Le Lac Du Bourget, Un Lac Relique
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Le lac du Bourget, un lac relique Le lac du Bourget, avec ses 18 km de longueur, ses 2,8 km de largeur maxi- male, ses 146 m d’eau dans sa plus grande profondeur et sa cote réglée à 231,5 m, n’est que le reliquat d’un vaste lac primitif, consécutif à la dernière gla- ciation. En effet, le plan d’eau du Bourget doit son existence au passage des glaciers alpins, à leur énorme pouvoir d’érosion capable de creuser un bassin (ombilic) bien au-dessous du verrou rocheux de Pierre-Châtel (La Balme), établi aujour- d’hui vers 223 m. Guidés par les struc- tures géologiques, les derniers glaciers de l’Isère au Sud et du Rhône au Nord, se sont affrontés vers Aix-les-Bains/Châ- tillon. Entre Bauges et Chartreuse puis dans les vallées synclinales molassiques du domaine jurassien, entre montagnes de Chambotte-Gros Foug et du Chat- Colombier puis montagnes de Parves et du Chat, le puissant surcreusement a été occupé par un lac de près de 47 km de long et de superficie voisine de 200 km 2, entre Challes-les-Eaux au Sud, Seyssel au Nord et Yenne à l’Ouest (fig. 1). – 70 000 à – 15 000. Les glaciers, d’âge würmien, ont creusé près de 450 m au- dessous de la plaine alluviale ancienne de la vallée d’alors si l’on se réfère aux banquettes préservées du Tremblay à La Motte-Servolex, de Chambéry-le-Vieux -Voglans, de Groisin à Chindrieux ou de la vierge d’Anglefort près de Seyssel. La base du lac du retrait glaciaire s’éta- blissait autour de 100 m sous le niveau de la mer, la cote du plan d’eau vers + 260 m. Ce puissant lac primitif s’est progressi- vement comblé, sans aucun doute par étapes, contrôlées par les événements cli- matiques, à partir des dépôts glaciaires et associés puis par les apports alluviaux de la Leysse et de l’Hyère au Sud, du Figure 1. Sierroz et du Séran latéralement et Le grand lac du Bourget surtout du Rhône et du Fier au Nord. à la fonte des Cet alluvionnement, grossier près des glaces würmiennes, zones d’apport (deltas), est franchement il y a 35000 ans environ. limono-argileux en zone éloignée. E. Chapron (1999) a distingué cinq grandes unités dans les sédiments sous le lac actuel, à partir de données sismi- ques (fig. 2). 4 À la base, une unité glaciaire épaisse de – 15 000 à – 13 000. L’essentiel du rem- 80 à 120 m, comble les irrégularités du plissage glacio-lacustre (unités 3 et 4 en fond érodé par les glaciers ; elle a un partie) se serait développé au Dryas faciès hétérogène, allant de la moraine ancien entre 15 000 et 13 000 BP. À cette de fond à des moraines d’ablation. période, le lac se trouvait déjà sérieuse- Puis suit une unité 2, d’une épaisseur de ment réduit en longueur (sensiblement 100 m, à faciès glacio-lacustre dans un 20 km) et en cote (niveau voisin de lac proglaciaire, les glaciers s’étant retirés 223 m, cote du seuil de Pierre-Châtel). largement du centre de l’ombilic. De L’amont de la Chautagne et le site de légères stratifications apparaissent dans Chambéry étaient occupés par de larges les sédiments fins. plaines alluviales, balayées par les cours Bibliographie Un retour du glacier de l’Isère est pro- d’eau. La fin de l’unité 4 marquerait la • Monjuvent G. et Nicoud G., 1988. posé vers le Sud jusqu’à hauteur de transition Tardi-glaciaire Holocène au Les paléo-lacs des vallées alpines du Saint-Innocent. moment où le Rhône édifiait ses bour- Grésivaudan, du Bourget et d’Annecy, Une unité 3, de 60 à 70 m d’épaisseur, se relets alluviaux qui l’écartait du lac. France. Documents du CERLAT, développe sur l’ensemble du lac actuel, Ce dernier a donc commencé à monter, 1, p. 213-231. avec des sédiments fins aplanis, témoins • Chapron E., 1999. Contrôles climatiques en inondant successivement les sites et sismo-tectonique de la sédimentation encore d’influences froides. d’occupations humaines et déposant la lacustre dans l’avant-pays alpin (lac du Puis une unité 4 traduit définitivement pellicule fine de l’unité 5 attribuée à Bourget) durant le Quaternaire récent. des apports depuis les seuls cours d’eau, l’Holocène. Parallèlement, se dévelop- Géologie alpine, mémoire H.S., le Rhône (75 m d’épaisseur), le Sierroz paient les tourbières de Chautagne et de n° 30, 258 p. (40 m) et la Leysse (30 m). Des glisse- Lavours. ments en masse affectent cette unité. Ainsi donc, le lac du Bourget n’occupe Enfin, poursuivant l’unité précédente, guère plus qu’un dizième du volume l’unité 5 drape l’ensemble des sédiments. de ce qu’il a été au retrait des glaciers Finement laminée, elle a une épaisseur würmiens. Les sédiments concentrent constante de 15 m. Le lac n’est plus relié l’évolution des événements depuis 35 000 directement au Rhône. ans. Son histoire nous est d’autant plus précieuse que cette vallée du Bourget Quant à la chronologie du comblement contient, sur ses flancs, des traces d’un lac du lac primitif pour arriver au lac actuel, encore plus ancien, de cote supérieure, E. Chapron propose un creusement an- consécutif à l’avant-dernière glaciation. térieur à 35 000 ans, accompagné des Aussi, comme toute relique, notre lac dépôts des unités 1 et 2. La récurrence isé- mérite vénération ! roise serait peu antérieure à 15 000 ans BP. Gérard Nicoud Figure 2. L’ombilic würmien du Bourget et son remplissage aujourd’hui. 5.