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à suivre n° 9 - été 2005

Prochain dossier : les réseaux naturalistes de l'ONF

parution : août 2005

Connaître les réseaux naturalistes et les travaux qu'ils mènent : tel est le cœur de ce prochain dossier très pratique qui présentera les réseaux naturalites, et illustrera à travers différents cas concrets les éléments qu'ils peuvent apporter au gestionnaire.

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Tous les textes de ce numéro sont accessibles au format PDF dans la rubrique qui lui est désormais consacrée dans le portail de la direction technique (Recherche et développement/Documentation technique). Accès direct à partir du sommaire.

MailMail : [email protected]@onf.fr 6099_P_01_68 1/06/05 11:51 Page 1

n° 8 - printemps 2005

3 pratiques Pommiers et poiriers sauvages : comment les reconnaître ? par Thierry Lamant et Laurent Lévêque 7 pratiques Pommiers et poiriers sauvages en forêt par Thierry Lamant et Laurent Lévêque 15 méthodes Évaluer la potentialité forestière d'un site sans observer la flore par Christian Ripert et Michel Vennetier

23 dossier thématique Tassements du sol

52 pratiques Conséquences de la sécheresse et de la canicule 2003 par Frédéric Mortier, Jean-Claude Chopart et Thierry Sardin 57 pratiques Cartographie au GPS des routes forestières d'Alsace par Gérard Patzelt, Jean-Louis Besson, Laurent Gautier et Pierre Geldreich 64 pratiques Plantation en milieu acide hydromorphe par Anne Laybourne, Loïc Nicolas et Xavier Mandret

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éditorial

ans ces nouveaux « Rendez-vous techniques », nous avons tenu à attirer votre attention sur Dun compartiment essentiel de l'écosystème forestier : le sol. De sa qualité dépend en grande partie l'avenir de la forêt, aussi doit-il faire l'objet de soins très particuliers. Si la fertilité du sol est un sujet déjà largement exploré, il n'en est pas de même en ce qui concerne ses caractéristiques physiques. Pourtant, le fonctionnement du sol et le bon développement des peuplements forestiers en dépendent largement. Comment le fonctionnement du sol est-il affecté par un tassement excessif lors d'une exploitation forestière réalisée dans de mauvaises conditions ? Quelles peuvent en être les conséquences à moyen et long termes pour l'écosystème forestier ? Ces questions sont examinées ici à la lumière de collaborations fructueuses nouées avec divers organismes de recherche et de développement. À l'image de la nette intensification des exploitations forestières observée à la suite des tempêtes de 1999, l'évolution rapide des modes d'exploitation forestière, avec notamment une mécanisation plus poussée, constitue une menace pour l'intégrité du capital sol. Gestionnaires et exploitants doivent donc prendre pleinement conscience du rôle essentiel du sol dans le bon fonctionnement des écosystèmes forestiers, tout comme des mesures et précautions qu'ils doivent prendre pour préserver la qualité des sols. À cet effet, des solutions techniques sont présentées dans ce numéro. Pour assurer une gestion vraiment durable des sols et donc de la forêt, il convient de les mettre résolument en œuvre, en concertation étroite avec les acteurs forestiers concernés.

Le Directeur technique

Jacques Valeix

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Pommier et poiriers sauvages : comment les reconnaître ?

Identifier à coup sûr l’une de ces espèces n’est pas chose aisée. C’est pourtant l’étape préalable incontournable avant toute investigation sur leur comportement et leur gestion. En complément d’une synthèse des principales caractéristiques écologiques de ces essences, les auteurs mettent à disposition des critères et des outils de reconnaissance éprouvés.

es espèces disséminées Une ressource autochtone d’individus, mais plus rare en région L contribuent à la biodiversi- trop souvent mal identifiée méditerranéenne, il se rencontre de té au sein des peuplements d’es- l’étage collinéen jusqu’à 1 400 m à sences sociales plutôt monospéci- En dépit d’une taxonomie souvent l’étage montagnard. Sa longévité est fiques (chênes, hêtre…) et participent contradictoire, on peut affirmer qu’il estimée entre 70 et 100 ans. pleinement à l’équilibre de l’écosystè- existe en France trois espèces de poi- me forestier. Il s’agit le plus souvent de riers autochtones et une seule de pom- Exigences écologiques fruitiers, qui permettent d’assurer l’ali- mier (Phipps, 1990). Quelques critères C’est un arbuste ou un arbre de taille mentation de nombreuses espèces permettent de différencier ces divers moyenne, héliophile mais qui tolère animales, et peuvent en outre fournir taxons (voir tableau « Critères discrimi- l’ombre : il reste alors dominé, de du bois de très haute qualité pour peu nants du pommier et des poiriers sau- croissance très lente et fructifie pas que l’on ait favorisé leur développe- vages » P.5). Les autres caractères non ou peu. Espèce mésophile à très ment dès leur plus jeune âge. précisés sont communs ou n’apportent large amplitude, il affectionne les Pourtant, si la gestion des grandes aucune aide à l’identification. milieux ouverts tels que les haies, espèces sociales est bien connue, celle friches ou fruticées et se rencontre des espèces disséminées comme les Le pommier sauvage également en forêts claires. Il croît poiriers et pommiers en est à ses bal- Aire de répartition rarement sur stations acidiphiles. Si butiements, en particulier en France. Le pommier commun (Malus sylvestris son optimum écologique potentiel Ce manque de connaissances à leur L.) est présent dans toute l’Europe sauf se situe sur terrains riches et frais, égard, à commencer par leurs carac- dans sa partie la plus septentrionale, son optimum d’existence, imposé tères botaniques, leur distribution en Afrique du Nord et jusque dans par la compétition naturelle des géographique et leurs effectifs, peut l’Ouest et le Sud-Ouest du continent autres espèces, se situerait à la limite s’avérer un handicap sérieux car leur asiatique. En France, présent sur tout le humide de la forêt, en conditions avenir n’est pas garanti (voir article sui- territoire national (figure 1) sous forme ripicoles telles que les prairies vant p. 7). d’arbres isolés ou de petits groupes humides alluviales (Wagner, 1995).

Fig. 1 : de gauche à droite, aires de répartition de Malus sylvestris L., Burgsd., Desv. (Rameau et al., 1989) et Vill. (Bolos et al, 1984)

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Éléments d’identification Il se distingue des poiriers par son pétiole toujours plus court que le limbe, le limbe plutôt mou que ferme, l’écorce interne jaune et non blanche, la couleur jaune des éta- mines (au lieu de rouge ou pourpre) et bien entendu la forme des fruits. La distinction entre la forme sauvage et les formes cultivées ou hybrides est parfois délicate. Le fruit est sûre- ment le critère le plus fiable (de 35 à 40 mm de hauteur et largeur, avec un goût acide et un cœur dépassant 50 % de la largeur du fruit chez l’es- pèce sauvage) mais ce caractère peut être combiné à la pilosité de l’individu examiné (Müller et Litschauer, 1996). Il est ainsi possible d’exclure l’hypothèse d’un pommier

sauvage si le sujet présente, en L. Lévêque, ONF - CGAF deuxième partie de saison de végé- Fleurs de pommier sauvage tation, un feutrage cotonneux inten- se à la face inférieure des feuilles (Coart et al., 2003). Si la pubescence Exigences écologiques souvent refoulée aux limites sèche ou est par contre plus légère, il n’est pas C’est un arbuste ou un arbre de taille humide de la forêt (Wagner, 1995). possible de trancher avec ce seul cri- moyenne, thermophile, héliophile tère, en raison de sa variabilité natu- mais qui tolère la mi-ombre, et à très Éléments d’identification relle chez Malus sylvestris, et il s’agi- large amplitude édaphique. Il pousse Des trois espèces de poiriers autoch- ra alors de multiplier les caractères en effet sur des sols secs à très frais, tones, c’est le seul présentant des observés (fleurs, feuilles, rameaux) riches en bases à modérément caractères morphologiques relative- pour affiner le diagnostic (descrip- acides, argileux ou limoneux, plus ou ment proches des poiriers de culture. tions détaillées par Müller et moins caillouteux. Son optimum éco- La discrimination avec les poiriers cul- Litschauer, 1996). logique potentiel est cependant le tivés ne peut se faire assurément qu’à même que celui de Malus sylvestris partir de la dimension des fruits (jus- Les poiriers sauvages (sols riches et frais), mais exposée à la qu’à 30 mm pour le poirier sauvage) Le poirier commun concurrence naturelle, l’espèce est et de leur aspect piriforme (caractère Aire de répartition peu prononcé chez les sujets sau- L’aire naturelle du poirier commun vages). Les critères de pubescence (Pyrus pyraster Burgsd) est vaste des bourgeons évoqués parfois ne puisqu’on le rencontre de l’Ouest de sont basés que sur un nombre trop la péninsule ibérique jusqu’en limité d’échantillons pour pouvoir Ukraine, et à l’Est de l’Irak et jus- être totalement discriminants. Il en qu’au Nord de l’Iran en passant par est de même pour les dimensions du l’Italie, le Nord de la Grèce et de la limbe et la proportion longueur / lar- Turquie. Sa limite septentrionale est geur de ce dernier. Enfin, la face le Sud des Pays baltes. En France, il supérieure du limbe est fréquemment est présent pratiquement sur l’en- plus luisante sur les poiriers de cultu- semble du territoire national, re mais, là encore, ce critère n’est pas Pyrénées, Nord des Alpes et du Jura fiable à 100 %. Les feuilles des sujets et Corse exclus (figure 1) mais pas sauvages ne sont par contre jamais au-dessus de 1 600 m d’altitude. Sa densément tomenteuses, et leurs longévité est estimée à plusieurs rameaux portent généralement des siècles. épines, hormis chez les sujets très L. Lévêque, ONF - CGAF âgés (Müller et Litschauer, 1996). Écorce et feuille de poirier commun (Pyrus piraster)

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Malus sylvestris Pyrus pyraster Pyrus cordata Pyrus amygdaliformis Pommier Poirier Poirier à feuilles en Poirier à feuilles cœur d’amandier

Aspect Arbuste ou petit arbre Arbuste ou petit arbre Arbuste ou arbrisseau Arbuste ou petit arbre Hauteur 5 à 15 m 8 à 20 m 3 à 8 m 6 m et + Écorce adulte plaquettes écailleuses grise, très fissurée dans grise, peu crevassée gris foncé à noirâtre grises, larges et fines les 2 sens, écailleuse et fissurée rectangulaire Écorce interne jaune blanche blanche blanche Rameau long aoûté brun rouge, jaunâtre, épineux (sauf violacé, brun rouge, parfois épineux sujets très âgés) parfois épineux parfois épineux Bourgeon pubescent, appliqué glabre, glabre, écarté du rameau, velu au rameau écarté du rameau écarté du rameau devenant glabrescent Feuille molle assez ferme, rarement en assez ferme, en cœur ferme, en coin cœur à la base à la base ou arrondie à la base Nombre de paires jusqu’à 4 supérieur à 4 supérieur à 4 supérieur à 4 de nervures

Nervation face inférieure saillante non saillante non saillante aussi long ou plus court que le limbe

Pétiole plus court que le limbe aussi long ou plus court plus long que le limbe aussi long ou plus court que le limbe que le limbe Feuille morte ne noircit pas, se décom- noircit, se décompose noircit, se décompose noircit, se décompose pose facilement difficilement difficilement difficilement Couleur de la fleur blanche teinté de rose blanche blanche blanche Couleur des étamines jaune pourpre rouge rouge à pourpre violacé Disposition des fleurs groupées par 4 à 8 groupées par 10 à 12 non connu groupées par 8 à 12 Fruit à maturité pomme jaune verdâtre poire brièvement allongée poire globuleuse rouge poire quasi globuleuse jaune verdâtre brun jaunâtre Nature du calice à persistant persistant caduc persistant l’extrémité du fruit

Mensurations des fruits 1 à 4 cm de diamètre 3 à 4 cm de diamètre 1 à 2 cm de diamètre 1 à 3 cm de diamètre Disposition des fruits solitaire, par paire ou plus solitaire ou par paire solitaire, par paire ou plus solitaire, par paire ou plus

Critères discriminants du pommier et des poiriers sauvages Synthèse réalisée d’après les sources suivantes : Bean, 1919 ; Bonnier, 1886-1934 ; Durand, 1988 ; Jacamon, 1987 ; Mathieu, 1877 ; Rameau et al., 1989 ; Rehder, 1947 ; Rol et al., 1968 ; Stace, 1997 ; Tutin et al., 1966-1976

Le poirier à feuilles en cœur Portugal au Sud-Ouest de amygdalus (amandier). C’est une espè- Uniquement présent des Pyrénées l’Angleterre. Sa longévité est infé- ce très disséminée, observable des centrales et du Pays basque jusqu’en rieure à celle de l’espèce précéden- Pyrénées-Orientales aux Alpes- région Centre et au Sud de la te. C’est un arbuste ou arbrisseau Maritimes et en Corse, ainsi que dans Bretagne en passant par la thermophile et héliophile mais tolé- le Sud de l’Aveyron et du Tarn, dans la Champagne humide (figure 1), le rant la mi-ombre, acidiphile à large Drôme et les Hautes-Alpes (figure 1). poirier à feuilles en cœur (Pyrus cor- amplitude. On le rencontre tant en C’est un arbuste ou un petit arbre data Desv.) est le moins connu des milieux ouverts qu’en forêt. héliophile sur stations sèches et enso- poiriers sauvages. On le rencontre leillées jusqu’à 1 700 m d’altitude. On en France de l’étage collinéen à la Le poirier à feuilles d’amandier le rencontre en dehors de la forêt, base de l’étage montagnard, jusque Enfin, on peut ajouter en région médi- dans des formations arbustives (gar- vers avec 1 200 m d’altitude. D’un terranéenne le poirier à feuilles rigues, haies) plus ou moins dégra- point de vue européen, c’est une d’amandier (Pyrus amygdaliformis dées. Il préfère les sols très secs, qu’ils espèce présente en bordure Ouest Vill.), dont les feuilles, comme son nom soient calcaires ou marno-calcaires. Il du continent, allant du centre du l’indique, rappellent celles de Prunus résiste très bien aux sécheresses.

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Ces quatre taxons sont tous entomo- accorder plus d’égards. À l’origine MÜLLER F., LITSCHAUER R., 1996. philes et la dissémination des fruits de nos variétés cultivées, ils consti- Unterscheidung zwischen Wildobstar- et graines est assurée par les ani- tuent une ressource génétique natu- ten und verwilderten Kulturformen. maux (mammifères, oiseaux). Ils relle potentiellement fort utile à Österreichische Forstzeitung 107 (3), rejettent de souche et drageonnent l’avenir. Encore faut-il prendre pp.21-22. de manière importante. conscience de leur présence ! Alors, un bonus pour Malus et Pyrus ? PHIPPS J., 1990. A checklist of the sub- Si les aires de répartition de ces frui- family Maloidae. Canadian Journal of tiers sont assez vastes, elles ne reflè- Botany, vol.68, n° 10, pp. 2234, 2238, tent que très imparfaitement leur 2240. abondance réelle sur le terrain, car Thierry LAMANT nous avons affaire à des espèces dis- Laurent LÉVÊQUE RAMEAU J.-C., MANSION D., DUME séminées, présentes sous forme de G.,1989. Flore forestière française. petites populations, voire d’individus ONF, Conservatoire génétique des Tome 1 : plaines et collines. Paris : isolés dispersés au milieu d’autres arbres forestiers IDF. pp.503,549-553 essences. Orléans [email protected] REHDER A, 1947. Manual of cultivated Usages et propriétés [email protected] trees and shrubs hardy in North America. 2e ed., tome 1. New York : Le bois du pommier, rosé à brun rou- Mac Millan Company, pp. 391, 402, 403. geâtre plus ou moins foncé et homo- gène, est employé en ébénisterie, ROL R., JACAMON M., 1968. Flore sculpture et gravure. Celui des poi- des arbres, arbustes et arbrisseaux. riers à débits plus gros (en ce qui Bibliographie Tome 3 : région méditerranéenne. concerne P. pyraster), est homogè- Paris : La Maison Rustique, pp. 60-61 ne, très compact, de couleur rouge BEAN W.J., 1919. Trees and shrubs saumoné avec des petites mailles de hardy in the British Isles. Londres : STACE C.A., 1997. New flora of the teinte plus sombre ; il présente un John Murray. pp 280-287 British isles. 2e ed. Cambridge : beau poli et s’avère donc recherché Cambridge University Press. 1130 p. en ébénisterie, marqueterie, gravure, BONNIER G., 1886-1934. Flore com- sculpture et usages variés tels les plète illustrée de France, Suisse et TUTIN T.G. et al., 1976. Flora Europaea. outils de dessin (règles, équerres). Belgique. Paris, Orlhac. Vol. 1. Cambridge : Cambridge Les autres poiriers présentent des University Press. pp. 65,66. débits de faibles dimensions (surtout COART E., VEKEMANS X., SMULDERS P. cordata) mais leurs qualités sem- M.J.M., WAGNER I., VAN HUYLEN- WAGNER I., 1995. Identifikation von blent identiques. Il n’existe pas de BROECK J., VAN BOCKSTAELE E., Wildapfel (Malus sylvestris (L.) MILL.) cours pour les bois de ces espèces, ROLDAN-RUIZ I., 2003. Genetic varia- und Wildbirne (Pyrus Pyraster (L.) le prix est fixé au cas par cas, mais il tion in the endangered wild apple peut atteindre des valeurs très inté- (Malus sylvestris (L.) Mill.) in Belgium as ressantes pour les bonnes qualités. revealed by amplified fragment length polymorphism and microsatellite mar- Enfin, il ne faut pas négliger l’utilisa- kers. Molecular Ecology, vol. 12, pp. En ligne tion de ces espèces comme porte- 845-857 greffes de variétés fruitières. DURAND R, 1988. Les arbres. Paris : http://www.Ipgri.Cgiar.Org/Networks/ Plus disséminés encore que l’alisier Solar. Guide vert, pp. 221-222 Euforgen/Euf_Home. htm. Stephan BR, torminal ou le merisier, moins bien Wagner I, Kleinschmit J. Wild apple connus et reconnus botaniquement, JACAMON M, 1987. Guide de (Malus sylvestris (L.) Mill.) and les véritables pommier et poiriers Dendrologie : arbres, arbustes et (Pyrus pyraster (L.) Burgsd.). sauvages méritent pourtant toute arbrisseaux de la forêt française. Tome l’attention des forestiers. Éléments 2. 2e édition Nancy : ENGREF. 256 p. originaux de la flore ligneuse de nos massifs, ils contribuent discrètement MATHIEU A, 1877. Flore forestière, 3e à la diversité spécifique de ces der- édition entièrement revue et considé- niers. Source possible de bois de rablement augmentée. Paris : Berger- haute qualité, ils peuvent inciter pro- Levrault. 618 p. priétaires et gestionnaires à leur

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Pommier et poiriers sauvages : réhabilitons les arbres à pépins en forêt !

