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1663 —l747 JEAN-FRÉD É RIC O S TE RVAI, D JEAN-FRÉDÉRIC OSTERVALD Portrait inédit par un auteur inconnu. (Propriété de la Bibliothèque des Pasteurs de Neuchatel. )

(ïliché du Musée neuchâtelois. ) MAURICE XEESER EMILE LOMBARD EDDY BAUER JZAW-DAWixr, BURCER

JEAN-FRÉDÉRIC

A LA BACOANIÈRE ÃEUCHATEL COPYRIGHT 1948 BY LES ÉDITIONS DE LA BACONNIERE, BOUDRY-NEUCHATEL L'initiative des manifestations destinées, à çélébrer le deux-centième anniversaire de la mort de Jean-Frédéric Ostervald fut pr~se, au début de 1947, par le Conseil synodal de l'Eglise réformée évangélique du canton de Neuchâ tel. Pour des raisons d'opportunité, les cérémonies furent fixées à l'automne. Il fut décidé qu'un double hommage serait rendu à la mémoire du théologien neuçhâtelois, 'sur le plan de l'Eglise, d'une part, sur celui de l'Université d'autre part. I.e samedi 1"novembre s'ouvrit dans les locaux de la bibliothèque de la ville une exposition de manuscrits, de livres, de documents et de portraits évoquant l'homme et son époque. Puisant dans les trésors dont ils ont la garde, Messieurs les bibliothécaires André Bovet- et 4ntoine Aubert exhumèrent des pièces uniques, des autographes, des tableaux, des objets d'usage familier et les m~rent sous les yeux du public durant tout le mois de novembre. Le 81 octobre, au cours d'une conférence ' de presse, les journalistes du canton en avaient eu la primeur. Organisée par la paroisse de Neuchâtel, mais débordant les limites paroissiales, la cérémonie ecclésiastique eut'lieu au temple du Bas, le dimanche soir 2 novembre, en présence des autorités civiles cantonales et communales, des autorités synodales et des délégations envoyées par l'Eglise libre et l'Armée. du salut. M. Neeser y expose La leçon / I /

/ I / / d'Ostervald, placée par le pasteur André Junod et l'organiste Samue Ducommun dans un beau cadre liturgique. / E e mercredi 5 novembre, à l'aula, la séance académique fut précédée d'une brève assemblée de la Société des pasteurs du canton, au cours de laquelle son secrétaire, N. Naurice Dumont, donna lecture de pages choisies dans les oeuvres de celui qui avait été treize fors doyen de la Vénérable Classe. Quand le public universitaire eut envahi les lieux, N. Philippe Nenoud, doyen de la faculté de théologie, ouvrit la séance devant un magnifique auditoire ou il salua la présence des délégués des facultés saurs de la Suisse romande. Ostervald traducteur de la , par N. Emile Lombard ; Ostervald et la cité, par N. Eddy Bauer ; Ostervald et la réunion des protestants, par N. Jean-Daniel Burger, telles furent les trois études présentées, aussi vivantes et documentées l'une que l'autre. En ces semaines d'arrière-automne, la presse neuchâteloise et romande fit une large place au souvenir du théologien d'autrefois. Pour sa part, l'Eglise se rendit compte que, « sous le marbre insensible, ce vrai pasteur, qui demeure le sien, lui parle aujourd'hui encore ». Le présent volume contient le texte des quatre conférences dont il vient d'être parlé. P. V.

8, LA. LEÇON DK JEAN-FRÉDÉRIC OSTKRVALD

INTROD UCTION.

Considérations générales sur le sens d'une ouvre et d'une 'mie'.

J.-F. -Ostervald fut l'homme de l'unité chrétienne. Il a droit à la reconnaissance des Eglises suisses. Car, avec ses amis Jean-Alphonse Turrettini, de Genève, et Samuel Werenfels, de Bâle, il travailla d'ar- rache-pied à sortir nos Eglises de longues et stériles disputes théolo-' giques. Les historiens ont donné à ce groupe le nom de triumvirat helvé- tique, significatif pour l'influence qu'il exerça. Bien plus, le mouvement oecuménique a eu, en la personne de l'éminent pasteur neuchâtelois, l'un de ses. précurseurs. Il s'acquit de nombreux amis au sein du catholicisme lui-même. La prière de Jésus-Christ : « Qu'ils soient un, Père, comme nous sommes un », a profondément retenti dans son coeur. Sa conception du christianisme —ou l'expression qu'il sut donner à des convictions auxquelles le protestantisme (et la chrétienté même, pourrait-on dire) aspiraient de toutes parts, suscita bien au delà de nos frontières un intérêt très vif et des adhésions enthousiastes. Plusieurs de ses livres connurent un succès vraiment extraordinaire. Le l'raité des

& L'exposé que je fls en 1937, et qui parut l'année suivante sous le titre Gran- deur d'Ostervald (actuellement épuisé), tient largement compte de la biographie du pasteur neuchâtelois. Il n'y avait pas lieu de répéter ce .portrait dans la leçon que voici, destinée à le compléter en approfondissant certains sondages. On trouvera, dans les bibliothèques aussi, les ouvrages sur lesquels s'édifi (à la condition qu'on les appuie par le recours constant à l'oeuvre imprimée ou manuscrite d'Ostervald lui-même) toute esquisse de ce genre : le numéro d'avril 1747 du Journal Helvétique ; la Vie de J;F. Ostervald, par David Durand (1778).; l'extrait de cet ouvrage que fit paraître en 1863, sous le même titre, le pasteur Louis Henriod. Et enfi, de 1904, le J;F. Osteg- vald de M. Robert Gretillat, qui offre en appendice un précieux choix de lettres. Le bicentenaire célébré cette=année même a donné à la presse quotidienne ou périodique l'occasion de rappeler les dates essentielles de cette fructueuse carrière. Sources de la Corruption « parut en 1700 à la Haye et à Neuchâtel. Il fut réimprimé en 1702, 1708, 1709, 1744, traduit en anglais en 1702, en flamand en 1708, en allemand en 1718 et en 1716, en danois en 1741, en hongrois en 1745' ». Le Catéchisme —celui-là même qu'apprirent dans leur jeunesse mes parents ou les plus âgés de mes paroissiens —« fut réédité un nombre incalculable de fois. Le chiffre des exemplaires publiés à Neuchâtel seulement dépasse 800000... Il eut des traduc- tions anglaise (1704), allemande (1708), flamande (1716). En. 1758, 5928 exemplaires furent brûlés en France par le bourreau ' &. L'Abrégé de l'Histoire sainte qui introduit le catéchisme lui-même'servit aux besoins de la mission en Inde et dans le monde musulman. Les Argu- ments et Réflexions sur les LArres et les Chapitres de la Sainte ghble, parus d'abord en anglais (1718), furent publiés en français (1720) et en « langue moscovite » (1722) avant de l'être en allemand (1728) '. Une telle audience répond sûrement à quelque besoin profond et permanent de l'Eglise. Ostervald « appartient à l'histoire » ; c'est par ce jugement que l'un de ses biographes termine l'examen de sa vie et de son oeuvre. Et M. Robert Gretillat voulait dire par là qu'il appartient au passé. Il appartient à l'histoire ; je repréndrais l'expression, mais dans

, son sens. positif. L'histoire est à distinguer du passé. Lorsqu'elle est vraiment elle-même, elle constitue une vivante force, où chaque siècle engage le suivant et où tous les siècles débouchent- dans le présent. C'est ainsi qu'Ostervald appartient à l'histoire. Il a dominé son siècle de façon à s'y fondre et à entrer dans le mouvant fleuve. Il fut homme d'action plus qu'écrivain ; beaucoup plus. On dit qu'il était fort éloquent ? Son style écrit est généralement fade. Sauf dans ses lettres, qui n'étaient pas destinées à l'impression, il est permis de le trouver ennuyeux. S il est

Ostervald. naît en 1663, a Neuchâtel, et y meurt en 1747. En 1679'déjà, l'Académie protestante de Saumur le proclame maître ès arts. En 1683 (il a à peine vingt ans), la Vénérable Classe l'agrée au nombre des e ministres s neuchâtelois. Trois ans plus tard, . il occupe le poste de diacre et de catéchiste dans sa ville natale. De 1669 à sa mort il y est, pasteur, treize fois doyen de la Classe, professeur de théologie, déployant un zèle qui lui vaudra la réputation de « second réformateur » de son pays. Cela sans préjudice d'une activité qui, grâce au livre et a la correspondance personnelle, le fera connaître très au loin. & R.'GHETILLAT /;F. Ostervald, p. .26.; 83 ; 228 ; lettre n& 124. s Ibid. 4 Ibid.

10 auteur, c'est malgré lui. Plusieurs de ses manuscrits lui furent extorqués par les éditeurs. Les autres furent, je crois sans exception, l'objet de sollicitudes diverses et renouvelées'. Dirais-je qu'il est mieux qu'un auteur 'P Il est autre chose ; il est quelqu'un d'autre : un homme qui, imprimé malgré lui, consentirait à ne pas survivre comme survivent les auteurs —lorsqu'ils survivent —un animateur hanté par le mot fameux : « Si le grain ne meurt. .. » ; un chef qui, si l'on ose dire, dirige tout en acceptant d'être dirigé, l'essentiel de son effort consistant dans 'sa vie, et sa vie enrichissant celle de l'Eglise. .. Il se peut donc —j'ai la convic- tion que c'est le cas —que nous vivions encore de cette vie. Cela est vrai tout spécialement de l'Eglise neuchâteloise. Certains juges —en général ailleurs que -chez nous, mais pas toujours —estiment que ce berger égara. Certes il ne fut pas infaillible, mais une considération attentive et objective des faits amène à un tout autre témoignage. C'est ce dernier que vous. attendez ce soir. Je m'efforcerai de traduire votre sentiment, avec une pieuse gratitude.

I. UN-COUP D CEIL SUR L EGLISE NEUCHATELOISE TELLE QU ELLE SE PRÉSENTE A OSTERVALD.

Et d'abord la caractéristique, très sommaire, . de cette Eglise dans 'les 150 ans qui précèdent l'entrée en scène du « second 'réformateur de Neuchâtel » (de 1NO à 1700). -

Telle qu'elle sort de l'intervention de Farel, l'Eglise neuchâteloise est une Eglise unie : les dissidents (anabaptistes, piétistes} en sont exclus, en,principe, avec autant de rigueur que les catholiques. Elle est ensuite une Eglise autonome. Elle jouit à l'égard du pouvoir civil d'une indépen- dance inconnue ailleurs —je parle des pays acquis à la Réforme. Il en tient aux deux raisons suivantes : Depuis la mort de Philippe de Hoch-

& R. GRETILLAT ouvr. cité, p. 25 ; 66 ; 86 ; 114 ; 173. berg, le père de Jehanne, le prince de Neuchâtel n'habite plus le pays. Et le prince, qui ne tient du reste plus aux premiers comtes qu'en vertu de. liens généalogiques assez relâchés, demeure attaché à l'ancienne foi. Il respecte d'ailleurs les franchises des bourgeoisies et des communes. La déformation, il l'a laissé faire, malgré lui, sans intervenir; Il ne saurait prendre sur la nouvelle Eglise l'autorité qu'ailleurs, en Allemagne et en Suisse, le gouvernement usurpera. A Berne, par exemple, et dans les cantons suisses-ralliés à la Réforme, le gouvernement civil, qui a du reste favorisé la Réforme, va se croire autorisé a exercer sur l Eglise une ' IN W~~ V~% IKA 6!Ailliez~ part de ce pouvoir (où le temporel se confondait souvent avec Ïe spiri. - 't el)', qui avait été celui des évêques. Mais en 1MO, Jehanne de Hochberg vivait à Paris. Elle était catholique. Son représentant dans le comté, le gouverneur Georges de Rive, se garde de prendre officiellement parti contre les vues de Farel. Ce dernier remet le soin de l'Eglise aux pas- teurs. L'autorité générale et lointaine du prince étant maintenue confor- mément aux chartes, le Conseil d'Etat et les quatre bourgeoisies réglant les affaires civiles, c'est à la Vénérable Classe qu'incombe le souci du spirituel. Elle est à ce titre reconnue comme l'un des corps de l'Etat. La Vénérable Classe imposera à l'Eglise —et voici le troisième trait caractéristique de cette dernière pour ce temps-là —un régime clérical autoritaire : clérical en ce sens que seuls les ecclésiastiques affronteront les honneurs et les responsabilités du pouvoir. La Vénérable Classe surveille seule les études de théologie, seule elle examine et consacre les nouveaux ministres ; elle leur désigne, seule, leur paroisse et pro- cède souverainement aux changements de paroisses. La consultation de ces dernières, en tout état de cause, est'à bien plaire. -Non que les laïcs neuchâtelois renoncent à tout esprit de critique ou à toute revendication : ce serait trop contraire à leur tempérament. Mais, d'une manière géné- N/ J raie, ils ont admis ce régime, et ils obéissent. Ainsi faite, l'Eglise va son train. L'Evangile y est fidèlement prêché. Des écoles sont fondées. Ayant en vue, dit un historien, premièrement la lecture de la Bible et « la préparation des enfants à la ratification

s Albert HENRY, Précis d'histoire. du Canton de Neuchâtel, p. 112. du voeu du baptême &, elles ne provoqueront aucun désir . d'émancipation sociale. Les moeurs seront réglées par des ordonnances sévères, sur- veillées par les consistoires, avec, pour assurer la réalisation des peines reconnues nécessaires, l'appui de l'autorité civile. La fréquentation du culte public, la participation à la sainte Cène sont unanimes et consi- dérées comme un droit (droit de tout sujet de l'Etat)" plus. . ..encore que comme un devoir. En 1675, les paroissiens de la Brévine mettent à l'amende les gens des Hauts-de-Travers qui s'avisent d'assister chez eux à la prédication, & à cause que l'Eglise est petite ». Quelques années auparavant, ils menaçaient leur ministre de l'acculer à la faim en lui retenant sa pension, et cela parce qu'ils estimaient injuste l'exclusion de la table sainte prononcée contre' l'un des leurs '. Cette unanimité, sans doute indispensable pour le temps, est entachée d'une faiblesse qui tient au temps aussi. Le XVI' siècle, le XVII' de même, ne conçoit pas la possibilité de la liberté des croyances. Il ne sait "lg~ ~4~" L' pas que l'Etat peut subsister. en dépit de la diversité des cultes. Il n'admet pas que l'on conteste le principe : cujus regio, ejus religio, c'est-à-dire : tu seras de la religion de celui dont tu habites le pays. En Suisse, la Paix de religion, conclue après Kappel entre catholiques et protestants, comportait que, là où la question de la Réforme se poserait, , elle serait résolue par un vote populaire. Le vote acquis, le régime religieux adopté par la majorité devenait le régime du pays tout entier, la minorité devant se soumettre ou s'exiler. Dans le comté de Neuchâtel, partout sauf au Landeron et à Cressier, la décision fut en faveur de la Réforme ; à Neu- châtel même, le 4 novembre 1580, par une majorité-de 18 voix. Et je ne vais pas dire que la majorité ne s'inspira nullement des principes en jeu. Et je suis bien persuadé que la minorité, peu à peu, s y laissa gagner. Mais il est certain que, au sein de la majorité accep- tante même, l'élément de conviction chrétienne personnelle ne fut pas général. On ne distingua pas toujours de façon sûre entre la conviction chrétienne personnelle et les arguments théologiques rapidement perçus au cours d'orageuses disputes publiques, ou entre les arguments théolo-

& Maurice NEEsER, Le Temple de 'la Brévine, Neuchâtel, 1918, p. 27 ; 35. giques et certaines rancunes contre le clergé : motifs et mobiles très variés sur lesquels pesa, au Landeron et, à Cressier, l'appui de Soleure, à Neuchâtel et dans le reste du pays celui de Berne. Il est à penser que la conviction chrétienne personnelle n'exista point, de longtemps, dans la minorité à laquelle on imposait le foi. nouvelle. Ce n'est pas en enfon. - çant les portes de la Collégiale, en maltraitant les prêtres, en brisant les images saintes et en en jetant les restes au Seyon ' que les novateurs allaient réduire ceux d'entre les nobles ou du bas. peuple qui continue- raient à assister aux messes secrètement célébrées dans quelques mai- sons particulières'. Au total, il n'y avait pas dans le pays —pas plus qu'ailleurs au début de la Réforme, exception faite sans doute des contrées où elle était persécutée —et de longtemps il n'y aura pas chez nous ce que l'on pourrait justement appeler un peuple de l'Eglise « auquel on pût. faire appel, en l'associant au gouvernement" &. Il y aura là un peuple converti, dans une partie de sa masse, à une conviction massive précisément, la minorité étant amenée de force à cette conviction, c'est-à- dire n'y étant pas amenée. Ce peuple ne sera pas formé, dans son ensemble —il s'en faudra —de libres individualités chrétiennes. Un régime autoritaire, un régime protestant clérical autoritaire —dans le cas particulier celui de la Vénérable Classe —,lui sera indispensable. Ce régime lui est donné, et c'est provisoirement un bien. Mais l'Eglise de la Réforme —celle que Luther a reconnue fondée sur la réponse personnelle à l'offre d'un salut issu de la seule croix de Jésus-Christ— n'a pas encore trouvé là sa constitution normale. Que l'on ne s'étonne! pas de cette lenteur. C'est en 1215 seulement que le catholicisme prend une conscience tout à fait nette de l'un de ses deux dogmes centraux (l'eucharistie, la transsubstantiation) ; et il attendra le Concile du Vatican, en 1870, pour définir le second (l'infaillibilité papale). Est-il surprenant que le protestantisme ait besoin de quelques siècles (beaucoup moins nombreux) pour entrer dans la pleine réalité de son principe ? L'Eglise neuchâteloise n'y parviendra, elle aussi, que peu à peu, au travers s A. HENRv ouvr. cité, p. 108. & Louis Jambon, Histoire populaire du pays de Neuchâtel. Neuchâtel, 1868, p. 122. && Charles MoxvEm, Histoire de la fondation de l'Eglise évangélique neuchâte- loise indépendante de l'Etat. Neuchâtel, :1898, p. 5. d'étapes nécessaires (au travers de crises qui seront des crises de crois sance) parmi lesquelles il faut compter, remontant les siècles, -ce]]e de 1942, celles de 1878, de 1848, et d'abord celle qui se nouera autour de Jean-Frédéric Ostervald.

Le problème tel qu'il se présente au temps d'Ostermald.

Vers 1700, au moment où Ostervald va entrer en pleine mêlée, la situation est en train de se modifier. Le bloc, jusqu'alors solide, de l'una- nimité héritée du moyen âge, s'effrite. Les ferments émancipateurs de la Renaissance, assoupis ou contenus durant les XVI' et XVII' siècles par la persistance de l'ordre moyen- âgeux, vont agir sur l'Europe. En France —Ostervald éprouve une vive sympathie pour ce pays, où il a fait une partie de ses études —c'est le grand branle-bas qui prélude au passage de Louis XIV à Louis XV. Ostervald assistera à tout le drame de la déformation de l'idéal classique. A sa naissance, Pascal vient de mourir. Corneille publie ses dernières tragédies et Racine ses premières. Au cours de sa maturité et de sa vieillesse, il verra se succéder (de 1697 à 1740) huit éditions du Diction- naire de Bayle, cet arsenal du rationalisme vulgaire. Une année avant sa mort, d'Alembert et Diderot ont obtenu la permission de lancer l'Ency- clopédie. Et Voltaire a déjà beaucoup fait parler de lui. L'Allemagne de Frédéric II, gagnée aux « lumières », entrera dans le mouvement. De Grande-Bretagne même, les disciples de François Bacon, les Hobbes, les Locke, les Hume ont soufflé sur le continent des vents d'orage. Le petit pays de Neuchâtel, lui aussi, se trouve entraîné dans cette ruée vers une certaine liberté. Il a été reconnu par le traité de West- phalie en tant qu'Etat souverain. Les divisions qui 'opposent assez souvent les uns aux autres les prétendants français au comté ont encou- ragé le Conseil d'Etat, les Bourgeoisies et les Communes dans l'affir- mation de leurs franchises. Pour se conduire plus avant dans cette voie, le pays a trouvé, en la personne du chancelier Georges de Montmollin, un diplomate avisé. Le choix fait en 1707 de la maison de Prusse en tant que maison régnante offre une preuve, entre plusieurs, du sens que les Neuchâtelois ont de leur indépendance. Le nouveau prince est de confession réformée. Sa capitale se trouve plus éloignée de la princi- pauté que les résidences des prétendants français. Il a souscrit à àes Articles généraux qui fixent avec minutie les limites de ses droits. I] s'apercevra à plus d'une reprise que ses sujets d'outre-Doubs sont d une ténacité rare dans le maintien de leurs franchises. Et le temps n'est pas très éloigné de ce témoignage que leur rendra le Grand Frédéric. On connaît sa réponse à Voltaire qui lui suggérait de faire d un autre Oster- vald, le banneret compromis dans l'édition neuchâteloise du Système de la nature, un conseiller d'Etat : « Faire à Neuchâtel un conseiller d'Etat sans l'approbation du Synode serait se compromettre inutilement. J'ai voulu dans ce pays protéger Jean-Jacques, on l'a chassé ; j'ai demandé qu'on ne persécutât point un certain Petitpierre, jë n'ai pu l'obtenir. Je suis donc réduit à vous faire l'aveu de mon impuissance. .. Je respecte les conventions sur lesquelles çe peuple fonde sa liberté et je me res-

. serre dans les bornes du pouvoir qu'ils ont prescrites eux-mêmes en se donnant à ma maison. .."» Ostervald connaissait ses concitoyens, sous ce rapport aussi. Il lui arriva d'écrire à propos de certain de ses projets de réforme ecclésiastique : « L'opiniâtreté et l'entestement du commun peuple (il ajoutait : et surtout des paysans de nos montagnes) vont au

delà de l'imagination ".&& La liberté politique s'affirmera donc : on doit s'y attendre. Elle est encouragée par l'essor des sciences, de l'industrie et du commerce, par l'aisance ou par la richesse qui en découlent. C'est en 1781- qu', est créé, à Neuchâtel, un premier enseignement supérieur de philosophie et de mathématiques, confié à Louis Bourguet. Cette chaire appuyait, à sa manière, celle de théologie, fondée et bénévolement occupée par Oster- vald depuis le commencement du siècle; Les médecins Laurent Garcin et Jean-Antoine d'Ivernois, le pasteur géologue Pierre Cartier, l'histo- rien Jonas Boyve sont, à côté d'eux, des savants distingués. L'industrie des dentelles, celle des toiles peintes, introduite au Val-de-Ruz en 1715, prennent un rapide essor. A la mort de -Daniel JeanRichard, en 1741,

&& L. JUNQD, ouvr. cité, p. 25. && R. GRETILLAT, ouvr. cité, iP. 57. l'horlogerie s'est assuré aux Montagnes. un établissement définitif. Et l'asphalte du Val-de-Travers est l'objet d'une première. exploitation de 1712 à 1786. Le grand çommerce et la.banque ont commencé à solliciter l'intérêt

