Bernard Hinault Est Donc Né À Yffiniac, Le 14 Novembre 1954
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(Ç) Copyright PAC éditions Paris 1978 BERNARD HMUiï 1. QUENTIN / éditions [ME 3, rue Saint-Roch, 75001 Paris 1954-1978 : d'Yffiniac aux Champs-Élysées Yffiniac, dans les Côtes-du-Nord, un gros bourg situé à quelque huit kilomètres de Saint-Brieuc. C'est là que vit celui qui est en train de supplanter dans le cœur des Français les Bobet, Anquetil, Poulidor et autres Thévenet, celui dont on attend qu'il devienne dès demain un des plus grands champions cyclistes de tous les temps. Petit-fils d'agriculteurs, Bernard Hinault est donc né à Yffiniac, le 14 novembre 1954. Son père est employé à la S.N.C.F., sa mère s'occupe de jardinage. Il a deux frères, l'un un peu plus âgé que lui, Gilbert, l'autre a tout juste vingt ans, Pierre, et une sœur, Josiane, qui a vingt et un ans. Disons tout de suite que Gilbert a lui aussi essayé de devenir coureur cycliste, sans aucun succès. De son propre aveu, il n'était bon « que dans les descentes », ce qui, on en conviendra aisément, n'était tout de même pas suffisant. De son enfance, Bernard dira toujours qu'elle a été tout à fait normale, parfaitement heureuse. Il aime à répéter qu'il n'a « jamais manqué de rien ». Ses premiers coups de pédale n'incitent pas à penser qu'il deviendra plus tard le coureur le plus doué de sa génération : Tour de Sarthe 1975 ; ci-dessous, à droite d'Hinault, Moneyron, à sa gauche le russe Morelov et l'espagnol Moral. quand il enfourche pour la première fois un vélo, à l'âge de quatre ans, il est littéralement mort de peur. Il jure bien que plus jamais on ne le fera regrimper sur pareil engin... Au départ, Bernard préfère de beaucoup les promenades à pied dans la campagne bretonne. Il est très vite attiré par l'athlétisme, et il pratique le cross-country pendant plusieurs saisons. Il se classe même dixième d'un championnat de France. Sur piste, sa distance de prédilection est le 3 000 mètres. Mais depuis quelque temps déjà, il a été amené à reprendre contact avec le vélo : entre la maison familiale et l'école, il y a deux kilomètres cinq cents. Cela fait tout de même relativement loin pour un passionné de cross. Ainsi, matin et soir, Bernard rivalise avec tous les gamins du coin, tout au long de la route, en d'interminables sprints au résultat sans cesse remis en cause. Il n'a plus peur maintenant, il serait même plutôt un des plus véloces à quelques kilomètres à la ronde. Et puis, de toutes façons, il possède déjà ce goût de la victoire, cette volonté d'être toujours le plus fort, le plus rapide, tous les jours, en toutes circonstances. C'est cette même ambition qui le conduit en droite ligne à la compétition. Tandis que Bernard donne ses premiers coups de pédale sur le chemin de l'école, la famille Hinault s'ennorgueillit déjà de posséder un authentique coureur cycliste, René, un cousin de Bernard. Celui-ci va le voir courir tous les dimanches. Il s'imprègne tout entier de l'ambiance bien particulière de ces petites courses régionales. Il admire ces sportifs, amateurs au sens noble du terme, qui chaque fin de semaine enfourchent leur machine pour en découdre sur les petits routes de la campagne bretonne. Et puis un jour, le cousin René remporte une victoire. Vive émotion dans la famille, surtout pour Bernard, qui se dit aussitôt : « Pourquoi pas moi ? ». C'est décidé, il sera lui aussi coureur cycliste. Dans un premier temps, son cousin lui prête un vélo, qui remplace avantageusement le mi-course qu'il avait eu pour son certificat d'études. Puis, grâce à Albert Redon, marchand de cycles, un vieil ami de la famille, il a bientôt son premier vrai vélo « à lui ». C'est un « Gitane »... déjà. Aussi souvent que cela lui est possible, Bernard accompagne les coureurs de la région à l'entraînement. Puis il s'inscrit au Club Olympique Briochin, qui compte quelque 1 200 membres. Le C.O.B. était en particulier le club du grand champion britannique Tom Simpson, dont la fin tragique, sur les pentes du Ventoux, est encore dans toutes les mémoires. Le 2 mai 1971, Bernard dispute sa première course, le Grand Prix de Planguenoual. Le matin, en partant pour ses grands débuts, il annonce à sa mère : « Je vais gagner ». Le soir, il revient avec le bouquet du vainqueur. Il s'est retrouvé sans trop y croire échappé en compagnie d'un autre coureur, qu'il a battu au sprint. A cette époque, il est encore scolaire, il va gagner quatre courses de suite, pour ensuite aligner huit dimanches sans victoire. Déjà en Bretagne on parle de Bernard Hinault comme d'une sorte d'enfant prodige. Il