Histoire De La Gaule
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LA TRIBU ET SON TERRITOIRE — IV. GROUPEMENT D ES TRIBUS EN PEUPLA D ES — V. CARA C TÈRE D ES TERRITOIRES D E PEUPLA D ES — VI. DES NOMS D E PEUPLA D ES I. — DU NOMBRE D ES HABITANTS D E LA GAULE Au second siècle avant notre ère, la Gaule passait pour un des pays les plus peuplés du monde. Les citoyens des villes grecques disaient alors de leurs patries qu’elles se mouraient faute d’hommes 1 et ils pensaient en même temps des tribus gauloises qu’elles souffraient d’un excès de multitude 2. Une telle opinion ne venait sans doute pas de l’exacte connaissance du pays. Elle était le résultat de la façon dont les Celtes et les Galates se présentèrent au monde gréco-romain, et de la peur qu’ils lui inspirèrent. Depuis 390 jusqu’en 207, presque chaque année, les habitants du Midi apprenaient que des bandes auxquelles on donnait ces noms avaient franchi les Alpes ou l’Hémus, et qu’el- les descendaient vers eux. Les Gaulois étaient les ennemis qui reviennent sans trêve, et qui ne laissent aucun répit à l’inquiétude. Et ils se montraient, non pas en bataillons de mâles armés, mais en nations qui émigrent, avec des femmes, des enfants, des vieillards, des troupeaux et des chariots. La surprise et la crainte troublèrent les calculs chez les Méridionaux ; leur imagination fit le reste, et ils crurent que dans la terre d’où ces hommes venaient, familles et tribus étaient inépuisables. Ce qui est l’impression ordinaire que les invasions laissent à leurs victimes. À ces vagues hyperboles les érudits modernes ont substitué des tableaux et des statistiques : s’aidant des chiffres d’effectifs militaires conservés dans les récits anciens, ils ont évalué en nombres la population de la Gaule ; et ils l’ont fixée fort bas, bien au-dessous de ce qu’elle est maintenant et de ce qu’elle a jamais été, 1 Polybe, XXXVII, 4, 4. 2 Pol., II, 35, 8 ; Strabon, IV, 4, 2 ; IV, 1, 2 ; 4, 3 ; 1, 13 ; Justin, XXIV, 4, 1 ; César, III, 20, 1 ; VI, 24, 1 ; Tite-Live, V, 34, 2 ; Pausanias, I, 9, 5. 4 HISTOIRE DE LA GAULE à moins de dix millions c’est-à-dire tout au plus au sixième des êtres qui vivent aujourd’hui entre le Rhin et les Pyrénées 3. C’est remplacer une exagération par une autre. Entre ces deux frontières, ce n’étaient certes pas des myriades infinies d’hommes qui naissaient sans cesse, pareilles à la multitude grouillante de la Chine des grands fleuves ; mais les tri- bus n’y vivaient pas cependant en de rares petites troupes disséminées dans des clairières ou des oasis, comme les indigènes des forêts ou des déserts africains. L’immensité des espaces sylvestres et marécageux n’était pas, en ce temps-là et sous ce climat salubre, un obstacle à la vie humaine : les bois et les palus avaient leurs habitants à demeure 4 ; Gaulois ou Ligures étaient moins sensibles que nous au froid, à la fraîcheur ou au brouillard ; et, comme ils redoutaient surtout la chaleur, ils ne fuyaient pas le contact des terres humides et ombragées 5. Ce qui n’empêchait pas les hommes de fréquenter aussi, beaucoup plus qu’aujourd’hui, les hauts plateaux et les sommets aux rebords escarpés. Les assises de la civili- sation actuelle sont, pour ainsi dire, des pavés secs et des routes planes ; celle d’autrefois s’accommodait tout aussi bien d’un sol boueux et de chemins mon- tants. Que de ruines de cette époque ne trouve-t-on pas dans des régions que les époques suivantes ont à demi