Stratégies territoriales, mode de régulation et gouvernance durable dans le Sahara Atlantique marocain: Cas de Dakhla et de Tarfaya

BEN ATTOU. Mohamed: Enseignant chercheur, Université Ibn Zohr-Agadir et BOUMATA. Saïd, Doctorant affilié au Laboratoire LRMECSS

Résumé :

L’article est un essai sur les différents positionnements d’une gouvernance territoriale fortement insérée dans les changements sociopolitiques et économiques d’un Etat-providence devenue entrepreneurial et porteur d’un projet territorial et d’un nouveau mode de développement stratégique. A travers le cas de deux villes différemment insérés dans la dynamique territoriale, nous essayons de mesurer l’impact des changements et des articulations territoriaux.

Mots-Clés : Sahara atlantique, Dakhla, Tarfaya, Etat, Gouvernance territoriale, Modèle de développement, Changements. ملخص: االستراتيجيات الترابية ونموذج التنميط والحكامة المستدامة بالصحراء األطلنطية المغربية : حالة الداخلة وطرفاية انمقال عباسة عه محاونت نشصذ انمىاقف انمختهفت نهحكامت انتشابيت انمشتبطت بقىة بانتغييشاث انسياسيت واالجتماعيت واالقتصاديت نهذونت انتي غيشث مىقعها مه دونت محتضىت في اتجاي دونت مقاونت حامهت نمششوع تشابي وومىرج جذيذ نهتىميت انمجانيت واالجتماعيت باألقانيم انجىىبيت. سىحاول مه خالل ومىرجيه نمذن انصحشاء األطهىطيت انمغشبيت أن وقيس مكاوتهما داخم هزي انتغيشاث انحذيذة ومذي تهيكههما انتشابي حىل انذيىامياث انحانيت.

الكلمات المفتاح: انصحشاء األطهىتيت ، انذاخهت ، طشفايت ، انذونت، انحكامت انتشابيت،انىمىرج انتىمىي ، انتحىالث.

Abstract: Territorial strategies, mode of regulation and sustainable governance in the Moroccan Atlantic Sahara: Case of Dakhla and Tarfaya

The article is an essay on the different positions of territorial governance strongly embedded in the socio-political and economic changes of a welfare state that has become entrepreneurial and brings with it a territorial project and a new mode of strategic development. Through the case of two cities differently inserted in the territorial dynamics, we try to measure the impact of territorial changes and articulations.

Keywords: Atlantic Sahara, Dakhla, Tarfaya, State, Territorial Governance, Development Model, Transformations.

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Resumen: Estrategias territoriales, modo de regulación y gobernanza sostenible en el Sahara Atlántico marroquí: caso de Dakhla y Tarfaya

El artículo es un ensayo sobre las diferentes posiciones de gobierno territorial fuertemente arraigadas en los cambios socio-políticos y económicos de un estado de bienestar que se ha convertido en emprendedor y trae consigo un proyecto territorial y un nuevo modo de desarrollo estratégico. A través del caso de dos ciudades diferentes insertadas en la dinámica territorial, tratamos de medir el impacto de los cambios y articulaciones territoriales.

Palabras clave: Sahara Atlántico, Dakhla, Tarfaya, Estado, gobernanza territorial, modelo de desarrollo, cambios

Introduction Aujourd’hui la ville est un fait au pluriel qui interpelle des modes de gouvernance horizontale, de citoyenneté négociée et un modèle de développement approprié basé sur une régionalisation fonctionnelle et une décentralisation endogène. Les seules évolutions normatives ne sont plus d’actualité, encore moins d’efficacité ni pour la conception de la ville ni pour la production de la territorialité à l’échelle de la ville. Dans une logique de mondialisation descendante, de dynamique démographique ascendante et d’un contexte social exacerbé, les villes marocaines se dressent comme des dispositifs générant de profonds bouleversements intra-urbains et au sein des sociétés. De ce fait, la fabrication urbaine et le gouvernement des villes marocaines constituent une action simultanée sur la ville et sur l’espace, mais qui ne dépend pas des seules politiques engagées par les pouvoirs publics. L’action est fortement orientée par la qualité et les contenus de la pensée collective sur la ville. Celle-ci, au-delà de son cadre normatif, produit des conceptions en actes, des modèles, des manières de voir, des habitudes et des routines, ainsi que des créations et des innovations, heureuses ou malheureuses. Tout cela sous des logiques et des modes de fonctionnement complexes nécessitant davantage d’investigations des sciences sociales et des sciences politiques.

Dans le Sahara atlantique, les nouvelles structures administratives et politiques sont opérationnelles. L’exploitation économique et le virage vers l’économie maritime ont, certes, généré des dynamiques locales et des transformations sociales différentielles. Les plus importantes unités urbaines du littoral saharien sont désormais mises sur l'orbite de la mondialisation grâce au nouveau rôle de l’Etat-entrepreneur qui consiste à promouvoir l’investissement et le développement économique par la privatisation progressive de l’économie régionale. Cependant, les territoires du Sahara atlantique ne sont pas homogènes. De ce fait, le rôle de l’Etat n’est pas uniforme localement, sectoriellement et temporellement. En matière d’investissement, il affiche un comportement novateur tandis qu’en matière d’urbanisme, il reste partagé entre deux rôles : celui d’un Etat-Providence qui fait tout et celui d’un Etat-promoteur qui commande tout. A cela s’ajoutent certaines initiatives individuelles en marge de l’action de l’Etat. Elles se substituent à son action et s’inscrivent dans une logique d’investissement moyennant la légitimité de l’Etat. A ce potentiel, s’interfère des défis structurels de l’urbanisation marocaine, en général et des conjonctures de gouvernances locales complexes nécessitant plus de temps et de moyens pour les relever et les adapter au nouveau mode de gouvernance horizontale selon le principe de la régionalisation avancée et le nouveau modèle du développement des provinces du Sud.

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L’objectif de cet article n'est pas focalisé sur les inégalités de développement dans les villes de Dakhla, de Tan-Tan et de Tarfaya1, dans le Sahara atlantique en elles-mêmes, mais sur les perspectives d’innovations sociales et territoriales qui émergent comme mode d’adaptation d’une société en transition bordière à la mondialisation à l’heure de la régionalisation élargie. Comment alors, les villes du Sahara atlantique peuvent s’imposer comme charnière du territoire en matière de développement durable et récupérer ainsi, et pour leur propre compte, une partie de la valeur ajoutée produite par les activités induites par la mondialisation ? La régionalisation avancée et la politique de la ville sont-ils en mesure d’introduire un modèle urbain pour la ville saharienne atlantique ? Comment recentrer l’appareil productif local qui en résulte dans le sens d’une amélioration du cadre de vie social, urbanistique et environnemental à l’image de la plate forme souhaitée dans le système monde ? La gestion territoriale fondée sur la proximité, la mobilisation des acteurs, la valorisation culturelle et le projet urbain peut-il rééquilibrer l’échange économique, souvent initié par des entreprises nationales et transnationales, de manière à ce qu’il soit bénéfique sur la société locale, la gouvernance urbaine et l’orientation institutionnelle vers les relations contractuelles entre collectivités publiques? Comment concilier un projet de société entre une pêche hauturière capitaliste extrêmement mondialisée et une activité de pêche artisanale profondément incrustée dans la formation sociale locale pour déjouer l’exclusion d’une jeunesse en rupture partout dans les pays émergents?

I-Tarfaya, Dakhla, Tan-Tan : Trois modèles de régulation territoriale qui s’articulent sur des concepts différents Force est de constater que l’urbanisation rapide des provinces sahariennes et certaines comportements d’investisseurs privés qui ne s’inscrivent pas dans un contexte de transition sociétale et d’affirmation territoriale, ont engendré des dysfonctionnements multiples à l’échelle du littoral saharien. La pression démographique, la défiscalisation, le mode de gouvernance, l’aménagement du territoire et certaines politiques de l’habitat, ont certes renforcé l’investissement mais, ils ont aussi régulé le rythme d’une urbanisation différentielle, sans pour autant réussir à contenir le processus interne et les mécanismes contradictoires de l’urbanisation. Résultat à l’échelon local, le développement territorial est régulé par des rapports de force, par nature révocables, de l’Etat aux collectivités locales puis territoriales et par le genre de négociation construite entre les pouvoirs publics et le secteur privé. Ainsi, une économie maritime extravertie dans le Sahara atlantique peut propulser son espace d’ancrage et la société locale dans des dimensions socioéconomiques où la ville est instrumentée. Elle est à la fois charnière et frontière du territoire (M. Ben Attou, 2014). Bien évidement, on s’inscrit ici dans un processus de construction territoriale plus ou moins long. Lequel, cherche, en termes de gouvernance territoriale, à assoir, dans la foulée de la régionalisation élargie et de la décentralisation, de nouveaux mécanismes de gestion urbaine prenant en compte la démocratie locale et les nouvelles échelles territoriales à de l’heure de la mondialisation et de la pression sociale partout dans le monde (prenez le cas des gilets jaunes en France).

1 Nous nous contenterons, dans cette contribution, de développer les cas de Dakhla et de Tarfaya qui présentent deux modes différents de régulation territoriale.

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Après un passage complexe de mise en place, les attestent bien de cet état de fait qui traverse le gouvernement des villes du Sahara atlantique qui sont en plein phase de recomposition urbaine et territoriale avec des exigences nouvelles aussi bien en termes du développement local et de structuration régionale qu’en terme d’internalisation de leur port et de la valorisation de leurs ressources territoriales. Ce qui fait de ces entités urbaines des lieux de négociation du développement, de régulation politique et des plates-formes d’économie émergente qui cherchent à réconcilier entre les contraintes de la mondialisation, le potentiel environnemental et les attentes en matière du développement durable. C’est sur les villes du Sahara atlantique que le modèle du développement des provinces sahariennes est esquissé voir préconisé pour appuyer les ressources et les dynamiques endogènes dans une construction Nord-sud Africaine où la puissance publique est un acteur incontournable (CESE, 2013). Ce modèle du développement s’articule sur une nouvelle vision de promotion territoriale qui s’effectue dans le cadre d’un processus du développement qui opère à trois niveaux à propos du Sahara atlantique.

-Au niveau de la région, de Laâyoune Saquia Al Hamra, l’approche est inversée, par rapport au précédent, au niveau du développement. Il n’est pas question de consolider davantage le concept de la ville-Région. Laâyoune ayant fait le vide autour d’elle, il est impératif que le modèle d’opérer territorial se base sur l’amortissement du dispositif de la ville-Etat-région vers un éclatement territorial permettant la promotion des villes de rangs inférieures comme Tarfaya. Ceci par la promotion administrative progressive, l’aménagement des ports et la localisation des projets structurants.

-Au niveau de la région d’Ed Dakhla-Oued Eddahab, le concept du développement est cependant différent de celui adopté pour la région de Laâyoune-Saquia al Hamra (M.Ben Attou, 2017). En effet, l’orientation stratégique du Maroc étant tournée davantage vers l’ouverture africaine, celle-ci a nécessité de conforter la ville de Dakhla dans le rôle d’une plateforme à la fois charnière maritime et pont touristique aérien. Le territoire saharien n’étant pas homogène (M. Ben Attou, 2016) vis-à-vis du contenu-contenant, économique, social et politique. Il est évident que des modes de régulation soient différents. Après avoir évolué en frontière du territoire, Dakhla se positionne aujourd’hui en plate-forme de développement et s’érige en levier « hinterland/ hinterworld » émergent fonctionnant sous des logiques d’interface financière et logistique par laquelle transite la mondialisation.