, de plusieurs. Jean-Pierre de Purry-fonde une colonie neuchâteloise dans la Caroline du Sud. L'un de ses moindres mérites ne sera pas d'être le père de David de Purry, le grand mécène. Et déjà le quincaillier Jean- Jacques Lallemand a institué la ville de Neuchâtel héritière universelle de sa fortune, destinée surtout aux orphelins. Jusqu'à quel point l'arrivée dans le pays des réfugiés huguenots, dès 1685, aura-t-elle encouragé cet épanouissement ? On s'accorde à penser qu'elle y fut pour quelque chose. Est-il étonnant, dans ces conditions, de voir les moeurs s'élargir, et l'autoritarisme ecclésiastique en butte à certains ébranlements ? Oster- vald s'en effraie, peut-être plus que de raison. Nous ne le suivrons pas lorsqu'il en arrive à estimer la situation sous un angle tout négatif. Il est sans doute trop près des événements pour qu'un jugement objectif lui soit aisé. Il se montre décidément trop ancien régime dans son regret de la désuétude où tombent, de son temps, les ordonnances destinées à ' ,„„I enrayer le progrès de la mode et du luxe. Il a sûrement approuvé les@ prescriptions de 1686 : « Premièrement nous faisons défense très expresseq ei.-~ à toutes personnes de l'un et de l'autre sexe... de porter aucuns habits ni doublures de brocard, damas, moire, satin, velours' ciselé et autres étoffes de soie barrées et par fleurs. .. Permettant seulement les étoffes de soie lisse de couleur noire tant seulement. .. Nous faisons défense de porter sur les habits aucune broderie, ni aucuns galons, ni aucunes dentelles d'or ou d'argent. Faisons défense aussi de porter d'autres rubans que de simples et tout lisses, lesquels ne devront pas être plus larges de deux pouces. .. Défendons aussi à tous hommes, jeunes et vieux, de porter des perruques qui aient plus de demi-aune de longueur. .. Défen- dons aussi tant aux hommes qu'aux femmes de porter aucuns souliers découpés et à talons de bois. .. Les servantes, couturières et lingères ne devront porter aucunes étoffes de soie, ne aucuns rubans ni dentelles. Nous défendons aux servantes de porter des souliers blancs et roux, aussi bien que de petits talons. .. Ceux qui vont à l'aumône, leurs pères et mères, fils et filles, ne pourront être habillés que d'étoffes faites dans le pays, que nous nommons mangelaine, et ne se pourront coiffer que de capes ou de bonnets de peau de chevreau et d'agneau. .. Les repas aux enterrements et les festins aux baptêmes des enfants sont absolument défendus. Quant à la dépense des festins, soit publics ou chez les hôtes, elle ne pourra excéder sept batz' et demi par personne. .. En outre nous c ~~~~iWi~~~w'~~~ J~ 4 W M~~ ~ -& &' »': ' tq~~ faisons défense à toutes personnès de fumer du tabac. .."» La Vénérable Classe insista à plus d'une reprise auprès des pou- voirs publics pour le maintien de dispositions de ce genre. Elle n'a pas vu le caractère arbitraire et fragile, en tout cas provisoire, d une morale trop appuyée sur la contrainte des lois. Ostervald, pour ce qui le concerne, , ne paraît pas discerner dans le goût des Neuchâteloises .pour les rubans et les souliers découpés, ou de leurs époux pour les perruques et le tabac, dans leurs protestations contre la discipline ecclésiastique et dans la persévérante audace de leur résistance, dans certaines licences plus réelles, une crise de croissance en quelque sorte nécessaire. Un peuple aspire à « la liberté ». La liberté politique, qui est visée la première, implique la liberté de conscience, celle-ci entraînant la liberté des cultes, y compris celle de se passer de tout culte. En soi cet élan est normal, indispensable même à la marche d'une société vers sa majorité morále, et spirituelle. Ne reprochons pas à Ostervald d'en voir surtout le danger. . Car il en est de cette tentation comme de toutes les autres : elles sont nécessaires en tant que moyens d'éprouver la force morale de ceux qui les subissent ; elles n'en offrent pas moins de mortels périls. Et sans doute appartient-il au pasteur qu'est Ostervald, au pasteur-chef, arbitre incontesté de tant de conflits, treize fois doyen de la Vénérable Classe, véritable évêque de son Eglise, de ne voir dans l'ébranlement dont il est le témoin que le seul péril. Au vrai son Traité des Sources de la Cor- ruption qui règne aujourd'hui parmi les Chrétiens, paru en 1700, et qui résume des prédications faites au cours des années précédentes, est un tableau assez. sombre de l'Eglise neuchâteloise de ce temps. Je vous en épargne le détail. Ce.qui nous intéresse, c'est de savoir ce que va tenter le pasteur et le théologien pour la réaction qui lui paraît urgente.

&~ Ii. JUNoD, ouvr. cité, p. 206.

18 II. OsTEBVALD DANs LA MÊLÉE.

Avant d'y entrer à sa suite, il sera utile de fixer de plus près le vrai sens théologique de ce combat, quittes à revenir sur des choses déjà entrevues.

De quoi a besoin l'Eglise ainsi sollicitée par le siècle, sinon d'une action missionnaire. Soulignons-le encore, elle n'a pas connu d'influence missionnaire au sens propre du mot, au sens où l'Evangile entend la mission, au sens où la mission est impliquée par le principe même du salut par la foi : appel adressé à la personne et réponse personnelle de celui qui est appelé ; appel à la liberté et à la charité chrétiennes sur le plan préalable de la liberté de conscience ; formation d'une Eglise de croyants sur un plan-politique où la liberté de conscience serait ,. ., . » L!!J I4&-':"!Iles'cW" ~~y ( . ,~ ; g) )~. !)!~ .~g~Aà' '}$e4á,, !Jw coünue èt pràtiquée. Èncore ün coùp!, je ne songe pas à en faire un grief à Farel et aux premiers pères de l'Eglise neuchâteloise. L'Eglise de la Réforme ne pouvait sans doute„.pas échapper à une évolution dans laquelle elle se réaliserait par étapes. Sans doute fallait-il qu'elle se soumît, un temps, aux circonstances des origines ; qu'elle admît, provi- soirement, cette atmosphère d'autorité massive que respireront toutes les Eglises de la Réforme —à l'exception des pays où, comme en France, elles vécurent dans la persécution. Il était sans doute inévitable que, établie sur le principe majoritaire, à une époque où nul ne concevait la liberté des cultes, dirigée de haut et sans réplique par la Véné- I râble Classe, elle vécut d'autorité, le laïc n'étant appelé qu'à écouter et à obéir. Mais il est bien clair que, du point de vue de cet Evangile que le protestantisme remettait en lumière, ce régime ne pouvait être définitif. Il fallait que vînt un temps où l'interpellation adressée par Dieu à l'homme le serait dans une ambiance de vraie responsabilité ; oü la réponse engagerait vraiment le chrétien ; chaque chrétien, et le chré- tien tout entier ; un temps où cette valeur que l'on appelle habituellement la liberté courrait son aventure périlleuse et vital. e. C'est le temps où, paraît Ostervald. C'est là le vrai drame que vit la chrétienté réformée au temps d'Ostervald, et dans lequel Ostervald, entre beaucoup d'autres, se trouve engage. En sortira-t-il victorieux ? La passe est malaisée, car, sur le terrain de la foi où nous confinerons. çette étude, la question de la liberté est plus complexe encore que sur le terrain politique. Convier l'homme à- la liberté « chrétienne &, c'est, en effet, faire appel d'abord à sa liberté « morale », à un pouvoir d'initiative qui, réellement, existe en lui. Mais, il s'en faut, ce n'est pas encore là ce que l'Evangile appelle la « liberté glorieuse des fils de Dieu ». La première affirme l'autonomie de l'homme ; elle le campe, sinon face à Dieu, du moins à côté de Dieu et ' le., prétend en état de collaborer avec Dieu dans l'affaire du salut : c'est ce que l'on appelle, en théologie, la thèse du synergisme. La seconde affirme que l'homme n'est vraiment libre que dans le renoncement à sà liberté propre, dans la totale soumission à Dieu, dans l'atmosphère d'une grâce totale où il se meut, sans doute, mais non sans être étroitement dominé par son milieu même, comme le poisson dans l'eau, comme l'oiseau dans l'air. g&Ik ;.;~~@,~ g~~, „Est-onchrétien lorsqu'on admet la thèse du synergisme, ou la colla- boration avec Dieu de l'homme moralement libre ? Oui, répond le catho- licisme, dont c'est, sur ce point, la thèse officielle. Non, dit. la thèse souvent tenue pour officielle dans le protestantisme, celle qui s'exprima longtemps dans le catéchisme de Calvin : à aucun moment de sa car- rière aucun homme ne connaît la liberté morale. Si.vous êtes chrétien, vous ne le devez- en aucune mesure à une liberté morale qui n'a jamais existé en vous : c'est en vertu d'un décret divin éternel. Etre chrétien, c'est savoir qu'un décret éternel de Dieu vous a mis au nombre des élus, ' wJ . '. . IIX' x~" 'M O %~V P f L~+'~~~+" ~~~a 'I45l~WMdiLl„dgjgc~~ ~.~~~.~ a 'l~~ f) un autre décret éternel ayant voué les damnés à Ï.eur damnation. Il y a ~P-:-'& M& - : ~~~~~»ûu~~ucim~~ dônc, chez les catholiques, affirmation de l'existence de la liberté morale et de son action positive, constante, en collaboration avec la grâce divine. , Chez les calvinistes purs, c'est la négation principielle et totale de la liberté morale, la souveraineté divine dominant de façon absolue le destin de l'homme. Ce qu'enseigne un protestantisme soucieux d'obéissance complète à la tradition. profonde. de la Réforme, c'est autre chose : On n'est conduit

80 à la paix et à la joie du royaume de Dieu —on n est conduit à l'Eglise la plus proche du Royaume —que par le passage de la liberté morale à une grâce totalement acceptée. Et c'est à ce passage même de la liberté morale à:la grâce, où la liberté morale meurt à elle-même et oü naît une . liberté nouvelle, qu'invite l'Evangile du salut par la foi. . Ostervald va commencer par laisser de côté, ou par laisser à l'arrière- plan du catéchisme, le régime. de Çalvin. Il se ralliera à la tendance évangélique élargie qui portait alors le nom d'arminianisme, et qui péné- ~~q~gugggWuenraggma)gfae)))gkM)ùi))))))i~ &I)Hi)4 Ot) h0gOft!t4AAI „))t!I)WIW)6)hv))!Cd8)ia))))NLM))~@I )I~Anï&llCC". 5A\~~)) .~~„ tráit peu à peu les Eglises. Il va d'abord faire appel, pour la réalisation de la vie chrétienne comme dans la célébration du culte, à la liberté propre de l'homme. C'est même à quoi il consacre le plus clair de ses forces. Les calvinistes stricts le lui ont beaucoup reproçhé (ils le lui reprochent encore). C'était pourtant une oeuvre utile, et même indispen-

.sable. A la condition toutefois que l'oeuvre débouchât dans un destin reconnu et accepté ; à la condition qu'elle conduisît plus loin, vers un abandon nécessaire à la seule liberté de Dieu lui-même. Il est possible que le second réformateur de Neuchâtel n'ait entrevu cet aboutissement "i que de façon confuse. Même ainsi il aura joué dans notre vie spirituelle un rôle -providentiel. Distinguons donc entre l'oeuvre moralisatrice d'Ostervald —elle est bien connue et relativement facile à rappeler- et ce destin à vrai dire un peu conjectural et secret, mais perceptible dans la brume d'un rivage que perce une surnaturelle lumière. Distin- l guons entre l'effort synergiste et l'attitude finale où le lutteur rend des armes trop humaines certes, et néanmoins honorables, et tend ses bras vers celles qui lui sont offertes d'en haut.

L'appel au libre effort de l'homme (ou la réforme synergiste).

Dans le vaste débat qui anima la théologie réformée au cours du XVII' siècle, Ostervald prend parti contre le calvinisme strict pour un enseignement plus 'évangélique. Le calvinisme strict, c'était la thèse des deux décrets supralapsaires : le drame de la rédemption conçu'comme dominé, de façon souveraine, par une double décision divine prise dès avant la chute d'Adam. Combattue dès le temps de Calvin lui-même, la thèse de la double prédestination n'en était pas moins devenue officielle dans l'Eglise réformée. Elle se trouve reprise, pour les Eglises de Suisse, par un for- 'C~& ;~4,'"» (j~~,y)g mulaire appelé le Consensus hehrétique, rédigé en l675, et qui donnera lieu à d'âpres discussions. De préférence au texte de ce document

(canon IV), je cite ici Calvin lui-même, qui est plus simple : && Nous appe- "lons prédestination le conseil éternel de Dieu par lequel il a déterminé ce qu'il voulait faire d'un chacun homme. Car il ne les crée pas tous en pareille condition : mais il ordonne les uns'à vie éternelle, les autres à éternelle damnation. » ... et plus loin, insistant : « Nous disons donc. .. que Dieu a une fois décrété par son conseil éternel et immuable lesquels il voulait prendre à salut et lesquels il voulait dévouer à perdition. Nous disons que ce conseil, quant aux eslus, est fondé en sa miséricorde sans aucun regard de dignité humaine. Au contraire que l'entrée de vie est forclose à tous ceux qu'il veut livrer en damnation : et que cela se fait par -son jugement occulte et incompréhensible, combien qu'il soit juste et équitable". » Cet enseignement se trouve garanti, aux yeux de ses partisans, par une parole biblique considérée comme tout à fait absolue, 'elle aussi. La part personnelle des écrivains, dans la rédaction des Livres sacrés étant tenue pour nulle, l.'inspiration de la Bible étant affirmée littérale par Calvin déjà et atteignant, selon ses disciples au XVII' siècle, les points-voyelles du texte hébreu de l'Ancien Testament ". Est-ce là une théologie de la grâce ? Si l'on veut, du moins pour ce qui touche les élus. C'est surtout une façon d'exalter la gloire de Dieu, en lui reconnaissant une puissance sans limite, en soumettant toutes choses à son bon plaisir. Elle n'est pas caractéristique de la Réforme et Luther ne-l'a pas mise au premier plan de sa prédication. Calvin, qui entre en scène vingt ans après Luther, s'y attache avec passion. Sans doute aura-t-elle été utile, provisoirement, à une époque où, pour les raisons que nous avons relevées, l'Eglise avait besoin d'une autorité

« Institution chrétienne III, XXI, 5, 7. && Voir le Consensus helvétique de 1675, icanon II. —Les Hébreux, pendant long- temps, n'utilisèrent dans leurs écrits que les consonnes. Pour faciliter la lecture de ces textes anciens, on: finit par y ajouter des signes vocaliques appelés points-voyelles. . absolue. Sà faiblesse, c'est précisément de pousser à l'extrême la thèse de. l'arbitraire divin. Comme elle nie l'existence de toute initiative, de toute liberté humaine dans le drame de la rédemption, elle est finale- ment statique, en dépit du mouvement qui par ailleurs anime le calvi- nisme. Elle est finalement une force d'inertie. Elle a conduit à ce que les historiens s'accordent à appeler l'orthodoxie morte : Une orthodoxie —celle du XVII' siècle —qui. , s'épuisant en absurdes querelles dogma- tnlues se montrera indifférente à toute action missionnaire et-sociale, laissant l'Eglise sans force intérieure devant les problèmes vertigineux posés par la Renaissance. Elle est bel et bien responsable, pour une large part, de l'état de l'Eglise que déplore Ostervald. Celui-ci se. lève avec une tranquille et persévérante assurance. Il renonce à toute discussion. Ses oeuvres sont totalement dépouillées de polémique. Il s'agit. de sortir d'. une. ère où les théologiens ont perdu leur temps et çelui de l'Eglise en vaines disputes. S'agissant d'une thèse— '.«~-".l '-'"'-&v%el" +Bar,-Q9c&1"Qs ', '%á'wvvsv%g gr~';@.'- celle du double décret —prétendument basée sur l'inspiration prétendue littérale de la Bible, c'est-à-dire sur un double absolu —Ostervald obéit à un sens très juste de l'inutilité de la controverse. On le presse de répondre (ses amis le pressent de répondre) à M. Naudé, un calviniste qui l'a violemment attaqué : « Il n'y faut pas penser, leur fait-il remarquer ; qui désabuserait un supralapsaire" !» C'est en allant voir, à l'occasion, ses censeurs de Berne, également très sévères, et en causant avec eux, que le pasteur neuchâtelois les désarmera. Il est au reste, avec toute la tradition de la Vénérable Classe, parti- san d'une notion beaucoup plus exacte de l'inspiration de la Bible. La Classe avait toujours eu le plus grand respect pour la parole de Dieu telle que la Bible nous l'offre, mais elle n'avait pas jugé à propos d'im- poser à l'Eglise les erreurs littéralistes du Consensus de 1675. Et c'est Q~' ~'~-'~' ''" """ sous l'influence d'Ostervald, jointe à celle de ses amis de Genève et dent" +' ~ "~'='&'"~ Bâle, que ce formulaire, en 1725, fut abrogé. !y~C Dans cette ambiance de saine largeur, Ostervald va s'efforcer de réformer et l'enseignement de l'Eglise, et son culte. Il va le faire en mettant à contribution, précisément, cet apport que l'orthodoxie du siècle

&& R. GRETILLAT ouur. cité, lettre 70. antérieur avait cru devoir nier : la libre initiative qui ferait 'de l'homme ' sálUJèklIHV I ~IC14I"~~le@~+&~M~- „~~~à.. . un collaborateur de Dieu. " Qu'il s'agisseaxade ses" sêrmons, de ses cours de théologie ou de son retentissant catéchisme, Osterwald laisse à. l'arrière-plan de son ensèi- gnement la thèse des décrets. Il est soucieux d'affirmer les grands j dogmes oecuméniques : divinité du Christ, incarnation miraculeuse, rédemption par le sacrifice et la résurrection du fils de Dieu. Mais- et c'est là ce qui caractérise l'attitude ostervaldienne —sa première préoccupation est dans la mise en pratique de l'Evangile. Il l'affirme Chnrss son sermon d instsasllatiorü (jüInr f699), qui a pour texte le mot de saint Paul à Tite : « Que ceux qui ont cru s'attachent principalement j aux bonnes oeuvres". » « La fin, y dit-il, est plus noble que les moyens. ;; .On n'élève pas un édifice pour appuyer des fondemerits, mais on pose des fondements pour soutenir un édifice. Les dogmes ont leur usage, ~ J et ils doivent être solides ; mais le grand point est la sainteté, l'union, ' t la charité ; en un mot la paix de l'âme. Les spéculations, les disputes „:entre les frères, l'arrangement des décrets divins, les subtilités méta- j' physiques sur les mystères ne font rien à ce grand but et pourraient même le faire perdre de vue. » La corruption des chrétiens se marque, à l'en croire, essentiellement dans la distance qui sépare leurs croyances de leur vie quotidienne. « Il y a lieu d'être surpris, écrit-il dans la pré- face du Traité des Sources. .., de la corruption qui règne aujourd'hui parmi les chrétiens. .. On est obligé d'avouer, pour peu qu'on ait de lumière et de sincérité, que la religion n'a pas beaucoup de force sur leurs esprits, et qu'il y a entre leur vie et les maximes du christianisme une opposition étonnante. Cette corruption est si sensible et si connue que' je ne m'arrête pas à la prouver. » L'affaire urgente, c'est de parer à cette misère. Or, pour y parer —et voici le second trait caracté- ristique de l'attitude ostervaldienne sur ce point —on fera appel à l'énergie morale qui existe, qui subsiste en l'homme et que le pasteur de Neuchâtel estime active, en particulier chez le chrétien. La corruption « qui règne aujourd'hui parmi les chrétiens » (je cite le titre du Traité) ce n'est pas l'état de péché originel, ou c'est moins cet état qu'une certaine » Tite, 3, 8. facilité à se laisser librement aller à l'ignorance, aux préjugés, à la paresse du siècle. C'est une çertaine libre négligence à l'égard des '""+~&L& 'A , !A(' ' p xw&a%&'. . IA& s ":&" xlJ'.-srcas, g vg & cALlvxpasf4xflsP1:, wwd. . ss. alv@tl44f M, 4„;!d',t+~os* ~ N remèdes qui, selon Osteryald, seraient à notre disposition. - -Car —et~voici qui situe indéniablement Ostervald sur le plan du moralisine —.les remèdes sont à notre disposition, à la disposition de l'homme, à ceÏle du chrétien plus particulièrement. Ostervald conteste la convenance du passage de la confession des péchés qui nous déclare

&incapables par nous-mêmes . d'aucun bien" ». Et l'un des « abus de P~~&,, tarti, ',tfi&tfç l'Ecriture sainte » (dont parle le chapitre IV du l'rainé) consiste ày@&. &&~y~~., çp„,&';,l, t, , prendre a la lettre le passage du Psaume 14, repris par saint Paul dans"5 ',. son Epître aux Romains (B, 10) : « Il n'y a pas un homme qui' fasse le bien, nàn pas même un seul. » S'il faut prendre à la lettre ce verset, écrit Ostervald, « il s'en suivra qu'il n'y a pas un'homme de bien sur la terre, que tous les hommes sont pervertis, qu'ils se sont tous rendus abominables par leurs crimes, qu'il n'y a pas un homme juste et qui craigne Dieu. Mais c'est là une conséquence qui fait horreur, qui est contraire à la vérité, à l'expérience, et à ce:que l'Ecriture dit en mille endroits lorsqu'elle parle des gens de bien et qu'elle les distingue des méchants et des pécheurs. Cette conséquence se .détruit même par ce qui se lit dans ce psaume, où il est fait mention des. justes, que Dieu protège et que les impies persécutent. Il. faut donc expliquer cette plainte de David avec quelques restrictions. » Ce que l'auteur ne laisse pas de faire". . Indéniablement la dogmatique d'Ostervald se résout en morale. Cette morale est d'inspiration synergtste, en ce seüs qü'elle n'hésite pas à faire appel à la liberté naturelle de l'homme, ou, dans le chrétien, à une liberté que le moraliste ne distingue pas nettement de la liberté naturelle. Il serait facile d'ajouter à l'appui de cette thèse les constatations suivantes : Ostervald reprend avec complaisance le thème de ces justes, ou de' ces « gens de bien » que sont à ses yeux les vrais chrétiens. Il tient beaucoup à considérer ces derniers comme tels. Les entretiens pieux

» Traité des Sources de la Corruption. 5e éd., 1708, II, p. 287. , » 1bid., I, pr.149. qu'il leur recommandera à la fin de sa carrière seront destinés, dira-t-il,

à les rendre && plus pieux et plus gens de bien" ». Il aime à répartir les exigences de la vie chrétienne (elle a surtout des exigences, précisément) entre les rubriques : ce qu'il faut savoir,

ce qu'il faut faire ; entre les « vérités && et les && devoirs &&. Ecoutez cette introduction aux deux parties principales du Catéchisme : D. Combien de parties y a-t-il dans la religion chrétienne 'P R. Il y en a deux : La première traite de la foi, ou des vérités qu'un chrétien doit croire (c'est nous qui soulignons). La seconde traite de notre devoir, ou des choses que nous devons faire". Jusque dans les pages, sur lesquelles nous reviendrons à la fin de cet exposé et où lá pensée serait (et se trouve en fait) le plus près des mystères de la grâce, vous retrouverez cette notion de la foi conçue comme une mérité qu'il est un devoir d'admettre-: && Réduire toute la foi à des actes de confiance c'est la pensée la plus étrange qui se puisse concevoir. .. -Avant de se confier à Dieu, - il faut s'assurer que l'on a droit de se confier en Lui. » Et ce droit, çe sera la présence en l'homme d'une croyance admise et obéie ". Vivre dans la foi au Fils de Dieu, c'est faire « ce que nous devons faire pour avoir part » à sa mort et à ' sa résurrection ". D'une manière générale le vocabulaire, le style d'Ostervald sont profondément imprégnés de moralisme.