désertées, jadis foyers d’habitation constante, aujourd’hui lieux de rendez-vous temporaires : la cime glaciale du mont Beuvray, le Larzac infertile et les Causses pierreuses, les marais du Médoc et les sables des dunes, terres vouées d’ordinaire à la solitude, sont pleines des souvenirs et des produits d’autrefois. Polybe s’aperçut, non sans étonnement, que les Alpes étaient habitées au voisinage même de leurs sommets 6, et Hannibal trouva en effet de nombreux Barbares jusqu’aux lacets du mont Cenis 7. Au surplus, les chiffres acceptés par les Anciens se rapprochent de la densité actuelle de la population, bien plutôt qu’ils ne s’en éloignent. La Gaule put livrer des armées aussi nombreuses que celles que la France produisit dans les temps de levées en masse ou de conscription sévère : en 52, tout à la fin d’une longue campagne précédée de six ans de guerre, César aura encore à combattre 338 000 Gaulois, sortis presque tous des terres comprises entre la Garonne, les Cévennes, la Somme et la Marne 8. Des Helvètes, qui tenaient alors l’espace entre le Jura et 3 En 1900 (NDE) 4 Strabon, IV, 1, 2. 5 César, VI, 30, 3. 6 III, 48, 7 ;. T.-L., XXI, 34, 1. 7 Polybe, III, 53, 6 et 7 ; T.-L., XXI, 34, 1. 8 César, VII, 76, 3 ; 77, 8 ; cf. Strabon, IV, 2, 3 ; les immenses territoires des Ménapes (Flan- dre), des Rèmes, des Trévires, des Lingons et des Leuques n’ont fourni aucun contingent à ce 5 HISTOIRE DE LA GAULE les Alpes Bernoises, il émigra en 58 au moins 263 000 têtes 9 ; or, la population des cantons qui se sont formés sur leur territoire ne s’élevait, en 1850, qu’à un million et demi, et l’on sait que la Suisse s’est grandement peuplée dans le dernier siècle 10. Il sortit 23 000 émigrants de ce qui est aujourd’hui le canton de Bâle 11 ; les habitants du Valais surent mettre en ligne plus de 30 000 combattants, ce que le canton ne ferait certes pas aujourd’hui 12 ; une petite tribu ligure des environs de Nice en fournit une fois 4 000 et davantage 13 ; les Lingons, habitants de la Côte d’Or et du plateau de Langres, jusqu’à 70 000 14. Quand César pénétra au nord de la Marne, il fut effrayé du nombre de guerriers que produisait chaque peuple 15 : le Beauvaisis à lui seul, dont la superficie était de moins de 600 000 hectares 16, pouvait lui en opposer 100 000, ce qui suppose une population totale de 400 000 hommes 17, chiffre actuel de celle du pays. Une armée de 296 000 soldats fut mise sur pied entre la Meuse, l’Aisne et la Seine, et il était facile de la renforcer 18. Ne taxons pas d’erreur ou d’exagération les écrivains anciens qui nous ont conservé ces chiffres. Ils les tenaient des indigènes, et les peuples d’autrefois, plus encore que les peuples chrétiens, ont aimé les statistiques et les dénombre- ments 19. C’était la religion qui exigeait ces recensements un par un, toutes ces total ; ce total représente, non pas tous les hommes capables de porter les armes, mais certum numerum (César, VII, 75, 1). 9 I, 29, 2. En plus de ce chiffre, il faut encore, semble-t-il, compter les esclaves, fort nombreux chez les grands seigneurs helvètes (I, 4, 2) ; et il faut compter aussi tous ceux qui restèrent. 10 De 2 392 740 à 3 315 443 de 1850 à 1900 ; en 1837, 2 190 258. 11 César, I, 29, 2 (Rauraci) : Bâle-Ville compte (1900) 112 227, Bâle-Campagne, 68 497 ; les deux cantons en 1850 comptaient 77 583. 12 César, III, 6, 2 : soit 120 000 habitants ; chiffre actuel du Valais (1900) : 114 438 ; en 1850 : 81 559.