du patrimoine numéro NATUREL de la région guide Rhône-Alpes 31 Le Haut-Rhône © Gilbert Cochet Le Haut-Rhône Le Haut-Rhône français, au sens large, correspond à la partie du fleuve comprise n v o y a g e d a n s l e t e m p s entre le lac Léman à la

© Henri Dziurla U frontière suisse et la confluence avec la Saône Parcourir le fleuve, c’est à Lyon. dérouler le fil du temps. Le Ce guide concerne plus Haut-Rhône n’a pas effacé particulièrement le ses racines montagnardes tronçon de 60 kilomètres ni son origine glaciaire. situé entre la confluence Depuis le sommet du du Fier et le pont de LYON (1 531 Groslée, bordant trois mètres), on aperçoit à départements (Ain, l’horizon le lac du Bourget, Isère et ). Soit 28 témoin de l’activité des communes regroupées au glaciers. À nos pieds, sein du Syndicat du Haut- s’étendent les plaines de Rhône (28 847 habitants • Le Rhône dans ses habits d’hiver à Lucey. Lavours et de Chautagne, au total). où les inondations ont © Terracarta rythmé la vie pendant des siècles. Aujourd’hui, ce sont autant de sites naturels préservés et sauvages où © Emmanuelle Saunier les forêts denses prennent des allures d’Amazonie. De nombreux villages bordent également le fleuve qui a été de tout temps un formidable axe d’échanges entre le bassin méditerranéen et les contrées septentrionales. Apprivoisé par les hommes, le Rhône est • Vue sur le lac du Bourget depuis la plaine de Chautagne. aujourd’hui le support d’activités économiques, la plus marquante étant la production d’énergie hydroélectrique. L’avenir s’annonce comme le temps

© Gilbert Cochet des retrouvailles…

• Le Rhône canalisé.

2 3 Le Haut-Rhône © Gilbert Cochet So u v e n i r s d e s t r o p i q u e s

RETOUR VERS LE PASSé

Les récentes découvertes de sites à empreintes © Virginie Birolleau de dinosaures dans les formations du sud de la chaîne jurassienne datant de 150 millions d’années démontrent l’existence de vastes terres émergées à cette époque. Le site paléontologique de Cerin, à Marchamp, retrace cette occupation par une lagune tropicale. L’exploitation de la carrière pour la qualité de son calcaire, à partir de 1835, a permis de découvrir bon nombre de fossiles de reptiles, de poissons, de crustacés ainsi que des traces de nages de tortues.

• Une reconstitution de la lagune tropicale il y a 150 millions d’années.

Cela remonte à la nuit des temps. Il y a 200 millions d’années, un océan, d’une largeur de plusieurs centaines de kilomètres, sépare le continent européen au nord du continent africain au sud. Le futur bassin du Haut-Rhône se situe sur la bordure méridionale du continent européen sur laquelle déborde cet océan. Les millions d’années passant, le décor change progressivement :

e Rhône, architecte du paysage l’océan est remplacé par une mer chaude et peu profonde associée à un © Musée des confluences climat tropical semblable à celui des Bahamas aujourd’hui. Dans l’eau, une intense activité biologique se développe. Coraux et autres inverté- L brés pullulent. Des dinosaures, des crocodi- les et des tortues arpentent les longues pla- ges de vase calcaire, à l’ombre de fougères arborescentes. Certains sont observables aujourd’hui à l’état de fossile. © Musée des confluences

• Fossiles de tortue et de crocodile retrouvés sur le site de Cerin.

