HANE GOSHI Analyse et applications du mouvement

Par Pascal DUPRÉ – IMAF Suisse Postulant pour le titre « Renshi » Kokusai Budoin IMAF

Copyright IMAF (Suisse) – Version du 8 octobre 2011 : définition et objectif

Hane Goshi (Haneru : jaillir, bondir, sauter à l’intérieur et Koshi : hanche) est une technique de hanche [Koshi Wasa] intégrée au Gokyo no Waza développé par Maître Jigoro Kano, fondateur du . Hane Goshi est la ème Maître Jigoro Kano 5 projection de hanche sur les dix mouvements figurant dans le Gokyo. Le présent exposé vise à explorer et mettre en valeur – à nouveau –, la technique Hane Goshi. C’est à la fois une technique ancienne et actuelle, qui peut être adaptée à de nombreuses situations. C’est une grande technique.

HANE GOSHI : éléments historiques Ainsi, ce mouvement semble avoir été formalisé lors de la création du Judo Kodokan, mais est sans doute issu du Dès 1895, cette technique de hanche fait partie du cursus Ju-Jutsu traditionnel que pratiquait Maître Jigoro Kano. des mouvements du Gokyo no Waza dans le Dai Sankyo, Nous en trouvons d’ailleurs une démonstration dans avec les autres techniques que sont : Okuri Ashi Barai, l’ouvrage de Mr K . Higashi et Mr I . Hancock intitulé , Ushiro Goshi, Uchimata et . « Le Jujitsu Kano » sous la technique 33 (qui ne porte d’ailleurs pas de nom). Avec l’aide de ses premiers élèves, Selon Maître K. Watanabe1 , 6ème Dan, la création de ce Maître Kano a puisé dans ce savoir ancestral des formes, mouvement est à attribuer à Maître qu’il a ensuite affinées afin de le rendre conforme à ses K. Iizuka, 10ème Dan (1875–1958) : souhaits. « le retour du Hane Goshi doit faire plaisir aux mânes [spirit] de son Si son attribution n’est pas évidente, il semble toute- premier inventeur, Maître Iisuka ». fois que ce mouvement ait eu par le 2 Mais dans un article paru en 1957 , passé ses adeptes. Maître H. Cour- intitulé « Je me souviens par Maître tine4, 10ème Dan (1930– ) déclare : Iisuka, » il dénie cette information : « il s’agit d’une grande technique ème « Isogai Hajime, 10 Dan (1871– très pratiquée dans le passé, mais Maître K. Iizuka 1947), l’inventeur du Hane Goshi, qui actuellement l’est assez peu ; la avait un corps très fort ». Maître raison en est simple : son exécution K. Iisuka précise alors, concernant ce mouvement : « le suppose un style de Judo très acadé- Hane Goshi de cette époque n’était pas aussi technique mique, ce qui est, en compétition, de que celui d’aujourd’hui. Cette projection consistait à atti- Maître H. Courtine moins en moins le cas ». rer l’adversaire de force sur soi et à le projeter en donnant un coup de hanche et en levant une jambe ».

