L'entourage De Charles De Gaulle Président Du
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Bernard Lachaise, « L’entourage de Charles de Gaulle président du GPRF à Paris, (25 août 1944-21 janvier 1946) », Histoire@Politique. Politique, culture, société, N°8, mai-août 2009. www.histoire-politique.fr L’entourage de Charles de Gaulle président du GPRF à Paris (25 août 1944-21 janvier 1946) Bernard Lachaise Un entourage ou plusieurs entourages ? Georges Pompidou, qui a appartenu au cabinet civil du président du GPRF, en évoque « au moins trois : le secrétariat général du Gouvernement (…), les officiers d’ordonnance ensuite (…), enfin, le Cabinet divisé lui-même en cabinet civil et cabinet militaire1 ». Seul « le Cabinet » dans toutes ses dimensions – celui du Président dont les officiers d’ordonnance, le cabinet civil et le cabinet militaire », c’est-à-dire les collaborateurs les plus directs du général de Gaulle, fait l’objet de cette étude2. Le cabinet du général de Gaulle au temps du Gouvernement provisoire de la République française à la Libération, à Paris (25 août 1944-21 janvier 1946) n’est pas terra incognita pour les historiens mais il s’agit ici, dans le cadre d’une réflexion sur les entourages politiques, de mettre l’accent sur les hommes qui le composent, leur sociologie, leur passé, leur recrutement et leur devenir3. Si une majorité des membres du cabinet du Président est entrée dans l’histoire ultérieure de la République, à l’image du directeur de cabinet, Gaston Palewski, des directeurs adjoints, René Brouillet, Geoffroy de Courcel, Louis Vallon, de chargés de mission comme Michel Debré, André Malraux ou Jean Monnet et de quelques membres du cabinet civil comme Etienne Burin des Roziers, Jean-Marc Boegner, Jean Sauvagnargues, Jean Donnedieu de Vabres, Claude Mauriac ainsi, bien sûr, que de Georges Pompidou, les autres sont, pour la plupart, moins connus et largement oubliés4. 1 Georges Pompidou, Pour rétablir une vérité, Paris, Flammarion, 1982, p. 36. 2 Chantal Morelle a étudié le secrétariat général, nouveauté institutionnelle, créé en juin 1943 et confié aussitôt à Louis Joxe avec Raymond Offroy pour adjoint. Communication dans le séminaire « Les entourages politiques » (23 novembre 2006). Selon Gaston Palewski, à la Libération, « le Général s’appuyait sur quatre organes de décision et de direction ; du point de vue civil, le Cabinet et le Secrétariat général du gouvernement et du point de vue militaire, l’état-major de la Défense nationale et les Services spéciaux ». Témoignage dans Institut Charles de Gaulle/Institut d’histoire du temps présent, De Gaulle et la nation face aux problèmes de défense 1945-1946, Paris, Plon, 1983, p. 92. 3 Si le GPRF est institué le 3 juin 1944 à Alger, seul le cabinet au temps du GPRF installé à Paris, après la Libération de la capitale, est étudié ici. En plus des informations apportées par les biographies du général de Gaulle ou de Georges Pompidou, quatre ouvrages au moins fournissent des renseignements utiles sur le cabinet du premier président du GPRF, notamment sur les méthodes de travail, sur l’action et à moindre degré sur les hommes de l’entourage : Gilbert Pilleul (dir.), « L’entourage » et de Gaulle, Paris, Plon, collection « Espoir », 1979 ; De Gaulle et la nation face aux problèmes de défense…, op. cit. ; Fondation Charles de Gaulle, Le rétablissement de la légalité républicaine-1944, Bruxelles, Editions Complexe, 1996 ; Association Georges Pompidou, Jean-Paul Cointet, Bernard Lachaise, Gilles Le Béguec, Jean-Marie Mayeur (dir.), Un politique : Georges Pompidou, Paris, PUF, 2001. A ces ouvrages, il faut ajouter : « Gaston Palewski 1901-1984 », Espoir. Revue de l’Institut Charles de Gaulle, N°50, mars 1985 dans lequel figure notamment le témoignage de René Brouillet « Rue Saint-Dominique (25 août 1944-21 janvier 1946). Sur Palewski, voir aussi : Elisabeth Glasser- Yverneau, Gaston Palewski, acteur et témoin d’un demi-siècle de vie publique et politique française (1924-1974), thèse d’histoire contemporaine, sous la direction de Maurice Vaïsse, IEP de Paris, décembre 2008. 4 La majorité de ces membres de l’entourage à la Libération a fourni des témoignages oraux ou publiés qui constituent une source très précieuse. L’Association Georges Pompidou a notamment réalisé des entretiens avec Etienne Burin des Roziers (1 AV 196) et Jean Donnedieu de Vabres (1 AV 315). Parmi les souvenirs publiés : - 1 - Bernard Lachaise, « L’entourage de Charles de Gaulle président du GPRF à Paris, (25 août 1944-21 janvier 1946) », Histoire@Politique. Politique, culture, société, N°8, mai-août 2009. www.histoire-politique.fr Avant d’étudier la physionomie générale de l’entourage, les voies d’accès qui y mènent et le destin de ses membres une fois qu’ils en sont sortis, il est nécessaire de décrire les conditions dans lesquelles le cabinet du général de Gaulle a vécu et fonctionné au temps du GPRF. Un cabinet dans un contexte politique