-Au niveau de la région de -Oued Noun, Tan-Tan présente une autre configuration de l’urbanisation diffuse du Sahara atlantique : la dualité urbaine. Confrontée au chômage, à l’insécurité et à l’exclusion suite à une politique démographique essoufflée, la puissance publique réagit moyennant la pratique de la recentralisation de son ancrage économique. La pêche côtière ne peut plus constituer un support socio-économique pour l’urbanisation démographique de la ville de Tan-Tan. C’est plutôt, la pêche hauturière de la ville d’El Ouatia à 25 Km de Tan-Tan qui mobilise l’essor contractuel de l’Etat. Ce dernier, s’inscrit dans un processus de redéploiement territorial de l’Etat illustré par les progrès récents de la déconcentration et par le renouveau de la politique gouvernementale d’aménagement du territoire (G.Marneau, 1997). Or, cette logique, selon laquelle l’encouragement financier de l’Etat dépend de celui de la ville dont l’économie est davantage mondialisée a renforcé, malgré l’éveil d’aujourd’hui, les inégalités entre ville compétitive émergente (Al Ouatia) et ville restée dans « l’ombre » (Tan-Tan). Cependant et globalement, l’agglomération de Tan- Tan insérée dans sa région fait l’objet d’un autre mode de régulation territoriale

54 géostratégique (M. Ben Attou, 2014) qui essaye de repositionner l’Oued Noun dans une nouvelle configuration territoriale d’un développement soutenu stratégique anticipant en matière de modèle de développement sur le projet d’autonomie des provinces sahariennes. Les luttes intestinales remarquées aujourd’hui sur la scène politico-tribale régionale, sont en fait le commencement d’une nouvelle orientation politique via la restructuration des champs politique, économique et socioculturel dans le sens d’une médiation territoriale qui recoupe avec les anciens modes de gouvernance géopolitiques.

II-Dakhla, Une ville-port propulsée au cœur de la mondialisation

Les villes portuaires maghrébines, en l’occurrence marocaines sont en plein phase de recomposition urbaine avec les exigences nouvelles en termes de respect des équilibres environnementaux, économiques, sociaux et culturels (H. Dlala, 2010 D. Labaronne, 2014). Aujourd’hui, le développement du Maroc se fait en direction de l’Europe, du Maghreb et de l’Afrique sub-saharienne. Le Maroc est en train de devenir un hub pour l’Afrique. La mondialisation et les fonctions d’interface à laquelle la ville de Dakhla est progressivement insérée vont-ils permettre, à moyen et/ou long terme, une organisation territoriale régionale en « métropolité émergente » alliant ville-région, centralité et développement axial durable ?

Dans leur processus d’évolution, les villes du Sahara atlantique attestent d’un schéma de développement duel mais en recomposition dans le temps. En effet, les villes passent par deux phases de construction. Dans un premier temps, la ville évolue en enclave tournée le dos à son port qui constitue une frontière du territoire. Il s’agit de deux espaces qui s’inscrivent dans des rapports conflictuels. L’économie extravertie pour financer une urbanisation politiquement instrumentalisée, où l’état est à la fois ordonnateur économique, bâtisseur et réformiste. Dans un deuxième temps, plus précisément depuis le début des années 2000, le port, inscrit progressivement la ville dans une dynamique observable opérée particulièrement par le renforcement de la décentralisation, dont l’un des effets a justement été la mise en place d’une sorte de ville-région. Ce processus n’est cependant pas uniforme partout à travers les territoires du Sahara atlantique. Beaucoup de facteurs endogènes et exogènes interviennent dans ce processus. Si Laâyoune et Dakhla s’érigent aujourd’hui en ville-région, ce n’et pas encore le cas de Tan-Tan et de Tarfaya. Nous nous intéresserons, dans cet article, de la deuxième phase de la construction territoriale de la ville de Dakhla.

I- Le développement urbain: de l’urbanisme de masse à l’urbanisme de projets, Dakhla, une ville en mouvement

Depuis 1979 jusqu’en 2004, l’Etat a supporté une urbanisation de masse et a crée 10736 lots et 13793 logements essentiellement destinées à l’habitat économique2.Un lot programmé destiné à abriter un logement en produit en réalité deux logements sur le même lot. Cette procédure unique dans son genre ne s’explique pas par la rareté des réserves foncières, puisque les terres domaniales constituent la principale assiette foncière dans les villes sahariennes. Elle relève plutôt d’une politique d’urbanisme à travers l’habitat, qui s’inscrit davantage dans un contexte évolutif, où l’Etat passe d’un mode de gestion marqué par une certaine opulence à un mode de gouvernance plus contraignant. Le processus de

2 Délégation du Ministère de l’Habitat, de l’Urbanisme et du Développement Territorial de Dakhla, rapports d’activités de l’ERAC-Sud.

55 sédentarisation maintenu, puis les contraintes imposées par la logistique du référendum d’auto-détermination, qui était prévue pour 1992, suivie de la mise en place du corps électoral pour 2004, ont exercé une forte demande sur l’habitat. Cette dernière, ne s’accordait pas souvent avec les moyens budgétaires et financiers d’un Etat engagé en même temps sur plusieurs registres économiques, sociaux, d’équipement en infrastructure de base et de stratégie de modernisation. Dakhla a subit cette contrainte. Sa morphologie témoigne de l’alignement d’un ensemble de lotissements qui manque d’une cohérence d’ensemble pouvant refléter les signes d’un projet urbain structuré.

Cependant, La pression internationale moyennant les avantages des accords de pêche comme monnaie de négociations d’un côté, les émeutes urbaines sahariennes d’un autre côté ont contribué dans le renouveau d'un volontarisme politique qui s’efforce d’ériger la ville portuaire au rang d’acteur du développement durable. Profitant des opportunités internationales s’inscrivant dans l’élan d’internationalisation de l’entreprise américaine, européenne et asiatique (notamment le transbordement méditerranéen), les autorités marocaines se sont engagées à la fois sur la modernisation de l’économie maritime (aménagement / logistiques) et le recentrage des villes-ports comme supports de développement régional pour essayer d’éviter les sources de difficultés progressives des espaces conflictuels: Ports / Villes / Territoires. C’est ainsi que Dakhla commence à fonctionner en une ville portuaire charnière du territoire. C’est à partir de 2003 que le port à commencé à s’insérer dans une logique de développement insérant progressivement la ville dans son élan.

1-1- Pouvoirs publics, aménagement du territoire et politique urbaine Rationalisme oblige, substrat social exige, les pouvoirs publics ont affiché parmi les priorités d’urgence, la conception et la définition d’une politique d’ensemble d’aménagement du territoire dans les provinces sahariennes. Ce choix a justifié et guidé la mise en place de politiques publiques volontaristes et ambitieuses. En matière d’aménagement, ces politiques ont reposé sur un modèle d’intervention qui attribue aux pouvoirs publics, un rôle essentiel, aussi bien en matière économique que sociale. Ce modèle, intimement articulé au mode d’organisation de la production et des rapports sociaux, procura à l’Etat une légitimité très forte. Celle-ci lui permit de « résoudre » facilement et rapidement la problématique foncière tribale, d’investir massivement en vue de moderniser le territoire, l’appareil productif et la société saharienne par fait d’impulsion. En effet, les dynamiques démographiques, économiques et sociétales des provinces sahariennes exigent désormais un pilotage / arrimage des politiques publiques locales, un recentrage des bénéfices des ressources régionales sur les besoins locaux fondamentaux et un engagement formalisé en matière de la protection environnementale (CESE, 2013). Tout cela afin de rétablir la confiance des citoyens dans leurs structures représentatives et institutionnelles.

Tableau 1- Dynamique démographique de la ville de Dakhla (1982-2010) Effectifs Taux d’accroissement moyen annuel (%) 1982 1994 2004 2010* 1982-1994 1994-2004 2004-2010 1982-2010 17309 29831 58104 140000 4.64 6.89 15.78 7.75 Source : RGPH, 1982 à 2004 * Estimation de l’Agence Urbaine d’Oued-Eddahab-Lagouira

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Le volontarisme affiché par les pouvoirs publics à travers le Schéma National d’Aménagement du territoire est précisé dans les différents Schémas Régionaux constitue un cadre institutionnel et un outil important d’intervention et de mise en développement territorial. Le défi de la dynamique démographique et spatiale est important et nécessite rééquilibrage territorial intra-ville et intra-région, surtout que la région d’Oued Eddahab- Lagouira est appelée à connaître le développement immédiat, le plus prononcé à l’échelle des trois régions sahariennes3. Soit une part comparée au croît démographique national 2004-2015 de 7.5% pour une moyenne régionale de 4.5% pour la même période.

Tableau 2- Projection démographique de la ville de Dakhla (1982-2010) Régions économiques 1994 2004 2015 1994-2004 2004-2015 sahariennes Oued Eddahab-Lagouira 37000 97000 373000 1.6 7.5 Laâayoune-Boujdour- 176000 255000 377000 2.1 3.3 SakiaLhamra Guelmim-Es Semara 386000 459000 562000 1.9 2.8 Source : CERED, 2006

Le secteur privé est appelé à s’inscrire davantage dans une perspective d’économie plus solidaire afin que le surplus tiré de l’exploitation des richesses halieutiques puisse avoir un impact réel sur le développement socio-économique et urbain à Dakhla. A titre indicatif, le projet d’aménagement de la corniche de Dakhla sur une distance de 1,5 kilomètre et, dont les travaux de la première tranche ont débuté en 2012, nécessitera une enveloppe de 15 millions de dirhams. Une fois réalisé, il constituera un point névralgique pour l’organisation de la vie culturelle et touristique de la ville. C’est un projet structurant qui forme avec l’aménagement de la ceinture verte et les espaces verts un haut lieu d’attraction et de loisirs. Le nouveau schéma d’aménagement lancé en 2011 s’avère prometteur. Il appartient à une nouvelle génération où la planification s’articule plus sur les priorités locales. Ce qui reste à faire, c’est d’essayer d’œuvrer dans le sens d’une démocratie participative en matière de gestion du fait urbain, en parfaite symbiose avec la gestion municipale. Le souhait du projet urbain de Dakhla est partie intégrante du défi de la démocratie locale dans un cadre institutionnel de régionalisation élargie strictement formalisée et appliquée.

1-2- Les acquis urbanistiques et structurels à Dakhla

En 2008, le déficit du logement est évalué à 7000 unités par an, soit une diminution de 41% par rapport à 2002. A titre indicatif, une zone d’urbanisation nouvelle de près de 1119 hectares est lancée à Dakhla dans l’objectif de porter la surface urbanisable de la ville à près de 1500 hectares dont plus de 30% seront réservés à la fonction résidentielle, l’objectif étant de porter la capacité de Dakhla à plus de 120000 habitants à l’horizon 20154.

3 Selon le rapport du CESE, la population des trois régions du Sud, tout en devenant majoritairement citadine, s’est multipliée par un facteur supérieur à 10 pour dépasser aujourd’hui le million d’habitants. 4 Direction de l’Habitat, de l’Urbanisme et du Développement Territorial à Dakhla, 2011.

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Le Plan de Développement urbain de Dakhla 2009-2012 s’est engagé dans une démarche ambitieuse de mise à niveau urbaine, qui vise à faire de la ville et de sa région un catalyseur de l’armature urbaine régionale. Plusieurs considérations sous-tendent ces interventions : le cadre environnemental spécifique, la taille démographique de la ville, le dynamisme économique, la disponibilité des ressources allouées aux projets socio- économiques et la nouvelle synergie entre autorités compétentes et collectivités locales.

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Le projet du SDAU lancé en 2011, s’avère lui aussi très prometteur. En effet, il repose sur un diagnostic et des objectifs d’aménagement partagés par l’ensemble des partenaires locaux. Il est fondé sur une vision de développement qui répond aux besoins de la croissance urbaine à l’horizon 2030 avec le souci de préserver les grands équilibres environnementaux à l’échelle de la baie, tout en favorisant les investissements productifs et la valorisation des sites, ainsi que l’insertion dans l’économie régionale, nationale et transnationale (Agence Urbaine de Dakhla, 2012). Quoique confrontée à beaucoup de défis. Il pourra apporter, sans doute, de nouvelles perspectives d’aménagement et de restructuration de l’agglomération selon la variante la plus optimale, celle de pouvoir délocaliser l’aéroport et récupérer les 600 hectares pour une meilleure utilisation de l’assiette foncière de la ville. Pour cela, le respect des dispositions juridiques et la prise en compte des nouveaux documents d’urbanisme sont incontournables et ce afin d’éviter de défigurer la ville, comme ça était le cas auparavant quand la production de l’habitat été une question d’urgence ayant générer une incohérence morphologique et architecturale.