L'examen de la réforme du culte, à laquelle Ostervald procède avec ses amis et collègues, mais qu'il dirige, comporterait une conclusion analogue. Mais il faut ici nous borner à quelques brèves remarques, faute de temps. L'orthodoxie calviniste s'était épuisée en de stériles discussions, toutes destinées à prouver que l'homme est incapable d'agir pour son salut. L'action quotidienne, dans l'Eglise, avait pâti de ce pessimisme théologique. S'agissant de l'attitude du croyant devant 'la parole biblique, ~o Des Entretiens pieux. Bâle, 1752, p. 21. s& Catéchisme, partie I, section iI, art. I. » Traité des Sources. .., chap. IV. » Douze sermans sur divers textes ode l'Ecriture sainte. Genève, 1722, p. 184. I et du culte en.particulier, cette orthodoxie se confinait dans une passivité analogue. Le partisan de l'ancienne orthodoxie se trouvait sans aucune liberté proprement humaine devant le texte biblique, si bien que celui-ci risquait de lui devenir étranger. L'idée de l'inspiration littérale, admise pour les langues bibliques originales (l'hébreu, le grec) risquait de s'étendre peu à peu à la traduction. La version traditionnelle tendait à devenir, dans l'usage populaire du moins, sacrée et intangible. Echappant à l'évolution de la langue française, elle s'obscurcissait. Le temps pouvait venir où le peuple ne comprendrait plus telle strophe du psautier. Par exemple celle-ci, qui appartient au Psaume 6 :

Toute nuict tant travaille Que lict, châlit et paille En pleurs je fais noyer : Et en eau goutte à goutte S'en va ma couche toute Par si fort larmoyer.

Il pouvait arriver, à la rigueur, que la même aventure guettât telle page des Evangiles ou des Epîtres. Ostervald va parer à ce danger en insistant en'faveur de l'admission d'une nouvelle traduction des psaumes

' lui-même, vers la fin de sa à ~'~ , CR (celle de Conrard), et en procédant vie, +~ ~. »

Ainsi verra le l,i, ~~ ~~~ ~j une révision de la Bible française alors en usage. jour ~. ( P +' "t~ ; v~i P~~ y+~& (en 1744) la fameuse version Ostervald, dont les services ne sont pas épuisés. La même contrainte qui liait l'Eglise à une traduction considérée comme intangible, la liait au sermon, conçu comme exposé tout objectif du texte sacré. Le culte réformé en était réduit, de la part du pasteur, à la prédication correcte, c'est-à-dire conforme à l'orthodoxie du moment. Le fidèle écoutait, passif, cette parole dont les théologiens d'alors pen- saient que, étant divine, elle devait être étrangère à toute psychologie humaine. Ostervald discerne l'erreur de cette notion du culte : « Diverses personnes, écrit-il en 1721, me pressent depuis quelque temps de donner quelques sermons au public. Je suis convaincu que ces sermons sont peu de chose ; d'ailleurs on est accablé et inondé de sermons. » En 1702 déjà il disait à son ami Turrettini : « Si au .ieu de faire consister lc ser- vice public à ouïr des prêches on célébrait parmi nous le service divin de manière convenable, cela attirerait les gens et leur ferait regarder nos assemblées avec respect. Mais, comme on le disait du temps de la Réformation, nous avons tout-mis en prêches". .. » Ostervald cherche à remédier à cette erreur par diverses mesures. Les services sur semaine ne comporteront en général pas de prêche. On y lira la Bible ; et on la lira pour, elle-même, sans préoccupations dogmatiques, dans sa richesse variée. C'est pour faciliter cette lecture que le pasteur de Neuchâtel compose les introductions et les conclusions très brèves intitulées Arguments, et réflexions sur les livres et sur les ~ &l%44ld~m~t, ~lltttlW llV~àt ~~AlballMaAAui~~t~mw ~*, chapitres de la Bible.: A l'intention du culte dominical enfin paraît la -. 'Litùrgie (1718).Cette oeuvre considérable elle aussi, et justement consi- dérée, cherche à ramener le sermon à la place qui lui était attribuée dans l'antiquité chrétienne : celle d'un « accessoire ». Largement ouverte aux i affirmations les plus sûres de la foi oecuménique, elle se préoccupe d'établir entre eux un ordre convenable et fixe. Surtout, elle voudrait amener le peuple de l'Eglise à intervenir dans le service divin : « Le I peuple ne doit pas assister au service divin seulement'en qualité d'au- diteur ou de spectateur, ni même suivre simplement de la pensée ce qui est prononcé par les ministres de l'Eglise, mais il doit aussi parler de son côté ; et tout au moins il devrait répondre Amen à ce qui est dit au nom de l'assemblée. C'est une chose reconnue que l'ancienne manière de célébrer le service était de le faire à diverses reprises, et par antiphones,

c'est-à-dire par réponses ".&& Le synergisme apparaît moins nettement dans cet essai de réforme du culte que dans la dogmatique d'Ostervald. Mais il y est, et vous le décelez sans trop de peine. Le culte nouveau, tel qu'Ostervald et ses collaborateurs le conçoivent, n'aurait plus le caractère massif et passif qu'avait eu celui du siècle antérieur. Mais il ne présenterait pas non plus

&4 R. GRETILLAT ouvr. cIté, lettre 23. » La Liturgie ou manière de célébrer le service divin ; qni est établie dans les Eglises de Neufchâtel et de Vallangin. A Basic. MDCCXIII, préface. la spontanéité de celui que décrit le chapitre 14 de la première Epître aux Corinthiens ; il ne serait pas le produit de la seule inspiration divine. Dans la mesure où la liturgie de 1718 entrera en vigueur (chez nous les répons ne datent que de 1948 ; ils auront attendu plus de 200 ans), le culte sera, pour une large part, l'effet de mesures humaines, ration- nellement étudiées, proposées à l'acceptation volontaire des fidèles : contribution humaine, affaire de morale autant que de piété. Au total, cet appel ostervaldien à la collaboration de l'homme avec Dieu, soit dans la con.duite quotidienne, soit dans la célébration du culte public, est parfaitement avéré. Il ne s'agit pas de le nier.

La tendance ftna e.

Eu ce qui précède, Ostervald aurait été synergiste. La théologie synergiste est-elle de mauvaise théologie, ainsi que beaucoup le disent ? C'est une théologie qui tient compte du réel, ou de l'expérience. Elle est applicable à l'homme tel que la chute l'a façonné. Qu'est-ce que la chute pour Adam, sinon d'avoir cédé à la tentation de goûter de l'arbre de la connaissance du bien et du mal, c'est-à-dire d'avoir tendu à l'auto- nomie de la coriscience et de l'action morales !Une fois chassé de l'Eden, l'homme, dans sa moyenne, n'est nullement l'homme fictif que dépeint I la théologie des décrets et que l'on dit corrompu en ce sens qu'il serait privé de toute liberté morale. C'est l'être « raisonnable et libre », celui qui caractérise l'humanité cIassique. Raisonnable et libre, en moyenne, même en Israël, même au sein du christianisme où est apparue du reste la définition de l'homme classique ; même au' sein du christianisme là où celui-ci, passé à l'état d'institution (c'est-à-dire' un peu partout en Occi- dent), demeure à la surface des âmes, et où le chrétien. se confond avec l'honnête homme, le brave homme, l'homme de bien, le juste. Adaptée au réel, cette théologie est pratiquée, largement, dans la Bible. C'est celle de Moïse lorsqu'il dit à son peuple : « I e comman- dement que je te prescris n'est certainement point au-dessus de tes forces ...Vois, je mets aujourd'hui devant toi -la vie et le bien, la mort et le mal. .. Choisis la vie, afin que tu vives ".» Et Jésus-Christ lui-même juge à propos d'y consentir lorsque, à un interlocuteur soucieux d'obtenir la vie éternelle, il rappelle l'existence de la loi, et ajoute : « Fais cela, et tu vivras". » Que l'on cesse donc de reprocher à Ostervald d'avoir enseigné et ) pratiqué cette théologie-là. Elle avait, de son temps, sa raison d'être, comme elle l'avait au temps de Moïse, comme elle l'avait au temps du ministère terrestre de Jésus. Elle l'a encore de nos jours. Les réformes ostervaldiennes n'auront pas été vaines. Il était nécessaire, et il sera sans doute toujours opportun, de rappeler à l'homme qui s'estime mora- lement libre, et l'est au sein d'un christianisme 1 qui (même courant) la nécessité de vivre volontairement ses croyances dans la vie quotidienne, et d admettre volontairement, pour le culte dominical, une çertaine disci-

, pline, appliquant ainsi sa libre énergie au double service de Dieu ; colla- borant, de cette façon-là, avec Dieu. La théologie synergiste est donc admissible. Elle s'impose même. Comment Dieu s'approchera-t-il de l'homme s'il ne consent pas à l'abor- der tel qu'il est ! Cette théologie s'impose, mais à la condition d'être ce qu'elle est dans la Bible aussi : une théologie de passage. Et nous voici revenus" —pour la souligner —à une notion essentielle pour notre foi, à un point vital dans l'histoire dont nous tentons de pénétrer le secret. Selon,la Bible la loi, cette loi qui commence par composer avec la destinée grâce, est à conduire1K~ au règne de la seule grâce. L'Ancien Testament, livre. de la loi, débouche dans le Nouveau, livre de la

grâce. L'on voit aisément que, . dans ce dernier, le gage donné aux justes par Jésus-Christ, est tout pédagogique, destiné finalement à amener les justes à reconnaître leur péché précisément dans cette con- fiance qu'ils ont eue en eux-mêmes, à se prosterner aux côtés du péager, à ne leur laisser d'autre refuge que la grâce. C'est là tout le drame qui fera de Saul de Tarse un saint Paul. C'est aussi tout le drame au travers duquel le moine Martin Luther, l'homme du. synergisme catholique,

&tt Deutéronome 30, 11, 15, 19. » Evangile selon Luc, 10, 25-29. » Voir p. 21 de cet exposé.

80 rètrouvera la veine profonde de la révélation biblique, qui est aussi l'essence du protestantisme. L'urgente question qui se pose devant Ostervald, c'est de savoir s'il a franchi le passage, ou si du moins il l'a pressenti. Bien des indices

autorisent à répondre par .l'affirmative. Les synergistes n'étaient pas seuls, de son temps, à aspirer à une Eglise plus vivante que celle du XVII siècle. Un vaste mouvement s'était produit en Allemagne dans ce sens. On s'est mis à lui donner le nom I douteux de piétisme„: douteux en ce qu'il évoqué surtout les côtés bizarres et les étroitesses du mouvement, de telle façon qu'à lui seul, aux yeux de certains, le terme-est dépréciatif. Mais en fait c'est au piétisme que sont dues les missions (extérieures et intérieures). Le grand réveil anglais de Wesley, l'Eglise des Frères moraves lui sont apparentés. Il se meut certainement dans l'ambiance la plus sûre du protestantisme, dans sa ligne la plus authentique". Le nom de Spener, son fondateur, durera plus longtemps, dans l'histoire de l'Eglise, et dans la reconnais- sance de l'Eglise que celui d'Albrecht Ritschl, le théologien d'inspiration kantienne qui en fit au XIX' siècle une âpre critique. Ostervald fut-il piétiste Y On le prétendait, à Berne, où l'on estimait trop peu ferme la réaction de la Vénérable Classe contre le. mouvement. Il ne 1*est point ; il considère comme « un mal » le progrès des dissi- dents dans le pays ; il admet les mesures, d'ailleurs modérées, en effet, -prises par le gouvernement contre eux. Mais ces mesures, il les légitime par opportunisme plus que par principe : si l'on tolérait les piétistes, dit-il, il en faudrait faire autant pour les papistes". Et'un souci plus profond creuse le chef de l'Eglise neuchâteloise. Il passe par cette crise ' que M. R. Gretillat a décelée à juste titre dans sa carrière, et qui se déclenche dès 1715. Les épreuves personnelles qui fondent alors sur lui y sont pour quelque chose. Il devient veuf ; il perd en la personne de son collaborateur Tribolet un ami très cher ; il est atteint dans sa santé. Nais, surtout, sa reforme n'aboutit pas. Elle est de ces réformes

» Voir A.' DoaxER, Histoire de la théologie protestante, trad. Paumier. Paris, 1870, p. 547. —R. SoHM, Aperçu de l'histoire de l'Eglise chrétienne. , 1892, p. 208. —E. Cuorsv, Précis de l'histoire. générale du christianisme. Paris, i1923, p. 122. s& Voir R. GRETILLAT ouvr. cité, lettres 7, 59, 64, 113 et p. 162. I qu'il faut réaliser, et dont l'insuffisance doit se révéler un jour ou l'autre. A en croire les lettres que le pasteur écrit dès ce moment à J.-A. Turrettini, l'ombre ne cesse de s'épaissir sur le pays : Entre nous il y a un certain esprit répandu depuis peu dans ce'pays qui me fait craindre qu'à divers égards, il ne s'introduise bien du désordre .„.dans la religion. .. (Mai 1715.) Je vois d'affreux prinçipes de déisme qui se répandent partout ; à quoi le malheureux Bayle a bien contribué, comme vous le remarquez. J'ai accoutumé de dire que jamais il ne s'est fait un si méchant livre ou qui ait empoisonné tant d'esprits. .. (Déc. 1721.) Vous me témoignez, mon cher ami, dans vos deux dernières lettres en termes touchants, que l'esprit d'irréligion, de mondanité et de luxe augmente à vue d'oeil chez vous ; hélas il en est de même ici ; je puis vous dire que depuis un an celà va d*un train qui m'effraye. On nous dit des choses affreuses d'une ville voisine. Tout ceci conduira nos, .Eglises à la ruine. .. (Sept. 1725.) Six mois après (avril 1726) : Je vous proteste, mon cher frère, que je ne me reconnais plus et que je suis tout découragé. On se déchire par des libelles et par des vers satiriques et mordants ; on débite les plus noires calomnies ; on a fait en particulier des vers contre les pasteurs. Le premier' (c'est moi, sans nulle vanité) est un hypocrite et tout son fait n'est que fard. On raille le second sur une récom- pense que César lui prépare, à l'occasion d'un texte qu'il avait traité. Le troi- sième, qui est notre nouveau collègue n'est bon que pour la philosophie. Vous voyez qu'on me donne un rang fort honorable et qu"on loue les autres en com- paraison de ce qu'on dit de moi ". Nous aurions du reste peu dit du sentiment d'Ostervald sur son temps si nous tenions secrets les passages de sa correspondance où il met en cause le clergé lui-même, passages par où nous revenons au piétisme : C'est une maladie et une espèce de contagion qui se communique. .. Disons pourtant qu'il faudrait leur ôter cette pierre de scandale à laquelle ils s'aheurtent lorsqu-'ils se plaignent des ministres et des étudiants en théologie, de leur vie et. de leur extérieur aussi bien que de leur prédication, où en vérité l'on voit bien plus l'esprit de mondanité et d'orgueil que l'esprit d'humi- lité, de simplicité et de renoncement au monde qui devrait être leur caractère.

s& Pour ces quatre dernières citations; voir R. GREvir. x,av, ouvr. cité, lettres 78, 96, 114, 117. Ceci date de février 1726. En février 1702 (vingt-quatre ans aupa- ravant) il avait écrit déjà.:

: Le mal vient des ecclésiastiques qui ne travaillent pas à la réformation de l'Eglise et des m(eurs et qui franchement ne prêchent pas l'Evangile. On ne peut pas dire que l'Evangile soit prêché ea certains lüux, et je ne m'étonne. point si certaines gens ont du dégoût pour les prédicateurs. Tels entrera plus' en Paradis que de ceux sont les piétistes, crois qu'il en t c- '&air ~ que ' "" je ~'"vt-" g li"'% MI!tics r-ttasittws!M~ ~MA t-,;.. t'„Vasti tt"ttt' S 4%i 4~ ' " «v t to ic allé„ttit r cotsaJ~ttttt„qt ~ie t. st~st. ;. qui' ttt lës persécutent. .. 'c & 'vtt tttlttt'!tira cc v tt, l. tstttttitltrstt tt~attttht Entre deux (février 1716) : Ces piétistes se multiplient, mais prenons garde que ces gens-là ne se lèvent un jour en jugement contre nous. .. Pour moi, je suis ocçupé de cette devoir pensée nuit et jour, , que nous autres ministres ne faisons, pas notre et je me condamne moi-même le premier'-".

La piété d'Ostervald est donc bien près de comprendre les piétistes. Et cette sympathie, ouvertement exprimée dans sa correspondance, n'est pas sans transparaître dans l'oeuvre imprimée. Il y a une évidente parenté d'intention entre le Traité des Source de lu Corruption (et sans doute Les Entretiens pieux aussi) et l'un des livres capitaux de Spener, les Pia Desideria, parus en 1675. I.orsque Ostervald, parlant des Entre- tiens, dit : « Je ne connais point d'auteurs qui ayent écrit sur cette matière, du moins en nôtre langue », je gagerais que cette restriction vise Spener. Déjà dans son Traité sur la Corruptiori, le rapport de la paulinien en des termes qui, sans rendre un ' son" '." loi à la grâce est signalé t, ttttttl ~tige sl It!I ir ~ o ~Cá ~?m~ W4P ~~~bu gl ttt, tt~ ~if- lwl~k *~ ~~%AI ~~t. tout à fait pur, inclinent de ce çôté. Il vient d'écrire ce mot d'un mora- tlisme si accentué (je l'ai déjà cité) : « Avant de se confier en Dieu il faut j s'assurer que l'on a droit de se confier en Lui. » Mais il ajoute, peu après : « Il (saint Paul) n'a pas voulu dire que les bonnes oeuvres ne soient pas nécessaires sous l'Alliance de la grâce. .. Autre çhose est le mérite des tnuvres et autre chose en rejeter la nécessité. .. rejeter v' D' ' &"ws sa ' 'Ilttvvtt'4xso« ' s w vctiwt' wt s t'a t sttctttttot" "~ti~ 'Sa pensée est que les oeuvres ne sont point la cause et le fondement du salut, mais la seule miséricorde. de Dieu en Jésus-Christ". »

s& Voir R. GRETILLAT ouvr. cité, lettres 115, 5, 60. &s Traité des Sources de la Corruption, eti. citée, I, p. 131-134. Le Catéchisme àffirme que nous ne pouvons pas être sauvés sans les bonnes oeuvres, sans doute ; mais il a commencé par rappeler que les bonnes oeuvres sont le produit néçessaire de la foi. Bien sûr, la foi est à ses yeux surtout une croyance, et une croyance que l'on doit croire. Mais c'est une croyance en la justification « par la foi ». « Comment ~ sommes-nous justifiés '? Nous le sommes par la seule miséricorde de Dieu, et par le sacrifice de Nôtre Seigneur Jésus-Christ. .. Rom. 8, 23, 24. Nous sommes justifiés gratuitement par la grâce de Dieu, par la rédemp- tion qui est en Jésus-Christ, què Dieu a ordonné de tout temps .pour être propitiatoire par la foi en son sang "... »

Le sermon sur Gal. 2, 20, interprète le mot && je vis dans la foi au Fils de Dieu qui m'a aimé et s'est donné lui-même pour moi » de la façon suivante : la foi nous .commande « ce que nous devons faire ' (c'est moi qui souligne) pour avoir part » à cet amour. Ce n'en est pas moins dans ce discours que l'on trouve l'admirable page quelque- / fois citée : I doctrine de , La doctrine de Jésus-Christ n'est pas une simple et nue morale ; c'est la doctrine de la croix et de la foi ; et toute la, morale çhré- ' tienne a son fondement dans la foi en Jésus-Çbri:st "c"ëst de là 'qu'élle tire sa perfection et sa force. Pesez bien les paroles de saint Paul : Ckrïàt ëit en' m'e moi, ët ce'ire jets dens la chair je le vis dans lu foi au fils de Dkeri qui aimé et qui s'est donné lui-même pour moi. Cela veut-il dire seulement que Jésus est un docteur qui nous apprend à bien vivre, que son Evangile nous enseigne en quoi consiste la vie spirituelle ? Ce serait exprimer faiblement ce que Jésus-Christ est. Mais il faut dire que Jésus crucifié est le principe, le seul principe de cette vie, que ce n'est que par lui, et par la vertu de sa mort que nous vivons à Dieu. Hors de moi, nous dit-il, vous ne pouvez rien faire. .. Une certaine méthode de prêcher"s'est introduite, qui est bien éloignée de celle des Apôtres. Plusieurs font de l'éloquence mondaine le fort de la prédication. .. comme si c'était par des discours fleuris, par des pensées bril- lantes, par des expressions vives et hardies, ou par un beau geste qu'on pourra faire des chrétiens. D'autres prêchent en philosophes, plutôt qu'en ministres de Jésus-Christ. Ils prêchent à peu près comme Platon, Socrate, ou Sénèque auraient prêché ; ils ne vont guère au delà de la religion naturelle. Ce sont de grands raisonnements, de belles moralités ; ce sont des réflexions tantôt

s& Catéchisme, partie I, ~section V. sur l'excellence de la vertu, tantôt sur la laideur du vice, tantôt sur le bien de la société, tantôt sur le coeur de l'homme. Ces réflexions peuvent être justes ; elles ont leur utilité ; mais le principal manque dans ces discours : Jésus- Christ, sa croix, sa grâce, son esprit. S'étonnera-t-on si la prédication est sans force '?

Encore faudrait-il, pour donner la preuve que le pasteur de Neuchâtel passe vraiment de cette excellente théorie à la pratique et sait donner à sa propre prédication une tournure vraiment mis- sionnaire, en citer d'autres traits. Celui-ci seulement, cette façon d'insister sur le mot : Il s'est donné pour moi : « Pour moi, c'est-à-dire pour me sauver, pour expier mes péchés, et pour me rendre participant de la gloire et de l'immortalité. .. S. Paul, parlant des vues que nôtre Seigneur avait en mourant, dit : il m'a aimé, il s'est donné pour moi. .. Acte de la foi, ferme persuasion par laquelle chaque fidèle peut s'as- surer que son Sauveur l'a aimé, et s'est donné lui-même pour lui. Qui- conque croit sincèrement en Jésus-Christ le Fils de Dieu peut- dire : Il s'est donné pour moi. Pour moi, voilà le langage de la foi, qui. applique à chaque chrétien en particulier les promesses générales de l'Evangile ?., Sans quoi la foi n'aurait aucun fondement solide, ni par conséquent aucune efficace ".» Il faudrait enfin consulter les Entretiens pieux que le fils de Jean- Frédéric, le pasteur Jean-Rodolphe, publia après la mort de son père. Ils présentent, à vrai dire, un certain noinbre de platitudes. Mais vous 'y trouveriez aussi des passages où le sens chrétien du sacerdoce uni- versel et l'affirmation de la réalité du corps de Christ dans le groupe

des croyants dépassent .de beaucoup tout moralisme : ainsi- ces consi- dérations (de la 2' partie, chap. 5), appuyées sur I Cor. 12 : « Il est ' " ' ' certain qu'une infinité de gens périssent pour ne s'ouvrir à personne . ;r'' sur ce qui concerne l'état et les besoins de. leur âme. C'est un excellent moyen de se corriger de ses défauts que d'en faire l'aveu à quelqu'un. .. Je ne vois même pas comment on pourrait se corriger sans ce secours-là. On est à plaindre quand on n'a ni ami, ni conseil, ni directeur dans l'affaire la plus importante de toutes. » I,es entretiens, continue Oster-

-''j: Ç~ . ' ' '. &-"-'."". ~'~ '&i&, » Douze sermons. .., ,p. 192-193, p. 171-172. ~~.i . -„ç", „'. 4, vald, donnent, avec les « lumières &&, le && courage && et la « joie spiri- qu'on tuelle &&. &&Ce n'est pas tout, ajoute-t-il. Il est certain obtient par là, de même que par la prière, de nouveaux secours et de nouveaux degrés de grâce. Dieu est présent à ces entretiens dont il est luy-même le sujet. » Au total, Ostervald ne s'est pas rallié au piétisme. Mais, les histo- riens le reconnaissent avec raison, le moins que l'on puisse dire à cet égard, c'est qu'il a préparé au piétisme un utile chemin dans la théologie et dans la pratique de l'Eglîse".

