HENRI SOULA

OCCUPATION ET RESISTANCES EN IMERINA OCCIDENTAL 1895-1897 HENRI SOULA

OCCUPATION ET RESISTANCES EN IMERINA OCCIDENTAL 1895_1897

On peut acquérir cet ouvrage chez l'auteur Quartier de Bertranas.31390.PEYSSIES. Du même auteur:

-'Le vaniNier'.Dossier pédagogique.C.A.P.Tananarive 1965.

- Prospection malacologique des forêts littorales du Nord-Est de Résultats publiés par M. le professeur Fischer-Piette dans le 'Bulletin du

Muséum National d'Histoire Naturelle.N*122 Mars-Avril 1973.Zoologie 94.pages 477-531.

Dépôt légal:février 1996.

Tous droits de reproduction intégrale ou partielle réservés(texte et cartes).

e 1995.Henri Soula.Peyssies 31390 ADDENDA Carte n"2.l:Avaradrano.ll:Vakinisisaony.lll:Marovatana.lV:Ambodirano. V:Vonizongo.VI:Vakinankaratra. Carte n*10.L'échelle est celle de la carte n*6 ERRATA Page 23,ligne 31,lire:Ensuite,il reprit son chemin... Page 34,ligne 26,lire:troisième,selon... Page 65,ligne 20,lire:provoauait le respect... Page 106,ligne 34,lire: leurs interventions ne les éloignaient guère... Page 133,ligne 33,lire:Verhaeghe,en accord avec Génie,dirigea.... Page 152,ligne9,lire:Alors qu'elle cherchait à revenir... Page 173,ligne 13,lire:900 mètres... Page 184,ligne 30,lire: Page 191 ,ligne 25,lire:3000 F pour les fonds secrets. Page 208,ligne 15,lire:ll les dissuadait d'adhérer... Page 215,ligne 26,lire:qui avait échappé aux fièvres. Page 215,ligne 27,lire:ne pouvaient être acheminées... Page 216,ligne lo,lire:entreposé à Marololo... Page 216, ligne 11, lire:/I pourrait être acheminé... Page 255,ligne 1 ,lire:Freystatter... Page 255,ligne 28,lire:ne s'était pas préoccupé... Page 238,pages 250 et 265:lire:Raharifaria Page 333,ligne 2,lire:nécessaires pour que leurs entreprises...

AVANT-PROPOS.

La révolution de 1972 m'éloigna de Madagascar.Ce ne fut qu'une quinzaine d'années après que je renouai avec la grande ile à l'occasion d'une correspondance scolaire entre mes classes de Beaufort-en-Vallée et celles d', en Mamolokazo.La monographie entreprise de concert avec Bakoly Rahanitrilalaniaina(t) ne pouvait faire l'impasse sur les conditions dans lesquelles l'Imerina et Madagascar étaient devenues des terres françaises.La documentation dont je disposais alors se résumait à un manuel et à quelques fiches pédagogiques qui ne donnaient aucune indication sur les insurrections des provinces de l'ouest. Je fus donc amené à constituer un dossier sur cette partie de l'histoire commune à la France et à Madagascar.Les archives du S.H.A.T.me permirent de placer les premiers jalons des événements dont le Mamolokazo avait été le théâtre mais il m'apparut rapidement que je devais les intégrer aux opérations qui conduisirent à l'assujettissement des terres situées à l'ouest de l'Ikopa et au nord du Kitsamby,c'est-à-dire le sud du Marovatana.te nord de l'Ambodirano, le Mandridrano, le Mamolokazo, le Valalafotsy, le gouvernement de Tsiroanomandidy.(S.H.A.T.:2°Territoire militaire;cercles de Miarinarivo et d'). Comme les documents provenant des secteurs occidentaux ne fournissaient que de rares indications sur les conditions de combat et sur la vie quotidienne des tirailleurs et des Menalamba j'ai eu recours aux archives des cercles voisins situés dans le 4° Territoire militaire,ceux de Babay,Ankazobe,Ambatomanga.

Quant aux lettres des missionnaires de la Province Jésuite de Toulouse,elles m'ont procuré de nombreux témoignages sur l'attitude des populations et les incidences des soulèvements en Marovatana et Ambodirano. Je remercie tous ceux qui,à Vincennes.Vanves.Aix-en-Provence m'ont permis d'accéder aux archives et de retrouver sur les sentiers de l'Imerina les protagonistes des affrontements de 1895 et 1896.Ma reconnaissance va aussi à Joël Videlin pour ses informations sur l'armement au 19* siècle,à Odette Rafarasoa pour ses traductions et sa documentation sur l'Ambodirano,à François Théogène Ramarinjaona pour ses renseignements sur les Menalamba d'Ambohitrondrana,au Père Antonio Corazza pour ses photos d'Ambohibeloma et d'Ambohitrondrana. à Marie-Laure Ruefli-Cot pour ses dessins au crayon. Cette étude des opérations du corps d'occupation ne constitue qu'une partie de

cette.nécessaire,et peut-être,trop tardivement engagée,qui abordera les interventions de

l'armée française et les résistances qu'elle suscita dans les autres provinces de l'île.J'ai,un moment,été tenté par la rédaction d'un mémoire sur les opérations militaires

et rebelles dans les 4 toko du royaume.Les nombreuses allusions aux secteurs du 4*T.M.

en témoignent . Les éléments recueillis dans les papiers des commandements orientaux

constituent, d'ailleurs ,la source principale de la 3* partie de l'ouvrage.J'ai renoncé à poursuivre mon projet en raison de l'ampleur qu'il aurait exigée.Je ne doute pas

cependant, qu'il sera mené à son terme. Tafika efa nidika,ka tsy azo ajanona intsony. L'armée est en route,on ne peut l'arrêter.

Peyssies,le 10 novembre 1995.

Note:L'auteur fut de 1963 à 1972,directeur des collèges,puis proviseur des lycées

d'Andapa et Antalaha dans la province de Diego-Suarez et de Mananjary dans la

province de Fianarantsoa. A Nicole

"Naturellement,les Français regardèrent le soulèvement contre leur domination comme une rébellion.C'était une extrême aliénation pour les Malgaches que de se soulever .dans ces circonstances,contre la puissance française;mais au vrai sens du mot,ils n'étaient pas plus rebelles que les Ecossais à Bannockburn,les Français eux-mêmes ,au siège d'Orléans ou les Américains à Bunker Hill.Jamais,ils ne s'étaient,comme peuple,déclarés loyaux sujets des Français ni n'avaient accepté leur domination.Eux et leur Reine avaient été bassement trahis et leur patrie vendue.Comme peuple,ils n'avaient pas eu leur mot à dire. "Thirty years in Madagascar" E.Matthews

Le Grand Secrétaire:"Les loutres ne peuvent pas attraper les tortues parce que celles-ci sont protégées par une carapace et les hommes hésitent à s'attaquer aux serpents en raison de leurs redoutables crochets.Ceux qui sont armés dominent,ceux qui sont désarmés sont dominés". "Dispute sur le sel et le fer" Yan tie lun (Chine.-81)

PREMIERE PARTIE

L'INSURRECTION DE 1895 EN AMBODIRANO

CHAPITRE 1

DEPUIS PLUS DE DEUX SIECLES...

Si les marins français n'atteignirent Madagascar que quelques années après les Portugais (Diogo Diaz.1500),Paris,qu'il fût royal ou républicain.manifesta un intérêt durable pour la grande lIe.Une première colonie y fut créée en 1653,dans le sud,à Fort-Dauphin;à sa tête. se succédèrent Pronls,Cauche et Flacourt.Deux ans après.Madagascar.annexée théoriquement,devint l'lie Dauphine.Quand elle fut abandonnée, vers 1675.ses mouillages de baies et d'embouchures servirent de refuges durant plusieurs décennies aux pirates chassés des Antilles;puis la flibuste perdit de sa vigueur et le commerce de traite reprit avec les Fies voisines,Maurice et Bourbon ( (1678-1786) C'est alors que le comte de Maudave et le baron de Benyowski se lancèrent dans des politiques de colonisation et de promotion personnelle,à Fort- Dauphin et dans la baie d'Antongil.Ces tentatives aventureuses se conclurent par des échecs et ne connurent pas de suite. Au début du 19° siècle,la présence de la France dans l'Océan Indien fut contestée par les Anglais qui tirèrent parti de ce qu'elle était entravée par des guerres européennes.Sous le règne de Louis Philippe,elle put pourtant s'immiscer à nouveau dans la vie politique malgache par l'acquisition d'un protectorat sur quelques îles en pays sakalava et antankara.Elle fut incitée à intervenir de manière plus décisive par deux groupes de pression,celui des catholiques qui protestaient contre le fait que leurs missions ne pouvaient s'installer sur l'île,puis,quand elles y furent autorisées.se plaignirent du sort qui leur était fait.celui des Réunionais qui demandaient que Madagascar fût annexée pour s'y procurer du riz et de la viande à de meilleures conditions et pour y établir une partie de la population sans emploi de l'île Bourbon. Les adversaires de la colonisation dont les plus éminents étaient les économistes J.B Say et F.Bastiat s'opposèrent à partir de 1874 aux partisans de l'expansion, proches de Paul Leroy-Beaulieu.Parmi ces derniers,certains cherchaient depuis longtemps à s'ingérer dans les affaires matgaches;t'occasion leur en fut donnée par la succession de Jean Laborde qui était mort en 1878;ce fils de forgeron d'Auch aux talents multiples avait créé les premières industries sous Ranavalona 1 .On refusa son héritage à ses neveux car la terre ne pouvait être aliénée.Les rapports entre la France et le royaume s'assombrirent encore quand des missionnaires anglais incitèrent des chefs sakalava à hisser le drapeau merina sur des terres du protectorat et lorsqu'un trafiquant français,patron d'un boutre,fut tué dans la baie d'Ampasindava. .11 L'ambassade envoyée en France par le Premier ministre Rainilaiarivony pour régler ces difficultés échoua bien qu'elle eût été près de conclure un accord.Un nouveau ministère ayant été formé,la marine fut confiée au député de la Réunion François de Mahy.Une petite force navale fut alors envoyée à Madagascar,sous les ordres de

l'amiral Pierre pour faire respecter les "droits historiques "de la France sur les côtes du nord de l'IIe;un ultimatum fut refusé et les principaux ports furent occupés par l'escadre.Les négociations reprirent en 1884 et aboutirent le 1* décembre à un traité de protectorat inavoué.Selon les termes de l'accord,la France serait désormais représentée par un résident général à Tananarive;elle prendrait en charge les relations extérieures de Madagascar qui devrait payer dix millions de francs d'indemnités;enfin

les Français pourraient bénéficier de baux emphytéotiques.Pour se procurer l'argent nécessaire,Rainilaiarivony concéda de vastes territoires aux Européens qui envisageaient d'exploiter des mines et des forêts.Cependant le périmètre aurifère de

Suberbie,près de Maevatanana ne rapporta guère au gouvernement; il devint un foyer de la future insurrection car nombre de travailleurs qui y furent envoyés s'enfuirent et constituèrent des bandes de hors -la-loi

En France,pourtant,on se montrait hésitant ,une commission de 33 membres fut

formée en 1885 pour délibérer du maintien des troupes

Son rapporteur, Hubbard,se préparait à répondre négativement quand les Chambres

de Commerce de Paris.Lyon.Troyes firent valoir l'intérêt économique que représentait

pour leurs industriels le marché de l'île ; le mouvement s'inversa alors de manière définitive.La droite catholique qui avait été réservée et même réticente devant les

projets coloniaux souscrivit à leur réalisation car ils servaient la grandeur de la France et les progrès du christianisme. Pareillement,les ministères successifs,même

radicaux,comme celui de Léon Bourgeois(l-l 1-1895:23-4-1896) accompagnèrent les desseins des divers Comités et de l'Union Coloniale.Cependant l'Angleterre avait

accepté,en 1890,le protectorat de la France sur Madagascar tandis que Paris faisait

de même à propos de celui de l'Angleterre sur Zanzibar.Rainilaiarivony se trouvait

désormais sans allié alors que la situation intérieure était marquée par une insécurité et des désordres croissants.

Des désaccords surgirent bientôt à propos de la traduction du traité de 1884 et

d'une lettre d'explication précisant les prérogatives du résident général.