Par ailleurs, au programme national d’habitat à faible coût (140 000 DH) entrepris pour la période 2008-2011en faveur des populations à faible revenu (1.5 x 2700 DH SMIG), est venu s’ajouter l’effort de l’Etat déployé dans le cadre de la lutte contre l’habitat insalubre. L’implication directe des filiales du holding Al Oumrane à niveau de 65% dans le financement de ce programme, ainsi que les investissements des promoteurs privés en partenariat avec Oumrane Al- Janoub pour l’équipement de 26000 lots, marquent une nouvelle approche dans le financement de l’habitat à Dakhla. Ce programme vient à point nommé pour consolider les efforts du Département de l’Habitat déployés pour les décennies 80 et 90 et ceux du programme ville sans bidonvilles (902 unités de recasement, 9378 unités d’habitat social : auto-construction et relogement)5. Parallèlement, le projet de la restructuration des quartiers sous équipés da la ville de Dakhla, rend compte également de la volonté de la Maîtrise de l’Ouvrage Social (M.O.S). Il n’est pas question seulement du renforcement des équipements d’infrastructure, mais de l’intégration physique, fonctionnelle et symbolique des quartiers nés juste après la récupération de Dakhla et qui abritent actuellement près de 20% de la population urbaine. Il s’agit des quartiers Arrahma, Alghofran, Essalam et Al Massira.

Quant à la politique de la ville conçue pour la promotion de l’habitat dans les villes sahariennes, elle projette de faire de Dakhla un modèle de ville durable, en mesure d’accroître ses performances économiques et sociales et de développer ses structures d’accueil à travers la promotion de sa qualité paysagère, le renouvellement de son tissu urbain et la maîtrise de ses aspects environnementaux. Cette question a été prise en considération dans la nouvelle génération des documents d’urbanisme. En effet, la création d’un parc naturel pourrait donner une meilleure image de la ville, sauf que les rejets des eaux usées continuent à polluer la baie, malgré les dispositions prises dans le Schéma Directeur d’Assainissement de Dakhla et les travaux réalisés dans ce cadre. A cet effet, il est primordial d’assurer la séparation des rejets des parties nord et sud de la ville et de les orienter profondément vers la mer. Il faut tirer des leçons des pratiques irresponsables perpétuées dans l’ancien port et ce afin de profiter pleinement des opportunités offertes par le nouveau port. Une étude relative au Plan Vert de Dakhla vient à point nommé pour combler un vide au niveau paysager de la ville, marqué par

5 Rappelons que Dakhla a été déclarée, en 2010, ville sans bidonvilles

59 l’expansion et la densification du tissu urbain suite à la pression démographique. Le lancement de cette étude a pour objet de donner à la ville une identité paysagère à la hauteur du nouveau rôle qui lui est assigné en tant que grande station balnéaire et niche écologique. Sur le même registre, l’étude relative à l’identification et au développement des centres émergents comme Bir Gandouz-Lamhiriz, Bir Anzarane- Imoutlane et Imlili-Labouirda permettra de décongestionner Dakhla qui capte actuellement plus de 85% de la population de la région d’Oued Eddahab-Lagouira. Ce décongestionnement, au-delà du développement équilibré du territoire régional qu’il projette, vise à promouvoir des procédés de bonne gouvernance quant à la gestion des ressources. En effet, vu la création d’espaces- projets articulés sur la logistique et la compétitivité, il est primordial de fédérer les ressources, de capitaliser les acquis et d’opter pour la création d’un environnement optimal pouvant avoir un fait de retour sur le substrat local.

Un plan de déplacements urbains, ambitionne la mise en place d’un instrument d’orientation et de suivi à moyen et long terme (10 à 20 ans) et une politique urbaine en matière de gestion et de développement du système des déplacements au sein de la ville. Ce plan vise à solutionner les problèmes posés par la circulation des poids-lourds. Destinée à constituer une plate-forme logistique d’avenir, Dakhla va voir son trafic routier se développer davantage. L’objectif d’un tel plan est d’anticiper les impacts des projets urbains et d’infrastructures futurs sur le trafic routier. Ceci pour assurer également l’accessibilité et la fluidité de la circulation entre les deux rives de la péninsule. Bien évidement, une requalification des axes urbains structurants s’impose pour la valorisation des espaces publics et la promotion du trafic multimodal partagé pouvant absorber les dysfonctionnements en matière de mobilité urbaine. L’étude ( achevée en 2011) de l’aménagement de l’axe reliant la ville de Dakhla et le village de pêche de Lassarga et relative au traitement des abords donnant sur l’Atlantique et l’amélioration de la desserte de l’entrée sud de la ville constitue un grand pas vers le développement des supports de liaison à forte charge écologique entre la ville et ce site.

Bien évidement, des insuffisances existent toujours, l’ampleur de la mise à niveau ne consiste pas à injecter des investissements et d’introduire de nouvelles conceptions techniques, gestionnaires et entrepreneuriales, mais il s’agit aussi d’endiguer des contraintes difficilement solubles comme la conciliation entre la vulnérabilité sociale6, la déperdition environnementale et la création de la croissance économique, l’augmentation de la consommation d’eau potable du fait de l’urbanisation massive7, d’accès à l’emploi8, de conceptions et de méthodes consacrées au développement des provinces du Sud ainsi qu’au niveau du système d’acteurs en charge de l’animation du développement en question. L’effort de mise à niveau urbain entrepris par l’Etat à Dakhla, malgré ces insuffisances, s’inscrit dans un nouveau modèle de développement des provinces du Sud. La recherche de la chalenge économique le prouve largement.

6 Dans sa lutte contre la pauvreté dans les provinces du Sud, l’Etat a injecté sous forme d’aides directes et indirectes environ 4.6 milliards de DH.

7 La consommation d’eau potable a augmenté de 29% dans les trois régions sahariennes entre 2000 et 2010. 8 A titre indicatif, un taux de chômage global en 2010, de 15.2% voir de 35.1% pour les femmes, alors que la moyenne nationale était respectivement de 8.9 et 10.2%.

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2-Dakhla, une ville-port-région insérée dans la compétitivité de l’économie nationale, des chaînes logistiques et d’échanges

Au haut sommet de l’Etat, la volonté de la modernisation et du renforcement des infrastructures du Maroc est inébranlable. La politique portuaire est au cœur de cette stratégie de développement9. La mise en place du projet méga du grand complexe portuaire Tanger- Med va dans ce sens. Il a pour objectif de donner une forte impulsion aux potentialités logistiques et d’accroître les capacités du Maroc en matière de compétitivité. Vu que les ports du Maroc assurent 98% des échanges externes (M.E.T, 2012), la stratégie portuaire nationale à l’horizon 2030, recentrera davantage l’intérêt économique sur le secteur portuaire non seulement comme facteur d’amélioration de la compétitivité de l’économie nationale, mais dans le sens également d’optimiser l’opportunité offerte par le transport maritime international qui pourra positionner le Maroc comme pivot incontournable entre l’Europe et l’Asie. Dans la nouvelle vision du développement portuaire où la compétitivité logistique est au cœur même des programmes d’aménagement des ports et conformément aux principes de la régionalisation avancée, Dakhla constitue avec les ports de Laâyoune et de Tan-Tan, l’un des six pôles retenus comme les plus structurants10 de l’économie et de l’espace marocain en termes de cohérence et d’harmonisation du développement. Dakhla, comme ville-région, conforte sa position comme estuaire d’une activité agricole mondialement sollicitée. En effet, la promotion d’une agriculture moderne irriguée et pionnière destinée à l’exportation sur les domaines spéculatifs des « Grarat »11 notamment dans les complexes Tawarta, Tiniguir, Dhar Al Houli et Clib Jedyane ( 3500 Ha) marque bien la nouvelle articulation entre le port et son territoire hinterland. De même que le développement d’un élevage camelin extensif (plus de 25 milles têtes) destiné à l’engraissement et à l’abattage permet à la ville d’articuler son territoire par le biais d’agriculteurs-éleveurs citadins basés à Dakhla. Un tourisme de détente, d’aventure et de niche est en en phase d’affirmation sur plus de 667 kilomètres de belles plages et qui se prête à différentes utilisations touristiques et sportives. Elle offre aussi aux environs de Dakhla, une baie de 400 km² riche sur le plan de la biodiversité et un parc naturel disposant d’une flore et d’une faune saharienne très attractive. La lagune de la baie de Dakhla constitue un élément d’attraction très sollicités par les surfeurs du monde entier. Le nouveau découpage touristique régional du Maroc à l’horizon 2020 permettra, sans doute, l’amélioration des recettes touristiques et la procuration de près de 6000 emplois12 dans la région du Grand-Sud Atlantique.

9 Durant les dix dernières années, le budget annuel moyen injecté dans le secteur portuaire avoisine les 3 milliards de DH. L’activité 2010 a enregistré 4.3 millions de passagers dont 453 000 croisiéristes, un rendement de l’activité de la pêche de l’ordre de 1.15 millions de tonnes de poissons. Soit un volume global de l’activité portuaire chiffrée à 92 millions de tonnes dont 20% de transbordement. 10 Il s’agit de Tanger Med, Nador West Med, Tanger Croisières, Kenitra Atlantique, Grand Casa, Safi Grands Vracs, Safi Ville, Dakhla Atlantique 11 Il s’agit des terres fertiles et protégées des vents. 12 Ministère de tourisme, 2012.

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2-1-Dakhla, une ville-port acteur du développement soutenable La ville constitue aujourd’hui le précurseur de l’urbanité, de la citadinité, de l’image marketing et du pouvoir au pluriel mais aussi des risques de glissements sociaux et de contre-

62 pouvoir politique. Si le port fut la raison d’être de Dakhla, désormais c’est la capacité de la ville à s’autogérée en équilibre, à se positionner dans la concurrence de l’économie logistique (hinterland/ hinterworld) et à se produire (régionalement, localement) qui peut la gardée comme acteur du développement. Un autre objectif sous-tend la politique portuaire actuelle : c’est l’amélioration du cadre de vie des citoyens et l’harmonisation territoriale régionale par la capacité de positionnement dans le marché de transbordement dans le bassin méditerranéen et la capture de toutes les opportunités qui s’offrent dans la région en termes d’emploi. Dans l’optique d’un impact potentiel réel des stratégies sectorielles sur le secteur portuaire appelé à tripler, voire à quadrupler sa capacité de performance dans les vingt ans à venir par rapport à la situation de 2010- en termes de secteurs de l’énergie, des phosphates, de l’industrie, de la compétitivité logistique, de la pêche, du plan vert et de vision touristique-, le port de Dakhla inséré dans le pôle portuaire saharien a de sérieuses possibilités d’améliorer son offre face aux enjeux des perspectives de trafic à long terme, surtout en direction de l’Afrique. C’est une opportunité pour le complexe portuaire saharien de contribuer aux équilibres régionaux et au développement social et humain du Sahara marocain. Ceci dans un contexte de régionalisation avancée qui toute en optimisant la valorisation des ressources via la compétitivité de la chaîne logistique, assurera au système portuaire, les capacités d’adaptation aux changements régionaux et internationaux. Ainsi, la région saharienne trouvera, sans doute, une solution durable à la fracture sociale induite par la concurrence déloyale entre la pêche hauturière et la pêche artisanale et le manque d’emploi. Des efforts sont déployés dans ce sens.

Tableau 3 : Evolution des captures dans le port de Dakhla par type de pêche

Années 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2017 Pêche Tonnage 32096 29179 29434 50306 61895 103769 Tonnage hauturière Valeur * 46 000 34000 55000 64000 71000 205000 160290 Tonnage 26544 54319 48523 36480 45516 173039 -5.7% Pêche côtière Valeur * 304705 274938 242529 229585 252619 438131 Valeur Tonnage 47 54 198 70 136 279 676822 Aquaculture Valeur* 570 750 2855 753 2260 4192 +15.6%

Source : Ministère de l’Agriculture et de la Pêche Maritime, La mer en chiffre, 2010. * Valeur en milliers de DH La pêche hauturière par exemple a gagné en volume et en valeur entre 2007 et 2009. Quant aux performances de la pêche côtière, elles ont été affectées sensiblement par les mesures de réorganisation du secteur, notamment en ce qui concerne le retrait des vielles barques et la mise en place du processus complexe de renouvellement de la flotte. En 2017, le volume total de la production de la pêche passe à 160 290 tonnes. Bien qu’un fléchissement de 5% est enregistré entre 2016 et 2017, en termes de valeur ceci représente une augmentation moyenne annuelle de 15.6%. Certes, il existe des fluctuations annuelles mais il faut remarquer que l’aménagement du port de Dakhla atlantique permet de tripler la production et à doubler la valeur de cette production par rapport à 2005. L'activité prévisionnelle du port de Dakhla Atlantique porte sur un trafic de un million de tonnes de produits de la mer, de 2,2 millions de tonnes de produits divers et de 100 miles EVP. L'objectif du port de Dakhla Atlantique est de traiter localement dans des complexes halieutiques dans la région de Dakhla 80 % de la pêche débarquée et d'en exporter 700 000 tonnes par an.

