ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

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R A P P O R T D’ I N F O R M A T I O N

Présenté à la suite de la mission effectuée en Norvège du 9 au 11 juin 2009

par une délégation du

(1) GROUPE D’AMITIÉ FRANCE-NORVEGE

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(1) Cette délégation était composée de M. Jean-Claude Mathis, Président, de MM. Jean-Michel Clément et Guy Delcourt, Vice- présidents, de M. Michel Lezeau, secrétaire, de Mmes Fabienne Labrette-Ménager et Françoise Imbert et de M. Jean-Luc Préel.

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SOMMAIRE

INTRODUCTION ______7 I. LA FRANCE ET LA NORVÈGE : DES RELATIONS MARQUÉES PAR UNE FORTE CONVERGENCE D’INTÉRÊTS ______9 A. Le cadre général de nos relations ______10 B. Les attentes exprimees à l’égard de la France et de l’Union européenne ______12 C. Les autres questions de politique étrangère ou intérieure abordées par la délégation ______16 1. Les relations avec la Russie ______17 2. La situation en Afghanistan ______18 3. Le développement de l’immigration______20 II. LA POLITIQUE DE LA NORVÉGE DANS LES DOMAINES DE L’ÉNERGIE ET DU DÉVELOPPEMENT DURABLE ______21 A. La lutte contre le réchauffement climatique ______22 1. Les objectifs ______22 2. La stratégie mise en œuvre ______23 3. L’exploitation des gisements dans le Grand Nord ______24 B. Le développement des energies renouvelables ______25 1. La volonté affirmée de recourir à des sources variées d’énergie _ 26 2. La société Statkraft : un savoir-faire ancien ______27 C. La protection de l’environnement ______28 III. LES PRIORITÉS DE LA NORVÈGE CONCERNANT LA PÊCHE ET LE TOURISME ______29 A. Une politique de la pêche soucieuse de préserver la ressource ______29 B. Un secteur à fort potentiel de croissance : le tourisme______31 ANNEXE : PROGRAMME DE LA MISSION______33

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INTRODUCTION

Une délégation du groupe d’amitié France-Norvège de l’Assemblée nationale s’est rendue en Norvège du 9 au 11 juin 2009, à l’invitation du Président de la Commission des affaires étrangères du Parlement norvégien, M. Olav Akselsen.

Conduite par M. Jean-Claude Mathis, député (UMP) de l’Aube, Président du groupe d’amitié, la délégation était composée de : M. Jean-Michel Clément, député (SRC) de la Vienne, M. Guy Delcourt, député (SRC) du Pas-de-Calais, tous deux Vice- présidents du groupe, M. Michel Lezeau, député (UMP) de l’Indre- et-Loire, secrétaire du groupe, Mme Fabienne Labrette-Ménager, députée (UMP) de la Sarthe, Mme Françoise Imbert, députée (SRC) de la Haute-Garonne, et M. Jean-Luc Préel, député (NC) de la Vendée. Elle était accompagnée par M. Cédric Gabriel, administrateur, secrétaire administratif du groupe d’amitié.

La délégation a souhaité se pencher sur trois grands thèmes au cours de cette mission – l’énergie et le développement durable, la pêche et le tourisme –, en mettant l’accent sur le premier d’entre eux.

Ce choix était motivé par le fait que la Norvège, qui dispose d’importantes ressources énergétiques, est confrontée, tout comme la France, engagée de son côté dans la mise en œuvre des mesures du « Grenelle de l’environnement », au défi que pose la conciliation entre activités de production et protection de l’environnement.

En effet, dans ces deux pays au niveau de vie élevé, les ressources doivent être gérées de manière durable, au nom de la solidarité entre les générations.

Or cet impératif commun ne peut que rapprocher encore davantage deux pays dont les relations bilatérales n’ont cessé de s’intensifier et dont l’intérêt objectif est de conforter leurs liens politiques.

Le programme élaboré par le , le Parlement norvégien, s’est révélé être d’une qualité exceptionnelle et a permis aux députés d’aborder, de manière approfondie, les problématiques – 8 –

choisies par le groupe d’amitié lors de sa réunion du 27 janvier 2009.

Par ailleurs, au cours de ses différents entretiens, la délégation a pu aborder d’importants dossiers de politique étrangère ou intérieure, comme les perspectives européennes de la Norvège, ses relations avec la Russie, la situation en Afghanistan et le développement de l’immigration.

Les membres de la délégation ont été extrêmement touchés par l’accueil chaleureux qu’ils ont reçu à Oslo. Cette visite ayant eu lieu quelques semaines avant le lancement de la campagne électorale (les élections générales ayant lieu en septembre prochain), ils tiennent à exprimer leurs remerciements les plus vifs à M. Thorbjørn Jagland, le Président du Storting, ainsi qu’aux présidents et aux membres de la Commission des affaires étrangères, de la Commission de l’industrie et du commerce et de la Commission de l’énergie et de l’environnement.

Ils remercient également M. Jonas Gahr Støre, ministre des affaires étrangères, et Mme Helga Pedersen, ministre de la pêche et des affaires côtières, car ces deux hauts responsables ont accordé à la délégation des entretiens longs et très constructifs. Leurs remerciements s’adressent aussi à MM. Oluf Ulseth et Emmanuel Soetaert, respectivement Vice-président pour les affaires européennes et directeur « France », de Statkraft, le premier producteur européen d’énergie renouvelable, qui ont présenté, de manière très vivante, les activités et les projets de cette société.

Enfin, les membres de la délégation remercient l’ambassadrice de France en Norvège, son Exc. Mme Brigitte Collet, ainsi que le personnel de l’ambassade, dont ils ont apprécié la courtoisie, l’efficacité et la disponibilité.

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I. LA FRANCE ET LA NORVÈGE : DES RELATIONS MARQUÉES PAR UNE FORTE CONVERGENCE D’INTÉRÊTS

Avant d’aborder les thèmes d’études choisis par la délégation, l’excellente qualité des relations entre la France et la Norvège doit être soulignée. Elle a été évoquée à plusieurs reprises devant les députés par leurs interlocuteurs norvégiens, ce qui n’a rien d’étonnant car, comme on le verra plus loin, les relations entre les deux pays sont étroites et diversifiées.

En outre, les interlocuteurs de la délégation au sein du Parlement et de l’Exécutif norvégien ont tous souligné l’intérêt d’un renforcement de ces liens.

Cet « appétit » pour des relations bilatérales encore plus étroites concerne aussi les échanges entre les parlements des deux pays. Ce souhait est d’autant plus remarquable que le Parlement norvégien ne connaissant pas le système des groupes d’amitié, il a été exprimé par ses commissions permanentes et sa plus haute autorité, le Président du Storting, qui considèrent qu’il serait profitable de dialoguer, avec les députés français, sur les sujets d’intérêt général qui préoccupent leurs concitoyens et les nôtres.