Fort de son expérience sur l’alisier torminal, le Conservatoire génétique des arbres forestiers (CGAF) a effectué en 1999-2001 une enquête nationale auprès des personnels de terrain de l’Office, sur d’autres espèces fruitières à caractère disséminé, parfois délaissées mais faisant néanmoins partie du patrimoine forestier. La présentation de ces résultats est l’occasion de faire le point sur l’état des ressources naturelles des pommiers et poiriers sauvages dans les forêts publiques, et de réfléchir à la pérennisation de ce capital rare.

es pommiers et poiriers Premier inventaire, un goût les taux de réponse obtenus varient L sauvages sont menacés par d’inachevé… d’une région à l’autre, sans lien avec suite de la destruction d’habitats l’importance des forêts publiques comme la suppression de haies, ou en Le constat d’un manque d’informations (figures 1 et 2). Si l’Est de la France raison, jusqu’à il y a une quinzaine précises, non seulement sur la distribu- concentre l’essentiel des réponses, d’années, de l’inadaptation de la sylvi- tion géographique mais aussi sur les certaines régions restent non rensei- culture appliquée aux espèces sociales effectifs des pommiers et poiriers sau- gnées, bien que l’ONF y gère de nom- avec lesquelles ils se trouvent en vages en forêt publique métropolitaine, breuses forêts et que ces fruitiers y mélange. Existent également des a conduit le CGAF à lancer une premiè- soient potentiellement présents. risques de perte de diversité génétique re enquête courant 1999 auprès du per- Néanmoins actuellement, des pom- et d’hybridation avec les variétés orne- sonnel de terrain de l’ONF, sous la forme miers et poiriers sauvages, tous statuts mentales et cultivées homologues, ou d’un questionnaire diffusé dans le men- confondus (semis ou drageons, jeunes suite à des transferts de à suel Info ONF. Ce sondage a été actuali- tiges, arbres adultes ou sénescents), longue distance lors de plantations sé fin 2001, après passage de la tempê- ont été signalés sur 117 parcelles fores- (Fady et Lefèvre, 2004). te de 1999, par l’envoi aux premiers tières réparties dans 65 forêts, majori- contributeurs d’une demande de rensei- tairement (près des 2/3) communales. Plusieurs pays européens comme gnements sur les dégâts éventuels cau- Malgré ses lacunes et la sur-représen- l’Allemagne (Kleinschmit et al., 1998), la sés par celle-ci et sur les potentialités de tation de l’Est de la France, l’échan- Suisse (Barengo, 2001 ; site régénération de ces espèces. Les agents tillon semble confirmer la présence de www.seba.ethz.ch) ou la Belgique (Coart de l’ONF présents sur le terrain ont pommiers sauvages Malus sylvestris et et al., 2003) se préoccupent activement montré à cette occasion leur motivation de poiriers Pyrus pyraster sur l’en- de la conservation de telles espèces. Le et leur intérêt pour la connaissance du semble du territoire national. Le poirier réseau européen EUFORGEN milieu forestier. Les réponses à l’enquê- Pyrus cordata n’est signalé qu’au sein (ensemble des réseaux du programme te, basée sur le volontariat, ont été nom- de l’aire qui lui est communément attri- européen des ressources génétiques breuses (62) et ont permis la constitution buée dans les flores, conformément à forestières) place également pommiers d’une base de données dynamique sur son tempérament à tendance atlan- et poiriers parmi les espèces forestières ces espèces (voir encadré « Un inventai- tique ; il se trouve de fait moins repré- aux ressources génétiques menacées re à compléter ! » p.8). senté dans notre enquête que les (Stephan et al., 2003). Il nous a donc autres espèces en raison notamment paru opportun, dans ce contexte, de Localisation de la ressource du faible taux de forêts soumises dans dresser un premier constat de l’état de Les résultats qui suivent ne sauraient le grand Ouest et du faible taux de ces espèces en forêt publique et de être considérés comme exhaustifs à réponse dans les zones de montagne. sensibiliser les gestionnaires à leur pré- l’échelon national. En effet, la forêt pri- Les poiriers non identifiés peuvent sence et à leur sauvegarde. vée n’est pas couverte par l’enquête et comprendre a priori quelques exem-

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Aire naturelle française = territoire national

Taux de terrains relevant du régime forestier Taux de terrains relevant du régime forestier Forêts répertoriées par l’enquête Forêts répertoriées et aires de distribution

Fig. 1 : localisation des sites recensés Fig. 2 : localisation des sites recensés de poiriers de pommiers sauvages (Malus sylvestris) sauvages (Pyrus pyraster, P. cordata et sp.).

plaires de poirier à feuilles d’amandier hybrides entre les différentes espèces Première analyse des données (P. amygdaliformis), lequel avait été sauvages (P. pyraster et cordata), et recueillies exclu dans un premier temps de cette entre sauvages et cultivés (en Lorraine Les analyses qui suivent sont com- enquête, mais aussi probablement des par exemple). munes aux pommiers et poiriers, l’en- quête ayant montré des résultats similaires pour ces espèces. Compte Un inventaire à compléter ! tenu des caractéristiques particu- lières de l’enquête (effort de pros- Nous profitons de cet article pour relancer cette enquête et solliciter la pection non homogène sur l’en- contribution de chacun afin de compléter les manques de cet inventaire, semble des forêts gérées et proba- notamment (mais pas exclusivement !) dans les Vosges, la Marne, la Haute- blement aussi sous-estimation de la Saône, les Cévennes, la Corse et les départements des arcs alpins et pyrénéens. présence de jeunes tiges non flori- fères, plus difficiles à repérer), cette La fiche de renseignements peut être téléchargée sur le site intraforêt de la analyse constitue un premier état des direction technique, ou obtenue auprès du CGAF sur demande (Laurent lieux, non exhaustif, de la ressource Lévêque). Les fiches renseignées sont à renvoyer à l’adresse suivante, par voie existant en pommiers et poiriers sau- postale ou électronique : vages, en termes de présence / absence et sans approche quantitati- Conservatoire génétique des arbres forestiers ve. Néanmoins, les résultats de cette Campus INRA première étape, à confirmer par un Avenue de la Pomme de Pin - BP 20 619 - Ardon – 45166 Olivet CEDEX futur échantillonnage plus consé- Tél. : 02 38 41 48 08 / 02 38 41 48 06 - fax : 02 38 41 48 00 quent, semblent d’ores et déjà cohé- [email protected] rents avec ce que fournit la littérature En retour, des données (extraits de la base de données, listings, cartes) peuvent existante (parcimonieuse) sur le com- être fournies sur demande par le CGAF aux services intéressés. portement de ces fruitiers sauvages.

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Au sein de l’échantillon, ces espèces tions sylvicoles ciblées à leur profit. Par se rencontrent dans tous les types de ailleurs, les sujets en situation de fleurir peuplements, avec une prépondé- ne produisent pas tous des fruits 1316 %% rance de la futaie régulière (figure 3). (figure 7), et en outre la proportion 10 % Majoritairement signalées dans les 4130 % d’arbres ayant produit des descendants séries à objectif de production, elles 10 % (semis, rejets ou drageons repérés par

sont présentes pour un tiers des 23 % l’agent local) est faible. Ce constat peut cas dans les parcelles classées en s’expliquer en partie par la sensibilité des régénération ou en préparation, mais fleurs aux aléas climatiques (essentielle- se rencontrent dans tous les groupes ment gelées tardives et fortes pluies prin- de classement d’aménagement : tanières), mais également par la pression connaissance plus fine de la ressour- Chênes Chênes et autres feuillus de la faune sur les jeunes sujets, ainsi que ce dans les massifs de production, par l’impact négatif de l’ombre et de la plus faible présence des conditions Hêtres Feuillus divers Résineux concurrence des espèces qu’ils accom- écologiques optimales des Pyrus et pagnent (Barengo, 2001). Malus en zones de protection ou Fig. 4 : essence principale simple biais d’enquête ? du peuplement 13 % 30 % 2 % L’enquête confirme le comportement de feuillus disséminés, d’une part par 22 % 10 % les très faibles densités rencontrées 23 % 35 % 17 % (notées à l’échelle de la parcelle pour notre enquête) (figure 5) et d’autre part en raison de leur réparti- 48 % tion très majoritairement sous forme de pieds isolés (91 % des cas), beau- Ouvert (houppiers discontinus) Lisière coup plus rarement par groupes de Clair (houppiers +/- en contact) quelques individus. Fermé (houppiers contigus) Taillis Taillis sous Futaie Futaie régulière Fig. 6 : état du couvert des peu- Futaie en conversion Futaie irrégulière plements abritant des pommiers 16 % et poiriers Fig. 3 : traitement appliqué à la parcelle 54 % 41 % Menaces pesant sur ces fruitiers L’espèce principale composant les peuplements à pommiers et poiriers Gestion sylvicole inadaptée est majoritairement le chêne, seul ou Comme le montre l’analyse précéden-

associé à d’autres feuillus (figure 4). >4t/ha 4t/ha> >0,4t/ha 0,4t/ha> te, pommiers et poiriers sauvages sont Mais on trouve également ces frui- disséminés dans des peuplements tiers, de manière plus surprenante, Fig. 5 : densité en nombre de d’essences sociales (chênes, hêtre, dans les peuplements résineux (16 %) tiges à l’hectare (à l’échelle de mais aussi résineux), qui, sans et on peut s’interroger, pour ce der- la parcelle) démarche volontariste de la part du syl- nier cas, sur la capacité de ces frui- viculteur, laissent de manière naturelle tiers à s’y reproduire (le cas existe peu de chances de survie à moyen néanmoins en forêt d’Orléans – L. Le tempérament héliophile de ces terme à ces espèces héliophiles peu Nicolas, comm. pers.). La nécessité espèces est en outre confirmé et illustré compétitives. La ressource existante ne d’intégrer pleinement ces feuillus par la fréquence des cas de lisière ou de doit son salut qu’à la présence d’indivi- disséminés dans la sylviculture des parcelles à houppiers discontinus dus sous faible couvert ou en lisière – grandes essences sociales, explicite- (figure 6). Cependant, le quart des indivi- donc en situation de faible compétition ment mentionnée dans les nouveaux dus recensés se trouve sous peuplement – et/ou à l’intérêt que leur accorde le guides de sylviculture (Jarret, 2004), fermé ce qui risque, à terme, de limiter gestionnaire local, aidé en particulier est ici clairement mise en évidence. leur potentiel de développement et de par les guides de sylviculture, tel celui reproduction en l’absence d’interven- paru récemment pour la chênaie atlan-

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vergers (à usage personnel ou indus- 100 triel), signalée pour certaines forêts de l’enquête, constitue une menace 90 Malus sylvestris Pyrus sp potentielle pour la préservation des 80 ressources génétiques de cette espèce sauvage. Pour le poirier en revanche, 70 l’hybridation avec les cultivars utilisés

60 en vergers constitue une menace avé- rée pour le pool génétique de l’espèce 50 sauvage (Barengo, 2001), pouvant

40 conduire à la production de fruits et de % arbres graines hybrides – et donc de semis 30 hybrides. Chercher à obtenir des régé-

20 nérations naturelles dans des forêts comportant peu d’adultes sauvages et 10 situées à proximité de vergers de pro- duction est donc risqué car cela pour- 0 rait conduire à favoriser l’installation de Arbre ayant déjà fleuri Arbres ayant déjà fait des fruits semis hybrides qui, à terme, se substi-

Arbres ayant produit des semis, rejets ou drageons tueraient à la ressource locale sauvage (Barengo, 2001 ; Coart et al., 2003). C’est ainsi qu’en Allemagne, la régéné- Fig. 7 : proportion des arbres ayant produit fleurs, fruits et descen- ration naturelle par graines du poirier dants (moyenne sur un échantillon de 11 forêts pour Malus sauvage est déconseillée. et 9 forêts pour Pyrus) L’absence de réglementation nationale sur les matériels forestiers de repro- duction de ces espèces autorise tique (Jarret, 2004). Plus que la destruc- tiers de culture ou d’ornement. Même aujourd’hui tout transfert de plants, tion directe des habitats naturels – si des travaux récents sur pommier d’origines géographique et génétique cause souvent citée de disparition (Coart et al., 2003) semblent indiquer inconnues, avec des risques d’hybrida- d’une espèce (Lefèvre, 2004), l’élimina- que les cas d’introgression entre pom- tion entre matériel végétal local et indi- tion par martelage et la concurrence mier sauvage et cultivé sont très rares vidus introduits aux caractéristiques non contrôlée des essences sociales, en Belgique, la présence proche de adaptatives éventuellement très diffé- telles que fréquemment pratiquées dans la gestion passée, constituent de fait des menaces directes sur les popu- lations existantes de fruitiers.

De plus, la diminution du nombre de reproducteurs, la pression importante de la faune sauvage sur les fruits et semis ou rejets naturels (Barengo, 2001), la fragmentation des milieux (anciennes plantations de résineux par exemple qui font écran entre deux îlots de fruitiers) et l’augmentation consécu- tive des distances entre individus flori- fères peuvent entraîner à terme une réduction potentielle de la diversité intraspécifique pour chaque espèce (Stefan et al., 2003 ; ONF, 2004).

Des risques d’hybridation entre espèces sauvages et cultivées À ces menaces s’ajoutent des risques L. Lévêque, ONF-CGAF d’hybridation possible avec des frui- Un poirier (Pyrus pyraster) en peuplement

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rentes (dates de débourrement par exemple), et des conséquences géné- tiques négatives à long terme. En Production fruitières et ornementales : outre, en raison principalement de la Modifications du milieu : - hybridation avec des faible abondance des fructifications en - fragmentation des cultivars fruitiers et habitats milieu forestier mais aussi de leur irré- ornementaux - augmentation de la gularité interannuelle, sources de coûts - maladies des espèces pression du gibier élevés de mobilisation, une partie non ornementales et culti- Populations sau- négligeable des récoltes actuelles de vées (feu bactérien,...) vages de Pyrus / matériel végétal se fait vraisemblable- -récolte de porte- Malus ment sur arbres isolés de lisière ou de greffes haies, avec là encore des risques élevés d’hybridation. Pour autant, la mise en place de plantations conservatoires régionalisées ne saurait être préconi- Sylvicultures : sée tant que demeure totalement - non volontaristes au inconnue la structuration de la diversité profil de ces espèces et de la variabilité génétiques de ces - utilisation de MFR taxons en France. hybrides ou non adaptés

Fig. 8 : principales menaces d’origine anthropique affectant les ressources génétiques des pommiers et poiriers sauvages (adapté de Barengo, 2001)

poser une cohabitation ancienne entre Pour les maladies récentes, en les fruitiers sauvages et leur cortège de revanche, on peut craindre une sensibi- parasites et donc l’effet d’une longue lité générale des Pyrus et Malus sau- pression de sélection sur les popula- vages avec des niveaux de résistance tions sauvages actuelles de fruitiers. extrêmement variables d’un individu à Une attention particulière doit être por- l’autre (Paulin INRA Angers, comm. tée cependant à Gymnosporangium pers.). Les pathologistes font toutefois sabinae (Barengo, 2001), la rouille grilla- observer que la dispersion des tiges, gée du poirier, dont l’hôte intermédiai- l’hétérogénéité génétique des popula- re est le genévrier : certes contrôlée en tions (à caractériser pour la France) et vergers en partie grâce aux traitements le mélange avec d’autres essences limi- fongicides anti-tavelure, elle pourrait tent les risques d’attaques des mala- notamment affecter les poiriers sau- dies à dispersion aérienne (Paulin, site http//sea.ne.chOPC_FeuBac.htm vages dans les stations où ils cohabitent comm. pers.). Attaque de feu bactérien avec le genévrier (L. Parisi INRA Angers, sur pommier comm. pers.).

Finalement, les impacts actuels, anthropiques et non anthropiques (figure 8), Problèmes phytosanitaires sur les forces évolutives (Musch et al., 2004) et les ressources génétiques des Signalons enfin un dernier type de pommiers et poiriers sauvages conduisent sur le plan génétique à des menaces, cause possible de raréfaction risques non négligeables : des populations sauvages, notamment de dérive génétique avec appauvrissement de la diversité génétique, par pour les individus isolés de haies ou de réduction des effectifs des populations en cas de sylvicultures non respec- lisière : les maladies affectant les varié- tueuses de la diversité des essences, de pression de gibiers ou des patho- tés cultivées, vieilles maladies endé- gènes des variétés cultivées ; miques comme la rouille grillagée du de dérive génétique par l’absence de flux de gènes entre populations sau- vages du fait de la fragmentation de milieux ou plus largement par une dif- poirier, la tavelure et l’oïdium ou mala- ficulté croissante de croisements naturels entre individus sauvages de la dies d’introduction récente comme le même espèce ; feu bactérien (toutes les espèces de d’hybridations suite à des flux de gènes provenant soit de variétés culti- Pyrus et Malus sont hôtes de cette bac- vées et ornementales soit de transferts de matériel végétal d’un pays à térie), ainsi que les insectes ravageurs l’autre ou à l’inverse. des fruitiers de culture. On peut sup-

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Un certain nombre de mesures peu- possible d’assurer l’avenir des essences vent néanmoins permettre de diminuer précieuses et rares. Cela nécessite : les risques de disparition à court et un repérage précoce de ces indivi- moyen terme. dus rares par du personnel sensibilisé ; des interventions en dégagement (< 3 m) ou en nettoiement ciblés parti- Règles de gestion de base culièrement sur ces espèces visant à préconisées préserver l’accès à la lumière des houp- piers. La sensibilisation des personnels D’abord mieux connaître, pour sau- est là encore capitale. vegarder Des tailles de formations et un élagage Avant toute chose, il convient complémentaire sont souvent néces- d’abord de préciser la carte de distri- saires sur ces fruitiers pour obtenir une bution de ces fruitiers en forêt rele- bille nette de nœuds d’environ 5 - 6 m vant du régime forestier, en complé- de hauteur. tant les prospections dans certains massifs (voir encadré) puis de préci- En sortie de phase de compression, la ser les effectifs présents par classes désignation de tiges-objectif permet d’âge ou, au minimum, par stades de de garantir la présence de ces essences développement (régénération, précieuses au sein du peuplement. En jeunes arbres, arbres matures, arbres phase de grossissement des tiges, lors sénescents). Outre la sensibilisation des martelages en coupes d’améliora- des agents ONF à cette recherche, la tion, la croissance optimale de ces der- mise à disposition de critères simples nières peut être assurée par des détou- d’identification est capitale, notam- rages qui consistent à enlever les arbres ment pour le repérage de jeunes directement en contact avec un fruitier T. Lamant, ONF - CGAF sujets. Le tableau comparatif préala- (surtout s’il est désigné). Il faut tout de Un pommier en forêt domaniale blement utilisé pour cette enquête même veiller à ne pas trop exposer le de Rambouillet (voir article précédent p 3) constitue pommier ou le poirier à des vents froids à ce titre une aide efficace, puisqu’il susceptibles de provoquer des gelées les matériels forestiers de reproduction compare divers critères dendrolo- printanières lors des floraisons. s’appliquent donc aux pommiers et poi- giques aisés à observer. riers : privilégier la ressource locale ou à Ces mesures, peu contraignantes, défaut la plus proche, en ayant soin de Cette étape devrait être suivie d’une s’inscrivent pleinement dans le cadre vérifier l’adéquation des conditions éco- analyse de la distribution géogra- du mélange des essences préconisé logiques avec celles du lieu d’installa- phique de la diversité neutre et de la dans la gestion courante des peuple- tion. Ainsi, à défaut de régénération variabilité génétique (débourrement, ments (instruction ONF 93-T-23). Elles naturelle repérée, la récolte de vigueur, résistance aux pathogènes) visent dans un premier temps à main- semences par des personnels motivés de chaque taxon afin de guider les tenir les individus en place, au mini- et débouchant sur un contrat de culture choix en matière de transferts de mum aux densités actuelles, c’est-à- avec un pépiniériste (apport des matériel végétal (ONF, 2004), voire dire environ 1 tige/ha, pour favoriser la graines, éducation en pépinière et récu- d’identifier des zones homogènes production de semences. Il convient pération des matériaux forestiers de pouvant servir de base à la mise en ensuite de gérer les éventuelles régé- reproduction) constitue un excellent place de plantations conservatoires nérations naturelles ou productions de moyen de compenser un faible dyna- régionalisées. drageons, pour assurer la pérennité misme reproductif naturel. Nombre de des populations. forestiers produisent d’ailleurs des Préserver la ressource existante plants, initiatives individuelles qu’il Assurer un avenir aux individus déjà pré- Penser la régénération convient de souligner. sents constitue bien entendu une priori- La structuration spatiale de la diversité té. La première mesure préconisée est génétique de ces fruitiers n’a pour La sélection des sujets ne doit pas s’ap- l’établissement de règles simples de l’heure pas encore été étudiée pour les puyer sur des critères dendrométriques, gestion, visant à permettre la croissance populations françaises. On peut néan- l’objectif étant d’obtenir une diversité et le développement du houppier des moins penser que tout comme en génétique la plus large possible. On choi- individus en place pour favoriser leur flo- Belgique ou en Allemagne (Coart et al., sira donc des individus de formes et raison. C’est essentiellement pendant la 2003), l’essentiel de cette diversité pro- dimensions variées, en nombre le plus phase juvénile du peuplement (phase vient du niveau intrapopulations. Les grand possible, dispersés à l’échelle du d’installation et de compression) qu’il est recommandations usuelles concernant massif forestier : une distance d’au moins

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50 m entre les tiges fructifères retenues peut garantir a priori une certaine diversi- Mélange spatial té. Selon les agents ayant répondu à l’en- Individus quête, la fréquence de fructification varie d’un à trois ans (avec possibilité de N1 A C D A+C+D conservation des graines – voir encadré AnnéeN2A B A+B Mélange temporel ci-dessous « Propagation des pommiers N3 A C E A+C+E et poiriers ») : une solution complémen- taire au mélange des graines entre indivi- dus peut être le mélange temporel (lots Fig. 9 : mélange des semences pour améliorer la diversité génétique de graines de plusieurs années diffé- des lots de graines rentes) afin de maximiser le brassage génétique (figure 7). semis naturels peut être délicate et (100-120 cm) ou 1+2 (170-180 cm), En présence de régénération natu- les drageons, ou encore greffons ou nécessairement pourvus d’une pro- relle sous semenciers dans les par- boutures de sujets sauvages (voir tection individuelle contre le gibier celles non prévues en coupe, des encadré « Propagation des pom- (Barengo, 2001). Le coût estimatif est prélèvements de semis d’un an miers et poiriers »), peuvent alors de l’ordre de 4 - 5 € par (four- sont envisageables. Hormis ce cas fournir une solution alternative à niture du plant + protection et mise particulier, il est important de faire moyen terme. en place). Ces bouquets seront ins- attention aux éventuels semis natu- tallés dans les régénérations d’es- rels présents dans les espaces Après éducation en pépinière des sences sociales ou en mélange avec ouverts et autres coupes de régé- plants issus de graines ou éventuel- d’autres fruitiers à croissance lente nérations. Les agents questionnés lement de prélèvements in situ, on (comme l’alisier par exemple), en ont d’ailleurs confirmé la présence peut procéder à un enrichissement situation de bordure de parcelle ou de semis dans ces zones qui sous forme de bouquets de planta- en lisière. Il est cependant à noter concentrent le gibier vecteur des tions à distance définitive (entre 7 et qu’en raison du risque potentiel de graines (mustélidés, renard, san- 10 m d’équidistance), dans des contamination par le feu bactérien, il glier…). trouées (par exemple dans les est recommandé d’éviter les lisières Dans les situations de risque d’hybri- coupes secondaires en futaie régu- forestières proches de grands ver- dation avéré (proximité d’espèces lière). Il est préférable d’utiliser des gers d’espèces cultivées (au moins cultivées), l’utilisation de graines ou plants de grande taille de type 1+1 500 m) et de procéder à des vérifica- tions sanitaires des individus sau- vages existants en juin et septembre Propagation des pommiers et poiriers (Stadler et al., 2004).