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Tableau 4 : L’activité portuaire de Dakhla (2002-2017)

Trafic en tonnes 2002 2004 2005 2006 2011 2017 Import 65000 71000 89000 85000 90806 222000 Export 3000 10000 49000 76000 71208 18000 Total 68000 81000 138000 161000 162014 242000 Sources : ODEP 2002-2006 ; ANP, 2011. L’activité du port de Dakhla entre 2010 et 2011 permet de rendre compte de la dynamique de l’évolution récente de l’activité de pêche dans ce port. En effet, le tableau 5 montre bien la tendance à la hausse de la dynamique actuelle du port. A part les céphalopodes qui font spécialement l’objet d’une mise en sauvegarde rigoureuse13 qui s’explique par le recul spectaculaire (50 à 60%) de la production et de la valeur sur le marché de Dakhla, les débarquements du poisson sont en augmentation. Le cas du poisson blanc est révélateur de la dynamique d’exportation. En effet, au moment où à l’échelle nationale cette espèce enregistre un recul de 13% en volume et 4% en valeur, elle connaît à Dakhla des records respectifs de 104 et 103%.

Tableau 5 : Evolution des débarquements dans le hall du port de Dakhla selon l’espèce (2009-2017)

Espèces de poissons Tonnage Valeur en KDH Variation Variation 2009-2017 2009 2010 2009 2010 poids valeur Tonnage Valeur Poissons pélagique 164908 174036 192085 215556 6% 12% Poissons blancs 423 863 1683 3411 104% 103% 173% 92% Céphalopodes 24 11 532 229 -54% -57% Coquillage 276 574 25895 27808 108% 7% Source : O.N.P, 2011 Il est important aussi de remarquer l’augmentation impressionnante en volume de l’espèce coquillage qui enregistre une évolution de 108% entre 2010 et 2011. Cependant, il est à noter que cette espèce reste encore sous valorisée en termes de valeur marchande. L’évolution de la production doit beaucoup aux efforts déployés dans la restructuration et la qualification de la flotte de pêche immatriculée dans le port de Dakhla. Elle doit également à l’effort déployé pour la captation des investissements industriels. En effet, la zone industrielle de Dakhla (300 Ha) abrite en 2008 quelques 70 unités industrielles dont 68% sont spécialisées dans la congélation et 32% dans le traitement et le conditionnement des pélagiques. Par rapport à la situation de 1999, le tissu industriel a presque quadruplé au cours d’une seule décennie, ce qui assure un emploi permanent à 850 salariés et plus de 4000 saisonniers. Il est important de remarquer aussi la variation globale en volume et en valeur de la production de la pêche à Dakhla. Celle-ci se chiffre respectivement à 173% et 92%. Encore faut-il préciser que la négociation des accords de pêche avec l’Union Européenne n’est pas au box office. Les

13 Pour rendre compte de l’application des mesures de sauvegarde dans la zone C, il est à noter que le recul du poisson blanc sur le marché n’enregistre entre 2010 et 2011 qu’un recul de 33% en volume et 17% en valeur.

64 produits de la pêche peuvent davantage être revalorisés à travers l’ouverture sur les marchés africains.

L’intérêt grandissant du complexe portuaire saharien c’est l’opportunité d’une complémentarité qui renforcera l’économie de toute la région. L’éloignement de Casablanca et de Tanger Med met celui-ci face à sa responsabilité socio-économique, territoriale et stratégique. L’enjeu pour ce complexe est de pouvoir se positionner de l’autre côté des îles Canaries. La possibilité de dotation du port de Tan-Tan par l’Office National de l’Electricité (ONE) d’une centrale thermique au charbon impliquera la région dans la stratégie nationale de l’énergie. De même, que l’infrastructure mise à la disposition, dans le port de Laâyoune, par l’Office Chérifien des Phosphates permettra de renforcer l’activité de la pêche et les échanges commerciaux de la région. Le port de Dakhla, outre ses potentialités halieutiques près des stocks de poisson marocain, a aussi son mot à dire dans le domaine du secteur énergétique. Ceci est d’autant plus important que le développement de la province d’Oued Eddahab repose à terme sur la construction d’un nouveau port en eau profonde extérieur à la baie. Ce port pourra satisfaire davantage les trafics futurs liés aux produits de la pêche et servira d’outil logistique et économique pour faciliter la structuration économique et sociale du sud du Maroc. Ceci acquiert beaucoup d’importance surtout avec le développement prévu du stock C autour de Dakhla et Boujdour. L’un des enjeux majeurs de la modernisation du nouveau port de Dakhla s’appuie sur le volume important de traitement et de valorisation à proximité des ressources halieutiques avant leur exportation, afin de réduire l’impact des transports des produits en favorisant le transport maritime. Dakhla et Boujdour constitueront les bases logistiques, industrielles et économiques de la filière pêche dans la région.

Cependant, il faut souligner une certaine « incohérence » pour ne pas dire un sur pouvoir du lobbying d’Agadir, sur la quelle il faut agir pour rééquilibrer l’économie nationale selon le principe de la régionalisation élargie. Nous faisons référence ici au projet du parc haliopolis14 programmé sur Agadir. Dakhla aurait pu bénéficier de la localisation de ce projet méga, surtout que son objectif principal est de développement de la logistique en vue d’optimiser les coûts d’accès et l’amélioration de la connectivité du Maroc principalement en destination du marché africain. Ceci est d’autant plus important que Dakhla mise sur l’achèvement du nouveau port en eau profonde, ce qui pourrait servir les trafics futurs liés aux produits de la pêche et aider à la structuration territoriale des provinces les plus méridionales, surtout avec le développement prévu du stock C autour de Dakhla et Boujdour. Ainsi, l’un des enjeux majeurs de la modernisation du nouveau port de Dakhla repose sur le volume important des ressources halieutiques à traiter avant leur exportation. Dakhla et Boujdour pourraient constituer ainsi les bases logistiques, industrielles et économiques de la filière pêche dans la région. La connexion routière qui atteint aujourd’hui, dans la seule région d’Oued Eddahab-Lagouira plus de 3319 Km dont 784 Km de routes revêtues, soit 24%15 du réseau, n’est que le début d’une ouverture consistante de Dakhla sur les marchés intérieurs et extérieurs, notamment vers l’Afrique subsaharienne une fois le conflit du Sahara est atténué.

14 Ce projet prévoit un investissement de 6.6 milliards de DH avec un potentiel de transformation des produits de la mer estimé à 500000 tonnes à terme. Il occupera une superficie de 150 Ha pour une capacité de création de 20000 emplois. 15. A préciser que la région n’a hérité que de 60 km de routes revêtues en 1979. L’infrastructure routière actuelle a nécessité un seuil d’investissement de l’ordre de 670 millions de DH. Comparé à la moyenne nationale (80 Km pour 1000), cette infrastructure représente un important atout pour la région.

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2-2- Dakhla, ville-port-aéroport: un tremplin vers l’Afrique subsaharienne

Dans le contexte d’aujourd’hui, l’internationalisation de l’entreprise marocaine n’est pas seulement transméditerranéenne. Les stratégies des firmes marocaines sont de plus en plus tournées vers les potentialités d’investissement en Afrique. Les groupes marocains s’appuient sur un important secteur bancaire comme Le Groupe Benjelloun (BMCE) et le groupe Kettani (Attijariwafa Bank) impliqués dans une forte dynamique d’internationalisation (S.Daviet, 2013). En 2010, 7 opérateurs marocains émergent à l’échelle de l’Afrique (Bosting Consulting Groupe 2010). Les deux principales banques précitées ainsi que les liens de partenariat tissés entre l’ONE avec plusieurs pays du continent africain, sont en train de faire du Maroc un hub pour l’Afrique16. Dans cet essor économique nord-sud, Dahkla peut se positionner favorablement comme support de délocalisation industrielle et plaque tournante agro-portuaire, touristique et financière. Le choix de son port comme l’un des six ports structurants de l’économie et du territoire marocain ainsi que l’aéroport de Dakhla peuvent renforcer davantage la position de la ville dans le drainage des flux économiques et sociaux avec l’Afrique subsaharienne et les îles Canaries. Ceci dépend aussi de la manière avec laquelle le Maroc gérera la recomposition politique de la question migratoire subsaharienne (M. Ben Attou, 2014).

L’extension du port de Dakhla et son réaménagement permettent de contourner les problèmes immédiats de la fragilité de sa baie qui subit les différentes pressions anthropiques du port. L’objectif du réaménagement est de doubler la capacité actuelle de production de ce port vers 1 millions de Tonnes dont 67% de poisson pélagique frais. Cependant, vu les potentialités touristiques de la région de Dakhla et l’état de dégradation environnementale que subit la baie, cette infrastructure pourra évoluer vers un port de plaisance. La demande passagère en direction des Canaries et éventuellement la demande croisière portée par les opérateurs touristiques sur la région semblent très prometteuses. Toute en desservant l’hinterland de Dakhla, le nouveau port d’eau profonde de la province d’Oued Eddahab (Dakhla Atlantique) sera orienté vers la captation des flux de trafic de la pêche associés à la nouvelle zone franche et à tous les trafics commerciaux en relation avec la pêche que ce soit les exportations ou les intrants. Il sera également mis en relations feederisées avec les grands pôles portuaires sur la route des navires porte-conteneurs (Casablanca, Tanger-Med, Las Palmas …). Plus intéressant aussi, est la production issue de l’agriculture irriguée pionnière en zone saharienne et destinée à l’exportation qui sera bien en volume suffisant pour déclencher le positionnement de lignes régulières comme on peut le constater aujourd’hui entre Agadir et le port de Nouadhibou avec un fort développement des conteneurs référés. Ceci est le cas également des richesses naturelles et minières que recèle la région de Dakhla. Le nouveau port verra son offre complétée par des terminaux spécialisés.

16 Précisons que dans son élan de l’Afrique, Attijariwafa Bank a acquis entre 2005 et 2008 diverses acquisitions. Il s’agit des sessions de filiales africaines du Crédit Agricole (du Congo, côte d’Ivoire, Cameroun et du Gabon), le rachat de plus de 65% du capital de la banque sénégalo-tunisienne et près de 80% de celui de la Compagnie bancaire de l’Afrique Occidentale. Les 5 visites Royales effectuées au Gabon entre 2002 et 2013 ainsi que celle de 2014vont, en plus de leur caractère politique, dans le sens du renforcement du marché africain comme destination.

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Beaucoup de scénarios sont mis en place pour le financement des investissements. Tout en souhaitant l’implication du secteur privé dans les investissements opérationnels pour les structures portuaires nouvelles, l’Etat, les agences portuaires restent des acteurs incontournables. Des modalités de concessions ou de partenariats public-privé restent très envisageables. La mise en performance et/ou en construction du pôle portuaire saharien nécessite une enveloppe d’investissement autour de 11290 millions de DH, soit 15% de l’ensemble des investissements qui seront alloués à la nouvelle stratégie portuaire17.