Maître M. Yoda, 8ème Dan, propose une autre attribu- HANE GOSHI : décodage du tion, dans un article paru en 19563, intitulé : Mon Hane mouvement Goshi : « cette projection, la 5ème du 3ème Kyo, est attri- buée à Maître Eitaro Suzuki, un des premiers élèves de Dans le lexique des façons de projeter proposé par Maître Maître Kano ». Il ajoute également dans ce même article : T. Kawakami, 8ème Dan, nous trouvons : « il a pour base : soit , soit , selon que l’on ne hanche pas (principe du Uki Goshi), • Hiki-Otosu (faire tomber en rabaissant), soit que l’on engage la hanche (principe de ), • Hane-Ageru (faire sauter par l’action de la jambe et d’où est dérivé Tsurikomi Goshi ». de la hanche), • Tsuri-Komu (attirer auprès de soi comme à la pêche), 1 Revue Judo Kodokan, Vol. XI – No 1, janv. 1961 et enfin 2 Revue Judo Kodokan, Vol. III – 15 mai 1957 3 Revue Judo Kodokan, Vol. VII – No 2, 15 mars 1956 4 Henri Courtine, Judo et Jiu-Jitsu, 1977, Éd. Denoël – 2 – • Okuri-Komu (lancer par accompagnement). la partie inférieure de l’abdomen de l’adversaire. En utili- sant un mouvement de bascule des hanches, on projette Nous verrons dans la présente analyse que Hane Goshi l’adversaire en poussant vers le haut une de ses jambes peut, dans des proportions particulières, réunir ces diffé- par l’intermédiaire de la nôtre correspondante et pliée ». rentes façons de projeter. Les grandes lignes de Hane Goshi sont ainsi exposées. Explorons maintenant différentes formes de Hane Goshi. Selon Maître Yoda, précédemment cité : « dans le même Nous partirons des fondamentaux, pour enchaîner avec temps où vous bondissez sous le ventre de l’adversaire les variantes (Kuzure), et enfin aborder les contre-prises en lançant votre corps (et votre pied gauche) avec votre (Kaeshi). jambe droite à peine fléchie (orteils frôlant le sol), vous chassez avec votre mollet droit sa jambe droite comme Comme nous l’avons vu dans l’historique, il est évident pour l’écarter au loin avec force … en maintenant vos que cette technique est une adaptation de Uki Goshi, deux corps en contact, votre buste s’incline vers le sol en mouvement favori de Maître Kano lui-même. même temps que votre jambe monte (dans le prolonge- ment de votre buste comme dans un T) et votre adver- Dans l’ouvrage de Maître T. Daigo5, 10ème Dan saire tombe en chute avant … Faire le mouvement avec (1926– ), nous trouvons : « l’im- son corps, plier très peu la jambe droite pour chasser la portance de se pencher en arrière jambe adverse, descendre au maximum sous le ventre de [bending back] est expliquée dans l’adversaire, maintenir le contact des deux bustes jusqu’à Hane Goshi Renshuho (Sako, pu- la fin de la chute ». blié par le Kodokan Bunkakai, mars 1926)“ … pour pratiquer cette tech- Quant à Maître Mikinosuke Kawaishi8, 10ème Dan nique, se préparer d’abord à projeter (1899–1969), il nous propose le point de vue suivant : avec Uki Goshi. Uki Goshi est la clé « le tronc et la jambe droite fléchie de pour comprendre l’action de se pen- Maître T. Daigo Tori restent en prolongement pen- cher en arrière … ” ». Cette notion de dant toute la projection. La jambe la forme du corps de Tori est difficile à comprendre, et droite et la hanche de Tori forment surtout difficile à pratiquer, car il y a un risque évident une sorte de plateforme sur laquelle pour Tori de se faire jeter sur son arrière. Ce point est Uke bascule … Mais l’important est évoqué par Maître S. Nagaoka (1876–1952) et Maître la rotation de Tori en fonction de K. Samura (1880–1964), tous deux 10ème Dan6 – et ce l’attaque de sa propre jambe droite concernant Uki Goshi – : « Tsukuri (préparation) : pour et de sa hanche ». Nous sommes faire le Tsukuri, il faut un Taisabaki (mouvement tour- très proches de la forme Uki Goshi, nant) très rapide et décidé, il faut marcher à petits pas, si d’autant plus que Maître Kawaishi on marche à grands pas le mouvement sera lent et sera insiste sur : « Tori, profitant du dé- d’aucun effet, il sera contré (Ura Waza) par exemple par séquilibre d’Uke, se penche en avant Maître M. Kawaishi Ushiro Goshi ou par … c’est alors facile pour d’un seul bloc en chassant de sa jambe Tori de faire tomber Uke en avant par le mouvement de droite celle de Uke vers le haut, et en fléchissant sa jambe ses mains et la torsion de son corps ». gauche ».

