Rapport de mission – République centrafricaine Evaluation des besoins humanitaires et assistance d’urgence 14 au 15 septembre 2020, , Mboki et Djemah, Haut-

Participation • EDEN, VCW, Invisible Children, UNHCR, UNFPA et OCHA

Objectifs • Obtenir une vue d’ensemble des besoins humanitaires ainsi que de l’accès aux services de base • Fournir une première assistance d’urgence • Analyser l’accès humanitaire et la sécurité • Collecter les informations sur la situation des réfugiés, personnes déplacées à l’interne (PDI) et retournés par zone de regroupement et dans les familles et villages d’accueil • Faire la mise à jour de la base des données des déplacés à Bambouti, Mboki et Djemah • Formuler des recommandations pour une réponse aux besoins identifiés ainsi que la protection de la population civile dans les trois localités

Méthodologie • Rencontre avec les informateurs clés • Visite de terrain et organisation des focus groups • Rencontre avec des personnes affectées / bénéficiaires • Observation directe • Rencontre avec les partenaires humanitaires

Faits saillants • Absence d’acteurs opérationnels de protection dans les trois localités et augmentation des cas de violences basées sur le genre. • Difficulté d’accès à l’eau potable des populations des localités visitées. Pas de forages à Bambouti et Djemah et nombre de puits aménagés insignifiant. • Absence totale de structure de prise en charge des cas de malnutrition et des mesures de prévention à Bambouti et Djemah. • Difficulté d’accès dans les trois localités à cause de la dégradation des ouvrages de franchissement.

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Rapport de mission – République centrafricaine Evaluation des besoins humanitaires et assistance d’urgence 14 au 15 septembre 2020, Bambouti, Mboki et Djemah, Haut-Mbomou

Contexte Les villes de Djemah, Mboki et Bambouti situées respectivement à 1 007, 1 187 et 1 830 km de accueillent depuis 2018 et 2020 des ménages déplacés fuyant des conflits armés, des attaques et des exactions des éléments armés. Plus de 19 000 personnes déplacées en provenance des axes Djemah- Zémio et Djemah-Dembia ont été enregistrées à Djemah en novembre 2018. Les ménages déplacés à Bambouti se sont installés en fin d’année 2019 fuyant des exactions des éléments armés. Les déplacés de Mboki sont arrivés en 2018 puis 2020 fuyant des affrontements armés et leurs conséquences. Depuis la fin 2019, des mouvements de retour spontanés de plus de 5 000 personnes déplacées de Djemah vers leurs zones d’origine notamment, Kamanda, Banangui et Ngouyo situés respectivement à 50, 55 et 85 km sur l’axe Zémio-Djema ont été enregistrés. La situation humanitaire dans ces trois localités est préoccupante. La difficulté d’accès physique à cause de la dégradation des routes et des infrastructures routières, la quasi- absence des acteurs humanitaires et la faiblesse de l’autorité de l’état sont autant des facteurs qui justifient la détérioration de la situation humanitaire. Les rapports des dernières missions interagences effectuées à Bambouti et Djemah (janvier 2020) ainsi qu’à Mboki (juin 2020) sous l’égide de OCHA ont recommandé des actions urgentes dans les secteurs NFI/Abri, Protection, Santé, Sécurité alimentaire et Eau-hygiène et assainissement pour répondre aux besoins criants des déplacés de ces localités.

Observations générales

Accessibilité et sécurité Bambouti et Mboki sont sous contrôle total des éléments d’un groupe armé qui ont érigé des barrières à l’entrée et à la sortie des villes. L’unique autorité de l’état présente dans ces villes se limite au maire. Il n’y a pas de présence visible d’hommes en arme à Djemah-Centre et l’autorité de l’état est représentée par le sous-préfet, la maire. La présence des éléments armés sont signalés sur tous les axes des localités précités. A Bambouti et Mboki, les populations ont peur d’aller au-delà de 3 km pour vaquer à leurs occupations (champ, pêche, chasse, etc.) à cause des activités des éléments armés dans ces zones. Selon les personnes interviewées, plusieurs incidents de protection attribués aux éléments armés de Bambouti et Mboki ont été enregistrés depuis le mois de mai 2020. Le grand défi dans les trois localités visitées demeure le mauvais état des ouvrages de franchissement (routes, ponts et bac) qui ne favorisent pas l’accès aux bénéficiaires et la fourniture de l’assistance humanitaire adéquate. A cela s’ajoute l’absence des forces de sécurité intérieure, la quasi-absence des autorités de l’état, les activités des éléments armés et l’absence des structures de protection.