III-Tarfaya, une ville qui est restée longtemps fragmentée dans un Sahara atlantique dynamique

Tarfaya a fait figure, pour plusieurs décennies, de ville périphérique détrônée puis déchue dans un littoral dynamique en plein recomposition territoriale. Des facteurs historiques, naturelles, territoriaux et de gouvernance ont convergé dans le dysfonctionnement de cet ancien comptoir commercial sur le littoral atlantique face aux îles Canaries. Frappée de plein fouet par l'ensablement et supplantée sur le plan économique par les deux villes-ports de la région, à savoir Laâyoune et Tan-Tan, Tarfaya a, longuement, affiché les symptômes d’une ville en crise. Sa démographie saccadée, ses structures urbaines à la limite de l’informel et le taux de chômage élevé chez une société en décomposition vivant des subventions alimentaires ont fait jusqu’à cette dernière décennie, un exemple de dysfonctionnement socio-économique du littoral saharien atlantique. En effet, ville désorganisée dans sa forme, dégradée dans son environnement, Tafraya a beaucoup souffert des problèmes de gouvernance locale, de planification urbaine et d'assainissement des eaux usées. La ville avait toujours besoin d'un plan de sauvetage urgent faisant appelle à une gestion participative et citoyenne de ses ressources naturelles et de ses potentialités touristiques. La ville s’est inscrite dans une programmation urbaine affichant souvent un long terme (2050) qui tarda à emmener le développement nécessaire face à la pression du quotidien.

Ce tableau gris trouva enfin les moyennes de dissiper ses entraves. La promotion administrative, la réhabilitation des sous espaces urbains, l’aménagement du nouveau port, la mise en aménagement d’une centrale solaire à Tah et de centrales éoliennes près de Tarfaya et d’Akhfennir, le projet d’exploitation d’une ferme d’algoculture dans la commune d’Akhfennir, illustre bien le démarrage d’un processus de développement stratégique. cette nouvelle tendance .Cette décision politique reflète aussi l’intérêt particulier accordé à cet espace intermédiaire entre deux pôles structurants Guelmim et Laâyoune. Le positionnement de la nouvelle entité administrative à cheval entre les deux pôles fait appel à la construction d’une territorialité appropriée et originale, d’un territoire à réagis plutôt qu’a subir à être plus compétitif plut tôt que dépendant.

Il est primordial de tirer profit du nouvel ordre géopolitique et stratégique que Tarfaya est en mesure d’assumer comme territoire de production économique stratégique. Aussi faut-il profiter de la mondialisation formulée par la demande extérieure en produits halieutiques et/ou en industrie de la pêche pour équiper correctement le port de Tarfaya qui, à lui seul, peut amener une certaine dynamique urbaine. Pour ce faire, il est judicieux de connaître les les facteurs et acteurs du déclin urbain de Tarfaya ? Ce déclin était-il conjoncturel ou

17 Signalons que le Ministère des transports Maritime à chiffré le volume de construction/ développement des principaux ports à 74994 millions de DH.

67 structurel ? Comment cette ville du Sahara atlantique peut renouer avec le dynamisme qui caractérise le littoral saharien ?

1-Facteurs de dysfonctionnement d’une ville longtemps somnolente

Nous l’avons signalé plus d’une occasion, la situation géographique du Cap Juby, n'a pas profité à l'épanouissement d'une ville côtière, en l'occurrence Tarfaya (Ben Attou, 2015). Sa situation rendue excentrique par la nationale 1, a cantonné la ville, en entonnoir, entre la mer et le désert, voire même l’a marginalisé dans la nouvelle organisation de l'espace saharien. Ceci a hypothéqué, sérieusement, plus qu’aucun autre facteur, le développement économique de la ville qui se trouve, triplement fragilisée, par l’avancée du sable, la dégradation de l’environnement et l’encapsulation portuaire. Le processus colonisation/décolonisation (1958- 1969-1975-1979) ainsi que le dispositif administratif détrônement (195918-197119) / promotion (2009)20 ont bouleversé la ville qui se trouva alors livrée à elle-même, à ces faibles capacités bloquantes. Elle s’est trouvée court-circuiter sur le plan local à même par des localités beaucoup moins importantes mais qui ont des structures de production adéquates ou qui remplissent le rôle de relais routier. En effet, le centre d'Akhfennir bien situé sur l'axe routier principal (Tan-Tan / Laâyoune), hérite progressivement d'une activité de pêche moins apparente21 mais associée à la restauration routière d'étape, donne à ce centre une importance grandissante. Le temps de gloire de Tarfaya " Cap Juby", de " mythe, Stèle et musée de Saint- Exupéry"22 et de " Casa Mar" n’a pas servi de patrimoine territorial symbolique en mesure de polariser le tourisme ni comme curiosité touristique culturelle ni comme station ouverte à l’aventure ni comme relais balnéaire africain à 30 mn des Iles Canaries. Tarfaya offrait tout le temps, l'image d'une ville en déclin23 qui n'arrive toujours pas à trouver des fonctions en mesure d'entraîner un développement durable. Face à une menace constante représentée par de violents vents de sables forts et irréguliers, provoqués par un microclimat continental aride sous l'influence humide de l'Océan atlantique ; face aussi à une faible pluviométrie, la ville affiche, chaque fois qu’elle essaye de se relever de ses cendres, un paysage urbain déficitaire dont la précarité est la caractéristique majeure. Tarfaya est une image synoptique désarticulée: compacte à l'Ouest, éclatée à l'Est et relativement aérée au Sud. L'enclavement naturel de la ville, doublé de la déviation de la route nationale n°1 (5Km plus à l'Est) ont été suffisants pour plonger l'ex-capitale administrative et territoriale espagnole dans un " comma dépassé" : structures économiques défaillantes, taux d'équipement des plus faibles de la région, une émigration clandestine de rupture.

18 Décret n° 1.59351du 02 décembre 1959.BO. n° 2458 du 04 décembre 1959. 19 Décret n° 1.71.77, BO. n° 3060 du 23 juin 1971, p.1352. 20 Promotion en chef lieu de province. Décret n°2-09-320du 11 juin 2009 complétant celui n° 2-08-520 du 28 octobre, 2008. 21Il s'agit d'un type de pêche particulier qui se pratique par des pêcheurs à la ligne vivant en petits groupes disséminés le long de la côte. Ces pêcheurs approvisionnent régulièrement en poisson frais l'agglomération routière d’Akhfinnir. 22 La stèle commémorative en souvenir de l'escale, en 1927, de Saint-Exupery, un des pionniers de l'aéropostale. 23 Le déclin est conçu ici par rapport à la situation privilégiée antérieure du port de Tarfaya, raison d’être de la ville et de la dynamique d’activité internationale induite jadis par ce port stratégique.

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1-1-Un découpage administratif de forme et une polarisation fantoche jusqu’en 2009

La récupération progressive des territoires sahariens et le processus de décolonisation ont bouleversé le statut administratif de Tarfaya et l’on relégué à un second rôle. Après qu’elle fut une capitale territoriale instrumentée par le pouvoir colonial, et donc insérée à une dynamique commerciale locale avec les îles Canaries. Il est vrai que la ville retrouvera un rôle de province territoriale dès sa récupération en 1958. Cependant, il s’agit d’une province en situation coupée de son hinterland et de son ancienne zone de chalandise. En fait, le départ des espagnols de la province de Tarfaya va susciter un déclin démographique et une régression économique qui vont faire sombrer la ville et la société dans une crise économique et portuaire. Celle-ci s'est manifestée par une émigration volontaire des populations locales vers les îles Canaries et vers la péninsule ibérique. Entre les deux recensements de 1960 et 1971, Tarfaya a affiché un déficit démographique moyen annuel de -2.87 %. Son statut de province « superficielle » regroupant une population 24161 ha24 dont 48.9% d’effectifs urbains va cesser à partir du début des années 80. La récupération des provinces sahariennes va induire une dynamique démographique volontariste. Les subventions des produits de base vont attirer une foule de population sans que les structures économiques de la ville soient en mesure de les accueillir.

Tableau 6- Dynamique démographique de la ville de Tarfaya (1960-2004) Effectifs Taux d’accroissement moyen annuel (%) 1960 1971 1982 1994 2004 1960- 1971- 1982- 1994- 2004- 1971 1982 1994 2004 2014 1521 1104 2909 4506 5615 -2.87 9.20 3.92 2.22 3.58 Source : HCP, RGPH, 1960 à 2014.

Au moment où la ville va perdre son statut de chef-lieu de province, elle va être articulée sur une dynamique démographique à la fois le fait d’urbains et de ruraux dont la mobilité s’inscrit dans des démarches d’installation verticale de population, de sédentarisation et de projets individuels de migration. Ainsi, le nombre de population du cercle de Tarfaya en 2004 est presque le double de celui de la province en 1971. La ville va subir les flux et les reflux de populations de manière déstabilisante. D’un taux négatif entre 1960 et 1971, elle va connaître subitement, après la récupération des provinces sahariennes, le taux le plus élevé de son histoire démographique 9.20% entre 1971 et 1982. Les équipements et l’emploi ne suivent pas, les populations se réorientent de nouveaux vers d’autres destinations. Ce qui fait baisser le taux à 3.92% entre 1982-1994 et encore à 2.22% entre 1994 et 2004. L’impact de la promotion administrative en chef lieu de province va permettre à Tarfaya d’exercer une certaine polarisation démographique d’espoir. En effet la ville n’atteindre jamais plus son rythme de croisière de 9% mais elle arrive à réaliser un taux moyen d’accroissement annuel de 3.58%.

24 Rappelons que selon les recensements de 1960 et de 1971, la province de Tarfaya fut constituée des centres d Tarfaya et de Tan-Tan ainsi que de leurs populations rurales. Tan-Tan fut considérée par le recensement de 1960 comme un grand douar.

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Au niveau du cercle de Tarfaya, la démographie ne semble pas s’inscrire dans un ordre logique. La mobilité de la population, les affectations territoriales s’effectuent sans une logique apparente pour laisser se dégager une orientation particulière. L’enjeu politique et sécuritaire influe désormais sur les destinations migratoires au rythme des événements.

Tableau 7- Evolution de la population dans le cercle de Tarfaya (1961-2004)

CERCLE DE 1971 1982 1994 2004 1982- 1994- 2004- TARFAYA 1994 2004 2014 Commune d’Akhfennir - 3681 1334 1583 -8.11% 1.70% 3.71% Commune de Daoura - 199 966 878 18.27% -1.00% 2.23% Commune de Tah - 2454 563 1255 -11.55% 8.30% 1.91% Commune d’El Hagounia - 454 882 1089 5.69% 2.10% -17.93% Ensemble du Cercle 2835 9044 3745 4795 -3.92 2.50% 0.48% Source : HCP, RGPH, 1971 à 2014

Tarfaya semble compromise par la mobilité des populations qu’il s’agit de l’exode rural, de l’immigration interurbaine ou tout simplement de l’émigration rurale car elle subit directement des assauts directs et des reculs agressifs qui compromissent à leur tour toute possibilité de planification urbaine lorsque la volonté politique y est. L’administration des communes n’arrive pas à disposer de données démographiques stables car elle ne peut établir sur des programmations budgétaires d’une population avec un rythme de croissance qui passe d’une extrémité de 18.27% (Daoura entre 1982-1994) à l’autre -17.93% ( El Hagounia entre 2004 et 2014) et d’une décennie à l’autre comme on est le cas de la commune de Daoura ou encore celle de Tah qui passe pour les mêmes périodes 1998-1994 et 1994-2004 de -11.55% à 8.30% puis à 1.91% entre 2004 et 2014. En appliquant à Tarfaya, le rythme de croissance de la tendance 1971-2004, il semble que la ville restera, jusqu’en recensement prévue pour 2014, une petite ville de moins de 8000 habitants. Cette hypothèse que nous avons formulé déjà en 2011 (M. Ben Attou, 2011) s’avère confirmée en 2014. En effet, le recensement de 2014 enregistre à Tarfaya un effectif urbain de 7986 habitants.

