23.03.2017 20:00
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2017 20:00 23.03.Grand Auditorium Jeudi / Donnerstag / Thursday Grands chefs Gustav Mahler Jugendorchester Daniel Harding direction Christian Gerhaher baryton Alban Berg (1885–1935) Fünf Orchesterlieder. Nach Ansichtskarten-Texten von Peter Altenberg op. 4 (1912) N° 1: «Seele, wie bist du schöner» N° 2: «Sahst du nach dem Gewitterregen» N° 3: «Über die Grenzen des All» N° 4: «Nichts ist gekommen» N° 5: «Hier ist Friede» 11’ Franz Schubert (1797–1828) Alfonso und Estrella D 732 (1822) «Der Jäger ruhte hingegossen» «Sei mir gegrüßt, o Sonne» 16’ — Anton Bruckner (1824–1896) Symphonie N° 5 B-Dur (si bémol majeur) WAB 105 (1875/76–1877/78) Introduction: Adagio – Allegro Adagio: Sehr langsam Scherzo: Molto vivace (schnell) – Trio: Im gleichen Tempo Finale: Adagio – Allegro 81’ Trois Autriches Œuvres de Berg, Schubert et Bruckner Hélène Pierrakos Un chahut pour un chef-d’œuvre Si l’année 1913 reste, dans les mémoires des amateurs de scandales, comme celle de la création parisienne pour le moins tumultueuse du Sacre du Printemps de Stravinsky, on oublie le plus souvent qu’un autre grand tollé public accueillit deux mois auparavant, au Musikverein de Vienne, la création des « Altenberg Lieder » d’Alban Berg sous la direction de Schönberg. La soirée se transforma en une telle bataille entre admirateurs et détracteurs de l’œuvre que la présentation des Kindertotenlieder de Mahler, également au programme, fut purement et simplement annulée. Fortement refroidi par l’expérience, Berg, par la suite, se garda bien de repro- grammer le cycle... Comment expliquer un tel accueil ? Peut-être d’abord par l’éton- nante disproportion entre un orchestre monumental (dont une impressionnante section de percussions) et une durée minimaliste pour chacun des lieder, même si le premier et le dernier lied se voient un peu plus développés, comme pour encadrer efficacement l’ensemble. Bien que l’œuvre porte le numéro d’opus 4, Berg a en réalité déjà composé à cette date plusieurs dizaines de lieder non édités, ainsi que les Vier Lieder op. 2, mais c’est la première fois qu’il choisit d’accompagner des lieder par un orchestre. Malgré la taille de celui-ci, l’écriture en est ciselée et quasi miniaturiste, chacun des cinq lieder proposant un mode d’écriture particulier – ce qui n’étonne pas de la part du grand amateur de formes que fut toujours Alban Berg (voir en particulier le choix de formes musicales éprouvées pour les différentes scènes de ses deux opéras, Wozzeck et Lulu). Le premier lied use ainsi du procédé de l’ostinato ; 4 Peter Altenberg en 1907 Banque de Luxembourg, société anonyme, 14 boulevard Royal, L-2449 Luxembourg - RCS Luxembourg B5310 Luxembourg - RCS Luxembourg L-2449 Royal, boulevard 14 anonyme, société Banque de Luxembourg, le lied N° 3 se présente comme une forme en arche ; le dernier s’inscrit dans le modèle de la passacaille. Mais c’est peut-être surtout l’expressionnisme atonal de Berg pour ce cycle de lieder qui heurta en premier lieu les oreilles les plus conventionnelles. D’autant que les poèmes en prose de Peter Altenberg, inspirés par des cartes postales, se présentent également comme des aphorismes pour le moins énigmatiques et juxtaposent des images assez hétéroclites. Le modèle esthétique du cycle pour- rait être les Fünf Orchesterstücke op. 16 de Schönberg ou encore les Sechs Orchesterstücke op. 6 de Webern – deux ensembles caractérisés par le même fascinant contraste entre ampleur orchestrale et brièveté. En amont, c’est aussi le métier d’un Mahler, grand maître lui aussi du miniaturisme et d’une écriture impressionniste dans des cadres symphoniques colossaux, qui se reflète en partie dans le cycle des « Altenberg Lieder » de Berg. Schubert, du lied à l’opéra Composé par Schubert en 1822 sur un livret de Franz von Schober, Alfonso und Estrella est de ces œuvres lyriques de Schubert qui Pour nous, le mécénat n’ont pas connu le succès du vivant de leur auteur. Alfonso und Estrella ne sera en effet créé qu’en 1854 à Weimar, près de trente c’est offrir notre soutien à ceux ans après la mort du compositeur. qui offrent la musique à tous. « Der Jäger ruhte hingegossen », aria du vieux Froila à l’acte II de l’opéra, se présente dans toute la splendeur paisible d’un air de sommeil ou d’une berceuse. On pense aux plus beaux lieder schubertiens sur le thème de la nuit (Nacht und Träume) et on y trouve, comme souvent dans les lieder de Schubert, le même La Fondation EME – Ecouter pour Mieux s’Entendre procédé d’animation de la paix initiale par un accompagnement donne accès à la musique aux personnes qui en sont généralement exclues. qui se densifie progressivement. Quant à l’inspiration harmonique, En tant que membre fondateur, notre soutien ne se limite pas à un apport financier. elle est également ici du plus grand Schubert : passage du majeur Nos réseaux et les compétences de nos équipes permettent à la Fondation au mineur, modulations inattendues, créant des effets de lumière particuliers. L’amateur du Winterreise de Schubert y reconnaîtra, de