Mouvements de population Bambouti accueille depuis fin 2019 des déplacés de Gbazibiri situé à 45 km sur l’axe à la suite des multiples incursions d’un groupe armé dans ledit village. Tandis que les PDI de Boyo sont arrivées à Bambouti depuis 2019 fuyant les affrontements entre les Forces Armées Centrafricaine (FACA), la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation en République centrafricaine (MINUSCA) et les groupes armés à . On y trouve également 69 réfugiés sud-soudanais. En dehors du maire, la ville est sous contrôle total des éléments armés depuis septembre 2019. Les affrontements armés en juin 2017 entre les groupes armés à Zémio suivis des attaques et incendies des villages situés sur les différents axes périphériques ont obligé les habitants desdits villages à trouver refuge sur six sites à Djemah. Depuis la fin d’année 2019, des mouvements de retour spontanés des déplacés de Banangui, Ngouyo et Gbazibiri situés sur l’axe Djemah-Zémio ont été enregistrés. Selon les personnes interviewées, l’absence d’appui à la reconstruction des abris et des services sociaux de base demeure un obstacle au processus de retour des déplacés de Djemah dans leurs zones d’origine. A Mboki, en plus des anciens déplacés estimés à 302 ménages, 268 ménages en provenance d’Obo ont été enregistrés en mai 2020 à la suite d’une série d’affrontements armés entre un groupe armé et les FACA appuyées par la MINUSCA. Depuis août 2020, une partie de ces déplacés a décidé de regagner les familles d’accueil, à cause de l’absence d’appui à la construction d’abris d’urgence et d’accès à la nourriture. Selon les personnes interviewées, plus de 100 ménages auraient regagner les villes de Zémio et Rafaï à la recherche d’assistance humanitaire et d’une vie meilleure. Environ 170 ménages déplacés vivent encore dans les familles d’accueil à Mboki.

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Redevabilité envers les personnes affectées / communication Aucun réseau téléphonique est fonctionnel dans les trois localités visitées. Seule la ville de Mboki dispose d’un réseau téléphonique (Telecel) non fonctionnel depuis mai 2020. Chaque ville dispose d’une radiophonie installée par l’ONG Invisible Children pour renforcer les mécanismes d’alertes communautaires. A Mboki, les communications via la radiophonie sont sous surveillance des éléments armés. Lors des groupes de discussions, des plaidoyers ont été faits par la communauté pour la réparation du réseau téléphonique de Mboki et l’installation d’un réseau téléphonique à Djemah afin d’améliorer les moyens de communication. Groupes de discussions avec des PDI à Bambouti.

Besoins humanitaires Protection La situation de protection à Bambouti, Mboki et Djemah demeure très préoccupante. Les populations civiles de ces localités précitées sont souvent victimes d’incidents de protection. Dans les trois localités visitées, il n’y a aucun acteur opérationnel de protection, malgré les cas criants d’incidents de protection. En août 2020, 36 cas de violences basées sur le genre (VBG) ont été enregistrés dont 14 viols, six cas de mariage précoce/forcés et 16 cas d’agression physique; par ailleurs, des cas de violations des droits humains (arrestation et détention illégales, entrave à la libre circulation, traitements inhumains, enrôlement des enfants, extorsion de fonds/biens) ont été décriés par les personnes interviewées dans les trois localités. En plus de l’absence notoire de documentation civile, aucun mécanisme de protection de l’enfance n’existe dans ces trois localités. Les cas de VBG demeurent sans suivi dans un centre approprié. Les femmes et les filles manquent de kits d’hygiène et de dignité.

Abris / Articles non alimentaires (NFI) / CCCM A Bambouti, Mboki et Djemah les besoins en abris et NFI ont été mentionnés par les bénéficiaires. A Bambouti et Djemah, les abris de fortune construits par les bénéficiaires sont en très mauvais état et nécessitent des travaux de réhabilitation. Le manque d’assistance en abris aux déplacés de Mboki a poussé les ménages à regagner les familles d’accueil. Même si des kits NFI incomplets (manque de moustiquaires et de bâches) ont été acheminés dans ces trois localités, il y’a encore besoin de plus de 1 000 kits complets pour couvrir l’ensemble des ménages. Distribution des kits NFI à Bambouti

Eau, hygiène et assainissement (EHA) La ville de Bambouti compte quatre puits, dont trois sont en cours d’aménagement. L’eau de ces puits n’est pas traitée. 15 latrines semi- durables et 10 douches ont été construites par l’ONG EDEN. La construction de 25 latrines familiales et de 15 douches semi-durables est en cours. Malgré les actions en cours, la mission a constaté une insuffisance de douches et de latrines dans les sites et un manque notoire d’accès à l’eau potable.

