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Mémoires de la déportation, en savoir plus

Marie-Françoise Bonicel* (pour la revue Cultures en mouvement, n° 25, mars 2000.)

"Biographie : Une histoire de vie en taille directe(1) "

La mémoire, comme les racines de l'arbre Conditionne et maintient notre vie. Ma vie coïncide avec celle de mon peuple. Ma vie d'artiste coïncide avec le retour de ma mémoire… Je voudrais fixer la Mémoire dans la pierre et être l'outil grâce auquel l'Esprit rentre dans la Matière.

Shelomo Selinger. Prix Mémoire de la Shoah.

C'est le plus souvent par l'approche directe de sa création que nous sommes amenés à découvrir l'œuvre d'un artiste. Lorsque celui-ci est contemporain, elle se fait parfois à travers lui à la faveur d'une rencontre. Ce peut être aussi le fruit d'un travail sur l'histoire collective d'un peuple ou d'une culture transcendant son art qui en ouvre les portes. La vie, peut enfin se transformer en alchimiste de la rencontre, mêlant ainsi ces voies et ces voix .C'est ainsi que je fus accueillie par des mains tendues au seuil de sa vie et de son œuvre :

"Les mains sont le prolongement de l'âme…"

Au seuil de l'atelier de sculpture de Shelomo Selinger, un néflier issu d'un noyau venu d'Israël, arque ses branchages sur la cour pavée et des sculptures, dans un mouvement immobile, prononcent les mots du silence : Babyar parle de la tragédie du peuple juif ukrainien, Œdipe et Antigone racontent une histoire venue de la nuit des temps, La Femme Chouette a son regard de marbre tourné vers l'intérieur, et La femme aux trois seins vient d'éclore dans le granit. Au fond de l'atelier L e rêve d'Hélena dessine l'arbre de vie de ses origines et Les oiseaux de l'âme en platane moiré, disent le plus intime, le plus invisible, le plus sacré de l'être mais aussi l'envol possible. Leurs enlacements conjuguent le cœur et la solitude, la vie et le souffle de l'esprit, reliés par le fil invisible de la lumière, Construire offre l'équilibre de ses volumes de granit rose, Jacob combat avec l'ange sur un bas- relief auprès d'Hanna au violon. Mendes-France côtoie La vague et le Baiser en hommage à Brancusi Au cœur de l'atelier de Shelomo Selinger, j'ai rencontré le mystère d'une vie inouïe, d'une œuvre éblouissante d'émotion retenue, déclinée en pierre, bois, bronze, déroulant à l'infini les temps où s'entrechoquent les contraires : la vie et la mort, le passé et le futur, la lumière et l'obscurité, le bien et le mal, la douleur et l'espoir. Le microcosme du monde…La vie de Shelomo Selinger est une histoire dans l'Histoire, une histoire de vie adossée "au mur du temps ". Témoin de l'histoire du peuple juif, dans sa plus grande tragédie, la Shoah, il sculpte sa vie, celle de sa famille, les générations passées et celles à venir, l'intime et l'universel. .

Ma sculpture, c'est ma vie…

En parlant de Rembrandt, Van Gogh prétendait que pour peindre ainsi , il avait certainement fallu qu'il meure plusieurs fois. Pour sculpter ainsi , Shelomo Selinger est né lui, plusieurs fois. Il est né une première fois en Pologne en 1928 à Szczakowa, non loin d'Auschwitz, dans une famille de commerçants aisés, sensibles à la musique et au chant, mais à aucun moment la sculpture n'apparaît dans le registre familial .L'antisémitisme au quotidien qui sévit dans ces pays de l'est ne suffit pas à imaginer la folie qui allait inexorablement recouvrir une partie du monde. Les massacres et les déportations organisées commencent dès 1939. En 1941, malgré des tentatives pour échapper aux rafles, la famille de Shelomo est emportée dans la tourmente. Sa sœur aînée Sarah sera arrêtée la première. Sa mère et sa petite sœur Rouja disparaîtront à Auschwitz. A l' âge de treize ans, à peine célébrée sa Bar-Mitsva il est déporté avec son père qui fut assassiné au bout de trois mois. Mais Shelomo Selinger est habité par une force de vie qui l'animera tout au long de ces années terribles où guidé par son étoile intérieure, il est "choisi" par le destin pour survivre et témoigner. C'est ce désir de vivre qui le poussera au moment de la sélection à se faire passer pour un garçon de dix-neuf ans .C'est cette force de vie qui lui fera découvrir les gestes pour survivre, la force pour résister aux coups, aux humiliations, au sadisme des bourreaux au long de son passage dans les neufs camps de travail et les trois marches de la mort qui le conduiront à sa dernière étape de l'enfer, à Theresienstadt, dans un amoncellement de cadavres où il est laissé pour mort au côtés du poète Robert Desnos, qui lui, ne survivra pas.

Shelomo est né une seconde fois entre les mains d'un médecin juif, officier russe de l'armée de libération qui entendra un souffle parmi les morts et le ramènera à la vie : "qui sauve une vie sauve le monde" , dit la tradition juive …Rescapé, il est amnésique et le restera pendant sept années après avoir rejoint Israël en bateau clandestin. Là, il retrouvera sa sœur aînée Sarah, qui a survécu elle aussi. C'est en Israël que Selinger va naître une troisième fois, Israël où il va tenter de mettre en œuvre ses rêves : "je veux me changer, construire le pays, changer le peuple juif, changer le monde" ! C'est ainsi qu'il s'instruit pour rattraper le temps perdu, qu'il participe à l'installation d'un kibboutz en Judée où il lave la terre du sel qui la stérilise depuis des siècles, pour la rendre à nouveau fertile, voir renaître les cultures et fleurir les vergers, et qu'il participe à la guerre d'indépendance de 1948. "La renaissance d'Israël coïncide avec ma renaissance personnelle…Ici est ma maison ; je travaille, j'apprends à me défendre, je m'instruis, et je suis initié à la poésie et à la beauté. Mais je suis toujours l'homme sans mémoire et sans passé. Je suis un nouveau- né. Le désert de Judée est mon lieu de naissance, la lumière de ce lieu m'imprègne à jamais. Plus tard, j'essaierai de la faire rayonner dans ma sculpture (2) " .