La multiplication végétative, préconisée uniquement en cas de risques réels et importants d’hybridation avec des sujets cultivés, peut passer par l’utilisation des drageons naturels, mais à défaut il est également possible de En conclusion faire des boutures ou des greffes. De jeunes pousses tendres sont prélevées en mai-juin, et bouturées avec hormones rhizogènes sur perlite en La prise de conscience de l’intérêt du atmosphère brumisée (Dirr et al., 1987). Les greffes de bourgeons capital que représentent les pom- s’effectuent quant à elles à la fin de l’été, et celles de scions, à 2 ou 3 yeux, miers et poiriers sauvages est un des vers la fin de l’hiver, sur porte-greffes vigoureux. nombreux enjeux du maintien de la En ce qui concerne les graines (Suszka et al., 1985), elles doivent être mises diversité biologique en forêt, et la à macérer dans l’eau et bien nettoyées de la pulpe des fruits. Elles sont réalisation de cette enquête consti- ensuite étalées à l’air libre en fines couches et régulièrement brassées afin tue un premier pas dans cette prise d’obtenir un séchage de l’ordre de 8 - 10 % d’humidité. Une fois de conscience. déshydratées et conditionnées en récipients hermétiques placés entre -3 °C et -10 °C, elles peuvent se conserver 2 ou 3 ans sans perte trop importante À court terme, des mesures simples de capacité germinative (graines « orthodoxes »). La dormance de la graine peuvent enrayer la raréfaction et la est aisée à lever. Afin d’obtenir une bonne germination, il suffit de disposer disparition probable, dans le contex- les graines en caisses (contenant du sable humide par exemple) durant 2 à 3 te actuel, de ces espèces : mois en stratification froide (+2 à +4 °C) puis les placer à +20 °C jusqu’à connaissance détaillée et protec- leur germination. tion de la ressource existante ; préservation de l’existant par le

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repérage et le dégagement précoce règles de gestion efficaces à long LEFÈVRE F., 2004. Human impacts on pendant la phase juvénile, par la dési- terme. forest genetic resources in the tempera- gnation, puis le détourage des sujets te zone : an updated review. Forest en âge de fleurir lors des coupes Ecology and Management, vol. 197, d’amélioration ; Laurent LÉVÊQUE n° 1-3, pp. 257-271 développement de la régénération Alain VALADON aussi souvent que possible, en tenant Thierry LAMANT MUSCH B., VALADON A., ODDOU- compte des risques d’hybridation avec ONF, Conservatoire génétique des MURATORIO S., 2004. À propos de les variétés cultivées et de transferts arbres forestiers génétique des populations… Rendez mal maîtrisés de matériel de reproduc- Orléans Vous Techniques ONF, hors-série n° 1 tion d’origines parfois inconnues [email protected] « Diversité génétique des arbres fores- (plants, graines) ; [email protected] tiers : un enjeu de gestion ordinaire », renforcement de populations avec [email protected] pp. 6-15 des sources locales bien identifiées de matériel sauvage sain. ONF, 1993. Instruction 93-T-23 sur la prise Leur mise en œuvre suppose la sensibi- Remerciements en compte de la biodiversité dans l’amé- lisation, la formation et le soutien tech- nagement et la gestion forestière, 18 p. nique des personnels (formations mar- Les auteurs remercient vivement : téloscopes, guides de sylviculture) l’ensemble des personnels techniques ONF Direction technique, 2004. ayant répondu à cette enquête ; Diversité génétique des arbres fores- À moyen terme, et en l’absence de J.-P. Paulin et L. Parisi, pathologistes tiers : un enjeu de gestion ordinaire. connaissances plus précises sur les de l’INRA Angers pour leurs apports Rendez-vous techniques de l’ONF, hors- niveaux actuels et les mécanismes de la sur le feu bactérien et la rouille grilla- série n° 1. 130 p. diversité génétique au sein des popu- gée du poirier ; lations sauvages, la solution peut être J. Bock, L. Nicolas et C. Robert pour STADLER B., RUDOW A., GÜNTER M., l’organisation, à une échelle locale ou leur relecture « sylvicole » de cet POPOW G., LINDAU S., HOLLIGER E., régionale, de campagnes de récoltes article et leurs nombreux commen- URECH H-P., 2004. Recommandations en de semences lors d’années de bonne taires. vue de favoriser les espèces fruitières floraison/fructification, suivies de sauvages et l’aubépine malgré le risque contrats de cultures et de plantations Bibliographie de contamination par le feu bactérien. en enrichissement dans les massifs L’environnement pratique, Fiche tech- concernés. De telles opérations de BARENGO N., 2001. Projet Favoriser nique, Office fédéral de l’environnement, récolte, menées sur des effectifs suffi- les essences rares. Chaire de sylviculture des forêts et du paysage Berne. 5 p. sants pour garantir une variabilité mini- EPFS, Direction Fédérale des forêts male des semences produites, cou- OFEFP, 8 p. STEFAN B.R., WAGNER I., KLEINSCH- plées à des plantations dans les MIT J., 2003. EUFORGEN Technical mêmes zones, permettraient de pré- COART E., VEKEMANS X., SMULDERS Guidelines for genetic conservation and server les caractéristiques génétiques M.J.M., WAGNER I., VAN HUYLEN- use for wild apple and pear (Malus syl- locales tout en assurant le renouvelle- BROECK J., VAN BOCKSTAELE E., vestris and Pyrus pyraster). Rome : ment des populations de pommier et ROLDAN-RUIZ I., 2003. Genetic varia- International Plant Genetic Recources de poiriers. tion in the endangered wild apple Institute. 6 p. (Malus sylvestris (L.) Mill.) in Belgium as Parallèlement, il serait souhaitable de revealed by amplified fragment length SUSZKA B., MULLER C., BONNET- combler de nombreuses lacunes dans polymorphism and microsatellite mar- MASIMBERT M., 1985. Graines des la connaissance de ces espèces, kers. Molecular Ecology, vol. 12, pp. feuillus forestiers : techniques et pra- comme la variabilité du débourrement, 845-857 tiques. Paris : INRA. pp.16-19 la fréquence des floraisons et fructifica- tions, l’importance de la multiplication DIRR A.M., HEUSER C., W JR, 1987. The En ligne végétative par drageonnage, mais reference manual of woody plant propa- aussi dans la connaissance des espèces gation : from seed to tissue culture : a http://www.Ipgri.Cgiar.Org/Networks/ associées (pollinisateurs, animaux assu- practical working guide to the propaga- Euforgen/Euf_Home.htm. Stephan BR, rant la dissémination des semences, tion of over 1100 Species. Varsity Press Wagner I, Kleinschmit J. Wild apple cortèges associés à la consommation Incorporated, pp. 154-155, 182-183 (Malus sylvestris (L.) Mill.) and pear des fruits). Ces acquis dans le domaine (Pyrus pyraster (L.) Burgsd.) de la reproduction et de la diversité JARRET P., 2004. Guide des sylvicul- http://www.seba.ethz.ch : site suisse génétique et écologique sont les véri- tures : chênaie atlantique. Paris : ONF, traitant de la conservation des tables garants de la pertinence de Lavoisier. 335 p. essences rares en forêt.

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Évaluer la potentialité forestière d’un site sans observer la flore. Présentation d’une méthode développée en région méditerranéenne calcaire

À l’époque où l’on souhaite harmoniser les typologies de stations de régions voisines, voici une approche méthodologique originale adaptée au contexte de la région méditerranéenne, mais qui peut présenter un intérêt également pour d’autres régions y compris de plaine. La méthode vise à obtenir des indices de potentialité des stations reposant uniquement sur l’observation de facteurs abiotiques du milieu, qui soient valables en tout point de la zone d’étude et quel que soit l’état de dégradation de la forêt, et de se passer de la flore comme critère d’appréciation.

n région méditerranéenne tée infructueuse. Il en est de même pour mettre en œuvre et couvre une plus française, dans les zones de la synthèse de deux catalogues de grande surface que celle de la plupart basses et moyennes alti- régions voisines, les stations définies par des catalogues. tudes, la surface couverte par les cata- l’un étant rarement comparables à celles logues de stations forestières est très de l’autre. L’expérience a été tentée en Cette méthode a été développée grâce inférieure à la moyenne nationale. Les 1996 sans résultat satisfaisant (Vennetier à l’acquis scientifique des études sur méthodes classiques de typologie de et Ripert, 1996). l’autécologie des principales espèces de stations forestières développées dans reboisement et des typologies de sta- les régions tempérées, basées en partie C’est pourquoi il est apparu nécessaire à tions réalisées précédemment dans la ou totalement sur la phytoécologie, n’y l’échelle régionale de chercher une nou- région méditerranéenne française (voir sont pas entièrement transposables. En velle méthode d’analyse et de descrip- bibliographie). Ces études ont montré effet, la flore forestière est perturbée tion du milieu qui soit assez rapide à que la détermination de la potentialité depuis plusieurs milliers d’années par les nombreuses actions anthropiques : défrichements, épierrage, incendies, pâturage ou débroussaillage. Beaucoup de forêts sont jeunes, notamment dans les zones où l’activité et la pression humaine sont fortes, et où l’environne- ment naturel est soumis à des perturba- tions intenses et fréquentes, comme l’in- cendie qui rajeunit périodiquement l’écosystème. Dans ces zones de basses et moyennes altitudes, la végétation est le plus souvent en phase de reconstitu- tion et reflète plus les perturbations que les réelles potentialités du milieu.

Comme dans d’autres régions, la tenta-

tive d’extrapolation de catalogues exis- C. Ripert, Cemagref tants hors de leur zone d’étude est res- Pinède incendiée sur restanque

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forestière dans cette région repose essentiellement sur l’évaluation du bilan hydrique (principal facteur limitant), ce qui est une spécificité des régions médi- terranéennes. L’étude couvre 5 000 km2 de la Provence calcaire Ouest, compre- nant le département des Bouches-du- Rhône, l’extrême Ouest du Var, le Sud- Est du Vaucluse.

La méthode pourrait être étendue ulté- rieurement aux zones méditerranéennes françaises déficitaires en catalogues, ou envisagée pour la simplification et l’har- monisation des typologies existantes en formation calcaire.

L’outil d’évaluation proposé est basé sur deux échelles d’analyse : une première approche à l’échelle régionale utilisant les macro-facteurs cli- matiques et géographiques qui permet- tent de produire, grâce à un SIG, une Fig. 1 : indice de climat carte des indices climatiques de poten- tialité forestière, du bilan hydrique, en raison de l’ancien- prédire le bilan hydrique d’un site, et une deuxième approche à l’échelle neté du couvert forestier qui a permis à les potentialités forestières, quel que stationnelle analysant plus finement le la végétation d’atteindre un certain état soit l’état de sa végétation. milieu sur la base des facteurs topogra- d’équilibre avec le milieu. phiques et édaphiques, mesurables uni- Plan d’échantillonnage quement sur le terrain, et qui permet le Dans un premier temps, la flore de ces Le choix des placettes a été effectué calcul d’un indice de potentialité topo- placettes est analysée. Les traitements en tenant compte de quatre facteurs édaphique. Cet indice complète et pré- statistiques, décrits ci-après, permet- dont des études précédentes ont cise localement l’indice climatique. tent de déterminer, en fonction de montré le rôle prépondérant : cette flore, un gradient de bilan le bioclimat divisé en deux classes : Des tableaux de correspondance entre hydrique selon lequel les placettes se - la Basse Provence (bioclimat méso- les deux indices de potentialités et la classent sur la base de leur inventaire méditerranéen, étage du chêne vert), productivité des principales espèces floristique : il s’agit d’un travail préa- - l’Arrière Pays méditerranéen (biocli- forestières méditerranéennes complè- lable, qui sert de fondement à la mat supra méditerranéen, étage du tent l’outil pour aider à faire un choix méthode. Dans un second temps, un chêne blanc) ; d’essences. modèle est élaboré permettant de pré- l’altitude selon quatre classes de dire ce classement de bilan hydrique à 200 m d’amplitude, de 0 à 800 m ; Méthodologie l’aide des seuls facteurs abiotiques l’exposition pour laquelle on a utilisé descriptifs du milieu, relevés de façon l’indice de climat lumineux de Becker Démarche scientifique très détaillée sur le terrain. (IKR, combinaison de l’exposition et de Le travail scientifique repose sur la des- la pente, voir encadré) en cinq classes : cription et l’analyse d’un réseau régional Ce modèle peut ensuite être utilisé sur très froid, froid, neutre, chaud et très de 315 placettes, représentatives des l’ensemble du territoire concerné pour chaud (voir figure 1) ; principaux gradients écologiques régio- naux (voir plan d’échantillonnage). Ces L’IKR est un indice calculé qui traduit le % de lumière directe et indirecte reçue placettes ont été choisies dans des peu- par un point donné du fait de son exposition et de la pente, par rapport à celle plements assez âgés où il n’y a eu ni que recevrait ce point s’il se trouvait en situation plate et sans confinement. On exploitation, ni incendie, ni autre pertur- parle de « climat lumineux », entraînant des variations importantes de bation majeure depuis 30 ans au moins, température. Cela se traduit dans le langage populaire en « versants frais » et situation rare en région méditerranéen- « versants chauds », ou encore « ubacs » et « adrets ». Le passage du frais au ne. La flore y est de ce fait considérée chaud est assez rapide. Il est concrétisé par une zone intermédiaire « neutre », comme représentative des conditions comprenant les zones plates et de très faible pente ainsi que les positions du milieu et de ses potentialités, donc orientées plein Est ou plein Ouest quelle que soit leur pente.

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le matériau superficiel : altérite ou 315 placettes où les relevés portent sur : Chacun de ces gradients est clairement colluvion, sur ou issues des roches les - la flore caractérisée par 179 plantes relié à une composante du bilan plus communes dans le domaine d’étu- dont il faut expliquer la distribution hydrique : soit par la quantité d’eau de (calcaires durs, marneux, dolomi- écologique, apportée, évaporée ou transpirée tique, marnes…). - des variables écologiques abiotiques (pluie et température), soit à travers les qui sont les facteurs explicatifs, transferts latéraux au sol, positifs ou Choix des peuplements en vue de - des variables dendrométriques du pin négatifs (topographie), soit par les caractériser les stations d’Alep qui constituent des paramètres capacités de stockage de l’eau dans le Les relevés ont été réalisés dans des de croissance et de fertilité qui sont à sol (texture, charge en éléments gros- peuplements relativement anciens et expliquer. siers, profondeur du sol…). peu anthropisés, constitués de pin La projection, sur ce plan, de l’indice d’Alep pur ou, le plus souvent, d’un Élaboration des outils de fertilité du pin d’Alep (H70) suit plus mélange pin d’Alep/chênes (vert ou d’évaluation de la spécifiquement le gradient topo-éda- pubescent), la présence de chênes potentialité d’un site phique (H70 I étant la meilleure classe). adultes attestant de l’ancienneté de la formation, et le pin d’Alep permettant Détermination des facteurs expli- L’axe 1 de l’AFC est la résultante de ces de mesurer facilement la potentialité catifs de la répartition de la flore quatre gradients, et peut être assimilé forestière de la station. Cette essence Les analyses statistiques des relevés au bilan hydrique global de la station. Il étant bien représentée dans tout le floristiques (analyse factorielle des représente la dimension maximum du domaine, une étude autécologique en correspondances – AFC – en particu- nuage de points des plantes et des pla- a été tirée (voir bibliographie). lier) ont montré que, conformément cettes, donc le facteur qui explique le aux études antérieures, le bilan mieux la composition floristique des Les peuplements devaient par ailleurs hydrique est le facteur le plus puis- relevés. être suffisamment ouverts pour avoir sant expliquant la distribution de la une flore abondante et diversifiée flore en région méditerranéenne. Calcul de l’indice floristique de bilan puisque le but était de qualifier la sta- Comme l’illustre la figure 2 p.18, les hydrique tion grâce à celle-ci (nombre moyen de relevés floristiques se distribuent À un niveau de bilan hydrique corres- plantes par relevé = 46 ±13). dans le plan 1-2 de l’AFC selon pond donc une végétation potentielle, quatre gradients écologiques (cha- atteinte dans les forêts anciennes, ayant Facteurs descriptifs du milieu utilisés cun d’eux regroupant plusieurs fac- une composition et une vigueur données. Les études autécologiques et typolo- teurs de même type dont les modali- Pour élaborer un indice synthétique giques antérieures, dont les résultats tés vont dans le même sens) : représentatif du bilan hydrique de la sont très cohérents, montrent que ce climatique (pluie, température, placette, plusieurs approches ont été sont toujours les mêmes variables qui altitude), testées, dont les résultats se sont avé- expliquent la fertilité ou la croissance d’exposition, se traduisant par un rés concordants. L’indice retenu, le plus d’une essence, même si leur importan- gradient de température (versants simple, consiste à utiliser directement ce relative peut varier d’une étude à chauds, versants frais), les coordonnées des 315 relevés sur l’autre. Le tableau ci-après donne la topo-édaphique (topographie l’axe 1 de l’AFC (le plus intégrateur liste des principaux facteurs du milieu générale et stationnelle, charge en notamment sur le plan climatique). La qui ont été relevés dans les placettes. cailloux et profondeur du sol, etc.), position de chaque relevé, projeté sur texture du sol qui ressort de manière cet axe, peut s’interpréter comme un Les données de l’étude peuvent finale- séparée. indice de bilan hydrique global calculé ment se résumer ainsi : objectivement à partir de la flore.

Facteurs abiotiques Facteurs biotiques

Macro-facteurs Mésos et micros facteurs Flore Dendrométrie

Topographie : générale et stationnelle Géographie : altitude, Exposition et pente (combinés en IKR) Hauteur et âge des pins distance à la mer, altitude Géologie : roche, pendage, fissuration, d’Alep Notée en abondance du masque 1, exposition stratification + dominance (méthode du grand versant… analyses de tige sur un Pédologie : horizon, Braun-Blanquet) Climat : température matériau superficiel, texture, profondeur, échantillon restreint de pla- (moyenne annuelle.) et pluie % cailloux, test tarière hélicoïdale… cettes. (totale et d’été) Anthropiques : degré d’anthropisation (épierrage banquette…)

1 Altitude du masque : altitude du relief le plus haut entre un point et la mer, mesurée ici dans plusieurs directions correspondant aux vents dominants apportant sur terre les influences maritimes

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du pin d’Alep est principalement dépen- Peu profond H70 V Gradient climatique dante des facteurs topo-édaphiques. très caillouteux frais et humide Ces résultats confirment une idée clas- topo défavorable sique en région méditerranéenne : si le climat explique la répartition de la flore, H70 IV Gradient de texture la topographie et le sol expliquent mieux la vigueur de cette végétation. Expo sud chaude Une optimisation de la composante H70 III Argile, RU forte topo-édaphique du modèle, destinée à évaluer la potentialité stationnelle s’est donc appuyée sur l’indice de ferti- Gradient lité du pin d’Alep (hauteur à 70 ans). Le d'exposition Sable, RU faible pourcentage de variance expliqué est Expo nord fraîche proche de 80 %. H70 II Présentation des outils Gradient sol et d’évaluation de la topographie potentialité forestière Chaud et sec H70 I Profond peu caillouteux La carte des indices climatiques de topo favorable bilan hydrique Elle constitue le premier outil de travail Fig. 2 : plan 1-2 de l’AFC sur la flore des placettes opérationnel (figure 3). Cette carte, quatre gradiants concordants allant : obtenue grâce à un SIG (système d’in- - de la gauche (niveau le plus chaud ou le plus sec) formation géographique), illustre la - vers la droite (niveau le plus frais ou le plus humide valeur estimée de l’indice de potentiali- L’axe 1 est la résultante des 4 gradients, c’est le bilan hydrique global té climatique sur toute la zone d’étude Le modèle prédictif du bilan confirme la pré-éminence des facteurs cli- avec une précision de 50 m x 50 m (qui hydrique d’un site matiques dans l’explication de la réparti- correspond à la précision du modèle L’indice floristique de bilan hydrique, spé- tion de la flore forestière. Cette première numérique de terrain de l’IGN (MNT, cifique de chaque placette, est ensuite composante permet de calculer un « indi- voir détail dans l’encadré ci-après). utilisé en tant que facteur à expliquer, ce climatique » et de dessiner à l’échelle dans les étapes ultérieures de la régionale une carte des potentialités démarche. Il a été modélisé avec une forestières moyennes. Calcul de la carte régionale des combinaison de l’ensemble des variables potentialités forestières abiotiques : climatiques, géographiques Deuxième composante : elle prend et topo-édaphiques, en distinguant deux en compte les variables qui ne sont Chaque variable utile au calcul de composantes, l’une relative aux caracté- observables que sur le terrain, à l’échel- l’indice climatique est spatialisée à ristiques régionales du milieu, l’autre aux le stationnelle. L’apport de ces variables l’échelle régionale à l’aide du SIG : caractéristiques stationnelles donc topo-édaphiques pour compléter le 1 – à l’aide du MNT, attribution à locales. modèle et expliquer l’indice global de chaque pixel d‘un indice (IKR) bilan hydrique n’augmente que de calculé à partir de la pente et de Première composante : l’indice flo- 13 % l’explication de la variance. l’exposition, d’une distance à la ristique global, c’est-à-dire le classement mer et des altitudes maximales des placettes selon le bilan hydrique, est En revanche, l’indice de fertilité du pin mesurées entre ce pixel et la mer ; expliqué uniquement à l’aide des fac- d’Alep (hauteur à 70 ans), projeté dans le 2 – attribution à chaque pixel des teurs spatialisables à l’échelle régionale. plan 1-2 de l’AFC (voir figure 2), s’aligne valeurs climatiques : pluie totale, Ce sont les facteurs climatiques et géo- principalement sur le gradient topo- pluie d’été, températures. Le calcul graphiques tels que des macro-facteurs édaphique. Les mesures dendromé- se fait par interpolation (directe ou d’ordre régionaux (pluie, température, triques effectuées sur cette essence après calculs) à chaque pixel, à distance à la mer…), et des méso-fac- étaient d’ailleurs destinées à compléter l’aide de méthodes statistiques teurs qui ont une signification climatique la mesure de la fertilité forestière, les optimisées, des valeurs des points et qui sont cartographiables par SIG arbres ayant accès à des ressources en du domaine d’étude où ces (altitude et IKR). L’IKR, exprimant l’expo- eau bien plus profondes que la majorité variables sont connues (stations sition, arrive en tête. des petites plantes. L’étude autécolo- météo et placettes). À ce stade, le pourcentage de variance gique du pin d’Alep qui a été tirée de 3 – l’altitude de chaque pixel est expliqué du modèle est de 60 % ce qui ces mesures montre que la croissance donnée directement par le MNT.

