Départ Sans Destination. Annemarie Schwarzenbach, Photographe 18.09.20–03.01.21
Total Page:16
File Type:pdf, Size:1020Kb
Guide d’exposition Fondée par Maurice E. et Martha Müller et les héritiers de Paul Klee Départ sans destination. Annemarie Schwarzenbach, photographe 18.09.20–03.01.21 Sommaire 1 « L’amour de l’Europe » 7 2 « Petites rencontres » 12 3 Une « nouvelle terre » 15 4 « Au-delà de New York » 21 5 « Entre les continents » 28 6 « La vallée heureuse » 31 Biographie 36 3 Plan de la salle 3 4 5 LOUNGE 2 6 1 4 Écrivaine, journaliste, photographe, voyageuse : Annemarie Schwarzenbach est l’une des figures les plus brillantes et les plus contradictoires de l’histoire culturelle moderne en Suisse. Schwarzenbach se considérait avant tout comme une écrivaine. Mais dans son pays, elle était aussi une pionnière de la photographie de reportage. Quelque 300 textes d’elle sont parus, de son vivant, dans des revues et des journaux suisses. À partir de 1933, ces textes sont de plus en plus souvent accompagnés de ses propres photos. Mais comme la plupart de ses photographies est restée inédite, la qualité et l’étendue de son travail de photographe sont encore peu connues. La grande majorité de ces photographies ont été prises lors de voyages qui ont conduit Schwarzenbach au Proche-Orient et en Asie centrale, aux USA, en Europe, en Afrique centrale et en Afrique du Nord, entre 1933 et 1942. Ayant une activité de journaliste, et étant par ailleurs issue de la haute bourgeoisie et femme de diplomate, elle a bénéficié d’une liberté, exceptionnelle pour l’époque, dans ses déplacements jusqu’au début de la Seconde Guerre mondiale. Ses images et ses textes sont étroitement liés et documentent les violents bouleversements, tensions et conflits de son temps, avant la Seconde Guerre mondiale : répercussions de la crise économique de 1929, espoirs mis dans le progrès social, conséquences de la modernisation et de l’industrialisation, menace du fascisme et fasci- nation de l’Europe pour l’« Orient ». Dans ces images se reflètent aussi des thèmes plus personnels, tels que le déracinement, la vie en exil, l’homosexualité ou la rup- ture avec les rôles traditionnels des sexes. Mais ces photos révèlent également la passion jamais démentie de Schwarzenbach pour les 5 voyages eux-mêmes, ainsi que sa quête de l’inconnu – le « départ sans destination » comme expérience existentielle. Cette exposition a été réalisée à partir de la succession d’Annemarie Schwarzenbach, qui compte environ 7000 photographies ; conser- vés aux Archives littéraires suisses à Berne, les documents de cette succession sont accessibles au public. Dans le guide de l’exposition vous trouverez également une biogra- phie d’Annemarie Schwarzenbach ainsi que des citations et des pas- sages extraits du texte de l’exposition. 6 1 « L’amour de l’Europe » C’est en 1933 qu’Annemarie Schwarzenbach commence à travailler comme photojournaliste itinérante dans le cadre d’un voyage en Espagne. Sa compagne, la photographe allemande Marianne Breslauer, est chargée des photos, tandis que Schwarzenbach se voit confier l’écriture des articles. Cette année-là cependant, la prise de pouvoir des nationaux-socialistes empêche rapidement Marianne Breslauer, journaliste juive, de poursuivre son travail. Par la suite, Schwarzenbach assume elle-même le double rôle de photographe et de journaliste. Contrairement à l’esprit nationalist de son temps, Annemarie Schwarzenbach se conçoit comme Européenne et cosmopolite. Face au nationalisme rampant, elle craint pour l’héritage culturel et intel- lectuel du continent : liberté, humanisme et tolérance spirituelle. Et pourtant les photographies des voyages de Schwarzenbach à travers l’Europe – en particulier celles de la Scandinavie, mais aussi celles de la Suisse – offrent une image étonnamment paisible de l’époque. Le contraste entre les images idylliques de l’Europe et les menaces politiques présentes en arrière-plan révèlent le dilemme auquel Schwarzenbach est confrontée en tant qu’écrivaine : d’une part elle cherche, en écrivant, à résister au fascisme. De l’autre, en tant que Suisse et non-juive, elle jouit de privilèges qui lui permettent de continuer à circuler librement en Europe et d’échapper aux menaces immédiates. 