La Révolution Française
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La Révolution française 1 En rupture avec le temps long, la Révolution occupe une séquence relativement courte, mais fondamentale, de 1789 à 1799. Dans cette étude, le risque est de se noyer dans lʼévénementiel ou de polariser le cours sur les moments, courts, intenses, souvent dramatiques, qui ont fait débat ou parfois polémique. Lʼenjeu est donc, sans négliger lʼévénement et les acteurs, avec leurs enthousiasmes, leurs engagements, sans négliger non plus le poids des rumeurs et des peurs, de dégager de grands axes qui nous permettent de comprendre dans quelle mesure ce passé, tout à la fois ancien et récent, habite toujours notre imaginaire en tant quʼindividus et en tant que nation, ou, si lʼon préfère en tant que communauté nationale. Retrouver dans ce passé ce qui, de façon sous-jacente, fait encore débat aujourdʼhui, un débat qui peut être clivant : égalité/liberté (ou liberté/égalité); démocratie représentative/ démocratie directe; libéralisme économique/contrôle de lʼéconomie; conception de la nation..... Une période au cours de laquelle sʼaffirmèrent les valeurs dans lesquelles nous aimons, sauf exception, à nous reconnaître, tout en mettant parfois derrière les mots des réalités différentes. Mais cette période de référence construite autour de certaines images du roman national fut aussi un temps de drames, vécus souvent contradictoirement par les acteurs. Mais lʼhistoire nʼest pas un tribunal et expliquer ne signifie pas approuver, sauf mauvaise foi ou incompréhension de ce quʼest précisément lʼhistoire. Notre but est de comprendre la complexité dʼune époque même si chacun peut, à deux siècles de distance, sʼinstaller dans le confort du fauteuil du juge. Enfin, la Révolution ne fut pas un simple événement franco-français puisque toute lʼEurope fut entraînée dans ce qui devint ce processus. Révolution et Contre-Révolution, tant au niveau national quʼeuropéen constitueront donc deux grandes facettes dʼun même sujet. Nous aborderons trois grandes parties après un bref rappel de ce que fut lʼAncien régime. Il sʼagira essentiellement de rappeler les pricipaux aspects du cours dispensé au second semestre 2014-2015. Première partie : Régénération ou Révolution (1789-1792). Deuxième partie : La Révolution et lʼEurope (1793-1794). Troisième partie : La Révolution confisquée (1795-1799). 2 LʼAncien régime : les facteurs de désagrégation -Le titre choisi peut-être trompeur car les facteurs de désagrégation ne se manifestent quʼau XVIIIe alors que lʼAncien régime, au sens large, relève du temps long. Conçu comme un système il englobe les individus et les enserre dans des ordres considérés comme des éléments immuables dʼune société voulue pas Dieu. LʼAncien régime est une longue construction qui débute au Moyen Age. Cʼest lʼoption que nous avons choisie pour bâtir notre cours en 2014-2015. Durablement, jusquʼau XVIIIe siècle, ce système nʼest pas contesté dans son essence -Ce titre qui prend en compte les facteurs de désagrégation fait donc référence à une contestation récente. Celle-ci ne vise pas bien entendu à pousser les feux dʼune révolution que personne, au-delà de propos de circonstance, ne perçoit. Les philosophes porteurs des idées nouvelles veulent des réformes, veulent desserrer lʼétau dʼune «pensée unique». Les Insurgents américains sont admirés mais ils ne servent guère dʼexemple même si certaines de leurs idées tranversent lʼAtlantique et les philosophes les plus audacieux nʼaspirent quʼà une monarchie constitutionnelle à lʼanglaise La Révolution est un processus dont les acteurs initiaux ne devinent pas le cheminement, entraînés ensuite dans le chaos des événements. 3 I-Le territoire et le roi 1-Du territoire à lʼEtat -Le territoire, le domaine et le royaume La construction du royaume est progressive, par lʼagrandissement du domaine royal (ce qui appartient en propre au roi). Le monarque rassemble par une politique matrimoniale avisée, par la guerre, en sʼappuyant sur le droit féodal et en mettant fin au système des apanages. Grâce au système féodo- vassalique, le roi est le suzerain suprême. Il affirme son autonomie tant à lʼégard du pape que de lʼempereur. La supposée «loi salique» permet une transmission héréditaire par lʼaîné des mâles. 4 En échange dʼun fief qui lʼenserre dans un tissu dʼobligations, le vassal rend hommage à son suzerain. Grâce au système féodo- vassalique, le roi qui se trouve au sommet de la pyramide est le suzerain suprême. -Parallèlement, avec un décalage chronologique, la monarchie se dote dʼun Etat Le roi concentre tous les pouvoirs : législateur unique, justicier suprême, maître de la paix et de guerre Mais la cour féodale du Moyen Age devient un Etat centralisé dans lequel le roi doit déléguer ses pouvoirs. Aux chevauchées des maîtres des requêtes de lʼHôtel (Hôtel du roi) succèdent des structures fixes : baillis et sénéchaux, parlements et intendants. De ce point de vue, le système louis- quatorzien est une sorte de modèle. 