en susciterait même certaines jalousies. L'important est qu'il est remarqué par celui auquel il dit encore aujourd'hui devoir tout ce qu'il sait en matière de cyclisme, Roger Leroux. Ancien champion de France de gymnastique, Roger Leroux est professeur d'éducation physique et membre du comité de Bretagne. Entièrement dévoué à la cause du cyclisme, Roger Leroux avait déjà entraîné Tom Simpson et de nombreux coureurs français. Il voit tout de suite en Bernard Hinault l'étoffe d'un authentique champion. Disponi- ble, énergique, paternel, délicat, compréhensif, sage, patient, un brin idéaliste, il entreprend d'inculquer à Bernard tout son savoir. Il lui fournit aussi ce qui ne va pas tarder à devenir sa véritable bible, un petit livre qu'il a publié sous le titre « Coureur cycliste : ce que tu dois savoir ». Bernard y trouve tout ce que peut désirer un débutant. Il franchit alors un pas décisif ; il devient littéralement passionné de vélo. Roger Leroux lui apprend en particulier à envisager l'avenir en fonction d'une carrière cycliste. Il lui fait comprendre qu'il ne doit pas rester trop longtemps dans les rangs amateurs. Les exemples sont en effet légion de jeunes coureurs extrêmement brillants qui furent condamnés à demander tout au long de leur carrière d'éternels espoirs. Pour s'être épuisés pendant de trop nombreuses années à dominer les pelotons de courses amateurs, pour avoir attendu les Jeux Olympiques dans l'espoir de ramener une victoire à la France, de nombreux coureurs se sont retrouvés professionnels beaucoup trop tard, littéralement vidés, ayant perdu jusqu'à la joie de courir. La carrière de Bernard Guyot en est très certainement un des exemples les plus significatifs. De fait, Bernard Hinault désire très tôt passer profession- nel. Il estime que quand on a pour ambition de faire ce métier, il faut le faire jusqu'au bout. Pas question pour lui de se contenter de courir le dimanche et de faire autre chose le reste de la semaine. Pas question de devenir ajusteur, métier auquel le destinait le C.A.P. qu'il avait préparé et passé avec succès. Quand il désire quelque chose, il le veut entièrement, et met tout en œuvre pour l'obtenir. C'est ainsi qu'il décide, sur le conseil de Roger Leroux, de devancer l'appel pour le service militaire. Il a en effet, très vite compris que puisqu'il lui faut s'éloigner des pelotons pendant quelque temps, mieux vaut que cela se passe avant qu'il ne soit complètement engagé dans la carrière de coureur. Il pourra ensuite reprendre l'entraînement sans arrière pensée, et très vite passer professionnel, puisque une fois encore, comme il le dit lui- même : « Dans la vie, il faut avoir un but. Si vous ne voulez pas passer professionnel, que vous n'avez pas d'ambition, rien ne sert d'insister... » C'est ainsi que la carrière « amateur » de Bernard Hinault se trouve coupée par le service militaire qu'il effectue à Sissonne, dans l'infanterie de marine : en 1972, il remporte le Premier Pas Dunlop et il ne réapparaît ensuite qu'en 1974. A son retour de l'armée, il ne lui faut d'ailleurs pas bien longtemps pour retrouver la grande forme. Il dispute la Route de France... épreuve pour laquelle il n'aurait d'ailleurs pas dû être qualifié, puisqu'il n'était alors encore que « senior B ». Il remporte la première étape, et termine deuxième au classement général, derrière Michel Laurent. Il se classe également cinquième de l'Étoile des Espoirs, disputée selon la formule « open ». Le 1er janvier 1975, Bernard Hinault passe professionnel. A vingt ans, il est le plus jeune des pelotons. Il entre dans l' équipe Renault-Gitane, avec comme directeur sportif Cyrille Guimard. Celui qui fut un des plus brillants routiers sprinters français de l'après-guerre s'est en effet très vite reconverti. Tout comme Bernard, Guimard est le plus jeune de sa profession. Avant d'abandonner la compétition, il fut président de l'Union Nationale des Coureurs Professionnels, succédant ainsi à Jacques Anquetil. Déjà à ce poste, il avait fait la preuve de ce qu'il refusait systématiquement de se laisser bercer par la routine. Guimard n'est pas de ceux qui acceptent les compromis, il se bat sans cesse, fidèle en cela à l'esprit qui était le sien en course. A ce jeu-là, il s'est rapidement fait des ennemis, et ses démêlés avec les organisateurs et les managers ont permis de faire éclater au grand jour, des problèmes que certains auraient bien voulu ne jamais évoquer. Mais dans le même temps, il a connu une réussite exceptionnelle dans ses fonctions de directeur sportif. Et c'est sans doute cela qui lui vaut le plus d'avoir des ennemis.