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ral, au plus humide et frais, sur les reliefs. Cette carte peut-être zoomée à diffé- rentes échelles jusqu’au 1/10 000e ou plus (figure 3), sa précision opéra- tionnelle étant de l’ordre de l’hecta- re. La carte est ainsi adaptée à une utilisation à l’échelle régionale comme à l’étude de parcelles fores- tières et à l’aménagement de mas- sifs.

Pour obtenir les zooms locaux de la carte régionale, qui permettent l’étu- de écologique d’un site, il faut dis- poser d’un logiciel d’information 9 plages de potentialité croissante géographique (Arcview, MapInfo, de l’indice climatique de bilan hydrique : Géo-concept…) qui permet de - de la moins favorable, en rouge sur le littoral, indice moyen = - 65 superposer la carte des indices cli- - à la plus favorable, en vert foncé matiques et un fond topographique sur les reliefs , indice moyen = + 75 transparent (EDR IGN 1/25 000). Fig. 3 : carte des indices climatiques de bilan hydrique (échelle régionale) L’exemple de la figure 4 (superposi- tion agrandie au 1/10 000e) montre qu’il y a plusieurs plages climatiques sur le site étudié. La plus importante correspond au contexte climatique moyen, les deux ou trois autres, d’in- dices voisins, supérieurs ou infé- rieurs, reflètent les variations locales d’exposition, d’altitude ou de pente et proposent ainsi une première structuration du site. Celle-ci peut- être affinée : éventuellement au bureau avec des données supplémentaires (géo- logiques par exemple), et sur le terrain par la détection de découpes supplémentaires justifiées par la physionomie de la végétation par exemple, révélant des conditions de sol différentes.

L’étape suivante consiste à caractéri- Fig. 4 : zoom à grande échelle de la carte régionale ser les unités écologiques ainsi défi- sur fond IGN qui permet : nies grâce à la clef de détermination - de situer le site dans une ou plusieurs classes d’indice climatique de l’indice de bilan hydrique topo- - de corréler chaque plage aux composants édaphique. du fond topographique (forme du relief, pente, exposition) - de commence à structurer le milieu La clef de détermination de l’indice de bilan hydrique topo-édaphique Elle permet de compléter l’évaluation Tous les pixels de la carte se voient lier à partir duquel ont été détermi- de la potentialité climatique par une donc attribuer un indice climatique, nées neuf plages distinctes de appréciation du bilan hydrique au qui varie en continu de -100 à +100. potentialité croissante se succédant niveau de l’unité écologique étudiée, L’histogramme des valeurs de cet selon un gradient sud-ouest/nord- grâce à l’observation de paramètres indice présente un profil très irrégu- est, du plus chaud et sec, sur le litto- abiotiques sur le terrain (voir figure 5).

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facteursfacteurs défavorables défavorables facteurs neutres facteurs favorables

sommet haut de vallon topographie générale -14 -6 pente -3 plateau 0 bas pente 10 18 croupe pente vallée topographie stationnelle convexe -8 plan 0 concave 8

banquettes absence 0 présence 13

TOPOGRAPHIE > 27° ou pente du terrain -1 < 27° ou 50% 0 50% affleurement rocheux >= 30% -8 10 - 30% -3 1 - 10 % -1 0 0

affleurement de cailloux >3% 3 03% 2 0 0 0 2

défavorable -1 neutre favorable 1 ROCHE pendage / pente (sur altérite et colluvion < 80 cm) 0

Diaclases (sur altérite et colluvion <80 cm et pendage défavorable ou neutre) absentes -2 quelques 0 nombreuses 3

matériau de référence roche -4 altèrite -2 lapiaz -1 colluvium 5

HCI terre forte -2 faible 0 nul 3 >= 90% -7 60-90% 30-60% 0 < 30% 4 éléments grossiers -3 MATERIAU présentes -6 absentes 0 plaquettes horizontales < = -10 1 à 1,3 -3 1,35 à 1,6 0 1,7 à 1,95 5 2 10 réserve utile / texture** 0,7mm/cm

épaisseur de colluvion absent -2 5-20 cm -1 25-50 cm 0 > 50 cm 3

profondeur totale 0-20 cm -12 25-45 cm -5 50-75 cm 0 75-100 5 > 100 cm 10

PROFONDEUR tests tarière 0-20 cm -2 21-40 cm 0 41-75cm 2 > 75 cm 3

in d ic e to p o - indice topo- 32 = + -3 + -6 + 0 + 31 + 10 édaphédaphique iqu e

L'indice de potentialité (bilan hydrique global d'une station) = indice climatique + indice topo-édaphique. Il permet de situer la potentialité d'un site sur une échelle variant de -160 à + 190 et de comparer des stations éloignées très différentes

Fig. 5 : clef de détermination de l’indice de bilan hydrique topo-édaphique stationnel roche

Cette clef se présente sous la forme Ces deux grilles sont très similaires, Mais le forestier qu’il soit aménagis- d’un tableau à double entrée avec : les modalités de variable n’ont pas le te, gestionnaire ou reboiseur souhai- en ligne les facteurs à observer même poids dans les deux systèmes te souvent faire le lien avec des sur le site, rangés par rubrique (topo- et les variables concernant la structu- essences. graphie, roche, matériaux, profon- re de la roche disparaissent du Il veut savoir celles qui sont adaptées deur), modèle roche fluide. au site et celles qui le sont moins ou en colonne les modalités de ces pas du tout. Les indices précédents facteurs variables, rangées du plus La détermination de l’indice topo- ont donc été croisés avec les don- défavorable au plus favorable sur édaphique à l’aide de cette grille nées autécologiques disponibles l’échelle de l’indice topo-édaphique d’évaluation nécessite bien entendu dans le domaine d’étude, pour pro- variant de – 80 à + 80. de faire une ou deux fosses pédolo- duire des tableaux de correspondan- Il suffit de cocher pour chaque facteur giques par unité écologique ; mais ce entre indices de potentialités et la modalité observée ou mesurée sur la méthode d’approche qui a permis productivité des principales espèces le terrain. On fait ensuite la somme un découpage de la zone à étudier, forestières méditerranéennes. algébrique des notes ainsi obtenues permet d’optimiser le nombre de pour déterminer un indice topo-éda- sondages à réaliser et d’en limiter le Les tableaux de correspondance phique de l’unité écologique. nombre. entre indices de potentialités et productivité des principales L’utilisateur dispose de deux grilles Pour comparer la fertilité de diffé- espèces forestières méditerra- d’évaluation : rentes unités, voisines ou réparties néennes l’une pour les substrats issus de sur un plus vaste territoire il suffit Les essences concernées sont le pin roches dures (système calcaire dur), d’ajouter les indices, climatique et d’Alep, le cyprès de l’Arizona, le pin présentée ci-dessus (figure 5), topo-édaphique, de chacune d’elles pignon, le cyprès vert, le pin l’autre, pour les roches fluides (sys- pour disposer d’un indice global per- Eldarica, le pin Brutia, le chêne vert, tèmes marneux ou assimilés), non mettant de les classer et de les com- le chêne blanc, le cèdre de l’Atlas, le présentée ici. parer. sapin de Grèce. Elles ont toutes fait

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l’objet d’une étude autécologique Pour conclure tiquement abstraction des pro- en région méditerranéenne. blèmes trophiques. La raison vient Cette méthode a été présentée et de ce qu’en région méditerranéen- Pour chaque essence, un tableau à mise à disposition des gestionnaires ne, le climat comporte une saison double entrée donne pour chaque locaux (ONF et CRPF). Une formation sèche estivale qui fait du besoin en plage de l’indice climatique le com- a été dispensée pour chacun des eau la contrainte majeure pour la portement de l’essence en fonction deux organismes qui disposent donc végétation, que l’on soit sur terrain des indices topo-édaphiques décou- de la carte régionale climatique, des calcaire ou acide d’ailleurs (Ladier pés en 7 classes pour faciliter le modèles topo-édaphiques et d’un J., Ripert C., 1996). maniement de l’outil (voir figure 6). guide d’utilisation destiné à les aider dans la mise en œuvre de leurs appli- Pour la végétation forestière cette Pour réaliser ces correspondances, cations. Les utilisateurs apprécient la contrainte est particulièrement forte les relevés effectués dans le domaine simplicité et la facilité d’utilisation car les surfaces qu’elle occupe sont délimité par la carte climatique ont des outils d’une part parce qu’on ne cantonnées sur les reliefs ou les été repris, pour chaque essence, ce se sert pas de la flore comme critère zones délaissées par l’agriculture, et qui a permis de leur attribuer un indi- d’évaluation, mais de paramètres sont en général dotées de substrats ce climatique. Un indice topo-éda- objectifs, d’autre part parce qu’ils à faibles réserves hydriques car phique a ensuite été calculé en fonc- permettent de disposer d’une échel- superficiels, trop caillouteux ou tion de leur descriptif écologique. le de mesure de la potentialité fores- rocheux quand ils ne sont pas, en Ces opérations ont permis de mettre tière simple et homogène sur un plus, très pentus. Les problèmes tro- en relation les indices de potentialité vaste domaine. phiques sont donc secondaires mais des stations et les classes de fertilité ils existent ; la distinction entre définies dans leur étude autécolo- Cette méthode ne définit pas des roches dures et marnes, dans le gique, et déceler ainsi des seuils types de station mais des niveaux de modèle topo-édaphique, repose en dans leur comportement. fertilité ou plus exactement des partie sur un problème d’ordre chi- niveaux de bilan hydrique et fait pra- mique. Le bilan trophique n’est donc

indice Climatique conditions très Indice topo-édaphique très conditions Cèdre moy min max -80 extrêmes -50 défavorables -30 défavorables -10 moyennes 10 favorables 30 favorables 50 exceptionnelles 80 -65 -80 à -50 plage rouge -160 -115 -95 -75 -55 -35 -15 30 -43 -50 à -36 plage rose -130 -93 -73 -53 -33 -13 7 44 -29 -36 à -22 plage orange -116 -79 -59 -39 -19 1 21 58 -14 -22 à -5 plage jaune -102 -64 -44 -24 -4 16 36 75 0-5à 5 plage grise -85 -50 -30 -10 10 30 50 85 13 5 à 22 plage bleu -75 -37 -17 3 23 43 63 102 30 22 à 38 p.verte clair -58 -20 0 20 40 ::::::::::: /////////// 60 80 118 49 38 à 60 plage verte -42 -1 19 39 59 79 99 140 75 60 à 110 verte foncé -20 25 45 65 85 105 125 190

indice Climatique conditions très Indice topo-édaphique très conditions Cyprès vert moy minm ax -80 extrêmes -50 défavorables -30 défavorables -10 moyennes 10 favorables 30 favorables 50 exceptionnelles 80 -65 -80 à 50 plage rouge -160 -115 -95 -75 -55 -35 -15 30 -43 -50 à 36 plage rose -130 -93 -73 -53 -33 -13 7 44 -29 -36 à 22 plage orange -116 -79 -59 -39 -19 1 21 58 -14 -22 à -5 plage jaune -102 -64 -44 -24 -4 16 36 75 0-5à 5 plage grise -85 -50 -30 -10 10 30 50 85 13 5 à 22 plage bleu -75 -37 -17 3 23 43 63 102 30 22 à 38 p.verte clair -58 -20 0 20 40 60 80 118 49 38 à 60 plage verte -42 -1 19 39 59 79 99 140 75 60 à 10 verte foncé -20 25 45 65 85 105 125 190

Fig. 6 : tableau de correspondance entre indices de potentialité et productivité des 10 principales essences forestières méditerranéennes. Exemple du cèdre et du cyprès vert : un tableau, à double entrée, pour chaque essence (indice ou plage climatique x indice topo-édaphique) donne l’adaptabilité de chaque espèce en fonction des classes d‘indice de potentialité, selon la nomenclature suivante : - classe 1 (bleu) les conditions de milieu correspondent très bien ou bien aux exigences de l’essence, - classe 2 (vert) les conditions de milieu correspondent assez bien aux exigences de l’essence, - classe 3 (jaune) quelques facteurs écologiques limitants induisent une adaptabilité difficile de l’essence, - classe 4 (blanc) de nombreux facteurs limitants induisent une adaptabilité très difficile, ou excluent l’essence

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pas totalement occulté mais peut- NOUALS D., JAPPIOT M., 1996. Les LABADIE J., 1983. Étude des exi- être pas suffisamment analysé. Dans stations forestières des plateaux et gences écologiques du pin pignon le projet d’extension de la méthode monts de Vaucluse et des versants en région méditerranéenne françai- aux zones voisines, il est envisagé de sud des montagnes de Lure et du se. Aix en Provence : Cemagref. mieux tenir compte de cet aspect. Ventoux. Aix en Provence : 106 p. Mémoire de 3e année Enitef Cemagref, ONF. 192 p. Cette méthode a été développée sur NOUALS D., 1991. Choix des une région qui manque de catalogues REGAD J., 1994. Catalogue des sta- essences en région méditerranéenne de stations forestières, mais où il n’est tions forestières de la forêt commu- française : les pins brutia et eldarica. pas nécessaire de disposer d’outils nale de Murs en Vaucluse. Aix en Aix en Provence : Cemagref. 16 p. extrêmement précis dans ce domaine. Provence : Cemagref. 78 p. Elle représente une alternative avanta- RICHARD P., 1987. Étude des fac- geuse pour combler ce vide et pourrait VARESE P., 1997. Catalogue des sta- teurs explicatifs de la croissance du être étendue à un ensemble plus vaste tions forestières des pays du chêne-liège dans le Var. Aix en de la région méditerranéenne dans les Lubéron. Apt : Parc naturel régional Provence : Cemagref. 86 p. étages bioclimatiques du méso et du Lubéron. 260 p. supra méditerranéen (hors zone à cli- RIPERT C., BOISSEAU B., 1993. Éco- mat montagnard où la méthode ne logie et croissance du cèdre de serait pas facilement applicable). l’Atlas en Provence. Aix-en- Études autécologiques réalisées Provence : Cemagref. 107 p. par le Cemagref RIPERT C., VENNETIER M., 2001. BOUVET J.-Y., 1983. Le cyprès vert Écologie et croissance du pin d’Alep « Cupressus sempervirens » en zone en France. Aix en Provence : Christian RIPERT méditerranéenne française : étude Cemagref. 38 p. Michel VENNETIER écologique et perspectives d’utilisa- Cemagref, unité de recherche écolo- tion. Aix en Provence : Cemagref. TANGHE C., 1991. Écologie et crois- gie méditerranéenne et risque 137 p. Mémoire de 3e année Enitef sance du pin de Salzman en France. Aix-en-Provence Aix en Provence : Cemagref. 124 p. christian.ripert@aix. cemagref. fr COLOMBET M., 1988. Écologie des Mémoire de 3e année Enitef [email protected] sapins méditerranéens en Provence et Languedoc. Aix en Provence : Cemagref. 99 p. Mémoire de Étude présentée dans cet article Remerciements à Jean Ladier (ONF, 3e année Enitef Manosque) pour sa relecture. VENNETIER M., RIPERT C., MAILLÉ COMMERÇON R., 1988. Compor- E., 2001. Étude des potentialités Bibliographie tement du pin laricio en région médi- forestières de la Provence Calcaire terranéenne française. Aix en Ouest : évaluation à petite échelle VENNETIER M., RIPERT C., 1996. Provence : Cemagref. 107 p. Mémoire sur de grandes surfaces. Aix-en- Typologie des stations forestières sur de 3e année Enitef Provence : Cemagref de grandes surfaces en Provence cal- caire : préétude. Aix en Provence : D’EPENOUX F., 1992. Relation Cemagref. 21 p. milieu production : application au pin noir d’Autriche dans les Alpes externes méridionales. Aix en Catalogues des stations forestières Provence : Cemagref. 226 p. Thèse de doctorat en biologie LADIER J., BOISSEAU B., 1994. Typologie des stations forestières de la DUCHÉ Y., 1983. Établissement de Montagne Sainte-Victoire. Antony : classes de croissance des peuple- Cemagref. 279 p. ments de chêne pubescent en Provence : analyse de leurs facteurs LADIER J., RIPERT C., 1996. Les stations explicatifs. Aix en Provence : forestières de la Provence cristalline (cap Cemagref. 180 p. Mémoire de 3e Sicié, îles d’Hyères, Maures, Tanneron). année Enitef Aix-en-Provence : Cemagref. 107 p.

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Dossier

Conséquences des tassements du sol dus à l'exploitation forestière Après avoir présenté de façon approfondie les conséquences des dégradations des sols soumis à des contraintes physiques, sur leur fonctionnement, sur les essences en place et les régénérations, et sur les écosystèmes, ce dossier explique en outre les facteurs de sensibilité des sols ou liés à l'exploitation elle- même qu'il faut prendre en compte pour prévenir des dommages parfois irréversibles

p. 24 Pour une gestion respectueuse des sols - par Alain Brêthes et François Charnet

p. 27 Perturbations au sol liées à l'exploitation forestière et conséquences pour l'écosystème - par Jacques Ranger, Matthieu Lamandé et Yves Lefèvre

p. 36 Récolte des bois et respect du sol : un dialogue à développer entre les acteurs par Emmanuel Cacot et Didier Pischedda

p. 44 Régénération naturelle du hêtre en forêt de Soignes : impact de la compaction des sols - par Stéphane Loyen

p. 48 Les cloisonnements d'exploitation : pourquoi et comment les protéger ? par Claudine Richter et Philippe-Éric Durand

p. 50 La protection des sols : sensibilisation et études en forêt privée par Fançois Charnet

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Pour une gestion respectueuse des sols

es forestiers n’ont pas ment incluse dans les réflexions de maintien des capacités de produc- L attendu les effets de la l’Union européenne sur la gestion tion, tempête de décembre 1999 pour conservatoire des sols (une directive maintien de bon état sanitaire, s’inquiéter des dégâts qu’occasion- européenne sur les sols est en cours satisfaction de la fonction de produc- ne en forêt la mécanisation de l’en- d’élaboration). tion, semble des travaux. Déjà, un tel respect de la biodiversité, constat avait pu être formulé il y a La protection du capital sol est appa- protection des sols et des eaux, bien longtemps, lors du remplace- rue comme un facteur important fourniture des diverses « aménités » ment du cheval par le tracteur pour pour l’attribution des différents (accueil, qualité de paysage, etc.). la réalisation de ces travaux. labels de qualité. Ainsi les critères de Toutefois, ces inconvénients étaient protection des sols, en particulier On se doit cependant de constater jugés accessoires, et les gestion- face au risque de tassement lors des que sous la rubrique « protection naires s’en sont longtemps accom- travaux forestiers, ont été inscrits des sols et des eaux », la protection modés. Pourtant, dès 1991, le dans les procédures ISO 9 000 et des eaux est largement et plus Département de la santé des forêts ISO 14 001 ainsi que dans certaines anciennement reconnue, et que la (Ministère de l’Agriculture et de la chartes PEFC (chartes de la région « protection des sols », sensu stricto, forêt), à la suite de nombreux travaux Centre, par exemple), malgré la diffi- recouvre surtout, de fait, les pro- français et étrangers et d’observa- culté de trouver des indicateurs de blèmes d’érosion, qui sont documen- tions régionales, soulignait le rôle du terrain éprouvés et maniables. tés de plus longue date. Les débats compactage des sols limoneux dans entre spécialistes du symposium sur le dépérissement de la hêtraie. Lors de la conférence ministérielle les sols tenu à Bordeaux en 2004 ont d’Helsinki (1993), les gouvernements par ailleurs montré que le concept Les tempêtes de ces dernières européens ont retenu six critères de gestion durable des sols est loin années et les impératifs d’exploita- pour définir cette gestion durable : d’être clair, et demande singulière- tion et de débardage nécessités par la limitation de la dépréciation des bois ont conduit les gestionnaires à s’intéresser de plus près aux carac- tères physiques des sols, et plus par- ticulièrement au compactage et à ses conséquences.