Faut-il parler d'une évolution dans l'attitude d'Ostervald 'P Il s'agit' sans plutôt d'une tendance, manifestée de très bonne heure, et qui, com- doute, s'accentue vers la fin de sa carrière, sans jamais s'épanouir C'est au plètement. Mais la tendance y est, symptomatique. la réponse le double appel par lequel Dieu entend constituer l'Eglise et préparer rétablissement de son Royaume : l'appel de la loi, d'abord, celui de la I au-delà de la grâce ensuite, l'un menant à l'autre. Cette marche vers un "U~Wsts~a~~« ~IA~~' cst. :.Aryà«A. ttl~« +tt elle loi est dans l'ordre des choses, dans l'ordre chrétien des choses ; répond à une Volonté miséricordieuse. Il est dans l'ordre rédempteur des limites de cet que la pratique sérieuse du synergisme conduise hors effort. L'insistance d'Ostervald à demander la pratique des oeuvres un &&allait produire un véritable réveil » a écrit Philippe Godet". En autre'sens encore, en un autre sens surtout que l'entend l'historien de nos lettres romandes. Ne mettons pas en doute les résultats directs que put' avoir, qu'eut certainement le double effort moral et liturgique d'Ostervald, et qu'il peut encore avoir. Il l'eut dans cette tenue morale, si forte dans sa pondération, qui caractérisa, tout près de nous encore, désirable vue dans sa moyenne, la génération de nos pères. Et il est fort qu'il l'ait encore en nous. Mais, Ostervald lui-même ne s'est pas fait de réveil étaient longues illusions sur ce point, les vrais résultats, le vrai

littéraire de la Suisse française, p. 195. » Histoire de Valan- ss -A. Doa~ER, ouvr. cité, p. 363, 376. —Louis Henriod, pasteur Voir J. évangéliques adhéré aux e doctrines 14«lt«t WA IWI qu'Ostervald aurait nettement 'l". -.NjtttàtttttA AAAUUUAUAIA . pense »A' à t UA t 'I U cA«, à tr IAA »Aàl« gin en 1863, ' AA AIU '' eA ««tt I Att' tA«tl ttà ' Utt At tV ": . " Al à«AU "' . ttD " AU rtàt "7. qu'a relevées 'ïerrévéii' de ïio«tré siècle, ë, oluvr. ciie, p. ~ sàUUIAl, ià« U Aàlt Ul Uotàl«AAUU- ' ' ~tvtAIAAUt' IUCttsatt«t, Uattà«tggOAiW«IUUAltstà«AAlttAtl ailleurs, au delà de l'honorabilité morale, si appréciable que soit celle-ci. Ils sont ailleurs : Telle est la leçon que perçut le moraliste, le liturge de Neuchâtel, et que Dieu nous donne encore par lui.

Les contemporains d'Ostervald, à la nouvelle de sa mort, expri- mèrent leur deuil avec quelque' emphase, dans le style de l'époque. Preuve en soit l'article du Journal helvétique d'avril 1747, ou le livre de David Durand, première biographie de notre héros, en 1778. Dans le pays de Neuchâtel même, une réaction s'est esquissée au début de ce siècle, marquée par le J.-F. OstermaM de M. R. Gretillat (1904), alimentée de nos jours par le renouveau des doctrines calvinistes strictes. Je la crois passagère. Ce qui me frappe, dans la tradition neu- châteloise (pour ne parler ici que d'elle), c'est, à l'égard de l'honorable doyen de la Vénérable Classe, la constance de la gratitude. Elle s'ex- prime, avec une juste mesure d'ailleurs, tout le long du siècle que devait dominer la stature de Frédéric Godet. L'hommage confiant que ce dernier rend à Ostervald, en 1859, dans son Histoire de la Réformation et du Refuge (p. 278), le doyen James DuPasquier l'avait fait entendre en 1880 à l'occasion du troisième centenaire de la Réformation. Et de- même, en 1840, au cours de l'Histoire de Neuchâtel et de Valangin, Frédéric de Chambrier (p. 500-501). Louis Junod s'y ralliera en 1868 (Histoire populaire de Neuchâtel, p. 205, 250). De mêmé, quelque vingt ans plus tard, Henri DuBois (Encyclopédie des Sciences. religieuses, article Neuchâtel). Ce témoignage s'est accentué en 1868, l'année du- deuxième centenaire de la naissance d'Ostervald, à la suite d'une cri- tique très serrée de la théologie ostervaldienne par un pasteur libriste vaudois, -M. Bauty. Louis Henriod, pasteur de Valangin, et Auguste Bon- hôte, pasteur dé Boudry, répondront avec vigueur ; le premier dans la préface à laquelle j'ai emprunté plus d'une citation, le second dans une brochure fort bien construite ".Cet hommage, qu'il serait juste d'étendre

ss Défense d'Ostervald et de sa théologie par, un pasteur neuchâtelois. Neuchâtel, chez James Attinger, 1863. au triumvirat helvétique ", il mé sera permis, l'infléchissant un peu, de le résumer dans les termes suivants :

l'on +ne orthodoxie que dit « moyenne && ou « mitigée », et qui l'est en ce sens qu'elle s'abstient des excentricités calviniennes ; une orthodoxie de caractère essentiellement biblique, soucieuse d'union et sur le terrain réformé et sur le terrain oecuménique ; une orthodoxie irénique, sans aucun goût pour les disputes au sujet du dogme ; préoccupée d'appliquer ce dernier dans la vie quotidienne ; fortement imprégnée de moralisme, certes, mais ouverte, par là-même, de façon indirecte, au sens du Réveil ;

de la théologie, certes —et faite par un théologien très .doué pour la théologie, très bien préparé à la théologie, —mais une théologie hantée ~'acwwg WWaX& "~ZXr par un impératif venu de haut et l'invite. ', qui à,,s,épanouir, .en. ,piété, tel est le témoignage rendu à l'orthodoxie et à la théologie d'Oster- vald par les plus dignes Neuchâtelois du siècle dernier ; tel est le témoi-

gnage rendu par eux à celui « qui, pour vous, disait Louis Henriod, .est encore vivant », et qu'il vous faut aborder avec un vivant respect, ajou- tait-il, pour éviter que d'autres ne l'étudient « avec les procédés que l'on emploie pour anatomiser les morts "».

Je souhaite que la génération actuelle enchaîne, à cet égard, avec celle de ces devanciers-là, dans une reconnaissance soucieuse du présent et de l'avenir. Car, les choses vues de près et dans leur essence, en dépit de l'évolution vertigineuse que subissent l'économie et la politique, l'Eglise n'a besoin d'aucune autre inspiration que celle à laquelle obéit le très humble Jean-Frédéric Ostervald. J'ai parlé d'emphase à propos des témoignages rendus à Ostervald au moment de sa mort. Tout compte fait, l'épitaphe qui orne ce temple n'en est pas affectée, et nous ne saurions mieux conclure qu'en nous y associant. En voici une traduction :

» J.-A. Doa+Ea le fait, ouor. .cité, p. 363, 376. && Louis HENRIoD, ouur. cité, p. 6. A CELUI QUE TANT DE TITRES RENDENT VÉNÉRABLE : A JEAN FREDÉRIC OSTERVALD, TREIZE ANS DIACRE, QUARANTE-HUIT ANS PASTEUR DE CETTE ÉGLISE AU PASTEUR PIEUX, ÉLOQUENT', FIDÈLE, JUSQU A SON DERNIER JOUR INFATIGABLE ; AU THEOLOGIEN D UNE SCIENCE CONSOMMÉE ET D UN ZÈLE IRRÉPROCHABLE, QUI FORMA AVEC UN ENTIER DÉSINTÉRESSEMENT LES CANDIDATS AU SAINT MINISTÈRE ; A L HOMME QUI PAR SES TRAVAUX ET SES ÉCRITS

A BIEN MÉRITÉ DU MONDE CHRÉTIEN TOUT ENTIER 7 AU MEMBRE DISTINGUÉ DE LA SOCIÉTÉ ANGLAISE POUR LA PROPAGATION DE LA FOI ; AU BERGER TRÈS AIMÉ DU TROUPEAU QU IL CONDUISIT ET QUI DÉSORMAIS LE REGRETTE AMÈREMENT, LE CONSEIL DE LA VILLE DE NEUCHATEL AFFLIGÉ A ÉLEVÉ CE MONUMENT, TÉMOIGNAGE D UNE RECONNAISSANCE QUE NOS DESCENDANTS DEVRONT CULTIVER A JAMAIS ; NÉ LE 25 NOVEMBRE 1663, FRAPPÉ D UNE MALADIE MORTELLE PENDANT UNE PRÉDICATION DEVANT SA PAROISSE LE 14 AOUT 1746, IL DÉCÉDA LE 14 AVRIL 1747, ENSEVELI TROIS JOURS APRÈS EN PRÉSENCE DE TOUTE L ÉGLISE EN LARMES. SI TU SAIS ÊTRE ATTENTIVE, ÉGLISE, ICI ENCORE SOUS LE MARBRE INSENSIBLE CE VRAI PASTEUR~ QUI DEMEURE LE TIEN~ TE PARLE.'

M8lll 1CC NEESER. ()STKRVALB TRADUCTEUR BK LA BIBLE',

Ostervald, traducteur ? En réalité, réviseur d'une traduction déjà bien des fois revue et corrigée depuis Olivétan (1585). Mais sa révision, parue en 1744, d'une édition de la Bible de Genève publiée à vingt ans auparavant, est assez sérieuse, assez importante pour faire date dans l'histoire des versions françaises de la Sainte Ecriture. Cette histoire remonte au commencement du XII' siècle '. Il faudrait en donner au moins un léger aperçu pour mettre l'oeuvre d'Ostervald à son rang. - Et il-faudrait faire spécialement l'historique de sa révision, dire un peu comment il a été amené à l'entreprendre. Mais, le temps dont je dispose étant fort limité, je dois me résoudre à laisser de côté une partie de mon exposé qui ne serait pas inutile pour introduire convenablement ce que vous allez entendre. -Au reste, je pense qu'on attend surtout de moi une réponse sommaire à cette question : que vaut la traduction (ou révision de traduction) d'Ostervald ?

Le souci majeur, la principale préoccupation d'un traducteur, et surtout d'un traducteur de la Bible, doit être la fidélité à l'original. Mais la fidélité n'est pas comprise par tous de la même façon. Il arrive qu'on la. confonde avec la littéralité, qui peut être traîtresse.

' Je laisse à peu de choses près au texte de ces pages, tout en l'annotant de mon mieux, la forme sous laquelle il a été lu à la séance universitaire du 5 novembre. Quelques passages, supprimés à la lecture, ont été rétablis. 'Voir Emmanuel PPTAVEL La Bible en France ou les traductions françaises des Saintes Ecritures, Paris, 1864.—D. LORTscH, Histoire de la Bible en France, Paris, 1910.—Et surtout, pour la période antérieure à l'imprimerie, le magistral ouvrage. de Samuel BEnoER, La Bible française au moyen âge, Paris, 1884. Parce qu'ils voient, dans la Bible la pensée même de Dieu, certains traducteurs rêvent d'un strict mot à mot, d'une parfaite adhérence du texte français à l'expression hébraïque ou grecque de cette pensée. - Suivant eux, quand le style biblique est obscur, cette obscurité doit être conservée, car elle est voulue ; il peut plaire à la Révélation de s'en- tourer de mystère. Ces principes sont appliqués, pas toujours logique- ment, mais parfois avec une logique désastreuse, dans la version dite de Lausanne, publiée de 1889 à 1874. On y lit par exemple : « Les magistrats ne sont pas la terreur des bonnes oeuvre, mais des mau- vaises'. » Ou encore : « Je me retournai pour voir la voix qui m'avait parlé'. » C'est exactement calqué sur le grec ; mais cela montre ce que les textes sacrés ont à craindre d'un respect-mal entendu. Ostervald n'est pas, en général, littéral à l'excès. S'il a des passages qui hébraïsent d'une manière un peu barbare (« Mes entrailles font du bruit sur Moab comme une harpe. ..' »), ce n'est pas système ou scrupule de sa part ; c'est que, trouvant ces phrases dans la traduction qu'il révisait, il ne les a pas, ou pas suffisamment corrigées ; chose à regretter sans doute. Mais il y a un autre écueil à éviter, l'abus de la paraphrase. Celui-ci est pire encore. Une excessive littéralité peut rendre le texte inintel- ligible, grotesque ; c'est une façon de le desservir ; du moins ne le falsifie-t-on pas. Il n'y a pas de borne à l'arbitraire d'un traducteur qui mêle au texte les interprétations qu'il a dans l'esprit. La Bible de Charles Lecène, éditée en 1741 par son fils, libraire à Amsterdam, offre d'innombrables exemples de cette fâcheuse manière de faire. Dans son Projet d'une nouvelle version de la Bible (1696), Lecène avait voulu justifier d'avance son système. Système lumineux. Rationaliste, il veut rationaliser toute l'Ecriture ; moyennant quoi, il croit pouvoir. la tenir pour acceptable dans toutes ses parties. « Faisons l'homme à notre image, selon notre ressemblance'&, devient sous sa plume : « Faisons les hommes sur le dessein et sur l'idée que nous en avons formée. » —L'apôtre Paul entend-il êtré'pris à la lettre quand

'Rom. 13, 3. 4Apoc. 1, 12. 'Esaïe 16, 11. ' Gen. 1, 26. il affirme la corruption totale du genre humain ? Non, sans doute, pense Lecène. Alors traduisons : « Il n'y a presque pas un juste'. » —Saint Jean dit : « La Parole a été faite chair. » Lecène préfère-dire : « Cet oracle était un corps humain'. I ». Ce n'est pas chez Ostervald qu'il faut chercher des sottises de cette taille. Je ne dirai pourtant pas qu'il ne cède jamais à la tentation de paraphraser au lieu de traduire, ou qu'il ne laisse jamais passer une traduction trop paraphrastique. On regrette de rencontrer cette altération timide d'un texte frappant : « Les péagers et les femmes gui ont été de mauvaise vie vous devancent au Royaume de Dieu'. » Cette petite tache a heureusement disparu de la deuxième édition d'Ostervald, celle de 1764, la première qu'on ait faite après sa mort. Les mots qui ont été sont imprimés en italique, ce qui signifie qu'ils sont ajoutés, mais ajoutés comme nécessaires au sens", et tel n'est point le cas& Il est supposé évidemment que ces pécheurs et ces pécheresses notoires ont quitté leurs péchés, puisque l'appel auquel ils sont félicités d'avoir obéi était une invitation à la repentance. Mais il y a dans cette parole un effet de contraste que la lecture ne doit pas affaiblir. ,

Petite tache, ai-je dit. Ce n'est pas cette concession, ou telle autre, , faite à une susceptibilité morale très prompte à s'alarmer, qui peut ranger Ostervald du côté des traducteurs infidèles. Y aurait-il des motifs plus sérieux de le taxer d'infidélité ? Le pasteur O. Douen a publié en 1868 dans la Revue de théologie de Strasbourg" des Notes sur les altérations catholicfues et protestantes du Nouveau Testament. Ce sujet peu édifiant a été repris par le pasteur Lortsch dans son Histoire de la Bible en France ".Il compte trente-cinq des méfaits en question du côté catholique, mais n'en retrouve plus que cinq dans la Bible de l'abbé Crampon, et ce ne sont pas les plus graves. Le temps n'est plus où l'on imprimait (Nouveau Testament de Bor-

' Rom. 3, 10. ' Jean 1, 14. ' Matth. 21, 31. "Cette indication fait défaut dans Luc 7, 37 : e Une femme qui avait été de mauvaise vie. o Et dans ce texte, les mots ajoutés ont mis plus de temps à être éliminés parles réviseurs d'Ostervald. "P. 1-24, 97-117, 137-153. ~P. 478 et ss. Voir aussi Edmond STApFER La Traduction protestante française du Nouveau Testamenf, dans la Revue chrétienne, avril, juin et août 1900, deaux, 1686): « Comme ils offraient au Seigneur le sacrifice de la messe », au lieu de : « Comme ils vaquaient au service du Seigneur" », tra- duction d'Ostervald qui est aussi celle de Crampon. Les altérations pro- testantes (il y en aurait vingt-six) proviennent toutes, sauf deux qu'on montre déjà chez Olivétan, des révisions faites à Genève par Calvin, de Bèze et leur entourage. Elles ont presque toutes disparu de nos actuellement en usage. Je n'ai ni le temps ni l'envie de reprendre l'une après l'autre les pièces de' ce double procès. Je ne m'occupe que d'Ostervald, qui a encore, dans son édition princeps, neuf de ces leçons ' tenues pour tendancieusement fausses. Exemples : Dans l'Evangile selon saint Jean, la traduction : « C'est ici le pain qui est descendu du ciel" » a été reprochée aux réviseurs de Genève comme destinée à écarter la doctrine de la transsubstantiation. Le fait est qu'elle est fausse et qu'Ostervald ne l'a pas corrigée. Il y a, dans le grec, le participe présent. Olivétan avait traduit juste. Les nouvelles ver- sions protestantes ont toutes, comme le Nouveau Testament d'Ostervald révisé en 1894 : le pain qui descend. Saint Paul dit dans l'épître aux Colossiens : « J'achève de souffrir ce qui manque aux souffrances du Christ". . » Olivétan traduit bien : « les choses qui défaillent. » Or on fait dire à l'apôtre : ce qui reste (Calvin :

, le surplus), idée différente, même opposée. Cela, semble-t-il, dans la crainte de tout ce qui peut paraître favorable à la doctrine du mérite des saints. Autre inexactitude, inspirée, on peut le croire, par une préoccupation analogue. Dans l'épître aux Hébreux, là où le texte porte que le Christ « a été exaucé à cause de sa piété "&& (Olivétan : pour sa révérence), 'Calvin traduit : &a été exaucé de ce qu'il craignait. » Ostervald efface' le non-sens, mais au prix de deux mots indûment ajoutés : « exaucé et délivré de ce qu'il craignait. » Ces exemples sont trop longs à rapporter pour que je poursuive. Je n'en vois pas de plus graves parmi ceux qui resteraient à signaler. Et il y a des cas, ce me semble, où une traduction a été déclarée fautive

' xs A&i&& 13 2 x4 J&&& 6 50 w Cûl 1 24 xe HbbI' 5 7 quand il eût fallu se borner à dire qu'elle n'était pas la seule possible. Je pense en particulier à celle d'un texte que les catéchismes ont popu- l.arisé comme témoignage rendu à la Bible par elk-même : « Toute l'Ecri- ture est divinement inspirée et utile pour enseigner, pour convaincre, pour corriger, pour instruire dans la justice". » Telle est la traduçtion de Genève et celle d'Ostervald. Dans le grec il n'y a pas l'article. Toute Sciure est plus juste, mais revient bien au même. Toutes les parties du recueil sacré, cela vaut la totalité de ce recueil, qui d'ailleurs pour un Timothée ne pouvait être que l'Ancien Testament. Quant à la suite du passage, on peut, suivant la place qu'on donne au verbe sous-entendu dans l'original, traduire : « Toute Ecriture est divinement inspirée et utile », ou bien : « Toute Ecriture divinement inspirée est aussi utile ... » Devant le texte grec, on peut hésiter, mais avec la seconde traduction la pènsée devient d'une banalité extrême. En tout cas, il est ridicule de s'écrier qu'ici « les préoccupations dogmatiques, le besoin d'illustrer, pour ainsi dire, l'autorité des Ecritures opposées à la tradition, ont fait lourdement broncher les traducteurs ".» Une parole de l'épître aux Hébreux, sous la forme qu'elle a.dans Ostervald : « Le mariage est honorable entre tous" », a été exploitée contre le célibat des prêtres. Cependant cette leçon remonte, par delà Olivétan, à Le Fèvre d'Etaples ; et là, Le Fèvre suit simplement la vul- gate : Honorcbile connubium in omnibus. On n'accusera pourtant pas la vulgate d'altération anticatholique i Des réviseurs catholiques de Le Fèvre traduisent : en tous, ou en toutes choses, ce qui ne les avance pas beaucoup. D'après le contexte, le vrai sens paraît être : « Que le mariage soit honoré de tous. » C'est ainsi, de nos jours, que tout le monde traduit. Nul traducteur n'est infaillible. Des fautes, les réviseurs d'Ostervald en ont trouvé à corriger; Encore lui arrive-t-il de leur faciliter la tâche en signalant en note, comme variante, une traduction plus juste que celle

"2 Tim. 3, 16. "Dans cette traduction, la conjonction copulative kai, qu'il faut alors rendre par aussi, est un peu gênante. Certaines versions l'omettent, ainsi la vulgate clémentine et Olivétan. . "O. DovEw, dans la revue citée, p. 147. "Hébr. 13, 4. qui figure dans son- texte de 1744". Mais on est heureux de pouvoir dire que la Bible d'Ostervald n'offre qu'un maigre butin aux chercheurs de contresens intéressés, ou qui le furent à l'origine. Un résidu de polé- miques interconfessionnelles, c'est peu de chose, quand sont respectées les grandes affirmations qui fondent l'unité de foi des chrétiens. Je n'ai pas pour tâche de juger la théologie d'Ostervald. Mais il m'appartient de noter que ceux qui lui ont reproché des fléchissements dogmatiques ont dû en chercher la preuve ailleurs que dans sa version de la Bible. C'est ce que relevait très bien un pasteur neuchâtelois, Auguste Bonhôte", en réponse aux attaques d'Adolphe Bauty, qui accusait Ostervald de I s'être écarté de la saine doctrine -"'. On était en 1868. De grands débats avaient lieu dans le protestan- tisme français au sujet d'une édition du Nouveau Testament parue à Genève en 1885, que recommandait le parti de l'Union libérale, et qui fut l'occasion d'un schisme au sein de la Société biblique protestante de Paris ".L'autre parti restait fermement attaché à la version d'Ostervald. Pourquoi ? Il ne s'agissait pas de la théologie personnelle d'Ostervald, qui d'ailleurs était beaucoup plus pasteur que théologien. On sait que la dogmatique de Calvin n'avait pas sa sympathie. Il avait eu à Saumur des maîtres qui représentaient quelque chose comme la tendance libé- rale de l'époque. Sans être en majorité, je pense, des calvinistes stricts, ceux des protestants qui, en France, au temps du second Empire, se montraient partisans si décidés de la version d'Ostervald, auraient pu trouver à redire à telle ou telle des Réflexions dont il a fait suivre les chapitres de la Bible". Mais les Réflexions ne s'imprimaient plus, et