Les années passent et sa mémoire en jachère redevient elle aussi fertile. En 1951, à l'occasion d'une promenade avec Ruth, sa fiancée qui deviendra plus tard son épouse, il sculpte par jeu une petite figurine. Plus tard ce sera son auto- portrait à l'aide d'un miroir…renouant peut-être ainsi avec des gestes d'enfance enfouis dans sa mémoire repliée sous le poids de trop de douleur… "L'enfance est le puits de l'être" disait Bachelard…Le pass é enfoui ressurgit alors progressivement avec sa cohorte de souvenirs terrifiants et des cauchemars qui vont hanter ses nuits. Depuis, Shelomo n'a pas cessé de sculpter, en Israël d'abord, où il remporte son premier prix de sculpture puis en France où il vient travailler en 1956 dans l'atelier de Gimond, rencontrer Brancusi, mais aussi développer un style propre. Il sculpte de façon obsessionnelle, dans le bois, mais surtout dans la pierre. Le granit de Bretagne sera sa pierre privilégiée, pierre des menhirs qui peuvent défier l'éternité. Rami Selinger, son fils, spécialiste de chirurgie plastique et réparatrice, notamment des mains , l'évoque : "Moi, j'aide les gens à tourner les pages. Mon père lui, sculpte ses souvenirs ; il sculpte dans des matières qui vivent bien plus longtemps que nous. Il sculpte pour les générations à venir, pour transmettre sa mémoire. " Ses plus grandes sculptures monumentales sont réalisées dans cet esprit : l e Mémorial de la Déportation de , qui atteint les 4,70 mètres de haut, le Monument de la Résistance à La Courneuve, qui porte encore la trace de l'arrachement à la terre de ce bloc de 40 tonnes, L e Requiem pour les juifs à Bösen près de Saarbrücken ou le Monument des Justes des Nations à Yad-Vashem : Pourquoi le monumental, les grandes dimensions ? "Pour que tous , répond Selinger, à l'occasion de l'exposition de La Courneuve en 1986, y voient l'évidence d'un souffle supérieur ".

A la folie de la lumière noire de la Shoah (3) Shelomo répond par une autre folie : plus de 700 œuvres, qui se poseront en France et à l'étranger et lui vaudront les plus grandes récompenses : "L'art est une blessure devenue lumière" nous dit Braque… Par quelle magie l'artiste peut-il entretenir l'émotion nécessaire à la réalisation d'œuvres comme Drancy ou La Courneuve qui durèrent chacune plus de deux années ? En taillant la lumière et en libérant la forme immense qui va devenir le Mémorial de Drancy, il pense à sa mère, à sa petite sœur, à son père et aux membres de sa famille décimée, et trouve là le souffle pour nourrir l'œuvre chargée de symboles qui touchent à l'universel, mais à laquelle on accède par l'intime de son histoire personnelle et de la tragédie des siens . Le souvenir et la douleur sont dans chaque sillon, dans chaque courbe, dans chaque cocon qui fait naître un sein ou un visage (4) . En arrachant à la terre les quarante tonnes de granit rose de Perros- Guirec et en œuvrant plus de deux années pour faire émerger "l'esprit de résistance " enclos dans ce volume, l'artiste pense à tous les résistants et particulièrement à son cousin, Moniek Urbeitel, qu'il admirait. Avec les jeunes sionistes de Bendjin, il attaqua les SS qui d éportaient les juifs, et mourut assassiné. Comme un barrage "au fleuve de l'oubli" , la main de Selinger féconde le granit rose pour y inscrire le Temps, et l'empreinte du passeur nous dit l'esprit de résistance et ceux qui l'incarnèrent. Sur le visage d'un seul, il inscrit les centaines d'entre eux lui donnant ainsi toute sa puissance. Les textes écrits sur ces deux monuments en français, en hébreu ou en yiddish ont la couleur du sang versé.

Sur les murs d'un musée de Jérusalem, des mots de Chagall rappellent que lui aussi lorsqu'il peignait, sentaient sur son épaule, sa mère, son père ses frères et sœurs, sa famille et même le peuple juif…

"Ce douloureux héritage, cette terrifiante descente aux enfers Que l'histoire inscrit en chacun, Avec lequel chacun établit ses propres transactions, ma chance à moi était d'en pouvoir sublimer la douleur d'intervenir dans l'irréversible de l'histoire pour donner à voir un peuple. " écrivait le peintre André Elbaz (5) .

Je sculpte mon corps invisible…

Comme la statue int érieure dont parle Fran çois Jacob (6) … En sculptant, Selinger se sculpte aussi lui - même et transforme ainsi les fractures du passé en des créations toujours renouvelées. "Il n'est pas à la beauté d'autre origine que la blessure singulière, différente pour chacun, cachée ou visible, que tout homme garde en soi…" écrit Jean Genet (7) .

Mais Shelomo n'est pas que blessure, et ses outils sont aussi polis par des ressources profondes et anciennes qu'il évoque dans des entretiens et des interviews. Des mots reviennent souvent : amour, beauté, bonté, dignité… Le capital d'amour reçu dans son enfance et que l'arrachement brutal n'a pu éroder. Le message de sa mère, peut-être, "sois amensch", "sois un homme ", celui de dignité d'un rabbin : "ne t'abaisse pas à ramasser le trognon de pomme jeté volontairement par un soldat SS" . Message d'amour et de vie reçu dans un morceau de pain donné par son père, là où d'autres pères et fils déjà déshumanisés s'arrachaient la survie…Les éclats de bonté, de liberté, de beauté, volés au quotidien de l'horreur et la découverte d'autres amours, de la beauté et de la poésie sous le ciel d'Israël viendront nourrir ses œuvres. C'est ainsi paradoxalement dans l'avenir sans horizon du camp que le concept de liberté prend du sens et influencera sa manière d'aborder sa création artistique : "l'homme est libre en creusant le tunnel, ni avant, ni après… l'acte de faire est plus important que le résultat…"

Plus tard, la construction d'une famille et l'arrivée d'enfants et de petits enfants, les amitiés, donnent à l'arbre de vie une sève nouvelle... Les musiciens d'Auschwitz sont désormais remplacés par la musique que pratiquent sont épouse et ses enfants. Les voiles de la vie gagnent sur les courants contraires, même si la "culpabilité du survivant" réveille "le gémissements des entrailles" dont parle Levinas.