En parallèle à cette émergence chez les gestionnaires, un mouvement politique général, engagé à la suite de la Conférence de Rio (1992), a cherché à promouvoir des modèles de gestion forestière durable, c’est- à-dire « une gestion susceptible de fournir à nos contemporains les biens et les services qu’ils attendent de la forêt, sans remettre en cause la pos- sibilité, pour les générations futures, de faire de même ». Ainsi, ont été

progressivement mis à l’ordre du jour Afocel des thèmes comme la protection des Un exemple à ne pas suivre sols. Cette préoccupation est égale-

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ment à être affiné. Dans ces condi- Un effort collectif pour une exploitation forestière tions, un dossier rassemblant des respectueuse des sols et de la forêt données sur le « tassement » n’en prend que plus d’intérêt. L’ONF et le Centre technique du bois et de l’ameublement (CTBA) ont conçu un programme intitulé « Pour une exploitation forestière respectueuse des sols et Sans vouloir apporter des solutions à de la forêt » avec le soutien et le cofinancement du MAAPR1. Un comité de tous les problèmes liés au tassement pilotage composé de l’INRA2, du CTBA3, de l’IDF4, de l’Afocel5, du DSF6, du des sols, ce dossier aborde différents GIP-ÉCOFOR, de la FNB7, du MAAPR, de la FNCOFOR8, des exploitants et aspects de cette problématique. entrepreneurs de travaux forestiers alsaciens (GSETFA) et de l’ONF discute puis Le tassement des sols, la destruction valide les orientations pour la mise en œuvre du programme (2004-2006) qui de la structure et la perte de porosi- comprend trois modules. té qui s’ensuivent sont fortement préjudiciables aux arbres en place Module 1 – Effets de l’exploitation forestière sur la qualité des sols qui verront leur système racinaire L’objectif est d’établir un bilan des études scientifiques et techniques qui soumis à des conditions de vie diffi- existent à l’échelle internationale sur les conséquences physiques, chimiques et ciles, et aux semis qui auront du mal biologiques des impacts au sol occasionnés par les engins forestiers. Ce module à s’installer dans de tels milieux. Les a été réalisé en 2004 par l’INRA Nancy (Unité biogéochimie des écosystèmes conséquences directes de ce tasse- forestiers dirigée par Jacques Ranger) avec un cofinancement du MAAPR, de ment sont développées dans l’article l’ONF et de l’INRA. L’étude a été publiée dans son intégralité dans les « dossiers de J. Ranger et al. (page 27) résu- forestiers » n° 15 de janvier 2005 (voir ci-contre) et a fait l’objet d’une large mant l’étude bibliographique menée diffusion. Les principales conclusions sont données dans l’article de Jacques par Mathieu Lamandé et al. en 2004. Ranger (page 27). Un cas concret de dépérissement de Pilotage : ONF. la hêtraie et du mauvais développe- ment des semis relevé en forêt de Module 2 – Chantiers de démonstration Soignes (Belgique) est présenté par L’objectif est de montrer aux professionnels (ETF, exploitants forestiers, S. Loyen (page 44). gestionnaires et propriétaires forestiers, services de l’État, décideurs) des techniques d’exploitation rarement pratiquées en France dont les performances On conçoit donc qu’il soit indispen- en matière de protection des sols et de la forêt sont connues, maîtrisées à sable de bien raisonner les travaux l’étranger et viables sur le plan économique. Quatre chantiers grandeur nature forestiers pour limiter tous ces répartis dans l’hexagone sont prévus, deux ont déjà été réalisés: l’un avec le « risques et ceci souvent jusque dans cheval de fer » en forêt domaniale de Perche-Trappe (Normandie) et l’autre avec le détail. Ce raisonnement doit por- le « câble-mât » en forêt domaniale de Mormal (Nord). ter : Pilotage : CTBA (Didier Pischedda assisté de Michel Bartoli de l’ONF). sur la période d’intervention (une étude est en cours pour essayer de Module 3 – Kit de vulgarisation produire des outils de prévision des À l’issue des modules 1 et 2, il est prévu : teneurs en eau, nécessaire à la plani- ■ la publication d’un document synthétique de vulgarisation par le CTBA, l’ONF, fication des interventions) ; l’Afocel et l’IDF sur les techniques d’exploitation respectueuses des sols, dont la sur le choix des matériels (y com- mise en place et le respect des cloisonnements d’exploitation (Pilotage : ONF) ; pris les pneus), en sachant que ■ la production d’un film pédagogique sur le même thème notamment réalisé l’équipement ancien des entreprises sur les chantiers de démonstration du module 2 (Pilotage : CTBA). est souvent un facteur limitant ; sur la nécessité et l’implantation Cette « boite à outils » sera cofinancée par l’ensemble des parties prenantes et de cloisonnements d’exploitation ; le MAAPR, la diffusion prévue est large : centres de formation, organisations enfin sur le choix de la méthode professionnelles, ONF, forêt privée, services de l’État… d’exploitation.

Frédéric MORTIER E. Cacot et D. Pichedda dévelop- ONF, direction technique pent dans leur article (page 36), et de responsable du programme manière très concrète, les relations existant entre matériel d’exploitation 1 ministère de l’Agriculture, de l’alimentation, de la pêche et de la ruralité 2 Institut national de la recherche agronomique et caractères du sol, et les moyens 3 Centre technique du bois et de l’ameublement de prévention et de remédiation qui 4 Institut pour le développement forestier 5 Association forêt-cellulose peuvent être envisagés. Dans ce 6 Département de la santé des forêts même esprit, C. Richter et Ph.-E. 7 Fédration nationale du bois 8 Fédération nationale des communes forestières Durand (page 48) proposent une

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d’autant plus qu’il sera saturé d’eau. Jabiol et al. (2000) ont publié une clé de classement de ces caractères à laquelle le gestionnaire pourra se référer en attendant la publication d’autres variables de jugement.

Alain BRÊTHES ONF, DT Centre-Ouest Boigny-sur-Bionne [email protected]

François CHARNET Institut pour le développement forestier Orléans [email protected]

Afocel Les tracks permettent de diminuer la pression au sol

méthode de protection des cloison- et souvent peu efficace. C’est pour- nements par utilisation des réma- quoi la prévention est primordiale. Bibliographie nents d’exploitation. En effet, la protection des sols dépend certes des caractéristiques JABIOL B., RANGER J., RICHTER C., Si on considère qu’en général, les des machines utilisées mais aussi des 2000. Sol sensible ou résistant ? Élé- dégâts au sol sont proportionnels au hommes. Une machine parfaitement ments simples de diagnostic de la poids de la machine et donc à la adaptée à un milieu donné peut don- sensibilité à la dégradation chimique pression exercée au sol même si les ner les pires résultats si elle est utili- ou physique. La Forêt privée, n° 253, adaptations de la taille des pneus ou sée en dehors de ces conditions pp 30-46 l’installation de chenilles tendent à optimales. La formation et la sensibi- minimiser ces impacts, nul n’est lisation des forestiers comme des ROTARU C, 1985. Les phénomènes besoin de faire passer un rouleau exploitants sont primordiales de tassement du sol forestier dus à compresseur sur le sol pour obtenir (Rotaru, 1985, Schaffer, 2004). F. l’exploitation mécanisée du bois. un effet conséquent. Le passage Charnet (page 50) présente les Revue forestière française, XXXVII-5, répétitif des machines d’exploitation démarches engagées en forêt privée pp. 359-370 forestières est souvent suffisant, et par l’Institut pour le développement l’essentiel des dégâts s’observe forestier (IDF), les centres régionaux SCHAFFER H.P., 2004. Les arbres ne généralement dès les premiers pas- de la propriété forestière (CRPF) et doivent pas cacher le sol. Revue sages, ce qui donne une importance d’autres pour sensibiliser les gestion- Environnement, OFEFP-CH, n°2- particulière à l’organisation des par- naires à la fragilité des sols et vulga- 2004, pp 30-36 cours dans la parcelle. Un dossier, à riser les « bonnes » pratiques de paraître l’année prochaine, sera gestion durable et la prévention. consacré à l’organisation des chan- tiers d’exploitation. En conclusion, rappelons que la sen- sibilité des sols au tassement ou, De toutes ces études, il ressort que inversement, la « portance » du sol, les sols ayant subi de graves dépend de nombreux facteurs atteintes mettront souvent des comme la texture du matériau, sa décennies à s’en remettre, sachant charge en éléments grossiers, sa que bien souvent l’exploitation sui- teneur en matière organique, son vante arrivera avant que le sol se soit humidité, etc. Ainsi, un sol limoneux « refait » et que la remise en état sera plus fragile qu’un sol à forte par travail du sol est à la fois difficile charge en éléments grossiers et ce

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Perturbations au sol liées à l’exploitation forestière et conséquences pour l’écosystème Présentant la synthèse des connaissances issues d’une étude bibliographique approfondie, les auteurs cherchent à mieux connaître les propriétés des sols qui les prédisposeraient à la dégradation physique, et à évaluer les conséquences des déformations subies par les sols sur les différentes fonctions des écosystèmes.

e sol est un milieu vivant qui Le contexte des sols forestiers justifie la plus grande attention. Leur histoire L évolue constamment pour indique qu’ils ont été sollicités parfois très intensivement pour le bois énergie, atteindre un équilibre avec les caracté- qu’ils ont servi de source de fertilité pour les sols cultivés, et qu’ils n’ont jamais ristiques de l’environnement. La dyna- été enrichis artificiellement sauf pour les sols forestiers issus de déprises mique naturelle est cependant lente agricoles. Ceci explique leurs caractéristiques actuelles : en moyenne, ils sont puisque les modifications naturelles du pauvres chimiquement, souvent acides voire très acides et désaturés, ou à milieu sont en moyenne lentes, ce qui a l’opposé très carbonatés (Badeau et al., 1999). parfois laissé croire que le sol était peu L’ensemble des processus de mise à disposition – consommation – recyclage des susceptible d’évoluer. L’homme peut éléments par les plantes, connu sous le vocable de cycle biologique, conduit à modifier brutalement les équilibres une remarquable performance de l’écosystème. La production est réalisée à naturels par ses pratiques culturales. La partir d’un volant limité d’éléments, rapidement recyclés. La fertilité chimique réponse du sol est alors rapide, mais les d’un sol forestier est de ce fait vulnérable. Les différents facteurs de la fertilité modifications apparentes qui en résul- physique, chimique et biologique, étant très largement connectés, cet équilibre tent varient selon ses caractéristiques. fragile peut rapidement être dégradé par des pratiques sylvicoles mal adaptées : andainage, brûlage, récolte des rémanents, tassement, dont les conséquences À l’échelle humaine, le sol est une res- seront d’autant plus marquées que le sol sera pauvre. source peu, voire non renouvelable pour tout ou partie de ses caractéris- tiques ; la perte de matière par érosion encadré), mais ce n’est pas le cas de la tions quant à la durabilité de la qualité physique ou chimique du sol est irré- composante physique. Les connais- des sols forestiers. versible. sances actuelles analysées à partir de la Deux éléments doivent être mis en bibliographie (Lamandé et al., 2005) relation : la contrainte appliquée par En système de gestion extensive qui sont résumées dans cet article. les machines et la résistance du sol. La domine pour la forêt française, le sol est réponse se traduit par une déformation donc avant tout une ressource à protéger Les principales questions posées sont les (voir encadré repères p. 29) plus ou car par définition, la remédiation (procé- suivantes : quelles sont les propriétés moins importante et durable qui dés qui visent à la restauration de la qua- des sols qui prédisposent à la dégrada- dépend des engins et de leur utilisa- lité du sol dans toutes ses composantes, tion physique ? Quelles sont les consé- tion (puissance, vitesse de déplace- physique, chimique et biologique) n’est quences pour les différentes fonctions de ment, type de pneumatiques, parcours, généralement pas pratiquée pour des l’écosystème ? nombre de passages) ainsi que du raisons de coût, et rarement prévue dans milieu (relief, propriétés du sol, état les itinéraires sylvicoles. Cette protection Le constat d’humidité, capacité de restauration). intéresse le maintien de toutes les fonc- Les types de modifications du sol que tions du sol : la capacité à produire, les La mécanisation des pratiques sylvi- peut entraîner la mécanisation du fonctions écologiques (biodiversité, pay- coles conduit à l’entrée de plus en plus débardage des produits forestiers ont sage) et les fonctions environnementales fréquente en forêt de matériels lourds, été identifiés depuis plusieurs décen- (qualité de l’air et de l’eau). potentiellement capables de réaliser nies (Garrison et Rummel, 1951). L’évolution de la composante chimique « toute opération en toute condition ». Les photos page suivante illustrent les de la fertilité des sols forestiers a fait Le développement de la mécanisation dégâts visibles fréquemment rencon- l’objet de nombreuses études (voir fait l’objet de nombreuses interroga- trés localement. Les contraintes appli-

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fortement (remaniement des horizons organo-minéraux) et que les ornières représentaient 0,2 % de la surface. La figure 1 empruntée à Cacot et al. (2001) rapporte une carte établie après une éclaircie réalisée par un porteur et un débusqueur dans une futaie réguliè- re de chêne. La surface totale sur laquel- le les deux engins se sont déplacés, en dehors des cloisonnements existants, représente 48 % de la parcelle. Orniérage, stagnation de l’eau, Circulation d’un porteur dans un développement du jonc (Forêt cloisonnement sur sol en pente Les types de perturbations et leur domaniale de Perche -Trappe, 61) (Forêt communale de Taintrux, 88) étendue dépendent fortement des techniques utilisées mais encore plus directement de l’état du sol au moment des opérations, en particulier de son humidité (voir encadré repère ci-contre).

Les éléments importants à prendre en compte

Les constituants du sol, leur nature et leur organisation, jouent chacun un rôle Le sol possède des caractéristiques physiques propres qui déterminent sa capacité à résister ou à se déformer suite aux contraintes exercées entre autres par les engins réalisant les tra- vaux forestiers. Toute déformation a des conséquences sur les propriétés du sol qui va cependant recouvrer tout ou partie de son comportement initial, après une durée dépendant elle-même de ses caractéristiques (voir figure 2). Orniérage dans la ligne de coupe Orniérage et tassement de sols Le paramètre physique qui intègre sur sol brun calcique (Forêt com- sur grès (Forêt communale de totalement les caractéristiques du sol munale de Gondreville, 54) Voivre, 88) et sa capacité à résister à une contrain-

quées et la distribution spatiale des perturbations doivent être quantifiées. Ces données permettent de caractéri- ser l’impact en termes de parcours, de nombre de passages, de surface concernée, et d’intensité des déforma- tions. Par exemple, McMahon et al. (1999) ont suivi la progression des engins de coupe et de débardage pen- dant un chantier de cinq semaines sur une parcelle de 20 ha. Les engins ont roulé sur les deux tiers de la surface et sont passés au moins 20 fois sur 20 % de la zone. Les observations visuelles Fig. 1 : carte établie après une éclaircie réalisée par un porteur et un des perturbations ont révélé que 87 % débusqueur dans une futaie régulière de chêne. La surface totale chemi- de la surface était perturbée, dont 6 % née par les deux engins, en dehors des cloisonnements existants, repré- sente près de la moitié de la parcelle (d’après Cacot, 2001)

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te sans déformation irréversible est sa résistance (ou compressibilité du matériau en mécanique), qui dépend de nombreux facteurs : Une typologie des déformations du sol conduit habituellement à les la nature des constituants du sol : classer en trois catégories principales : - la granulométrie totale incluant les éléments grossiers, sables, graviers le scalpage correspond à un déplacement et souvent un mélange de maté- ou cailloux [plus les particules sont riaux suite à des contraintes appliquées majoritairement selon une direction fines moins le matériau est résistant ; tangentielle à la surface du sol (patinage des roues ou des chenilles, glissement de plus, les éléments grossiers renfor- latéral ou dérapage). En termes de mécanique du sol, ce processus est appelé cent la résistance du sol par un effet cisaillement ; armature tel un squelette], l’orniérage est un creusement à la surface du sol ; le matériau déplacé peut - la minéralogie des argiles [plus les alors former des bourrelets. C’est un phénomène où les contraintes sont à la argiles sont chargées électriquement, fois tangentielles et perpendiculaires à la surface du sol. Il en résulte un dépla- plus leur rôle dans l’agrégation du sol cement et souvent un mélange de matériaux ainsi qu’un tassement de l’hori- est important], zon sur lequel repose la roue. L’orniérage est donc la somme de trois proces- - les matières organiques et les oxyhy- sus : le cisaillement, le fluage qui donne naissance aux bourrelets latéraux de droxydes de fer et d’aluminium [ces part et d’autre de la surface de contact et le tassement en fond d’ornière ; constituants sont des ciments qui lient le compactage est un tassement « excessif » du sol qui correspond à une entre elle les particules grossières] ; réduction de volume sans changement de masse : c’est donc la porosité qui l’organisation de ces constituants est réduite. Le compactage, souvent utilisé comme terme général équivalent dans l’espace : au tassement, est un terme de mécanique du sol qui se rapporte à un tasse- - le degré de cimentation des parti- ment du sol par application d’une contrainte perpendiculaire à la surface, jus- cules (qui caractérise l’état d’agréga- qu’à obtenir une résistance du sol donnée. Le compactage peut se rapporter tion du sol donc sa structure et sa au processus et le tassement à sa résultante sur l’état du sol. Le point à partir porosité ; plus un sol est agrégé, duquel le tassement devient irréversible est nommé point de préconsolidation. mieux il résiste à une contrainte), Il est caractéristique du matériau et de son histoire, et donc du comportement - l’homogénéité verticale et latérale du du sol face à la contrainte. profil de sol (qui conduit à des dis- continuités influençant la transmission Ces trois types de déformations correspondent à des réponses différentes, des contraintes (Musy et Soutter, dépendantes de la contrainte appliquée, de l’humidité du sol lors de son appli- 1991)). cation et des propriétés physiques des différents horizons concernés.