1-2- Les limites de l’acteur local dans les zones de marges du Sahara atlantique

Considérée par les pouvoirs publics comme une ville à aménagement coûteux, Tarfaya fut déclassée administrativement et rattachée à la province de Laâyoune. Ce déclassement a compromis l'avenir de la ville. Sa promotion de nouveau en chef lieu de province en 2009, s’inscrit dans un environnement qui consiste à préparer le projet de l’autonomie des provinces sahariennes. Quel pouvoir et statut administratif occupera Tarfaya ? Jusqu’en 2009, c’était encore trop tôt pour essayer d’apporter une réponse ferme. Ceci parce que la ville souffrait sur plusieurs plans. Jusqu'en fin 2008, Tarfaya ne dispose pas de plan d'aménagement homologué. Elle ne dispose que partiellement d’un réseau d'assainissement. Les rejets se font directement dans la nappe affleurant au centre ville au moyen de puits perdus. Ainsi, les canalisations d'eau potable baignaient dans des eaux aussi bien agressives que polluées. A cause du caractère saisonnier de l'unique activité de la ville à savoir la pêche, les capacités financières communales ainsi que celles de la population n’étaient pas en mesure de supporter une part des investissements liés à la réalisation des réseaux d'assainissement et d'épuration des eaux usées. Toute l'urbanisation de la ville fut compromise par un discours spéculatif sur un

70 développement qui tarde à venir. Certes, sur le papier un plan d'aménagement fut en voie d'homologation, un projet d'aménagement de la corniche était aussi prévu, le S.D.A.L de Tarfaya fut en phase de diagnostic. Même les différents scénarios et les hypothèses de développement à un certain horizon 200525 se sont vu pousser la date d’échéance. Dans le cadre des ateliers participatifs de concertation sur la ville de Tarfaya qui ont regroupé l’ensemble des partenaires urbains26, un diagnostic s’en est sortie en 2008.

Tableau 8- Diagnostic participatif de la ville de Tarfaya

Contraintes Potentialités Objectif Impact négatif de la Agenda 21 comme outil de Organisation et désertification et développement local développement du secteur de l’ensablement sur les activités la pêche et ses acteurs économiques Gestion non rationnelle des Charte de la ville comme Création de centres de ressources halieutiques outil en mesure de rendre formation en matière de l’Agenda 21 opérationnelle pêche Faible valorisation du Développement des outils Renforcement et patrimoine culturel dans de concertation et de qualification du port selon les l’attraction touristique communication normes en vigueur Déperdition du patrimoine L’INDH Rationalisation de architectural de la ville et de l’exploitation des ressources ses environs halieutiques selon des procédés de durabilité Prolifération de l’habitat Ligne maritime Tarfaya- Le patrimoine de Tarfaya au précaire et manque Fuerteventura service du Tourisme durable d’infrastructures Extension aléatoire de la ville Utilisation de la route Intégration de Tarfaya dans littorale Tarfaya- Amkrio les programmes de développement touristique Manque de généralisation de Organisation du annuel Impacter les activités l’assainissement Festival de Tarfaya socioéconomiques par le fait induit d’un développement touristique Manque dans les équipements Organisation du festival de Rendre le festival de Tarfaya socioculturels l’Aéropostal une affaire de tous les acteurs de la ville Manque d’espaces verts et des Signature d’un Agenda Elaboration urgente des places publiques consultative de création documents d’urbanisme d’espaces touristiques à Tarfaya Manque de ressources Lancement du programme : Révision de la situation municipales Initiative d’emploi et du foncière de la ville Développement

25Etudes du Plan Directeur d'Assainissement Liquide du Centre de Tarfaya, 1997. 26 Commune Urbain, Autorités locales, Services extérieurs, Société civile, Secteur privé, Média et Citoyens

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Absence de concertation entre Plan d’Aménagement de Insérer la ville dans les les différents acteurs du fait Tarfaya en phase avancée programmes de production urbain de l’habitat social Manque de représentativité Lancement du Programme Renforcement du programme institutionnelle au sein de la de Qualification Urbaine de lutte contre l’ensablement ville Gouvernance non appropriée Elaboration d’un Plan de Conciliation entre les acteurs Développement par L’ADS du fait urbain et le tissu associatif Problématique du port et de Création du comité de suivie- pêche évaluation de l’Agenda 21 de Tarfaya Phénomène de l’émigration clandestine Manque d’intégration de la femme dans les activités économiques Sous utilisation des potentialités par manque de savoir faire local Sous intégration des couches pauvres et nécessiteuses Source : Ateliers participatifs de consultation de la ville de Tarfaya, 16-17 mai 2008

Comme on peut le constater, Tarfaya faisait figure d’un déséquilibre à la fois naturel, institutionnel27, financier28, démographique et socioéconomique. Ceci est doublé d’un problème de gouvernance. L’autorité municipale face au manque de moyens jusqu’en 2009, date de création de la jeune province de Tarfaya, se trouve bloquer devant des problèmes structurels tel que la désertification, l’ensablement, le phénomène de barre qui entrave l’entrée du port avant l’aménagement du nouveau port et l’assainissement. Le tissu associatif, pour sa part, manquait de repères et de formation pour pouvoir faire pression ou de participer dans le développement de Tarfaya. Le diagnostic participatif de 2008 a montré qu’en termes de potentialités réelles de Tarfaya, le tissu associatif manquait de compétences. Les énergies renouvelables ne sont pas citées ni une seule fois comme potentialités durables. Il en est de même à propos des richesses du sous sol. Le diagnostic atteste d’une certaine confusion entre les potentialités et les moyens d’action. Tous le débat fut centré sur le tourisme comme facteur générateur du développement local alors que la ville était stratégiquement et sur le plan des infrastructure, totalement verrouillée. Les problèmes structurels du port de Tarfaya n’étaient pas évoqués. L’émigration clandestine utilisant Tarfaya comme point de départ du circuit clandestin vers les Canaries, avec tout ce que cela comporte en termes de sécurité, de droits sociaux, de moyens de lutte et de glissement séparatiste n’étaient pas inscrits à l’ordre

27 Dualité entre le statut et le fonctionnement de la Bachaouia et ceux de la Municipalité. Sur le terrain, elles avaient quasiment les mêmes attributions, Ce qui est souvent à l'origine de nombreux blocages qui prennent parfois un caractère politique, des fois un caractère technique, le plus souvent un caractère administratif ou ethnique. 28 En termes d’accès aux crédits du FEC, de budget communal dérisoire et de recette municipale très variable d’une année à l’autre.

72 du jour du fameux diagnostic. Ils sont superficiellement et vocalement évoqués mais sans effets, les moindres. Les grands projets d'assainissement, d'électrification, de dessalement de l'eau de mer, d'équipement de lotissements, de valorisation de la zone industrielle qui jusqu’en 2009 traînaient encore n’ont pas focalisé le débat. Ce qui remet en cause la procédure participative en elle-même comme elle est pratiquée dans les zones de marges partagées dans des conflits partisans et tribales de l’élite locale. Ce qui ouvre la marge à des stratégies communes et individuelles de concurrence politique et tribale influant considérablement, et négativement, sur le rythme du développement local. Les structures urbaines de Tarfaya en étaient la preuve incontestable.

2-Tarfaya : une morphologie urbaine à soigner

Bien qu'elle soit dépourvue de bidonvilles et de camps populaires, Tarfaya n'en demeurait pas moins l'une des villes les plus insalubres du Sahara atlantique. Le niveau d'équipement d'infrastructure très bas (réseau d'assainissement et de voirie non achevé, adduction insuffisante en eau potable) ainsi que la prédominance d'un habitat semi-rural d'un aspect "gourbis" réalisé à base de pierres en appareil grossier et sans mortier ni enduit avec tendance générale aux toits en bois, marquait profondément le paysage urbain. En effet, jusqu’en 2009, celui-ci offre l'aspect d'un village vétuste. Les matériaux de construction utilisés présentent une faible résistance aux intempéries, notamment à l'humidité qui s'infiltre aux couvertures, à travers les murs et s'attaque même aux soubassements par capillarité. Un tel taux d'humidité agresse les habitations et dégrade leur solidité. Ceci conjugué à une défaillance de l'entretien et à l'ensablement coûteux et permanent cause des dégâts énormes.

Tarfaya manquait d'espace de représentation symbolique. Les abords des axes structurants sont sous aménagés et ne pouvaient en conséquence jouer le rôle de lieux de représentation. Pour un lieu symbolique de la Marche verte, Tarfaya manquait d'ancrage. « L’île » se trouve enserrée entre l'océan au Nord et à l'Ouest et le désert au Sud et à l'Est. Cette configuration cytologique conditionna en partie la croissance urbaine, au demeurant très lente, de la ville et semble déterminer son orientation. Le panorama offert au regard de l'observateur arrivant par l'entrée Sud ou par la route de Tan-Tan se présenta comme un ensemble d'unités bâties perdues au milieu du désert. Mais, cette impression globale s'estompe au fur et à mesure que l'on s'approche de la partie urbanisée la plus dense. Au niveau du cadre bâti, la structure chromatique des enduits des façades, qui va du beige au blanc en passant par le jaune clair, laisse se dégager quelques intentions paysagères chez les habitants. Cependant, l'état de vétusté avancé des constructions réalisées sans respect aucun des règles élémentaires des techniques du bâtiment, trahissaient l'absence de toute préoccupation esthétique ou architecturale dans la production du logement.

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Pourtant, les éléments d'un paysage approprié à la mesure historique de Tarfaya existaient. En effet, la plage avec Casa Mar au milieu des eaux, est un élément fort du paysage urbain qui rappelle que Tarfaya est à la fois une ville de désert mais surtout une citée atlantique. La configuration du tissu urbain de Tarfaya traduit les principales étapes de sa genèse urbaine, le niveau d'intégration de ces différentes composantes ainsi que les vicissitudes de son évolution socio-économique et sa gouvernance. Le cadre bâti de la ville se

74 caractérise par la prédominance de l'habitat de type économique et de l'habitat dispersé. Peu de groupements d'immeubles à 3 niveaux, les constructions en R.D.C. représentaient environ 70% de l'ensemble du parc en logements. La superficie moyenne est de 100 à 120 m² environ. Malgré l'absence d'un plan d'aménagement actualisé et homologué, il semble que le développement de la ville des origines jusqu’en 2009, fut imposée entre autres, par les contraintes du site. La construction la plus ancienne est la Casa Mar, Les bâtiments de la colonisation espagnole (1916-1958) sont localisés sur la frange Ouest de Hay Al Mouhit, le plus important est sans doute la caserne militaire et les vestiges de l'ancien hôpital et de l'ancien cinéma.

Par la suite, la ville s'est étendue vers le Sud-Est en forme d'entonnoir dont le sommet est constitué par Hay Al Mouhit, situé au bord de la mer, face à la Casa Mar, et qui s'élargit vers l'Est et le Sud-Est par le lotissement Al Massira et le quartier Chergui ; et vers le Sud et l'Est par le quartier Hay Jdid et Al Fila. Au Nord de cet ensemble se trouve Hay Al Matar qui commence à prendre forme avec l’extension du quartier Al Massira. Le degré d'intégration des différentes composantes du tissu urbain demeurent toujours très inégal. En effet, si les quartiers Al Mouhit et Al Massira récupèrent avec le temps un certain degré de fonctionnalité. Les quartiers Chergui et Al Matar quant à eux, restent confinés soit par une planification hypothéquée et un zonage fictif qui n’a jamais encore aboutit soit stopper par le foncier militaire. En effet, plus de 75 Ha29 à travers la ville sont décrétés espace d’activités industrielles et portuaires dans le plan de zonage. Soit, plus de 55% la superficie de la ville. A cela s’ajoute, une mobilité de population difficile à contrôlée. En effet, celle-ci influe sur le taux de construction des parcelles qui restent non construites. 59% à Hay Matar, 45% à Hay Chergui et 36% à Hay Mouhit, Ce qui aboutit à une dislocation du paysage urbain. Le cadre bâti de la ville de Tarfaya se décompose ainsi en neuf entités urbaines distinctes. Grosso modo on peut lire les différentes composantes spatiales constituées de l’espace résidentiel, l’espace péricentral, la réserve foncière, l’espace fonctionnel, l’enceinte portuaire mais elles ne forment en aucun cas un tout structuré.

3-Tarfaya s’est relevée de ces cendres face aux défis de la nouvelle province ?