Infatigable "oiseleur du temps et de l'espace ", Shelomo Selinger n'en finit pas de naître et de renaître dans sa vie et ses sculptures.

"Il fait devant vous son ouvrage, comme si parce que la pierre existe, il y avait encore des frères. (8) "

Ses mains écoutent la pierre…

"Ses mains font affleurer la lumière, la condensent, la cueillent dans le tracé des lignes, assemblent des fragments d'espace pour produire et traduire la vie. (9) "

Freud comparait les pratiques de la suggestion à celles du peintre déposant les touches de couleur sur une toile blanche et celles de la psychanalyse au sculpteur qui fait émerger une forme enclose dans la pierre. Pour cela, il faut retirer, perdre, comme si la sculpture allait naître du manque ... Il faut détruire l'harmonie existante par une autre harmonie et cette mutation se réalise par un dialogue avec la pierre ou le bois. Le sculpteur tisse l'ombre et la lumière par la création des creux et des pleins dans les volumes, par les courbes et les sillons. C'est dans ce passage, dans cette manière d'accrocher la lumière que se fait l'unité de la sculpture…

C'est aussi d'une histoire d'amour dont parle l'artiste en évoquant les moments intenses où les coups du marteau, les battements du cœur et le rythme de la respiration sont en phase pour un jaillissement créateur…Et pourtant, Selinger se tient toujours en retrait, avec humilité, mais totalement engagé dans son este, passeur, médiateur de quelque chose qui ne lui appartient pas et qu'il va "mettre en lumière…". "Je suis un mystique laïc, je sculpte le subjectif de la métaphysique…" L'Esprit et l'Eros semblent ici se rejoindre pour donner naissance à une œuvre "habitée" qui lui donne sa dimension d'éternité :

"en tant qu'ancien déporté, je sais la fragilité de l'homme, et peut-être que, par un moyen magique, je reçois la force de la pierre qui est la matière la plus stable… La pierre, je la supplie de révéler son devenir… Pour moi, c'est un parcours initiatique, c'est un dialogue exprimé par la lumière, c'est un rapport amoureux entre la matière et moi."

Selinger sculpte sans relâche, peut-être à la recherche de la première lumière, faisant émerger dans les mains et les regards le "sacré" de la vie. "Michel-Ange, cria Dieu dans l'angoisse, qui est dans la pierre ? Michel-Ange dressa l'oreille, ses mains tremblantes. Puis, il répondit d'une voix sourde : " Toi, mon Dieu, sinon qui ? mais je ne parviens pas jusqu' à toi ! Et Dieu sentit aussi qu'il était dans la pierre et se sentit inquiet et à l'étroit .Le ciel tout entier était une pierre et il y était enfermé, et il comptait sur les mains de Michel-Ange pour le délivrer. (10) "

"Il dialogue avec Dieu (11) " , mais c'est en l'homme qu'il croit, parce qu'il l'a rencontré là où tout était fait pour le nier.

Ses mains sculptent la destinée humaine…

"Je sculpte le drame de la vie, les choses essentielles, l'affection, l'amour, la mort, la liberté. Avec l'âge, l'aisance, la liberté, je me permets tout et je mène ma sculpture pour qu'elle contienne une émotion, qui sans elle n'existerait pas. (12) "

Comme l'aveugle- géomètre de Diderot voyait par la peau et pratiquait la grammaire du toucher, c'est en écoutant les mains de l'artiste, et l'arche de lumière qu'elles font naître dans ces paroles de pierre, de bois ou de bronze, c'est par une démarche de la caresse, au sens de Levinas, celle qui ne sait pas ce qu'elle cherche, que j'ai tent é de rencontrer l'œuvre et la vie exceptionnelle de ce passeur de lumière. C'est par un soir de pleine lune que Rilke découvrant le sphinx à peine émergeant des fouilles archéologiques du début de ce siècle, écrira à une amie, musicienne : "ce visage avait pris les usages de l'univers, certaines parties de ses yeux et de son sourire avaient été détruites, mais la succession des ciels l'avait empreint de sentiments inépuisables (13) ".

Déjà, bien des œuvres de Selinger placées dans des zones urbaines rayonnent dans un environnement qui lui, chancelle sous les chocs et l'usure des années. Nul doute que l'œuvre de cet artiste, qui écrit dans la matière son histoire et l'histoire universelle, traversera le temps comme toutes les grandes œuvres qui continuent la création du monde. "Il y a des lumières d'êtres et des êtres de lumière" dit Daniel Sibony. Shelomo Selinger est de ceux là, sa vie et son œuvre en témoignent. "Il faut savoir capter la lumière- autre venue de loin, savoir la restituer à ceux qui ont faim " continue Sibony. Shelomo Selinger est bien un être de lumière pour ceux qui savent avoir faim.

A la fin d'un entretien sur France Culture, un journaliste s'est adress é à lui : "merci pour tout ce que vous nous avez dit ". La réponse est terrible, bouleversante : "je ne vous ai rien dit…".

"Vous devez savoir et pourtant vous ne saurez jamais" , disait Maurice Blanchot à propos d'Auschwitz. S'il soulève à peine le voile sur cette histoire de vie et nous laisse au bord du mystère, celui de la survie, celui de la vie, celui de la création artistique, Shelomo Selinger nous fait pourtant approcher l'indicible, avec des mots de pierre, de bois, de bronze ou dans ses dessins aux lignes grises, noires et bleues.