L’humidité du sol est un élément majeur de sa résistance eau et le potentiel de l’eau du sol la teneur en eau par effet lubrifiant : un Un facteur essentiel de la résistance du (déterminant l’intensité de la liaison eau matériau meuble comme le sol passe sol est sa dépendance avec la teneur en - particules). La résistance diminue avec de l’état rigide aux faibles teneurs en

Résistance (strenght) Caractéristiques physico-chimiques du sol Fig. 2 : relations entre contrainte Teneur en eau appliquée, résistance du sol et déformation engendrée. En fonction des contraintes appli- quées, la résistance du sol condi- tionne la déformation engendrée Déformation (strain) Contrainte (stress) donc les modifications des pro- Tassement ex : engin priétés physiques. Les modifica- Mélange de matériaux tions des propriétés physiques entraînent un changement de résistance du sol, et par là même Structure et propriétés physiques du sol la relation entre la résistance et la contrainte. Les déformations phy- siques sont pour partie réversibles avec le temps ; leur retour vers Réversibilité des déformations l’état initial avant la contrainte se répercute sur la résistance du sol

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exemple de la densité apparente. Ces deux paramètres ne sont cependant pas équivalents. État solide

État semi solide Qu’entend-on par contraintes et déformation pour un sol ? État plastique Les contraintes sont d’origine naturelle État semi plastique ou anthropique. État liquide Les contraintes naturelles correspon-

Volume total / volume Volume sec dent à la force exercée par la masse des peuplements et par le bras de levier 1.0 que constitue l’arbre résistant au vent. Les arbres eux-mêmes jouent un rôle sur le tassement du sol en profondeur. Les contraintes anthropiques

é é Teneur en eau pondérale directes dépendent des engins et de leurs conditions d’utilisation pour réali- floculation ser les travaux forestiers. Elles se tradui- Limite de retrait Limite de plasticit Limite de liquidit Limite de sent directement par les déformations Humidité d'entrée d'air décrites précédemment (scalpage, Fig. 3 : évolution de l’état du sol en fonction de l’humidité. Les limites de orniérage, tassement de surface et en consistance dites d’Atterberg décrivent les seuils caractéristiques (d’après profondeur). Musy et Soutter, 1991) : Les contraintes anthropiques indi- - limite de floculation : au-delà du seuil, les particules de sol totalement rectes correspondent à toute pratique dispersées dans l’eau ont tendance à former des agrégats secondaires en tendant à diminuer la stabilité de la raison de leur charge (cas des matériaux argileux), structure du sol (dégradation de l’activi- - limite de liquidité : au-delà du seuil, le sol s’écoule sous son propre té biologique, désaturation et acidifica- poids comme un liquide, tion des sols). Ces contraintes jouent - limite de plasticité : au-delà du seuil, la déformation du sol nécessite une sur la sensibilité du sol à la déformation. contrainte, la déformation se fait sans rupture car l’humidité est suffisante pour lubrifier les grains, Les contraintes physiques issues des - limite de retrait : consistance semi-solide et solide sont séparées par la engins forestiers ont des composantes limite de retrait à partir de laquelle la dessiccation ne s’accompagne plus verticale (masse des engins répartie par d’une diminution proportionnelle de volume puisque l’air remplace l’eau. essieu et par roue), tangentielle (efforts tangents dus à l’entraînement et au déplacement des roues motrices), et eau à l’état plastique voire liquide mène est accentué. Par exemple, à vibratoire (fonctionnement du moteur). quand la teneur en eau augmente (voir environ 15 % d’humidité pondérale, La contrainte dépend de la masse des figure 3). La résistance d’un sol non une argile sera sèche (environ au point engins, de sa répartition et de la surfa- saturé est très sensible aux change- de flétrissement permanent), alors que ce de contact avec le sol : plus cette ments de teneur en eau. La détermina- le sable sera humide (environ à la capa- surface est grande, plus le volume de tion d’un potentiel limite à partir cité au champ) : l’argile sera alors plus sol concerné est important, mais moins duquel les conséquences de l’applica- résistante que le sable. la contrainte unitaire est forte (voir figu- tion d’une contrainte sur le fonctionne- re 4). Pour plus de précisions voir l’ar- ment du sol seraient négligeables est La mesure de la résistance d’un sol est ticle de E. Cacot et D. Pischedda p. 36. un enjeu important (sur un plan pra- réalisable comme pour tout matériau tique, il permettrait par exemple de en laboratoire, mais devient beaucoup Les déformations du sol résultant de déterminer quand rentrer dans une par- plus problématique au champ compte l’application d’une contrainte corres- celle) ; mais le caractère général d’un tenu de la présence et de la disposition pondent à une modification plus ou tel potentiel limite est peu réaliste car la de racines, de cailloux et de cavités, du moins importante de l’organisation teneur en eau d’un sol dépend de ses caractère hétérogène du sol et de l’hu- spatiale des particules et par consé- propriétés. Selon les caractéristiques midité, très variable en fonction du quent de la porosité du sol. Le com- du sol, une même teneur en eau ne temps et de l’espace. Compte tenu de portement du sol dépend de son taux conduit pas à la même résistance. En la complexité de sa mesure in situ, la d’humidité (Koolen, 1994). La défor- général, la résistance du sol augmente résistance du sol est alors souvent mation est dite élastique si les struc- lorsque la teneur en eau diminue ; plus appréciée indirectement par des tures retournent à leur état initial la granulométrie est fine plus ce phéno- mesures de déformations, à partir par après arrêt de l’application de la

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priétés mécaniques du sol déterminant Taille du pneu 7 - 24 9 - 24 9 - 24 9 - 24 sa résistance, et de l’équilibre de l’ap- Charge 660 1100 1650 2200 LBS plication des masses en terrain hétéro- Pression gonflage 12 12 12 12 PSI gène jamais parfaitement plat. Dans le cas d’un pneu résistant sur un sol résis- tant, la surface de contact sera petite et la contrainte appliquée au sol sera forte mais localisée. Un pneu moins 4 résistant (moins gonflé et/ou à armatu- re moins rigide) se déformera sur un sol 8 résistant, la surface de contact sera 12 plus grande donc la contrainte sera 16 profondeur moins intense mais le volume de sol facteur de concentration v=5 24 concerné plus important. L’utilisation 28 sol de densité et d’humidité moyennes des chenilles ou tracks relève du même concept, en augmentant la surface théorique de contact. En fait, les Fig. 4 : courbes d’égale contrainte calculées pour quatre engins de poids plaques individuelles des chenilles et de pneumatiques différents sur le même sol de densité apparente et situées au contact du sol peuvent teneur en eau moyenne (d’après Söhne, 1958). appliquer de fortes contraintes en sol Cette figure illustre le fait que l’augmentation du poids des engins et par irrégulier. conséquent de la taille des pneus, augmente le volume de sol concerné par La résistance du sol dépend de para- la déformation, mais également l’intensité de la contrainte. Par exemple mètres tels que l’agrégation et la poro- pour un poids de 660 livres la contrainte à 8 cm de profondeur est 6 Psi sité. Ces derniers étant modifiés par la alors qu’elle est deux fois plus élevée à la même profondeur pour un poids déformation à chaque passage de l’en- de 2 200 livres. Présentés autrement, les résultats montrent que la contrain- gin, la résistance du sol est elle-même te de 3 Psi s’arrête à 12 cm de profondeur pour une charge de 660 livres modifiée. Par conséquent, l’effet des alors qu’elle atteint 24 cm de profondeur pour une charge de 2 200 livres. passages successifs d’un même engin au même endroit ne sera pas stricte- Cette figure reste toutefois assez théorique car issue d’un matériau par- ment identique. faitement homogène, caractère le plus souvent assez éloigné de la réali- Une question importante est celle du té du sol en place où les horizons ont des propriétés très différentes et cumul des contraintes sur la déforma- où sont présents des éléments grossiers et des racines qui constituent un tion du sol. L’expérience de McNabb et squelette résistant. al. (2001) montre que la déformation la 1 LBS = 1 PSI = 0,07 bar plus forte apparaît lors des premiers 1 IN = 2,54 cm passages autrement dit que l’intensité de la déformation diminue avec le contrainte, et plastique dans le cas Interactions entre contrainte, numéro d’ordre du passage. L’essentiel contraire. Dans le cas des déforma- résistance du sol et des modifications des propriétés phy- tions plastiques, soit la forme du sol déformation siques du sol se produit après les trois est modifiée mais pas son volume premiers cycles de passage dans le cas (fluage), soit le volume du sol est Interaction contrainte – résistance du de cette expérience (sol humide). réduit sans que la masse ne change, sol diminuant par conséquent sa porosité La contrainte est définie comme une Interaction humidité – déformation (compression). Généralement, dans le force appliquée par unité de surface. du sol cas de l’orniérage les deux phéno- Pour un engin roulant sur un sol, la La résistance du sol diminuant avec son mènes se produisent simultanément. contrainte théorique est égale au poids état d’humidité, à contrainte égale, la Les indicateurs en sont la masse volu- total de l’engin rapporté au nombre de déformation sera donc d’autant plus mique (ou la densité apparente), le roues et à la surface de contact de forte que l’humidité du sol sera élevée ratio entre pores grossiers (où l’eau chaque roue. Le poids à vide est connu (voir figure 5). Il faut en conclure que le circule par gravité) et pores fins (où et la charge peut être appréciée assez passage d’engin sur un sol sec se tra- l’eau est soumise aux forces capil- facilement. En revanche, il est plus dif- duit par une déformation, même si elle laires), l’état de la structure (taille et ficile d’avoir accès à la surface de est limitée, et qu’un seul passage sur stabilité des agrégats ; taille, forme et contact (cf. article de E. Cacot et D. un sol humide aura des conséquences connexion des pores observées à dif- Pischedda p. 36). Cette surface dépend plus importantes que plusieurs pas- férentes échelles), le point de précon- des propriétés mécaniques du pneu sages sur un sol sec. McNabb et al. solidation du matériau. (profil, armature, pression), des pro- (2001) rapportent qu’un seul passage

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L’orniérage a des conséquences qui correspondent à un fort scalpage et à Taille du pneu : 11 - 28 charge : 1650 LBS pression de gonflage : 12 PSI un tassement local, auquel s’ajoute la création de dépressions perturbant la circulation naturelle de l’eau : soit ralentissement du drainage latéral en terrain plat, soit canalisation du ruissel- lement dans les pentes où peut s’initier 4 une érosion significative. 8 À court terme 12 Les modifications des caractéristiques 16

profondeur du sol résultant de l’application des 20 contraintes sont les suivantes : une augmentation de la capacité de 24 v = 4 facteur de concentration v = 5 v = 6 rétention en eau du sol (réserve dispo- 28 nible pour la végétation) principale- sol très sec sol de densité sol humide ment dans les textures sableuses, celle- et d’humidité moyennes ci étant liée au nombre de pores fins (capillaires), Fig. 5 : courbes d’égale contrainte calculées pour différente humidité une diminution de la perméabilité (sec à gauche, très humide à droite, intermédiaire au centre) sous le par réduction de la macroporosité et même engin (d’après Söhne, 1958). par conséquent du drainage rapide du Cette figure illustre le fait que pour une charge constante et des pneu- sol, matiques identiques, l’enfoncement dans le sol augmente avec l’humidi- une augmentation de la capacité de té du fait de la diminution de la résistance du sol. La propagation des transfert de l’eau pour des saturations courbes d’égale contrainte est plus profonde et la forme du bulbe moins fortes après drainage rapide du devient de plus en plus elliptique avec la déformation même de la car- sol, correspondant à la circulation de casse du pneumatique. De même que pour la figure précédente, cette l’eau dans la porosité fine. courbe reste théorique une diminution de l’aération du sol, c’est-à-dire des échanges gazeux entre le sol et l’atmosphère. sur un sol saturé d’eau peut entraîner mentaires en agrégats (dite structura- Par conséquent, l’augmentation de la un tassement supérieur à celui observé le). De plus, par la déformation ou la rétention en eau n’est favorable que après 10 passages sur le même sol sec ! destruction des pores structuraux, c’est pour les sols très sableux. Les modifi- la continuité de l’espace poral qui est cations de la perméabilité montrent Conséquences des rompue par le tassement. Cette dis- que le ressuyage du sol (élimination déformations sur le continuité est un paramètre essentiel rapide de l’eau après la pluie) est alté- fonctionnement du sol à vis-à-vis du fonctionnement physique ré par le tassement alors que le trans- court et long terme (transfert liquide et gazeux), avec des fert capillaire (circulation lente) est plu- conséquences significatives sur le fonc- tôt augmenté : le risque d’engorge- Les trois types de déformations des sols tionnement chimique (stabilité des ment s’accroît. forestiers (scalpage, orniérage et tasse- composés en milieu réducteur) et bio- ment) se traduisent par une modifica- logique (prospection et absorption La réduction de l’aération du sol dimi- tion plus ou moins accentuée de la dis- racinaire). nue les échanges gazeux entre le sol et position des particules et de la porosité. l’atmosphère, que ce soit l’oxygène, Les conséquences des déformations indispensable aux organismes, qui doit Dans le cas du tassement, le volume liées au scalpage (déformation issue de entrer dans le sol, ou le gaz carbo- poral est réduit et son organisation est contraintes tangentielles) sont plus nique, produit par la respiration des modifiée. La microporosité située entre complexes. S’il y a glissement des parti- organismes, qui doit être éliminé. Le les particules solides élémentaires (dite cules solides les unes par rapport aux risque d’anoxie est accru. Les consé- texturale) à l’intérieur des agrégats, est autres, leur cohésion augmente (par une quences sont directes sur l’activité bio- peu affectée par le tassement sauf augmentation de la surface de contact), logique qui ne tolère en général pas le dans le cas des structures grossières où créant une structure lamellaire horizon- déficit d’oxygène, et indirectes sur le elle peut augmenter. La porosité la plus tale, qui forme un obstacle pour les fonctionnement biogéochimique qui affectée est la macroporosité résultant racines ou les transferts liquides et évolue vers des processus spécifiques de l’assemblage des particules élé- gazeux. (ralentissement de la biodégradation

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des matières organiques, apparition de Il est de plus évident que plus la tance intrinsèque du sol, la fissuration la dénitrification, apparition de compo- contrainte sera limitée plus la restaura- créant des voies préférentielles de sés minéraux ou organiques réduits tion sera aisée. pénétration, les caractéristiques des souvent plus mobiles qu’à l’état oxydé, Des exemples montrent que pour les agrégats et la continuité des macro- à l’extrême, apparition de composés voies de débardage, des durées de 40 pores, la disponibilité en oxygène. issus de fermentation anaérobies tel le ans seraient nécessaires pour voir dis- Il faut prendre en compte ces caracté- méthane). paraître la déformation en comparai- ristiques sur l’ensemble du profil de son avec des durées de 5 à 15 ans pour sol, en incluant les horizons profonds Long terme et restauration naturelle les parterres débardés (Greacen et car les discontinuités structurales La persistance des déformations et de Sands, 1980). influencent notablement le développe- leur réversibilité n’est pas connue. Des ment des racines. Un profil de sol n’est études ponctuelles apportent des don- Conséquences pour la pas homogène verticalement : les nées qui sont le plus souvent impos- végétation horizons profonds sont naturellement sibles à rattacher à des variables parfai- plus denses que les horizons de surfa- tement contrôlées, donc impossibles à L’altération de la qualité physique des ce (moins de matière organique, activi- généraliser. sols a des conséquences sur le déve- té biologique plus faible) et subissent La restauration naturelle d’un sol loppement des arbres par l’intermé- des compactions liées à la charge axia- dépend de paramètres physiques (pré- diaire de leurs racines. le des engins. Cette hétérogénéité a sence de minéraux argileux gonflants Le développement racinaire est pertur- des conséquences importantes pour la provoquant des mouvements internes bé, à l’extrême arrêté, par l’augmenta- prospection racinaire qui est plus sen- favorables à l’agrégation, cycles tion de la résistance à la pénétration sible à l’augmentation relative de la humectation – dessication et cycles gel physique des racines et par la diminu- résistance d’un horizon à l’autre qu’à la – dégel créant la fissuration), chimiques tion des échanges gazeux. Toutefois, la valeur absolue de la résistance de (teneur en calcium floculant les parti- définition d’un seuil de résistance à chaque horizon. cules fines), et biologiques (action partir duquel la restriction de la péné- À l’effet physique direct du tassement directe des fouisseurs et des racines tration racinaire deviendrait limitante s’ajoutent fréquemment les consé- par la création de galeries, action indi- pour la nutrition des arbres et pour leur quences d’un engorgement qui va recte des racines par la fissuration ancrage, est actuellement impossible. créer un milieu anoxique. Certaines qu’elles produisent en desséchant le La résistance à la pénétration des essences forestières sont capables de milieu par absorption d’eau). racines est en effet difficile à quantifier se développer même si l’aération du Par conséquent, plus le sol est riche sur car elle nécessite de prendre en comp- sol est faible, en mettant en place des le plan chimique, plus l’agrégation sera te de multiples paramètres : la résis- structures adaptées. Il s’agit d’une mul- stable et le milieu drainant, plus il sera biologiquement actif et plus la restau- ration sera rapide après une contrainte. Le tassement du sol a le plus souvent des conséquences néfastes sur la végétation forestière. Les facteurs anthropiques peuvent défavoriser la restauration. Toute En phase de régénération : action qui va altérer les paramètres chi- importante modification de la dynamique naturelle au profit d’essences pion- miques et biologiques va diminuer le nières saule, bouleau, chêne pédonculé, potentiel de restauration naturelle des difficulté de levée, de survie et croissance des semis de hêtre, chêne sessile, chêne sols : rouge en présence d’une nappe superficielle (Lévy et Lefèvre, 2001), la dégradation qualitative et quanti- influence néfaste d’une flore invasive (molinie, carex, jonc) sur la croissance des tative des matières organiques (brûla- semis concurrence pour la lumière, alimentation en eau et en éléments, risque allé- ge, andainage, introduction d’essences lopathique, (Becker et Lévy, 1983). acidifiantes inadaptée à la station), Remarque : le scalpage peut augmenter la densité de semis sur des humus brut par l’érosion mécanique qui élimine les effet de crochetage. particules fines essentielles à la stabili- té structurale (maintien du sol nu dans Sur peuplement adulte : les zones à relief), perte de croissance : dans leur synthèse bibliographique portant sur des peuple- la perte de cations basiques stabili- ments tempérés, Greacen et Sands (1980) ont identifié, sur un total de 142 sites affec- sant la structure et catalysant l’activité tés par le tassement du sol, un effet dépressif sur la croissance dans 82 % des cas, biologique (exportations trop élevées, dépérissement : des mortalités de hêtre suite à leur fragilisation par le passage brûlage ou récolte des rémanents), d’engin sont fréquemment observées (DSF, 2004), la dégradation des banques de diminution de la stabilité des peuplements : la dégradation du système racinaire graines. superficiel et de sa possibilité de régénération sont citées comme un facteur aggra- vant de la sensibilité au vent (Drénou, 2005).

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tiplication des racines subhorizontales peuvent également s’adapter par des rente est élevée. Potentiellement, ces et obliques dans la partie non engor- structures particulières (aérenchymes) espèces peuvent donc s’adapter à des gée, d’une hypertrophie des lenticelles et/ou par un métabolisme adapté (acti- conditions d’aération et de résistance à la base des tiges et de l’augmenta- vité enzymatique spécifique). mécanique peu favorables, et peut- tion de la porosité des racines superfi- Les conséquences du développement être participer à la régénération de la cielles (formation d’espace aérifère superficiel des racines qui résulte de structure du sol (Kenk, 2002). En outre élargi). Ces adaptations facilitent le ces contraintes sont en général graves. la diminution de l’activité de la macro- transport interne d’oxygène vers des Un système racinaire superficiel limite faune du sol, consécutive aux modifica- parties de la plante soumises à une le volume de sol intéressant l’alimenta- tions de structure et de propriétés phy- forte hypoxie. Ceci explique la bonne tion en eau et en éléments nutritifs, siques, peut être préjudiciable pour les résistance à l’engorgement des chênes sensibilisant les peuplements aux arbres puisque des fonctions impor- pédonculés ou des pins, et au contrai- stress édaphiques, et diminue l’ancra- tantes telles la minéralisation de la re, la sensibilité des essences comme ge physique, les rendant plus sensibles matière organique, la fragmentation et le hêtre, pour lesquelles aucune adap- aux stress mécaniques. Seules l’agrégation du sol sont ralenties. tation racinaire n’est observée. Une quelques essences comme l’aulne glu- typologie de la résistance des essences tineux, le chêne pédonculé, le sapin, le Conclusion à l’anoxie a été définie (Lévy et Lefèvre, pin sylvestre, le tremble (citées par 2001). Certaines espèces végétales Kreutzer, 1961) sont capables de pros- L’étude bibliographique réalisée autres que les arbres (joncs, molinie) pecter des horizons ou la densité appa- montre que des connaissances exis-

Charge en élé- Sensibilité Stabilité de Type de sol Roche-mère ments grossiers Régime hydrique (Sol à la capacité la structure minéraux au champ)

Rendzine brunifiée Calcaire superficiel Forte Forte Ressuyage rapide Faible Sol brun calcique Limon ou terra Forte Moyenne Ressuyage rapide Moyenne ou eutrophe fusca sur calcaire en profondeur Ressuyage rapide Pélosol Marnes Faible Forte Faible si pente Engorgement Pélosol-pseudogley Limon sur marnes Faible Faible en surface Forte fréquent

Limons épais (apport Faible si sol acide Sol lessivé Faible Ressuyage lent Moyenne éolien ou alluvial)

Pseudogley Engorgement Limons dégradés Faible Faible Forte acide fréquent

Sol brun acide Grès, Granite Moyenne Moyenne Ressuyage rapide Faible Sables, Faible Podzol* Grès quartzeux, Moyenne Ressuyage rapide Faible (particulaire) Granite leucocrate Podzol* Engorgement Sables Moyenne Faible (particulaire) Moyenne hydromorphe fréquent Engorgement Tourbe Aucune Nulle Moyenne Forte permanent Fig. 6 : abaque permettant d’évaluer la sensibilité d’un certain nombre de sols, dans différentes conditions. La sensibilité est définie en trois classes : faible, moyenne, forte. Les sols sont caractérisés par leur substrat, leur charge en éléments grossiers minéraux, leur richesse en éléments chimiques floculants (stabilité de la structure) et leur régime hydrique. Les différentes conditions, auxquelles corres- pondent des facteurs aggravants, sont prises en compte : - si le sol est à une humidité supérieure à la capacité au champ sa sensibilité augmente d’une classe ; [l’humidité à la capacité au champ correspond à la saturation complète de la porosité capillaire alors que la macroporosité est occupée par l’air] ; - si le sol est à une humidité nettement inférieure à la capacité au champ sa sensibilité diminue d’une classe ; - si le sol est gelé sur plus de 15 cm sa sensibilité diminue d’une classe