La ville de Mboki compte 13 forages dont huit non fonctionnels. Malgré la réparation de cinq forages tombés en panne par l’ONG Acheminement kits EHA pour Bambouti EDEN en mars et juin 2020, l’accès à l’eau de la population est alarmant. On dénombre une dizaine de puits fonctionnels sur les 40 existants. Une bonne partie de la population manque des latrines et des douches. La pratique de la défécation à l’air libre est très courante. De même, le taux de maladies liées à l’eau a considérablement augmenté.

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L’accès à l’eau de la population de Djemah nécessite une attention particulière car il n’existe aucun forage. Neuf puits ont été construits dans cette localité dont trois puits aménagés. La durée par moyenne pour puiser de l’eau pour un ménage est de 40 minutes. La distance moyenne pour s’approvisionner en eau est de 2 km. De juin en août 2020, une épidémie de diarrhée a touché 700 personnes dans la localité. Au cours de la même période, le centre de santé de Djemah a enregistré 250 cas de parasitose, 42 cas d’infection respiratoire aigüe et 5 cas de typhoïdes.

Education L’accès à l’éducation des enfants de Bambouti est préoccupant. Un hangar de deux salles de classe construits par l’ONG Service sans frontière avec l’appui du HCR en février 2020 a permis aux enfants de cette localité de reprendre le chemin de l’école après plus de quatre ans d’interruption. Selon les leaders communautaires, il n’y a qu’un seul volontaire qui encadre environ 70 enfants. L’absence d’un bâtiment scolaire adéquat, des kits scolaires, de matériels didactiques et des enseignants sont autant de défi à relever dans la zone.

En plus du bureau de l’Association des parents d’élèves Hangar scolaire de Bambouti. composé de six membres, il existe trois bâtiments de neuf salles de classe et huit personnels enseignants dont sept maitre-parent et un enseignant qualifié. Il a été constaté la quasi-absence des matériels didactiques et des kits scolaires. Il n’existe pas d’Ecole temporaire d’apprentissage et de la protection de l’enfance (ETAPE). Les cours ont été suspendus de mai en août 2020 à cause de la pandémie du COVID-19. Seuls les élèves en salle d’examen ont repris les cours depuis le début du mois de septembre 2020.

La ville de Djemah compte deux bâtiments scolaires de cinq salles de classe et 26 tables bancs. Cette école compte 902 élèves dont 252 PDI. Six maîtres-parents et un enseignant titulaire encadrent ces enfants. On note une absence des latrines et l’insuffisance des matériels didactiques.

Santé La ville de Bambouti dispose d’un centre de santé très étroit appuyé par l’ONG EDEN et compte six personnels de santé dont un infirmier de l’organisation. L’ancien centre de santé construit en dur nécessite des travaux de réhabilitation. La prise en charge est globale avec la gratuité de soins. La mission a relevé l’insuffisance des personnels soignants, l’absence de plateau technique pour les accouchements et les consultations.

Le poste de santé de Mboki est appuyé par ALIMA depuis août 2020. CSSI intervient dans la prise en charge nutritionnelle des enfants de 6 à 59 mois. Il existe à Mboki une structure sanitaire accessible à la population qui nécessite une légère réhabilitation. Certains services sont fonctionnels, notamment les consultations curatives et préventives, le laboratoire, la pharmacie et le programme élargi de vaccination. Le centre de santé compte 26 personnels non qualifiés. Selon les personnels soignants, la difficulté d’accès impacte sur le respect du calendrier d’approvisionnement en médicament.

La ville de Djemah compte un centre de santé et 23 personnels soignants non qualifiés. Il compte un lit d’hospitalisation, 10 lits de maternités dont la plupart construits avec des matériaux locaux.

Les principales pathologies dans les trois localités visitées sont le paludisme, les parasitoses, les infections respiratoires, les diarrhées, la malnutrition, la dermatose, les infections sexuellement transmissibles et la carie dentaire. Des suspicions des maladies d’ulcère de Buruli ont été mentionnés à Mboki et Djemah.