"Comment savais-tu qu'il y avait tant de souffrance dans la pierre ?" questionne l'écrivain Jacques Salomé. "C'est en écoutant le silence de l'homme…".

Annexe 1 :

Marie-Françoise Bonicel est diplômée de sciences politiques et économiques et Maître de Conférences en psychologie sociale clinique de l'Université de Reims. Membre du Laboratoire de psychologie appliquée de Reims "stress et société" elle travaille sur le stress, la violence, la médiation notamment dans l'Education Nationale et sur les aspects transgénérationnels de la violence chez les individus et les peuples. CV joint.

Annexe 2 : Extrait de quelques r éalisations et récompenses de Shelomo Selinger.

Réalisations monumentales dédiées au souvenir : - Le Mémorial dédié aux déportés de Drancy. Granit. 1976.* - Le Requiem pour les Juifs. Bosen. Allemagne. Grès. 1980 * - Le Monument à la Résistance. La Courneuve. Granit. 1987.* - Le Monument aux Justes des Nations. Yad -Vashem. 1887.* ou célébrant la vie : - La Jeune Fille au tambourin . Marny- les -Compiègne. Granit.1972. - L'Archange Raphaël. Clinique de La Roseraie .Aubervilliers. Granit rose. 1974.* - La Danse. 36 sculptures-jardinières. Place Basse de la Défense. .Granit .1982 .*

Des expressions métaphysiques ou mythologiques : - Qui sommes nous ? Bois. 1994. - L'oiseau de l'âme. Bois .1997.* - Œdipe et Antigone. Bois. 1998.*

Des scènes intimistes ou ludiques. - La Maternité. Granit. Musée d'art Moderne de Paris .1958. * - Et la Vie recommence. Granit. 1989.* - Le rêve d'Hélena. Bois. 1992.* - Jeune Fille se déshabillant. Bois. 1994. - La Violoniste. Bas- Relief. Bois. 1998.* - La Femme aux trois seins .Granit .1998.*

Des prix et récompenses : - 1955. Prix Norman de la Jeune Sculpture. Israël. - 1973. 1er prix au concours international pour le Monument de Drancy.* - 1985 .1er Prix au Salon d'Automne. Paris.* - 1989. Médaille de Vermeil de la Ville de Paris.* Chevalier des Arts et Lettres* - 1993. Chevalier de la Légion d'Honneur.* - 1993. Prix Mémoire de la Shoah. Fondation Buchman.* - 1994. Prix de la Paix de la Nation Chinoise. - 1996. Prix Korman. Annexe 3

Sources principales :

- Entretiens personnels avec l'artiste. - émissions de radio : entretiens de l'artiste sur - France Culture - Radio Juive Ile de France. - 5 cassettes vidéo : Shelomo Selinger. Survivors of the Shoah . Visual History Foundation . 1996.

Bibliographie succinte :

Arts :

* L'univers du sculpteur Shelomo Selinger .Editions Ferre.Paris.1998.Photographies Felipe Ferre .Textes de Marie-Françoise Bonicel. Biographie par Ruth Selinger. Paroles de François Mitterrand prononcées pour sa Légion d'honneur. * Histoire de la sculpture moderne en France de 1950 à nos jours. Arte. Editions d'art. Paris. 1982. Jianou Lionel, Xuriguera Gérard, Lardera Aube. Genet Jean. L'atelier d'. L'arbalète. Paris. Rilke Rainer Maria. Lettres à une musicienne. Calman-Levy. Paris.1998. * Histoire de celui qui épie les pierres. Œuvres en prose. La Pléiade. Gallimard Paris .1993. *Lumière. Depuis la nuit des temps. Revue Autrement.nov.1991.

Mémoire et Shoah :

* Elbaz André. Penser Auschwitz. Pardes.1989. * Levi Primo: Si c'est un homme. Robert Laffont. Paris .1994. * Durocher Bruno. Bois gravés de Selinger Shelomo : - Et l'homme blanc écrivait son histoire. Caractères. Paris. 1983. * Hassoun Jacques : Les contrebandiers de la mémoire. Syros. Paris 1994. Ouaknin Marc- Alain : C'est pour cela qu'on aime les libellules. Calmann- Levy. Paris.1998.

Histoire de Vie et traumatisme.

* De Gaulejac Vincent. Les sources de la honte. Desclée de Brouwer. Paris . 1996. * Salomé Jacques : Les mémoires de l'oubli. Editions Jouvence. Paris 1989. * Sibony Daniel .Violence.Traversées. Seuil. Paris .1998. * Tisseron Serge. La Honte. Psychanalyse d'un lien social. Dunod. Paris .1992.

LA MEMOIRE DE PIERRE

"Demain s'élèvera au cœur de l'Aube, le Monument départemental à la mémoire de nos morts de la Résistance et de la Déportation qui sera aussi le Monument à la gloire de tous ceux qui, dans les circonstances les plus diverses, sur notre territoire et partout dans le monde ont servi un Grand Idéal et se sont acquis de ce fait l'hommage fidèle des vivants et le droit à la reconnaissance éternelle de la postérité "

Pierre-Marcel Wiltzer L'ouvrage de Serge Barcellini et d'Annette Wiéviorka classe les lieux de souvenirs de la Résistance et de la Déportation. On distingue plusieurs thématiques. A savoir, les éléments liés à l'année 1940, les Polonais, les prisonniers de guerre, les Malgr é nous, De Gaulle, Jean Moulin, La Résistance, la répression, la Déportation, les requis du STO, les souvenirs du génocide et les Actions de grâces. Les différents acteurs de la mémoire de pierre sont les familles, les anciens combattants et leurs associations, les collectivité locales et l'Etat. L'initiative vient rarement des pouvoirs publics a moins d'un engagement clair. Municipalités et associations restent les acteurs essentiels. Les lois en vigueur sont multiples. Il y a d'abord la loi du 2 juillet 1915, modifiée par la loi du 28 février 1922. Un décret du 12 avril 1946 (modifié et précisé en 1968) fixe les conditions d'apposition des plaques. A partir de 1982, c'est le Maire qui peut décider. Auparavant c'était le Préfet pour un Français et le Ministre de l'Intérieur pour un étranger. L'essentiel des plaques, stèles et monuments sont installés avant 1950. Si l'on doit définir un monument type, c'est la stèle rendant hommage aux morts sur le site. Parfois, c'est sur la maison de naissance ou d'habitation. Il y a plus rarement des monuments portant une sculpture. En théorie, l'entretien des stèles revient à leur créateur, souvent la municipalité ou le Souvenir français prend le relais.

