le voleur de feu, 1 Roger Caillois, L'Homme et le sacré, Paris, Gallimard, 1950 . 7 condamné à avoir le foie dévoré indéfiniment par un vautour ou encore à Orphée qui, en se retournant sur le Styx, perdit à tout jamais sa femme : il n'y a que très rarement de transgression sans punition. Punir un acte transgressif reviendrait donc à instituer un caractère moral au concept même de transgression. Dans une perspective purement ontologique, la transgression n'existerait pas au-delà des notions de moralité et d'immoralité profondément ancrées dans la conscience de l'individu. En effet, contrairement à l'animal, l'homme est borné parce que sa limite appartient à son être, ce qui lui interdit de sortir de ses limites et de transgresser quoi que ce soit. Dans La littérature et le mal, Bataille était revenu sur le caractère ambigu de la notion de limite qui appelle forcément un franchissement, c'est-à-dire une transgression : Les hommes diffèrent des animaux en ce qu'ils observent des interdits, mais les interdits sont ambigus. Ils les observent, mais il faut aussi les violer. La transgression des interdits n'est pas leur ignorance : elle demande un courage résolu. Le courage nécessaire à la transgression est pour l'homme un accomplissement.2 Les interdits auxquels fait allusion Bataille sont de différentes sortes. La transgression ne se borne pas à des questions d'ordre moral, elle est multiple, protéiforme et peut même, dans certains cas, être valorisée. Si la transgression est parfois synonyme d'accomplissement, il est également possible de penser la notion d'interdit en des termes négatifs. Transgresser peut donc s'avérer salvateur pour l'individu comme l'attestent les propos tenus par Vincent