Le 22 juin 1894,le député de la Réunion Louis Brunet demanda et obtint de la Chambre une nouvelle intervention militaire afin de" rétablir l'ordre,protéger nos

nationaux,faire respecter le drapeau: Les garnisons de la Réunion et de Diego-Suarez furent renforcées ainsi que la division navale de l'océan indien.Le 14 octobre 1894,Hanotaux,ministre des Affaires étrangères, invita Le Myre de Vilers à présenter un traité de protectorat réel au Premier ministre malgache.Rainilaiarivony ne répondit pas dans les délais indiqués;un ultimatum lui fut adressé le 22 octobre;cinq jours après,Le Myre de Vilers amena le drapeau;les troupes et la communauté françaises quittèrent Tananarive.A Paris,le gouvernement convint que seule une expédition militaire atteindrait les buts visés;les crédits furent votés par 377 voix,contre 143,afin de constituer un corps d'armée de 15000 hommes,accompagnés de 5000 convoyeurs. Majunga fut occupée le 15 janvier 1895 mais la progression vers l'Imerina que l'on espérait rapide fut freinée par l'obstination du commandement à faire construire une

route pour les voitures Lefebvre. .14 Elles s'étaient montrées adaptées aux étendues planes du Soudan;il n'en fut pas de même à Madagascar.Par ailleurs,les difficultés rencontrées par les soldats dans les basses terres marécageuses et les premiers reliefs,la durée du séjour dans ces régions impaludées et les dysenteries firent des coupes claires dans les rangs.25 hommes seulement furent tués au combat;5756 moururent de maladie et ce "désastre sanitaire" marqua durablement les jugements que l'on porta sur Madagascar.La lenteur de la marche des Français donna l'occasion aux généraux malgaches d'attaquer des troupes affaiblies par les fatigues et le nombre des invalides ou de demander l'appui des peuples côtiers. Indécis, ils temporisèrent,ne tentèrent aucun mouvement sur les flancs des longues colonnes qui auraient pu être divisées, isolées, harcelées.Le foloalindahy se borna à des combats d'arrière-garde.En avril 1895,l'estuaire de la Betsiboka fut franchi par le corps expéditionnaire qui atteignit Maevatanana le 9 juin.Tsarasaotra, le 29 juin,Andriba,le 22 août.Les Français étaient parvenus au pied des Hautes Terres.mais la lenteur de leur marche ne leur permettait plus d'envisager la prise de Tananarive avant la saison des pluies;aussi le général Duchesne forma-t-il une colonne de 4000 hommes suivie de convois de mulets chargés de 22 jours de vivres. Après quelques combats dans l'est de la vttte.Metzinger entra dans la capitale le 30 septembre 1895.Quand le drapeau blanc et rouge du royaume de Madagascar fut remplacé par le drapeau blanc de la reddition,l'armée française pensa que sa mission était achevée;la faible combativité du foloalindahy lui laissait espérer qu'aucun sursaut n'était à redouter; Il suffiratt.estimaient les officlers,de maintenir quelques troupes sur place pour que l'ordre nouveau ne soit pas troublé. Un traité fut signé le 1* octobre 1895 entre la Reine et le général

Duchesne;cet acte devait lever l'équivoque qui avait persisté une décennie entre la France et Madagascar en faisant de la grande île un protectorat déclaré.Le royaume était privé,pour l'essentiel,de ses pouvoirs;ses relations extérieures étaient remises entre les mains de la France;la direction de l'administration intérieure fut confiée le 11-12-95 à un résident général qui représentait la nation tutrice.L'armée malgache fut dissoute;la monarchie malgache ne disposait plus que de quelques forces de police nécessaires à l'exercice de son autorité.Le général nomma et fit approuver par la Reine Ranavalona III un nouveau gouvernement dont le Premier ministre était Ratsimbazafy et les personnalités les plus importantes

Rainandriamampandry,l'ancien gouverneur de Tamatave et Rasanjy,un ancien conseiller de Rainilaiarivony.La résidence générale fut confiée à Auguste Ranchot qui avait servi auparavant en Indochine avec le général Duchesne et qui connaissait

Madagascar pour y avoir séjourné une dizaine d'années.Le rapatriement du Corps expéditionnaire, . sérieusement éprouvé, ne fut pas différé;certaines unités avaient été quasiment décimées;l'une d'elles, le 1* bataillon du 200° régiment d'infanterie, formé de compagnies d'appelés tirées au sort, avait abordé à Majunga avec 900 hommes mais n'en comptait plus que 175 dans ses rangs quand le

"Liban"qui les transportait arriva en vue de Port-Vendres,le 21 décembre 1895.

Au cours des semaines qui suivirent la prise de Tananarive l'optimisme avait été

unanime parmi les Français;le représentant du ministère des Affaires

étrangères.Ranchot.assurait que la conquête était définitive:"Les sacrifices exigés par

l'expédition de Madagascar auront été considérables,nos pertes sensibles,mais il est

juste de constater que jamais expédition n'aura pris fin avec autant de netteté et de

rapidité".Les morts enfouis dans les cimetières de Suberbieville, le long de la ligne

d'étapes,les vivants en sursis,les malades que la fièvre faisait délirer au cours de la

lente navigation vers la métropole ne méritaient considération que dans la mesure où

ils apportaient une nouvelle justification à la récente conquéte.Personne,pensalt-on,ne

pourrait mettre en doute la réalité du succès.Au début d'octobre 1895,Ranchot

affirmait encore sa certitude qu'aucune révolte ne viendrait troubler le calme qui

avait suivi la prise de la capitale. Pour mettre à exécution des projets de résistance.écrit-))."!) faut de la suite dans les idées,une grande discipline, de la vigueur dans la résolution et dans l'action et des sentiments de patriotisme solides,toutes choses qui font défaut aux hovas".Cette confiance s'appuyait aussi sur les troupes qui n'avaient pas été rapatriées et qui

étaient appelées à former le corps d'occupation de Madagascar.Le 12.11.1895 étaient

stationnés sur l'île les 2* et 3* bataillons du régiment d'Algérie,les 1*,2*,3* bataillons du 13* régiment d'infanterie de marine,les 1° et 2* bataillons du régiment colonial(haoussas et malgaches),les 8* et 9' batteries de montagne de la Marine,la 6* batterie d'artillerie de montagne de la Guerre,les 11* et 13* compagnies du Génie,les

2* et 6* compagnies du Train des équipages,les services de l'Etat-Major,soit 3660 hommes et 288 officiers auxquels il convient d'adjoindre 725 conducteurs auxiliaires pour les 219 chevaux et 1227 mulets destinés aux convois.Une partie de ces unités furent réparties en petits détachements dans Tananarive et sur les hauteurs environnantes pour tenir éventuellement la capitale sous leurs feux et pour prévenir

les menaces qui pourraient poindre dans les provinces;le reste fut dispersé le long de

la ligne d'étapes jusqu'à Majunga.L'effectif total de la garnison de Tananarive n'excédait pas 2500 hommes;il paraissait si insuffisant à certains officiers qu'ils prétendaient que le général n'osait pas passer de revue de crainte de révéler aux

populations la faiblesse numérique de sa troupe.Le corps d'occupation se rendit

rapidement compte des conséquences que pouvait avoir son isolement au centre de

t'îte:t'inquiétude qui pesait sur l'Etat-major le poussa à demander le désarmement

rapide de l'armée royale ;un délai d'un mois fut accordé pour remettre les armes à

feu (et les armes blanches) que les habitants possédaient ou qu'ils avaient reçues.Selon H.Galli,plusieurs dizaines de canons et de mitrailleuses,plus de 10 000

fusils (8000 d'après S.Ellis),des millions de cartouches,des sagaies,des sabres, des

lances par monceaux furent rendus aux autorités. .13

Le 15 octobre, la capitale était désarmée.A.Ranchot accepta de tenir compte

de l'éloignement et de l'étendue des provinces

d'Imerina, Vonizongo,Betsileo, Vakinankaratra mais exigea qu'il en fût de même avant

douze jours ou un mois sur leurs territoires.Le nombre des fusils remis était cependant

loin de celui des armes qu'avaient reçues les soldats du foloalindahy(près de

30000).Les ordres des gouverneurs furent peu ou pas suivis car beaucoup de

miaramila n'étaient pas rentrés chez eux;ceux qui n'avaient pas été tués erraient ou

avaient rejoint des bandes de brigands réfugiés aux confins de l'Imerina ou dans des

régions peu accessibles.Le général Metzinger était sans illusion sur l'utilisation qui

serait faite des armes qui n'avaient pas été rendues:"Ceux qui les auront gardés,pillards ou fanatiques se porteront sur la ligne de nos convois pour y arrêter les bourjanes ou (les ) mulets".Le P.H.de Villèle,moins alarmiste,estimait, le

15.11.1895,que le peuple sentait qu'il serait désormais protégé contre la rapacité des grands;pour ce motif,il se refusait à envisager que les soldats démobilisés pussent fomenter quelque révolte.Toutefois,I'opinion,à Tananarive,était agitée par des rumeurs que rapporte le père jésuite:"Le peuple semble avoir peur.Et de quoi?ll se figure,dit- on,que les Français, dans un jour de fête,se précipiteront sur lui pour le massacrer,que les Haoussas enlèveront leurs filles ,etc".Quelques jours plus tard,A.Ranchot rendait compte des propos "de gens mal intentionnés",susceptibles d'inquiéter,cette fois,la population française de la capitale.On racontait, en effet, que des soldats qui s'étaient transformés en brigands jetaient le désordre par l'annonce d'événements imaginaires et profitaient du désarroi qu'ils avaient fait naître pour piller les villages.D'autre part,des rumeurs persistantes affirmaient que des fahavalo et des déserteurs s'étaient regroupés près de "ltasY,dans le Mandridrano et jusque sur la montagne de l'Ankaratra.Le Résident général ne crut pas opportun de prêter foi à ces dires.La recrudescence du banditisme sur les marges de l'Imerina était pourtant bien réelle.Selon S.Ellis,beaucoup des hors-la-loi qui s'y trouvaient étaient des gens qui avaient pris la brousse depuis 1870 et qui espéraient retrouver leurs biens et leur statut;ils avaient été rejoints par des insoumis ou des déserteurs de l'armée royale et des réfractaires à la corvée de l'or.En novembre 1895,un émissaire du gouvernement qui s'était rendu dans le Valalafotsy y avait été reçu fort courtoisement par Laimiza et Rajamaria.Ces derniers avaient déjà rassemblé sous leurs ordres un grand nombre de déserteurs qui craignaient de subir le châtiment défini par la loi malgache à leur

égard.Le fait que dans certains districts les troupes des gouverneurs aient pu garder leurs fusils n'apaisa pas les craintes,bien au contraire;des bruits répétés jusque dans la capitale affirmaient l'existence sur les limites du Betsileo d'une armée de 6000 hommes appuyés par 2 batteries de campagne et commandés par un nommé

Rainijaonary;ce chef,d'après Metzinger, qui en informa son supérieur le 6 octobre

1895, aurait déclaré qu'il ne reconnaissait pas le traité de paix signé par la reine et qu'il était décidé à continuer la guerre.S'il en fut ainsi, alors que le même

Rainijaonary participa ultérieurement à la lutte contre les rebelles Menalamba,on est porté à croire que la méfiance du commandement français devait ,en ces jours,être considérable.L'existence de ces rumeurs manifestait aussi l'angoisse et le sentiment de déréliction des populations de l'Imerina qui s'interrogeaient sur l'infortune que connaissait le royaume, le rôle des divinités traditionnelles et celui du Dieu des

Chrétiens. Selon les mythes malgaches les plus anciens.la terre,la lune,le soleil se trouvaient dans un même champ de forces et les hommes y puisaient leur vitalité;les souverains,d'origine céleste y unissaient le peuple de leurs sujets à celui des ancêtres,la terre et les êtres qui y vivent aux divinités du ciel.Placés au centre du monde,les rois.andriambahoaka ampovoan'ny tany,princes au milieu de la terre,préservaient leurs peuples de catastrophes toujours menaçantes,grâce à leur vertu,le hasina, dont les pouvoirs diffus circulaient dans la hiérarchie des êtres et des choses.Ce principe mystérieux était,pour M.Bloch,à la fois,la vigueur,la fécondité.l'efficacité et même la sainteté;c'était,en bref,l'essence de la royauté.Le .10 hasina était exalté par la cohésion des hommes autour de leurs souverains,par le respect des obligations,des interdits et des cultes qu'exigeaient les sampy,"palladiums royauxi. qui secondaient les princes dans leurs entreprises.Un seul des sampy était originaire de l'ouest de l'lmerina,Andriankazobe;son temple se trouvait sur un îlot du lac ttasy.Toutefois.vers 1890,en Imamo,la vénération populaire se portait vers une autre divinité.Ravototona.Seton les Tantara ny sampin'andriana, "divin Ravololona"venait du nord du royaume,d'Analapiringa.A l'époque .12 d'Andrianampoinimerina.Rainifaraka et Ratsimahamaika, habitants d' Ankorona, partirent commercer vers le nord,à trois journées de marche de leur village.Ils capturèrent une alouette qui se mit à parler et leur proposa de les conduire chez (un)dieu s'ils (acceptaient) de lui rendre la liberté.A leur retour,ils tracèrent ce portrait du sampy: "Ce Ravololona était un dieu inquiétant quoique son visage fût celui d'une personne assez pacifique,et de ce fait,plaisant.Mais tout son corps était celui d'une bête qui marche à quatre pattes.Trois arbustes dont les jeunes pousses n'étaient pas encore épanouies,poussaient sur son dos.11 y avait aussi un certain nombre de mains sur les plants d'arbres qui étaient sur son dos et il y avait aussi des buissons de fanidy qui pendillaient sur ses flancs."Et le sampy révéla ses pouvoirs:"C'est moi qui suis le dieu Ravololona,la promesse de vie,et les biens qui pendant si longtemps vous ont manqué, vous les possèderez pour le restant de vos jours.En effet,je suis le dieu qui ne plonge pas dans la misère,mais au contraire procure les richesses;je ne diminue pas le nombre des sujets;au contraire,je l'augmente.C'est moi qui dispose des aspects de la journée;la clarté,je sais l'obscurcir et l'obscurité,je sais l'éclairer ; aussi,suis-je la force et la vigueur des faibles;je possède sept yeux pour voir le visible et l'invisible;je connais les vivants et les morts.Je monte dans le ciel et descends également sur terre;invisible,je monte.invtstbte.je descends".Ravololona était suivi d'une foule d'esprits portant tous une couronne de perles de corail dont le nombre dépassait le millier;le sampy énonça les interdits dont il exigeait le respectée cheval,le mouton,le porc,la chèvre,l'oignon ne devraient pas être approchés du talisman; ses gardiens ne devraient pas chiquer le tabac ni fumer le chanvre.A propos des militaires qui partaient en campagne, il dit:"Bénissez-les tous avec l'eau qui vient de moi;ils ne pourront plus être vaincus;les fusils ne les blesseront pas et les sagaies plieront si on les (en) frappe".Malgré l'appui que le dieu aurait fourni aux princes d'Imerina.le sort de Ravololona,comme celui des autres sampy était scellé depuis le baptême de la reine Ranavalona Il et de Rainilaiarivony, le 21 février 1869:quelques mois plus tard,le 8 septembre,une ordonnance royale fit jeter tous les palladiums dans le feu .Le tissu de pourpre dont était vêtu Ravololona s'enflamma;le dieu se mit à tourner sur lui-même dans le foyer puis s'enfonça dans la terre"à une profondeur dont on ne peut avoir idée,et on ne l'a plus revu jusqu'à ce jour"conclut le narrateur. La brutalité de cet autodafé jeta les gens dans un grand désarroi;en effet,les flammes qui avaient réduit en cendres les talismans et les maisons qui les abritaient avaient aussi fait disparaître aux yeux du peuple païen des divinités protectrices contre la misère,les maladies,les intempéries,les périls des guerres.Cependant nombre de ceux qui ne pratiquaient pas la Prière restèrent persuadés que les sampy "étaient inaccessibles aux atteintes du feu"que le soleil ou quelque trombe les avaient arrachés à l'anéantissement.tts s'en étaient retournés.croyatent-its.vers les forêts et les montagnes où les envoyés d'Andrianampoinimerina étaient venus les quérir;désormais .foin du coeur de l'imerina,ils privaient les souverains de leurs pouvoirs sacrés.