"Ainsi, à un endroit du Livre de Job où il est dit que Dieu voit de l'imperfection même dans ses anges (4, 18), ce sens est indiqué au bas de la page, d'après les LXX et la vulgate, tandis qu'une fausse traduction de l'hébreu : s Il met de la lumière dans ses anges s, est maintenue dans le texte. M. Robert Gretillat insiste avec raison sur l'intérêt de ces scolies, qui donnent (je dirai : au moins dans certains cas), s la véritable version d'Ostervald s. Voir Jean-Frédéric Ostervald (Neuchâtel, 1904), p. 251 et ss., 278, et tableau IV. "Défense d'Osiervald et de sa théologie (Neuchâtel, 1863),'p. 40 et ss. "Osiervald ef sa'ihéologie, dans le Chrétien évangélique, Lausanne, 1862-1863. "Voir LDRTscII, op. cif., p. 178 et ss. "M. R. GRETILLAT (op. cii., p. 241) relève par exemple, comme peu orthodoxe, la s Réflexion » sur Marc 14, 32-72, où le retour glorieux du Christ est expliqué ainsi : s Cela s'ac- complit peu après, lorsque les Juifs furent détruits, et qu'ils virent le Règne de 'Notre Seigneur s'établir dans le monde. »

UNE PAGE DE LA BIBLE DE GENÈVE REvISÉE PAR OSTERvALD (Cliché de la Vie protestante) . ca. L AU L R TiIIlothée Cervi urs dg Je - fus Chrift~ à tous le' aInts en Jé- fus Chrift, qui font Philippes, ' a~ /plpg ' ~, v &vêques 6; s Diacres. a grâce 'R a paix vou ~v )' às ' yg~Jéfus-Chri .gxc Z gn.~ ~ ~/~i@ aI.~ rh.~ ~.~ Je rens grâces à IIIon Bie6, toutes les fois ' . . queje de vous g ~~ y, toujours avec joye pneres psatr l gl4p g~ ~ ' ' ~ g. A caufe de vôtre à l'Evangile. ~ depuis le premierjour ufqu'à rnàintenant : * Etant que c lui qui a ))&~&6. ., ' commence erte bonne çeuvre en vous, a ' ' ~ ' e Jésus-ChriR. g ~ 'f ~ g,P~/~)e~ y. ~il e juRe que j'aye ce lentiment de cssr /psvzor sec.nw vous t s eje vous ai dans cceur, p~ apte ~ )5 s ~ p q r dan " 'ens J dans &~tala détenîe 5: la confirmation //~9, 8. &pr Dieu m'eR témoin je vous chéris tous d une a,fFection cordiale ~ ~ en~Jéfus-Christ. k~) +4'Ps)rs))Z ''qu glse /e 9. Et s r eP vôtre cbarité 'de plus. en plus avec connoiAance R Dorrx',+ - tout intelligence :g ~~ ro. ' J @Jo, t1.~p')) I . f st MJé r ~ u p I~ ~, Mé'" fréieSy je que VOuS fa- ) de l'Evan-

En lorte que &liens n ChriRontétéaog eêre) r s'est rr) ~ans. tout le prétoires êc l'ss ~-es'Aye t'~, psrs~ l''~d)er)ses' ebairpr ~ gg~ n t-6 ~/j6(gg

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P )t)Pss&'sr~revs ~)&eorrt~ ~+/ e yr)) er geg Qs)+g/ ~ ~ f ~~ ~ j )))"rr,~ /secs'tr~ rn~b. /~ ~"&~vjr~():~f~ A gent p. ~4nyp L'~ il ++~ î e~~ )))A& K&zu/ QAYf/p A-g fi~J Jg ' )ts)A ea) fr~t d~s'~ ~& 4yJni )e p rér éusîlr)~-ts rr ceux-là même qui les connaissent savent que si l'on s'en tient au texte même de la traduction, on n'y trouve rien dont l'orthodoxie puisse prendre ombrage. La position d'Ostervald comme traducteur est çelle, en somme d'une impartialité respectueuse. Très dépréoccupé de lui- même, très peu désireux de s'affirmer personnellement, il s'effacé devant ce. qu'il traduit, et mérite par cet effacement la confiance que lui ont témoignée tant de protestants « évangéliques », au sens qu'on. donne à ce mot par opposition au libéralisme religieux. En 1882, le pasteur Albert Natter, un des hommes qui se sont le plus occupés de réviser la Bible ostervaldienne, parláit en faveur de cette révision, qui lui paraissait justifiée par bien des inexactitudes de détail ; mais il se plaisait à reconnaître que, dans l'ensemble, « Oster- vald reproduit fidèlement les traits essentiels, les grandes lignes de la révélation biblique "».

Entendue littérairement, la fidélité est aussi un devoir. Devoir dif- ficile en particulier dans la traduction de l'Aricien Testament, le génie hébreu et celui- de notre langue ayant peu de rapport. On a écrit des pages et des pages sur cette difficulté. Plus que toute autre, la langue française a ses exigénces, auxquelles une traduction ne peut se sous- traire sans s'abaisser au rang d'un jargon. Pourtant, un traducteur fran- çais qui ne ferait rien sentir du timbre particulier, du caractère propre du langage. hébraïque, ne serait pas un bon traducteur. Et si l'on passe au Nouveau Testament, il s'agit de rendre en la dénaturant le moins possible la physionomie d'un grec le plus souvent commun, populaire, qui nous apporte (ceci pour les Evangiles) l'écho d'une. prédication. ara- méenne, et où abondent citations et réminiscences de l'Ancien Testa- ment, c'est-à-dire généralement d'un Ancien Testament hellénisé avec plus de zèle que d'. élégance par les judéo-grecs d'Alexandrie. Quand j'étais étudiant, le Nouveau Testament de Stapfer, d'un style coulant, facile, visant trop à la modernité, faisait florès, et un de mes l

"Note sur la révision de la Bible d'Ostervald, présentée à l'Assemblée générale de la Société biblique de France (Paris, 1882), p. 5. camarades pensait le louer en disant : « Il ne semble pas qu'on lise la Bible. » Je crois qu'il faut, en général, féliciter Ostervald'de ne pas mériter cet éloge. Pour l'Ancien Testament, c'est, Segond qui, dans bien des chaires, a remplacé Ostervald. Or, je conserve précieusement les lettres de deux savants connaisseurs de la langue hébraïque, qui l'un et l'autre ont bien voulu m'écrire, en motivant clairement leur jugement, qu'ils préfèrent Ostervald à Segond. Cependant le français de notre traducteur a été l'objet de jugements très sévères. Reuss en a dit beaucoup de mal", ce qui prête un peu à rire, car si ce Strasbourgeois était un érudit de première force, ses publi- cations en langue française (il écrivait aussi en allemand), et notam- son' ment oeuvre monumentale, La Bible, traduction nouvelle, , avec intro- ductions et commentaires, sont fâcheusement marquées de l'empreinte du bilinguisme. A l'époque où la question biblique divisait profondé- ment-le protestantisme français, la version. d'Ostervald fut attaquée vio- lemment, au point de vue de la langue, dans le Lien, en particulier. par un correspondant de ce journal, L. Stein. On a assuré à.Emmanuel Péta- vel" que ce nom n'était qu'un pseudonyme d'Edmond Schérer. L'auteur de ces lettres au Lien, qui ont été réunies en broçhure avec un article d'Athanase Coquerel fils-", est en tout cas un théologien libéral. Pour lui, « la version d'Ostervald est irrévocablement condamnée dans l'espri. t de tout chrétien éclairé ». Il énumère avec hargne les fautes, de langage qu'il a trouvées en examinant le premier tiers du livre des Psaumes, enquête à laquelle il se borne après avoir cueilli quelques échantillons ailleurs. J'admets qu'il soit en droit d'inscrire au compte d'Ostervald des incorrections qui proviennent, il le reconnaît, de la Bible de Genève".

"e La langue française est peu propre, sans doute, à faciliter la tâche d'un traducteur ; mais Ostervald l'a maniée de.façon à en faire presque désespérer o (Article Le psaume XLII, dans la Nouvelle revue de théologie, 1858, p. 12). —Voir aussi l'article Romanische Bibel- übersetzungen, dans la Realencyclopadie fur protestantische Théologie und Kirche, 1860, t. XIII, p. 102. "Op. cit., p. 299. "La version d'Ostervald et les Sociétés bibliques, Paris, 1862. —J'unifie l'orthographe du nom, en substituant quand il le faut le v au m, comme c'est'le cas ici. "Voir brochure citée, p. 21. Ostervald, s'il n'est responsable que de son édition de 1744, est respon- sable de tout ce qu'elle contient ; les non-corrections engagent sa res- ponsabilité autrement que les corrections, mais l'engagent aussi. Du moins faudrait-il ne pas compter les corrections pour rien. . Il est visible que le correspondant du Lien, qui va jusqu'à accuser Ostervald, comme son prédécesseur Martin", d'avoir quelquefois empiré les fautes de la Bible de Genève, n'a jamais eu entre les mains l'exemplaire de l'édition d'Amsterdam sur lequel le réviseur neuchâtelois a travaillé et qui est le témoin irrécusable de la valeur de son travail. La langue de la Bible d'Ostervald n'est pas toujours bonne. Je con- viens volontiers que cette phrase : « Il prend garde sur tous les habi- tants de la terre "» est incorrecte ; que cette-autre est remarquablement . gauche : « Eternel mon Dieu, tu as fait que tes pensées et tes merveilles envers nous sont en si grand nombre qu'il n'est pas possible de les arranger devant toi" » ; que les mots : « 0 Eternel, débats contre ceux qui débattent contre moi" », ne sont pas du meilleur style, quoique Ostervald ait au moins voulu conserver au texte la force qu'il doit à la répétition du verbe hébreu et que Segond efface en traduisant : « Défends-moi contre mes adversaires. » Non, je ne crois pas être aveuglé sur les imperfections de la Bible d'Ostervald. Mais il est bon de répondre par les remarques suivantes au dénigrement dont elle a été l'objet. Le purisme de ses détracteurs est non seulement excessif, mais sujet à se fourvoyer. Pour M. Stein, avoir accoutumé, pour avoir cou- tume, dans la parole : « Tu as accoutumé de m'exaucer" », est un solé- cisme. Si c'en est un, les nommés Bossuet, Pascal, Corneille, La Fon- taine, Molière, et quelques autres, savaient bien mal leur langue, car tous ils usaient de cette expression (voir Littré). Encore sous la rubrique

« solécismes », je trouve cette phrase : && Le rachat de leur âme est trop

"La révision de David Martin (1707), oeuvre de mérite, a eu encore des partisans au XIX& siècle, mais ne supporte pas la comparaison avec celle d'Ostervald. On a pu croire qu'Ostervald avait révisé Martin (comme. l'écrit O. DOUÉN dans l'Encyclopédie des Sciences religieuses de Lichtenberger, t. XII, p. 347) parce que la Bible de 1724, qu'il a corrigée, a beaucoup de leçons communes avec la Bible de Martin. "Ps. 33, 14. "Ps. 40, 6. "Ps. 35, i. "Ps. 17, 6.

50 cher et il ne se fera jamais". && Je la tourne en tous sens et je n'arrive pas à voir en quoi elle péche. Des gens qui n'étaient pas précisément des illettrés ont dû faire 'comme moi, car la Bible synodale reproduit ce verset sans y rien changer. Tout fait croire qu'une certaine légèreté a-dû présider à ce rassemblement de références accusatrices. « Tu lui as mis toutes choses sous 8es pieds" » est sans doute une façon de parler vicieuse. Mais cherchez-la dans la Bible de 1744 : elle n'y est pas. Elle est dans la Bible de 1724, où Ostervald l'a corrigée de sa main". Tous les hébraïsmes d'Ostervald ne sont pas indéfendables. Je veux- bien qu'on remplace && Ceux qui cherchent mon âme && par « Ceux qui en veulent à ma vie" ». Pourtant la première de ces expressions n'a rien de tellement énigmatique pour qui la lit dans son contexte. Plus la Bible est intelligible à première lecture, mieux sans doute cela vaut. Mais à vouloir trop mâcher la besogne à ceux qui la lisent, à vouloir la présenter aux civilisés que nous prétendons être comme un plat soigneu- sement accommodé à leurs habitudes et à leurs goûts, on risque de lui ôter beaucoup de sa saveur et de son attrait et même de lui faire perdre quelque chose de son empire sur les âmes. Le traducteur qui écrit bra- vement, selon son texte : « La face de l'Eternel est contre ceux qui font le mal" &&, me paraît moins ridicule que le critique renfrogné qui demande « depuis quand le mot face signifie colère en français ». La face de Dieu, en hébreu, c'est sa personne, ou sa présence. Elle est donc

"Ps. 49. 9. "Ps. 8, 7. » Cette faute n'est pas non plus dans Martin. Ce n'est donc pas de là que provient l'erreur. J'ai dit ailleurs (Notre Bible et notre langue, p. 32) que L. Stein, s'il parle de la Bible de Genève, ne paraît pas connaître l'édition de 1724. Il ne paraît en tout cas pas savoir que c'est celle-là qu'Ostervald a révisée. Il en connaît pourtant l'existence, puisqu'il dit en note (brochure citée, p. 50) : e Les sommaires ou arguments d'Ostervald parurent d'abord dans une édition de la bible publiée à Amsterdam, en 1724, et furent retouchés pour figurer dans la révision du texte reçu, faite par le même auteur. e (En réalité, les Arguments et Réflexions sur les livres et les chapitres de la Bible avaient été publiés à Londres, 1716-1718, et à Neuchâtel, 1720, avant d*être insérés dans la Bible d'Amsterdam). Cette note n'a rien qui prouve un usage direct de la dite édition. On doit pourtant admettre, pour expliquer l'erreur de citation constatée ci-dessus, que L. Stein a eu l'occasion de consulter cette édition, en croyant avoir affaire à la première d'Ostervald, ou bien, que sa référence est empruntée à quelqu'un qui avait commis la méprise. Il cite (p. 52) un rapport du baron de Staël, présenté en 1825, où il es question d'une traduction de Martin, conservée « dans l'édition d'Ostervald, de 1724 o I Le nom de l'auteur des Arguments et des Réflexions, qui figure dans le titre, a pu induire les gens distraits en erreur. ' "Ps. 35, 4. 4' Ps. 34, 17.

51 censée, suivant. les cas, se tourner vers l'homme en signe de faveur (« L'Eternel tourne sa face vers toi et te donne la paix" »), ou lui appa-' raître sévère et courroucée, comme dans le texte cité tout à l'heure. C'est là un de ces biblicismes que notre langue supporte sans peine, qui s'in- corporent même au style splendidement pur d'un Bossuet. Et surtout, il n'est. que juste de reconnaître à Ostervald le mérite des changements apportés par lui à la version admise de son temps. Non seulement il a modernisé des expressions sorties de l'usage (« ma douleur s'est augmentée » au lieu de. « s'est rengregée" », « notre âme est rassasiée » au lieu de- « trop soûlée" », « sanctuaire terrestre » au lieu. de « mondain" », etc.), mais-de nombreuses corrections de style rendent le texte de 1744. nettement préférable à celui de 1724. Voyez la parabole de l'Econome infidèle, qu'Ostervald a récrite en entier. Texte de 1724 : « Il y avait un homme riche qui avait un maître d'hôtel, lequel fut accusé devant lui comme dissipant son bien ".» Texte de 1744 : « Un. homme riche avait un économe, qui fut accusé devant lui de lui dissiper son bien. » La supériorité de cette rédaction saute aux yeux. On lisait dans la I" épître aux Corinthiens : « Si l'homme nourrit sa chevelure, ce lui est du déshonneur ".&& A cette leçon, qui ferait croire que l'apôtre en voulait surtout à .l'usage de la pommade, Ostervald substitue celle-ci, peu littérale, mais claire et bonne : « Il est honteux à l'homme de porter de longs cheveux. » Philippe Godet disait que « la lecture habituelle de la Bible (pour lui, la Bible française, c'était Ostervald) avait contribué à maintenir chez nous la pureté et la propriété du langage" ». Je crois que tous les endroits qui pèchent dans l'oeuvre du réviseur neuchâtelois n'empêchent pas cette opinion d'être juste. Ces passages fautifs ou inélégants étaient trop disséminés dans l'ensemble du recueil biblique pour mettre le fran- çais en danger. Pour s'y arrêter, pour les retenir, il fallait y être dis- posé par un esprit de critique et d'irrévérence qui n'était pas. très répandu. Et combien n'en connaissait-on pas dont la forme était assez belle pour les aider à toucher les coeurs et à se graver dans les mémoires.

4' Nomb. 6, 26. 4' Ps. 39, 3. 4' Ps. 123, 4. 4' Hébr. 9, 1. 4' Luc 16, 1. "1 Cor. 11, 14. "Gazette de Lausanne, 9 avril 1922. Ces textes, que plusieurs générations ont appris par coeur, ont entre- tenu longtemps parini nous une-certaine familiarité avec les expressions et les tournures de la langue classique qui tend malheureusement à se perdre. Que citerai-je ? « Les cieux racontent la gloire du Dieu fort et l'éten- due donne à connaître l'oüvrage de ses mains ".» Je regrette de ne pas retrouver dans les versions plus modernes cette plénitude et cette majesté. Je sais bien que l'épithète de fort est superflue d'après l'hébreu. Mais quoi ! Quand on la supprime, le rythme y perd. Ou encore : « Toute chair est comme l'herbe, et toute sa grâce est comme la fleur d'un champ". » Si vous voulez, dites : « La fleur des champs. » Mais pourquoi remplacer « toute chair ». par « tous les mor- tels "&& 'P Cela veut être plus français et cela gâte tout. A en croire certains dénigreurs, les pauvres lecteurs de la Bible d'Ostervald seraient par la faute de cet homme dans l'impossibilité de goûter la poésie hébraïque. J'e relis le psaume 126 : « Quand l'Eternel ramena les captifs de Sion, nous étions comme des gens qui songent. .. » Je ne dis pas qu'on ne puisse critiquer certains détails de cette traduc- tion ; mais je dis que, daccent mi-triomphal, mi-nostalgique, elle est d'une beauté qui ne donne pas une petite idée de celle de l'original. Un exemple encore, pris celui-là dans le Nouveau Testament. Quoi de plus dignement rendu, de mieux fait pour la mémorisation, comme pour la lecture solennelle, que ce début de l'épître aux Hébreux : « Dieu ayant autrefois parlé à nos pères en divers temps et de diverses maniè- res par les prophètes, nous a parlé en ces derniers temps par son Fils... » Je ne saurais préférer ni Stapfer, ni la Bible dite du Centenaire, qui rompent par un arrêt l'ample déroulement de la période qui suit, et remplacent en ces derniers tempà par une paraphrase trop précise pour n'être pas discutable : « de nos jours (ou : aux jours actuels) qüi sorit les derniers. » Il a paru depuis 1744 et il peut encore paraître des traductions remarquables à divers titres, d'un réel intérêt scientifique, d'une réelle

4' Ps. 19, 2. 4' Es. 40, 6. && pomme le fait malheureusement la version synodale, édition de 1911. valeur-littéraire. Tous ces ouvrages sont utiles. Dans tous, un homme d'étude peut trouver matière à des comparaisons curieuses, instructives, attachantes. Il ne s'ensuit pas que les simples fidèles se trouvent bien de la diversité des versions qu'ils entendent lire ou qu'on leur fait lire; du contraste souvent très grand qu'ils remarquent entre les textes qui leur étaient familiers, dont la forme se lie dans leur esprit au souvenir de certaines voix, et ceux que leur apportent les nouvelles Bibles, les, écrits sacrés mis à la mode du jour. Il ne s'agit pas de prêcher un immobilisme dont Ostervald lui-même n'a pas donné l'exemple. Aucune version nouvelle, aucune révision de version existante, ne peut se faire aujourd'hui sans tenir compte pour le Nouveau Testament des progrès de la critique textuelle, progrès dus à de meilleures méthodes de classement, ainsi qu'au nombre et à la qualité des nouveaux témoins du texte que d'heureuses découvertes ont mis au jour. Il n'en résulte d'ailleurs, on doit bien le dire, qu'une pro- portion infime de changements dont le sens soit positivement affecté. D'autre part, l'état présent de la science linguistique permet en certains endroits de serrer la pensée des auteurs sacrés de plus près que ne pou- vaient le faire les anciens traducteurs. Mais, telle qu'elle est sortie des mains d'Ostervald, la Bible de 1744 méritait, pour la forme comme pour le fond, la confiance que le peuple protestant lui a accordée. Sa Bible révisée n'a pas eu de peine à se faire accepter, parce qu'elle ne changeait rien sans nécessité et laissait intacts beaucoup de textes caractéristiques ; parce que les corrections- qu'il a faites étaient plus propres à faciliter la lecture qu'à causer de l'étonnement ; parce que, même en corrigeant, il restait dans la note de ce qu'on avait l'habitude de lire et d'entendre. C'est de la langue de son temps, proche encore de celle du XVII' siècle, qu'il s'est servi pour les changements auxquels il s'est décidé. Il s'en est servi avec justesse, sinon avec éclat. Et il a assuré le durable succès de son a:uvre en don- nant l'impression bienfaisante qu'avec lui, si parfois le tracé des che- mins était modifié, on avançait toujours sur le même sol éprouvé et sûr. Les adversaires de&1@ version d'Ostervald se plaignent souvent qu'on ait voulu en faire une vulgate protestante. Ses défenseurs répon- dent qu'ils n'ont jamais 'eu une telle pensée. Cette version n'a pas été prescrite d'autorité ; ils ne ]a font nullement passer pour intangible, pour immuable ; au contraire ils demandent qu'elle soit soumise, pour être révisée, aux hommes les plus compétents". Mais, en fait, de qui la vulgate a-t-elle reçu un brevet d'intangibi- lité ? Assurément pas du concile de Trente. Le décret Insuper déclare qu'« elle doit être tenue pour authentique dans les leçons, discussions, prédications et expositions publiques ». Authenticité qu'il faut entendre au sens juridique du mot. On veut dire que cette version, reconnue con- forme en substance aux écrits originaux de la Bible pour tout ce qui est de la foi et des moeurs, est la seule des versions latines qui soit offi- ciellement en usage dans l'Eglise, et que son témoignage ne peut être récusé. Quant à la déclarer intangible, le concile y pensait si peu qu'il proclamait la nécessité d'en émender le texte, qui était en fort mauvais état, et d'en faire une édition aussi correcte que possible. On eut ainsi en 1590 l'édition sixtine, en 1592 l'édition clémentine, qui fait autorité, mais n'est pas regardée comme impeccable dans le détail. De nos jours même se poursuit la révision savante dont les bénédictins ont été char- ges par Pie X en 1907 ". Ironie des choses ! Le fait même d'être soumise au « joug des révi- sions », comme le disent les anti-ostervaldiens avec hauteur, apparente le sort de la Bible d'Ostervald à celui de la vieille version latine que révisa saint Jérôme. Nous n'avons pas et ne pouvions désirer avoir l'équivalent d'une décision conciliaire. Mais est-il si regrettable que, de notre côté, une version ait été particulièrement accréditée, qu'elle ait assumé officieusement, par la pratique et l'accoutumance des Eglises, partout où la Réforme parle français, la fonction de porteur ordinaire du message biblique, et qu'ainsi elle ait été promue à une sorte d'oecu- ménicité '? Vulgate protestante : pourquoi pas ? La version biblique dite synodale, dont l'achèvement fut fêté à Paris,

"Voir A. MATTER, op. cit., p. 12. ".Sur le décret du concile et son interprétation, voir E. J+cQUIER Le Nouveau Testament ef l'Eglise chrétienne, 2' éd., 1911,t. I. p. 389 et ss. —Pie X.II s'est prononcé sur la question de la vulgate dans l'Encyclique Divino afflante Spiriiu (1943). Texte complet dans Vivre et penser (succédané de la Revue biblique pendant l'occupation allemande), 3& série, p. 7 et ss. le 12 juin 1916;au temple du Saint-Esprit '-', est encore à bien des égards une révision d'Ostervald. Elle ne porte plus son nom, 'cependant. Ceux / qui l'ont élaborée ont estimé que && soit au point de vue du sens des textes, soit surtout au point de vue du style », elle méritait le nom de traduction nouvelle. Soit. Mais je lis dans leur avant-propos (édition de 1911) qu'ils se soit appliqués « à ne point modifier, ou à né modifier que légère- ment, le texte de certains passages bibliques qui sont comme gravés daris la mémoire de tous les membres de nos Eglises ». Ils n'ont pas oublié que la version traditionnelle && à tout prendre est encore la nôtre », que « c'est elle qui unit, par un lien intime et spirituel, les contempo- ràins d'Olivétan et les chrétiens de notre époque ». Voilà bien l'esprit d'Ostervald. Souhaitons que, si sa suprématie prend fin, si son nom même prend la route de l'universel oubli, son influence se prolonge en quelque mesure. Puisse son exemple de traditionalisme sans étroitesse, de sérieux dans l'accomplissement de sa tâche, de désintéressement per- sonnel, d'impartialité, de pondération, n'être pas entièrement perdu pour ceux qui, dans notre République, se voueront encore au service de l'Evan- gile et en général aux travaux de l'esprit. Emile LoMBARD.