développer et de pérenniser ses initiatives. au centre de l’air, le thème mélodique du lied N° 19 du cycle, « Täuschung » (Tromperie). www.banquedeluxembourg.com Tél.: 49 924 - 1 BDL_phil_programm115x175_mai2016.indd 2 17/08/16 11:38 Franz Schubert en 1825 Portrait de Wilhelm August Rieder « Sei mir gegrüßt, o Sonne » est également un air de Froila (acte I). Le caractère en est nettement plus dramatique, l’orchestre plus fourni et les effets tragiques de la longue introduction plus spectaculaires. Mais c’est qu’il s’agit ici d’une véritable aria en plusieurs sections contrastées, dans la plus pure tradition de l’opéra romantique. L’apparition de la voix saluant le soleil se fait sur un mode méditatif et paisible, en étrange disharmonie avec l’intro- duction orchestrale de l’aria. Le caractère un peu litanique de l’air, en son début, va laisser place à l’expansion d’un lyrisme plus affirmé, et pour la dernière section à un ton très passionnel. Bruckner, entre inquiétude et plénitude L’œuvre symphonique de Bruckner est celle d’un homme de foi qui fut aussi organiste (d’abord à Saint-Florian, près de Linz, puis à la Cour de Vienne à la fin de sa vie), et auteur d’une importante production chorale religieuse (notamment de motets et messes). L’expérience de l’orgue comme celle de l’écriture chorale, chez lui, marquent en profondeur la création symphonique, comme la Symphonie N° 5 le montre clairement. Des neuf symphonies, la 8 Cinquième est, avec la Huitième, l’une des deux plus amples, véritables cathédrales sonores – en durée comme en effectif instrumental (avec en particulier un important pupitre de cuivres). Contrairement à plusieurs autres symphonies du compositeur, la Cinquième ne donna lieu à aucun remaniement. Conçue en 1875, achevée trois ans plus tard, elle ne sera créée qu’en 1894 (dans une version non intégrale), deux ans avant la mort de Bruckner. À la tribune L’écriture orchestrale évoque la registration de l’orgue, instrument fondateur de toute la création brucknérienne, en proposant des blocs instrumentaux clairement distincts. Et c’est le travail sur les tessitures (les hauteurs) qui installe peu à peu une impression de religiosité : on a par exemple souvent l’impression que Bruckner oppose régulièrement le suraigu et le très grave, sans véritable strate intermédiaire, comme pour représenter l’opposition entre l’‹ éthéré › et les ténèbres, ou bien entre la foi et l’anxiété. Comme souvent chez Bruckner, on perçoit aussi toute une fascination pour l’esthétique de la musique de la Renaissance – effets ‹ stéréophoniques › à la Gabrieli, utilisation des cuivres telles des ‹ sonneries › de musique ancienne. Ce travail de la matière orchestrale par l’organiste accompli qu’était Bruckner va de pair avec une utilisation du silence pour rythmer sa pensée, à l’image des respirations d’un choral a capella, dans lequel un point d’orgue clôt chaque segment de la phrase. C’est aussi ce retour périodique du silence qui permet au compositeur d’utiliser le pouvoir expressif de la résonance… Bruckner donne ici l’impression d’explorer le temps dans deux dimensions différentes. Celle de l’artiste féru de musique d’église et de contrepoint, qui érige ses grandes charpentes comme pour affirmer un dogme religieux. Et celle du symphoniste romantique, aux prises avec la richesse et la polychromie du grand orchestre, et qui cherche à peindre un tableau plus complet, mais aussi plus tourmenté et plus ambigu. 9 Un oratorio symphonique L’Introduction (Adagio – Allegro), avec la scansion des pizzicati qu’elle installe aux violoncelles et contrebasses et l’énoncé immé- diat d’un chant plein de ferveur, par les tenues des violons, évo- quant quelque chant de pèlerins en marche, la sonnerie pleine de grandeur des cuivres qui lui succède – tout cela semble installer un à un tous les ingrédients destinés à suggérer non seulement le ton de la symphonie dans son entier, mais son style, sa substance et presque son message particulier. Grand oratorio beethovénien dans ses accents, œuvre aux dimensions d’une cathédrale et au contenu philosophique – les mots peinent à suggérer ce que la musique en réalité suggère parfaitement. Bruckner propose en somme une introduction qui est tout à la fois une architecture pleine de force et de splendeur et une séquence première qui pro- pose à l’auditeur non seulement de s’installer dans une attente captivante mais surtout d’accepter un déroulement du temps spé- cifique, non concis, si l’on veut, mais suprêmement efficace. On peut d’ailleurs saisir par là tout ce que la façon de commencer une œuvre, chez un grand compositeur tel que Bruckner, est sus- ceptible de signifier et la façon dont « un certain début » guide l’auditeur vers un certain mode expressif – ici : patience et lon- gueur de temps, pourrait-on dire un peu cavalièrement… Kaléidoscope Le deuxième mouvement (Sehr langsam – très lent) présente à nou- veau un premier thème (au hautbois solo) sur un fond de pizzicati, proposant ainsi une nouvelle scansion, comparable à une réitération du rituel installé au début du premier mouvement.