2-Lʼusage de la sacralité -La confusion précoce entre le baptême et le sacre Lorsque Clovis entreprend la conquête de la Gaule très romanisée et déjà largement catholique, il suit les conseils de Remi, évêque de Reims. Indépendamment de la légende de Tolbiac ( Dieu lui donne la victoire contre sa promesse de conversion), son baptême, le jour de Noêl 496, lui vaut lʼadhésion des populations gallo-romaines soumises et facilite leur fusion avec les vainqueurs. Les Francs se convertissent avec Clovis, posant déjà les bases de lʼunité de croyance. Mais il serait érroné de voir là lʼorigine de la France. Celle-ci nʼémergera que sur les ruines de lʼEmpire de Charlemagne, autour des Robertiens (Hugues Capet, 987). 5 Selon Hincmar, archevêque de Reims (vers 802-882), un ange, sous la forme d'une colombe, aurait apporté la sainte ampoule à Remi, à Reims, pour oindre le front de Clovis lors de son baptême. Par là même, Hincmar accrédite l'idée que « Dieu seul fait le roi, avec l'aide visible de l'office sacerdotal. » Le premier roi à avoir été sacré à Reims fut Louis le Pieux en 816, empereur dʼOccident à la mort de son père Charlemagne. Dès lors, baptême et onction du sacre sont confondus, mais cʼest le sacre qui fait le roi. Au Moyen Age, le roi bénéficie de pouvoirs miraculeux quʼil tient de Dieu : il guérit les écrouelles (le roi te touche, Dieu te guérit). Sous Louis XIV, Bossuet théorise les pouvoirs du roi dans le cadre de la monarchie absolue de droit divin qui suppose lʼunité de croyance et la sacralité du corps du roi (crime de lèse-majesté). -Lʼunité de croyance La culture chrétienne joue un rôle structurant et lʼunité de croyance sʼimpose autour de lʼEglise catholique. Les Juifs déicides sont ainsi exclus comme lʼexemplum dit du miracle de lʼhostie en fait foi dès le XIIIe siècle. Cet exemplum est connu dans toute lʼEurope chrétienne (un des six éléments de la prédelle du retable réalisé par Paolo Ucello à Urbino au XVe siècle). Les 6 Juifs qui ont profané lʼhostie sont suppliciés. Lors du serment du sacre, le roi de France, la France étant la «fille aînée de lʼEglise», jure de maintenir lʼunité de croyance et «dʼexterminer» (de réprimer) les hérétiques. Henri de Navarre doit se convertir au cathocisme pour être sacré mais, lors du serment, il «oublie» la partie qui concerne les hérétiques, cʼest-à-dire les protestants. Lʼédit de Nantes de 1598 est une concession politique qui permet provisoirement la pacification. Louis XIII, en 1638, voue son royaume à la Vierge comme lʼexprime ce tableau réalisé par Philippe de Champaigne selon les instructions très précises du roi. En 1685, en révoquant lʼédit de Nantes, Louis XIV en revient à la logique de la monarchie, lʼunité de croyance. Ce qui nʼempêche pas le souverain dʼutiliser à son profit lʼesprit gallican du clergé. -La sacralité du corps du roi Indépendamment de la thèse des deux corps du roi, le corps mystique qui ne meurt jamais (le roi est mort, vive le roi) et de son corps physique, la personne des rois est sacrée. Lui porter atteinte est un crime de lèse- majesté. Mais, jusquʼau règne de Henri IV, le roi demeure le roi chevalier qui porte son corps dans la bataille, comme François Ier à Marignan (1515) ou à Pavie (1525). Mais cʼest surtout à Bouvines (1214) que cette symbolique 7 sʼest imposée. Le corps du roi est charnellement dans la bataille, avec ses chevaliers et les milices urbaines des communes. Autour du roi se forme la nation qui constitue un ensemble organique. La nation est ainsi la rencontre entre les corps constitués (chevalerie et milices urbaines) et corps du roi porteur de la sacralité. Le moine ligueur Jacques Clément commet un crime de lèse-majesté en assassinant Henri III en 1589. Il est Phillipe Auguste avec sa bannière fleurdelisé et écartelé. lʼoriflamme de Saint-Denis va être jeté à terre mais il Comme Ravaillac, assassinant Henri IV en 1610 ou est sauvé par «ses hommes», chevaliers et piétons encore Damiens donnant un simple coup de canif à des communes. La symbolique du roi et de la nation Louis XV en 1757. est ici à lʼœuvre II-Les facteurs de désagrégation 1-Lʼimpact du nouvel environnement culturel -La raison et la passion Les philosophes, cʼest-à-dire les penseurs du XVIIIe siècle, se fondent sur la raison qui sʼoppose aux arguments dʼautorité qui caractérisent la 8 monarchie absolue. La raison est le moteur du progrès : pour eux, le genre humain est perfectible et la science est le moyen du bonheur. Au fanatisme, celui en particulier de la religion, ils opposent le rationalisme et la tolérance, au mercantilisme qui corsette lʼéconomie, ils opposent la liberté (le libéralisme des physiocrates). Le XVIIIe siècle se sépare de la culture classique du XVIIe et de tout ce qui pourrait apparaître comme un ordre immuable (jardin à la française, règle des trois unités...). La raison et la sensibilité ne sʼopposent pas mais se conjuguent en lʼhomme réconcilié avec la nature.