Abordons maintenant spécifiquement Hane Goshi à Attardons-nous quelques instants sur un point qui me proprement parler. Nous utiliserons plusieurs éclairages semble des plus importants, et que présente Maître issus des maîtres du Judo de différentes époques. Kawaishi, et Maître Shinzo Takagaki9. Nombreux sont les experts qui proposent de tendre la jambe d’appui En 19607, la Commission technique du Kodokan pro- (Tori), tel un ressort qui se détend afin de projeter Uke pose une explication technique très détaillée de ce mou- vers le haut. Ainsi, Maître Ichiro Abe10 nous dit : « en vement : « Principes : en déséquilibrant l’adversaire de étendant la jambe gauche, Tori soulève avec sa hanche, la manière à ce qu’il se penche vers l’avant ou vers l’avant jambe droite suivant et amplifiant cette action ». droit, on se glisse sous le corps de celui-ci en se tournant de manière que notre corps vienne en contact étroit avec 8 Ma Méthode de Judo, M. Kawaishi, Éd. Cedam 5 Toshiro Daigo, Kodokan Judo : throwing techniques, 2005, Kodansha 9 Shizo Takagaki & Harold E. Sharp, The Techniques Of Judo, Éd Tuttle International Publishing, 1957 6 Revue Judo Kodokan, Vol. XXI, Printemps 1951 10 Ichiro Abe, Judo par Ichiro Abe, Presses Universitaires de Bruxelles, Éd. 7 Revue Judo Kodokan, Vol. X, No 5, 15 novembre 1960 Chiron, 1969 – 3 – • se glisser sous le partenaire, Maître T. Inogai11, 8ème Dan (1908–1978), précise : « dans l’instant où je lance en arrière et vers le haut, pied • organiser une bascule du corps de Uke, avec les en extension, je tourne vers la gauche et plaque Uke hanches comme point de rotation. contre moi, le plus possible, en me redressant sur la Certains professeurs insistent sur jambe d’appui ». cette notion de contact de la hanche, dont Maître Michel Novovitch14, Maître Kuyzo Mifune12, 10ème Dan 6ème Dan. De son point de vue, il (1883–1965) et co-fondateur de souligne la notion du « principe de Kokusai Budoin, IMAF en 1952, l’énergie cinétique : c’est l’énergie de explique : « … rapidement, élever la boule qui percute la quille du pen- vos hanches en projetant l’énergie, dule, de l’impact de la pierre lancée en renforçant le genou gauche ». ou de la flèche … ». C’est une ap- Maître M. Novovitch proche du mouvement plus percus- Maître Jigoro Kano13 nous pro- sive. Il n’est pas le seul à promouvoir cette façon de faire, pose : « redressant sa jambe d’appui, puisque Maître Henri Courtine nous dit en conclusion Tori soulève Uke avec une action Maître K. Mifune de son explication du mouvement : « il est indispensable de ressort de la hanche et de la jambe de synchroniser parfaitement le déplacement du pied droite ». droit, le mouvement de “ percussion ” et la bascule du buste ». Cette façon de faire « sauter » Uke grâce à l’action d’ex- tension de la jambe d’appui, rejoint bien le sens que l’on peut donner à Hane– Ageru. Dans ce cas précis, si l’on Maître T. Inogai nous rappelle : « la jambe droite est veut garder le déséquilibre acquis de Uke, l’action main– plus ou moins pliée. Elle l’était davantage dans les formes hanche–jambe doit se faire dans un même temps, sinon anciennes de la technique où Tori percutait la partie in- le point de rotation que représente les hanches de Tori terne de Uke, mollet au niveau du genou ». va se transformer en « point d’arrêt ». Uke risque de gar- der les pieds au sol, fixé qu’il sera au niveau des hanches Cette manière nous avait été décrite par Maître Iizuka par cet à-coup, et penché en avant par l’action des mains dans la partie historique figurant en introduction à l’ana- de Tori. Aucune mobilité de Uke et de Tori n’est alors lyse. possible à cause des forces qui entrent en contradiction. Afin que ce soit un Koshi Waza, la notion essentielle est bien celle de l’utilisation des hanches, celles de Uke Ainsi, nous avons là deux façons différentes de concevoir comme celles de Tori. le Kake. L’une en tendant la jambe d’appui de Tori ou, 15 ème l’autre en la fléchissant. Pour ma part, j’estime que le fait Dans un article, Maître Kenshiro Abe , 8 Dan, nous de plier la jambe d’appui, plutôt que de la tendre pour le rappelle les fondements des Nage Kake, projette plus efficacement Uke. Cela découle du Waza. Il insiste sur un point : « dans fait que Uke ne doit pas d’abord monter avant de redes- des techniques telles que celles des cendre. L’action de jeter est plus directe du haut vers le hanches, le centre de gravité de l’un bas, que du bas vers le haut puis vers le bas. Toutefois, des adversaires se trouve sur le corps l’extension de la jambe d’appui peut se faire lorsque le de celui qui exécute la prise. Dans ce corps de Uke est déjà dans la chute. Il sera par l’action de cas, ce dernier doit veiller à ce que les cette jambe, ainsi que de l’action des mains et du corps deux centres de gravité se trouvent de Tori, jeté plus fort, plus sûrement vers le sol . En fait, sur le même plan quand il y a pro- cette jambe d’appui pousse Uke vers le bas. jection, autrement