Il y a lieu de noter que, vue de la Norvège, l’existence même d’un groupe d’amitié France-Norvège à l’Assemblée nationale est révélatrice de ce climat général d’entente qui caractérise les relations entre les deux pays et témoigne en faveur du potentiel « d’approfondissement » des liens bilatéraux.

Ainsi, de son côté, le Président du Storting, M. Thorbjørn Jagland, s’est dit heureux que ce groupe d’amitié compte autant de membres, soit plus de trente députés : selon lui, ce chiffre dénote l’intérêt de la Représentation nationale pour la Norvège et prouve qu’elle est un partenaire important pour la France. Il a ensuite déclaré espérer que le Président de l’Assemblée nationale puisse bientôt se rendre en Norvège. – 10 –

A. LE CADRE GÉNÉRAL DE NOS RELATIONS

Nos relations avec la Norvège n’ont cessé et ne cesseront de se renforcer pour quatre raisons majeures.

En premier lieu, bien que le peuple norvégien ait rejeté à deux reprises, par référendum, l’entrée de son pays dans l’Union européenne (en 1972 et en 1994), la Norvège participe, à un certain degré, à cette aventure commune et, de ce fait, souhaite entretenir des rapports étroits avec l’un des principaux Etats membres de l’Union.

En effet, la Norvège est membre de l’Espace économique européen qui, depuis 1994, lie ce pays, ainsi que l’Islande et le Lichtenstein, à l’Union européenne. Dans ce cadre, elle met en œuvre les directives relatives au marché intérieur adoptées par le Conseil des ministres et le Parlement européen de l’Union. C’est ainsi que ce grand pays producteur et fournisseur d’électricité et de gaz apporte une contribution décisive au marché européen de l’énergie, mais en respectant les « règles du jeu » communautaires.

Par ailleurs, la Norvège est, depuis 2001, membre de l’espace Schengen, ainsi que de la Convention de Dublin relative au traitement des demandes d’asile et d’Europol, l’office européen de coordination des polices nationales.

En deuxième lieu, la Norvège est un partenaire commercial stratégique de la France.

La France est ainsi le sixième investisseur étranger en Norvège, celle-ci représentant le stock d’investissement français le plus important en Europe du Nord. Notre pays était aussi, en 2008, le quatrième client de la Norvège, derrière le Royaume-Uni, l’Allemagne et les Pays-Bas.

Surtout, avec un déficit de 10 milliards d’euros, la Norvège est notre troisième déficit bilatéral dans le monde, derrière la Chine et l’Allemagne. Ce déficit s’explique par le poids de nos importations d’hydrocarbures. En 2008, la Norvège était notre premier fournisseur de gaz naturel, assurant environ 25 % de notre – 11 –

approvisionnement, et notre second fournisseur de pétrole brut, derrière la Russie, qui lui a ravi la première place en 2007.

Pour Total, implanté dès le milieu des années 1960, la Norvège est le premier pays au monde en termes de production d’hydrocarbures, cette société étant présente en mer du Nord, en mer de Norvège et en mer de Barents. Total doit développer ses prochaines activités dans ces deux dernières zones, notamment dans le champ Victoria en mer de Norvège où la société disposera du statut d’opérateur. GDF SUEZ est arrivé plus tard, en 2001, pour être, avec Total, l’un des partenaires dans l’exploitation du champ gazier Snøhvit en mer de Barents. Cette entreprise sera par ailleurs l’opérateur du champ gazier de Gjøa, actuellement en phase de développement et dont la phase de production devrait commencer en 2010.

En troisième lieu, la France et la Norvège défendent des positions proches sur les grands dossiers diplomatiques, en particulier ceux concernant le renforcement de l’efficacité de l’ONU et la mise en place de nouveaux dispositifs d’aide au développement.

Sur ce dernier point, la Norvège est, avec la France, le Brésil, le Chili et le Royaume-Uni, membre fondateur de la facilité internationale d’achats de médicaments (UNITAID) pour les pays les plus pauvres. On rappellera que le budget de ce mécanisme est en partie financé par la contribution internationale de solidarité sur la vente de billets d’avion, taxe qui avait été proposée en 2006 par le Président de la République de l’époque, M. Jacques Chirac.

Cette proximité de vues s’accompagne de la prise de conscience que les échanges énergétiques entre la France et la Norvège doivent s’appuyer sur une vision partagée des enjeux politiques qui sous-tendent ce type de négoce, en particulier ceux qui ont trait à l’avenir des relations avec la Russie, le Maghreb et le Moyen-Orient. C’est pourquoi, à l’initiative des ministres des affaires étrangères des deux pays, un dialogue stratégique en matière d’énergie a été mis en place, dont la dernière réunion a eu lieu à Paris au printemps 2008. – 12 –

En dernier lieu, les liens qui se tissent, pour des raisons qui tiennent au cœur et/ou à l’expatriation économique, entre les Français et la Norvège tendent à nous rapprocher de plus en plus de ce pays. De fait, on peut dire que la Norvège n’a jamais été aussi attractive pour les Français, puisque, ces cinq dernières années, le nombre de nos compatriotes installés en Norvège a cru d’un tiers.

B. LES ATTENTES EXPRIMÉES À L’ÉGARD DE LA FRANCE ET DE L’UNION EUROPÉENNE

Les relations entre la Norvège et la France pouvant s’appuyer sur une réelle convergence des intérêts fondamentaux de ces deux pays, elles devraient revêtir un caractère plus politique.

C’est en tout cas le constat et le souhait formulés par deux des principaux interlocuteurs de la mission.

Selon le Président du Storting, M. Thorbjørn Jagland, les relations franco-norvégiennes se développent « de façon très favorable », ce qui, selon lui, n’a rien de surprenant dans la mesure où elles s’appuient sur un socle historique commun.