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tent, mais qu’elles sont disparates et Bibliographie (Bade-Wurtemberg). Revue forestière difficiles à relier à des situations pré- française, vol. 54, n° 6, pp. 547-558 cises. Il n’est en effet pas facile de pré- BADEAU V., DAMBRINE E., WALTER voir le comportement d’un sol à un état C., 1999. Propriétés des sols fores- KOOLEN A.J., 1994. Mechanics of d’humidité donné, face à une contrain- tiers français : résultats du premier soil compaction. Chapter 2, pp. 23- te connue. inventaire systématique. Étude et 44. In : Soil compaction in crop pro- Des abaques comme celui présenté à gestion des Sols, vol. 6, n° 3, pp. duction, Soane B.D. and Van la figure 6 permettent de prévoir gros- 165-180 Ouwerkerk C, Amsterdam : Elsevier, sièrement les risques en fonction des Developments in agricultural types de sols. De même des systèmes BECKER M., LÉVY G., 1983. Engineering n° 11, 662 p. experts d’aide à la décision sont pro- Installation et dynamique d’une posés (logiciel Profor, Ziesak, 2003). population de semis de chêne en LAMANDÉ M., RANGER J., LEFÈVRE milieu hydromorphe sous l’influence Y., 2005. Effets de l’exploitation fores- De plus, quand une déformation a été de divers facteurs (lumière, régime tière sur la qualité des sols. Les dos- constatée, en particulier un tassement hydrique, compétition herbacée). siers forestiers n°15, Office National important avec orniérage, il est impos- Acta Oecologica, vol. 4 (18), n° 3, des forêts, Paris : 131 p. sible à l’heure actuelle de prévoir la pp. 299-317 durée nécessaire à la restauration de la LÉVY G., LEFÈVRE Y., 2001. La forêt et qualité physique du sol qui va CACOT E., 2001. Exploitation fores- sa culture sur sol à nappe temporaire. dépendre de paramètres physiques tière et débardage : pourquoi et Contraintes subies, choix des essences, (cycles humectation dessiccation, voire comment réduire les impacts ? interventions et gestion durable. gel – dégel), chimiques (état de satura- Informations-Forêt, n° 4, fiche n° Nancy : École nationale du génie rural, tion du sol) et biologique (capacité de 637, 6 p. – en ligne : http://www.afo- des eaux et des forêts. 223 p. colonisation des racines et des ani- cel.fr/Publications/FIF/FIF637.pdf maux fouisseurs). Département de la santé des forêts, MCMAHON S., SIMCOCK R., DANDO Il est donc important de développer 2003. La santé des forêts : bilan annuel J., ROSS C., 1999. A fresh look at ope- des simulateurs capables de prévoir les 2002. Les cahiers du DSF, n° 1, 104 p. rational soil compaction. New Zealand risques. Pour ce faire, il faut associer à Journal of Forestry, pp. 33-37 cette démarche, des observations réa- DRÉNOU C., 2005. L’ancrage racinai- lisées dans des dispositifs expérimen- re et le sol. Communication orale, MCNABB D.H., STARTSEV A.D., taux suivis sur le long terme. Ces dis- colloque « Forêt, vent et risque », NGUYEN H., 2001. Soil wetness and positifs testeront également la remé- GIP-Écofor, 16-17 mars 2005, Paris, traffic level effects on bulk density diation assistée, en particulier dans les pp. 5-21 and air-filled porosity of compacted sols les plus acides (travail approprié boreal forest soils. Soil Science du sol et amendement calcaire pour GARRISON G.A., RUMMEL R.S., Society of America Journal, vol. 65, améliorer la stabilité structurale du sol 1951. First-year effects of logging on n° 4, pp. 1238-1247 et redynamiser l’activité biologique). Ponderosa Pine forest range lands of Oregon and Washington. Journal of MUSY A., SOUTTER M., 1991. Forestry, vol. 49, n° 10, pp. 708-713 Physique du sol. Lausanne : Presses polytechniques et universitaires Jacques RANGER GREACEN E.L., SANDS R., 1980. romandes. Coll. Gérer l’environne- INRA Centre de Nancy Compaction of forest soils : a review. ment, vol. 6. 335 p. Unité biogéochimie des écosys- Australian Journal of Soil Research, tèmes forestiers vol. 18, pp. 163-189 SÖHNE W., 1953. Druckverteilung im [email protected] Boden und Bodenverformung unter GREACEN E.L., BARLEY K.P., FAR- Schlepperreifen. (Pressure distribution in Mathieu LAMANDÉ RELL D.A., 1969. The mechanics of the soil and soil deformation under trac- actuellement en stage post-doctoral root growth in soils with particular tor tyres). Grundlagen Landtechnink, n° au Danish Institute of Agricultural reference to the implications for root 5, pp. 373-400 (in German) Sciences, Tjele Danemark distribution. In : Whittington, W.J. : [email protected] Root Growth. Londres : ZIESAK M., 2003. Avoiding soil Butterworths, pp. 256-268 (cité in : damages caused by forest machines. Yves LEFÈVRE Bengough and Mullins, 1990) 3, 11. In : 2nd Forest Engineering INRA Centre de Nancy Conference Proceedings ; Chapter Unité écologie et écophysiologie KENK G., 2002. Rôle de la végétation Techniques and Methods, Iwarsson forestière dans la reconstitution de la forêt M. and Baryd B., Uppsala : [email protected] après tempête : l’exemple allemand Skogforsk, Arbetsrapport

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Récolte des bois et respect du sol : un dia- logue à développer entre les acteurs

La prise en compte des sols, et plus largement de l’environnement, lors des opérations d’exploitation forestière est une préoccupation grandissante, tant de la part des propriétaires – gestionnaires que des constructeurs, des exploitants et des entrepreneurs de travaux forestiers (impliquées dans des démarches environnementales type ISO 14 000 ou PEFC ou certification de services). L’Afocel1 et le CTBA2 se sont depuis longtemps penchés sur cette question afin d’apporter des réponses pratiques aux professionnels. L’article présenté ici reprend les principales techniques et méthodes, permettant de limiter les impacts potentiels de l’exploitation forestière au niveau des sols, testées et validées lors d’études et de recherches. Mais il convient tout d’abord de préciser les risques potentiels liés aux opérations d’exploitation forestière, ainsi que les facteurs de sensibilité des sols. Ces deux points constituent en effet un préalable à la définition des moyens de prévention.

Les interactions entre les abatteuse 8 à 18 tonnes et un porteur des 8 x 8 dans plus de 60 % des cas machines et les sols forestiers moyen 14 à 16 tonnes. Ce dernier ou des 6 x 6 (40 % des cas). Les 4 x 4, peut transporter une charge équiva- nettement majoritaires il y a une ving- Le déplacement des machines en lente à son poids à vide. Ces machines taine d’années, ont fortement régres- conditions forestières sont le plus souvent articulées avec sé et pratiquement disparu du mar- Les machines forestières travaillent des dimensions de 2,50 m à 3 m de ché. Les machines sont équipées de dans des conditions particulières par largeur pour une longueur de 6 à 9 m. pneus larges et leurs pressions de rapport aux machines agricoles ou de La masse totale de l’engin est répartie gonflage se situent entre 1,5 et 3 bars travaux publics en raison de facteurs sur le sol sur 4, 6 ou 8 roues et d’une alors qu’elles atteignaient fréquem- comme la pente, la faible portance façon non uniforme car : ment 3 à 4 bars autrefois. Il existe des des sols et la présence d’un grand la masse n’est pas répartie réguliè- pneus très larges permettant de des- nombre d’obstacles tels que les fos- rement sur l’engin ; selon sa concep- cendre à des pressions inférieures à sés, les rochers ainsi qu’une végéta- tion et selon qu’il est vide ou chargé, 1 bar. Mais ils sont chers et surtout vul- tion parfois importante qu’il s’agit de l’avant et l’arrière supportent des nérables (risque d’éclatement sur les contourner pour ne pas la blesser. masses différentes, souches) donc peu utilisés. Il n’est pas la pente et les irrégularités du ter- possible de recourir à des roues jume- Du fait de leurs conditions de travail, rain font que les efforts sur chaque lées, comme le font les agriculteurs les machines forestières se doivent roue sont différents. faute d’espace suffisant. Ces évolu- d’être robustes et maniables pour se tions montrent bien que les construc- mouvoir sur un terrain très inégal, tout Les débusqueurs ont toujours 4 roues teurs ont pour axe de développement en restant productives. À vide, un que l’on gonfle à des pressions de 1,7 la construction d’engins de plus en débusqueur pèse 8 à 11 tonnes, une à 2,3 bars. Les porteurs récents sont plus respectueux de l’environnement.

1 Afocel : Association forêt cellulose 2 CTBA : Centre technique du bois de l’ameublement

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Exemple pratique : enfoncement du pneu en fonction de la portance du sol

Soit un porteur 8 x 8 moyen, pesant 20 tonnes en charge et équipé de pneus 600 – 26,5*. Chaque roue supporte : 20 tonnes/8 roues = 2,5 tonnes. Les pneus sont gonflés à une pression de 1,5 bars ; c’est la pression que ces roues vont exercer sur le sol.

Sur un sol présentant une portance supérieure à 1,5 bars, la roue a besoin d’une surface au sol de : masse/portance du sol = 2 500 kg/1,5 bars = 1 670 cm2, soit 60 cm (largeur du boudin) x 28 cm (longueur en appui sur le sol) pour encaisser l’effort subi.

Fig. 1 : effort au sol sous une roue Si le pouvoir porteur du sol n’est que de 1 bar, le pneu va s’enfoncer jusqu’à ce que sa surface de contact avec le sol atteigne : 2 500 kg/1 bar = 2 500 cm2, soit sur une longueur de 42 cm. Si l’on regarde d’un peu plus près ce qui se passe au niveau des pneus, la pression de gonflage sert à trans- mettre au sol l’effort vertical F exercé par la roue, en le répartissant sur une certaine surface S. Lorsque la charge d’un engin augmente, l’effort trans- mis à la roue augmente également. Mais la pression à l’intérieur du pneu n’augmente que de quelques pour- cents. En revanche, la surface de contact sol/pneu s’accroît pour sup- porter un effort supérieur et ceci de deux façons : Fig. 2 : selon la portance du sol, le pneu réagit différemment le pneu se déforme, en particulier sur sols durs, (*) Rappel sur l’identification des pneus : le pneu s’enfonce, en particulier - 1er chiffre = largeur du boudin en mm ou en pouces sur terrains peu portants. - 2e chiffre = diamètre à la jante en pouces. Le pneu 600 - 26,5 mesure 60 cm de large avec un diamètre de la jante de Le sol résiste à la pression du pneu 26,5 pouces. par sa portance ou « pouvoir por- teur ». Celui-ci s’exprime dans les mêmes unités qu’une pression : le 1 kg sur une surface de 1 cm2). Sa tableau 1 ci-dessous d’après Pascal Pa (N/m2) ou plus couramment valeur varie considérablement selon Terrängmaskinen (1981). le bar (kg/cm2 ; 1 bar correspond à les types de sols, leur granulométrie, Selon son état (sec/humide/détrem- la pression exercée par un poids de leur humidité comme le montre le pé) et son tassement ou non, le

TAB 1 : POURVOIR PORTEUR PAR TYPE DE SOL

Pouvoir porteur Pouvoir porteur Type de sol Type de sol (en bars) (en bars)

Neige fraîche 0,1 – 0,3 Gravier 3 – 8

Marais 0,1 – 0,4 Neige tassée 4 – 8

Limons détrempés 0,2 – 0,6 Argile sèche 4 – 12

Argile molle 0,5 – 1,5 Roche compacte 125

Sable tassé 1,5 – 2,5

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même sol limoneux ou argileux pré- sente un pouvoir porteur qui peut varier dans un rapport de 1 à 10.

Dans de telles conditions, l’observation des conditions d’humidité du sol (en lien avec la météo) devient alors primordiale !

Accessoires existants

Il existe des accessoires pouvant être montés sur les engins fores- tiers pour augmenter l’adhérence ou baisser la pression au sol.

Les chaînes Un engin n’avance que si l’adhé- rence est suffisante. Dans le cas contraire, il patine. Lorsqu’ils sont détrempés, certains terrains (en particulier argileux) voient leur adhérence chuter. Les engins, même dotés de bons pneus, s’y comportent comme de véritables luges. Si on les équipe de chaînes, leur adhérence peut remonter et permettre un passage sans difficul- té. En revanche, les chaînes sont Fig. 3 : les tracks agressives pour les racines, le pied des arbres, les pistes et elles sont interdites sur routes. Il suffit sou- Les engins à chenilles machine qui l’a parcouru, et ont diffé- vent de monter les chaînes sur un Il existe quelques engins forestiers à rentes répercussions sur le long terme. seul des ponts moteurs : on assure chenilles permettant d’atteindre des Les forestiers spécialistes de l’exploita- ainsi une bonne motricité à l’engin pressions au sol encore plus faibles : tion forestière se sont intéressés à ces sans rendre l’ensemble des roues 0,3 à 0,4 bar avec des chenilles pou- problématiques dès le début des agressives. vant mesurer jusqu’à 80 cm de large. années 1980 avec entre autres Cicéron De telles machines ne peuvent être Rotaru qui présenta une typologie Les tracks dirigées qu’en donnant des vitesses pour le Congrès forestier mondial de Ces semi-chenilles métalliques sont différentes à leurs chenilles ce qui pro- Mexico en 1985 et qui fait toujours montées sur les roues d’un bogie voque un certain ripage, d’où quelques référence (voir l’article de J. Ranger et (ensemble de deux roues montées sur dégradations du sol et surtout des al., page 27). un balancier). Par rapport aux pneus, pistes ou des routes forestières Les elles augmentent la surface de dégâts peuvent être limités en évitant Ainsi les causes principales de ces contact au sol grâce à la présence des de brusques changements de direc- impacts sont de deux types : maillons entre les 2 roues. Les « éco- tion. À l’intérieur de la parcelle, le les pneus ou autres organes de rou- tracks » présentent des maillons plus risque principal est de couper les lement des machines de bûcheronna- larges que le pneu, au profil peu racines et d’écorcer le pied des arbres. ge et particulièrement ceux des agressif, et au coefficient de roule- machines de débardage vu leur masse ment réduit. Ainsi, sur un porteur de Les impacts au sol causés par le en charge, par l’effort de compression capacité 12 tonnes, chargé, équipé déplacement des machines (tassement, compactage et orniérage) de pneus 600 x 26,5, la pression au et par l’effort de traction (scalpage), sol passe de 1,1 bar pour les pneus Les impacts au sol prennent différents les bois déplacés dans le peuple- seuls à 0,6 pour des pneus équipés de aspects suivant le type de sol, l’humidi- ment par treuillage puis manipulés et tracks. té de ce dernier et la masse de la stockés bord de route (tassement,

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Le cheminement des engins de débardage sur coupe : développement végétal. L’amen- nature et localisation des impacts dement est un investissement à moyen et long terme, qui permet de redynamiser toutes les composantes Plus d’impacts car du fonctionnement du sol. Ainsi, Le lieu La nature des dégâts parcours de concen- l’apport de calcium améliore la struc- tration à la proximité ture du sol directement, et indirecte- Déformation ou enfoncement La route goudronnée ou de la place de dépôt ment par le développement des lom- du revêtement. empierrée à proximité briciens ; la porosité, les capacités Arrachement de pierres et du sol de la place de dépôt Accumulation de terre et de boue en air et eau sont améliorées, l’enra- cinement est meilleur. Mais là aussi, cette remédiation a un coût non Tassement, ornières, arrachement de Les accotements négligeable, d’autant plus que pour la couverture végétale être efficaces les doses préconisées sont aux alentours de 2 à 3 tonnes de Enfoncement, déformation carbonate de calcium (CaCO3) par Les fossés Colmatage par des bois oubliés, de la hectare (Ranger, communication per- terre ou de la boue sonnelle).

Déformation, enfoncement, ornières En résumé, les moyens de remédia- La place de dépôt Accumulation de terre, boue, bran- tion existent mais, du fait de leur coût chages et déchets de bois et de leur efficacité limitée, il vaut mieux leur préférer la prévention. Enfoncement, ornières, scalpage « Mieux vaut prévenir que guérir » Empreintes des pneus sur l’herbe Les pistes et les chemins comme le dit le dicton populaire. et la végétation, lorsqu’il s’agit de chemins naturels Une prévention à réaliser bien en amont de l’exploitation forestière Ornières, arrachement de la Les voies de pénétration couverture végétale, scalpage et les couloirs de Empreintes de pneus La première des préventions est à cloisonnement Tassement et compactage réaliser par le propriétaire et le gestionnaire forestier. Elle consiste en l’aménagement des massifs Idem mais avec normalement L’intérieur du peu de dégâts car les engins ne forestiers avec l’ouverture et l’en- peuplement devraient pas pénétrer cette zone tretien d’accès aux parcelles. Ce Moins d’impacts réseau de routes, pistes ou chemins, ouvert à la circulation des camions, doit être suffisamment dense pour éviter de longs déplacements sur raclage des couches superficielles), En effet, autant en milieu agricole, coupe des engins de débardage. Il et ceux-ci peuvent être localisés avec certains impacts au sol comme des doit bien évidemment être créé dans une densité croissante plus l’on se rap- ornières peuvent être corrigés grâce les règles de l’art (création de pas- proche de la place de dépôt. à un travail du sol (labour, discage, sages busés, ouverture de fossés, sous-solage), autant en milieu fores- rigoles « coupe-eau »…) afin d’évi- Les moyens de prévention tier de tels travaux de remédiation ter les phénomènes d’érosion qui et de remédiation sont coûteux et de surcroît peu effi- sont eux aussi préjudiciables aux caces : le travail d’un sol forestier ne sols. Prévention ou remédiation ? permet jamais de reconstituer à l’identique sa structure initiale, le tra- L’accès aux parcelles depuis les La remédiation mécanique est tech- vail reste au mieux très grossier. pistes est primordial : niquement possible sur les fossés, si les fossés sont profonds, aména- les accotements, les chemins de La remédiation chimique des ger des passages busés pour que les terre avec les outils de travaux impacts au sol, par fertilisation ou engins puissent les traverser pour publics (tracto-pelles, pelles méca- amendement, est également envisa- passer de la coupe à la piste, niques). Elle est plus problématique geable. La fertilisation est destinée éviter les grands talus infranchis- lorsqu’il s’agit de réparer d’éventuels avant tout à pallier des carences sables en surplomb ou en contrebas dégâts sur le parterre de la coupe. nutritives, et engendre un meilleur des pistes, s’ils sont inévitables

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tacles naturels… Quelques grands principes peuvent cependant être énoncés pour ces cloisonnements : pas forcément rectilignes, mais évi- ter les angles aigus,

suffisamment rapprochés, pour que les engins n’aient pas à en sortir (pas plus de 15-20 m en éclaircies, jusqu’à 30-40 m en amélioration ou jardinage),

de largeur minimum 4 m, pour que les engins d’une largeur de 2,50 à 3 m n’accrochent pas les arbres de part et d’autre (figure 4),

orientés dans le sens de la pente, ce qui est favorable au déplacement des

Afocel engins, Quel sera le coût d’une remise en état de ce sol forestier ? communicants entre eux, sans angles aigus avec les pistes et routes. compte tenu du relief, aménager des entrées en pente douce.

L’ouverture de cloisonnements d’exploitation par le gestionnaire permet ensuite de limiter la surface potentiellement tassée en concen- trant la circulation des engins sur une surface réduite et en évitant la circu- lation des engins dans les inter- bandes (voir encadré « Le chemine- ment des engins de débardage sur coupe » p. 42). En effet, le tassement du sol a lieu essentiellement lors des tout premiers passages d’engin. Des études ont ainsi montré que, dès le premier passage, 62 % du tassement se produisaient à 10 cm de profon- deur et 80 à 95 % du tassement à 30 cm de profondeur. L’autre avanta- ge des cloisonnements est de rédui- re globalement le nombre d’arbres blessés lors des opérations de débardage.

Si l’ouverture de cloisonnements d’ex- ploitation est à préconiser dans tous les types de peuplements, celle-ci ne doit pas se faire aveuglément en appli- quant partout le même schéma. Il convient avant tout de réfléchir l’im- plantation des cloisonnements d’ex-

ploitation au cas par cas en fonction Afocel de la topographie de la parcelle, du Laisser un arbre au milieu du cloisonnement, c’est le condamner réseau de fossés existants, des obs- à une blessure certaine, ainsi que d’autres arbres voisins

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ne parvient pas à monter les pentes même faibles. Chaînes et tracks sont des outils performants à condition qu’ils soient installés avant l’appari- tion de profondes ornières. Et même s’ils permettent de continuer à tra- vailler dans des conditions peu favo- rables (terrain détrempé), il faut par- fois arrêter les opérations en cours au risque de créer des dégâts irré- médiables.

Le choix d’un système d’exploitation ou d’un type d’engin peut être orien- Fig. 4 : le cloisonnement doit être adapté té du fait des clauses particulières (d’après Terrängmaskinen, 1981) liées au chantier. Ces dernières sont définies pour garantir le respect du sol, du peuplement et de tout autre Il existe d’autres préconisations pour Ensuite, il faut choisir l’engin adap- élément devant être pris en compte. la réalisation de ces cloisonnements té au terrain. Par exemple, le choix Mais elles doivent être fixées une fois afin de les intégrer au mieux dans le se portera sur un engin petit et de plus en concertation avec les paysage (Breman, 2004). maniable pour les espacements acteurs opérant en exploitation étroits et les parcours sinueux. Sur forestière, afin de ne pas fixer des L’usage réfléchi de ces cloisonne- cet engin, en fonction des conditions clauses irréalisables (obligation de ments, en concertation avec les opé- de terrain et des éléments détaillés ne pas circuler entre les cloisonne- rateurs de l’exploitation forestière, précédemment, il sera possible de ments alors qu’ils sont espacés de permettra de les conserver en bon monter des chaînes (pour augmenter plus de 50 m par exemple). état : l’adhérence) ou des tracks (pour aug- éviter l’exploitation à certaines menter la portance) ou des pneus La prévention des impacts au sol périodes en cas de terrains particu- larges basse pression. Mais atten- repose enfin sur l’organisation des lièrement sensibles, tion ! Le pneu le plus large et au pro- chantiers et le savoir-faire des opé- étaler les rémanents sur les cloi- fil le moins agressif n’est pas toujours rateurs de terrain (bûcherons, sonnements (voir l’article de la meilleure solution. S’il n’évacue chauffeurs d’abatteuse, débardeurs). C. Richter et Ph.-E. Durand, page 48), par correctement la terre qui s’accu- La planification des travaux en fonc- la couche de branches ainsi consti- mule entre ses barrettes, il se met tion des risques terrain/météo est tuée doit être suffisamment épaisse rapidement à patiner. L’engin à vide essentielle. Autrement dit, il faut et composée de préférence de branches fines pour avoir un rôle de tapis portant.