• ?????????? 4 5 Un h é r i t a g e d e s g l a c i e r s

LA MOLASSE, Pendant la période tertiaire, il y a environ 30 millions d’années, le UNE ROCHE VENUE soulèvement des Alpes entraîne le plissement et la formation des massifs DES ALPES calcaires du Jura, des , de la Chartreuse et du Vercors. Une très forte La molasse est une roche érosion s’exerce sur les reliefs montagneux qui émergent. L’ensemble constituée de matériaux conduit à des apports très importants par les torrents et les rivières de provenant de l’érosion du débris de tailles diverses (galets, graviers, sables) qui forment la molasse. massif alpin en cours de Le Quaternaire commence il y a 1,6 million d’années avec une intense formation. Elle occupe activité glaciaire. Quatre âges glaciaires se succèdent, entrecoupés de une immense et épaisse périodes plus ou moins longues de réchauffement. Les glaciers avan- cuvette encadrée par le Jura, les Préalpes et le cent lors de périodes de froid intense, reculent quand la température Massif central. augmente, puis reprennent leur avancée. Ils donnent naissance au L’emploi de la molasse paysage actuel en creusant de leur poids considérable des dépressions apparaît donc naturel dans (vallées et lacs) ou en abandonnant sur place des moraines et des gra- tout le sillon périalpin. viers au moment de leur fonte. Se taillant facilement et durcissant à l’air libre, elle est particulièrement utilisée dans la © Manuel Bouron construction des baies, des arcs, des piliers et des © Virginie Birolleau sculptures. La molasse craint les intempéries qui la rendent très friable. De Petite histoire d’un grand lac couleur gris vert, elle est • Période froide. Le Rhône creuse son lit • Période tempérée. Le fleuve transporte dans une couche de cailloutis en divaguant. Il moins de sédiments et creuse un sillon dans Plus grand lac naturel d’origine glaciaire de (à l’exception bien visible sur les façades dépose des sédiments sur une grande largeur. la couche existante. Des terrasses se forment du Léman, situé en partie en Suisse), le lac du Bourget s’est formé des monuments et des sur les rives. en plusieurs temps. Il y a environ 120 000 ans, un premier grand lac bâtiments anciens. s’étend sur 1 000 km2 de Seyssel au nord à Saint-Marcellin au sud-ouest et d’Albertville à l’est jusqu’à Yenne à l’ouest. Puis, il se réduit pour atteindre une superficie proche de sa dimension actuelle (44,5 km2) il y a 70 000 ans. LA SOURCE DU RHôNE Ensuite, l’affrontement des glaciers du Rhône et de l’Isère va creuser la Le Rhône prend sa source dépression du val du Bourget, sur 50 en Suisse, à 1 753 mètres • Période froide. Les glaciers arrachent des •Réchauffement. Le fleuve creuse alors la d’altitude, au glacier de cailloux aux pentes et les font dévaler vers dernière couche déposée. kilomètres entre Seyssel, Yenne et le fleuve qui dépose une nouvelle couche au Challes-les-Eaux. C’est cette dépres- la Furka, dans le massif fond du lit. sion que le lac du Bourget occupe alpin du Saint-Gothard. Ce glacier valaisan, qui depuis la fonte des glaciers. © Mus e Escale Haut-Rhône culmine à plus de 3 600 Feu, le glacier du Rhône La légende, moins férue de géomor- mètres d’altitude, s’étend phologie, rapporte que ce lac serait aujourd’hui sur près de Au plus fort de la dernière glaciation, il y a 20 000 ans, le glacier du né, comme ceux du Léman et d’An- neuf kilomètres de long. Rhône est formé d’une langue de glace d’un seul tenant, s’étendant necy, des pleurs d’un ange à qui Dieu Comme la plupart de alors du Saint-Gothard actuel jusqu’à Lagnieu (Ain) et Grenay (Isère). aurait demandé de quitter les Alpes ses congénères alpins, Il constitue le plus grand glacier des Alpes, dont l’épaisseur a parfois du Nord… le glacier de la Furka a dépassé 1 000 mètres. Seuls les sommets de plus de 1 100 mètres émer- fortement régressé depuis gent de la glace tels que le Grand Colombier dans le Bugey ou la Dent 150 ans, essentiellement du Chat dans l’Avant pays savoyard. en raison de la fonte • Le glacier de la Furka. estivale.

6 7 Le r h ô n e , t a i l l e u r d e p i e r r e s Des hauteurs… Les faces escarpées des falaises des défilés, avec leurs flancs abrupts de roc, leurs tours, leurs fissures et leurs gorges sont le

À PLEIN RéGIME domaine par excellence des oiseaux et de certains insectes qui - Fotolia.com © camophotographie sont les seuls à pouvoir s’y déplacer avec aisance. Pas de régime sec pour le Rhône ! Le plus puissant des fleuves

français affiche un débit © Christophe Maurel ... aux profondeurs 3 moyen de 1 700 m /s à Le Rhône, dans sa puissante course à la mer, a également son embouchure et de 400 m3/s sur le secteur du façonné de nombreuses grottes. Certaines d’entre elles ont Haut-Rhône. Il possède été jadis occupées par les hommes. Aujourd’hui, elles sont le également une autre domaine de curieux mammifères, les seuls capables de voler : les qualité : la régularité. chauves-souris. • Le grand-duc d’Europe. Son secret ? La diversité de ses affluents et son origine Gîte hivernal ou nurserie, ces cavités naturelles constituent un alpine. abri à température constante. A la belle saison, on retrouve plus Sur le territoire, ce sont en fréquemment les chauves-souris près des habitations ou dans effet les affluents alpins les arbres creux. tels que l’Arve et le Fier alimentés par la fonte des neiges qui soutiennent le débit. Ici, le fleuve possède • Le défilé de Pierre-Châtel. un régime glacio-nival, avec les basses eaux en Tel un artiste fougueux et passionné, le Rhône a créé de vérita- © Julien Heuret

