Seigneurs Et Forçats Du Vélo
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ADORNI AGOSTINHO AIMAR ALTIG ANQUETIL BAHAMONTES BALDINI BARTALI BASSO BINDA BITOSSI BOBET BOTTECCHIA BRUYÈRE CHRISTOPHE COPPI DARRIGADE DE BRUYNE DE VLAEMINCK FABER FIGNON FRANTZ GARIN GAUL GEMINIANI GIMONDI GODEFROOT HERRERA HINAULT JANSSEN JIMENEZ KELLY - KOBLET KUBLER KUIPER LAPIZE LEDUCQ Tirage et reliure par Cronion S.A. (Barcelone) Photogravure : Reprocolor Llovet (Barcelone) Photocomposition : Compo-Akrour, Pantin I.S.B.N. 2-7021-1615-9 Dépôt légal : octobre 1987 @ Calmann-Lévy Numéro d'éditeur : 11307/01 OLIVIER DAZAT SEIGNEURS ET FORÇATS DU VÉLO Illustré par Miroir du Cyclisme Seigneurs et Forçats du Vélo est un ouvrage produit par Copyright pour les Éditions Calmann-Lévy. Édité par Olivier Barrot Iconographie et coordination : Zlatko Susic Conception graphique et mise en page : Bernard Pichonnat Maquette de la couverture : Dominique Gauron Calmann-Lévy 1987 Ce livre est dédié à mon frère Arnaud, fidèle compagnon de route de l'enfance, et à mon fils Florent qui un jour, c'est sûr, passera en tête au sommet de l'Aubisque et du Tourmalet. REMERCIEMENTS Remerciements à l'équipe de Copyright dont la compétence n'a d'égale que la courtoisie ; à Michel Merejkowski, directeur de la librairie Le Sportsman. à Maurice Maigret, octogénaire alerte dont les greniers en matière d'archives cyclistes sont inégalables. à Pierre Chany, Marc jeuniau et Maurice Vidal dont les écrits m'ont autant enthousiasmé que les exploits des champions cyclistes. à mon ami Zlatko Susic R E G A I N Il est dans la nature humaine de vouloir sortir du peloton. Nous vivons tous pour une échappée solitaire, épisodique ou définitive. Notre époque, pourtant, nous incite à rester groupés, à nous économiser, à privilégier la durée sur la violence de l'ins- tant. Le champion seul conserve le droit d'exalter nos défauts, de démasquer notre volonté de puissance et nos rêves de gloire, vestiges de l'enfance joueuse et con- quérante. Le guerrier démodé par la guerre, le grand homme livré aux souhaits de la majorité, l'amoureux trompé par l'amant, le champion est la dernière représenta- tion héroïque de l'homme. Il s'est aussi substitué au guide religieux. Chemin de croix, calvaire, montée au ciel, résurrection, ascétisme, crucifixion et miracles rythment son existence de saint. Car Yannick Noah à Roland-Garros, Bernard Hinault dans l'Alpe d'Huez ou Serge Blanco plantant sur la terre de Sydney l'essai victorieux contre l'Australie ont été en quelque sorte canonisés. S'il reste encore une valeur dans nos sociétés, elle est sportive. Avec l'émouvant rugby et l'âpre boxe, le cyclisme nous a donné les plus beaux caractères, composé les plus belles chansons de gestes. Des silhouettes fugitives de l'avant-guerre au dernier vainqueur du Tour de France, de la photomaton émo- tive à l'agrandissement, nous avons ici développé soixante-quinze portraits de sei- gneurs et forçats du vélo, soixante-quinze petites nouvelles dans lesquelles nous avons tenté d'extraire leur mythologie intime, la subtantifique moëlle de leur pal- marès. Ceux-ci ne sont pas strictement les soixante-quinze meilleurs, mais soixante- quinze parmi les meilleurs. A côté des poids lourds, Coppi, Merckx ou Bobet, nous avons souhaité évoquer le gracile Julio Jimenez, le coup de reins furieux de Marino Basso, la carrière. ambiguë de Ward Sels, les mésaventures de Michel Pollentier. Ils sont cette humanité secondaire sur laquelle rebondissent après s'être nourris les héros. Il nous a aussi fallu choisir entre Binda et Girardengo, Petit-Breton et Pottier, Magne et Speicher. Mais la sélection est toujours féconde et révélatrice quand l'antho- logie aplanit et banalise, se prive des perspectives du temps et des reliefs de la mémoire. Aussi les années cinquante sont le corps et le cœur encore battant de cet ouvrage. La génération magique de l'après-guerre engendra des natures aventu- reuses et pittoresques, des champions qui ne doutaient pas que le meilleur de la vie se déroulait sur une route escarpée conduisant au col de l'Aubisque. On s'étonne que seul l'accident ou un sort tragique aient mis un terme à leur carrière sportive. Mais très peu étaient doués pour la vie civile, cette existence dépréciée où le pouls retourne à la normale. Cet âge d'or dura jusqu'à l'affirmation des groupes extra- sportifs avec l'ère Anquetil-Van Looy. L'esprit des équipes nationales et le charme des coureurs régionaux se perdit. La course devint moins débridée, plus scientifi- que. Il y eut moins d'envolées en montagne, moins de défaillances spectaculaires aussi. L'avènement d'Eddy Merckx fut une superbe rémission. A lui seul, il réalisa pour un demi-siècle d'exploits. De l'humanité, il restera quelques tableaux, deux ou trois milliers de pages, une demi-douzaine d'inventions, des films peut-être