En effet, l’histoire de France a eu une influence considérable sur la Norvège. Ainsi, la Constitution ce pays, qui fêtera son 200ème anniversaire prochainement (ce document a été promulgué le 17 mai 1814) découle « directement », selon le terme utilisé par M. Thorbjørn Jagland, de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. En outre, l’existence même de la Norvège est l’une des conséquence de long terme des guerres napoléoniennes, le Danemark ayant dû céder, le 14 janvier 1814, la Norvège à la Suède, une union qui devait, par la suite, se dissoudre en 1905, année de l’indépendance de la Norvège. Ce transfert visait à compenser la perte, par la Suède, de la Finlande alors attribuée à la Russie…

Un autre facteur d’entente entre la Norvège et la France tient au fait qu’elles accordent une même importance au « capital humain ». Ainsi que l’a souligné le Président du Storting, la Norvège est riche par ses ressources en pétrole et en gaz, mais elle – 13 –

l’est surtout par ses hommes et ses femmes. À ses yeux, les trois atouts du pays sont les suivants :

– sa politique éducative, la Norvège ayant misé sur l’éducation et l’accès de tous les enfants à ce droit fondamental. À l’image des autres pays nordiques, ce pari sur l’éducation a permis à la Norvège d’être en tête du processus de développement des nouvelles technologies ;

– sa politique d’accueil de la petite enfance, qui permet aux femmes norvégiennes de participer massivement, à hauteur de 85 % environ, à la population active. Or le travail féminin joue un rôle déterminant dans l’accroissement de la productivité globale et des richesses d’un pays. À l’inverse, l’Arabie Saoudite, dont l’organisation sociale prive quasiment la moitié de sa population de tout accès à l’emploi, pourrait être fabuleusement riche grâce à son sous-sol, alors qu’elle se révèle pauvre quand on regarde son PIB par habitant ;

– sa participation au commerce mondial, qui a obligé la Norvège à être compétitive, en la poussant à fonder sa croissance sur les nouvelles technologies et les gains de productivité. C’est d’ailleurs cette stratégie d’ouverture qui a conduit la Norvège à devenir membre de l’Espace économique européen. Mais l’acceptation de la concurrence internationale s’est aussi accompagnée d’une politique de « flexisécurité », très représentative du modèle social nordique. Grâce à cette approche, la mobilité des travailleurs et les réformes des droits sociaux sont rendues acceptables, car elles sont la contrepartie des différentes « sécurités » aménagées dans les parcours professionnels. Autrement dit, la flexisécurité repose sur un équilibre : pour reprendre les propos de M. Thorbjørn Jagland, « on ne peut avoir que des droits ; il faut aussi des devoirs ».

Ces quelques propos du Président du Storting démontrent que la Norvège, comme la France, défendent, au-delà d’inévitables différences en ce qui concerne ses modalités d’application concrètes, le principe d’une mondialisation maîtrisée, qui repose sur l’égalité des chances des hommes et des femmes, comme des nations. Dès lors, quoi de plus naturel que de vouloir conforter une amitié entre deux pays qui peuvent tenir le même discours sur les – 14 –

vertus d’un marché mondial régulé et de l’investissement dans le capital humain ?

De son côté, le ministre des affaires étrangères, M. Jonas Gahr Støre, a qualifié les relations franco-norvégiennes de « bonnes » et de « diverses ». Il a émis le vœu que la visite du groupe d’amitié à Oslo soit l’occasion de mettre en lumière toutes les potentialités de ces relations, en insistant sur le caractère fondamental de leur dimension parlementaire.

Le ministre des affaires étrangères a alors déclaré attacher beaucoup d’importance aux liens entre la France et la Norvège, avant de juger que leur dimension politique est « sous-exploitée ».

À titre d’exemple, sur un plan strictement formel, la dernière visite d’un Président de la République en Norvège date de 1984, la précédente ayant eu lieu en 1907…

Quant au fond, les autorités françaises, aux yeux de M. Jonas Gahr Støre, se focalisent encore trop souvent sur le pétrole, le gaz et, d’une manière générale, la balance commerciale, alors qu’elles devraient accorder une attention prioritaire aux dossiers politiques.

Là est l’essentiel pour le ministre : la France et la Norvège ont des positions proches sur des sujets fondamentaux comme, par exemple, l’accès des pays pauvres aux soins, le désarmement ou le conflit israélo-palestinien.

De fait, elles ont un intérêt objectif à travailler « côte à côte » sur les grandes thématiques internationales, en raison de la complémentarité des paramètres fondamentaux de leur politique étrangère : d’une part, la Norvège est depuis longtemps membre de l’OTAN, tandis que la France vient seulement de rejoindre les structures intégrées de l’Alliance atlantique ; d’autre part, à l’inverse de la Norvège, la France est membre de l’Union européenne et du Conseil de sécurité de l’ONU.

En ce qui concerne « l’avenir européen » de la Norvège, le ministre des affaires étrangères a rappelé que si elle a refusé, à deux reprises, l’adhésion à l’Union, elle n’en assume pas moins des – 15 –

« responsabilités » dans cette aventure commune, en étant membre de l’Espace économique européen et en participant, par ce biais, au marché intérieur, dont elle respecte toutes les règles. À cet égard, son taux de transposition des directives relatives au marché intérieur dans le droit national est plus élevé que celui de n’importe quel Etat membre de l’Union…

Par ailleurs, la Norvège fournit une contribution de 300 millions d’euros au budget européen pour faciliter l’intégration des nouveaux Etats membres dans l’Union et participe à l’espace Schengen, ainsi qu’au programme-cadre européen de recherche et de développement.

Bref, la Norvège est présente, selon les termes utilisés par son ministre des affaires étrangères, dans « tout ce qui fait la « substance » de la construction européenne ».

Il reste qu’en n’étant pas membre de l’Union, la Norvège ne participe pas aux négociations qui président aux avancées quotidiennes de la construction européenne. C’est ce qui rend, selon son ministre des affaires étrangères, d’autant plus importantes les relations bilatérales qu’elle peut entretenir avec ses partenaires européens – et singulièrement avec la France.

Cela étant dit, le ministre des affaires étrangères a insisté sur l’ancrage européen de la Norvège, qui la conduit à ne pas jouer d’autre carte que celle de la solidarité avec les membres de l’Union. Pour illustrer ce propos, le ministre a évoqué une récente initiative de la Russie qui proposait aux Algériens et aux Norvégiens de « s’organiser » pour peser sur les grands dossiers énergétiques à laquelle il n’a pas donné suite, en faisant observer que la Norvège est un « fournisseur de l’extérieur…de l’intérieur de l’Europe ».

Cette position a été récemment codifiée, puis exposée devant le Parlement norvégien, à l’occasion de la présentation, le 12 juin dernier, d’un Livre blanc sur la politique étrangère de la Norvège.

Ce document aborde les liens entre la Norvège et l’Union européenne sur la base d’une analyse qui a été acceptée par tous les – 16 –

partis politiques représentés au Storting, ceux-ci ayant fait parvenir leurs commentaires écrits au ministère.

Selon le ministre des affaires étrangères, cette lecture « partagée » de la relation Union européene-Norvège est en soi significative. En effet, il est clair qu’une proposition directe d’adhésion ne manquerait pas de susciter des oppositions. En revanche, le fait même qu’une analyse officielle de cette relation dont les présupposés et les conclusions mènent, implicitement, à une évolution de la relation vers l’adhésion, soit acceptée par tous les partis politiques constitue une réelle avancée.