Un monument est un témoin de pierre et le reflet d'une mentalité. Il est souvent très simple d'aspect. Le manque d'argent, mais aussi le choix esthétique et la volonté égalitaire expliquent la simplicité de la plupart des monuments. Il y a des monuments de diverses formes et de diverses origines dans la plupart des communes de France. Souvent, elles ont choisi des simples stèles de pierre. C'est surtout la Grande Guerre qui a imposé ce devoir de mémoire. L'essentiel était de glorifier les morts tombés pour la Patrie dans leur village alors que la plupart des hommes étaient enterrés dans des cimetières militaires ou dans l'anonymat d'un ossuaire national. Cependant, si nous constatons que l'essentiel des monuments aux morts concerne la Grande guerre, tous les monuments aux morts ne sont dédiés aux morts de 1914-1918. A Troyes, par exemple, le Monument des Enfants de l'Aube concerne les morts de la Guerre de 1870. L'idée de laisser une trace aux soldats tombés, date du XIXème siècle. Ce sont les tueries des guerres de la Révolution et de l'Empire et le développement des différents services militaires qui créent les conditions morales à l'établissement de monuments. Ainsi, l'ordonnance royale du 10 Juillet 1816 autorise la Monarchie restaurée à apprécier les "services rendus à l'Etat ". Dès l'origine, l'Etat cherche à contrôler la glorification des morts et fixer les règles. La Grande Guerre change la donne. Alors que la guerre n'est pas terminée, l'opinion fait connaître sa volonté. Dès 1916, Jean Ajalbert publie un ouvrage dont le titre pose la question : "Comment glorifier les morts pour la patrie. Enfin des associations fleurissent avec pour but de financer des monuments commémoratifs, dont la Reconnaissance nationale. La guerre terminée, il est difficilement possible de résister à la volonté de l'opinion tant le sacrifice de la jeunesse du pays a été important. Puis la loi du 25 octobre 1919 sur la commémoration et la glorification des morts pour la France au cours de la Grande Guerre vient poser les règles. La loi n'est pas répressive. Elle cherche surtout à encadrer et aider les commune. Cette loi sera complétée par la loi de finance du 31juillet 1920. On fixe à cette occasion une subvention.

La Libération a vu naître un profond désir de commémoration. Les année 1945-46 furent prolixes en monuments sur les hauts lieux de la Résistance et des martyrs de l'Aube. On peut citer par exemple Montgueux, 8 juin 1946, La Lisière des Bois le 22 juin 1947 et encore Mussy le 16 septembre 1946. Il est vrai qu'il y a un intense désir de commémoration. Mais si chaque maquis, chaque réseau, chaque famille parviennent à s'entendre, l'idée d'un monument à tous les Combattants, Résistants et Déportés de l'Aube reste un projet plus difficile à mettre en œuvre et il faudra près de 10 années pour y parvenir réellement et surtout l'impulsion décisive d'un homme : le préfet Wiltzer.

Un monument de la Résistance auboise ?

Un premier comité d'érection du monument

Un premier comité d'érection fut mis en place à l'automne 1947. Selon le préfet Wiltzer, l'idée germe au sein de la FNDIRP présidé à l'époque par Henri Curin, et d'emblée l'idée reçoit un accueil chaleureux des composantes de la Résistance et de la Déportation. Un comité provisoire est mis en place et obtient facilement le soutien du Préfet Rix. Plusieurs projets voient le jour et également des polémiques sur les lieux, les styles et les projets. Pendant ce temps, le comité s'élargit et devient définitif, avec en appoint un comité d'honneur composé de personnalités représentant les autorités civiles, militaires et religieuses. Les personnalités de ce premier comité sont :

Henri Curin Hubert Danésini Joseph Vantalon Bernard Siret Jean Piquemal Henri Terre Roger Paupe Gabriel Thierry Gabriel Manser Camille Duval Hugues Portailler Hervé Mathieu Marcel Noël Mme Jean Hoppenot Germain Rincent Roger Guerry Roland Nicolas Le Commandant Poirier Mme Denise Jeanny Jean Puissant Pierre-Jean Guth Pierre Thiebault Henri Petel.

Le lieu choisi sera l'extrémité du jardin de Chevreuse. Ce choix sera officialisé par une délibération du conseil municipal daté du 21 avril 1950. Ensuite, il s'agit de constituer le dossier d'agrément de la commission Centrale des Monuments Commémoratifs et d'obtenir l'autorisation ministériel. Le début de l'année 1951 est consacré à la déclaration de l'association qui sera effective le 4 juillet 1951. Enfin un concours d'architecte est lancé et le projet sera confié à Jean Veyssière. Le premier projet retenu, assez proche dans sa conception de l'actuel portait l'inscription " Vivre libre ou mourir ".

La presse se fait écho de l'événement. Est-Eclair du 16 mars 1951 : "Un mur grandiose et brutal. Grâce à une utilisation totale du terrain, il s'impose par sa masse comme le souvenir impérissable de nos disparus et sert de fond au groupe allégorique. Un déporté, vidé de sa propre vie, l'air profondément las, accueille la mort comme une délivrance. Par opposition, le résistant est frappé brutalement en pleine force de l'âge".