Les pasteurs souhaitaient,en effet,depuis longtemps,la destruction de ces idoles païennes,plus déconcertantes que d'autres,peut-être, par la médiocrité de leur taille et par leur aspect hybride,résultat d'assemblages complexes d'êtres et de choses dont la symbolique n'a pas été élucidée.Le christianisme n'avait que faire de ces auxiliaires divins qu'étaient les sampy;il était porteur d'un nouvel hasina que la reine dispenserait à ses sujets à la faveur de nouveaux rites;sa conversion fut suivie de celles des membres de sa Cour,de celle des dignitaires et d'une partie de la population de l'Imerina qui voulut ainsi signifier son refus d'une rupture avec la souveraine.Autour du temple du rova,le Premier ministre tenta de créer une Eglise nationale,/'Eglise du Palais dont les pasteurs seraient dociles à ses souha!ts:d'autres missions participèrent aussi à l'évangélisation de l'imerina:les réformés de la L.M.S.,de la F.F.M.A,de la mission luthérienne norvégienne et pour les catholiques, les pères jésuites de la province de Toulouse.En Mamolokazo,un temple avait été édifié à Miarinarivo dès 1868; quelques années après, le père Roblet parcourait les régions situées à l'ouest de l'Ikopa ; le Valalafotsy possédait déjà 2 églises et 13 temples à la veille de la conquête. Ces chrétiens attendaient beaucoup du Dieu de la Blble.autant.sl ce n'est plus que des sampy.la prospérité dans la paix.la victoire dans la guerre.Les malheurs qui survinrent en cette fin de siècle furent considérés comme des épreuves cruciales.Des épidémies se propagèrent à la faveur du colportage et des échanges maritimes;la variole progressa de 1875 à 1877,du nord au sud de l'île,faisant selon A.Grandidier.10000 morts en tmerina:t'épidémie de 1883 affecta particulièrement le Mandridrano;cette province fut aussi éprouvée au cours de cette décennie par la fièvre aretin'olona,peut-être une forme de malana,après chaque saison des pluies.Le paludisme,IUI-même,était un danger constant en Valalafotsy et Vonizongo pour les gens nés en Imerina où sa diffusion avait été longtemps bridée par l'assèchement des rizières après les récoltes et leur bêchage.Les grands chantiers de construction des .24 édifices religieux qui nécessitaient le creusement de vastes fosses d'où l'on extrayait l'argile créèrent des conditions propices à la multiplication des anophèles;l'eau stagnait aussi à l'intérieur des bâtiments en raison de la durée des chantiers et de l'absence de toits.En 1877,fut construit le temple d'Ambohibeloma;l'année suivante.on commençait l'édification d'une église quand une fièvre se propagea:elle fut si meurtrière que "les tombes étaient pleines au point qu'on ne pouvait y faire entrer les morts".Comme on manquait de lambamena et qu'ils étaient chers,on fut obligé de les couper. Dans le même temps, les traitants européens et leurs agents pénétraient jusqu'au coeur du pays,dans des contrées où ils n'avaient pas encore accédé.Ils y introduisirent l'économie monétaire.développèrent le commerce avec l'étranger dont bénéficia uniquement le groupe des Andafiavaratra;Ra)n)ta)ar)vony et ses officiers devinrent des hommes d'affaires,firent du commerce. investirent dans la terre,se livrèrent à l'usure.aggravèrent les corvées du fanompoana qui perdirent !eur signification rituelle.Par ailleurs,les concessions accordées aux étrangers et les revenus des douanes ne permirent pas de rembourser l'indemnité de 10 millions de francs exigée par la France en 1885.Le peuple dut s'acquitter d'un nouvel impôt d'une piastre par tète,le fita tsy mba hetra,sorte de souscription générale. en principe volontaire.Enfln,I'installatlon de fonctionnaires royaux dans toutes les provinces,quelques années avant la guerre de 1895 créa d'autres tensions car ces titulaires d'honneurs modestes ne recevaient pas de traitement et vivaient des taxes qu'ils prélevaient sur les paysans. Les églises protestantes, ettes-mémes.parucipèrent à l'alourdissement des impôts en demandant à leurs fidèles de financer la construction des temples;pour achever celui de Fenoarivo.la l.M.S.lança une collecte auprès de tous les habitants de l'Ambodirano et réunit 400 piastres:ces taxes furent jugées d'autant plus détestables qu'elles donnèrent lieu à des malversations. C'est ainsi,écrit un missionnaire catholique "qu'une somme de 15000 francs,somme considérable pour le pays,levée pour construire un temple,en provlnce,dans l'Imamo,se trouva épuisée après une dépense d'environ 150 francs".L'esprit de compétition qui régnait entre les confessions les incita à construire des édifices plus vastes et plus hauts qu'il n'était nécessaire en ayant pour but le seul dessein de surpasser leurs voisins et concurrents.Le frère Régis-Royer qui se rendait,vers 1893, d'Arivonimamo à

Tananarive, à dos de mulet, rapporte qu'il put contempler au cours de son déplacement les gros villages qui se touchaient presque sur les 50 km du trajet, mais on peut deviner un léger dépit devant la prospérité des missions protestantes quand il écrit:"d'ici,de là. s'élève une église,mais les temples sont plus nombreux et plus grands".

Le coût des constructions pesait sur les populations rurales; celles-ci devaient. en outre,participer aux cultes depuis les conversions forcées qui avaient

SUIVI le baptême du couple royal.Street écrit qu'en 1876 les "pauvres Betsileo(étaient) conduits(aux temples) comme un vil bétail"par les fonctionnaires royaux.Le père

Campenon abonde dans le même sens:"En deux mots,la fréquentation des temples est une corvée du gouvernement.et au bout de vingt ans,elle n'a pas perdu ce caractère".Les Méthodistes ajoute-t-il se contentent de vendre des bibles et ne se soucient guère de faire connaître aux gens"Celui qui est la voie,la vérité.la vie".Le même missionnaire évoque en 1890 les sentiments que devaient éprouver les populations à l'égard du pouvoir:"Jugez quelle rancoeur doit fermenter du fond du coeur de ces pauvres gens,contre cette Prière qui peut bien enrichir les grands qui y président.mais qui,à eux,pauvres diables.vient prendre le peu d'argent qu'ils ont gagné

à la sueur de leur front,après avoir encore aggravé le poids des corvées qui pèsent sur eux.Et tout cela pour un culte auquel ils ne comprennent rien,ou à peu près.et qu'ils détestent.parce que les exactions auxquelles il sert de prétexte le leur rendent détestabte'La critique se fait plus acerbe quand le missionnaire évoque la vie des communautés protestantes:"les temples terminés,le mpltandrina.le pasteur.l'évangellste etc,ne cessent de demander de l'argent au peuple.Tantôt c'est pour des embellissements. tantÕt.c'est pour le fandraisana.la cène.puis pour le makitra (trésor) des pauvres.dont souvent les pauvres ne voient pas un sou ou pour la réception d'un vazaha ou d'un visiteur illustre;un autre jour ce sera pour le vatsy(viatique) d'un membre de l'assemblée.tous les prétextes sont bons,car l'argent c'est la grande affaire.la prière.c'est bien secondaire".

L'ouverture de nombreuses écoles religieuses dans la capitale fut bien accueillie car elle permettait à certains de pouvoir espérer faire carrière. Par contre,dans les campagnes.elles n'offraient d'autre perspective que de servir dans l'armée ;ainsi les écoles de la L.M.S. qui recevaient plus de 95000 élèves en 1886,n'en avaient-elles plus que 35000 en 1893:en Ambodirano; la proportion des absents atteignait souvent la moitié ou les deux tiers.En 1884.à Ambohibeioma.it n'y avait que 1879 candidats à l'examen sur 7055 inscrits:il en était de même à Arivonimamo où l'inspecteur dénombra 80 présents sur 136 élèves inscrits à l'école de l'évangéliste du Palais:le taux de fréquentation était aussi faible dans les écoles de Madera.Firavahana..Le père Campenon explique ainsi cette désaffection pour l'école:"Ce que j'ai dit des assemblees du dimanche peut se dire des écoles.C'est une corvée.Le peuple n'y voit pas autre chose depuis qu'il a entendu dire et qu'il a expérimente que l'école était un acheminement vers la "corvée de sang" .Ie service militaire" .Une partie de la population rejeta.en effet.avec le christianisme cette institution qui pouvait mener à la mort car les menaces de guerre se précisaient. De plus. le souvenir n'était pas perdu des expéditions des souverains d'Imenna dont les succès avaient été douloureusement payés. Dans une des lettres d'Uclès.on apprend que l'épouse de Barnabe reprocha à son mari d'envoyer leurs enfants à l'école, elle croyait en une causal!té entre ses études et son enrôlement pour la guerre de 1895 "Tu veux donc.lui dit-elle. que tes enfants soient malneureux comme toi,qu'on les envoie au pays de la fièvre!" La situation des paysans fut rendue plus précaire encore par les irrégularités climatiques tandis que des rumeurs de famines circulaient dans les provinces;puis des bandes de malfaiteurs apparurent dans les régions dépeuplées du Betsileo et de l'ouest de l'imerina;ces désordres gagnèrent en 1883 le district d'Arivonimamo ,où .24 maîtres d'école et élèves vivaient dans la terreur.De 1869 à 1895.plusieurs facteurs avaient amplifié les divergences entre les milieux dirigeants de !a capitale et le peuple des campagnes qui supportait des taxations croissantes et les excès d'une administration vivant sur le pays mais ce furent les clivages entre chrétiens et fidèles des sampy qui accentuèrent de manière décisive les divisions antérieures. Nombre de gens s'accordaient pour reconnaître que le baptême de la reine avait été .13 une décision tragique car les chrétiens qui refusaient d'invoquer les ancêtres des souverains avaient.ce faisant,brisé les liens qui unissaient les vivants et les morts,le peuple et ses rois au monde du surnaturel.Les chrétiens furent aussi accusés d'avoir compromis l'équilibre social par leur refus de garantir sur un inceste la sincérité de leurs serments.engagements qui , d'ailleurs, retrouvèrent leurs formes anciennes du volirano et du sotrovoka. D'autres jugèrent que la cohésion du peuple avait été fragilisée par le fait que les chrétiens n'adressaient pas leurs prières à leurs ancêtres.Les Malgaches fidèles à la tradition ne pouvaient concevoir qu'on les destinât à un dieu.Le Christ n'était pour beaucoup qu'un ancêtre des Européens,des Vazaha qui voulaient s'approprier des terres qui ne leur appartenaient pas et qui utilisaient cet artifice pour justifier leurs droits.Des rumeurs firent encore se développer l'hostilité à l'égard des Européens.Un bruit courut que les Vazaha étaient des arracheurs de coeurs,des mpakafo;ils y travaillaient parfois de leurs propres mains,mais on les soupçonnait surtout de soudoyer des Malgaches pour arriver aux mêmes fins.En décembre 1891,assurait-on à

Tananarive, on vendait pour 1000 ou 2000 francs l'un,des coeurs humains accompagnés des mains et des oreilles de la victime pour garantir leur authenticité.Certains croyaient qu'ils servaient aux Vazaha pour des opérations de haute sorcellerie.Le P.Campenon rapporte que certains Hovas à la conscience plus ou moins facile et travaillés par l'auri sacra fames prirent ces bruits au sérieux."Une société s'était formée,disait-on,pour l'exploitation des coeurs humains...Un courtier fut arrêté qui venait,paraît-il, débattre les prix pour une fourniture considérable,au besoin.Un autre se serait présenté chez un commerçant européen pour lui proposer un bébé."Le Jésuite estima que ces rumeurs avaient probablement leur origine dans le récit de quelque autopsie effectuée à l'hôpital anglais de la capitale.