Quant au sentiment de la Norvège « profonde » à l’égard de l’adhésion, il n’est guère propice à une évolution rapide. Beaucoup de Norvégiens considèrent en effet que l’entrée de leur pays dans l’Union ne leur rapporterait rien : celui-ci obtient de bien meilleurs résultats dans les domaines du chômage et de la croissance en étant « en dehors », tandis que sa sécurité est assurée par l’appartenance à l’OTAN.

Le ministre des affaires étrangères a donc estimé que la question de l’adhésion ne pourrait être reposée rapidement qu’à l’occasion d’une crise de grande ampleur, qui obligerait les Norvégiens à se prononcer dans l’urgence, c’est-à-dire sans qu’il y ait eu au préalable, au niveau de la nation, une réflexion approfondie et la construction d’un consensus fondé sur des arguments de raison. C’est ce qui semble se produire en Islande : ce membre de l’Espace économique européen était jusqu’ici le plus hostile à l’éventualité d’une adhésion à l’Union européenne, mais son opinion publique tend à évoluer sur cette question, en raison des conséquences de la crise financière.

C. LES AUTRES QUESTIONS DE POLITIQUE ÉTRANGÈRE OU INTÉRIEURE ABORDÉES PAR LA DÉLÉGATION

Lors des entretiens avec le ministre des affaires étrangères et la Commission des affaires étrangères du Storting trois questions importantes de politique étrangère et intérieure ont été abordées : les relations avec la Russie, la situation en Afghanistan et l’immigration. – 17 –

1. Les relations avec la Russie

Du temps de l’URSS, la Norvège était, avec la Turquie, le seul pays membre de l’OTAN qui possédait une frontière commune avec la Russie. Par ailleurs, cette frontière était, selon les interlocuteurs de la mission, « hermétiquement fermée ».

Depuis lors, la coopération entre les deux pays s’est considérablement développée, en particulier dans le domaine de la pêche. Elle s’est également intensifiée avec la mise en place d’une politique partenariale de traitement des déchets nucléaires en mer de Barents, la France apportant, comme la Norvège, une aide à la Russie, notamment par l’envoi de personnel spécialisé.

Cependant, c’est la coopération énergétique qui est au centre des relations bilatérales. La délégation a pu ainsi mesurer à quel point celles-ci sont indispensables à la stabilité de la région et à la sécurité des approvisionnements en hydrocarbures, tout en restant, comme on le verra plus loin, parfois très difficiles.

Le principal opérateur norvégien d’hydrocarbures, Statoilhydro, est partenaire de Gazprom et de Total pour le développement du champ gazier de Chtockman en mer de Barents. Ce mariage de raison est appelé à durer, car ainsi que l’a souligné le Président de la Commission des affaires étrangères du Storting, la Norvège, qui a une grande expérience pour l’exploitation des hydrocarbures en mer, est en mesure d’apporter, pour toutes les opérations dans l’océan arctique, une aide décisive à la Russie, familiarisée seulement avec les techniques de production sur terre.

Signe du bon état des relations entre les deux pays, l’an dernier, environ 100 000 personnes ont franchi la frontière terrestre entre la Norvège et la Russie. Ces mouvements liés au travail et au tourisme sont un véritable facteur de rapprochement, mais reflètent aussi la très grande différence de niveaux de vie existant des deux côtés de la frontière. À cet égard, on entend souvent en Norvège le propos selon lequel la frontière qui la sépare de la Russie est celle où les disparités sociales sont les plus prononcées dans le monde, les écarts de richesses étant encore plus considérables qu’entre les Etats-Unis et le Mexique. – 18 –

Il reste que si les relations entre la Norvège et la Russie ne se sont « jamais aussi bien portées » selon les termes employés par le Président de la Commission des affaires étrangères du Storting, elles doivent tenir compte de deux paramètres fondamentaux : d’une part, le « caractère imprévisible » de la politique des autorités russes, qui résulte de la multiplicité des intervenants en charge d’un dossier particulier et du caractère contradictoire de leurs positions ; d’autre part, la nécessité de faire preuve de « patience » avec ce grand partenaire.

L’un des dossiers les plus épineux de ces relations bilatérales illustre parfaitement l’aptitude de la Norvège à la « patience ». Il concerne la délimitation du plateau continental et des zones de pêche en mer de Barents. Dans les années 1970, tous les pays bordant cette mer ont défini très précisément leur zone économique exclusive, c’est-à-dire l’espace maritime sur lequel les États exercent des droits souverains, à l’exception de la Russie. Résultat : ce dossier est en instance depuis trente ans. Interrogé sur ce point, un interlocuteur de la mission a indiqué que, si les deux pays sont, aujourd’hui, très proches d’un accord, la Norvège « prendrait le temps nécessaire pour parvenir à un compromis de qualité ».

2. La situation en Afghanistan

Avec ses 4,5 millions d’habitants, la Norvège fournit un effort militaire très important en Afghanistan : plus de 600 de ses soldats y sont mobilisés.

En 2001, elle s’est immédiatement engagée aux côtés des Etats-Unis, dans le cadre de l’opération dite « Liberté immuable ». Depuis lors, elle participe aux opérations en étant membre de la Force internationale d’assistance à la sécurité (FIAS), dont l’OTAN assure, depuis 2003, le commandement.

Parallèlement, la Norvège apporte une contribution décisive au développement économique de l’Afghanistan, en augmentant régulièrement son aide à ce pays : 52 millions d’euros en 2006 et 94 millions d’euros prévus en 2008. Au total, selon les indications communiquées à la délégation par la Commission des affaires – 19 –

étrangères du Storting, l’Afghanistan est le troisième pays le plus aidé par la Norvège en matière d’aide publique au développement, pour des montants bien supérieurs à ceux versés aux pays les moins avancés d’Afrique.

Cette aide est consacrée à différentes politiques, mais l’un de ses volets les plus emblématiques concerne la promotion de la condition féminine. Dans ce domaine, la Norvège accorde une attention particulière à la scolarisation des filles. Ainsi, l’ouverture, au centre de la province dont la Norvège a la charge, située au Nord-Est du pays, d’une école accueillant les enfants des deux sexes a été présentée par les membres de la Commission des affaires étrangères du Storting comme étant une avancée importante.

Dans ce contexte, Mme Marit Nybbak, Vice-présidente de la Commission des affaires étrangères, s’est dite très préoccupée des effets que peuvent avoir sur la condition des femmes la progression des forces contrôlées par les talibans et l’attitude du Président Hamid Karzaï qui « s’accommode » de l’appui des forces les plus réactionnaires en vue d’assurer sa réélection. À cet égard, l’approbation, par ce dernier, d’une loi portant atteinte aux droits des femmes et destinée à être appliquée dans une zone frontalière avec l’Iran, peuplée de chiites, qui a été heureusement modifiée par la suite, a été jugée « décevante ».