et institutionnel exceptionnel Les témoignages mettent en avant le caractère original de la vie du cabinet caractérisée par quatre points : un contexte de guerre jusqu’en mai 1945, l’ampleur de la tâche, l’extraordinaire activité et enfin, les difficultés de fonctionnement. Le chef du GPRF et son cabinet sont installés rue Saint-Dominique, au siège du ministère de la Guerre, dans l’hôtel de Brienne que de Gaulle a connu dans l’exercice de ses seules fonctions gouvernementales précédentes, en juin 1940. C’est un choix : « Je campe ici, vous comprenez pourquoi ?, dit-il à Joxe. La guerre n’est pas terminée, il faut qu’on le sache pour le cas où l’on aurait tendance à l’oublier, et puis le ministère de la Guerre, c’est Clemenceau… » Mais il y a une autre raison aussitôt avouée par de Gaulle : « Je vous cède l’hôtel Matignon, j’y retrouverais trop de souvenirs pénibles5. » Pour ce cabinet, la tâche est immense car en plus de la guerre qui continue durant les huit premiers mois, il s’agit ni plus ni moins de participer, avec le président du GPRF et le gouvernement, à la reconstruction de la France. Gaston Palewski, directeur du cabinet du Président, l’a raconté : « Quand nous sommes arrivés à Paris, le grand problème qui se posait, c’étaient, avec la remise en train du pays et la mise en marche d’une administration comptant un certain nombre d’éléments nouveaux, la transformation des anciens journaux et la préparation d’une Constitution nouvelle, les relations avec la Résistance intérieure » avant d’ajouter : « d’immenses difficultés nous attendaient tant sur le plan matériel que sur le plan politique : des choix politiques très délicats à faire, devaient, au premier chef, être préparés par nous6 ». L’activité est, par conséquent, très intense. Jean Donnedieu de Vabres insiste sur « la situation d’extrême urgence dans laquelle nous étions placés, avec un rythme de deux conseils des ministres par semaine. Quand on regarde l’ampleur des réformes qui ont été réalisées au cours des seize mois de vie du gouvernement, on peut facilement mesurer le Gaston Palewski, Mémoires d’action 1924-1974, Paris, Plon, 1988 ; Claude Mauriac, Un autre de Gaulle. Journal 1944-1954, Paris, Hachette, 1970 ; Georges Pompidou, op. cit. et Michel Debré, Mémoires. Trois Républiques pour une France, tome 1, Paris, Albin Michel, 1984. Quelques-uns ont fréquemment témoigné, pour des colloques ou pour la Fondation Charles de Gaulle et l’Association Georges Pompidou, en particulier René Brouillet, Etienne Burin des Roziers et Jean Donnedieu de Vabres. Ces sources orales ou écrites apportent plus que les papiers conservés dans les archives du général de Gaulle (3AG4/73 et 3AG4/74) dont seuls les dossiers 1 (personnel civil et militaire) et 2 (cabinet) apportent quelques informations sur les hommes de l’entourage. L’inventaire publié fournit une brève présentation de l’entourage du président du GPRF : Archives nationales, Archives du général de Gaulle 1940-1958, Paris, Centre historique des archives nationales, 2003, p. 11, 27-28 et 39. Il faut aussi consulter aux Archives nationales les fonds privés de certains membres de l’entourage (539 AP : J. Donnedieu de Vabres ; 547 AP : G.Palewski). 5 Louis Joxe, Victoires sur la nuit, Paris, Flammarion, 1981, cité par Jean Massot, « L’installation du gouvernement d’unanimité nationale du 9 septembre et de l’Assemblée consultative provisoire », dans Le rétablissement de…, op. cit., p. 399. 6 « L’entourage » et …, op. cit., p. 71-72. - 2 - Bernard Lachaise, « L’entourage de Charles de Gaulle président du GPRF à Paris, (25 août 1944-21 janvier 1946) », Histoire@Politique. Politique, culture, société, N°8, mai-août 2009. www.histoire-politique.fr poids de la tâche (…) ; le rythme de travail était d’une rapidité extraordinaire : deux conseils des ministres par semaine, le mardi et le vendredi et de nombreux conseils spécialisés7… » Mais, plusieurs témoignages ne cachent pas un certain nombre de difficultés de fonctionnement dues à deux facteurs principaux : la séparation géographique entre, d’un côté, de Gaulle et son cabinet, installés rue Saint-Dominique et d’un autre côté, le secrétariat général du gouvernement, installé à Matignon et la rivalité d’influence entre Gaston Palewski, directeur du cabinet du général de Gaulle et Louis Joxe, secrétaire général du gouvernement8. Jean Massot a décrit les conséquences de la double structure et de l’éloignement – même relatif – des deux dans ce qu’il appelle « les conflits administratifs » : « de nombreux documents témoignent que l’articulation entre cabinet et secrétariat général (…) se faisait assez mal et que le cabinet du chef du GPRF était souvent saisi très tardivement des projets de textes qui allaient être inscrits à l’ordre du jour du Conseil des ministres (…) », même si la situation s’améliore quand Jean Donnedieu de Vabres, en assistant aux réunions à Matignon, peut faire le lien plus facilement avec la rue Saint-Dominique9.