Cependant, les sentiers de l'Ambodirano étaient parcourus par des possédés dont les .24 hallucinations étaient hantées par leurs aïeux et par les anciens rois d'Imamo.Des figures menaçantes ou horribles,selon F.Raison-Jourde, leur ordonnaient de baisser la tête pour recevoir des charges sur la nuque.Vêtus de blanc,un signe d'argile blanche sur le front, ils étaient accompagnés vers les tombeaux par des femmes qui claquaient des mains et des joueurs de tambours qui rythmaient des marches et des danses monotones.Ces troubles appelés Ramanenjana se manifestèrent chaque année

en Imerina,à partir de 1872,en avril,lors de la moisson du riz vakiambiaty;ils atteignirent le quart de la population d'Ambohibeloma en 1878;en 1894,ils se propagèrent dans les environs d'Arivonimamo.Le P.Labaste parle dans une de ses lettres de ce qui semble être une épidémie de Ramanenjana."J'aurais beaucoup à dire sur les superstitions,non pas des païens ,mais des soi-disant chrétiens,en particulier sur les pratiques employées pour guérir certaines maladies nerveuses".Il y a quelques mois continue-t-i I, il s'est produit une véritable contagion dans une de mes chrétientés."Quetqu'un était-il atteint de la maladie,mal de tête,mal à la nuque etc...on le conduisait,la nuit, sur le tombeau des ancêtres;là,à la lueur des flambeaux,au son des tambours,de la grosse caisse et du claquement des mains, le malade devait se livrer à une danse des plus fatigantes jusqu'à ce que les ancêtres eussent exaucé la prière.Dans ce poste...j'ai connu deux jeunes gens qui sont morts à

la suite de cette médication diabolique".Le Ramanenjana apparut au 1.9* siècle

chaque fois que le royaume connut une mutation importante, tors de l'assassinat de

Radama Il,Iors du baptême de Ranavalona ll;il atteignit particulièrement ceux qui

refusaient les changements imposés par le pouvoir;les conversions vécues comme des

fardeaux courbaient les échines et affligeaient les coeurs des individus qui redoutaient de rompre le pacte de fidélité avec les ancêtres et de vivre sans l'assurance de leur protection. Les malheurs vécus,les incertitudes redoutées engagèrent certains à s'interroger sur l'origine de leurs épreuves;leurs réflexions les conduisirent à déclarer que les ancêtres et les vazimba manifestaient ainsi leur désapprobation à la suite de

l'abandon de leur culte.Dans la région d' Ambohibeloma,on disait dès 1878,jusque dans

les églises que"la maladie était venue avec la Prière et que c'était une malédiction

envoyée par la vieille reine Ranavalona l,du fait qu'ils avaient changé de

religion".Ayant constaté la vanité des prières adressées au Dieu des chrétiens,maints fidèles s'en retournèrent vers leurs intercesseurs coutumiers avec le divin,dans un

premier temps,vers les ancêtres qui reposaient dans leurs tombeaux,puis vers les

vazimba qui résidaient dans des lieux sacrés, vers les collines saintes où les épouses

survivantes des derniers rois finissaient leurs jours,enfin vers les montagnes où

avaient séjourné les sampy, les esprits tutélaires des rois et du peuple

d'Imerina.L'échec subi devant le corps expéditionnaire en 1895,les confirma dans leur

opinion;le sentiment d'avoir été affaibli et même trahi fut tel que l'on passa des

critiques au procès ,des diatribes à la révolte."Vous nous avez donné la Bible à la

place des canons,fulmine un Menalamba-l'évangile à la place des mitrailleuses

Gardner-des hymnes à la place des fusils-vous nous avez ravi notre volonté de

résister".Puisque le gouvernement chrétien de Ranavalona III avait failli à sa .13

tâche,défendre la terre des ancêtres,certams conclurent à la nécessité de revenir à

l'ordre ancien du royaume.

Les sampy, quant à eux, en avaient été les efficaces défenseurs , mais

certains,de caractère plus irascible et inaccessibles à la miséricorde laissèrent leurs

fidèles dans le désarroi;c'est ce qu'évoque le rebelle cité par T.Matthews:"Tant que

nous adorions les dieux de nos pères,nous possédions une patrie;mais vous avez mis

en fureur les dieux en les abandonnant pour la nouvelle religion et en priant l'ancêtre

des Blancs.Jésus-Christ,et maintenant nous avons tout perdu".Ceux

qui se montrèrent les plus véhéments furent les devins,les sorciers,les gardiens des

idoles dont les cultes persistaient dans le secret,toutes gens qu'agitaient aussi la

perspective de perdre des revenus substantiels et celle de ne plus bénéficier des

égards et de l'estime publics . Les prêtres des idoles,les mpitahiry sampy, étaient sortis abaissés et appauvris de la crise de 1869;le mépris dont ils furent l'objet les fit entrer dans un temps crépusculaire.Quand le doute s'installa sur les potentialités du hasina des souveraines,les païens mais aussi des "priants" revinrent vers les gardiens qui retrouvèrent leur prestige;on pratiqua à nouveau les cultes qui n'avaient pas été oubliés ,on eut recours à la justice par le tanguin,aux sacrifices de boeufs aux ancêtres,aux serments traditionnels.Les croyances anciennes recouvrèrent leur vigueur;"des pécheurs ou des pasteurs indignes,d'anciens chrétiens,des marchands de rhum,des commerçants ambulants les propagèrent de village en village,de marché en .13 marché".Les initiateurs de la révolte à l'ouest de l'Ankaratra s'engagèrent par serment

à rétablir les sampy,à détruire la Prière parce que c'était par la Prière que les Blancs s'étaient emparés du pays.(P.Roblet.31.12.1895).Eternelies étaient ces divinités pour les foko les plus conservateurs;c'est à cette caractéristique que faisait probablement allusion le rebelle dont les propos nous ont été transmis par le P.Boudou:"Les grands .5 sampy,les douze sampy sacrés ne sont pas de bois,c'est mentir que de les appeler du bois;ce sont des choses ayant vie".Quand les officiers de la reine les jetèrent dans le feu, Imanjaibola et Imandresiarivo n'avaient-ils pas pris leur envol vers le soteit.tmanjakatanitra et Ravololona ne s'étaient-ils pas dérobés aux regards en s'abîmant dans les profondeurs de la terre?Le destin des sampy aurait pu susciter des questions mais pour les mpitahiry disparition ne signifiait pas destruction;l'anéantissemnt des idoles n'avait été qu'apparent et ménageait un retour qui lorsqu'il survint fut considéré comme chose raisonnable. Sur les terres de l'ancien royaume d'Imamo où les traditions semblent avoir été mieux conservées qu'ailleurs en raison de l'indocilité de ses habitants,de leur attachement aux descendants de leur dernier roi Andriamary,de la tolérance ou de l'impuissance du pouvoir,on voyait encore des jeux où s'affrontaient des taureaux,on avait recours aux ody,et l'on pratiquait de plus en plus ouvertement le culte des sampy, de Ravololona,en particulier. Les missionnaires catholiques furent affligés par l'évolution des croyances;si le culte officiel des sampy avait cessé,le culte privé et même le culte public non officiel n'avait pas disparu"Nous constatons même depuis plusieurs années,

écrit l'un d'eux, une recrudescence dans ses manifestations".Chez les Zanakantitra qui s'étaient opposés à la scolarisation de leurs enfants et à leur évangétisation.te renouveau du culte de Ravololona souleva une vague d'enthousiasme.L'idole était escortée un groupe de femmes; en 1890 elle se trouvait à Ambohimitsangana; son gardien pour son office recevait une redevance et était dispensé de toute corvée. ( P.Campenon). D'autres idoles,comme Rafohitanana, furent aussi vénérées en Ambodirano,à Fenoarivo .22 et en Masindray.Ce sampy avait été trouvé dans la forêt à l'époque d'Andrianampoinimerina;le dieu-mâle communiqua sa puissance au souverain;il lui permit de vaincre ses adversaires à Arivonimamo et de les amener en captivité;il .12 combattit encore pour Radama l,pour Ranavalona l,et pour Rasoherina qui eut des ennemis en Imandridrano.Un document anonyme du CAOM cite encore

Ratsilahy,Rafenitra,Raboribory qui étaient peut-être des talismans des anciens rois d'Imamo ou des divinités de rang inférieur révérées seulement par quelques foko ou quelques villages.Maintenant que les hommes étaient défaits et la terre menacée, les populations restées fidèles aux croyances ancestrales et les chrétiens à la foi chancelante se prirent à espérer en l'assistance des dieux reniés.Avec leur appui, le royaume retrouverait son ordre et sa puissance et quand le dernier des priants aurait cessé de vivre,alors,qui en aurait douté? ils verraient à nouveau le vol étincelant de Rafohitanana dans le bleu du ciel et l'obscurité de la nuit. CHAPITRE 2

ARIVONIMAMO

La présence d'une armée étrangère en Imerina provoqua rapidement les plus grandes craintes parmi les populations qui n'imaginaient pas qu'elle pût avoir d'autres visées que l'asservissement brutal, semblable à ceux que le royaume avait pratiqués au début du siècle.Les fils de l'officier Rainivelonoro qui avait été tué près d'Arivonimamo rendirent compte à A.Ranchot des rumeurs répandues en Ambodirano.C'était,dirent-ils le bruit selon lequel les Français étaient venus pour réduire les gens en captivité,"les enfants seraient conduits au-delà des mers,les femmes livrées à(leurs)troupes et les hommes obligés de soigner les mulets qui était à l'origine de l'insurrection.Peu après la chute de Tananarive,des appels à la révolte furent lancés à travers l'Imamo,jusqu'au lac Itasy;les gens d'Amboanana rapportèrent,le 17.12.95,aux officiers français que le programme du soulèvement appelait à la destruction de ce qui était européen ou en était proche dans de haineux slogans:"Mort aux chrétiens!Mort aux officiers de la reine!Mort aux Blancs!Destruction des temples!'. Malgré ces signes prémonitoires,les autorités françaises furent prises de court et ne perçurent pas immédiatement les causes réelles du soulèvement.Le rapport transmis au Ministère des Affaires étrangères le 30.11.95,ne fait que relever les commentaires suscités par l'insurrection.Certains en cherchaient les motifs dans l'hostilité du gouvernement français qui aurait été le complice des rebelles;aucune preuve n'étayait cette affirmation.Avec plus de logique,d'autres avançaient que la rebellion était due à Rainilaiarivony,ex-Premier ministre;son influence s'exerçait en Ambodirano sur les tompomenakely qui lui versaient une partie des taxes;mais en plusieurs circonstances,il avait contribué à affaiblir leur autorité et les avait occasionnellement dépouillés de leurs biens.Le représentant du Ministère des Affaires étrangères estimait,quant à lui,que les instigateurs du soulèvement étaient les milieux anglo-malgaches de la capitale et le ferment des calomnies de tous ordres qu'ils répandaient contre les Français. La suite des événements est connue grâce à quelques témoignages,en particulier ceux de deux anciens élèves des écoles jésuites d'Ambohipo et Arivonimamo,Raphaël Rafako et Jean Ratavo.Leur relation présente le chef de l'insurrection de novembre 1895,Rainizafivoavy comme un agitateur ambitieux et cupide qui aurait attisé à son profit d'anciennes animosités entre des clans de l'Ambodirano;mais leur récit reste lacunaire car ses auteurs s'abstinrent d'évoquer les sentiments xénophobes et antichrétiens du personnage,probablement,pour ne point peiner les Pères.Relation de R.Rafako et J.Ratavo:"Les premiers troubles de l'imamo sont l'oeuvre d'un mauvais sujet du nom de Rainizafivoavy,sorcier célèbre,insupportable par son orgueil et sa méchanceté."Nous n'avons plus de reine, se disait-il,et je n'ai rien à craindre de notre gouverneur.Ainsi rassuré,il faisait main basse sur les biens des petits et des faibles et frappait sans pitié ses ennemis qu'il poursuivait en plein marché le couteau à la main .comme un enragé.Deux castes du voisinage,les Efadreny et les Amboanana résolurent de mettre fin aux méfaits de ce brigand,et les mesures étaient déjà prises pour s'emparer de sa personne.Que fait alors Rainizafivoavy?ll intéresse à sa cause la puissante caste des Zanakantitra,se gardant bien d'ailleurs de mettre en avant son intérêt personnel;pour si peu,personne n'aurait bougé.Mais il réussit à persuader aux Zanakantitra que les Efadreny,les Amboanana et les gens d'Arivonimamo veulent s'emparer de leurs biens et de leurs terres et qu'il est urgent de les prévenir.Facilement trompés,les Zanakantitra arrivent sans tarder.lls trouvent à Ambatoharana ceux-là même qui avaient juré la perte de Rainizafivoavy;une bataille s'engage à coups de bâtons et de pieux;les Amboanana et les Efadreny laissent sur le carreau deux morts et plusieurs blessés".Dès le lendemain,ils demandaient grâce et entraient en composition;t'affaire. alors, changea de tournure;les torts réciproques furent oubliés et les trois castes fomentèrent une révolte contre les nouveaux pouvoirs'Le P.Henri de Villèle semble mieux informé quand il rapporte les débuts du soulèvement,le 1.12.1895."Amboanana,village païen,mal famé,à une heure de distance d'Arivonimamo,a été le foyer de la révolte.Les gens de ce village,grands adorateurs des sampy( idoles) jurèrent de s'unir à d'autres villages et de marcher contre tous les Blancs qui avaient introduit chez eux la prière et qui ,par la prière,s'étaient emparés du pays.Le serment a été quasi public.On en parlait,plusieurs lieues à la ronde". Selon des Efadreny interrogés le 13.12.95 par les officiers francais la direction du soulèvement venait d'Amboanana où l'on complotait depuis quatre mois.La région était troublée;les gouverneurs étaient dans le complot et même le dirigeaient.l'autorité de la reine était ignorée ;le gouvernement qui connaissait cet état de choses était impuissant.Les populations que certains gouverneurs désarmés avaient parfois abandonnées réorganisèrent la société à partir des cellules familiales,des villages,des foko.Pour S.Ellis,la chute de Tananarive libéra les inimitiés .13 qui opposaient le foko des Zanakantitra à celui des Efadreny,installés plus à l'est;elles s'envenimèrent au point que les uns et les autres en vinrent aux mains lors du marché d'Amboanana le 30.10.1895.Les Zanakantitra,eux-mêmes,étaient divisés;une partie était devenue chrétienne,ainsi que leur chef,le gouverneur de Ramainandro.Radanieta. descendant direct du roi Andrianjaza ;une autre partie,autour d'Amboanana,constitua un foyer d'agitation dont les meneurs étaient Rainizafivoavy et Ibenahy,âgés l'un de 25 ans,l'autre,de 16 ;ils avaient eux aussi comme ancêtre Andrianjaza;mais en étaient issus par une branche cadette.La rivalité entre les clans se doubla ici d'une hostilité d'ordre religieux.Les deux frères adoptèrent des noms de guerres qui confirmaient le début d'une nouvelle étape de leur vie.L'afné se fit appeler, Rainisongomby,le père du boeuf sauvage , et ttaitangena.t'homme poison.lls organisèrent des rassemblements où l'on vint honorer Ravololona,et firent appel à leurs lointains parents de l'Ankaratra dont les talents de devins étaient connus.Au début de novembre,les Zanakantitra mirent fin à leur querelle avec leurs voisins;les Efadreny semblent l'avoir fait sous la contrainte ou la menace;en tout cas.t'affirmèrent-its lors des enquêtes militaires ultérieures.Ils acceptèrent de reconnaître que leurs vrais adversaires étaient désormais les chrétiens et les européens,toutes gens qui pratiquaient la Prière et qui étaient, d'après eux,responsables de l'invasion.Le gouvernement hova était leur complice;avec la reine,ils étaient dans les mains d'étrangers qui ne poursuivaient d'autres but que l'asservissement du peuple. Cependant un nouveau pasteur,M.Johnson venait de remplacer M.Sims à Arivonimamo;voyant les menaces assombrir l'avenir,il en informa le vice-consul d'Angleterre;le 7 octobre,il lui écrivit:"ll s'en faut que les esprits aient retrouvé leur calme;I'anarchie devient chaque jour plus grande". Il n'entendait pas pour autant se .22 réfugier dans la capitale car il plaçait son apostolat au-dessus des contingences du moment. aussi périlleuses qu'elles fussent.Avec son épouse ,ils continuèrent l'enseignement dans leur petite école et les soins à la population dans les deux salles de leur infirmerie.Leur maison d'habitation était entourée de hauts murs en terre semblables à ceux des tamboho."Le village de 150 cases environ,à quelque distance,dominé par les grands arbres amontana que l'on(apercevait) à plusieurs kilomètres, (semblait) endormi au milieu d'une région plane et dépouillée"(M.Prou).MJohnson n'était pas pourtant rasséréné par la quiétude des paysages de l'Imamo. Il se plaint de ce que sa correspondance soit ouverte depuis le début de l'année,bientôt,de ne plus recevoir ni lettres ni journaux;il regrette surtout d'avoir amené en brousse sa petite fille, Blossom, qui se rétablit lentement d'une fièvre typhoïde.Les Johnson vivaient isolés dans leur maison ne recevant plus guère que les rares visites de Miss Bliss et d'un médecin malgache.

