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Québec français

Le dur désir de durer Gilles Perron

La francophonie dans les Amériques Numéro 154, été 2009

URI : https://id.erudit.org/iderudit/1848ac

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Éditeur(s) Les Publications Québec français

ISSN 0316-2052 (imprimé) 1923-5119 (numérique)

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Citer ce compte rendu Perron, G. (2009). Compte rendu de [Le dur désir de durer]. Québec français, (154), 156–157.

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Le dur désir de durer

r Gilles Perron

Sentiments humains Le soleil est sorti la chanson éponyme), la plupart des chan­ Pierre Lapointe Daniel Boucher sons expriment une sérénité lucide devant Audiogram, 2009 Boucane bleue / GSI musique, 2008 la ligne courbe du quotidien : « La vie qu'on Sorti de sa forêt des mal-aimés, Pierre Après le succès de Dix mille matins avait ° La vie qu'on a pus ° La vie nous Lapointe revient en ville avec une explora­ (1999), qui l'a inscrit (trop) rapidement arrive ° La vie continue » (« La vie comme tion des Sentiments humains, un troisième parmi les grands, son deuxième album, La une vue »). Et si je ne devais retenir qu'une disque au confluent des deux premiers. patente (2004), avait quelque peu refroidi chanson pour vous convaincre d'aller y Il y a encore le côté pop du second dans les ardeurs d'un certain nombre de ses faire un tour, ce serait « Sans ma mie », la quelques chansons, mais il y a surtout le admirateurs, qui n'y reconnaissaient pas plus belle démonstration de la couleur uni­ côté classique, dans le piano et le chant, entièrement sa voix et sa manière. Le soleil que du talent poétique de Daniel Boucher : qui avait marqué le ton de son premier. est sorti, son troisième disque seulement en « Sans ma mie, sans ma miellé ° J'ai la vie La mise en valeur constante de du neuf ans (si on exclut les albums en specta­ qui vire crécelle ° J'ai le dément qui m'ap­ chanteur place le texte à l'avant-plan, sans cle), permettra de réconcilier les acheteurs pelle ° J'ai le maintenant qui chancelle ». jamais cependant faire oublier ses qua­ des deux précédents. L'écriture musicale de lités indéniables de mélodiste. Lapointe Boucher y garde son originalité et, surtout, Soudure mexicaine reste le dandy un peu hors du temps qui on le sent en pleine maîtrise de son uni­ Hugo Fleury lui sert d'alter ego, avec un côté romanti­ vers langagier bien personnel, fait de néo- Pomme Zed, 2008 que et sombre plus appuyé qui ressort dans logismes et d'inversions syntaxiques, dans Si la dissolution de Polémil Bazar était une chanson comme « Au bar des suici­ un registre populaire pleinement assumé : une mauvaise nouvelle, le retour d'Hugo dés » ou dans les images violentes de sa « Coudonc, Monsieur Wabo Hibou ° Te Fleury en solo pourra sûrement la faire naissance dans « L'enfant de ma mère » : ferais-tu du jouage de game ? ° D'être oublier, puisque ce dernier en était plus « J'ai frappé contre le mur ma tête ° J'es­ toi-même te priverais-tu beaucoup ? ° Te que la voix, écrivant paroles et musi­ père qu'elle éclatera ° Le sang de ma mère ferais-tu carême ? » (« Perles-tu ? »). Avec ques pour le groupe. Le premier disque tapisse mes bras ° Elle a donné naissance des sonorités musicales qui ne sont pas sans de Fleury sous son nom propre prolonge à celui qui sera moi ». Même porté par des rappeler les années 1970 (entre autres dans effectivement son ancien bazar : il y chante musiques légères, voire apaisantes, son univers reste inquiet, et le bonheur n'est jamais acquis : « Tu craches de ta bouche tous tes éclats de rire ° Pour oublier le bon­ heur et la joie que tu n'as pas » (« Coulent .- *U>*r** -ira» »W» OVtX les rires »). Il nous prévient d'ailleurs, sur un air de piano dont on ne se méfie pas : « Ne faites jamais confiance aux étoiles ° Qui vous disent que tout ira bien » (« Les lignes de ma main »). Sombres, les Sen­ timents humains de Lapointe ? Peut-être. ,(»»»l«"'' Mais magnifiquement.