et de la musi- que bien sûr, mais nous sommes persuadés que la "grande bibliothèque" conser- vera précieusement les Tours de France et les Paris-Roubaix d'Eddy Merckx. Ber- nard Hinault eut la malchance de lui succéder, de régner sur un peloton dévitalisé, sans imagination, qui subit la dépression naturelle de l'après-merckxisme, riche en coureurs d'exceptions. La décade Hinault sera résolument polémique, reléguant le champion breton à la dernière place... des plus grands. Si le Blaireau afficha dans les courses d'un jour panache et tempérament, il ne réalisa aucune échappée soli- taire victorieuse dans le Tour et attendit l'âge de trente-deux ans pour remporter sa première étape de haute montagne. Depuis quelques années, la popularité du cyclisme s'est effritée, victime de la concurrence de loisirs se prenant pour des sports, comme le golf ou la planche à voile. Sans doute aussi le public a-t-il changé, préfé- rant s'enthousiasmer pour les duels à huis clos entre deux joueurs de tennis aux physiques d'acteurs de cinéma. Nous aimons désormais la facilité dans l'effort, la beauté du geste décortiqué au ralenti. Ce coureur cycliste à l'accent du terroir, au visage maculé de boue, obscène d'énergie déployée, est un sportif anachronique. Jacques Seguéla a proposé récemment de le déringardiser. A l'arrivée du Tour de France, des journalistes ont demandé aux principaux protagonistes de l'épreuve de danser sur des airs de rock après avoir accompli plus de quatre mille kilomètres en trois semaines et par tous les temps. A chacune de ses tribunes, Jacques Chan- cel exigea d'eux des réparties à la Oscar Wilde et des aphorismes dignes de Cioran. Pourtant, le coureur cycliste ne doit surtout pas changer, simplement redevenir lui- même. Car c'est de véritables personnalités dont le peloton a besoin, il lui faut un teigneux comme Robic, un seigneur à la Bobet, un fantaisiste comme Hassenfor- der, ce bon géant de Van Steenbergen et l'Ange de la montagne Charly Gaul. C'est bien des coups de gueule de Geminiani dont nous manquons, des envolées poéti- ques de Fausto Coppi, des jumps de Darrigade, des effondrements suspects de Kubler, de la désinvolture de Koblet et des démarrages à explosion de Popof Graczyk. Si cet ouvrage souffre de nostalgie, la plus récente des névroses collectives, l'édition du Tour de France 1987 annonce une guérison prochaine. L'élégant et subtil Ste- phen Roche s'imposant dans les trois derniers kilomètres de l'ascension de la Pla- gne un effort meurtrier pour gagner l'épreuve ; l'énigmatique et déconcertant grim- peur Luis Herrera dont la mine sombre et les attitudes rétives font passer le fris- son ; la défense émouvante du petit Charly Mottet acharné sur son bec de selle à ne pas céder son maillot jaune ; la sportivité souriante de Pedro Delgado et la naissance du premier champion inventé par la télévision, Jean-François Bernard ou Jeff, ont offert une course merveilleuse. Ces champions fugaces amateurs de voi- tures de sport et businessmen, gérant une carrière écourtée par l'usage de braquets aussi monstrueux que les exigences de leur sponsor, ces champions soucieux aux maillots surchargés d'inscriptions publicitaires, assaillis à leur descente de machine par une armée de « relations publiques » de firmes de machines à laver ou de bois- sons gazeuses, ces champions minés par la névrose du professionnalisme et la bouli- mie des médias qui enfoncent dans la gueule du malheureux Sean Kelly cerné par les caméras un micro au moment de son abandon sur chute, ces champions décriés ont su restaurer nos passions et conjurer notre nostalgie. Sans doute parce qu'il faut toujours beaucoup d'oppression pour que l'on évoque la liberté, beaucoup de pour- riture pour qu'il soit à nouveau question de pureté. Enfin, ce livre s'adresse à tous ceux qui n'ont jamais douté que l'histoire du sport cycliste était la seule véritable histoire des hommes... VITTORIO ADORNI Entre l'équipier modèle et l'éminence grise, Vittorio Adorni était le lieutenant de luxe. Quand il s'aligne en 1965 au départ du Tour de France après avoir remporté le Giro, les journalistes italiens s'accordent à reconnaître en lui le champion légitime de la Péninsule. En trois semaines, son jeune équipier Felice Gimondi va lui faire reconsidérer son plan de carrière. Défaillant dans les Pyrénées, Vittorio aban- triote, Vittorio passe à l'ennemi, sans haine, a plus belle prestation télévisée de la carrière de Vittono Adomi. Le donne sans gloire et assiste devant son poste sujet de l'émission : le titre de champion du monde à Imola après une et se met au service du plus fort, Eddy échappéeL solitaire de soixante-quinze kilomètres. Ce jour-là, l'ancien lieu- de télévision à l'avènement de son compa- Merckx, sous le maillot Faemino. Il sera son tenant de Gimondi et le capitaine de route de Merckx avait su garder triote.