Les prêches de William Johnson qui rassemblaient naguère plusieurs milliers d'ouailles n'en réunissaient plus que quelques dizaines.A Lucy qui s'était rendue à quelques kilomètres d'Arivonimamo pour présider une réunion de femmes,on dit un jour que personne n'avait voulu venir car les Blancs étaient des ennemis et parce que le christianisme avait fait le malheur de tous.Le pasteur était profondément accablé de voir ses fidèles l'abandonner pour suivre les sectateurs de Ravololona,mais sa foi

était assez forte pour rester dans le lieu où la Providence l'avait conduit et rendre son âme sans verser le sang de ceux qui viendraient le mettre à mort.11 avait pourtant été invité par le vice-consul d'Angleterre,Porter, à rejoindre Tananarive,avec sa famille;Rajoebelina, l'évangéliste du palais,serait venu à l'ultime minute lui demander de fuir;il estima qu'il serait indigne de déserter dans ces circonstances et lui affirma sa confiance dans la protection divine. Des semaines qui précédèrent le soulèvement,les témoignages malgaches sont rares;l'armée n'a conservé que les rapports que Ganeval adressa à Duchesne:les gens d'Amboanana interrogés le 17.12.95 lui dirent que la révolte avait été décidée le 25 octobre,dans un kabary à l'Alarobia d'Amboanana et que Rainizafivoavy la préparait depuis longtemps.Cet individu semait la terreur dans la contrée; it avait l'intention de prononcer l'indépendance de la région et se faire proclamer roi de l'Ankaratra.Le signal de la révolte devait être la mort du premier Blanc ou du premier officier hova qui se rendrait à Amboanana.

En Ambodlrano,la situation s'était détériorée depuis le début du mois.Le 14,les

Zanakantitra de l'est avaient juré de tuer tous les étrangers et leurs alliés;aussi,I'évangéliste d'Amboanana,Rajaobelina avait-il cherché refuge chez les

Johnson,à Anvonimamo.Le gouvernement malgache n'avait, pour sa part, accordé qu'un faible intérêt aux informations qui lui parvenaient.Vers le 15 et le 17,des menaces avaient été proférées dans certains villages contre celui d'Isaha,en particulier,où était établie une mission anglaise des Indépendants.Sur les conseils des autorités françaises,le Premier ministre envoya dans quelques districts des délégués

pour rétablir l'ordre,se livrer à des enquêtes et faire arrêter les individus compromis;les gouverneurs reçurent des instructions pour faire saisir et diriger vers la

capitale les malfaiteurs connus;cette façon de procéder qui confiait aux autorités

malgaches le soin d'assurer la police du pays était conforme au régime du protectorat. Les ordres donnés furent exécutés aussi exactement que l'on pouvait s'y attendre; une trentaine de malfaiteurs turbulents furent conduits à Tananarive et emprisonnés.Dans le même temps, depuis l'Ankaratra,un certain Rainizafivoavy.à la tête de 100 à 150 brigands armés de couteaux,de sagaies et de quelques fusils venait exercer ses rapines sur les paysans de l'Ambodirano.Le gouverneur d'Amboanana reçut l'ordre de les arrêter; i) répondit que n'ayant plus de soldats ni d'armes, il lui était impossible d'agir.Selon Rafako et Ratavo,un courrier royal qui passait par là se rendit compte de l'effervescence;on voulut le prendre à partie: if s'échappa,'vint avertir Arivonimamo et s'empressa de porter la nouvelle à la capitale.La reine dépêcha aussitôt sur les lieux 3 officiers;ils devaient enjoindre aux gens de rentrer dans l'ordre et surtout de déposer les armes;les officiers furent très mal reçus."Si ce pays,leur fut-il répondu,appartient encore à Ranavalona,elle ne peut qu'être contente de nous voir garder les armes;sinon nous les garderons encore pour repousser les Blancs qui se sont emparés de notre pays".Ne pouvant rien obtenir,et menacés eux-mêmes de mort,les envoyés royaux s'empressèrent de rentrer à

Tananarive. Le gouverneur d'Arivonimamo .Raphaël Ramanitra,reçut alors mission de disperser la bande qui avait pour foyer Amboanana et de s'emparer, si possible, de son chef .Le fonctionnaire fit remarquer que ses moyens militaires réduits(16 fusils) ne lui permettaient pas de mener à bien l'opération.Le Premier ministre demanda donc au Gai Duchesne l'autorisation qui lui fut aussitôt accordée, d'envoyer à Arivonimamo un supplément de 20 fusils et 200 cartouches Snider.Le Commandant en Chef précisa les circonstances dans son rapport:"Le gouvernement avait ignoré, d'une part, que la bande en question s'était récemment renforcée d'un certain nombre de soldats déserteurs et d'esclaves fugitifs et, d'autre part, qu'un mouvement de protestation contre notre occupation se dessinait parmi les populations rurales des districts environnants et menaçait de fournir à la bande de pillards qu'on voulait disperser d'assez nombreux adhérents."

Le 20 novembre,un petit convoi d'armes partit, sous la conduite de deux tsimandoa,de trois officiers du palais et de 45 soldats hova recrutés à la hâte.11 fit

étape à Arivonimamo,le lendemain dans l'après-rnidi et s'y reposa jusqu'à 11 heures de la nuit.Ensuite,il en reprit son chemin accompagné du Gouverneur Raphaël et de quelques habitants du village pour Amboanana où, selon un renseignement, se trouvait Rainizafivoavy.D'après Rafako et Ratavo,le gouverneur Raphaël aurait fait remarquer aux officiers qu'il était risqué de se lancer dans cette marche avec si peu d'hommes;mieux valait attendre et ne rien tenter avant d'avoir réuni des forces suffisantes. IINon,répondirent les officiers,il n'est pas convenable de commencer par demander du secours.Faites avertir vos gens de se tenir prêts en cas de besoin;mais nous,nous prenons les devants".Vers 3 heures du matin,selon le rapport adressé au M.A.E,alors que la petite troupe n'était qu'à quelques centaines de mètres du village,elle fut attaquée à l'improviste et rapidement encerclée;deux des officiers malgaches furent tués,le troisième,blessé;quelques soldats restèrent également sur le terrain;les autres prirent la fuite sans essayer de résistance sérieuse.Rainizafivoavy avait été ,semble-t- il,informé des intentions du gouverneur à son encontre.D'après Ratako et Ratavo,un aide de camp avait précédé le détachement et était allé éveiller les gens du voisinage;mais personne ne voulut bouger avant le jour.Malgré cette défection,Raphaël et ses soldats tâchèrent de cerner Rainizafivoavy;ils n'y suffirent pas.Le chef rebelle leur échappa;les coups de feu qui furent tirés ne l'atteignirent pas.Hommes et femmes sortirent,s'armèrent de tout ce qui leur tombait sous la main;ils enveloppèrent les assaillants et plusieurs de ces derniers furent mis à mort sans merci.Rainizafivoavy au cours de sa fuite jeta l'alarme chez les Amboanana et

les Efadreny.11 semble que le récit des tsimandoa,proche du précédent, soit davantage conforme aux événements."La petite colonne,arrivée le 22,un peu avant le jour,à

Amboanana,hésita à s'engager,perdit du temps et s'affaiblit en se dispersant pour entourer le village,donnant ainsi le moyen au chef de la bande...de rassembler ses adhérents du village même et des villages voisins,et attaquée vigoureusement par ceux-ci,fut promptement dispersée et presque anéantie. Les officiers du palais et une partie des soldats furent tués,les autres s'enfuirent ou firent volte-face".Les courriers de la reine.qui.probablement.s'étaient tenus à distance,purent seuls reprendre le

chemin de la capitale.

Des feux furent allumés sur les collines d'où venaient les sons graves et inquiétants des conques marines.Bientôt, des milliers de paysans

accourus des environs se trouvèrent réunis.Or, le lendemain,le 22 novembre, était le jour du bain royal,le Fandroana,au cours duquel le hasina des souverains était exalté

par les offrandes de leur peuple;on ne peut exclure que Rainizafivoavy n'ait pas utilisé

l'occurrence à son profit, toutefois, le kabary qu'il adressa à la foule ne conteste pas la

légitimité de Ranavalona III;un témoin anonyme le résuma ainsi :"Voici les paroles de

la Reine:la population d'Avaradrano est chargée de tuer les Vazaha,les

évangélistes,les pasteurs(et) les maîtres d'école et tous ceux qui se disent religieux.1I

en est de même pour la population de Marovatana et de Sisaony.A Tananarive.on tue

tous ceux qui sont dans sa circonscription.. Nous autres,à Ambodirano,nous avons la