L’Afghanistan constitue donc un enjeu important pour la Norvège. Devant la délégation, le ministre des affaires étrangères a souligné que si la priorité était, pour les Etats-Unis, le dossier « AfPak », c’est-à-dire le règlement des conflits qui affectent ces deux pays en se nourrissant l’un et l’autre, en revanche, pour la Norvège, la stabilisation de l’Afghanistan vient en premier. Selon cet interlocuteur, à moyen terme, le grand défi sera de maintenir la « solidité » de l’opération conduite par l’Alliance atlantique, compte tenu du fait que le Canada et les Pays-bas ont annoncé qu’ils retireraient leurs troupes d’Afghanistan en 2011. Dans ces conditions, la clef de la réussite de l’opération repose clairement sur le renforcement des capacités policières et militaires afghanes.

Ce sujet ayant été évoqué de manière connexe avec la situation en Afghanistan, la décision prise par la France de – 20 –

réintégrer l’ensemble des structures de l’OTAN a été jugée « positive » par le ministre des affaires étrangères. En effet, s’il est difficile, d’après ce dernier, d’apprécier, du point de vue de la Norvège, quelle est la valeur ajoutée d’une telle décision pour la France quant aux intérêts nationaux de notre pays, en revanche, il est indiscutable qu’aux yeux d’un « petit » pays, le fait que tous les « grands » pays occidentaux soient placés, pour ce qui est de leur relation à l’OTAN, dans la même situation, constitue une avancée. Au total, selon cet interlocuteur, l’OTAN « se porte mieux » depuis que la France est revenue dans les structures intégrées de cette organisation.

3. Le développement de l’immigration

La Norvège est un pays d’immigration depuis les années 1960, mais cette tendance s’est accélérée depuis ces trente dernières années.

Si la Norvège n’accueille pas autant de demandeurs d’asile et d’immigrés que la France, ceux-ci constituent, selon le Président de la Commission des affaires étrangères du Storting, une fraction désormais importante de la population, de surcroît de plus en plus visible. En effet, à côté de l’immigration nordique, 28 000 Suédois vivant par exemple en Norvège, celle-ci accueille de nombreux étrangers provenant de pays ou de régions victimes de conflits : Balkans, Somalie, Est de l’Afrique, Iraq, Afghanistan et Pakistan.

Ainsi, au début de l’année 2009, la Norvège accueillait 423 000 immigrés, soit 10,6 % de sa population totale (26 % de la population d’Oslo), dont 25 000 Irakiens, 30 000 Pakistanais et 24 000 Somaliens.

Ce phénomène d’immigration a été conforté par la décision prise, au moment de l’élargissement de l’Union européenne à dix nouveaux Etats membres, en 2004, puis à deux autres, la Roumanie et la Bulgarie, en 2007, d’accueillir tous les ressortissants communautaires souhaitant travailler en Norvège.

À l’époque, ce choix s’appuyait sur le constat que l’économie norvégienne était en « surchauffe » et connaissait un – 21 –

déficit de main d’œuvre. Celui-ci a donc été comblé par un afflux important d’immigrés provenant de Pologne et des pays baltes. Ainsi, la Norvège a pu accueillir jusqu’à 70 000 Polonais, ce chiffre ayant baissé par la suite à 45 000 personnes.

Sans cette stratégie d’appel à une main d’œuvre qualifiée, la Norvège aurait pu, selon le Président de la Commission des affaires étrangères du Storting, connaître des tensions sur les prix et les taux d’intérêt, susceptibles d’entraîner une chute de la monnaie norvégienne. Ce contexte explique pourquoi, selon les termes utilisés par cet interlocuteur, il n’y a pas eu de discours en Norvège sur les dangers que pourrait faire peser, sur l’emploi et les salaires, la venue massive de « plombiers polonais »…

À l’inverse, depuis le dernier élargissement, la Norvège est confrontée à un afflux de Roms en provenance de la Roumanie et leur présence dans les grandes villes, notamment à Oslo, est parfois ressentie comme gênante par une partie de l’opinion publique.

II. LA POLITIQUE DE LA NORVÉGE DANS LES DOMAINES DE L’ÉNERGIE ET DU DÉVELOPPEMENT DURABLE

La richesse des entretiens menés au Storting et au sein des locaux de la société Statkraft, le premier producteur européen d’énergie renouvelable, a permis à la délégation de se pencher sur les principaux aspects des deux problématiques étroitement liées que sont la production et la distribution d’énergie, d’une part, et le développement durable, d’autre part.

Avant d’aborder cette thématique essentielle, on rappellera quelques données clefs concernant les hydrocarbures en Norvège.

– En 2007, ce pays était le 11ème producteur et le 5ème exportateur de pétrole brut.

– Il était en outre le 3ème producteur et le 3ème exportateur de gaz naturel. En 2008, sa production a atteint 100 milliards de mètres cubes dont 95 % étaient exportés. Enfin, il représente 16 % de l’approvisionnement en gaz naturel de l’Europe. – 22 –

A. LA LUTTE CONTRE LE RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE

1. Les objectifs

La lutte contre le réchauffement climatique est reconnue comme une grande priorité, à la fois nationale et mondiale, par la Norvège.

Sur le plan international, la Norvège souhaite qu’un accord soit conclu lors de la Conférence de Copenhague de décembre 2009, qui doit définir un régime « post-Kyoto » de lutte contre les émissions de gaz à effet de serre. Autrement dit, il s’agira pour les pays développés comme les pays en développement, de réviser le système de quotas échangeables mis en place par le Protocole de Kyoto de 1997 dans le but de réduire ces émissions.

Sur le plan interne, la lutte contre le réchauffement de la planète fait l’objet d’un « consensus climatique » entre tous les partis politiques représentés au Storting. Ce n’est guère étonnant dans la mesure où, étant proche de la zone du Grand Nord1, la Norvège peut constater de visu les effets du réchauffement climatique : au Spitsberg, la température moyenne a augmenté, ces dernières années, de cinq à six degrés, tandis que les récentes études indiquent qu’au Pôle Nord, l’épaisseur de la banquise a diminué.

Sur la base de ce constat, la Norvège a adopté des objectifs très ambitieux en matière de réduction des émissions de CO2 :

– réduction, d’ici 2020, de 30 % des émissions de CO2 par rapport à 1990, soit 10 % de plus que la norme la plus avancée retenue par certains pays développés. De son côté, l’Union européenne, grâce à l’action décisive de la présidence française, a adopté, en décembre 2008, un paquet « énergie-climat » retenant comme objectif une réduction des émissions globales de l’UE de 20 % en 2020 par rapport à 1990, objectif qui sera porté à 30 % en cas d’accord satisfaisant à Copenhague en décembre 2009 ;

1 Cette zone est située au-delà du cercle polaire arctique et délimitée par la mer de Norvège et la mer de Barents. – 23 –

– réalisation, d’ici 2050, d’un « bilan carbone » neutre.