sa force dispersée n’est pas effective. Cependant, la Maître Kenshiro Abe Il y a de toute façon, dans ces différentes formes de pra- distance entre les deux centres de gra- tiques, des notions fondamentales et incontournables qui vité doit être aussi petite que possible, de façon à ce que permettent l’exécution correcte de Hane Goshi : l’effet de friction (sans choc) puisse se produire ». Dans l’ouvrage de Maître Jigoro Kano, sous la descrip- 11 Judo pratique , T. Inogai- R. Habersetzer , Éd. Amphora , 2002 12 K. Mifune, The Canon Of Judo By K. Mifune, Éd. Kodansha International, tion de Hane Goshi, nous trouvons encore : « déséqui- 2004 ISBN-10 4-7700-2979-9, 224 p. 14 M. Novovitch, Judo Gravité Zéro , Éd Pupliday-Multidia 2003 13 J. Kano, Judo Kodokan, Éd. Kodansha, 1956 15 K. Abe, Revue Kodokan, Printemps 1951 – 4 – librant Uke sur l’avant droit, Tori l’amène contre sa HANE GOSHI : opportunités du hanche droite et le projette par une action de ressort vers le haut de sa hanche droite et de sa jambe droite, associé mouvement à une traction vers le bas des deux mains ». Venons-en aux opportunités propices à l’exécution de À ce stade de l’analyse, nous avons cerné que deux ma- Hane Goshi. nières de projeter peuvent être relevées. Uke sera en Shizen Tai, en Migi Shizen Tai ou Hidari Revenons plus précisément sur cette fameuse action des Shizen Tai, voire en position défensive, légèrement pen- mains : l’action des mains de Tori pourra être différente ché en avant. Tori devra s’adapter à la forme de corps de selon les experts, et selon le moment du Tsukuri, du Uke, soit en prolongeant son pas de recul, afin d’entrer Kuzushi et du Kake. sous le corps de Uke. Cette manière de faire pourrait faire penser à . Soit en faisant un De son côté, Maître Ishiro Abe af- plus grand avec le pied gauche en prenant firme : « par une traction de la main garde de ne pas se trouver sur l’arrière, c’est-à-dire qu’il gauche vers l’aisselle et l’action sou- faut toujours aller sur l’avant pour Tori, même s’il fait levée de la droite vers l’avant droit, un Tai Sabaki. Ou encore en faisant une attaque directe Tori amène le pectoral droit de Uke sur la jambe droite de Uke (Migi Shizen Tai). Lors de en contact avec le sien (position cette action, il faudra « ouvrir la porte » à Uke en faisant Migi Shizen Tai) ». une rotation du corps de droite à gauche afin de ne pas heurter sa jambe. Cette manière de « tirer–pousser » Maître Ishiro Abe avec les mains est sans doute celle qui J’aimerais également proposer une forme d’attaque que va s’inspirer le plus de Tsuri Komi Goshi. j’affectionne particulièrement, et que j’appelle « en pas- sant ». En garde fondamentale à droite, lorsque Uke Maître Inogai précise : « je lève Uke en tirant de la main recule ou déplace son pied droit sur le côté, passer de- gauche (environ 70% de la force) et en soulevant de la vant lui rapidement (Ayumi Ashi), tout en conservant le main droite (environ 30% de la force), bras droit plié, poids de Uke sur son pied droit. Par le fait de l’avancée de coude engagé sous l’aisselle de l’adversaire en faisant bras Tori, Uke se trouve emporté vers l’avant en pivot sur ce de levier ». Maître Inogai est de ceux qui privilégient l’ac- point d’appui. Il est alors facile d’engager le mouvement tion Tsurite. en prenant garde de ne pas s’arrêter devant, mais plutôt de pratiquer Hane Goshi « en passant ». Toutefois, dans l’article écrit par la Commission tech- nique du Kodokan16, une mise en garde est mentionnée : « si l’action de la main gauche est trop forte, en “ Migi Tori peut également attaquer la jambe droite de Uke sur Hane Goshi ”, ceci a pour conséquence de rétablir l’équi- son déplacement « en cercle », comme lors de l’exécution libre chez l’adversaire par sa réaction ». Étant entendu de dans le Nage no Kata. que l’action pour faire avancer le pied droit de Uke ne Une précision intéressante nous est apportée par Maître doit pas le contraindre, mais plutôt l’inviter à le faire, afin Shinzo Takagaki : « si l’équilibre de votre adversaire est de ne pas produire chez lui une réaction opposante. sur le centre ou sur la partie basse de son corps, il sera difficile de le lever à la puissance de votre hanche et de Maître Kano n’insiste pas trop sur le Kuzushi dans son votre jambe. Vous devez transférer son équilibre vers le exposé du mouvement, mais par contre formule une haut de son corps en le tirant sur son avant ». information essentielle qui est : « associée à une traction vers le bas des deux mains ». Ce point paraît des plus im- portants. Cela indique clairement que Tori ne doit pas se trouver sur le chemin que prend Uke en direction du sol. S’il ne respectait pas cela, son action conjuguée des deux mains serait impossible. Enfin, cela suggère que l’action Les techniques présentées sur les photographies des de Tori est clairement de jeter Uke vers le bas le plus pages suivantes sont exécutées par : directement possible. Tori : Pascal Dupré