charge de tuer tous ceux que nous trouverons dans notre province et ceux qui sont dans sa circonscription.Nous autres,à Ambodirano,nous avons la charge de tuer tous ceux que nous trouverons dans notre province et ceux qui n'agiraient pas selon cet ordre de la Reine auraient leurs biens ruinés et leur vie ôtée".Ensuite,il exhorta le peuple à le suivre et le conduisit vers le nord" pour tuer tous les Vazaha qui se trouveraient à Arivonimamo et tous ceux dont il parlait".Pendant ce temps,le gouverneur,avec 3 de ses hommes,avait gagné le village d'Andohariana(2,5 km au S.E d'Arivonimamo) dans l'espoir de s'y cacher.La première maison qu'il trouva était vide;il s'y enferma avec ses compagnons.Matheureusement.on les avait vus;en un instant,ils furent cernés par une foule menaçante qui leur criait de sortir s'ils ne voulaient pas être brûlés vifs."Raphaël Ramanitra essaya en vain de parlementer et de taire entendre raison aux assaillants en leur promettant de l'argent."Vous portez un fusil,lui crie-t-on;vous êtes donc venu en ennemi!Je ne l'ai même pas déchargé,répond-it:d'aitteurs,prenez-)e si vous le voulez,et voici également mon argent!-Sortez ou vous êtes perdu!".Chacun, alors,tâcha de se cacher comme il pouvait.Deux s'enfoncèrent dans des silos à riz,un autre dans un trou à batayures.Dehors.on continuait à crier contre Raphaël.On l'invitait à quitter la maison pour implorer le pardon d'un autre gouverneur qui était là et qui t'attendait.Après avoir demandé le nom de ce gouverneur,il sortit;aussitôt,on se jeta sur lui et on le tua à coups de couteau.Lors de l'audience du 23 octobre 1896,le tribunal du cercle d'Arivonimamo ayant recueilli des témoignages,accusa Rasamaneto.Rainimanana.Rasakovato.Rakotomamonjy, Rainifonemanana.Rainandriana d'être montés à l'étage de la maison d'Andohanana où s'était réfugié le gouverneur,de l'avoir contraint à descendre dans la cour et de l'y avoir massacré,ainsi que Rainivaonandriana qui s'était vanté d'avoir tué le gouverneur et montré son arme tachée de sang.(Selon le P.Labaste.ta victime avait été découpée en morceaux).A Rainidratsimadio était échu le plus mauvais abri ; il fut vite découvert et bien qu'il ait rappelé qu'il n'était qu'un esclave,il fut assommé.Germain Rainizaganavony,ancien élève de l'école catholique d'Arivonimamo entendait les rebelles:"Où est-il?Qu'on le coupe en morceaux comme une pistache!"Au bout d'un moment,les poursuivants se retirèrent.Germain s'endormit;à son réveil,il regarda par la fenêtre.Ne voyant personne,il sortit avec son compagnon.Ils ne tardèrent pas à constater que les rebelles ne s'étaient pas éloignés.Une femme les remarqua et retint Germain par son lamba tandis que son compagnon se dérobait et gagnait Arivonimamo."A prix d'argent,Germain (obtint) de n'être pas dénoncé;on le(reçut) dans une maison où il se(tapit)encore dans un trou à riz.Après quelque temps.il se hasarda à sortir et sans attendre la nuit,il prit le chemin d'Arivonimamo où il arriva non sans avoir failli tomber encore entre les mains des insurgés. Un autre officier de la reine,Randrianarison,perdit la vie dans cette affaire.Cependant les insurgés voyaient leur nombre augmenter de tous ceux qu'ils rencontraient et qu'ils forçaient de se joindre à eux."La bande s'accrut notamment en traversant Maharena où c'était jour de marché."Forte,peut-être de 2000 personnes,elle se montra, en outre, assez agressive pour faire rebrousser chemin au sous-gouverneur qui venait prêter main forte à Raphaël Ramanitra .Lorsqu'elle atteignit Arivonimamo.vers 9 heures du matin,un témoin la décrivit semblable "à la foule qui se presse à Tananarive,le jour du Zoma".Les rebelles se dirigèrent vers la maison du pasteur,et firent main basse sur tout ce qu'elle contenait.On remarqua Rainiketabao parmi les pillards que Rainisoanavony pressait de se hâter depuis la rue;plus tard,on vit les enfants de ce dernier habillés des vêtements de la fille du Rd Johnson.Puis,les insurgés montèrent à l'étage où le pasteur était en prière avec son épouse et leur fille Lucy.âgée de 6 ans.lls firent descendre la femme et l'enfant;Rainimasondrano porta un premier coup au Rd Johnson qui"en bon quaker qu'il était,n'opposa pas la moindre résistance";Rainigarivao le frappa encore et montra son couteau qu'il dit salé du sang des Vazaha; Rakotovao lui porta un dernier coup à la suite duquel le pasteur mourut.Rainianga et Rainimasoandro jetèrent alors son corps par la fenêtre,aux acclamations de la foule et le cadavre fut placé sur un feu où il fut en partie brûlé. Lucy,dans la cour,criait:"lls ont tué mon père'tts ont tué mon père!".Les interrogatoires effectués lors de l'audience rapportent que quelques rebelles s'élevèrent contre le sort réservé à la mère et à la fille du pasteur.tts estimaient qu'il ne fallait pas les mettre à mort.C'est probablement vers eux que Madame Johnson tenta de se réfugier;mais Rainimasoandro fit observer aux protestataires que de ces femmes naîtraient des enfants Vazaha;elles furent alors conduites sous un arbre avec leur servante Ramaro,puis dépouillées de leurs vêtements.Rainimasoandro frappa d'abord Madame Johnson;quand la petite Lucy fut atteinte,elle poussa un cri qui fit se retourner sa mère; Rakotovao s'acharna sur Madame Johnson(à coups de bâton,selon Rafako et Ratavo) et parvint à la tuer pendant que Rainigorivao achevait l'enfant .Le compte-rendu de l'audience n'indique pas quel fut le destin de Ramaro.Les insurgés enlevèrent tous les meubles,à la recherche d'un autre Blanc que l'on disait caché dans la maison.Peu après,elle fut brûlée avec tous les bâtiments dépendant de la mission.D'autres insurgés,conduits par le maître d'école Rainikotomanga,menacé de mort par Rainigorivao et Rainivaonandriana,se rendirent à la mission catholique.Peu après,la maison du gouverneur R.Ramanitra fut aussi pillée.L'accusation ne put établir de manière certaine la participation aux crimes de Rainiantoandro et de Rainimamonjy. Ils furent acquittés.11 n'en fut pas de même pour quelques autres suspects.Les poursuites contre les assassins avaient commencé aussitôt que la colonne Ganeval fut entrée à Arivonimamo mais l'instruction traînant en longueur,le procureur général décida,en mai 1896,de déférer les accusés devant la juridiction française.A cette occasion,H.Laroche fit observer au Premier ministre que si la juridiction malgache,"qui lui inspirait la plus absolue confiance",se trouvait dessaisie de cette affaire,elle ne pouvait s'en prendre qu'à la lenteur dont elle avait fait preuve depuis six mois.Finalement,les criminels furent présentés devant le tribunal du cercle militaire d'Arivonimamo.Les membres d'un premier groupe dont les forces d'occupation s'étaient emparé y comparurent, furent jugés contradictoirement et condamnés à mort.lls furent passés par les armes,à Arivonimamo le 26 octobre 1896 à six heures du matin:il s'agissait de Raini fonemanana, Rainivaonandriana, Ramarozoky, Rakotomamonjy, Rainimasoandro, Rakotovao Les autres ne purent être condamnés que par défaut à la même peine: Rainianga Rasamanelo, Rai nimanana, Rasakovato, Rainizafinary, Rainisoanavony, Rainigorivao, Rainiketabao,Ralaitangena,Rainizafivoavy;ces deux derniers périrent dans une embuscade quelque temps après.Faisant retour sur les événements qui se déroulèrent à Arivonimamo en novembre 1895,Rafako et Ratavo rapportent que les habitants effrayés par les rebelles s'enfuirent de tous côtés,abandonnant les maisons et tout ce qu'elles contenaient.A la mission catholique,le P.J.de Villèle était malade et n'avait pu dire la messe ce jour-là.Dans un premier mouvement,il refusa de partir;certains de ses fidèles restèrent auprès de lui pour le garderies autres se dispersèrent. "Que voulez-vous,commenta-t-il,"la vie est douce", et il y en avait plusieurs qui n'avaient pas encore pu se confesser".Sans prendre garde aux écorchures.ceux-tà se laissèrent glisser dans le fossé qui est près de l'église et entoure le village(ce fossé a 5 ou 6 mètres de largeur et autant de profondeur);de là,ils se dispersèrent vers la montagne".Les brigands étaient déjà dans le village.On entendit le clairon du Père.A ce signal,deux élèves qui s'étaient enfuis revinrent.Voyant que les brigands allaient pénétrer dans la cour,le Père entra dans l'église et,prosterné devant le Saint Sacrement,offrit à Dieu le sacrifice de sa vie.Pendant ce temps,quelques élèves et deux maîtres d'école se tenaient près de la porte de l'emplacement,armés de fusils.Les premiers brigands arrivés les ayant aperçus,se mirent à crier:"Des fusilsllls ont des fusils!"et décampèrent.Mais ils allaient revenir et plus nombreux. On profita de cet instant.Le Père eut juste le temps de prendre le Saint Sacrement et,le portant sur sa poitrine.il courut se cacher dans une case à moitié détruite du voisinage.A peine était-il parti que les brigands entrèrent dans l'emplacement.Tout fut pillé et saccagé.Dans l'église,après avoir enlevé les ornements sacrés,ils démolirent l'autel et mirent en pièces les statues,le chemin de croix,l'harmonium et tous les autres objets du culte.La maison du Père et la classe ne furent pas plus respectées.On détruisit portes et fenêtres,la varangue elle-même fut abattue.Après avoir enlevé tous les objets capables d'exciter leur convoitise,ils cherchèrent le Père dans tous les coins et recoins."ll faut qu'il soit sorcier, ce Blanc!disaient-ils;où est-il donc?Nous l'avons vu ici,il n'y a qu'un moment".Quand le pillage fut achevé et qu'un calme relatif se fut fait dans la ville,nous fîmes prendre au Père un habit malgache,nous l'aidâmes à descendre dans le fossé de la ville où il demeura caché dans un enfoncement de rocher tout le reste du jour.Le Père qui avait la fièvre,avait pris ce jour-là un vomitif qui l'avait beaucoup fatigué.Il se trouva une personne compatissante qui nous offrit pour lui un peu de nourriture.Quand le soir fut venu,nous nous demandâmes ce que nous allions faire.Les uns voulaient que le Père restât caché dans quelque endroit écarté."Profitons de la nuit,disaient les autres pour transporter le Père à Tananarive".Ce dernier avis prévalut.A la faveur des ténèbres,le Père sortit de sa cachette,et nous partîmes.Le Père allait à pied malgré la fièvre.Au village d'Ambohimpanompo,à 2 ou 3 kilomètres d'Arivonimamo,on fit une courte halte.Le Père se mit alors dans un lamba attaché par les quatre coins sur un bambou que nous portions deux à deux comme on fait pour les malades ou les morts."Accompagné de onze chrétiens ou enfants de l'école,ils marchèrent ainsi toute la nuit.Le Père avait compassion de nous,qui n'étions pas habitués aux rudes fatigues des porteurs."Laissez- mOi,disalt-il,de temps en temps,je puis marcher un peu"et pour nous soulager, il allait à pied quelque temps.Nous n'étions pas sans crainte en traversant certains villages car si on était venu à découvrir que nous portions un Blanc,on nous aurait, peut- être,tous mis à mort.Vers quatre heures du matin,nous nous arrêtâmes derrière des rochers pour prendre un peu de sommeil.Au bout d'une heure,environ,nous repartîmes et le matin,au lever du jour,nous étions à Fenoarivo...à une dizaine de kilomètres de Tananarive."Le P.Joseph de Villèle et ses compagnons atteignirent la capitale à 9 heures et demie du matin.Un informateur anonyme donne quelques indications sur ce qui se passa les jours suivants:"ll (Rainisongomby)amena(it) ce peuple vers le sud pour attaquer Isaha,les Vazaha avec les religieux;ils ont détruit tous les temples et étant revenu d'Isaha,ils ont convoqué le peuple pour assiéger Antananarivo".Les rebelles se tournèrent effectivement vers le sud,se dirigeant sur Ramainandro où se trouvait le gouverneur Radaniela et le Révérend E.O.Mac Mahon mais aussi vers Soavinandnana dont le responsable était Ratsimanohatra.Les rebelles furent rejoints par Rainivazaha,un fonctionnaire du district d'Isaha .devenu chef de brigands, qui avait déjà attenté à la vie de Radaniela deux ans auparavant.L'église anglicane de Ramainandro fut brûlée;quant au pasteur,il s'était rendu compte depuis plusieurs jours qu'il était surveillé. Quand il apprit du beau-frère de Radaniela l'existence d'un complot,il s'enfuit vers l'Ankaratra avec son épouse et ses cinq enfants,dont l'un avait moins de dix-huit mois.Le missionnaire rapporte dans ses souvenirs que le lendemain sa maison fut incendiée.1I marcha toute la nuit avec les siens pour atteindre une des annexes de la station.Les gens se mirent en quatre pour leur préparer un peu de riz avec du poulet;mais bientôt le village se remplit d'hommes armés de coutelas qui se dirigeaient vers Ramainandro.Leur chef,un voleur de boeufs,chercha à obtenir des renseignements:en vain,car le Rd Mac Mahon avait un fusil.Le groupe, grossi d'un grand nombre de chrétiens , put sortir du village;Mac Mahon fit traverser à ses fidèles une rivière au cours rapide,les uns se tenant aux autres.Au cours de leur marche, des rebelles tentèrent de leur jeter des pierres; le pasteur les en dissuada en armant son fusil.Après une nouvelle étape de nuit sous la pluie et les éclairs des orages,ils parvinrent à un autre village chrétien qui n'était pas menacé et où ils trouvèrent refuge. CHAPITRE 3