2. La stratégie mise en œuvre

Pour atteindre ses objectifs, la Norvège joue sur plusieurs leviers. Les uns reposent sur des politiques générales et les autres sur des mesures spécifiques.

En ce qui concerne les politiques générales, la Norvège met en œuvre une double stratégie :

– de recherche de l’efficacité énergétique, d’une part, avec, par exemple, de nouvelles normes concernant les constructions et les rénovations d’habitations, qui devraient réduire de 25 % les besoins en chauffage des logements ;

– de développement des énergies renouvelables, d’autre part, ce dernier aspect étant développé plus loin.

En ce qui concerne les mesures spécifiques, la plus connue d’entre elles est la taxe carbone ou taxe sur le CO21. Combinée à la TVA, elle se traduit par un prélèvement à la pompe d’environ un euro par litre qui a obligé tant l’industrie pétrolière que les consommateurs à changer leurs comportements. Suite à une réforme récente, le niveau de cette taxe varie en fonction de l’importance des émissions de CO2 du véhicule acheté. Pour une Renault Clio, par exemple, la taxe carbone représente un peu moins de la moitié du prix d’achat, tandis que pour une plus grosse voiture, ce prélèvement représente plus de la moitié du prix d’achat.

Cette mesure fait partie d’un « plan transports » plus vaste, dont l’un des objectifs est de développer le recours au rail. Le Président de la Commission de l’énergie et de l’environnement a déclaré à la délégation que le bilan ferroviaire de la Norvège était « très mauvais ». Par conséquent, les autorités du pays, conscientes

1 Instituée en 1991, cette taxe comprend plusieurs taux ainsi fixés par le Budget national pour 2009 : 0,46 couronne/litre pour les activités pétrolières ; 0,55 couronne/litre pour les huiles minérales ; 0,65 couronne/litre pour les huiles minérales utilisées par l’aviation domestique ; 0,28 couronne/litre pour les huiles minérales utilisées par l’industrie du bois et des produits alimentaires à base de poisson ; 0,82 couronne/litre pour le pétrole et 0,48 couronne/litre pour le gaz naturel. – 24 –

que le développement de ce mode de transport contribuera à réduire les émissions de CO2, misent sur l’instauration d’une ligne Oslo- Bergen rapide. En avion, ce trajet est le 3ème le plus fréquenté en Europe, tandis qu’en train, il dure…huit heures. L’objectif affiché est donc de réduire le temps de transport sur ce trajet à quatre heures, en recourant à des trains à grande vitesse.

3. L’exploitation des gisements dans le Grand Nord

Les objectifs de la Norvège en matière de lutte contre le réchauffement climatique ne peuvent être dissociés des perspectives de la production d’hydrocarbures.

Celles-ci sont au nombre de trois :

– au plan mondial, la localisation probable des principaux gisements de pétrole non encore exploités dans les très grandes profondeurs, que ce soit au large des côtes du Brésil, du Mexique ou de la région du Moyen-Orient. Si cette hypothèse se confirmait, la Norvège pourrait apporter aux principaux producteurs son savoir-faire ;

– les prévisions des experts selon lesquelles, en Norvège, la production de pétrole va baisser, tandis que celle de gaz va augmenter ;

– le potentiel que représente, pour l’Europe en particulier, l’exploitation des gisements d’hydrocarbures du Grand Nord. On estime en effet que 25 % des ressources gazières et pétrolières mondiales non encore découvertes y seraient localisées.

Ce dernier paramètre revêt donc une importance cruciale pour la Norvège, d’autant que la région du Grand Nord est voisine de la Russie, pays avec lequel, comme on l’a vu, les relations bilatérales peuvent être problématiques.

Lorsqu’il a évoqué le dossier du Grand Nord devant la délégation, le ministre des affaires étrangères n’a pas hésité à le qualifier de « priorité stratégique » pour son pays. – 25 –

Cependant, à ce stade, les Norvégiens n’ont pas encore arrêté une position définitive à l’égard de l’exploitation du potentiel en hydrocarbures de la région.

En effet, s’il existe, selon les explications données par le Président de la Commission du commerce et de l’industrie du Storting, un consensus au niveau des groupes politiques représentés au Parlement norvégien pour définir un « plan de gestion » de la zone considérée, un désaccord subsiste quant au périmètre et au rythme de l’exploitation de ses ressources gazières et pétrolières.

Cette absence de consensus reflète le souci des Norvégiens de définir une politique de mise en valeur des ressources qui soit compatible avec les objectifs poursuivis en matière de développement durable. Or, en l’espèce, la conciliation de ces deux impératifs est particulièrement délicate.

À cela s’ajoute le fait que d’autres défis environnementaux sont susceptibles de s’ajouter à ceux qui résulteraient de toute exploitation des gisements de l’océan arctique. Ainsi que l’a fait observer à la délégation le Président de la Commission des affaires étrangères du Storting, la fonte de la banquise pourrait, selon certaines estimations, augmenter le trafic maritime entre l’Asie et les Etats-Unis de 40 %, ce qui aura pour conséquence de rendre encore plus fragiles les équilibres biologiques dans le Grand Nord.

Le débat sur cette question stratégique a donc de beaux jours devant lui…

B. LE DÉVELOPPEMENT DES ÉNERGIES RENOUVELABLES

La Norvège aborde la problématique, devenue centrale pour tous les pays développés, de l’énergie renouvelable avec une certaine « sérénité » compte tenu de sa longue tradition de production hydroélectrique. 97 % de ses besoins en électricité sont en effet couverts par ce type de d’énergie, la construction et l’exploitation des premières centrales hydrauliques datant de la fin du 19ème siècle. Cependant, ces dernières années, les objectifs de la Norvège en termes de réduction des émissions de CO2 l’ont – 26 –

conduite à développer ou à envisager de développer d’autres sources d’énergie renouvelables.