Uke : Adrien Beck

16 Revue Judo Kodokan, Vol. X, No 5, 15 novembre 1960 – 5 – Projection sur le pas de recul de Uke

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– 6 – Projection position Shizen Tai de Uke

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– 7 – Projection position Migi Shizen Tai de Uke

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– 8 – Projection « en passant »

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– 9 – Projection « en cercle »

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– 10 – HANE GOSHI : contre-prises et enchaînements

Selon les principes de base du Judo, la pratique des contre-prises se doit de respecter la non-opposition. Ainsi, Tori exploitera la forme de corps de Uke afin d’engendrer la meilleure contre-prise possible.

La contre-prise peut-être quasiment en Sen no Sen, ou en Go no Sen. La notion la plus importante à nouveau – qui va carac- tériser la contre-attaque –, est de ne pas rompre l’action première, mais de la prolonger, la diriger pour soi. Par exemple, dans le Go no Sen no Kata17, sur l’attaque de Hane Goshi, il est proposé en contre, Sasae Tsuri Komi Ashi, qui se pratique dès que Uke cherche à ressortir de son mouvement et à reprendre son équilibre (Go no Sen). On peut également au moment où l’attaquant tente de recouvrer sa position de départ, suivre avec Ushiro Goshi ou . Il est aussi possible de contour- ner l’attaquant dans son dos, et contre-attaquer sa jambe d’appui avec , ou par exemple.

Pour ce qui concerne les enchaînements, la qualité de cette action n’aura d’effet qu’en suivant les mouvements défensifs de Uke, tant dans sa forme de corps que dans son énergie déployée. Ainsi Tori pourra selon ces critères suivre par O Uchi Gari, , voire .

Ancien Kodokan

17 Kata non recensé par le Kodokan, créé dans les années 1910 par les Maîtres de l’université de Waseda (Tokyo), où a étudié Maître Kawaishi de 1919 à 1923 – 11 – Contre-prise Ushiro Goshi

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– 12 – Contre-prise Utsuri Goshi

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– 13 – Contre-prise Kosoto Gake

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– 14 – Contre-prise Tani Otoshi

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– 15 – Enchaînement O Uchi Gari

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– 16 – Enchaînement Hane Makikomi

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– 17 – Enchaînement Koshi Guruma