A priori, l’équation du développement de Tarfaya est égale à la volonté politique des pouvoirs publics de décider de combattre l’indécision. Les facteurs et acteurs de sous- développement de Tarfaya son multiples certes, mais ne sont aucunement déterminants ni incontournables. La pression géopolitique de la question du Sahara a certes limité la marge de manœuvre dans les poches périphériques du Sahara atlantique. L’attention fut focalisée sur les espaces centraux producteurs de la croissance économique, de l’équilibre politique et les grands chantiers de l’habitat de masse qui sont par la même occasion les portes de vulnérabilité d’un contrôle international déstabilisant qui s’exerce sur des villes-Etat-Région comme Laâyoune (Minurso, Organismes internationaux, bailleurs de fonds, parties politiques juristes, journalistes séparatistes espagnols et algériens…). La légitimité de s’appuyer sur les villes phares du développement comme Laâyoune, Dakhla ou encore Tan-Tan-El Ouatia trouve sa logique dans le souci permanent qui a animé l’appareil d’Etat, celui de mettre en place des villes-régions en mesure de structurer l’espace face à l’immensité des territoires. Dans la conception, comme dans la réalité, cette démarche a belle et bien réussi à stimuler des plates-formes de développement comme Dakhla, sujet de notre article. Mais, elle a aussi

29 ISKANE b.e.t et SDAL, 1997.

75 engendré une dynamique différentielle dans le Sahara atlantique à l’échelle de la ville, de la société et de l’économie. Laâyoune n’est pas Dakhla, Cette dernière n’est pas Tan-Tan qui n’est pas Es Semara. Chacune de ces plates-formes de développement fonctionne comme un système caractérisé indépendant l’un de l’autre. La différenciation n’est pas uniquement d’ordre politique et/ou économique, elle est aussi d’ordre historique, culturel et sociétal. En ce sens, il est tout à fait réel que des poches de territoires ont été déconnectées par l’un ou l’autre système. Tarfaya, en est un exemple. Aujourd’hui, le contexte de la nouvelle constitution de 2011, celui de la régionalisation élargie peuvent inverser la tendance. Tarfaya dispose d’un cadre institutionnel et territorial, la promotion administrative en chef lieu de province. De plus en plus des projets méga voient le jour. Même le mode de régulation territoriale explicité plus haut s’effectue en faveur de la province Tarfaya.

3-1-Une promotion administrative et territoriale au politique en mesure d’articuler les projets structurants

La tout récente promotion de la ville en 2009 au rang de chef-lieu de province répond avant tout à une stratégie géopolitique se rapportant au plan d'autonomie présenté par le Maroc comme solution au conflit artificiel du Sahara. Beaucoup d’espoir est rattaché sur cette province pour induire la dynamique socio-économique escompté. Il ne s’agit pas de faire du tourisme, comme l’a toujours conçu l’acteur local à son échelle, la solution de tous les maux mais de chantiers structurants de développement, de renforcement des infrastructures de base (routes, assainissement, équipements sociaux de base, Plan de sauvegarde environnementale, mise à niveau des espaces urbains et ruraux) pour lutter contre la morosité et la monotonie du train de vie des citoyens. De hautes directives sont données pour la consolidation de la politique de déconcentration administrative et la poursuite de la politique de proximité, devenue un choix stratégique pour l'appui des compétences en matière de gestion et le renforcement de leur place en tant qu'acteurs essentiels dans la gestion d’un fait public placé dans les mains d’acteurs locaux porteurs de projet urbain et de société. Les premiers indices de développement humain (0.680), de pauvreté (8.10%) et de vulnérabilité (11.50%) témoignent relativement d’un changement positif qui s’opère. Les taux de couverture en électrification (94%) et en raccordement au réseau public d’eau potable (87%) vont dans le sens d’une amélioration des conditions de vie de la population. Reste à faire un effort considérable au niveau de l’assainissement.

3-2-Des projets Méga structurants en mesure d’équilibrer le développement local par l’attraction des investissements a&u niveau de deux secteurs : les énergies renouvelables et le tourisme.

Des projets stratégiques structurants dont l’impact va favoriser l’émergence très récente de la province de Tarfaya. Il s’agit du parc éolien de Tarfaya, les projets énérgitiques déjà lancé ou en phase d’études et le projet en cours d’étude d’exploitation d’une ferme d’Algoculture à la commune d’Akhfennir. D’autres projets suivront dans le cadre de la vision maritime 2030 et dans le cadre de la politique d’ouverture africaine.

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3-2-1- Le parc éolien de Tarfaya et les projets d’investissement dans la filière des énergies renouvelables et le tourisme

Au-delà l’impact économique et environnemental du projet lui-même, il tien lieu de zone tampon de sécurité entre sa partie Saharienne et le reste du pays c’est désormais la présence stratégique des américains à Tan-Tan et leur présence sur le marché économique régional des énergies renouvelables entre autres. En effet, la concurrence a été acharnée sur le contrôle et la gestion du site du projet méga à savoir le parc éolien de Tarfaya30 entre le groupe GDF-SUEZ et le duo maroco-américain international POWER/NAREVA HOLDING filiale de l’ONA. Avant que le groupe français ne remporte le projet de construction et la concession de cette centrale éolienne pour le compte de l’ONE. Ce parc situé à 20 Km de la ville de Tarfaya se compose de 131 éoliennes et une capacité de 301 NW. Mis en service en 2014, il représente le plus grand parc éolien au niveau de l’Afrique avec une enveloppe d’investissement de 5 milliards de DH. Il fournira à l’horizon 2020, 15% des 2 GW que s’est fixé le Maroc dans le volet éolien de son grand plan renouvelable, visant la production de 42% de son courant à partir d’énergies vertes. Le parc est consolidé par celui d’Akhfinner mise en service en 2013 par la filiale de NARVERA Holding pour la production de 100 MW pour le compte de grosses pointures industrielles marocaines comme la Farge, Managem, OCP, Samir et Sonasid.

Parallèlement à son nouveau rôle géopolitique et stratégique pressenti, des bases économiques pour Tarfaya ne relèvent pas de la mission impossible. Dans un souci de promotion sociale et territoriale de la province stratégique redécouverte de Tarfaya, des chantiers significatifs ont été lancés dans les communes rurales d’Akhfennir, de Hagouniya et de Daoura. Il s’agit de la mise en place d’une unité de dessalement de l’eau de mer et de l’aménagement d’un camélodrome. Le projet de construction d’une usine pilote pour tester l’extraction de schistes bitumineux aux environs de Tarfaya connaît une nouvelle étape initiée par la compagnie pétrolière et gazière San Leon Energy, qui avait fait la découverte du gisement de schistes31. Grâce à ces projets d’envergure, la prévalue peut être réinvestie dans l’extension, le réaménagement et le perfectionnement du port de Tarfaya. Bien que les travaux du port ont été entamés en 2008, moyennant l’appui de l’Union européenne par le biais de la compagnie Naviera Armas qui projeta de mettre en service une première ligne maritime, commerciale et touristique. Les travaux, bien qu’affectés par la crise économique, sont assurés par la société mixte «Tarima - Maroc» qui a investi environ 1,5 million d’euros pour la réalisation des infrastructures nécessaires. Les essais techniques dans les ports de Tarfaya et de Puerto Rosario par le bateau Essalama de la compagnie Naviera Armas ne laissent aucun doute sur les retombées économiques et sociales de cette ligne maritime. Surtout que le port canarien de Puerto Rosario fut déclaré officiellement « port Schengen ». Il peut ainsi assurer

30Tarfaya fait partie des 14 sites répertoriés dans le cadre du projet de 1.000 MW. Les perspectives de développement de ces énergies et leur impact sur le renforcement de la production électrique nationale et sur l’environnement sont importantes. L’objectif est de porter dès 2012 à 20% la part de production d’électricité à partir des énergies renouvelables.

31 Rappelons que le Maroc n’a pas placé le schiste comme source d’énergie prioritaire pour la forte consommation d’eau que l’exploitation du gisement nécessite. Cependant, selon l’étude réalisée par la San Léon et par l’ONHYM, les seules réserves de Tarfaya (sans parler de celles de Tanger et de Timahdit) sont estimées à 50 milliards de barils. Cependant, le positionnement officiel du Maroc sur la question reste prudent.

77 d’une part, le trafic des personnes et des marchandises en provenance des pays non communautaires et d’autre part, ouvrir la ville de Tarfaya aux acteurs économiques et touristiques canariens. Malgré le drame survenu lors de l’inauguration de cette ligne qui vu couler le bateau de la Naviera Armas32, le projet n’en demeure pas moins un véritable bol d’oxygène pour le port de Tarfaya et pour la ville qui fera figure d’un lieu de transit pour les Marocains résidant dans les Iles Canaries. Ainsi les habitants de Tarfaya trouveront des activités de substitution d’une pêche artisanale à faibles revenu et surtout très concurrencée par la pêche hauturière. Cette ligne devra, également dynamiser l’économie locale en promouvant le tourisme et les échanges commerciaux entre le Maroc et les canaries. Déjà, la Compagnie générale immobilière (CGI) et le groupe jordanien Mawared ont créé une société mixte pour la réalisation d’un pôle touristique à Tarfaya.

Ces nouvelles potentialités du développement socio-économique sont en mesure de faire de cette ville, longtemps en sommeil, un canal de flux d’investissements pour les trois régions de la zone Sud, en particulier la région de Laâyoune-saquia El Hamra. Ceci, reste cependant tributaire de trois facteurs. Primo, des efforts techniques de maintenance des opérations de dragage dans le port de Tarfaya qui reste toujours menacé par l’ensablement. Secundo, du positionnement politique du gouvernement canarien vis-à-vis du déroulement de la question du Sahara marocain. Tercio, de la capacité des autorités marocaines à contenir les circuits de l’immigration clandestine et les embarcations de la « mort » au départ de Tarfaya vers l’île de Lanzarote. 3-2-2- La ferme d’Algoculture d’Akhfennir ou l’investissement dans la filière des biotechnologies

C’est un projet très porteur du fait que le Maroc disposant de 3500 Km de côtes, recèle une richesse en diverses espèces d’algues qui constituent un enjeu majeur de développement économique à travers l’investissement dans la filière des biotechnologies33. L’algoculture au Maroc est une filière de l’aquaculture. Le projet de Tarfaya fait partie de 16 autres grands projets de la stratégie Halieutis visant la durabilité d’investissement et la création d’emploi et la garantie de ressources économiques pour les populations riveraines. Plusieurs nouveaux secteurs porteurs d’innovation gravitent autour de ce projet méga d’Akhfennir. Déjà l’étude d’impact environnementale effectuée par la NAFET & HYDRAUMET pour le compte du pétionnaire-Exploitant FREED ALGAE MAROC est déjà livrée positive. Pour ce bureau d’étude, il conclut « le projet s’inscrit dans une politique de dynamisation des investissements dans la région, et la valorisation des potentialités naturelles et halieutiques. L’analyse des impacts du projet sur son environnement montre que les impacts résiduels sont globalement insignifiants, et ce grâce aux caractéristiques du milieu ainsi que la mise en application des mesures d’atténuation proposées dans cette étude, et également le respect des textes et lois en matière d’aquaculture et de l’environnement. Nous estimons qu’une suite favorable pourra

32 Cet incident a fait couler beaucoup d’encre à propos des raisons de l’accident tantôt en rapport avec l’émigration clandestine, tantôt en rapport avec le positionnement du gouvernement séparatiste canarien à propos du dossier du Sahara. Peut importe la cause, le projet est vital pour Tarfaya. 33 Rappelons que l’impact environnemental de cette filière permet de nettoyer les océans de 100000 tonnes d’algues séchées, soit un dégagement de 500 tonnes d’azote, 50 tonnes de phosphore et 50000 tonnes de CO2 séquestré. Sur le plan économique, la production mondiale des algues atteint 28 millions de tonnes. Pour le cas du Maroc, la transformation des algues sous l’égide de la société ANDA par le marché de l’Agar-Agar gagnera, à lui seul, 36 millions de dollars américains sur une période de 10 ans. Le potentiel de production sur la côte atlantique marocaine est évalué à plus de 20 000 tonnes. L’algoculture en offshore est déjà là.

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être accordée à la demande du pétionnaire ». Le projet s’étale sur une superficie de 6141 Ha du foncier relevant du domaine privé de l’Etat et des domaines hydraulique et public maritime. Le site correspond à un vaste plateau rocheux prenant contact avec l’Océan Atlantique par une falaise vive de 70 m vers l’embouchure de l’Oued Dra et s’abaissant à un niveau de 20 m dans le territoire de Tarfaya.