7 1.1 « Et puis, enfin, la Suisse, les amis, le pays natal, Sils. Vous n’imaginez pas à quel point j’aspire à retrouver tout cela, après tant d’ailleurs et d’inconnu, au sens extérieur du terme. » Lettre d’Annemarie Schwarzenbach à Annigna Godly, 24 avril 1942 1.2 « Nous y étions déjà habitués : cela faisait le troisième jour qu’il pleuvait. En ville, cela n’avait aucune importance ; dans les mon- tagnes, avec de la bonne volonté, cela pouvait rendre notre situation plus romantique. Et quelles montagnes ! Nous nous trouvions dans les Pyrénées occidentales, à l’écart du monde – ni village ni station essence, ni aucune autre voiture. La route [...] s’écoulait sous nos roues, argileuse et jaunâtre. […] Après avoir roulé plusieurs heures dans le gris du brouillard, nous étions à bout de patience et prêts à prendre des initiatives. Nous avons alors vu un village. […] Et c’est là qu’une petite fille, une fleur dans la bouche, nous a découverts ; et les maisons étrangement mortes, les murets en ruine et les portes qui s’écroulent, les cours pleines de bric-à-brac et les fenêtres vides se sont révélées habitées. » Extrait de : «Fremdlinge dringen in ein Pyrenäendorf» (Des étrangers pénètrent dans un village des Pyrénées), 1933 1.3 Au cours de l’année 1933, lorsque les nationaux-socialistes prennent le pouvoir en Allemagne, toute la presse est « mise au pas » et « aryanisée ». On interdit aux journalistes juifs comme Marianne Breslauer d’exercer leur profession. L’agence photogra- phique allemande « Akademia », qui a envoyé Breslauer en Espagne en 1933, l’informe à son retour que ses photos ne pourront plus être publiées que sous le nom d’« Annelise Brauer », pseudonyme à consonance aryenne. Au dos de ces photos est imprimé le nom de « M. Brauer », qui a été corrigé à la main en « M. Breslauer », – très certainement par Marianne Breslauer elle-même. 8 1.4 « Je me demande seulement – et cela devient chaque jour plus pressant – si les gens se rendent vraiment compte de la gravité des événements – à savoir qu’ici, non seulement une tendance détestable prend temporairement le dessus, mais aussi que tout un peuple, pourtant très talentueux, un peuple que l’on ne saurait rayer de l’histoire culturelle de l’Europe […] s’engage pour plusieurs années dans cette voie. […] Se détourner reviendrait à renoncer à ses convictions et à se suicider. Nous devons continuer à vivre, nous qui appartenons à la culture allemande. […] S’opposer, ce ne serait donc ni fuir ni renoncer […], mais continuer à cultiver les valeurs spirituelles auxquelles on croit, jusqu’à ce que viennent des jours meilleurs. » Lettre d’Annemarie Schwarzenbach à Klaus Mann, 8 avril 1933 1.5 « Le château de Gripsholm a fêté ses quatre cents ans. Et en juin, ‹ mois du solstice d’été ›, les Suédois […] ont su organiser à Gripsholm tout ce que l’on est en droit d’attendre d’un gigantesque jubilé populaire. […] Les étrangers qui ont assisté à la fête ont été surpris de la voir se dérouler dans une atmosphère aussi paisible et unanime, sans aucune dissonance – de constater que les sociaux-démocrates suédois ont vraiment l’esprit patriote, que le roi ne craint pas d’être entouré de syndicalistes rouges, sans garde du corps ni agent de renseignement, que les fanfares des régiments sont extrêmement populaires et que la mentalité, qui s’exprime dans les textes du festival, est résolument pacifiste. Bref, qu’en Suède tous les antagonismes qui sont aujourd’hui, partout, source d’âpres querelles et de vives divisions semblent surmontés de la façon la plus naturelle […]. » Extrait de : «Vierhundertjähriges Jubiläum in Gripsholm» (Le quatre centième anniversaire de Gripsholm), 1937 (typoscript non publié) 9 Citations Vous savez que je n’aime pas le national-socialisme ; en revanche, j’aime cette culture qui est commune à tous les Euro- péens. Où peut-on encore la trouver aujourd’hui, si ce n’est dans ses fondements ? Lettre d’Annemarie Schwarzenbach à Claude Bourdet, Potsdam, 4 juillet 1932 Chaque fois que je faisais mes adieux à l’Europe, cela me sem- blait être un moment crucial et, d’une manière ou d’une autre, décisif. Parfois, je fêtais un nouveau départ ; j’étais décidée à tout laisser derrière moi […]. Parfois, je vivais un cauchemar. «Nach Westen» (Vers l’Ouest), 1940 (publié à titre posthume) Et je ne voulais rien savoir de la guerre, mais cela ne m’avançait guère : les choses se sont passées ainsi ; nous, notre monde, avons été mis devant le fait accompli, nous n’avons pas d’autre alternative. Et tant qu’il en sera ainsi, mon âme ne pourra trouver le repos, même au Tibet […]. Lettre d’Annemarie Schwarzenbach à Arnold Kübler, Nantucket Island, 16 septembre 1940 Je veux comprendre les racines profondes de notre crise euro- péenne et chercher la source de la force dont nous aurons vraiment besoin, pendant et après cette guerre terrible, pour développer en chacune de nos âmes la capacité à résister non seulement contre le fascisme, mais aussi contre tous les démons 10 et toutes les formes de « vie mauvaise » qui l’ont provoqué. Lettre d’Annemarie Schwarzenbach à Ella Maillart, à bord du SS « Quanza », 18 mars 1942 En Europe, les sanatoriums traitant les maladies nerveuses sont surpeuplés. Les militaires sont armés. La jeunesse est disciplinée. Les machines fonctionnent. Le progrès est en marche. Et des peuples entiers sont atteints de psychoses. Il y en a certains que l’on soigne grâce à une « thérapie par le travail » et que l’on parvient à ramener à la vie normale. La vie normale … jusqu’où plonge-t-elle encore ses racines ? À quelles sources se nourrit-elle ? «Das glückliche Tal» (La vallée heureuse), 1940 11 2 « Petites rencontres » Le fonds photographique d’Annemarie Schwarzenbach contient de nombreux portraits.