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Nutrition L’ONG EDEN qui appuie le poste de santé de Bambouti a enregistré 67 cas de malnutrition dont 40 chez les filles et 27 chez les garçons de moins de 5 ans durant les deux derniers mois; trois cas de malnutrition aigüe sévère (MAS) et 64 cas de malnutritions aigues modérées (MAM). A Djemah, 14 cas de MAM et trois cas de MAS ont été enregistrés au courant de la première moitié de septembre 2020 par l’ONG VCW. Le Centre de santé de Mboki est appuyé par Centre de Support en Santé Internationale (CSSI) dans la prévention et la prise en charge des cas de malnutrition. La mission a noté une absence totale de structure de prise en charge des cas de malnutrition et des mesures de prévention à Bambouti et Djemah.

Sécurité alimentaire Les personnes déplacées de Bambouti, Mboki et Djemah vivent dans un état d’insécurité alimentaire inquiétant. La pénurie de denrées alimentaires, avec pour conséquence la flambée des prix des produits, est visible sur les marchés. A Bambouti et Mboki, la farine de manioc la plus consommée est rare et le résultat de la production vivrière est faible à cause de l’insécurité et de l’absence des intrants agricoles. La présence des éléments armés dans les périphéries de Bambouti et Mboki ne permet plus à la population de ces localités qui vivent sous la menace constante de cultiver au-delà de 3 km. Les déplacés de ces trois localités n’ont reçu aucune assistance en vivre PAM durant cette année 2020.

Logistique Le défi d’accès dans la zone, notamment à Bambouti, Mboki et Djemah demeure un obstacle à la fourniture de l’assistance humanitaire aux personnes dans le besoin. Il y a un besoin urgent de réhabilitation des axes Bambouti-Obo-Mboki-Djemah pour faciliter l’accès humanitaire. Un plaidoyer pour l’organisation de mission héliportée chaque deux mois à Bambouti, Mboki et Djemah s’avère nécessaire pour le suivi des réponses et besoins humanitaires.

Assistance humanitaire Plusieurs réponses ont été fournies lors de la mission du 14 au 15 septembre 2020 à Bambouti, Mboki et Djemah: Bambouti: • 200 kits NFI (jerrycans, couvertures, nattes et savon) et six cartons de médicaments essentiels ont été acheminés par le HCR. • 150 kits d’hygiène, 200 kits de dispositif de boisson, 2 kits pour la construction de puits améliorés, 15 kits de dispositif de lavage des mains et des matériels de formations sanitaires (4 lits et matelas, registre de santé et thermomètre) ont été remis par l’ONG EDEN. Mboki: • 120 kits NFI (jerrycans, couvertures, nattes et savon) ont été acheminés par le HCR. • 20 kits de dispositif de lavage des mains ont été remis par l’ONG EDEN au centre de santé. Djemah: • 120 kits NFI (jerrycans, couvertures, nattes et savon) et cinq cartons de médicaments essentiels ont été acheminés par le HCR.

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Recommandations

Cluster Action Responsable Délai Protection Mobilisation et déploiement d’un acteur protection à HCR, OCHA Continue Bambouti, Mboki et Djemah Abris / NFI / Plaidoyer pour la fourniture de bâches aux PDI de Cluster Abris / Octobre CCCM Bambouti, Djemah et Mboki NFI, HCR 2020 EHA Plaidoyer pour la réhabilitation des forages de Mboki et la EDEN et VCW Continue construction des puits aménagés à Bambouti et Djemah Education Plaidoyer pour l’appui à la construction d’un hangar EDEN Octobre scolaire ou ETAPE à Bambouti. Plaidoyer pour la formation 2020 des maitre-parents et la distribution des kits scolaires et didactiques à Bambouti, Mboki et Djemah Santé Plaidoyer pour la réhabilitation de l’ancien bâtiment du UNFPA, Continue centre de santé de Bambouti et le renforcement du EDEN personnel soignant Nutrition Plaidoyer pour la dotation des centres de santé de UNFPA, Urgent Bambouti et Djemah en intrant nutritionnel EDEN, VCW Sécurité Plaidoyer pour la prise en compte des déplacés de PAM, OCHA Urgent alimentaire Bambouti, Mboki et Djemah dans la distribution des vivres PAM. Appui aux déplacés et population hôtes de Bambouti, Mboki et Djemah en kits maraichers Logistique Besoin de réhabilitation des axes Bambouti-Obo-Mboki- OCHA Continue Djemah pour faciliter l’accès humanitaire. Plaidoyer pour l’organisation de mission héliportée chaque deux mois à Bambouti, Mboki et Djemah

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