La consistance du projet comporte des aménagements de Pipeline, de Maison de serre, d’un bassin et d’une station de stockage. D’après le Business Plan du promoteur, le projet nécessitera le déploiement d’un investissement initial de d’environ 450 millions de dollars américains équivalents à 4 milliards de DH sur une période de 7 ans. Le projet prévoit la création de 1000 postes d’emplois directs à l’horizon 2025. Ce qui rendra le marché régional des produits à base d’algue des plus dynamiques. Ceci est d’autant plus important que sur le plan de la biodiversité, la ferme se situe en voisinage avec le parc national de Khnifiss s’étendant entre Tan-Tan et Tarfaya. Son caractère de SIBE de zone humide littorale (plus de 6500 Ha en zone Naïla) fait qu’il existe plus de 70 espèces de plantes vasculaires dont plusieurs sont endémiques rares. Bien qu’ils existent des impacts négatifs de ce projet en termes d’affectation de la faune terrestre et de la flore, de pollution sonore et olfactive, de dégradation du sol, de défiguration du paysage, de la perturbation du domaine maritime et de contamination biochimique des sols ; les impacts sont jugés ponctuels, faibles, mineurs, voire insignifiants, compte tenue de l’impact économique, du développement et de l’emploi qui eux sont forts, majeurs et de longue durée selon les qualificatifs des évaluateurs. Les impacts négatifs sont surmontables avec des mesures d’atténuations adéquats et un plan de suivi et de surveillance de l’environnement.

3-3-Le développement humain : une nécessité absolue pour Tarfaya

Les provinces sahariennes apparaissent comme des régions pionnières qui recèlent d'importantes ressources naturelles dont la valorisation nécessite des financements et des équipements lourds (J.F.Troin, 2002). Pour le cas de Tarfaya, en plus des projets structurants que la jeune province se doit de réaliser, les richesses halieutiques et le sable peuvent constituer, à l'instar de Laâyoune, la base garantie et assurée d'un développement durable. Ce choix est aussi indispensable qu'urgent. Car si l'on en croit les différents scénarios et projections de développement socio-économique de Tarfaya sur la base des indices démographiques et économiques calculés par la CERED pour la période 2002-2010, repris par le premier plan d'Aménagement jamais homologué, Tarfaya, se trouve dans une position difficile pour pouvoir rattraper son retard, par rapport aux autres villes-ports de littoral saharien. Même si, dans l’immédiat, la dynamique de l'activité portuaire et touristique est assurée, la ville n’atteindra, dans cette perspective qu’à peine 10 000 habitants avec un taux d'activité qui restera figé pendant plus de 10 ans autour de 34%. La taille des ménages va encore diminuer. Le tertiaire notamment informel, fut pressenti comme le seul en mesure d'assurer jusqu'en 2010, un taux d'emploi supérieur à 50%. Dans ce processus d'évolution à rythme lent, il faut attendre le long terme pour voir les activités productives afficher un taux moyen d'emploi à l'entour de 25 %34. Sur le même registre, la question du logement, selon la même perspective, présente les mêmes caractéristiques latentes. Les besoins aux différents horizons de plan d'aménagement se limiteront respectivement à 51, 426 et 614 logements pour le court, moyen et long terme. Soit au total 1091 logements à construire jusqu'à l'horizon

34 Plan d'Aménagement de la ville de Tarfaya, Rapport justificatif, 2001 p.17

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2010. Le nombre d'unités à construire reste sensiblement inférieur au nombre de logements nécessaires puisqu'une unité de logement économique correspond en moyenne à 1.5 logements, une unité immeuble en R+2 / R+3 correspond en moyenne à 6 logements. La conjoncture socio-économique influe considérablement sur l'aménagement de la ville. En effet, le manque de visibilité quant à la réalisation physique et temporelle jusqu’en 2008, des projets structurants à Tarfaya, rend la programmation technique aussi bien configurée que hasardeuse. Il n'est pas difficile de constater le déséquilibre dans la programmation de l'espace résidentiel par type d'habitat. En effet, l'habitat économique consommera plus de 80% de l'espace résidentiel programmé. Si l'on ajoute les 5% réservés au développement de l'habitat en pisé, la proportion atteindra les 85%. Ceci, accélérera davantage le processus d'insalubrité de la ville vu le manque d'entretien dû aux manque de moyens. A vrai dire, l'esquisse du plan d'aménagement de Tarfaya inspirée du plan d'aménagement d'Essaouira, ville supposée, injustement d'ailleurs, avoir les mêmes contraintes climatiques, pose plus d'un problème. Elle démarre à partir d'un constat de crise mais, elle s'inscrit, en même temps, tantôt dans des dynamiques à caractère fictif spéculant sur un développement en papier, tantôt dans les stratégies des acteurs de construction comme l'Erac-Sud à l’époque. Souvent, ces stratégies ne répondent pas à des besoins sociaux réels. Elles s'inscrivent dans un processus politiques et dans la recherche de la solvabilité. Certaines affectations spatiales semblent incohérentes avec le fonctionnement de la ville. C'est le cas notamment de la zone touristique et de la zone villa que le plan a situé comme limitrophes à la zone industrielle Sud destinée à recevoir les industries polluantes qui pourrait s'installer à Tarfaya. Ces zones sont mal positionnées en égard de la fonction qui leur sera attribuée. En plus de la pollution et du manque des plages par rapport au Nord, elles sont exposées à l'avancée du sable puisque tout l'effort, dans ce domaine, est centré, particulièrement et selon les moyens disponibles, sur le Nord-Est de la ville. La zone industrielle Nord s'étale sur des espaces à vocation touristique. La même remarque concerne aussi l'étendue de la zone militaire à un moment où dans tout le Maroc, le foncier militaire commence à faire pression sur l’extension urbaine. Le rythme d’évolution réelle de la ville jusqu’en 2010 s’est fait à un rythme beaucoup moins important que ce qui a été planifié.

Ceci dit, il est impératif de comprendre que le temps de l’économie planifiée est révolu. Désormais, les pronostiques établies par la banque mondiale, les bailleurs de fonds et les organismes d’expertises économiques, d’aménagement, de planification ou des comportements sociaux n’aboutissent pas. L’économie globalisée est imprévisible, rapide et non localisée. Il suffit de trouver un potentiel foncier, un créneau d’investissement et un porteur de projet financier pour faire basculer toute l’économie planifiée. Aujourd’hui l’économie politique l’emporte sur l’économie résiduelle. A titre d’exemple se sont les géants du transbordement et de la logistique conteneurisée Danois, Farçais, chinois et américains qui décident du sort d’un port et non les politiques des Etats nations. Il suffit que Maersk décide de délocalisé ses activités pour faire détrôner ou trôner un port donné selon ses intérêts immédiats. Il n’existe plus une région centre et une région périphérie. Là où il existe des potentialités, les investisseurs rappliqueront. Tout le savoir faire c’est d’avoir la capacité de drainer en durabilité les investissements. Le cas de Dakhla et de Tarfaya le montre clairement.

Les comportements financiers, logistique et sociaux du nouveau contexte stratégique d‘aujourd’hui est donc en mesure de faire aboutir un mode de gouvernance qui coupe latéralement avec une planification sur le papier comme prélude de développement activée dans un processus bureaucratique de validation, homologation, approbation, dérogation

80 prolongé dans le temps mais sans aucun effet réel sur la ville. Il a plus d’effets sur les acteurs que sur le territoire. La jeune province est appelé à corriger les dysfonctionnements à commencer par le pilotage du nouveau plan d’aménagement de Tarfaya dans le sens des projets structurants en chantier. Ce fait est d’importance. D’une part, il faut réintroduire un climat de confiance entre les citoyens et leur administration car les dispositions du premier plan d'aménagement de Tarfaya avaient suscité chez la population et chez les élus locaux des résistances fondées. De telles affectations spatiales se trouvent en contradictoire avec d'autres dispositions formulées par d'autres plans et/ou par d'autres études sectorielles. Ceci explique pourquoi et depuis 1995, et pur longtemps, aucun plan d'aménagement n'a été homologué. D’autre part, la ville de Tarfaya, en dépit de l’ajustement territorial qui va avoir lieu à moyen ou à long terme, doit chercher son développement de manière endogène. C’est le seul moyen d’inscrire la ville dans une dynamique socio-économique durable.

Conclusion

En guise de conclusion, il est certain que les contrastes frappants qui apparaissent entre l'intérieur du pays et le littoral, existent aussi à l'échelle des façades maritimes, méditerranéenne et atlantique. Cette dernière concentre 85% de la population littorale totale. Le contraste est également enregistré entre les secteurs d'une même façade selon les atouts du site et les péripéties de l'évolution politique et socio-économique (A. Fadloullah, 2002).

L'exemple de Dakhla et de Tarfaya souligne les contrastes et les clivages qui existent au sein du Sahara atlantique supposée dynamique. Dans La ville-port-région de Dakhla, l’Etat apparaît comme le principal acteur dans la production de la ville. Il définit les règles en matière d’urbanisme et de planification urbaine, il réoriente la mobilité des populations, met en place les structures d’accueil et crée les facteurs d’émergence et de consolidation d’un entreprenariat transnational via l’ouverture libérale qui est en fait, une intégration subordonnée à la mondialisation. En ce sens, la ville, exprime bien la volonté affichée des pouvoirs publics décidés à mener une urbanisation pour le plus grand nombre. La pression géopolitique est un fait réel. La ville-port s’insère dans un premier temps dans un processus de fabrication urbaine où le port tourne le dos à son substrat local comme s’il s’agit d’un appareil qui procède d’un ancrage extérieur. Cependant, cette même ville-port, dans un autre contexte, arrive à structurer son espace régional et à induire une dynamique différentielle. A certains égards, elle est intégrante en termes d’emplois, d’accès aux ressources de base (eau, électricité, logement, services sociaux …), en termes aussi de modernisation de l’économie et de la société. A l’instar des mobilisations économiques effectuées dans l’extrême Nord du Maroc, notamment autour de Tanger, Dakhla, une fois la ville aménagée et insérée davantage dans sa « région- hinterland », son potentiel d’énergies renouvelables (solaire et éolien) et sa municipalité dotée de moyens appropriés, a toutes les potentialités requises pour s’ériger en hub d’interface de la mondialisation. Un hub tourné vers l’Europe et l’Amérique (exportations des produits halieutique et agricoles), mais aussi vers l’Afrique subsaharienne via le négoce, le commerce frontalier et la création de relais-économiques vers les nouveaux marchés africains. La confirmation du Maroc africain s’effectue dans l’intérêt exclusif de Dakhla.

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Par contre, Tarfaya fait figure d’une poche de marge dans un Sahara atlantique dynamique. La marginalité n’est pas uniquement le fait d’un déterminisme naturel ni encore moins un fait de société. C’est l’aboutissement d’un choix de systèmes urbains qui se sont fait greffés sur les territoires où la tension sociale est réelle et où les exigences de la production de la croissance économique sont plus au moins faciles à satisfaire. Les quels ont généré des mobilisations de populations et bénéficié des équipements. De ce fait, Tarfaya, comme d’autres poches d’ailleurs se sont trouvées spatialement à la marge des villes plates-formes de la mondialisation. Le déclin de Tarfaya est donc moins un fait d’ensablement et de désertification que de l’aboutissement d’un choix de modèle d’urbanisation par grappe qui a été fait, reconnaissant le, dans la pression (internationale) et dans l’urgence. Ce modèle a réussi à supporter l’urbanisation de masse, il a mis en place de structures urbaines performantes. Mais il a aussi généré des espaces de marges. L’enjeu aujourd’hui pour Tarfaya c’est de prendre son développement en charge en s’appuyant sur la promotion administrative non pas comme fin en soi mais comme moyen permettant d’inverser la tendance dans le sens d’articuler les projets structurants. Les vraies potentialités de la ville et de sa zone. La régionalisation élargie tout comme le projet d’autonomie des provinces sahariennes ne doivent pas générer de positionnement territorial pour s’attribuer le développement. Ce dernier est à rechercher dans les ressources propres, la mobilisation des acteurs sociaux, le nouveau mode de régulation territoriale et les perspectives d’investissements rendues possibles par une globalisation qui ne fonctionne pas en modèle de centre-périphérie mais sous modèle de potentialités-investissement et valorisation de la plus value économique, sociétale et territoriale.

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