156 Québec français 154 | ÉTÉ 2009 toujours avec la même vivacité, et porte nologique, des Insomniaques s'amusent à encore le même regard sévère sur l'état du L'échec du matériel. Le deuxième contient monde, se plaçant du côté de la nécessaire une dizaine de chansons, dont neuf iné­ résistance individuelle : « Et c'est pas de dites et une nouvelle version d'« Impar­ sitôt ° qu'on me verra marcher ° dans les fait ». De ces chansons, fonds de tiroir de normes ° marcher dans l'énorme ° trou­ valeur inégale, les deux premières (« Jamais peau » (« L'étau »). Il se moque de la radio content » et « C'est la loi »), énergiques, populaire dans « CNUL FM - Circulation » ne me convainquent pas : blues et rock, (« CNUL FM, nouvelle antenne ° Rien que dans la tradition du genre, sans plus, elles du Top Ten, les tounes que t'aimes ° On lèvent sans doute mieux en spectacle. Mais les fait tourner juste pour toi ° Deux cents la suite vaut le coup : c'est du Bélanger pre­ fois par semaine »), puis dans « CNUL FM mière manière, celui qu'on a aimé, intou­ - Nouveautés », où il verse dans l'autodé- chable et immortel. Les chansons « En rision (« Paraît qu'c'est l'ex-chanteur ° de ce monde » ou « Étreintes », entre autres Polémil Bazar ° un groupe français ° des réussites, nous rappellent que la guitare de 1994, pour le vingtième anniversaire de années quatre-vingt ° qui a pas tellement Daniel Bélanger donne, en même temps leurs débuts). Sur chacun des ces disques, marché ° dont personne se souvient »). Le que sa voix, la valeur de sa signature. En ces on retrouve, selon la pratique bien établie disque d'Hugo Fleury rappelle donc son temps inquiets, celui qui, « a le sang d'un dans les rééditions jazz, des chansons addi­ groupe, dans le ton et dans le son, s'ouvrant poète » (« Le dernier souffle »), nous rap­ tionnelles, quelques inédites, mais surtout sur l'accordéon festif d'un « Club Med » pelle l'importance de protéger ce qui pour des enregistrements alternatifs des mêmes à l'image du monde où il vaut « mieux l'heure, est encore accessible : « On ira voir chansons. Ces ajouts, peu transcendants, s'attendre au pire », pour évoluer vers des le soleil ° Se lever sur la mer ° On fera faux ont tout de même une intéressante valeur arrangements plus rock, faisant un peu bond ° À l'économie » (« Soleil gratuit »). de curiosité. Plus intéressants sont les deux plus de place à la guitare, comme dans DVD qui regroupent près de cinq heu­ la chanson-titre « Soudure mexicaine », L'album de famille res d'enregistrement : entrevue avec Lise dénonciation claire de la prédominance Beau Dommage Payette ( 1975), spectacle au Jardin des étoi­ des solutions à court terme : « Une sou­ EMI, 2008 les (1975), spectacles au Forum (1984 et dure mexicaine ° juste pour que ça tienne ° Avec Beau Dommage, on a pris l'habi­ 1995), spectacles aux FrancoFolies (1992 en attendant qu'on trouve l'argent ° pour tude de se rappeler tous les cinq ans l'arri­ et 2005), portrait du groupe à l'occasion faire réparer l'bobo ». Le disque de Fleury, vée du groupe en 1974 : il y a donc 35 ans de l'enregistrement du disque de 1994. Le au contraire, est solide et tient sans faillir cette année que les Beatles du Québec ont tout est complété par un cahier soigné, avec du début à la fin. connu leurs premiers succès. Si la Reine textes des chansons et images d'archives, a déjà anobli Sir Paul, les membres de à l'intérieur de la pochette. L'album de Joli chaos Beau Dommage ont reçu, le 28 avril der­ famille de Beau Dommage, c'est un beau Daniel Bélanger nier, la Médaille d'honneur de l'Assemblée cadeau à offrir (ou à s'offrir), c'est un agréa­ Audiogram, 2008 nationale pour souligner leur « contribu­ ble voyage dans le passé et dans le présent, Daniel Bélanger avait envie de réu­ tion remarquable au patrimoine culturel avec l'assurance tranquille que la famille nir des chansons écrites au fil du temps et artistique du Québec ». La parution de et ses airs seront encore là pour un bout mais jamais enregistrées ; son éditeur et L'album de famille souligne également de de temps. D frère Michel souhaitait lancer une compi­ manière éclatante cette contribution musi­ lation. Cela a donné Joli chaos, un album cale. L'album, reproduisant le format des Cégep Limoilou double, dont le premier disque reprend disques en vinyle, inclut sur CD les cinq le parcours de Bélanger, les 19 chansons disques originaux du groupe (dont le cin­ retenues étant alignées dans l'ordre chro­ quième était celui des retrouvailles, en

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