P.-S. Que M. Antoine Aubert, bibliothécaire de la Société des pas- teurs, reçoive ici l'expression de ma gratitude pour l'obligeance avec laquelle il m'a aidé à documenter mon travail. Je dois aussi bien des remerciements à M. le directeur et au personnel de la Bibliothèque de la ville.

"Voir la brochure d'Ernest MoREz. , Trois dates dans l'histoire de la Bible en France, 1535-1744-1910,Alençon, 1910. Le 14 avril 1747, à la nouvelle que le grand prédicateur et théologien neuchâtelois Jean-Frédéric ûstervald venait d'expirer dans sa quatre- vingt-cinquième année, le Conseil de ville se réunissait en séance extra- ordinaire pour aviser aux mesures les plus propres à éterniser sa mémoire. On sait assez qu'il fut inhumé au Temple du bas, au pied de cette chaire, dans laquelle il était monté si souvent, et l'on sait aussi qu'une plaque en marbre noir fut dressée dans le même lieu pour rap- peler son souvenir aux' fidèles. Ses funérailles publiques avaient réuni, dans la petite ville de quelque 8500 habitants qu'était alors Neuchâtel, plus de 5000 personnes accourues de toutes parts, tandis qu'. on fermait les boutiques. Dans ce public endeuillé, on fit circuler des pièces de circonstance qui honoraient la vertu du défunt. M. S.H... y alla d'un sonnet, imité dans cet exercice périlleux par MM. Charles-Albert de Puri, du Grand Conseil, et M. de Tribolet, conseiller de légation ; M. Chaillet, conseiller d'Etat, pour ne pas demeurer en reste, dédiait à sa mémoire une épitaphe en vers, un peu plus longue et d'un égal mérite'. Sa version de la Bible, publiée en 1744, aurait quant au reste suffi, à elle seule, pour faire vivre son nom parmi ses concitoyens et ses core- ligionnaires de langue française. C'est par son truchement, en effet, que la plupart d'entre nous ont été, dès l'enfance, introduits aux Ecritures. Mais depuis la date de sa mort, sa mémoire n'a pas cessé. d'être vénérée dans ce pays qu'à tous égards il a si fortement marqué de son empreinte. En 1778 paraissait à Londres l'oeuvre posthume que le pasteur David Durand avait compilée en son honneur. C'est là un ouvrage dans le

~ GRETILLAT R., J;Fr. Osfervald, p. 283-286. goût de l'époque et, pour tout dire, un essai d'hagiographie, émaillé d'anecdotes suspectes et écrit sur le ton « sensible » propre au siècle des lumières'. Il n'en reste pas moins vrai que ses qualités et ses défauts lui assurèrent un certain succès dans notre ville. En 1889, les libraires Convert et Heinzely publiaient à la Chaux- de-Fonds un Extrait de deux journaux écrits par feu N. J.-E. Ostervald, vivant pasteur à Neuchâtel, concernant les affaires des années 1699 et 1707'. I e 18 novembre 1878, nouvel hommage : en même temps que, celles du prétendu chanoine Hugues de Pierre, du chancelier de Mont- mollin, dont les titres historiographiques sont tout aussi fabuleux, et du ) grand juriste Emer de Wattel, on inaugurait, sur la façade méridionale du Collège latin, la statue de l'illustre théologien . Elle est due au ciseau du sculpteur Charles-François Iguel, élève de Rude, auquel nous devons encore, sur la terrasse de la Collégiale, l'assez fâcheux monument de Guillaume Farel. Plus près de nous encore, M. le pasteur Gretillat a consacré à la personne, à l'oeuvre et à la pensée de Jean-Frédéric Ostervald la matière d'un gros et solide volume qui parut en 1904, sous la couverture de MM. Attinger, éditeurs. Encore que sa consultation n'en soit pas des plus faciles, faute d'une bibliographie liminaire et d'une table onomastique, c'est un ouvrage bien informé, dont la qualité n'a pas vieilli. Il s'enri- chit, en appendice, d'extraits de lettres, la plupart fort intéressantes, tirés de la correspondance qu'entretenait notre compatriote avec son grand confrère et intime ami Jean-Alphonse Turrettini, pasteur et pro- fesseur à l'Académie de Genève. Enfin, dans cette revue, nous n'au- ' rions garde d'omettre la fine étude consacrée au système théologique d'Ostervald par notre cher et respecté collègue de l'Université de Neu- châtel, M. Maurice Neeser, professeur à la Faculté de théologie .

' DvRAxn, David, La vie de Jean-Frédéric Ostervald, pasteur de Neufchâtel en Suisse. — T. Payne et fils, Londres, 1788. ' Une brochure de 64 pages. ~ JEANNERET Maurice, Le e bâtiment du collège ~ ; historique de la construction du collège latin de Neuchâtel, dans Musée neuchâtelois, nouvelle série, 23~' année, 1936, p. 81 à 102. ' NnEsER Maurice, Grandeur d'Ostervald, Neuchâtel, secrétariat de l'Université, Neu- châtel, 1938.

58 Contrairement à ce que l'on pense, l'ancien quai du Collège ou quai du Gymnase n'est pas dédié au grand théologien, mais au cartographe Jean-Frédéric Ostervald (1778-1850) '.

Le rôle joué par Ostervald, à la tête de la vénérable Classe des Pasteurs et Ministres, et son action au sein de ce « triumvirat helvé- tique » qui s'était proposé comme objectif le rapprochement des Eglises protestantes d'Europe, les correspondances qu'il entretint à cette inten- tion, tant avec-les évêques anglicans du Royaume-Uni qu'avec les théo- logiens luthériens d'Allemagne, ne ressortissent pas aux préoccupations .de la présente étude. Elle doit porter, en effet, sur la participation du grand prédicateur aux affaires politiques de la Principauté, et parti- culièrement à l'épineux débat qui s'institua sur la succession de la duchesse de Nemours, « notre bonne princesse », ainsi qu'il la qualifiait dans sa lettre à Turrettini du 14 mai 1707 . Ce faisant, toutefois, nous ne saurions nous dispenser, à notre tour, de consacrer quelques lignes à l'homme et à son système théologique, car ses interventions dans ce domaine ne procèdent pas de l'humeur, de la faction ou de l'intérêt ; elles incarnent —on a le droit de l'écrire —et illustrent avec une rare netteté, sa pensée de chrétien et sa conscience de ministre du Saint- Evangile. Dans ce sens, on peut dire que c'est un homme d'une seule coulée, attentif à ne pas contredire dans ses actions les commandements de sa conception religieuse. Il n'empêche que si nous ne voyons jamais Jean-Frédéric Ostervald donner les mains à quelque compromis ni rechercher de douteux accom- modements entre l'appel de sa conscience et les intérêts de ce bas monde, une attitude de défi et de témérité n'est pas du tout son fait, et nous ne le verrons pas non plus jouer les Alceste de la religion. Les Jurieu, les iconoçlastes, les outranciers du Refuge ne jouissent d'aucune sympathie de sa part, d'autant plus qu'ils ont peine, parfois, à concilier

' Renseignement dû à l'amabilité de M. J.-P. Baillod, chancelier communal de Neuchâtel. ' Collection J.-A. Turreftini; Correspondance J;F.Osfervald, t. I«, 1697-1712, fo 196 ro. l'intransigeance entêtée de la doctrine avec la conduite de leur exis- tence : « Les prophètes prétendus, écrit-il le 19 février 1707 à Turrettini, causent toujours du désordre à Londres et ont des partisans. L'un d'entre eux, nommé Cavalier, parent du colonel, a épousé depuis peu une femme publique qu'il a fréquentée. Comment sauvera-t-il cela et accordera-t-il l'impureté avec l'inspiration ? Peut-estre sera-ce par ce' qu'on lit au commencement d'Osée ... » Mais il y a plus, certaines indiscrétions pro- voquent la persécution et desservent la cause qu'elles prétendent servir. Aussi bien, écrivant au même correspondant, le 17 novembre 1728,

n'hésite-t-il pas à blâmer le && pieux proposant », arrêté par les Dragons, à la suite d'une Assemblée du Désert ; sans doute s'afflige-t-il sur son triste sort, mais encore il avait prévu le cas : « On en fait trop ; les assemblées sont trop nombreuses et se font avec trop d'éçlat. On force la cour de voir ce qu'elle voudroit peut-estre dissimuler. J'ay toujours dit à M. Caila et à ces autres Messieurs qui ont passé icy, qu'il falloit joindre la prudence au zèle'. » Ces expressions de prudence, de raison, 'de modération, reviennent souvent sous sa plume, soit qu'il entre dans les débats théologiques, soit qu'il lui arrive de traiter des affaires publiques. « A la vérité, dit-il de l'Université d'Oxford, on y est fort attaché à l'Eglise anglicane et mesme un peu rigide, inais on y est raisonnable "&&, et, le 6 août 1712, - à la nouvelle que la seconde bataille de Villmergen avait consommé la défaite des cantons catholiques, il ne laisse pas d'écrire à son fidèle ami de l'Académie de Genève : « Il est à souhaiter que l'on use avec modération de la victoire et que l'on ne cherchera pas à s'agrandir, ni à faire des acquisitions. Ce sera là la pomme de .discorde. On auroit, bien fait d'épargner un peu plus les ecclésiastiques romains et de ne pas piller l'abbaye et l'église de Saint Gal jusqu'aux cloches, mais ce 'qui est fait est fait. .."» La conformation naturelle de ce bon esprit que n'effleura jamais ce que le inoyen âge appelait la rabies theologica, le conduit par un ' Collection J.-A. Turretiini ; Correspondance J.-Ii. Ostervald, t. I",1697-1712,f' 182 r'. ' Ibid. , t. Il, 1712-1724, f' 118 v'. "Ibid. , f' 124r'. —Lettre du 29 mai 1706. "Ibid. , t. I", 1697-1712, f& 378 v&.

60 chemin aisé à une certaine tolérance vis-à-vis de la croyance d'. autrui. I A l'égard de Turrettini, il ne fait aucun mystère qu'il désapprouve « entièrement » les rigueurs. que déployait l'Etat de Berne contre les Piétistes, et cette idée qui, plus tard, sera chère à Voltaire. et à la Philosophie, se trouve -clairement exprimée sous sa plume, dans sa lettre du 28 avril 1706 : &&Croyez que le nombre des personnes qui seront d'avis de ne pas gesner les consciences, grossira plutôt que diminuera". » D'où la nécessité qu'il reconnaît de certains ménage- ments, tant qu'ils demeurent compatibles avec l'essentiel ; c'est ce qui ressort d'un autre passage de la même épître : && Mais, supposé qu'il vous vint de fortes lettres de Suisse, il ne faut pas s'en étonner. Nous savons. par expérience que les ecclésiastiques et les magistrats mesme des cantons, font d'abord du bruit, écrivent. des lettres, menacent. Mais tout à la [fin] tombe à terre dès qu'on oppose un peu de fermeté. Il n'y a qu'à gagner du tems et à répondre honnestement, sans s'engager à rien. .. » Et il présente à son correspondant l'exemple de la Classe de ', Neuchâtel : « Chacun peut prescher selon ses sentimens, mais, il,,est(&', ~&„„.)l-'p, , ~;:~,~,„,:& deffendu de disputer. Par ce moyen, on est en paix. Il y a parmi nous mais cela et des particularistes et des universalistes, le peuple-as~~~~"~~4W~~~~&~~ignore "'" " ~ I~I"gtta44 I nous sommes tous bons amis. . » Pourquoi, semble-t-il penser, devrait-on - ', ~ „~~srgm~r&:. ~y~u Jr „&a~,~,é-rw'. & „,cu&&-U w instituer un débat public sur les mystères les plus obscurs de la théo- logie, comme la Prédestination, ,attendu qu'. ils ne soutiennent qu'un rap- port assez lointain avec la foi et avec la morale ? Il ne faudrait pourtant pas forcer son inclination dans ce sens. I es Articles Généraux proposés aux -Prétendants de 1707 et à la rédaction

» desquels il a contribué au nom de la Classe, refusent expressément' le ~",,, J;, ';„4,& j s „. »-', 't,"~&,&ç~&~v, léa'. , bénéfice de la liberté de pensée aux catholiques. D'autre part, l'esprit, ,!~,. iy .@.„,;i, . )-' de tolérance chez Jean-Frédéric Ostervald trouve ses limites en faces".p;,, tO fl,„&, tf!S(&.t, ;1 ', --!-i, du pyrrhonisme de Pierre Bayle, auteur du &plus méchant et du plus f, „i",!;!7, ,, y,„„, dangereux livre qui ait jamais été fait » et qu'il reconnaît avoir eu dans la pensée, alors qu'il rédigeait le 2' tome des Sources de la corruption, .

"Collection J.-A. Turrettini; Correspondance J.-F. Ostervatd, ,t. I«, 1697-1712,fo 37 ro. — Lettre du 22 novembre 1702. "Ibid., fo, 115 r'. « Si cet homme eût vécu, écrit-il le l5 janvier 1707, en apprenant sa mort, il alloit faire un mal infini. Mais je tremble, quand je pense à l'occu- pation où son Juge l'a trouvé". » Dans un autre ordre d'idée, encore qu'il ne faille pas « gesner les consciences », cette tolérance ne doit apporter aucun trouble ou scandale aux âmes pieuses qui suivent l'ortho- doxie. Ainsi des Piétistes : s'il soutient qu'&& il en entrera plus au Paradis que de ceux qui les persécutent" », s'il accorde « franchement qu'il faut user de beaucoup de douceur à l'égard de ces gens là" », il y a cependant des mesures d'ordre public, allant jusqu'à l'expulsion, qu'on ne saurait se dispenser de leur opposer, dès l'instant où leur présence attiserait la dissension dans la communauté. Sur ce point particulier, il faut bien reconnaître que son attitude, dans les derniers temps de sa vie, s'est sensiblement raidie, et qu'il lui arrive assez souvent, à cette époque, de blâmer leur intransigeance, leur forfanterie, voire même leurs faux semblants.

Tel est l'homme, croyons-nous. S'agit-il maintenant des rapports de la religion et de la politique, on peut écrire que ses opinions sur ce sujet n'apportent au débat aucune idée proprement originale. Elles repro- duisent fidèlement la tendance générale non seulement des théologiens protestants de son époque, mais de la doctrine çhrétienne dont le fond commun s'était constitué avant la Réformation. Aucun miracle à cela ; à ce propos, les idées les plus neuves et les plus révolutionnaires ont été propagées par les tenants des confessions persécutées par le pouvoir politique : protestants ou ligueurs français, non-conformistes ou catho- liques anglais. Or telle n'était pas la situation du personnage considérable et considéré qu'était, dans la Principauté de Neuchâtel, le ministre Jean- Frédéric Ostervald. De même que pour Bossuet, les devoirs de conscience du citoyen vis-à-vis du Prince et, plus généralement, de l'Etat, découlent,

'4 Collection J.-A. Turreitini; Correspondance J;F.Osiervald, t. I",1697-1712,f'172 r&. "Ibid. , f& 23 r&. —Lettre du 25 février 1702. "Ibid. , f& 103 r&. —Lettre non datée de 1706. selon lui, de l'Ecriture, particulièrement du passage de l'Epître aux Romains (chapitre XIII, versets 1 à 5), où saint Paul définissait, à l'in- tention- des chrétiens de la capitale, la ligne de conduite qu'ils devaient tenir, pour mériter ce nom, vis-à-vis de César. Son catéchisme, publié en 17p2, s'y réfère expressément, section II, chapitre III, alors qu'il cherche à élucider les devoirs envers les hommes. A la question : « Quel est le devoir des peuples envers les rois, les princes et les magistrats ? » il répond sans équivoque : « C'est 1) de leur être fidèle, 2) de se soumettre à leurs commandemens, à leurs loix et à leurs jugemens, à moins que ces commandemens et loix ne fussent contraires à ceux de Dieu, 8) de porter les charges de l'Etat et de payer les tributs et autres droits du souverain, 4) de prier Dieu pour eux". » Ses Argumens et réflexions sur les livres et les chapitres de la Sainte Bible, parus à Neuchâtel en 1788, développent cette opinion. Commen- tant l'onction de Saül (I Samuel, chap. 9), il déclare : « On voit dans cette histoire. .. que la Providence préside sur tout et, en particulier, que c'est de la part de Dieu que les rois règnent et que l'on doit, par conséquent, l'on leur être soumis" &&, et le passage de l'Exode (chapitre 18) où voit Jethro conseiller à Moïse d'instituer des juges parmi le peuple'd'Israël, lui inspire la réflexion suivante : « Nous devons reconnaître par là, qu'il est absolument nécessaire qu'il y ait des magistrats qui fassent régner l'ordre dans la société ; que leur établissement vient de Dieu, et que chacun doit se soumettre à eux et à leur autorité". » Néanmoins ce devoir qui lie les sujets en conscience n'est ni absolu, ni unilatéral : « Il ne faut pas obéir aux ordres du Prince, lorsque ses ordres sont contraires à la justice et à la conscience », écrit-il dans ses Argumens, pour approuver les sages-femines qui (Exode, chap. I) se refusèrent à exécuter les décrets sanguinaires du Pharaon". D'autre part, s'il est conforme à la volonté de Dieu qu'il y ait des magistrats et des juges, il faut aussi « que ces charges soient confiées à des gens

"Nous citons le catéchisme d'après l'édition Samuel Fauche, Neuchâtel, 1784, in-8&, p. 208. » Ed. Jouas-George Gallandre, Neuchâtel, 1733, in-4&, p. 158. "Ibid. , p. 4-7. ~~ lbid. , p. 34. intègres, qui les exercent consciencieusement et qui rendent la justice à un chacun, sans avoir égard à l'apparence des personnes" ». Au cas contraire, soit au cas où s'élèveraient parmi le peuple des « usurpateurs » et des « tyrans », la résistance et la révolution sont-elles recommandables ?' Ostervald, sur ce sujet, observe plus de discrétion que certains théologiens catholiques, lesquels soutenaient qu'en pareil cas on revenait à l'état de nature et au principe de la légitime défense. I a tra- gique aventure d'Absalom (II Samuel 18) lui fournit « un grand exemple de la malédiction divine sur les impies et particulièrement sur les ambi- tieux, sur les enfants rebelles et sur ceux qui se révoltent contre leurs princes légitimes "&&. D'autre part, le mauvais prince peut être au milieu du peuple qu'il opprime, l'exécuteur-de la volonté divine, et c'est dans ce sens, où il se rencontre avec un Philippe de Commynes, qu'il faut interpréter la réflexion de son journal, en date du 24 septembre 1707, où

dépeignant les intrigues du parti prussien, il s'écrie : && l'affaire dégénère en pure faction, et la Justice n'est plus guère écoutée. J'ai peine à croire que par ce moyen elle réussisse, à moins que Dieu ne veuille châtier cet Etat". » Quoi qu'il en soit, l'histoire du monde étant entre les mains du Seigneur, c'est à lui qu'il faut rapporter- le succès des révolutions : il donne des bornes à la malice des méchants, et s'il établit les couronnes, il peut aussi ôter les Rois, ainsi qu'il le marque à propos de l'onction que le prophète Elie (I Rois, chap. 19) conféra au roi de Syrie Hazaël ". Comme on voit, le théologien neuchâtelois est plus proche de l'Aigle de Meaux, que de son coreligionnaire Jurieu, et, écrivant à Turrettini sur les troubles de Genève, le 80 avril 1707, il lui arrive de lui exprimer le peu de cas qu'il fait du régime démocratique absolu : « Je suis très fâché „4&x;",(",'~y~ ~j";„«, du train que prennent vos affaires, persuadé qu'une entière Démocratie, dans une République comme la vôtre, où il faut beaucoup de prudence et de secret, ne peut y produire. que de très funestes effets, et y augmenter les.brouilleries au lieu de les éteindre. En général, c'est quelque chose de

"Commentaire au premier chapitre du Deutéronome, ibid. , p. 95. "Ibid. , p. 193. "Extraits de deux journaux écrits par feu M. J;P. Ostervald, p. 52. "Argumens et réftexions. , p. 231. pitoyable qu'un Gouvernement populaire, témoins les petits cantons". & Encore une fois, il convient de ne marquer aucun étonnement en présence d'un tel texte, mais de le replacer dans son milieu et dans son époque.

