De L'amour Différent
Total Page:16
File Type:pdf, Size:1020Kb
Document generated on 09/30/2021 6:07 p.m. Séquences La revue de cinéma De l’amour différent Maurice Elia Number 191, July–August 1997 URI: https://id.erudit.org/iderudit/49309ac See table of contents Publisher(s) La revue Séquences Inc. ISSN 0037-2412 (print) 1923-5100 (digital) Explore this journal Cite this article Elia, M. (1997). De l’amour différent. Séquences, (191), 13–15. Tous droits réservés © La revue Séquences Inc., 1997 This document is protected by copyright law. Use of the services of Érudit (including reproduction) is subject to its terms and conditions, which can be viewed online. https://apropos.erudit.org/en/users/policy-on-use/ This article is disseminated and preserved by Érudit. Érudit is a non-profit inter-university consortium of the Université de Montréal, Université Laval, and the Université du Québec à Montréal. Its mission is to promote and disseminate research. https://www.erudit.org/en/ big fil M Bin, 6 T Eg Ci E li'AN DE CiMOUR DIFFÉRENT KEVIN SMITH Clerks (1994), Mallrats (1995), Chasing Amy (1997) arry Levinson, au début de sa carrière, avait fait de sa ville natale, ardemment s'en démarquer. En fait, il s'agit de quelques banlieues du centre Baltimore, un lieu fétiche: ce fut le site de quelques-uns de ses du New Jersey où Smith a grandi et où il continue de vivre et de travailler. Bgrands films (Diner, Tin Men, Avalon); en outre, il a créé la Bal Un autre lien entre ses trois films: les trois très-à-1'aise-dans-leur-sexua- timore Productions. Kevin Smith, c'est un peu la même chose. Ses trois lité sœurs Jones (appelons-les ainsi à défaut d'une identification plus offi- premiers longs métrages portent la marque de son État natal — ils font d'ailleurs partie de ce qu'on appelle déjà la New Jersey Trilogy — un État si proche de l'immense métropole qu'il semble vouloir constamment et CHASING AMY Que les homosexuels ne se formalisent pas: Chasing Amy est une comédie romantique qui ose donner des tournures novatrices aux orientations sexuelles de tout un chacun. Mettons de côté l'immatu rité de certaines scènes, le côté faussement drolatique d'une ou deux situations; ce film essaie d'élargir nos horizons, nous demandant de Ben Affleck et Joey Lauren Adams partir à la recherche du bonheur, de l'amour, quels qu'ils soient, où qu'ils soient. chacun des personnages (et de l'hilarité de certains dialogues), un Lorsque Holden se rend compte qu'il est tombé amoureux superbe portrait de jeune femme, de sa liberté, de ses choix et de son dAlyssa (qu'il sait lesbienne), plus rien ne va et rien ne devient plus droit de commettre des erreurs, à condition, bien entendu, que ces essentiel que de le lui faire savoir. Lorsqu'Alyssa réalise qu'elle passe erreurs soient reconnues, avant tout, par elle-même. Alyssa sort enri avec ce jeune homme des après-midi bien trop agréables pour être chie de sa relation avec Holden, bien plus par son audace à mettre sur uniquement classifies sous la bannière de l'extrême amitié, son esprit le tapis tous ses petits défauts que par sa faculté à lui tenir tête. Quant 8 fait des bonds dans toutes les directions. Leur commune valse-hési à lui, créateur de bandes dessinées jusqu'au bout des ongles, roman tation se répercute sur les gens qu'ils connaissent, qu'ils aiment, qui tique à l'excès, il fait passer sa fierté vaguement machiste avant les les aiment ou qui sont censés les aimer plus que nature. Et dans cet sentiments qu'il éprouve pour cette fille gouailleuse et piquante qui lui imbroglio, Kevin Smith, qui sait parfaitement comment les jeunes s'ex aura cependant apporté, pendant la longue année où ils ne se verront priment et pensent, semble les laisser s'en sortir avec les seuls pas, l'inspiration, le renouveau et une façon inédite d'envisager ses moyens du bord qu'ils possèdent encore: leur complète innocence et futures relations amoureuses. la totale honnêteté devant les surprises que réserve l'amour. Plus qu'une vision nouvelle (et ultra-sincère) sur les amours gaies, CHASING AMY (A la conquête d'Amy) Chasing Amy se permet de dresser, au milieu des ambivalences de Etats-Unis 1997, 111 minutes. Réal.: Kevin Smith — Scén.: Kevin Smith — Photo: David Klein — Mont.: Kevin Smith, Scott Mosier — Mus.: David Pirner — Int.: Ben Affleck (Holden). Joey Lauren Adams (Alyssa), Jason Lee (Banky), Dwight Ewell (Hooper). Jason Mewes (jay). Kevin Smith (Silent Bob) — Prod.: Scott Mosier — Dist.: Alliance. | . No 191 • Juillet/Août 1997 13 L E-S- I N E A S T E S D E L' A N 2 O O O cielle). Dans