ANTSAHAVOLA

Ayant regroupé leurs forces,les rebelles marchèrent vers la capitale,maltraitant les chrétiens des villages convertis,brûlant les temples et les églises jusqu'à Antsahavola.Là,au pied de la montagne sacrée du Fandravazana,ils furent rejoints par des parents,les Tankaratra.lls avaient l'intention de livrer bataille en ce lieu.Ce fut dans la soirée du 22 novembre au cours de la cérémonie du Fandroana que le général Duchesne reçut des membres du gouvernement les premières nouvelles de l'attaque dirigée contre Arivonimamo,dont on ne connaissait encore qu'imparfaitement les tristes résultats.Le récit du P.J.de Villèle , les informations complémentaires parvenues au cours de la journée suivante et l'incapacité des autorités malgaches à agir le décidèrent à intervenir.Avec l'accord du gouvernement,il dirigea sur Arivonimamo une colonne de 340 hommes formée du bataillon malgache du Régiment colonial(2 compagnie haoussa,1 compagnie malgache).A sa tête, se trouvait le Cdt Ganeval;le Cne Staup qui commandait une compagnie connaissait un peu l'Ambodirano pour l'avoir traversé quelques jours auparavant,lors d'une reconnaissance vers .La colonne était accompagnée de deux officiers du palais,de plusieurs tsimandoa et d'un missionnaire anglals,M.Radley,autorisé par le général à aller rechercher le corps de son confrère.La troupe quitta llafy le 23 novembre à trois heures de l'après-midi, traversa l'Ikopa sous une pluie torrentielle et après mille difficultés arriva à Ambaniala à 8h30 du soir.Elle y cantonna.Le commandant rejoignit son unité une heure plus tard,sans information sur l'extension du soulèvement.Les fils de Rainivelonoro,un des manambohitra envoyés pour arrêter Rainizafivoavy et tué par les rebelles, n'étaient pas encore revenus.Les eusse-t-il croisés,les renseignements qu'ils rapportaient étaient fort vagues .Selon A.Ranchot qui les questionna,en venant de Tananarive,le mouvement commençait à l'ouest d'Ambohiborona mais ils ne purent indiquer les limites du pays sur lequel il s'étendait;cependant. d'après ce qu'ils avaient vu et entendu dire,plusieurs milliers d'individus y prenaient part. Le Gai Duchesne dans les instructions qu'il adressa au cdt Ganeval lui fit part de sa confiance dans son énergie et dans sa prudence pour comprimer promptement le mouvement du Sud-ouest.j'ajoute,sans vouloir gêner en rien la liberté entière d'action que j'ai entendu vous laisser,que le rayon de vos opérations ne me paraît pas devoir s'étendre beaucoup au sud ni à l'ouest d'Amboanana, foyer de la rebellion et qu'il faudrait entièrement détruire.Il me semblerait bon que vous remontiez ensuite,si vous avez alors la liberté de vos mouvements vers Arivonimamo,Betafo et Ambohibe)oma,puis que vous veniez occuper une bonne position vers le centre du triangle ainsi parcouru d'où vous pourriez peut-être parachever votre oeuvre de répression par l'envoi de colonnes mobiles qu'il faudrait toutefois éviter de compromettre".Dans un courrier adressé au ministère,le général ajouta que de ce centre,il pourrait agir" de façon à punir les principaux coupables et à ramener ceux qui n'avaient subi qu'un entraînement passager".Afin de l'aider dans sa mission, le général joignit une liste de 24 indigènes considérés comme suspects;ils avaient été dénoncés à la reine ou à lui-même comme ayant été des fauteurs ou des complices de la rebellion.Duchesne compléta ses instructions par ces conseils"Je vous prie toutefois de n'attacher à ces dénonciations qui peuvent servir parfois de vengeance personnelle qu'une valeur de renseignement et de ne pas considérer comme nécessairement coupables ceux qui figurent sur la liste".Le 30 novembre, le général rendit compte au Ministère de la Guerre des instructions données au commandant:il devait détruire Amboanana. "II serait désirable que l'ennemi l'y attendît et y subît un échec qui puisse être sérieux pour être définitiell ne pousserait ensuite"plus avant,dans le sud et dans l'ouest,que s'il en (voyait) la nécessité ou l'avantage évident". Pour prévenir toute extension du mouvement,le général précisa les mesures qui avaient été prises;les districts du nord et du sud de l'Imerina furent parcourus par de hauts fonctionnaires qui avaient mission de rassurer les populations,de les calmer au besoin et de commenter un manifeste de la reine qui blâmait énergiquement la rebellion et ordonnait de la réprimer sévèrement.La colonne se remit en marche à 5h30 du matin,par les villages de Nosy jato et d'Ambohimiadana puis se dirigea vers Arivonimamo,en suivant autant que possible les lignes de crête.Elle traversa les vallons marécageux où coulent l'Antonina et l'Andromba avant de gravir les pentes du Vontovorona des hauteurs duquel on apercevait le village d'Antsahavola où les tirailleurs firent halte à 11 heures.L'Andromba franchie,la troupe était entrée dans la zone insurgée. Sur les hauteurs, on voyait"repliés les habitants des villages,fuyards ou rebelles". Le cdt Ganeval avait projeté d'aller cantonner vers Antongombato,à 4 kilomètres à l'ouest,sur la rive gauche de la Katsaoka,mais la marche dut être transformée en reconnaissance car les mulets du convoi arrivé à 2 heures de l'après-midi refusaient d'avancer.Une demi-heure après une patrouille fut dirigée vers l'est.La 3* cie (It Lefebvre)se rendit à Maitsoarivo,à l'ouest d'Antsahavola et y plaça une section sur une hauteur pour surveiller le plateau environnant.Le calme qui régnait dans cette région déserte parut assez préoccupant à Ganeval qui recommanda à ses officiers de se considérer comme en présence de l'ennemi.Aucun document n'indique les motifs pour lesquels le commandant choisit un itinéraire à l'est de la Katsaoka qui allongeait le cheminement vers Amboanana.Probablement, préféra-t-il, pour cantonner, laisser l'obstacle de la rivière entre les insurgés supposés à l'ouest et la colonne.Toujours est-il qu'il décida de faire étape à Antsahavola.Le village se situe près d'un vallon de 800m environ étageant ses rizières du S.O. au N.E.Les eaux qui les irriguent descendent du flanc occidental de l'Ambohitramboba par 5 sillons qui griffent profondément les versants;3 autres thalwegs dirigent leurs écoulements au nord.vers les rizières d'Ambohidraidimy.Entre ces deux zones, se trouve un pan moins raviné à l'altitude 1400m perpendiculaire à l'axe de l'Ambohitramboba;le sentier qui l'emprunte raccourcit le trajet d'Antsahavola à Mahaslna,à l'est;il fut suivi par les relèves du poste placé au sommet.Sur la ligne de faîte subsistent les fossés de deux villages abandonnés.C'est sur ces hauteurs que se déroulèrent les combats du 25 novembre.Elles n'offraient aucun abri aux rebelles et ne leur permettaient pas de cerner le détachement français.Les insurgés attaquèrent sur des fronts relativement étroits au nord et au sud en ne tirant aucun parti de leur nombre.Peu après leur arrivée à Antsahavola.un feu allumé du côté de Maitsoarivo, intrigua des guetteurs mais les 3 ou 4 paysans restés dans ce village prétendirent que le feu n'était qu'accidentel.Rien ne laissait prévoir la présence des rebelles quand, à 4h 30,une vive fusillade partit de la hauteur où se tenait la grand-garde.Du village,on la vit se replier en ordre,dirigée par son sergent indigène.Souatey:tes tirailleurs se retournant pour faire feu,abattant de temps à autre un homme au milieu d'une foule de 500 individus qui cherchaient à les entourer.A 250m du village,le sergent abrita ses hommes dans un creux du terrain .permettant à la 4*cie d'ouvrir le feu et d'arrêter l'attaque. Cependant,des tsimandoa et les officiers de la reine avaient été envoyés dans plusieurs villages et des tentatives de composition faites avec les populations. Ces démarches restèrent sans suite;elles eurent même des conséquences tragiques;il semble,en effet,que ce soit dans cet esprit que le sgt Sagelohy qui commandait une section placée, à 4h30, à 1 kilomètre au S.O. d'Antsahavola, refusa d'ouvrir le feu sur les rebelles qui marchaient vers sa patrouille.Malgré les supplications d'un sergent indigène,Sagelohy alla au devant des insurgés, -les prenant pour d'honnêtes paysans, "et des individus inoffensifs.1I fut tué alors qu'il s'entretenait avec eux, vraisemblablement pour demander des renseignements;deux de ses hommes laissèrent aussi la vie dans cette occurrence.Le premier qui porta la main sur lui fut abattu par le sergent;mais les rebelles étaient trop nombreux pour que la section pût leur résister;une retraite immédiate et ordonnée la sauva du massacre.Le 6 décembre 1895, un bref télégramme partit de Tananarive:"Sgt Sagelohy Jacques A 39002 tué 24 novembre combat Antsahavola.Mère à Sorède.Pyrénées Orientales."La 4* cie(cne Staup)s'était aussitôt portée en avant,avait refoulé l'ennemi jusqu'à 1500m et repris les corps des 3 tués.Selon le P.Henri de Villèle, les cadavres avaient été mutilés.Le capitaine rentra à 5h30,"ayant fait subir des pertes sérieuses aux rebelles. Au cours de ces accrochages, le sgt Soaley et le caporal Dadaïe s'étaient fait remarquer par leur ardeur.Une seconde attaque eut lieu à la tombée de la nuit; sous une pluie violente,un millier d'hommes accourant du nord,de l'ouest et du sud se lancèrent contre Antsahavola.Le commandant les laissa approcher jusqu'à 150m avant d'ordonner le feu."Des fanatiques(vinrent) se faire tuer à bout portant;"d'autres tombèrent atteints par les feux individuels des meilleurs tireurs, à la porte du village ainsi qu'au N.O. où ils cherchaient à s'emparer du convoi qui ne put entrer dans Antsahavola.Sept cadavres restèrent sur le glacis;les autres furent enlevés par les insurgés qui toute la nuit harcelèrent le village et tentèrent même de l'investir.La 3'cie placée au sommet de l'Ambohitramboba fut également attaquée dans l'obscurité mais avec moins de vigueur.Deux hommes furent légèrement blessés:le sgt Aurésédéa d'une pierre dans un oeil,le cne Staup,d'une autre dans les jambes.La détermination dont avaient fait preuve les insurgés laissait augurer d'autres difficultés pour le lendemain. La présence des rebelles aux alentours n'incita pas les tsimandoa à tenter une liaison avec la capitale.Le 25 novembre, à 6h du matin,la 4* cie commença la relève de la 3*. Le mouvement s'effectuait de manière fractionnée,une section de la 4* remplaçant un peloton de la 3* quand apparurent les insurgés.1I était alors 7h30;leurs bandes fortes d'un millier d'hommes marchaient vers trois objectifs:le village,la montagne,le convoi.La section Poisson qui gravissait les premières pentes de l'Ambohitramboba prit d' enfilade, à 150m de distance, 300 insurgés qui suivaient le ravin au nord du village,n'ouvrant le feu qu'au moment où les rebelles arrivés à 20m d'Antsahavola roulaient sous les tirs venus du village.Ganeval ordonna une contre- attaque à 7h45;la section Poisson et les conducteurs sénégalais du maréchal des logis indigène Sidi Kaidata se jetèrent sur les assaillants,le clairon sonnant la charge.lls refoulèrent les bandes hurlantes jusqu'à Mandatava;tes insurgés laissèrent 17 cadavres sur le terrain,dont celui d'un chef,et emmenèrent avec eux"au pas gymnastique et avec une vitesse incroyable,de nombreux morts ou blessés".Pendant ce temps,les rebelles cherchaient à tourner le peloton Poisson par le nord et par l'ouest mais ils furent repoussés par la section Boussard(3*cie) envoyée en appui par le cne Staup.Vers 8h,le cne Staup qui disposait des 3 sections de sa compagnie et d'un peloton de la 3* fut attaqué par le nord et par le sud et aurait été défait s'il n'avait pas fait manoeuvrer ses hommes.La 1* section de la 4*cie (Sgt Chemin) arrêta la progression des insurgés au sud tandis que les tirailleurs du peloton Poisson et de la section Boussard ouvraient le feu sur ceux qui venaient du nord et se lançaient sur eux à la baïonnette.Le corps à corps dura quelques minutes .Un rebelle attaqué par le fourrier Vacherand lui arracha son fusil et se jeta sur le It Poisson qui venait de tuer 2 hommes mais dont le révolver était déchargé.Le sgt Vanbatten qui s'en était aperçu,s'élança vers l'ennemi et l'abattit.Le fourrier reprit son fusil.Les insurgés se replièrent en désordre vers le nord.Le cne Staup inversa alors l'axe de l'attaque et commanda des feux de salve vers le sud contre les rebelles qui se trouvaient à une centaine de mètres.Après la charge à la baïonnette qui suivit, les insurgés,repoussés,se replièrent laissant une quinzaine de morts.Des bandes de quelques centaines d'hommes continuaient cependant à surveiller les tirailleurs de l'Ambohitramboba,puis ils se réunirent en 3 groupes de 1200 à 1500 hommes chacun et tinrent de grands kabary jusqu'à 2 heures de l'après-midi.A 9h,trois courriers furent envoyés vers la capitale;deux renoncèrent et rentrèrent à Antsahavola,le troisème,selon les tirailleurs, fut fait prisonnier.Une forte colonne de rebelles disparut alors dans les bas-fonds se dirigeant semblait-il, ve'rs-l'ouest le commandant présuma que la position del'Ambohitramboba était visée; aussi renforça-t-il l'effectif de la cie Staup avec le 1* peloton(lt Salvat) de la 2* cie.A 2h45,les insurgés passèrent à l'attaque.L'efficacité des manoeuvres exécutées le matin se confirma .Le cne Staup repoussa successivement les rebelles qui avaient reçu de nombreux soutiens et qui le défiaient au nord et au sud, du sommet de la montagne. Le It Salvat poursuivit les insurgés jusqu'au pied de l'Ambohitramboba;parmi les huit cadavres abandonnés,on trouva celui d'un chef.Au cours de ce combat'Tennnemi n'a plus montré le même acharnement,ni la même témérité;il est devenu prudent,constate Ganeval,ses chef n'ont pu le faire attaquer franchement"ni le faire s'approcher à moins de 300mètres;il n'a pas attendu l'assaut avant de rompre. L'effet de son tir fut insignifiant:un soldat fut blessé d'une balle à l'épaule;deux autres eurent,l'un, le fusil brisé,l'autre,la baïonnette tordue par une balle.Pendant ce temps un parti de 1500 hommes encerclait "le fort",s'exposant au feu des tirailleurs qui leur causa encore des pertes quand ils enlevèrent le cadavre du chef abandonné le matin.A 3h30,le commandant effectua une sortie avec le peloton de Bollardière qui chargea en ordre,clairon en tête,faisant fuir les rebelles au-delà de Mandalava;la même manoeuvre fut réalisée vers l'est,dégageant ainsi totalement Antsahavola.Le 10*Hr Rainilaiamby accompagna le chef de bataillon en faisant preuve d'une grande énergie.Les rebelles, défaits, battirent en retraite vers Antongombato"où(était) le temple des idoles" et,de là,vers Ambohibololona en direction du foyer de l'insurrection. Les renforts attendus du nord,de l'ouest et du sud ne dépassèrent pas Ambohibololona;le commandant conclut son rapport du jour par ces mots:"La plaine est complètement libre; les rebelles ont constaté leur impuissance".Ce n'est que quelques semaines après que Ganeval apprit quels avaient été ses adversaires, de la bouche des gens d'Amboanana.L'affaire d'Antsahavola avait été menée...par Rainitsimbana,Laitangena,Mahasobehanana.Les Imamo étaient au sud de Maitsoarivo,les Maromena au centre et les Zanakantitra au nord vers Mandalava.Cette formation correspondait aux trois kabary principaux qu'il avait pu observer.Amboanana avait le commandement;c'était toujours de Mandalava que partaient les ordres.Les rebelles avaient cédé,malgré les renforts qui leur arrivaient . La nuit fut calme,troublée seulement par l'appel des conques marines;un grand feu réunit un kabary de 3000 hommes qui s'en allèrent ensuite vers le nord-ouest;deux autres bandes de 1200 et 1500 hommes et une autre de 800 firent de méme.Les troupes coloniales, de leur côté,étaient fatiguées par les veilles nocturnes et les combats sous une pluie diluvienne.La situation de la colonne ne manquait pas pourtant d'être préoccupante.Elle avait desserré l'étau mais elle était à la merci d'un regroupement et d'une nouvelle attaque d'adversaires dont la combativité insoupçonnée l'avait forcée à adopter momentanément une posture défensive.Les insurgés avaient rompu mais étaient encore présents, tout invisibles qu'ils fussent;le courrier parti à 9 heures pour Tananarive ne réussit pas à franchir t'encerctement.deux tsimandoa tentèrent alors de passer,un seul y parvint.D'autre part,les vivres commençaient à manquer à la colonne qui comptait vivre sur le pays,ce que Duchesne avait cru possible et facile.Elle n'était plus approvisionnée; CHAPITRE 4