Quant aux interventions directes de Jean-Frédéric Ostervald, sur le terrain de la politique, on peut remarquer, à propos des âpres débats de 1699 èt de 1707, qu'elles se distinguent par leur mesure et leur dis- crétion. Ce n', est pas à dire, comme nous aurons l'occasion de le montrer tout à l'heure, que le pasteur et le théologien de Neuchâtel, ait, en son for intérieur, éprouvé quelque hésitation à se prononcer entre la duchesse de Nemours et le prince de Conti, et, plus tard, entre ce der- nier et le roi de Prusse. D'autre part, cet homme de devoir et de carac- tère ne se serait pas arrêté aux suites fâcheuses qu'aurait pu comporter, à titre personnel, une prise de position pl.us accusée. Mais, -dans l'intérêt de son action religieuse parmi les fidèles, il a voulu épargner à son ministère et à sa Classe, toute apparence de partialité ou de compro- mission. Comme on le voit, nous le trouvons à l'opposite des moines ligueurs ou des prédicants bottés du XVII' siècle qui faisaient de leur chaire une véritable tribune publique. Au moment où le comte de Metternich et le ministre Ancillon entre- prennent le siège systématique des cantons protestants, afin d'y prépárer les voies à Frédéric I", sans même attendre que la duchesse de Nemours eût rendu le dernier soupir, c'est ce qu-'il explique tout aù long à son ami Turrettini, dans sa lettre du 26 mai 1707. Non seulement il convient d'éviter « les partis et les divisions », qui apparaîtraient infailliblement dans le pays, si ori se laissait aller à quelque démarche aventurée et précipitée, mais encore, déclare-t-il en propres termes à son corres- pondant genevois : « Outre ces raisons qui regardent tous les sujets de ces Etats, nous autres, les Ministres, en avons de, particulières. Nous sommes appelés à prescher la paix et la justice. Pour le faire avec sin-

"Collection J.-A. Turrettini; Correspondance J.-F. Ostervald, t. I&&, 1697-1712, f&. 192 v&. fruit, il ne faut que nous soyons engagés dans aucun cérité et avec pas ' ' rrrüürrtür++ t ""' I~tt'"r+~+++« irrr A rawüürttrr „yglüü üülrü üjrgfA IXI1üt llü +)D'" Itttlültr+"ürltrüürülüjl párti, ni qu'on nous y cioye engagés. Autrèment nous perdrions abso- lument" la confiance de nos peuples, "et on nous regarderoit comme des ' üü t '"ürt""'ülüüj ü/ I ülütlüü » l, I 'W; ülüüll", tjrüüül ü, ürjlülljür jllüüüül Itrl"., gens intéressés, dissimulés et comme des hypocrites. Car de quel front prescher qu'il faut éviter les partis et se réunir tous pour la .justice et le bien public, si nous mesmes nous sommes engagés dans quelque parti 'P... Mettez-vous à ma place I Dois-je rendre mon ministère suspect et infructueux. .. » Et il conclut avec beaucoup de conséquence : « J'aime- rois mieux quitter mon ministère que. de rien faire qui pût me faire du tort dans mon église et je suis persuadé que vous approuverez mon sentiment sur ce sujet". && D'où l'antipathie qu'il manifeste dans. .son Journal de 1699, à l'égard de son passionné confrère, le pasteur David Girard. On sait qu'à la mort de l'abbé d'Orléans, les Trois-Etats de la Principauté, par leur sentence du 8 mai 1694, déférèrent la souveraineté de Neuchâtel et de Valangin à la duchesse de Nemours, en tant que plus proche héritière naturelle de feu le prince Henri II de Longueville. Mais « la bonne princesse » trouva un adversaire redoutable en la personne de François- Louis de Bourbon, prince de Conti, lequel se prévalait du testament rédigé en sa faveur par ledit abbé d'Orléans. Fort de l'appui de Louis XIV et d'un arrêt du Parlement de Paris qui, le 18 décembre 1698, l'envoyait en possession, il passa le Jura pour venir revendiquer la succession contestée. Ostervald, - par respect pour la sentence des Etats, se rattacha à la cause de la duchesse de Nemours, cependant que Girard s'enflam- mait pour celle du brillant Conti. Mais entre ces deux hommes, il y:a plus que cette simple divergence politique. Ce qui soulève la réprobation d'Ostervald à l'endroit de son adversaire, c'est surtout l'attitude indiscrète du Contiste qui ne laisse pas d'appeler la théologie et l'éloquence sacrée au secours de son pré- tendant. Sur'le caraçtère de ce débat, les extraits du Journal de 1699, publiés par Convert et Heinzely, 'ne laissent planer aucun doute : « Plus les affaires se brouillaient, plus il se découvrit », inscrit-il à la date du

"Collection J.-A. Turrettini; Correspondance J;F.Ostervald, t. 1",1697-1712,f'190 vo et 191 r& et v'. ( 15 février et le 12 mars, il ajoute : « M. Girard fit bien du bruit. » Le 29 mars suivant, nouvelle incartade de cet homme violent : « M. Girard scandalisa tout le monde dans son sermon de ce jour. .. Ce fut à la sortie de ce sermon que M. d'Argelot accommoda M. Girard de la belle manière, le traitant de brouillon, de séditieux, etc. M. Girard entre en fougue, mais M. d'Argelot continua sur le même ton, et pour se moquer de lui, il le présenta dans un miroir, dans le temps qu'il était transporté de colère, et lui reprocha qu'il déshonorait son caractère". » En fin de compte, le prince de Conti s'en retourna dans le Royaume, sans avoir' rien obtenu, et le 27 avril 1699, les doyens et secrétaires de la Classe revêtirent de leurs signatures l'acte d'association qui garan- tissait ses droits à la duchesse de Nemours. Les choses n'en demeurèrent pas là, car, indignés de la conduite du pasteur David Girard, les députés du Conseil de ville, après avoir délibéré, se rendirent « en Classe' » pour demander son changement. Girard fut admis à présenter sa défense devant ses pairs, mais finalement les Ministres l'exhortèrent à demander son changement et lui donnèrent deux mois de réflexion. Comme il s'obstinait dans son intransigeance, on prit le parti de le suspendre". En mars 1708, le prince de Conti ayant repris la procédure et fait condamner la duchesse de Nemours à 500,000 ééus de dommages-intérêts, par le Parlement de Paris, les corps de l'Etat et les Communautés du pays se rassemblèrent à Neuchâtel, pour renouveler l'Association de 1699, et « pour protester contre tout ce qui pourroit estre fait ou jugé hors de ce pays, au préjudice des droits de l'Etat et de son indépendance, et de l'autorité des Trois-Etats qui seuls ont le droit de juger de tout ce qui concerne la souveraineté et ses revenus. Notre compagnie, écrit Ostervald à Turrettini, en date du 24 mars de cette année, est entrée dans cet acte », et il ajoute : « Nos Contistes font une plaisante figure en tout cecy ; cependant ils n'osent pas s'opposer au torrent, de peur d'être traités comme « perturbateurs du repos public », ainsi que'le porte la clause comminatoire du dit acte ".»

"Extraiis de deux journaux, p. 18, 24 et 30. ~' Ibid. , p. 42. » Collection J.-A. Turreitini ; Correspondance J.-F. Ostervald, t. I«, 1697-1712, f& 44 v+ et 45 r'. —Lettre du 24 mars 1703. Jusqu'ici donc, notre grand concitoyen avait marché en pleine har- i monie, non seulement avec les partisans sincères de sa « bonne prin- cesse &&, mais encore avec tous ceux qui, sans l'avouer trop ouvertement, avaient combattu dans la personne du prince Conti, le prétendant fran- çais le plus qualifié pour maintenir la principauté de Neuchâtel dans l'influence des Bourbons. La duchesse de Nemours devant mourir sans descendant direct, on pourrait ainsi, dans un délai plus ou moins éloigné, disposer de l'Etat en faveur d'un prince protestant. Déjà en 1699, Guillaume III s'était mis sur les rangs, pour relever les droits de la Maison d'Orange, et dès le mois de septembre 1706, Ostervald apprend que le comte de Metternich, représentant-du roi de Prusse, Frédéric I", se trouve en Suisse, pour préparer la candidature de son maître, dans la Principauté. Dans ces conditions toutes nouvelles, -quelle va être l'attitude de Jean-Frédéric Ostervald 'P La personnalité du roi de Prusse lui inspire des sentiments de respectueuse sympathie. Tout d'abord comme pro- testant et surtout parce qu'il le sait tout acquis à la grande oeuvre, de la réunion des réformés, à laquelle, depuis des années, il a consacré le meilleur de son coeur. Il éprouve pareille estime et considération vis-à-vis de son ambassadeur auprès des cantons suisses, le comte de Metternich à l'égard duquel il proclame un « très grand respect&&, vu qu'il. lui a fourni « une haute idée de sa pitié et de sa vertu" ». Quant à l'adjoint de Metternich, le ministre David Ancillon, réfugié messin de la Révo- cation et prédicateur distingué de la cour de Prusse, il confesse qu'« il l'aime et estime de tout son coeur" », alors que celui-ci, dans sa. corres- pondance avec Turrettini, qualifie toujours son confrère neuchâtelois de « notre illustre ami" &&. La conjoncture étant telle, on pourrait croire —et l'on a cru dans les milieux réformés de l'époque —que Jean-Frédéric Ostervald alláit appuyer d'enthousiasme la candidature à la souveraineté de Neuchâtel,

"Collection J.-A. Turrettini; Correspondance J.-F. Ostervald, t. 1&', 1697-1712, f& 151 r&. —Lettre du 6 octobre 1706. P Ibid. , f' 190 v'. —Lettre du 26 mai 1707, déjà citée note 26. "Bank, E. DE Lettres inédites'adressées de 7686 à 1787, à J.-A. Turrettini. —Librairie . Jules Carey, Genève, 1887, t. I«, p. 18 et 41. de ce prince selon son coeur. Il n'en fut rien. Au-dessus de ses affec- tions particulières, au-dessus même de ce que certains cherchent à lui représenter comme les véritables intérêts de la religion, s'élève devant sa conscience, le principe de la justice et de la loyauté. C'est ce qu'il démontre à Turrettini, dans cette remarquable lettre du 26 mai 1707, dont nous venons de citer un premier extrait : && Il est contre le devoir de se donner pendant qu'on a encore un Prince vivant. » Et surtout il se réfère à l'Acte d'association de 1699, auquel il a donné sa signature et avec lequel l'honnêteté lui interdit d'entrer en contradiction : && Nous avons icy, poursuit-il, foudroyé ceux qui prenoient parti pour le prince de Conti et pour d'autres, quoy que plusieurs dissent que ce n'étoit que pour l'avenir et non pour le tems présent qu'ils se décla- rassent. Nous avons dit que cela est contre l'intérest de la patrie, que cela ouvre la porte à la division. Nous avons presché contre ces gens-là. Nous recommandons sans cesse l'union et notre Compagnie a fait des déclarations solennelles là-dessus, et de bouche et par un écrit où nous sommes tous signés. Et après cela pouvons-nous en conscience, je ne dis pas prendre parti maintenant, mais faire quelque demande qui donne lieu à nous en soupçonner 'P » Nul ne doutera de la force et de la pertinence des raisons que notre digne concitoyen allègue à son ami de Genève. Mais il poussera beau- coup plus loin encore cet honorable scrupule, en refusant de quitter Neuchâtel pour venir conférer dans la cité de Calvin, sur la réunion des protestants, avec le comte de Metternich, ainsi que Turrettini l'y invitait fin septembre 17($".L'année suivante, - sur le même sujet, il s'imposera .la même réserve vis-à-vis d'Ancillon : « C'est bien à mon grand regret, écrit-il dans cette même lettre du 26 mai, que je vous écris cecy et que je me vois obligé de garder ces mesures, et de me priver du plaisir de voir et d'entretenir librement et à loisir un ami que j'estime et qui a de si bonnes intentions. » Mais encore une fois, pour rien au monde, il ne voudrait risquer quelque démarche, même innocente, qui mal ou

"Collection J.-A. Turrettini; Correspondance J.-F. Ostervald, t. I",1697-1712,f'151 v'. — Lettre du 6 octobre f 706. malicieusement interprétée, fût de nature à. ruiner l'efficace de son pieux ministère parmi les fidèles. Aussi bien, le 14 mai 1707, jette-t-il ces mots tout vibrants d'an. - goisse patriotique : « Priez Dieu pour nous à votre tour, notre bonne princesse est malade et assez mal. Nous tremblons qu'on ne dise à tout moment qu'elle est morte. Je prévois d'étranges confusions dans notre pauvre patrie, et depuis que cette triste nouvelle est arrivée, je ne me possède pas ".&& Mais les prières de Turrettini n'écartèrent pas le calice des lèvres de son ami. Le 16 juin, l'inévitable s'était produit à Paris et la succession de haute et puissante dame Madame la duchesse Marie de Nemours s'était ouverte à Neuchâtel. Quinze prétendants se pré- sentèrent tout aussitôt pour la revendiquer, dont les héritiers naturels ou testamentaires des derniers Longueville, et le roi de Prusse, Fré- déric I", qui, par les crochets de Nassau et d'Orange, prétendait relever les droits des comtes de Chalon, jadis suzerains de'Neuchâtel. On se souvient qu'en 1699, Ostervald s'était nettement rangé -du côté de la duchesse de Nemours, dans la .compétition qui opposait cette dernière au prince de Conti. De toute évidence, il estimait que les droits de l'héritière naturelle l'emportaient sur ceux de l'héritier testamen- taire de l'abbé d'Orléans. Il ne se démentit pas huit ans plus tard, et dans les limites de discrétion que lui imposait sa qualité d'ecclésias- tique, il se plaça dans les rangs de ceux qui déniaient tout caractère de justice aux droits invoqués par le Hohenzollern, - au nom de la dynastie de Chalon-Orange. Le 11 juillet 1707, il notait les conférences qui se tenaient entre la Classe et la ville, « sur divers objets concernant le bien et la sîîreté tant de la religion que de la patrie "&. Il sortit de ces délibérations les célèbres Articles généraux qui furent soumis aux prétendants. Le prince de Conti ayant déclaré son accord aux dits articles, il s'ensuivait désormais, de l'avis d'Ostervald, qu'aucun argument d'ordre confessionnel ne devait plus être opposé au candidat catholique, pour lui préférer son rival réformé.

"Collection L-A. Turrettini; Correspondance J.-F. Osteroald, t. I&', 1697-1712,f& 196 r&. ~' Extraits de deux journaux, p. 46.

70 Il n'empêche qu'il fut soumis à une très forte, pression pour aban- donner ce point de vue, de la part de tous ceux qui, pour des raisons . ou de loin la candidature de Frédéric p, politiques, soutenaiènt '! de près Telle était l'autorité du grand prédicateur que les partisans du roi de Prusse tenaient leur cause pour gagnée, s'ils parvenaient à l'enrôler dans leur propagande. On épiait toutes ses démarches et le soupçon lui venait qu'on décachetait son courrier. « Pour avancer l'affaire, note-t-il dans son journal, à la date du 15 août, certaines gens se servent de divers moyens, décriant tous ceux qu'ils. croient être pour les pré- tendants français ".» Et la corruption succède à la diffamation. « On emploie d'étranges moyens pour gagner des gens », marque-t-il le 12 septembre, et il ajoute' : « Il est difficile de croire que par des voies aussi damnables, on réussisse, et si elles réussissent, la suite n'en sau- rait être heureuse ".» C'en était trop, toutefois, pour cette conscience scrupuleuse, et le Conseil de ville ayant prescrit un jeûne solennel pour implorer les lumières d'En Haut sur la sentence des Trois-Etats, on entendit Jean- Frédéric Ostervald prêcher sur Judas, sur ses trente deniers et sur son désespoir final. Ce faisant, comme il l'écrivait le 19 octobre à Turrettini, il croyait « n'avoir prêché que la justice et condamné les mauvaises voyes" », mais ce sermon ameuta contre lui toutes les consciences qui traitaient précisément de leur reddition. Les Quatre Ministraux s'agi- tèrent. Quant aux partisans du roi de Prusse, ils manifestèrent haute- ment une indignation de circonstance. En l'occurrence, le secours lui vint, de la manière la plus généreuse, de son confrère David Ancillon, lequel, le 1"octobre, écrivait à Turrettini : « Notre illustre. , ami a. passé l'a par une rude épreuve ; tout Neuchâtel, ami ou ennemi, blâmé, mal à propos, j'en suis sûr, à propos du sermon qu'il fit le jour du Jeûne. Dieu a voulu que j'aye dissipé cette rumeur, que j'aye fait revenir S.E. (Mette rnich) et obtenu d'elle qu'elle imposât silence à nos gentils- hommes ".» "Extraits de deux journaux, p. 48. "Ibid., p. 51. I&', 1697-1712,f& 216 v&. ' » Collection J.-A. Turrettint; Correspondance J;P. Ostervald, t. "BUD4~ E. DE, op. cit., p. 41. I Nul doute-que plus que ces criailleries, les épîtres réitérées des prélats anglicans eussent été capables de le faire' revenir sur son opinion, s'i1 n'avait pas eu pour lui le sentiment 'de la justice et les scrupules de sa. conscience. L'évêque de Londres et l'archevêque de Cantorbéry lui écrivirent pour lui représenter que l'intérêt de la religion réformée postulait le triomphe de la candidature prussienne. Gilbert, évêque de Salisbury, le 2 octobre 1707, lui opposait même la sentence machiavélique : Salua pubHca suprema lez esto, en l'enrobant, il est vrai, de distinctions tout à fait dignes d'Escobar, et de Molina. Ni les uns ni les autres ne parvinrent à faire dévier d'une seule ligne ce digne

serviteur de Dieu. .« J'entre dans toutes vos réflexions, écrivait-il le 24 septembre 1707 à Turrettini qui devait lui soumettre des réflexions de même ordre, mais je vous prie de considérer deux choses que je vous ai dites par ci-devant. L'une qu'il faut se conduire avec prudence. L autre que dans une affaire où il s'agit de justice, nous n'avons, après avoir-assuré la Religion par les articles dont on est convenu, et le bien de la patrie qu'à' exhorter à rendre la justice à celui à qui elle appartient ".» Le 5 octobre, c'est sans doute à son instigation que. la Classe, « presque unaniment », décida qu'elle demeurerait dans l'impartialité, qu'à alors son témoignage du Journal : && M. Ancillon-proposa à M. . le Doyen que nous dissions quelque chose dans nos sermons pour ins- pirer aux peuples qu'il fallait avoir à coeur les intérêts de la religion; » Et l'on peut supposer qu'il développa devant ses confrères les mêmes arguments qu'il expose à Turrettini, dans sa lettre du 12 suivant : « Sur ce que vous me dites qu'on accuse mes compatriotes d'-avoir dit que la religion seroit plus en sûreté sous un prince catholique, je suis persuadé qu'on leur fait- tort. Je les ay toujours trouvés raisonnables là- dessus. Quant. aux conventions faites icy pour la seureté, de la Reli- gion, lesquellès on dit n'estre pas plus fermes que l'Edit de Nantes, il me semble que, supposé que la justice eut été du côté des seigneurs fiançais, on peut répondre que nous ne traitons pas avec le Roy, que

"Collection J.-'A. Turrettini; Correspondance J;P. Osfervald, t. I", 1697-1712, f' 210 v' et 211 r&. la France n'a jamais prétendu rien. ordonner dans ce pays, et ne nous a jusqu'icy jamais, 'inquiété sur la Religion, outre que, supposé toujours la justice, il faut la rendre, eût-on à juger entre un chrétien et un Turc Quelle élévation de pensée . Et pour s'en donner une juste idée, il faut revenir au Journal de 1707, et faire remarquer que de jour en jour, Ostervald relève et constate les succès du « chrétien » et les maladresses du « Turc ». Assurément, on craignait les peuples, mais-, dès le 28 juillet, il note que « le parti du roi de Prusse se fortifie », qu'après le départ du prince de Conti, « il se fortifie considérablement Tur- dans la ville », et le 1" octobre, soit onze jours avant sa lettre à rettini, qu'« on ne voit plus de ressources pour les prétendans français », encore que leur départ afflige beaucoup de gens et « qu'au Vaux-Travers et en bien d'autres lieux, les peuples murmurent fort". » Le 8 novembre, la sentence fut rendue par les Trois-Etats au profit de Frédéric I", roi de Prusse, qui fut admis à relever, dans la principàuté de Neuchâtel, les droits périmés des comtes de Chalon. La mauvaise humeur que causa à Ostervald cette véritable comédie juri- dique se constate dans son Journal jusqu'à la date du, 8 mai 1708. Il blâme son confrère Ancillon, en raison du sermon d'actions de grâce, contre la lequel « se ressentit de l'esprit de parti et parut, outré et prudence ». Pareille mauvaise note, le 18 novembre, au diacre Chou- bonheur d'avoir un prince de sa reli- pard qui, paraît-il, && exagéra le l'éloge. »- gion et qui a désigné les juges et M. de Metternich dont il a fait Le 4 janvier 1708, c'est une véritable explosion de pessimisme : « Le mécontentement est très grand. La violation des promesses. Etrangers Saint- et non-nés sujets admis dans les emplois, eto. Ils font tout : Saphorin, Peyrol, Desbarrès, ='Prudént, etë."» Mais ne pensons pas que le prédicateur de Neuchâtel ait jamais songé à se poser en partisan et révolutionnaire. Sa théologie, dont nous avons parlé, le lui aurait interdit. Il avait, dès le 19 octobre 1707,

"Collection J.-A. Turrettini; Correspondance J.-F. Ostervald, t. Ier, 1697-1712, fo 215 ro. ss Extraifs de deux journaux: p. 47, 51, 53. "Ibid. , p. 58 et 59. annoncé cette attitude à son correspondant de Genève : « Je vois qu'on vous a insinué que NN. ou d'autres voudroient exciter les peuples ou s'opposer à la décision des juges. Je ne crois pas que personne y songe-; ' il faudroit estre non seulement bien imprudent, mais animé d'un esprit de faction et malhonnête homme, pour ne pas se soumettre à ce qui sera prononcé. Et s'agissant d'un Boy, tel que N¹ estre pire que tout cela". » Aussi bien enregistre-t-il avec une intense satisfaction le tasse- ment des affaires qu'il constate, le 8 mai 1708. Les grands changements qui devaient récompenser les grands électeurs du nouveau régime et châtier ses adversaires ne se sont pas produits, ce qui contribue à iriain- tenir la tranquillité dans le pays. Ostervald ne se dédit nullement de son attitude de l'année précédente, mais, chrétien, ministre et patriote, il salue avec joie tout ce qui contribue à la détente et qui favorise son ministère au milieu de ses concitoyens. En tout cela nous le trouvons, d'un bout à l'autre de sa longue carrière, fidèle à lui-même et à ses principes d'honnête homme. Une fois de plus on se permet de le com- parer à Bénigne Bossuet qui, dans le catholicisme du XVII' siècle, nous présente le même exemple de santé et de robustesse morale.

Eddy BAUEa.

"Collection J.-A. Turrefiini; Correspondance J.-F. Osfervald, t. I&&, 1697-1712,f& 216 v&. — Lettre déjà citée note 38. Au temps où le jeune pasteur Ostervald méditait sur le destin des Eglises réformées, c'était à la fin du XVII' siècle, ces Eglises sentaient peser sur elles une grave menace extérieure ; la puissance de Louis XIV était à son apogée et ce très catholique voisin, après s'être acharné à détruire la Réforme française, se faisait le champion de la restauration catholique en Europe. La prépondérance politique du catholicisme ne constituait pourtant pas le plus grand danger que courût alors la Réforme. Celle-ci était minée à l'intérieur par le désordre profond de la théologie et des m(eurs. La pensée protestante use le meilleur de ses forces dans de stériles çontroverses. On polémise, sans doute, contre le catholicisme et contre l'incroyance, mais, avec plus d'ardeur encore, les théologiens pro- testants se 'déchirent mutuellement, luthériens contre réformés, goma- ristes contre arminiens ;-en Suisse, les partisans du Consensus' 'contre dissidents les non-signataires ; en Angleterre, les anglicans contre les de toutes nuances. La Réforme est un vaste charivari où chacun parle sans écouter ce que dit son voisin. Les gens pieux se sentent mal à l'aise, prêtent l'oreille à la propagande piétiste. D'autres, qui se piquent d'être raisonnables, se rallient au déisme de philosophes anglais, et bientôt combattront l'Eglise au nom de la science, de la morale ou de la raison.

' La Formula consensus helveticarum ecclesiarum, rédigée en 1675 par Heidegger de , affirmai la double prédestination contre l'universalisme hypothétique d'Amyrault, et la pleine la Critique inspiration des textes hébreu (y comprises les voyelles) et grec des Ecritures contre calviniste contre les sacr ée de Cappel. Ce document exprimait donc la réaction de l'orthodoxie hardiesses de l'école de Saumur.