Puis les réunions s'espacent. Le problème du financement se pose. Malgré tout, un contrat est signé avec Maurice Veyssière, entrepreneur de Pompe funèbre, pour le terrassement. Un deuxième concours est organisé pour le choix des sculpteurs. C'est Jean-Charles Lallement qui remportera la majorité des suffrages. En définitive les deux hommes choisis ne sont pas des inconnus. Jean Veyssière(1925-1961) est le fils de Maurice Veyssière (1898-1964) et Jean-Charles Lallement est le neveu d'Alphonse Guery, ancien Conseiller Général de Chavanges ( également l'auteur du monument de Nîmes et de . Né en 1914 à Paris, mort dans un accident de la route en 1970.Sculpteur statuaire. Ancien élève de l'École Boulle et des Beaux-Arts de Paris. Disciple de Bouchard, Wlérick, Maillol pour la sculpture, de Dropsy pour la gravure. Grand Prix de Rome de sculpture).

Parallèlement le décret est signé par Antoine Pinay sur un devis de 11 384 000 F. L'ensemble devait être couvert par une souscription publique. Puis les difficultés vont commencer. La souscription ne rapporte que 567 000 F. les polémiques sur l'emplacement et sur l'inscription reprennent. Et, un constat d'échec se précise à l'horizon.

L'arrivée du Préfet Wiltzer change tout. Le comité se réunit le 5 février 1954. M. Curin devient président d'honneur et la présidence active est confiée à Henri Terré, tandis que le Préfet en assure le patronage. Plusieurs Vice Présidents sont désignés. A savoir MM Gabriel Thierry, Hubert Danésini, Roger Paupe et Gabriel Manser. Le 10 juillet 1954, se tient une r éunion dans le cabinet du préfet et on décide de faire réduire le prix à 10 millions. Entrepreneur et artiste acceptent de revoir leur devis, non sans réduire l'épaisseur des revêtement arrière. Une nouvelle réunion se tient à la préfecture en présence des parlementaires MM Alric, Patenôtre, sénateurs et MM Andr é Mutter, Germain Rincent, Marcel Noêl et Louis Briot. Ceux qui n'y étaient pas, entrent dans le comité ainsi que M . Veyssière tandis que M. Bernard Siret le quitte.

Henri Curin Hubert Danésini Joseph Vantalon Bernard Siret Jean Piquemal Henri Terre Roger Paupe, Gabriel Thierry Gabriel Manser Camille Duval Hugues Portailler Hervé Mathieu Marcel Noël Mme Jean Hoppenot Germain Rincent Roger Guerry Roland Nicolas Le Commandant Poirier Mme Denise Jeanny Jean Puissant Pierre-Jean Guth Pierre Thiebault Henri Petel.

Pour des raisons, à la fois de désaccords et d'économie, on décide de se rallier à l'idée de M. le Préfet et de ne pas inscrire de noms sur le monument (700 000 F.). Mais le débat portait sur deux points de vue.

"Ceux qui, primitivement ne voulaient voir dans ce monument que l'hommage rendu aux Morts de la Déportation, n'acceptaient qu'avec réserve qu'y figurent les noms de tous les combattants et Martyrs de la Résistance ; ceux qui souhaitaient que ce Monument rappelle aux vivants l'œuvre émouvante et les sacrifices de la Résistance y voyaient difficilement figurer les noms des victimes civiles, les noms de ceux qui, sans être morts sous le signe de la Résistance même, avaient été massacrés, victimes innocentes, fusillés ou sacrifiés pour une cause évidemment patriotique et nationale et qui étaient tout de même des victimes de cette guerre". On pouvait ajouter le problème des morts de 1940 sous l'uniforme et des combattants de 1944 sous l'uniforme de la 1ère armée. Ainsi la sagesse fut de construire un monument anonyme où toutes les victimes pouvaient se reconnaître.

Enfin, la question du financement fut abordé. On décide de la mise en place d'une loterie ; étant entendu que le conseil général et la ville de Troyes subventionnèrent à hauteur de 1 million de Francs. La loterie devait avoir l'autorisation du Préfet, des ministères de l'Intérieur et des finances. Après quelques problèmes techniques et administratifs, M. Terré organise un planning d'une manière à ce que le monument soit prêt pour septembre 1955, ce qui avait l'avantage de se situer dans le dixième anniversaire de la fin de la guerre. Le sculpteur est invit é à avancer l'argent des pierres. Libération-Champagne et l'Est-Eclair s'engagent à suppléer provisoirement la trésorerie en cas de besoin. Le travail de loterie est important et on se propose d'acheter deux voitures et plusieurs scooters. On sollicite les municipalités, le département, les bureaux de PTT, de la Trésorerie, des banques, des écoles et des débitants de tabac. On propose aussi à des commerçants et autres succursales de vendre des billets. Enfin les industriels du département acceptent de mettre dans l'enveloppe du département un billet de 100 Francs ce qui représentait un total de 30 000 billets d'un seul coup. Un gros travail est effectué par le cabinet du Préfet. Le 2 décembre 1954, le Préfet tint une conférence de presse et obtint le soutien des journaux du département. La loterie résout donc le problème financier et l'on peut mettre un planning de mise en chantier et de paiement. Une somme de 1 000 000 F. sera versée en Janvier, puis en mars, en Mai et enfin en septembre de l'année 1955 et ensuite le versement du solde. Le chantier doit débuter en Décembre 1954. Les lots : sont une voiture vedette Versailles, une berline Aronde et cinq lambretta, sans oublier une cyclorette Terrot et trois bicyclettes de la même marque. Dans la foulée, plusieurs industriels, commerçants, banques et municipalités sont sollicités pour apporter un concours dans la vente des billets. Il ne faut pas oublier non plus les "prospecteurs" de lots, divisés en deux groupes, MM Danésini et Mathieu et MM. Petel et Cayrel.

Le 8 mai 1955, un Gala de la Résistance dans la salle des Fêtes de l'Hôtel de Ville de Ste Savine (avec aucune place gratuite) clôtura la loterie. C'est M. Bentz, boulanger à Messon qui reçut la Versailles et M. Fontaine, instituteur l'Aronde. Puis la ville de Troyes et surtout le comité vont vivre au rythme de l'avancement des travaux. L'Est-Eclair du 27 septembre 1955 publie un article "Les travaux d'érection du monument de la Résistance et de la Déportation se poursuivent à cadence accélérée".