LA COLONNE GANEVAL

Le peu de paddy trouvé avait été décortiqué mais était insuffisant et les soldats n'avaient ramené ni boeufs ni moutons; l'immobilisation de la troupe pouvait aggraver les difficultés.Quant aux munitions,le commandant et les officiers y avaient tenu la main d'une façon particulière;ils avaient fait tirer,de près,et sobremént "des hommes choisis" visant autant que possible sur appui.Après les combats,il ne restait plus que 100 cartouches par homme aux 2* et 3* cies,90 à ceux de la 4-;la moitié des munitions reçues avaient été utilisées.Rien ne vint troubler la nuit.Le 26 novembre,en raison des contraintes qui limitaient sa liberté d'action,le commandant préféra se replier vers Ambohimiadana,un village sur le chemin de la capitale, pour y attendre des vivres,des munitions, des ordres et le renfort d'artillerie à qui la lenteur de sa mobilisation n'avait pas permis de rejoindre la colonne,lors-de son départ.Ganeval estima les pertes des insurgés, les jours précédents, à 80 ou 100 tués, et à un nombre plus grand celui des blessés.La troupe marchant vers l'est n'aperçut aucun rebelle jusqu'à Ambohiborona.Au-delà de l'Andromba,les hauteurs d'Ambohitsaina étaient tenues par 3 ou 400 rebelles qui s'opposèrent faiblement à la colonne qui voulait passer la rivière.La 2*cie enleva la position sous la protection des feux de la 3*.Ces rebelles étaient venus du nord et appartenaient à une bande qui se trouvait, à Soavimbahoca(peut-être );3 ou 4 d'entre eux suivirent la colonne jusqu'à la rizière ouest d'Ambohimiadana.Un seul tirailleur fut légèrement touché par une balle qui traversa sa cartouchière avant de lui faire une contusion aux reins.A 11 h30,la troupe arriva à Ambohimiadana;un peloton s'installa sur les hauteurs pendant que le reste cantonnait.Au moment où le commandant allait envoyer des tsimandoa au général,il fut informé du départ des renforts.lls rejoignirent Ambohimiadana au cours de l'après-midUls étaient constitués par 2 compagnies du bataillon haoussa<250 fusils,Cne Daval) et d'une section de la 9* batterie d'artillerie de la Marine avec 2 pièces alimentées à 42 coups(16 européens et 7 indigènes;lt Borel).Le convoi de 20 mulets portait 10 jours de vivres pour européens et indigènes et une assez forte réserve de cartouches.Le 27 novembre,quand la colonne quitta Ambohimiadana à 5h45, les pluies continuelles des trois jours précédents avaient cessé, les hommes se mirent en marche ;à 9h45,la colonne se trouvait à Vontovorona; depuis ce lieu on pouvait distinguer Tananarive.C'est à Antanetibe ,à l'ouest de Vontovorona,selon les fils de Rainivelonoro que se trouvait, en 1895, le sampy Ravololona."Le mpsikidy,dirent-ils, demeure...dans une maison couverte en tuiles et située au nord du marché.C'est là qu'avant chaque engagement,les révoltés viennent adorer l'idole et recevoir la bénédiction de Mbahiarivo qui les asperge avec de l'eau contenue dans l'écorce d'une citrouille.Pendant le combat,les révoltés doivent observer le silence.Tel est l'ordre du mpsikidy.Antanetibe...est situé dans une plaine assez vaste qu'on aperçoit très bien des hauteurs où se trouve le commandant Ganeval.Les villages habités par les révoltés ne sont plus évacués;femmes, enfants.troupeaux sont encore là;Tout le monde a confiance dans le sampy."Les fils de Rainivelonoro confirmèrent l'appréciation du commandant sur l'armement des rebelles est:"(II)est nul"; les révoltés n'avaient presque tous que des coutelas, des haches et des bâtons. Ils avaient fait preuve d'une témérité incroyable,gravissant sans hésitation les pentes abruptes sous le feu de la troupe abritée derrière les murs d'Antsahavola et ne se retirant que lorsqu'ils eurent laissé un grand nombre des leurs sur le terrain.tts se rendirent alors chez Mbahiarivo.Les informateurs estimaient qu'avec les insurgés il n'y avait,pour le moment,d'autres arguments à employer que les coups de fusil;"Quand ils montreront quelque lassitude de se faire tuer,on pourra essayer de la persuasion.Mais actuellement,ce serait peine perdue."concluaient-ils. Depuis Vontovorona,les officiers de la colonne remarquèrent un grand rassemblement à Ambohibololona;une heure plus tard,la troupe était rendue au col de l'Ambohitramboba;du grand kabary qui avait été observé jt ne restait que des bandes marchant en direction du sud et de l'ouest.Antsahavola fut traversé à 10h45, peu de temps avant la grande halte de 11 h30.Ganeval s'entretint un moment avec le l2°Hr Andrianmanantena et"après entente",il ordonna l'incendie de Maitsoarivo dont les habitants avaient allumé, le 24 novembre, le feu appelant au rassemblement et qui avaient essayé de tromper les officiers hova sur sa signification;d'autre part,c'était de ce village qu'étaient parties toutes les attaques contre Antsahavola.A 1 h30,deux émissaires furent envoyés avec des plis sans importance puis la marche reprit.Le "temple des idoles"d'Antongombato fut brûlé à 2h45 mais les sampy en avaient été enlevés auparavant par leurs fidèles.Les tirailleurs arrivèrent à 3h30 à la maison du chef rebelle Mahasobehanana;elle était vide; "tous les papiers avaient été emportés";elle fut aussitôt livrée aux flammes. L'un des messagers partis le matin revint à 3hlO,nu et roué de coups par les insurgés;l'autre avait été tué.Peu après, l'adjudant du Train Michaud, avec un maréchal des logis sénégalais,chercha à faire un prisonnier en attaquant un groupe de rebelles;aucun d'eux ne voulut se rendre et l'adjudant"fut obligé de casser la tête d'un Zanakantitra".La colonne arriva à Ambohibololona à 4hl5;des reconnaissances furent aussitôt effectuées dans les environs;toute la région avait été abandonnée et avait rallié l'insurrection.Deux hommes, pourtant, vinrent se rendre,affirmant avoir été contraints de marcher avec les rebelles.L'un était très connu d'un des hommes de confiance du Commandant.Ils déclarèrent que le nombre des tués depuis deux jours était d'environ 150;beaucoup plus élevé que celui des premières estimations des militaires.Les 24,25,26,ils n'avaient fait que transporter des cadavres.Par ailleurs, selon leurs propos, toute la famille du Rd Mac Mahon avait été massacrée,le 22. à Isaha.La section d'artillerie qui accompagnait les fantassins,rencontra des difficultés lors du franchissement de nombreuses rivières grossies par les pluies des jours précédents.La nuit fut très calme.Le 28 novembre,la colonne,avant de quitter les lieux mit le feu,à 6h45, au"temple des idoles"mais l'incendie se propagea aux autres maisons du village qui fut détruit.Un rapport précise que Mahasobehanana vivait dans ce village;une confusion est probable entre Antongombato et cette dernière localité.La colonne qui allait de nouveau de l'avant parcourut une contrée vide d'habitants.A ghlo,deux paysans furent pris facilement par une pointe de tirailleurs;Ganeval leur demanda de presser les gens de regagner leurs villages sous peine d'être considérés comme rebelles. Il promit que les propriétaires de 3 boeufs (capturés) seraient indemnisés s'ils se rendaient à Anvonimamo.A I2h50,une grande halte fut ordonnée sur les rives de l'Ombifotsy.5 ou 6 autres boeufs furent pris.Deux habitants vinrent se présenter aux tsimandoa que le commandant leur avait envoyés;ils repartirent comme les précédents avec un exemplaire de la proclamation de la reine et "l'ordre de la communiquer au peuple sur les montagnes".A 1 h20, la troupe vit des gens descendre des hauteurs de tous côtés et rejoindre les villages en arborant des drapeaux blancs.lls envoyèrent des députations à la colonne, déclarant que les boeufs trouvés ne leur appartenaient pas mais avaient été perdus par les insurgés en fuite.Les tirailleurs se remirent en route à 1 h45;à 2h, des émissaires qui avaient été envoyés à Arivonimamo revinrent.poursuivis par 70 Zanakambony qui s'enfuirent au premier coup de fusil.La colonne entra à Arivonimamo à 4h;après le départ des rebelles d'Amboanana,le village avait été pillé par d'autres insurgés.Les deux premiers habitants sur lesquels les tirailleurs purent mettre la main fournirent quelques renselgnements:"20 cadavres ont passé à la fois entre "Ambohidava,cote 1537 et l'Ambohitrakanga .(sur une)route autre que celle d'Ambohibololona à Amboanana;2 blessés sont originaires d'un petit village,Ambatomanga,sur le versant est de la cote 1545".Les rebelles,dirent-ils, étaient partis vers le sud pour Amboanana et Isaha. Arivonimamo semblait avoir été déserté à l'approche de la colonne.ll y eut certainement des exécutions ,les jours qui suivirent l'entrée des troupes dans le village;en effet,le 1.9.1896,le procureur de la République demanda au directeur des Affaires indigènes les noms des individus fusillés par l'autorité militaire en cette circonstance.A 11 h du soir 2 tsimandoa tentèrent de se rendre à Tananarive pour y porter un message ;ils ne purent passer en raison de la présence des rebelles.La nuit fut calme. Une page d'un journal de marche relate l'arrivée de la section d'artillerie. "La colonne Ganeval(parvient)à Arivonimamo le 28 novembre après une marche rendue pénible par le franchissement de nombreuses rivières.Les portes donnant accès à l'intérieur du village sont si étroites qu'il est nécessaire de décharger les mulets à l'extérieur pour y pénétrer.Les pièces sont mises en position,prêtes à tirer ,sur la porte nord et la porte sud du village: Le 29 novembre, un repos fut accordé à la colonne pendant la matinée;tandis que plusieurs reconnaissances battaient la campagne à la recherche des rebelles.L'une partit à 7h30.Le It Fabiani et son peloton de Haoussa se rendirent sur le plateau de Maharemana et sur la haute colline de l'Ambohimahavony,cote 1590,au sud du village.De là,on pouvait distinguer Amboanana,le but de la marche.Un autre détachement fut envoyé à Betafo,à 6 km au nord,localité qui avait été un des foyers de l'insurrection.A 9h30,2 tsimandoa venant de la capitale,rejoignirent la colonne;ils devaient accompagner la reconnaissance se rendant à Amboanana,avant de retourner à Tananarive.Les derniers renseignements disaient que le village avait été évacué et que les rebelles étaient partis vers le sud.Quand les tirailleurs eurent regagné Arivonimamo,à lOh, ils rapportèrent que le sud de l'Ambodirano était désert. A 11 h,une centaine d'Anakambony vinrent piller un ou deux hameaux;l'approche d'un peloton leur fit prendre le large.Une lettre du gouverneur du Mandridrano demandant du secours parvint au Commandant.Aucun courrier des missionnaires anglais de Soavinandriana n'y était joint.Ganeval lui rappela qu'il avait 100 fusils Snider et l'invita à garder ses frontières.La colonne partit à 12h45 pour Amboanana.Un Anakambony qui s'était rendu à Arivonimamo vraisemblablement pour surveiller la troupe fut renvoyé à Betafo avec la proclamation de la reine et l'ordre donné aux habitants de regagner leurs villages. Le 29 novembre,la colonne arriva à Ampanoa à 5h du soir sans avoir vu âme qui vive.Aussitôt que les armes eurent été mises en faisceaux,un"signal de feu" parti d'Amboanana provoqua des rassemblements de tous les côtés.Quelques rebelles