75 - Le désordre de la pensée favorise la dissolution des moeurs. Les consistoires chargés d'exercer la discipline ecclésiastique manquent d'autorité, c'est que le clergé lui-même ne donne pas toujours le bon exemple. Bref i au dire de Wernle, « à la fin du XVII' siècle, l'ortho- doxie était dans une impasse' », et Bossuet ne le laissait ignorer à personne. Quelques protestants, persuadés que la Réforme ne doit pas périr, avaient essayé d'indiquer le remède. Il faut, disaient-ils, donner à l'en- semble des Eglises une base dogmatique sur laquelle tous puissent s'ac- corder. Qn avait proposé un symbole fait de passages bibliques juxta- posés ', ou le symbole apostolique ', ou les trois symboles oecuméniques '. Enfin, au. milieu du XVII' siècle, un théologien luthérien d'Helmstedt, Georges Calliste, avait fait écho à ces voix réformées. Il proposait de distinguer, dans les confessions de foi, les articles fondamentaux, c'est- à-dire les doctrines nécessaires au salut, et de fonder l'accord des Eglises sur l'adhésion à ces seuls articles. —Mais quelle instance définira ces articles fondamentaux '? —Ils sont tout définis, répondait Calliste. Qu'on s'en tienne aux dogmes admis par l'Eglise au cours des cinq premiers siècles, ils sont communs à tous les protestants et permettent leur réunion. Contre ce Consensus quinque saecularis se dréssèrent l'ensemble des théologiens luthériens et la plupart des réformés, et cela, malgré l'appui des princes et l'applaudissement des humanistes. -Néanmoins, l'appel de Calliste ne sera pas vain ; c'est dans la voie qu'il a indiquée que s'enga- geront les partisans-de l'union. En 1698, quatre laïques anglais et un évêque fondent la Society for promoting christian knotcledge. Leur but est d'évangéliser les fau- bourgs païens des grandes villes d'Angleterre, mais aussi de répandre l'Evangile à l'étranger, chez les païens d'Amérique ou d'Asie, enfin de travailler au remembrement des Eglises protestantes. Ils entrent dès 1701 en contact avec la Suisse par l'intermédiaire du théologien saint-gallois

~ Der schmeizerische Protestantimus im XVIII. Jahrhundert, I, p. 486. s Jacob Acontius, philosophe de Trente, auteur des Stratagema Satanae. ' Bénédict Arétius, de Berne. ' Zacharias Ursimus, théologien du Palatinat. Scherer, dont le fils est en Angleterre. Ils ont auprès des cantons un émissaire :. le baron de Halès, et bientôt celüi-ci indique à son comité qu'il serait fort. à propos. de nommer membre correspondant de leur société, outre Scherer, un pasteur de Neuchâtel, nommé Jean-Frédéric Ostervald. Aux avances qui lui furent faites, ce dernier répondit avec empressement. Travailler à répandre l'Evangile était le devoir de sa vocation et la réunion des protestants lui tenait particulièrement à coeur. Il n'était pas seul à penser que l'accord des Eglises était une oeuvre qu'il entre- urgente d'importance capitale. Dans la correspondance suivie tenait avec son ancien maître de Genève, Louis Tronchin, celui-ci déplore à chaque page l'inconscience des protestants qui se disputent sur des vétilles alors que l'existence même de leurs Eglises est en jeu. Tronchin meurt en 1705, mais trouve un digne successeur dans le ( Turrettin). jeune professeur Jean-Alphonse Turrettini (on disait alors Bâle Ostervald et lui sont liés d'une amitié qui va croissant et ils ont à d'une autorité un ami commun : Samuel Werenfels. Tous trois jouissent d'un bon particulière dans leurs Eglises respectives et travailleront si accord à la réforme et à l'entente des protestants qu'on les désignera bientôt par le terme de triumvirat helvétique. Parmi ces triumvirs, Turrettin fait figure de chef. Il a huit ans de son ami. moins qu'Ostervald et n'entreprend rien sans l'approbation de est une Mais il n'oublie pas qu'il est l'homme de Genève, que Genève Werenfels, de capitale religieuse d'où l'initiative doit partir. Le docteur prudent. Bâle, est un esprit distingué, un fin lettré, mais un théologien et il se ménage «'M. Werenfels, écrit Ostervald, est un peu trop politique, extrêmement avec Berne '. » il s'acquitte Quant à Ostervald, il doit sa réputation à la manière dont en 1699, de ses fonctions pastorales, sans doute, et aussi à la publication, Ses d'un ouvrage important : le Traité des sources de la Corruption. Arguments et ouvrages subséquents : le -Catéchisme, la Liturgie, les célé- Réflexions, enfin sa révision de la Bible, ajouteront encore à sa un brité et le feront considérer, au delà même de nos frontières, comme archives Tronchin, 2 vol. s Lettres manuscrites de et à Tronchin. Biblioth. de Genève, 51, 52, 133.Lettre du 9 mars 1701. théologien de quelque importance. Son influence grandira jusqu'à dépas- ser celle de ses amis de Bâle et de Genève, et durera davantage. Lorsqu'il est nommé membre correspondant de la Société de Londres, ()stervald fait part du plan que cette société a élaboré pour procurer l'entente des protestants : Le plan de cette union revient à ceci : on laissera à chaque Eglise natio- nale ses -droits, sa liturgie, sa confession de foi, sa discipline, mais on con- viendra de certains articles généraux qui regarderont l'essentiel de la reli- gion ; on éloignera négativement les erreurs de l'Eglise romaine et l'on ne touchera point aux articles controversés dans les 'différentes confessions. .. Ce plan est beau et il n'échouera que, par ceux qui devraient le soutenir, je 'veux dire par les ministres qui sont, la plupart, gens intraitables. D'un autre côté, il me ~mble que si les Puissances ne s'en mêlent, il sera difficile de convenir de rien. En particulier, je ne vois pas ce qu'il y aurait à attendre de la Suisse. et comment on donnera les mains à un projet d'union dans un pays où il faut signer le Coesenms ~.

S'il est sans illusion sur la force des obstacles qu'il faudra renverser, le pasteur de Neuchâtel n'entre pas moins de tout son coeur dans l'action qu'on lui propose. Il écrit à Turrettin :

Je conviens avec vous qu'il faut agir de concert et que s1 les gens bien intentionnés ne s'unissent et ne travaillent tout de bon, le papisme et la cor- ruption vont faire périr les Eglises protestantes. Le clergé d'Angleterre est dans des dispositions de charité et de modération pour ramener les non- eonformistes, mais ces gens sont des entêtés pour ne rien dire de pis. Pour moi, je les regarde comme des schismatiques'.

En vérité, il se passionne pour la cause de l'unité : « L'oeuvre la plus sainte et la plus belle qui ait été entreprise depuis la Réforme'. » Il s'agit bien d'une réforme nouvelle. L'union des protestants ne se fera pas par la seule volonté des princes, mais plutôt par une restau- ration de la doctrine, du culte et de la morale. Que chaque Eglise, pen- sait-il, cesse de tenir pour sacrée et intangible sa tradition particulière, que chacune ait le courage d'examiner l'enseignement qu'elle donne,

~ Lettres manuscrites de et à Tronchin. Lettre du 9 février 1701. s Bvnk, Lettres à Turrettini, 3 vol. , Genève, 1887, II p. 391." s Lettre à Tronchin, op. cit., du 13 septembre 1701. et ses usages, ses documents liturgiques, l'organisation de son clergé l'exercice de sa discipline, à la lumière de la Bible, bien sûr, mais aussi en prenant connaissance de ce qui se fait ailleurs. Que toutes les Eglises de mettent en commun leurs richesses, elles seront alors en mesure elle remédier à leurs lacunes ; et 1 union deviendra possible, bien plus, sera atteinte par cette réforme générale, dans une plénitude sans .com- promis. La nécessité d'une réforme, Ostervald l'a posée dans son Traité dea au sources de la Corruption. Il va maintenant y travailler tout de bon sein de sa propre Eglise. Dès son premier décanat, il a fait admettre la révision des Psaumes, décadence faite par Conrart et révisée à Genève. Puis il s'attaque à la Il les du clergé en instituant à Neuchâtel des cours pour les proposants. mieux connaître donne lui-même, chaque matin, à titre bénévole, afin de et pouvoir conseiller les candidats. Londres a Sur le modèle des Schools of charity que la Société de ses élèves il organisées, il fonde à Neuchâtel une Ecole nouvelle. Pour aux divers compose un recueil de passages bibliques, qui se rapportent coeur. Ce chapitres du catéçhisme et que les écoliers apprendront par nouveau. recueil ne suffit pas. On lui demande de rédiger un catéchisme Londres. Il le fait volontiers et dédie son ouvrage à l'illustre Société de Vous êtes sauvés par la foi, dit ce catéchisme ; mais prenez garde d'une vraie foi salvi- que votre foi soit vraie. La marque la plus sûre Dieu. 'En accentuant fique, c'est l'obéissance aux commandements de des ainsi la nécessité d'une -vie morale, Ostervald ne se séparait pas la réformateurs du XVI' siècle, il s'efforçait de tarir les sources de subtiles de corruption, et si le moralisme est devenu l'une des formes l'hypocrisie, ce n'est certes pas sa faute. Sur un point important, cependant, Ostervald innovait : il ne pouvait consé- se résoudre à proclamer la déchéance totale de l'humanité en portèrent quence de la chute d'Adam". C'est sur ce point surtout que les critiques des théologiens bernois, fermes partisans du Consensus.

1703. '~ Cf. Lettres manuscrites de et à Tronchin. Lettre du 28 avril Cette récente confession- de foi, de 1675, contenait, sous une forme condensée et acérée, les dogmes ultra-calvinistes de Dordrecht sur l'ins- piration des Ecritures et la prédestination. Berne et Zurich avaient réussi à 'l'imposer à la plupart des Eglises suisses, mais il était évident que ni les anglicans ni les luthériens n'y souscriraient jamais. Pour délivrer -de , ce joug les Eglises suisses, le triuinvirat entreprit une longue et sourde lutte. Bâle s'est déjà dégagée en 1686, Genève dès 1706. Pour gagner Berne et Zurich, les trois amis prieront les rois d'Angleterre et de Prusse d'écrire eux-mêmes aux gouvernements de ces cantons pour leur I représenter que le Consensus est exclusif de l'union. Zurich ne cédera qu'au milieu du siècle et Berne à la fin. Les triumvirs, en effet, ne perdaient pas de vue le côté politique de l'action qu'ils menaient. Le baron d'Halès, agent de la Société de Londres, -a élaboré un plan d'union des Eglises suisses et il se propose de le soumettre à la Diète helvétique. —N'en faites rien, lùi conseille Oster- vald, un refus probable de la Diète lierait toutes les Eglises. Soumettez votre plan à chaque Eglise particulière et si quelques-unes l'adoptent, les autres suivront. L'union avec les luthériens est plus difficile encore. Ceux-ci n'accep- teront jamais de souscrire aux doctrines de Dordrecht. On prie de nou- veau les rois d'Angleterre et de Prüsse d'iritervenir auprès des Etats de Hollande. Si leurs Eglises acceptent d'adoucir les formules orthodoxes un grand pas será fait. Sur la doctrine de la Cène, les luthériens ne sont pas intraitables, mais ils ne veulent pas entendre parler d'une double prédestination qui aurait été décrétée de toute éternité. Pour 'préparer les esprits, on engage la Société de Londres à choisir des correspondants parmi les luthériens. Auguste-Hermann Francke est l'un des élus. Malgré tout, les partisans de l'union n'y sont qu'une poi- gnée, et quelques pasteurs français émigrés à Berlin forment, autour du roi de Prusse, le gros de cette petite troupe. Les Anglais paraissent plus fervents, du moins ceux qui corres- pondent avec les triumvirs le sont. Mais on n'ignore pas que, depuis l'avènement de la reine Anne, l'Eglise d'Angleterre a raidi son attitude à l'égard des dissidents.

80 Il faut pourtant savoir à quoi s'en tenir. Turrettin a composé un traité De Componendis, Protestantium Dissidiis. Il l'envoie en 1707 à Berlin et en Angleterre, accompagné d'une lettre officielle de la Com- pagnie des pasteurs de Genève proposant la réunion. Les ministres de Genève reçurent de Frédéric I" une réponse fort honnête, mais qui ne l'engageait à rien. La réaction anglaise fut inat- tendue. Les théologiens d'Oxford accusèrent réception, mais on apprit qu'il souriaient entre eux de la naïveté genevoise. Ou bien, disaient-ils; ces messieurs ont une grande charité, ou bien ils se préparent un asile en Angleterre pour le cas où ils seraient forcés de fuir Genève. Les correspondants étrangers de Turrettin ne lui cachent pas l'échec complet de sa tentative. Ostervald partage sà déception : « Je vois de plus en plus que cette société ne fait pas grand-chose avec ses corres- pondances et qu'on n'en tirera pas le fruit qu'on s'en était promis". » Un docteur Pearce, presbytérien anglais, se plaint à lui des rigueurs du Bill du Test. Si les angliçans prétendent promouvoir l'union des pro- testants, ne devraient-ils pas user de quelque tolérance à l'égard de leurs concitoyens dissidents ? Le pasteur de Neuchâtel juge que ce raisonnement ne manque pas de pertinence et il en écrit, en termes prudents, à la Société de Londres : Je ne désire-rien tant que cette réunion-là ; mais elle ne pourra être que le fruit d'un long travail d'approche fait par les deux partis. Bien des choses devront être. mises au point dans les usages anglicans, et je suis loin de tout approuver chez les presb aériens, en particulier leur aversion de la liturgie". La réforme de la liturgie, ou plutôt celle du culte, était depuis dix ans la préoccupation maîtresse d'Ostervald. On aura fait un grand pas vers la réunion des protestants, pense-t-il, si l'on parvient à mettre un terme à l'extrême diversité des usages liturgiques, et l'on aura travaillé efficacement à la restauration de la piété en proposant une liturgie simple, belle, riche et précise. Cette grande espérance entretient son écrit-il Turrettin, con- ardeur : && Au nom de Dieu, cher Monsieur, à

"Lettres inédites. » Lettre inédite d'Ostervald à Chamberlayne, aimablement communiquée pár la Society for promofing christian Knomledge.

81'-- courons à cette bonne oeuvre ; l'établissement d'un bon culte va changer les idées qu'on a de la religion, faire tomber les folles disputes, réunir les esprits et les porter à la piété". » Ses premiers travaux obtiennent de hautes approbations. Le roi de Prusse, qui en a pris connaissance, donne au prédicateur de la cour l'ordre d'en faire usage. L'auteur en est tout réjoui ; il écrit à Tronchin : « Je ne. désespérais pas de venir, et peut-être bientôt, à une uniformité de liturgie ".» ). On a beau le presser, il hésite longtemps à publier son oeuvre. Il se procure de nouveaux formulaires, compare, ajoute, retranche, perfec- tionne. Il la voudrait digne de rallier les suffrages des anglicans et des luthériens. Enfin, en 1718, paraît l'édition complète, dédiée au roi de Prusse. L'auteur jugeait ses formulaires excellents, surtout celui de la

Cène. « Je puis le dire sans nous encenser, ajoute-t-il, car il . n'y a pas grand-chose du nôtre. » Hélas . il y avait assez du sien pour rendre la liturgie inacceptable aux luthériens, malgré l'approbation de la cour de Prusse. Et les évêques anglicans, . dans leur grande majorité, étaient hostiles à tout changement liturgique. Il fallut se rendre à l'évidence, la liturgie neuchâteloise n'aurait d'influence que sur le cercle restreint des Eglises de langue française. Mais alors, la Réunion des protestants dont tout le monde parle, est-ce que personne n'en veut ? La paix est revenue. Louis XIV est mort. Les traités d'Utrecht ont fortifié les positions protestantes. Les Hannovre, d'origine luthérienne, règnent en Angleterre. Le roi de Prusse, réformé, gouverne un peuple luthérien. Le temps paraît propice. En effet, l'aréhevêque âe Cantorbéry prend l'initiative de propo- sitions concrètes : « Si les Eglises suisses, écrit-il à Ostervald, adoptaient le régime épiscopal, nous serions près de nous entendre. Et si le pas est trop difficile à faire, que vos Eglises consentent du moins à envoyer leurs futurs ministres en Angleterre pour y être consacrés par la hié- rarchie anglicane. »

» BunÉ, op. cit., III, 21. ~4 Lettres manuscrites de et à Tronchin. Lettre du 25 juillet 1705. Personnellement, Ostervald est tout acquis à l'épiscopalisme, mais il sait fort bien que les Eglises suisses s'y refuseront obstinément, comme à envoyer leurs proposants en Angleterre : « Il y a un peu trop de pré- vention dans l'esprit de ces messieurs, dit-il à Turrettin, et je vous avoue nous que j'ai peine à concevoir comment il. peut leur venir à l'esprit que envoyions nos étudiants prendre les ordres en ce pays-là". » ) Il fallait~ essayer de poser la question sur un autre terrain. Turrettin s'en chargea et publia un nouvel ouvrage : Nubes Testium. Il y propose la réunion de théologiens des trois partis qui seront chargés d'énumérer et définir les fameux articles fondamentaux. Mais , l'archevêque de Cantorbéry, ne prit pas le change. Dans une lettre aux pasteurs et professeurs suisses, il propose en substance que luthériens et calvinistes s'unissent aux anglicans, qui sont le parti moyen. Ainsi, il n'y aura plus qu'une Eglise. C'était, évidemment, la solution la plus simple. Les Genevois répliquèrent, avec tout le respect dû à l'archevêque, que leur proposition tendait à établir des liens de charité fraternelle entre les Eglises, non des à le fondre en une seule ; qu'eux-mêmes reconnaissent' la valeur ordinations anglicanes et qu'ils viennent d'obtenir, pour les luthériens, la permission de célébrer leur culte particulier à Genève. Ils suggèrent au prélat de passer, à son tour, des paroles aux actes. L'archevêque était fort bien disposé", prêt à soumettre au ministre, au roi lui-même, le plan d'union proposé par Genève, mais non, sans doute, à demander l'abrogation du Bill du Test qui écarte des fonctions publiques tous les dissidents. Ostervald est lassé de ses correspondances stériles. La grande espé- rance de voir le protestantisme former une confédération fraternelle dans la tolérance réciproque s'est dissipée. & Désormais, dit-il, la Réunion est chez moi la République de Platon". & dé- I.'échec paraît total ; mais l'insuccès d'un effort a-t-il jamais montré la pauvreté ou l'erreur de la pensée qui l'inspire ? n' '~ R. GRETILLAT Jean-Frédéric Osiervald, supplément 81. nous rendrons à Dieu pour ~~ e Je tremble, écrivait-il, quand je pense au compte que divisions, qui sait la honte de notre sainte religion. o Bvná, op. cit., III, p. 395. » R. GREnz. z.xv, op. cit., n& 115. -- Werenfels a dit le mot le plus juste sur la nature de l'unité pro- testante" : Nos Eglises, dépourvues d'un magistère infaillible, ne sau- raient imposer par force l'unité dogmatique. Celle-ci ne peut résulter que d'un effort constant de charité. Ce qui 'motive cet effort et le rendra efficace, c'est le sentiment vif du trésor commun que possèdent les pro- testants. Ils sont réellement frères. La difficulté est d'exprimer ce trésor en définissant les articles fon- damentaux. Choisir pour terrain d'entente le Consensus quingue saecu- laris, ou les trois symboles oecuméniques, ou le symbole apostolique, ce serait renoncer à la norme biblique pour se ranger sous l'autorité des conciles et théologiens. Ce serait, en principe, renoncer à être protestant. C'est ici que la position d'Ostervald apparaît neuve et forte. Au lieu de discuter les articles fondamentaux et d'en faire un nouveau sujet de controverses, il élabore un catéchisme, c'est-à-dire un manuel où les matériaux bibliques sont rassemblés et coordonnés dans le seul souci d'amener les âmes à Dieu. Il compose une liturgie, empruntant à chaque -Eglise le meilleur de son trésor. La réunion de ces textes prouve, en fait, que les sectes

protestantes ne sont pas irréductibles l'une à l'autre, que .leurs fidèles ont la même attitude devant Dieu, peuvent prier ensemble et communier.

, La réunion des chrétiens ne se fera, pas par la victoire d'une dog- matique sur ses rivales, mais par la victoire de la charité sur l'esprit polémique et l'. intolérance des factions. « Vous faites bon marché du dogme, reprochaient les -Bernois au ~çec.ww~~rc~rèv. ;ieeua, sac~x~~ catéchisme d'Ostervald. La morale règne trop. & ~lVIKB~~a&~~ss ~~&s~&eï1ttl~81futtÃMlàiosfilNsÃAKllÃfï98&~~~~y Professeur en théologie, le grand Neuchâtelois ne faisait pas fi de la pensée. Il ne cessait de méditer les données scripturaires et de les ordonner, sans, pour autant, prétendre en. épuiser le sens, ni. résoudre définitivement tous les problèmes. L'accord des théologiens ne se fera jamais sur un catéchisme, ni sur une règle de fot. Çet accord existe, cependant, sur un plan supérieur aux doctrines humaines. Cet accord

ttt Dans ses Considérations générales sur la Réunion des protestants, Bâle 1719. docteurs sous est acquis par l'opération de la grâce qui courbe tous ces Saint-Esprit se l autorité de la Parole écrite, sous le témoignage que le sont unis rend à .ui-même. Ceux qui se combattent le plus âprement cette surnaturellement si, du moins, ils ont en commun la vraie foi, L'orthodoxie des foi qui a pour marques la charité et l'obéissance. la pureté croyances peut être professée par un hypocrite ; la charité et éyan- des moeurs est un signe plus sûr de la pureté de la foi. La plus la plus «élique des Enlises n'est pas çelle dont la confession de foi est con- "détaillée, mais celle qui a les moeurs les plus pures. Cette norme ser- serve sa valeur : Obéissez aux commandements de Dieu, vivez au pour vice de Christ, alors je vous reconnaîtrai une autorité particulière expliquer les mystères de la religion. «''. -"'")4l don-t", -'.",. „t~~.~".. Deux siècles après Ostervald, les Conférences oecuméniques ~. „. controverse j~ , ui,:,o ç naient raison à la devise des triumvirs : La morale sans la t t„p, Quant à la controverse qui controverse sans la morale désagrège.'~~~ +- unit, la &w~ms~~. I\ x~~& ~ I&'s hw l&w+ts~4 @MA,4 NN v Aeerl rhenre nvollAca&~~~ ~sl j à de se poursuivrait dans la charité, elle se réduirait, sans doute, peu chose. J.-D. BURGER. TABLE DES MATIÈRES

LA LEÇON DE JEAN-FRRDRRIC OSTERVALD par Maurice Neeser......

OSTERVALD TRADUCTEUR DE LA BIBLE par Emile Lombard......

OSTERVALD ET LA CIT& par Eddg Bauer

OSTERVALD ET LA RÉUNION DES PROTESTANTS par Jean-Daniel Burger...... 75 ACHEVÉ D IMPRIMER SUR LES PRESSES DE L IMPRIMERIE CENTRALE A' NEUCHATEL (SUISSE),

LE DIX FÉVRIER MIL . NEUF . CENT QUARANTE-. HUIT