La mise en place.

Le 13 mars 1955, le comité d'érection et la municipalité choisissent comme emplacement le jardin du rocher face à la fontaine Argence, appelé à devenir un lieu symbolique. Le choix est judicieux car dans le prolongement des promenades troyennes, un nombre important de passants le côtoie. Il complète, sans lui faire concurrence, le monument des Enfants de l'Aube situé face à la gare. Celui-ci avait été construit en 1890 et inauguré le 22 juin de cette même année. Le centre ville est ainsi enserré de deux lieux de mémoire. Tout l'espace est consacré à la Résistance et à la déportation. Il n'y a aucune inscription faisant mention d'autres conflits. Devant se trouve la place Jean-Moulin et derrière la place des Martyres-de-la-Résistance. C'est aussi un lieu culturel (entouré de jardins) au croisement de l'espace Argence et des théâ tres de Champagne et de la Madeleine.

Ils créent un mur vertical de 15 mètres de long avec un bas relief de 60 m².

Le mur : on distingue les quatre registres, en haut la souffrance, l'oppression et la Déportation, au centre les combats et la Résistance, enfin l'occupation est ses souffrances en bas une symbolique animalière. La gauche est consacrée au mal et à la souffrance et la droite au bien. Ce monument exprime des styles différents puisque les statues s'imposent dans un style monumental proche de celui des états totalitaires. Nombre de personnes n'avaient pas apprécié le style des statuts, plus tard les lycéens "honoreront" les parties intimes d'une couleur rouge. A l'occasion du nettoyage, la taille fut sérieusement diminuée. Le bas relief rappelle, quant à lui, les frises coloniales des années 1950.

La fresque est composée de 27 cartels dénonçant l'oppression nazie, rappelant les souffrances de la déportation et l'engagement des résistants. La fresque se lit de gauche à droite. Celle-ci est divisée en quatre registres. Celui du haut concerne la souffrance de la déportation, puis apparaissent dans l'ordre la lutte militaire et la Résistance. La colombe de la fresque, aux lignes simplifiées et épurées, est d'inspiration contemporaine. Elle représente la paix menacée. Le doigt symbolise l'Allemagne nazie menaçant la paix. Juste au dessus, l'oppression nazie.

La colombe étouffée. (Elle symbolise la paix écrasée)

A la base figurent un cheval, un taureau et une salamandre.

Le cheval est l'incarnation de la force et il est le symbole de la vie et de la continuité, tandis que le taureau représente la victime innocente qui se retrouve souvent au centre d'un jeu sanglant où la mort est la seule issue. Il y a, ici, une influence de Picasso et de la toile Guernica. La Salamandre, quant à elle, est capable de vivre dans le feu et symbolise le triomphe des idées qui ont résistées au nazisme.

Un premier cartel fait allusion au Victory Program , on distingue les Liberty Ships et les avions qui amenaient le matériel à la Résistance. A côté de l'œil de la conscience, les maquisards surveillent, combattent et portent secours aux blessés. En bas à gauche, à côté d'une pieta, un hommage est rendu aux femmes dans la Résistance. Au dessus du " V " de la victoire et de l'aigle allemand transpercé, figurent les attentats commis par la Résistance. Puis on aperçoit les Américains et l'effondrement nazi

C'est la Vierge de douleur, elle symbolise toutes les femmes, mères, épousent qui pleurent les hommes morts aux combats, en déportation et sous la torture.

Les autres symboles : Le V de la victoire Les chaînes L'œil et les maquisards, il voit le mal allemand, c'est la conscience de l'homme tandis que les maquisards s'affairent au combat

Le Glaive et le Laurier La main ouverte

On distingue également une série de représentations résumant l'époque et les souffrances.

Le monument est dédié au devoir de mémoire et chaque élément porte une charge symbolique. Deux statues placées devant le côté gauche du monument sont dues à Jean-Charles Lallement. Le gisant, sculpté à l'origine dans un bloc de 15 tonnes, pèse aujourd'hui 6 tonnes. Il symbolise la déportation et ceux qui se sont sacrifiés pour la Patrie. L'homme debout, quant à lui, symbolise la Résistance. C'est un appel à la vie, au devoir de mémoire car il faut que les générations nouvelles continuent à être vigilantes. La phrase "Médite et souviens-toi " est une invitation à réfléchir sur les leçons de l'histoire. Ainsi, aucun nom ne figure sur ce monument. C'est un choix original, dont le but était de rendre hommage aux morts de la déportation et des combattants de la Résistance, tout en rappelant aux vivants l'œuvre émouvante de la Résistance. Un seul et grand monument pour le sacrifice anonyme des uns et des autres.

Le devoir de mémoire

Le monument est inauguré les 12 et 13 novembre 1955. Deux journées, une pour le souvenir, une pour l'inauguration. Plusieurs temps forts symbolisent ces cérémonies. Tous ayant une signification mémorielle. Les cérémonies débutent au monument des enfants de l'Aube, où une flamme allumée sous l'Arc de Triomphe de Paris est entretenue pendant 2 jours. La population est appelée le 12 à 15h00 au monument des Enfants de l'Aube, c'est à dire à l'heure de la signature de la Capitulation nazie. Les 445 communes du département sont invitées à faire de même. C'est à dire lire l'appel du 18 juin, l'ordre du jour n°9 du Maré chal de Lattre de Tassigny et le discours préfectoral. Puis une série d'itinéraire (accompagné de la Flamme) sur les hauts lieux de la Résistance auboise et des différents monuments patriotiques aubois. Ainsi

Creney vers 22h35 Montchaud 22h40 Trou de Chirac 22h45 Buchères 22h50 Montaigu 22h55 Rigny la Nonneuse 23h Précy saint Martin 23h5 La Lisière des Bois23h10 Mussy-Grancey 23h15