1. La volonté affirmée de recourir à des sources variées d’énergie

Les interlocuteurs de la délégation ont fait état de plusieurs projets concernant le développement des énergies renouvelables en Norvège, les principaux étant les suivants :

– s’agissant de l’hydroélectricité, ce pays ambitionne de développer cette source d’énergie en accroissant l’efficacité des centrales existantes et en construisant davantage de barrages sur les petits cours d’eau ;

– s’agissant du stockage et du captage du CO2, la Norvège est la pionnière de cette technologie. Développée en mer du Nord depuis 1996, celle-ci a déjà permis le stockage d’un million de tonnes de CO2 à plus de 1 000 mètres de profondeur. En 2006, le ministère du pétrole et de l’énergie et la société Statoilhydro ont signé un accord prévoyant l’installation d’une usine de capture et de stockage à Mongstad. Un centre d’expérimentation technologique devrait fonctionner à partir de 2011, tandis que la raffinerie devrait être opérationnelle en 2014 ;

– s’agissant de l’utilisation des déchets ménagers et agricoles, une usine située à 100 kilomètres d’Oslo s’est spécialisée dans leur traitement, dans le but de produire du biogaz et du biofioul et de fabriquer des palettes destinées au chauffage. D’autres installations recyclent, depuis plusieurs années, ces déchets pour la production de chauffage urbain et d’électricité ;

– quant aux autres sources d’énergie, la Norvège examine attentivement les possibilités offertes par la bioénergie ou l’énergie générée à partir de la biomasse, l’osmose ou l’énergie provoquée par le contact de l’eau de source avec l’eau de mer, les hydroliennes et l’exploitation des algues. De son côté, Statoilhydro va construire, à 10 kilomètres des côtes norvégiennes, la première turbine à vent flottante offshore. La société prévoit d’investir 50 millions d’euros – 27 –

dans le prototype, l’État norvégien apportant une aide de 7,4 millions d’euros à la réalisation de ce projet.

2. La société Statkraft : un savoir-faire ancien

Les activités de la société Statkraft sont emblématiques du « savoir-faire » norvégien en matière d’énergies renouvelables.

Détenue à 100 % par l’État norvégien via le ministère de l’industrie et du commerce, cette entreprise a, depuis le 1er janvier 2004, le statut de société anonyme. À elle seule, elle assure 35 % de la production norvégienne d’électricité, grâce à ses nombreuses centrales hydrauliques, 149 au total, la première installation datant de 1907.

Statkraft est également le leader européen dans le domaine des énergies renouvelables, avec une production totale de cinquante terrawatts heures (TWh), soit cinquante milliards de kilowatts heures. Sa capacité installée est de 13 000 mégawatts en hydroélectricité (générée par les 225 centrales hydrauliques qu’elle détient en Europe), de 2 100 mégawatts pour ses centrales à gaz et de 245 mégawatts pour ses parcs éoliens. Cette entreprise a également la plus grande capacité de stockage d’électricité en Europe.

Quant aux projets de développement de Statkraft, qui pourraient mobiliser, d’ici 2015, des investissements d’une valeur de quinze milliards d’euros, ils concernent, pour l’essentiel, la production de gaz, cette énergie constituant, selon le directeur « France » de la société, M. Emmanuel Soetaert, une étape intermédiaire entre le « polluant » et le « non-polluant », l’osmose, à savoir l’énergie produite par le mélange de l’eau douce avec l’eau de mer, et l’exploitation de turbines sous-marines, alimentées par les courants sous-marins.

Il n’est guère étonnant que, dans ces conditions, cette société ait des ambitions concernant la France :

– notre pays est le deuxième marché énergétique en Europe. Par ailleurs, le prix de l’électricité étant fixé simultanément en Allemagne, en France et au Benelux par le biais du marché Epex et – 28 –

une bourse paneuropéenne d’électricité devant être mise en place en 2010, il est logique que Statkraft cherche à se positionner sur un marché qui est à la fois central et dynamique ;

– en outre, dans notre pays, la production nette d’électricité étant assurée à hauteur de 80 % par le nucléaire, des entreprises fournissant d’autres énergies peuvent se positionner sur les 20 % restants pour couvrir nos besoins ;

– enfin, Statkraft considère qu’elle a d’autant plus de chances d’occuper des créneaux intéressants sur le marché français que notre pays éprouve parfois, selon M. Emmanuel Soetaert, des difficultés à faire face à ce que les spécialistes appellent « la pointe », c’est-à-dire les heures de la journée marquées par une hausse importante de la demande. Cette situation explique l’apparition de prix de l’électricité relativement élevés durant l’hiver dernier.

Les priorités de cette société concernant notre pays sont donc au nombre de trois :

– ouvrir d’une filiale à Lyon, le choix de cette ville s’expliquant par sa proximité avec les Alpes et le Massif central et la présence d’un personnel local compétent dans le domaine de l’hydroélectricité ;

– être candidat à la reprise de certaines concessions hydroélectriques, EDF ne pouvant plus, à la suite à la libéralisation du marché, exercer un « droit de priorité » dans ce domaine ;

– développer une position dans la production thermique dite flexible, c’est-à-dire dans les centrales à gaz à cycles combinés, associant turbine à gaz et turbine à vapeur.

C. LA PROTECTION DE L’ENVIRONNEMENT

Si elle est étroitement liée à la lutte contre le réchauffement climatique, la politique environnementale de la Norvège est aussi le reflet d’un art de vivre en communion avec la nature, très caractéristique du « modèle nordique ». Deux mesures illustrent ce trait fondamental de la culture norvégienne. – 29 –

D’une part, faisant suite à une proposition émise dès 2004 par l’Autorité de contrôle de la pollution, les décharges publiques, qui représentaient 600 000 tonnes de déchets en 2005, seront interdites à partir du 1er juillet 2009. Selon les autorités norvégiennes, cette interdiction devrait conduire à recycler sous forme d’énergie 75 % des déchets déposés dans les décharges, le restant devant être reconverti dans de nouveaux matériaux.

D’autre part, la Commission de l’énergie et de l’environnement du Storting s’est penchée, pendant la semaine du 8 juin, sur un « plan définitif de protection des cours d’eau », qui a pour but de classer ces derniers en zones aménageables pour des activités de production ou en zones entièrement préservées. Il est envisagé d’inscrire dans cette seconde catégorie de sites entre trois cent à quatre cent cours d’eau afin de préserver les beautés naturelles du pays.

III. LES PRIORITÉS DE LA NORVÈGE CONCERNANT LA PÊCHE ET LE TOURISME

Au cours de son déplacement, la délégation a pu aborder le cadre général de deux activités économiques « sensibles », la pêche et le tourisme. Cette « sensibilité » résulte de facteurs différents. Dans le cas de la pêche, il s’agit d’une activité où les performances à l’exportation doivent se conjuguer avec le défi posé par la gestion durable des ressources halieutiques. Quant au tourisme, il s’agit d’un secteur d’avenir, en forte croissance, sur lequel les Norvégiens misent pour attirer des visiteurs et leurs devises.