Clerks, Heather Jones est la moucharde qui révèle à l'un des héros qu'il a été trompé par sa petite amie (en fait, qu'elle a déjà fait l'amour LYNNE STOPKEWICH «avec 37 gars»). Dans Mallrats, Patricia («Trish the Dish») Jones a quinze ans mais cela ne l'empêche pas d'écrire un livre sur les mœurs sexuelles de Kissed (1996) son entourage (avec chapitres de travaux pratiques à l'appui). Dans Chasing Amy, Alyssa Jones, auteur de bandes dessinées, est une pseudo-lesbienne à la vie sexuelle (passée et présente) assez mouvementée. lle a 33 ans (elle est née le 18 octobre 1963) et n'a peur de per Les analogies sont nombreuses dans les trois films, ce qui est assez sonne. Pas peur d'avoir mendié pour arrondir le budget nécessaire fréquent pour un jeune cinéaste qui autorise carrément son imagination à E à la production de son premier long métrage. Pas peur d'avoir adapté prendre le chemin qui lui convient le mieux. Les sujets de ces histoires? Des à sa manière une nouvelle savamment dénichée dans une anthologie d'écrits aventures sentimentales et semi-professionnelles dans le cadre des années erotiques féminins. Pas peur de raconter sa drôle d'histoire (qu'elle aime, clés situées entre la fin des études secondaires et l'entrée dans l'âge adulte. c'est le cas de le dire, à mort). Pas peur d'utiliser l'interurbain pour finale Il s'en dégage une atmosphère d'air libre et pur, nullement pollué par les ment raconter à ses parents ce qu'elle avait toujours remis à plus tard: ce affres de la responsabilité et de l'engagement qui pourraient surgir à tout dont parle son film... et le fait qu'il ne s'agit pas d'un film d'horreur. instant. Pour illustrer son propos, Smith se base sur les différentes étapes En fait, Kissed parle de quoi au juste? d'un questionnement post-adolescent pouvant mener à l'obsession la plus débridée. Les personnages, jusqu'au moindre figurant, se lancent à corps perdu dans des expériences de vie qui sont autant de tentatives (fructueuses ou pas) de se trouver et de se comprendre. mZ&F* Le succès de Clerks (à Cannes et à Sundance, puis un peu partout en salles) fut gigantesque. Tourné en noir et blanc avec un budget dérisoire (27 000 dollars), Clerks osait faire le portrait de jeunes gens des années 90 KISSED qui n'appartenaient pas nécessairement à la génération X et qui ne s'empê Pour son premier film, Lynne Stopkewich a décidé de frapper fort et de chaient pas de jeter vaillamment au panier tout ce qui pouvait être qualifié susciter la controverse. En adaptant une nouvelle de l'auteure canadienne- de politiquement correct. C'est là que naquirent Jay et Silent Bob, les anglaise Barbara Gowdy, la jeune cinéaste de Vancouver aborde avec personnages sympathiques (parce que si véridiques) qu'on retrouvera dans aplomb le thème de la nécrophilie, sujet encore tabou dans notre société, les deux films subséquents. Jay est un parleur (et amateur de pot) invétéré comme en fait foi le classement de la régie du cinéma (18 ans+, alors que et son comparse est une sorte de philosophe dont les propos brefs et directs The English Patient, malgré une scène de torture et des passages se démarquent de ceux de Jay par leur véracité et une sorte de bonhomie erotiques, obtenait un visa général). qui encourage l'écoute. C'est Kevin Smith lui-même qui interprète le rôle Par ailleurs. Kissed dépeint la nécrophilie telle que vécue par une de Silent Bob, le livreur de message, le cinéaste avouant par ailleurs avoir femme, ce qui va tout à fait à l'encontre des statistiques à l'effet que ce donné sa chance à l'écran à Jason Mewes (Jay) lorsque celui-ci lui a un jour sont essentiellement des hommes qui s'adonnent à ces activités morbides. raconté quelque chose de franchement comique. Avec de telles prémisses, on pouvait s'attendre à une oeuvre dérangeante Avec Chasing Amy, Kevin Smith redéfinit à sa façon la fameuse formule et insolite, mais on se doit de constater que l'exécution n'est pas vraiment du boy-meets-girl l'adaptant à une culture où tout, du moins sur le plan des à la hauteur du projet. sentiments, est possible. Grâce à des dialogues qui n'ont pas peur d'être En premier lieu, il faut souligner la minceur cadavérique de l'intrigue. provocants et un humour décapant à force d'être juste, le film efface l'in Tout le film porte exclusivement sur la fascination de Sandra pour les succès de Mallrats, comédie pour jeunes adultes dont les petites vignettes morts et les agissements de celle-ci destinés à satisfaire cette obsession ressemblaient à s'y méprendre au Empire Records d'Allan Moyle (1995).