Dans chaque lieu, le cérémonial est le même. Pendant que la Flamme arrive dans le silence de la nuit. Le ban est ouvert, les armes présentées et les discours sont lus. Le soir à 23h 25, toutes les Flammes venues des hauts lieux de la résistance se réunissent au Monument des enfants de l'Aube. L'Idée, c'est la confusion des flammes. Puis toutes les flammes sont réunis auprès de la cendre des camps et de la terre des maquis. Ensuite, la Flamme sera transportée devant le monument de la Résistance et de la Déportation. C'est une manière de relier tous les combattants des guerres franco-allemande. La cérémonie du 13

Le matin, les délégations viennent déposer des fleurs, puis viennent les cultes officiels (israélite, protestant et catholique). Vers midi, il y a une grande réception à la Mairie de Troyes suivi d'un déjeuner dans la grande salle des fêtes de l'Hôtel de Ville. L'inauguration proprement dite a lieu l'après midi. Il y a l'arrivée des officiels. Tout le monde se regroupe au pied du Monument des Enfants de l'Aube. Le temps fort consiste au transfert de la Flamme et des Urnes vers le monument de la Résistance. Une cérémonie minutée car le dévoilement devait coïncider avec le survol d'avions qui décollaient de la base aérienne de Reims.

Les Urnes

Une contenant les cendres des déportés et de la terre des camps de concentration est placée au pied du gisant. La terre, mêlée de cendre, a été ramené, par les "milles pèlerins français" partis à Buchenwald. Celle-ci fut mélangée à la terre des autres camps. Il y eut 90 urnes, une pour chaque département français.

Une autre contenant de la terre des 9 hauts lieux de la Résistance auboise. A ce sujet, il y a une exception dont ma fait part M. Gilbert Couillard, car s'agissant du maquis de la Lisière des bois. M. Baudiot a invité les membres du comité venu chercher la terre à la prendre dans un champ au lieu dit "les Marguenat". Il s'agissait du lieu ou avait été déposé les corps des victimes du maquis en attente du service anthropométrique de la préfecture représenté à l'époque par M. Hervé Mathieu. C'est donc dans la fosse que la terre fut prélevée.

Les deux Urnes sont déposées et scellées. Le tout évidemment devant une foule nombreuse et un dispositif militaire impressionnant, des discours des personnalités de la Résistance et politique du département. Le soir, c'est l'embrasement du monument et le défilé des troupes. Après le départ des différents cortèges avec différents itinéraires. Le soir, il y a un feu d'artifice et un bal à l'Hôtel de Ville. Depuis ce monument est un lieu de commémoration.

La cérémonie est close par une chorale de 700 enfants qui entament Le Chant des partisans . http:// www.fndirp.asso.fr/chantpartisans.htm

Financement

M. Lallement fixe ses prix selon la base des prix de sculpteur statuaire arrêté par le Congrès national des sculpteurs statuaires professionnels créateurs 1m² 320 000 F. 2m² 290 000 F. au delà de 2m² 270 000F. La surface de la fresque étant de 56 m² le prix revient à 15 190 000 F. Les statues reviennent à 1 800.00 F.

En tout le sculpteur demande 5millions d'honoraire, il estime faire un rabais de 15 millions.

Mais en fait le projet initial était prévu à 12 millions et après entente avec les maîtres d'œuvre ramené à 10 millions de Francs.

"Qu'ils soient de pierre, de marbre ou de bronze, qu'ils soient dus au ciseau d'un grand artiste, dont ils immortalisent le Génie, ou à l'art naïf d'un modeste artisan, ces monuments sont là pour affirmer la communion de pens ée des Français, unis dans leur gratitude à l'égard des disparus, comme ils furent unis au combat, comme ils seront unis, en dépit des divergences secondaires, chaque fois que la patrie ou la Liberté seront menacées".

Pierre-Marcel Wiltzer

Christian Lambart

Bibliographie

Pierre-Marcel Wiltzer, Le Monument de la résistance auboise , Editions Libération Champagne, 109 p. Entretien avec M. Hubert Danésini, ancien Vice Président du Comité d'érection Entretien avec M. Gilbert Couillard, ancien du maquis de St Mards et BOA. Dossier scolaire réalisé par Aurélie Picard et Coralie Wysoczinski du Lycée Marie de Champagne. Professeur Marie-Cécile Bertiaux.

(1) Le titre de l'article est emprunté à Ruth Selinger , épouse de l'artiste dans la monographie d'art :L'univers du sculpteur Shelomo Selinger. p. 62.Editions Ferre.Paris.1998.Photographies Felipe Ferre .Textes de Marie- Françoise Bonicel . Biographie par Ruth Selinger. Paroles de François Mitterrand prononcées pour sa Légion d'honneur. L' ouvrage est diffusé par l'artiste, 8 rue Letellier . Paris 75015. (2) L'univers du sculpteur Shelomo Selinger opus cité p.8 (3) L'expression est empruntée à Jean- MarieLustiger dans la revue Etudes. Janvier 1998.p.75. (4) Histoire de la sculpture moderne en France de 1950 à nos jours . Arte. Editions d'art. 1982.Lionel Jianou, Gérard Xuriguera, Aube Lardera citent : "Le monument de la Résistance du Plateau des Glières de Gilioli, La ville Détruite de Zadkine à Rotterdam et le Monument aux déportés de Drancy sont les meilleures réalisations sculpturales commémorant la seconde guerre mondiale." (5) André Elbaz. Penser Auschwitz. Pardes.1989.p.225. (6) François Jacob. La statue intérieure. Odile Jacob. Paris . (7) Jean Genet. L'atelier d'Alberto Giacometti. L'arbalète. Paris. (8) Paul Celan. Choix de poèmes réunis par l'auteur.NRF. Gallimard. Paris. 1998. (9) L'univers du sculpteur Shelomo Selinger : opus cité p.46 (10) Rainer Maria Rilke. Histoire de celui qui épie les pierres. Œuvres en prose . La Pléiade. Gallimard Paris .1993 (11) La sculpture moderne de 1950 à nos jours : opus cité. (12) L'univers du sculpteur Shelomo Selinger. opus cité p. (13) Rainer Maria Rilke. Lettres à une musicienne. Calman-Levy. Paris.1998.

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