hiver et les hautes eaux bles chefs d’œuvre dans la roche. Sur son passage, le fleuve a Garnier © Géraldine pendant l’été. tantôt entaillé les falaises créant des défilés inattendus comme le défilé de Pierre-Châtel entre Yenne et La Balme, tantôt creusé dans la roche pour que son eau jaillisse et puisse s’écouler vers la mer comme le fameux escalier de Sault-Brénaz. Il a même réalisé un tour de passe-passe du côté de Bellegarde-sur-Valserine : à la faveur d’un parcours dans une fissure étroite, en période d’étiage, entre février et juin, le fleuve dispa- raissait littéralement donnant à ce lieu réputé • Le tichodrome le nom des “pertes du Rhône”. Toutes ces parti- échelette. cularités ont contribué et contribuent encore aujourd’hui à classer le secteur du Haut-Rhône comme le plus vif et le plus sauvage avec un paysage remarquable et diversifié. • À Brégnier-Cordon, • Le faucon la grotte de la cascade pèlerin. de Glandieu abrite des concrétions particulièrement

© Collection Dürrenmatt – Maison du fleuve Rhône Rhône fleuve du Maison – Dürrenmatt Collection © • Il ne reste plus que des souvenirs remarquables. Elle constitue du site pittoresque des pertes du Rhône, un gîte pour plusieurs espèces dorénavant noyées dans la retenue © Cyril Schönblächer de chauves-souris menacées, du barrage de Génissiat. comme le grand rhinolophe et

le petit rhinolophe (photo). © mdalla - Fotolia.com Fotolia.com - mdalla ©

8 9 Le Haut-Rhône De l a d y n a m i q u e L’esprit pionnier C’est sur ces milieux pionniers comme les bancs PIONNIER

© Jean Grosson de galets nus ou les petits dépôts sableux que s u r l e s b e r g e s l’on trouve des espèces dépendantes de la Se dit d’une espèce ou d’une végétation capable de coloniser des terrains dépourvus d’humus et participant dynamique du fleuve. donc aux stades initiaux de la formation d’un écosystème. 5 Courant fort

Érosion des berges © Yves Fol © Yves Dépôt de sédiments © Philippe Janssen

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3 • Le gomphe vulgaire est une libellule relativement rare au 2 niveau régional. Les larves se développent dans les eaux cou- rantes au substrat composé de limons sableux.

• Le martin-pêcheur. © gabylegeai - Fotolia.com

Plus tard, viennent les saules (drapé et Une végétation bien 3. © Alain Gevaudan des vanniers) accompagnés de jeunes pous- ordonnée ses de peupliers noirs et de saules pourpres. Sur les berges naturelles du fleuve, les végé- Bas et souples, se couchant sous les crues, ils taux ne sont pas répartis par hasard, mais peuvent retenir les sédiments fins transpor- selon un étagement bien précis, régi notam- tés par les eaux. ment par les exigences des espèces en matière 4. Sur ce sol un peu plus riche, les grands • Le petit gravelot vit sur les berges sablonneuses et caillou- d’humidité et de granulométrie du sol, leur saules blancs aux feuilles d’argent font leur teuses des rivières. Il se nourrit d’insectes, de petits crustacés tolérance aux submersions et leur résistance apparition en compagnie du peuplier noir. et de vers. Il chasse parfois en tapant des pattes sur le sable aux forces d’arrachement. Ces arbres constituent le garde-manger d’un pour déranger les proies qui y vivent. 1. Du bord du Rhône jusqu’aux sommets des fameux rongeur : le castor. berges, on trouve d’abord les galets déposés 5. À la suite de ces essences de bois dit “ten- • Découverte à Lyon en 1994, l’épipactis du Rhône a été long- par le fleuve. dre”, une forêt plus diversifiée et moins sou- temps considérée comme endémique du fleuve et de ses ber- mise à la force des crues (car plus en hauteur) ges. Aujourd’hui, on sait qu’elle est présente également sur le 2. Les plantes herbacées se développent Rhin, la Loire et le Danube. Elle se développe à mi-ombre dans petit à petit (saponaire, baldingère). Ainsi, le prend le relais. Des perchoirs de choix pour le les lisières des ripisylves (les forêts situées sur les berges) et banc verdit. milan noir ! apprécie les milieux remaniés comme les digues.

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