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– 18 – HANE GOSHI : remarques pect mutuel (Jita Kyoe). conclusives Je m’attache à pratiquer un Judo « fluide » et sans à- coups. Ceci permet au pratiquant d’être en contact avec Personnellement, je pratique Hane Goshi avec beaucoup ce que doit être un mouvement : un mouvement qui per- d’attention, car malgré plusieurs décennies de pratique dure et qui ne sombre pas dans l’inertie. Ceci permet éga- du Judo, je commence seulement à en saisir la finesse. lement de ménager le corps, afin de pratiquer ce Judo le Je suis conscient que d’expliquer un mouvement, de le plus longtemps possible. À chaque arrêt du mouvement, transcrire, est chose ardue et limitée. Seul, le contact avec l’inertie s’installe et tout est à refaire, alors que si l’on un enseignant permet d’en comprendre toutes les subti- maintient cette mobilité, l’enchaînement des actions est lités ; il en va de même pour toute la pratique du Judo davantage facilité. Ce principe se retrouve dans la pra- bien sûr. tique des Tachi Waza (techniques debout) comme des Ne Waza (techniques au sol). Pour ma part, je préfère pratiquer Hane Goshi proche de la forme Uki Goshi, qui s’appuie sur l’action « Hikite », Au regard de cette analyse, il ressort que la pratique de plutôt que la forme « Tsurite » , où le déploiement d’une Hane Goshi est du plus grand intérêt. D’abord, ce mou- certaine force est demandé. vement – dont l’origine probable est Uki Goshi –, nous met en contact avec le travail fondamental des Koshi Dans les pages précédentes, je vous ai fait part de la Waza. Ensuite, Hane Goshi offre plusieurs variantes, forme « en passant », car il se trouve que cette forme cor- que ce soit sur le déplacement de Uke, ou sur celui de respond bien à ma vision actuelle du Judo. Je considère Tori. C’est un mouvement qui peut s’adapter aux diffé- que cette manière de faire doit s’inscrire dans un conti- rents gabarits des pratiquants. S’il y a insuccès dans son nuum de temps – comme un promeneur qui poursuit exécution, Tori peut enchaîner sur un autre mouvement. son chemin. Les secondes qui s’enchaînent sans s’arrêter Pour toutes ces raisons, il est à regretter que ce magni- sont à l’image de Hane Goshi que l’on pratiquerait « en fique mouvement, que l’on pourrait croire à tort venu passant ». Quant à la forme qui consiste à prolonger le d’une époque révolue, ne soit pas plus pratiqué et en- pas de recul de Uke, il faut une très grande finesse d’ac- seigné. Il est de ces mouvements qui ne sont pas faciles tion, comme le sont d’ailleurs tous les mouvements de d’accès, mais qui permettent au travers de leur pratique fauchages, de balayages. En cela cette forme m’est très d’aller au cœur des fondements du Judo. chère également. Pascal Dupré, août 2011 Hane Goshi, tel que je le conçois, est inscrit dans une courbe évitant à tout prix une ligne brisée, en essayant Remerciements le plus possible de ne pas heurter mon partenaire, mais Je remercie respectueusement mes professeurs de Judo, par ordre plutôt de « l’accélérer » : chronologique : M. Norbert Jacob, Maître Pascal Krieger, Maître • accélération de son propre mouvement sans qu’il Igor Correa, Maître Kazuhiro Mikami, Maître Christian Demarre, puisse s’y soustraire, Maître Jacques Le Berre, Maître Mitsuhiro Kondo, ainsi que tous • accélération du mouvement de son corps par mon ceux qui ont su me transmettre l’Art et la passion du Judo. attaque, grâce à l’usage de mon propre corps – lui- Je tiens également à remercier chaleureusement mes partenaires même lancé dans le vide – et de l’action conjuguée de et élèves et plus particulièrement Robert, Adrien, Christophe, mes mains. Rodolphe, car sans eux la pratique du Judo aurait été impossible. Je À cet égard, j’insiste sur le fait que « lancer dans le vide » remercie M. Robert Rapin, Branch Director IMAF-Switzerland est une action contrôlée. Elle doit l’être afin de préserver (cf. www.imaf-ch.org) et Président de l’association IMAF Suisse, le partenaire (Uke), pour qu’il puisse toujours trouver le pour : son indéfectible engagement, la conception graphique, la chemin de la chute (Ukemi) dans la confiance et la sécu- publication assistée par ordinateur et les supports photos. rité. Tori reste toujours au contrôle de l’action. L’harmo- Toute ma gratitude à Maître Pascal Krieger, 10ème Dan Shodo, nie entre les deux partenaires est la condition première pour sa calligraphie Hane Goshi. pour une pratique correcte du Judo. Ni gagnant , ni per- Mes remerciements vont également à Richard Toth pour sa dant, deux pratiquants qui cherchent ensemble et, grâce contribution à la production de ce document. à l’autre, réussissent à s’épanouir dans le bienfait et le res-

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