A. UNE POLITIQUE DE LA PÊCHE SOUCIEUSE DE PRÉSERVER LA RESSOURCE

La Norvège est l’un des principaux pays producteurs et exportateurs de poisson. Selon les statistiques publiées en 2008 par le ministère de la pêche et des affaires côtières, elle se situait, en 2006, au 11ème rang mondial pour la production de poisson, pêche et aquacultures comprises, derrière des géants comme la Chine, l’Inde, les États-Unis, le Chili, le Japon ou la Russie. En matière – 30 –

d’exportations, ses performances sont encore plus impressionnantes, puisqu’elle occupait la deuxième place, entre la Chine et la Thaïlande. Ainsi, la Norvège est le premier fournisseur de la France pour les poissons frais ou réfrigérés.

Ces chiffres ne doivent pas pour autant faire oublier que la Norvège ne bénéficie plus d’un régime de pêche « libre » depuis la fin des années 1980, c’est-à-dire depuis qu’elle participe au système paneuropéen des quotas de pêche1.

Conçu et mis en œuvre dans le but d’assurer une gestion durable des ressources halieutiques, celui-ci a eu un triple impact sur l’activité de la pêche en Norvège.

– Ce pays a dû restructurer sa flotte afin de réduire ses capacités de pêche. Cette politique, qui s’est traduite par le retrait de bateaux, a eu des effets spectaculaires sur la reconstitution des ressources halieutiques, notamment pour le hareng et le cabillaud. À titre d’exemple, les prises de cabillaud, espèce qui était en voie de disparition, ont retrouvé le niveau qu’elles atteignaient en 1946.

Aujourd’hui, le Gouvernement, selon les précisions apportées à la délégation par la ministre de la pêche et des affaires côtières, Mme Helga Pedersen, porte son attention sur le phénomène de la surpêche en mer de Barents, apparu après l’an 2000 et dont la valeur est estimée à un milliard de couronnes. Grâce aux efforts fournis pendant quatre années consécutives, la surpêche a été réduite de 84 %, sa valeur divisée par neuf et les chiffres publiés l’an dernier indiquent que cette politique commence à avoir des effets positifs sur la conservation de l’espèce.

Enfin, la situation reste très difficile pour l’anguille. L’arrêt total de cette pêche est envisagé par le ministère et sera peut être décidé très rapidement.

– Parallèlement, la Norvège a développé la production en aquaculture. Ainsi, en valeur, sur les trente milliards de couronnes

1 On rappellera que les quotas sont fixés annuellement sur la base des avis du Conseil international pour l’exploration de la mer (CIEM). Une fois ces recommandations émises, l’Union européenne, la Norvège, la Russie, le Groenland, l’Islande et les îles Féroé négocient les quotas. – 31 –

que représentent les exportations de produits de la pêche, la moitié provient de l’aquaculture. À elle seule, la production de saumon d’élevage représente 900 000 tonnes par an.

Cependant, si elle a été un succès, cette politique « alternative » n’est pas sans avoir des conséquences négatives : d’une part, elle vient concurrencer l’activité de la pêche traditionnelle, notamment pour le cabillaud, et d’autre part, elle n’est pas neutre du point de vue environnemental, en raison des problèmes de fuite des poissons d’élevage dans le milieu naturel. Les mesures prises pour faire face à ce dernier problème ont, selon Mme Helga Pedersen, permis de réduire le nombre de fuites de 1 000 000 en 2006 à 100 000 aujourd’hui.

– Enfin, la Norvège a mis en place des dispositifs d’accompagnement de la restructuration du secteur de la pêche.

S’interdisant le recours à des aides directes, elle a privilégié les mesures permettant aux pêcheurs qui présentent des projets viables de bénéficier de capitaux destinés à financer leurs investissements ou d’aides au marketing. Elle a également investi massivement dans la recherche, en particulier pour développer des vaccins destinés à l’élevage de poissons d’eau douce.

B. UN SECTEUR À FORT POTENTIEL DE CROISSANCE : LE TOURISME

D’après l’édition 2008 du rapport Le Tourisme dans les pays de l’OCDE, l’emploi dans le secteur du tourisme a augmenté en Norvège, en 2006, de 7 % par rapport à l’année précédente. Pendant la période 2002-2007, le nombre d’arrivées dans ce pays ayant généré des nuitées a augmenté de 27 % pour s’établir à 3,9 millions.

Cette activité économique est, selon le Président de la Commission du commerce et de l’industrie du Storting, celle qui a le plus progressé en Norvège ces dernières années.

D’après cet interlocuteur, le Gouvernement ambitionne de « positionner » la Norvège sur le marché international du tourisme de façon à augmenter rapidement le nombre de visiteurs. À cet – 32 –

égard, le modèle français intéresse la Norvège. Aussi, afin de renforcer l’attractivité du pays, les autorités norvégiennes mettent- elles en avant ce qui le rend « unique », c’est-à-dire les paysages exceptionnels dessinés par les fjords. Elles cherchent aussi à intéresser les touristes aux routes norvégiennes, en ce qu’elles témoignent d’une forme « d’ingénierie écologique » susceptibles d’attirer les amateurs de « tourisme vert ».

Pour mener à bien le programme d’action qui a été défini par le ministère du commerce et de l’industrie, compétent dans ce domaine, celui-ci s’appuie sur les services et le budget d’Innovation , une entreprise publique, notamment chargée de la promotion de la destination « Norvège » et disposant de crédits publics, assortis d’un cofinancement assuré par le secteur du voyage et du tourisme. – 33 –

ANNEXE : PROGRAMME DE LA MISSION

Mardi 9 Juin

13h30 Arrivée à l’aéroport d’Oslo Gardermoen par le vol SK 830

15h30 – 16h10 Entretien avec M. Thorbjørn Jagland, Président du Storting

16h15 – 16h55 Réunion avec la Commission permanente du commerce et de l’industrie présidée par M. , Président

19h00 – 21h30 Dîner officiel offert par M. Thorbjørn Jagland, Président du Storting

Mercredi 10 Juin

11h00 – 13h00 Réunion et déjeuner de travail chez la société Statkraft

13h20 – 14h10 Visite du musée des bateaux vikings de la presqu’île de Bygdoy

14h30 Entretien avec M. Jonas Gahr Støre, Ministre des affaires étrangères

15h15 – 17h Visite guidée du nouvel Opéra

18h00 – 20h00 Réception à l’Ambassade de France

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Jeudi 11 juin

09h00 – 09h45 Réunion avec Mme Helga Pedersen, Ministre de la pêche

10h00 Présence à la tribune des invités de la délégation pour assister à l’ouverture de la séance

10h15 – 11h00 Visite guidée du Storting

11h15 – 12h00 Réunion avec la Commission permanente des affaires étrangères présidée par M. Olav Akselsen, Président

12h15 – 13h00 Réunion avec la Commission permanente de l’énergie et de l’environnement présidée par M. , Président

13h00 Déjeuner offert par M. Olav Akselsen, Président de la Commission permanente des affaires étrangères

16h55 Départ d’Oslo par le vol SK 839