La prévention par l’organisation et le savoir-faire des opérateurs en exploitation forestière

Le premier travail de l’exploitant est de définir le système d’exploi- tation (bois court ou long…), en tenant compte bien évidemment des matériels existants à disposition et du cahier des charges des bois com- mandés par ses clients. En cas de ter- rain mouilleux, parsemés d’obstacles et de ruptures de pente, il vaut mieux opter pour le système bois

longs avec treuillage depuis les Afocel pistes et couloirs. Pneus larges et basse pression, tracks sur le bogie arrière : une solution pour limiter les ornières sur des terrains plats et peu portants

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Le cheminement des engins de débardage sur coupe

De 1999 à 2002, l’Afocel a mené un projet de recherche sur les impacts de l’exploitation forestière sur l’environnement. Des mesures de tassement du sol, à l’aide d’un pénétromètre, ont été réalisées. Sur tous les chantiers suivis, et quelle que soit la nature du sol, des tassements ont été relevés sur les passages d’engins. Parallèlement, la surface parcourue par les engins de débardage (porteur et débusqueur) sur le parterre de la coupe a été mesurée pour quantifier les phénomènes de tassement du sol à l’échelle de la parcelle.

Lors d’un deuxième projet, ces déplacements et l’organisation générale du débardage (par rapport aux piles de bois, à la topographie…) ont pu être suivis de façon plus précise en équipant des porteurs d’un GPS de précision submétrique. Le schéma ci-contre détaille pour un chantier le cheminement du porteur cycle par cycle (cycle de débardage = ensemble des phases de travail pour effectuer un chargement du porteur puis son déchargement).

70% Ces résultats soulignent l’importance d’ou- vrir des cloisonnements pour éviter le che- 60% minement des engins de débardage par- tout dans le peuplement, donc pour limiter 50% les risques de tassement du sol et de bles- sures au peuplement. 40% NB : ces deux projets de recherche ont 30%

Surface parcourue (%) bénéficié du soutien financier du ministère de l’Agriculture, de l’alimentation, de la 20% pêche et de la ruralité. 0 50 100 150 200 250 300 350 400 Volume débardé (m3/ha)

Eclaircie Coupe rase

La surface parcourue par les engins de débardage sur les chan- tiers étudiés peut couvrir jusqu’à deux tiers du parterre de la coupe pour une seule coupe. Le problème se cumule au fur et à mesure des rotations

réserver certaines parcelles dont on sensibles que l’on traitera en fonc- Pour les zones sensibles, il existe dif- connaît la difficulté d’accès ou la fra- tion des conditions de terrain. La férentes techniques simples pour gilité en cas de pluie, de neige… coordination abattage-débardage réduire les impacts au sol : pour des périodes a priori favo- est également primordiale pour charger moins lorsque le sol résis- rables. Au sein d’un même chantier, il garantir une bonne organisation du te mal et avant l’apparition des peut exister des zones plus ou moins chantier et du débardage. ornières,

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dégonfler les pneus tout en res- un observatoire environnemental CACOT E. et al., 2003. Laissez une tant dans la fourchette définie par le des chantiers d’exploitation forestière. bonne impression ! Guide de gestion constructeur (attention cependant Sur une cinquantaine de chantiers, environnementale des chantiers fores- sur terrain « agressif » avec des mettant en œuvre différentes tech- tiers. Afocel, MAAPAR, CTBA, ONF, rochers ou des souches hautes), niques d’exploitation forestière (gran- Entrepreneurs des Territoires, FNCO- de ou courte longueur, éclaircie ou FOR, FNB. déposer des branchages sur les coupe rase, abattage manuel ou méca- voies de pénétration lorsque le sol nisé…), tous les impacts seront mesu- LAURIER J.-P. et al., 2001. Exploitation est peu portant (le prévoir à l’avance rés : blessures au peuplement restant, forestière et environnement. Classeur pour donner des consignes aux perturbations de la surface du sol et pédagogique n° 4. Nangis : Afocel. bûcherons afin qu’ils effectuent un tassement… Parallèlement, toutes les 179 p. abattage dirigé), données de chantiers seront relevées : conditions lors de la réalisation du LEWIN F., PEUCH D., 2004. Qualifier avec un débusqueur en charge qui chantier, matériels utilisés, méthodes le cheminement des porteurs pour patine lors du franchissement d’un de travail… Cet observatoire permettra réduire les impacts sur l’environnement obstacle, débrayer le câble, avancer d’une part de dresser un état des lieux grâce à la technologie GPS. Fiche de quelques mètres, puis treuiller la des impacts en exploitation forestière Informations-Forêt, fiche n° 697, 6 p. charge… et d’autre part de mettre en évidence – en ligne : des bonnes pratiques dans la conduite http://www.afocel.fr/Publications/FIF/F Conclusion des chantiers d’exploitation forestière. IF697.pdf

La prévention est dans le domaine de PISCHEDDA D., CONSTANTIN E., la récolte de bois et des impacts qui en 1997. Pratiques de l’exploitation fores- résultent beaucoup plus efficace que Emmanuel CACOT tière considérant les contraintes envi- toutes les techniques de remédiation. Afocel station Centre-Ouest ronnementales et économiques : Le plus souvent pour des raisons de Verneuil-sur-Vienne (87) Actes du colloque. Action Concertée coût mais aussi parce que leurs effets [email protected] AIR3-CT94-2097. positifs sur le sol sont loin d’être sûrs. Web : www.afocel.fr Ainsi cette prévention repose sur PISCHEDDA D., CHAGNON J.-L., quelques mesures simples qui impli- 2001. Contraintes environnementales quent l’ensemble des acteurs et qui ne Didier PISCHEDDA en exploitation forestière : essai d’ana- sont pas uniquement du ressort de CTBA lyse. Paris : CTBA. l’exploitant ou de l’entrepreneur de Paris travaux forestiers. Une bonne compré- [email protected] ROTARU C., 1983. Tassement du sol hension des contraintes des uns et des Web : www.ctba.fr forestier et récolte mécanisée du bois. autres est nécessaire pour une meilleu- Courrier de l’exploitant et du scieur, re organisation. Un premier pas dans étude n° 1, 12 p. ce sens a été la réalisation de la pla- Bibliographie quette « Laissez une bonne impres- ROTARU C., 1985. Problèmes des sion » par l’ensemble des acteurs de la ARMEF, CTBA, IDF, 1993. Manuel d’ex- interactions exploitation forestière et récolte. La méthode est d’identifier de ploitation forestière. Tome 1. sylviculture-environnement en France. façon visuelle et avec les exploitants les Fontainebleau : ARMEF, Paris : CTBA. Communication présentée au Xième attentes des forestiers avant toute 442 p. Congrès Forestier Mondial, Mexico. intervention. BREMAN P., 2004. Les lisières fores- TERRÄNGMASKINEN Del 2, 1981. Le CTBA et l’Afocel viendront complé- tières. Le pourquoi et le comment des Forskningsstiftelsen Skogarbeten. ter les résultats des études antérieures interventions en faveur du paysage. ISBN 91-7614-012-1. par deux projets menés Rendez-vous techniques de l’ONF, conjointement : n° 4, pp. 57-64 un projet coordonné par l’ONF « Pour une exploitation forestière res- CACOT E., 2001. Exploitation forestiè- pectueuse des sols et de la forêt » qui, re et débardage : pourquoi et com- après l’état de l’art fait par l’INRA, ment réduire les impacts ? Fiche organisera des démonstrations de Informations-Forêt, fiche n° 637, 6 p. techniques de débardage alternatives – en ligne : sur sols sensibles pour lancer les http://www.afocel.fr/Publications/FIF/F débats sur ce sujet3, IF637.pdf

3 Au moment où paraît cet article, deux chantiers de démonstration (un utilisant la petite mécanisation et un câble téléphérique) ont déjà eu lieu.

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Régénération naturelle du hêtre en forêt de Soignes : impact de la compaction des sols

Prestigieuse hêtraie située au cœur de Bruxelles, la forêt de Soignes est confrontée depuis plus de 50 ans à l’échec de toute tentative de régénération naturelle, malgré des fructifications favorables. Un programme de recherche pulri-disciplinaire a mis en évidence, entre autres, l’importance de la compaction des sols dans ce phénomène, et a permis de mettre au point des modalités pratiques de travaux pour obtenir une régénération naturelle satisfaisante.

a forêt de Soignes fut les semenciers, le pouvoir de germi- leurs résultats en termes de compaci- L implantée au cœur de nation des faines, la lumière au té du sol et de levée des semis. Bruxelles à la fin du 18e siècle. Il niveau des semis, l’acidité des sols, s’agit d’une hêtraie à plus de 90 %, la présence de mycotoxines, la pré- Matériel et méthode sur une surface d’un peu plus de dation des faines par les animaux, 4 500 hectares, qui, outre la qualité ainsi que la compaction des sols. Afin de caractériser la forêt, des pla- exceptionnelle de sa production de Lors de la dernière fainée, un ense- cettes représentatives ont été sélec- bois, a une vocation récréative très mencement de plus de 1 000 faines tionnées en fonction de leur position intensive. Celle-ci est établie sur un au mètre carré a été observé, avec un topographique et des caractères sol limoneux d’une épaisseur moyen- pouvoir de germination pour plus de édaphiques. La couverture du sol a ne de plus de dix mètres qui, jusqu’à soixante pour-cent d’entre elles. aussi son importance, c’est ainsi que présent, n’a encore jamais été rema- Après éclaircie, le problème de la des parcelles sur sol nu mais égale- nié par des actions humaines. Il s’agit luminosité a été résolu. Aucune ment recouvertes d’un tapis de d’un sol ressuyé caractérisé par des influence importante de l’acidité du feuilles, de houlques, de ronces et cryoturbations datant de la dernière sol ni de la présence de mycotoxines de fougères ont été sélectionnées. glaciation. Se trouve en effet à cin- n’a été observée. Les deux facteurs Au total, plus de 350 profils pénétro- quante centimètres de profondeur importants sont la prédation animale métriques ont été réalisés sur la base une structure polygonale à unités des faines ainsi que la compaction en de plus de 7 000 mesures pénétro- structurales de section hexagonale, surface des sols due essentiellement métriques ponctuelles. très dures, séparées par des zones à la vocation récréative de la forêt. meubles où les racines peuvent se Le pénétromètre (figure 1) est consti- développer. Depuis les années 1950, Dans le cadre de cet article, nous tué d’une tige au bout de laquelle est plus aucune régénération naturelle allons nous concentrer sur l’étude de fixé un cône. L’effort appliqué pour n’est observée. Quelle en est la la compaction et des différentes enfoncer la tige est rapporté à la sec- cause ? modalités de travail du sol testées tion de la base du cône. Le résultat pour remédier à ces tassements. Les obtenu est exprimé sous forme d’une Une étude approfondie a été réali- essais initiés en 2000 se sont achevés pression et communément appelé sée afin de mettre en évidence les en décembre 2004. Après la présen- « indice de cône ». En représentant raisons de l’absence de régénération tation de la problématique, le matériel cet indice de cône par rapport à la naturelle en forêt de Soignes. utilisé et l’état des lieux des sols profondeur, on obtient une courbe Différents aspects ont été envisagés: seront détaillés. Les différentes solu- qui indique l’état de compacité du la quantité de faines produites par tions seront par après présentées avec sol à différents niveaux.

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Le capteur d’effort, placé sur la partie supérieure de la tige, mesure la résis- tance à l’enfoncement, tandis que la position verticale est déterminée à l’aide d’un potentiomètre linéaire. Un vérin électrique commandé par un moteur pas à pas garantit une vitesse de pénétration constante (33 milli- mètres par seconde) sur soixante centimètres de profondeur quelle que soit la résistance du sol. Un second vérin électrique assure le déplacement horizontal sur un mètre de large. Les déplacements et l’ac- quisition des données sont gérés par un ordinateur industriel, ce qui rend le système entièrement automatique.

La teneur en eau du sol a une grande S. Loyen, CRA -W influence sur la résistance à la péné- Fig. 1 : le pénétromètre conçu au département génie rural du CRA-W tration et il est nécessaire d’en réali- ser la mesure lors de chaque essai. Les résultats donnent des valeurs Pour réaliser l’interprétation, il faut niveaux de compaction diminuent et d’indice de cône pour une humidité savoir que pour un indice de cône le sol s’ouvre alors à la pénétration équivalente à celle du sol ressuyé. supérieur à trente bars, il est des racines, mais ceci pour une Les graphiques présentent sur un impossible à toute racine de péné- durée limitée dans le temps. Les mètre de large et soixante centi- trer dans le sol. Il faut également graphes présentés ci-dessous défi- mètres de profondeur les valeurs noter que ces graphiques ne repré- nissent les valeurs mesurées lorsque d’indice de cône définies par l’échel- sentent que des images instantanées le sol est ressuyé, les zones acces- le de couleur. La surface du sol est d’un phénomène dynamique. Après sibles présentées par les graphiques délimitée par la ligne où les pre- un épisode pluvieux, lorsque l’humi- proposés le sont tout au long de mières pressions sont mesurées. dité du sol est plus importante, les l’année.

Distance en cm 100 90 80 70 60 50 40 30 20 10 0 0 bar 6 bar 0 12 bar 18 bar 10 21 bar 30 bar 20 36 bar 42 bar 48 bar 30 51 bar 60 bar 40 66 bar 72 bar 50 78 bar 84 bar 90 bar 60

Fig. 2 : état initial du sol

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État des lieux Lorsque le sol est plus humide, ces de centimètres avec un cover-crop zones se montrent moins compactes muni de deux fois quatre disques. Le sol en forêt de Soignes présente et permettent alors le passage des un état fort compacté (figure 2) avec, racines et la colonisation des hori- Le travail réalisé avec le cover-crop de plus, une hétérogénéité très gran- zons à structure polygonale sous- présente un profil différent (figure 4). de. Pour des mesures réalisées à jacents. Les plantes profitent de ces Le disque pénètre dans le sol à une quelques mètres de distance, les périodes pour réaliser leur croissan- profondeur de vingt centimètres et résultats peuvent varier du tout au ce racinaire. De manière effective, ameublit le sol sur dix centimètres de tout, mais la plupart des graphes une bonne levée des semis est large pour atteindre un indice de sont semblables à celui présenté observée et ceux-ci ont pour la plu- cône de vingt bars. En dehors de dans la figure 2. À deux ou trois cen- part donné vie à de jeunes plantules, cette zone, les vibrations des disques timètres de la surface du sol, un indi- pour autant qu’ils aient été protégés dans le sol ont également un impact ce de cône d’une valeur de trente de la prédation animale (gibier, ameublissant, mais avec moins d’in- bars est déjà atteint, ce qui corres- ramiers et pigeon de ville). En final, fluence, car une compaction rési- pond au jaune dans l’échelle de cou- un tapis diffus d’environ quinze duelle d’un indice de cône de trente leur. Il n’est donc pas étonnant que jeunes hêtres par mètre carré prêts à bars est observée. Un semis dense a sur un tel sol, les faines germées prendre la relève de leurs géniteurs levé au niveau des sillons tracés par trouvent un substrat ne permettant couvre le sol de la forêt. Après le disque, alors que seulement pas à leurs radicules de rentrer dans quatre années, les plants sont tou- quelques plantules clairsemées ont le sol et de puiser les ressources jours en place, il n’est pas possible à pris naissance en dehors. Ce qui, en nécessaires au développement de la l’heure actuelle de certifier leur viabi- observant le graphe pénétromé- plantule. Sur la base de ces observa- lité à long terme, mais nous sommes trique, paraît logique car seul le tions, différentes modalités de travail confiants. Si l’on avait réalisé des sillon se montre favorable. Le résul- du sol ont été envisagées afin plantations en ces endroits, le même tat général de cette pratique se pré- d’ameublir le sol et d’aider la régé- problème de compaction en profon- sente comme si un semis en ligne nération naturelle du hêtre à s’instal- deur serait présent et les plantations avait été opéré mécaniquement. ler. Deux d’entre elles ont donné des en forêt de Soignes réussissent Bien que ces deux techniques offrent résultats satisfaisants, il s’agit du tra- généralement très bien. D’autres des résultats positifs, ils se montrent vail à la fraise et au cover-crop. Le résultats ont été obtenus après le qualitativement différents. Laquelle passage d’un rouleau après fainée travail du sol au cover-crop. choisir ? n’a eu aucune influence sur la levée et la viabilité des semis. Les essais Modalité de travail au Conclusions ont été réalisés avant et après fainée cover-crop afin de définir le moment le plus Bien que la levée soit plus dense opportun pour réaliser les travaux. Les travaux ont été réalisés sur des pour le travail réalisé à l’aide de la bandes de 2 mètres de large, à une fraise, les risques de prédation ani- Modalité de travail à la profondeur moyenne d’une vingtaine male sont plus importants. En effet, fraise

Les travaux ont été réalisés sur des Distance en cm bandes de 2 mètres de large, à une 0 bar 100 90 80 70 60 50 40 30 20 10 0 profondeur moyenne d’une trentaine 6 bar 0 de centimètres avec une fraise à 12 bar lames. 18 bar 10 21 bar Hormis une zone située entre les 30 bar 20 abscisses soixante-dix et cent, la frai- 36 bar se a réalisé un travail uniforme sur 42 bar 30 trente centimètres de profondeur 48 bar (figure 3). Le niveau moyen de com- 51 bar paction après travail est de l’ordre de 60 bar 40 vingt bars ce qui est favorable au 66 bar 72 bar développement des racines dans le 50 78 bar sol. La couche de sol sous-jacente à 84 bar 60 la partie travaillée présente un 90 bar niveau de compaction important. Fig. 3 : parcelle travaillée à la fraise

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timètres de profondeur ce qui n’est pas favorable à la germination. Dans Distance en cm le cas du cover-crop, le sillon étant 100 90 80 70 60 50 40 30 20 10 0 0 bar 0 réalisé après l’ensemencement, il est 6 bar plus difficile pour les faines de tom- 12 bar ber dedans par gravité, il ne reste 10 18 bar plus que l’action du vent pour les y 21 bar emmener. 30 bar 20 36 bar À l’heure actuelle, les études réali- 42 bar 30 48 bar sées ne donnent pas lieu à des 51 bar modalités définies et réglementées. 60 bar 40 Mais celles-ci ont été réalisées en 66 bar collaboration avec les différents ges- 72 bar 50 tionnaires forestiers qui ont pu suivre 78 bar l’avancée des travaux et juger par 84 bar 60 eux-mêmes de la pertinence de 90 bar ceux-ci. Ils ont la liberté, en connais- sance de cause, de choisir les Fig. 4 : parcelle travaillée au cover-crop : on distingue nettement au options qui leur semblent les plus centre du graphique la trace du sillon d’un disque favorables.

la surface du sol est homogène et Dans l’option d’une gestion forestiè- En ce qui concerne le maintien et la lisse, alors que celle après passage re mécanisée, la seconde alternative croissance des peuplements, la forêt du cover-crop est plus rugueuse et présente l’avantage d’avoir le semis de Soignes est une forêt qui est fort échancrée au niveau du sillon. de base déjà implanté en bande caractérisée par un bon rendement Dans le deuxième cas de figure, les espacées. Par contre, si l’on souhaite de production. Les mesures propo- faines qui tombent à l’intérieur du obtenir une forêt d’aspect plus sées pour obtenir une régénération sillon sont bien protégées, les préda- « naturelle », avec une implantation naturelle ne modifient en rien les teurs préférant s’enquérir des faines diffuse, la première option semble conditions de croissance des arbres. présentes en abondance à la surface favorable. Une fois le petit coup de pousse du sol. donné au démarrage, la forêt de Au niveau des coûts de mise en Soignes pourra poursuivre son déve- De plus, les faines situées dans œuvre, le cover-crop consomme loppement tel qu’elle l’a réalisé l’échancrure sont en contact avec le moins d’énergie que la fraise et est depuis toujours. sol en plusieurs points, le milieu est plus rapide. En ce qui concerne les bien aéré et la rosée matinale assure systèmes de protection des semis, une humidité suffisante. La levée est ceux-ci ne sont pas nécessaires pour presque assurée pour chacune des lecover-crop, mais sont indispen- faines qui s’y trouvent. La surface du sables pour la fraise. sol après fraisage présente un micro- Stéphane LOYEN relief favorable à la germination, car Quelles que soient les modalités Ministère de l’Agriculture le milieu se trouve bien aéré ; il y a choisies, les meilleurs résultats ont Centre de recherches agronomiques également plusieurs points de été obtenus lorsque les travaux ont Département génie rural contact entre le sol et la faine, mais été réalisés avant ensemencement. Gembloux (Belgique) les conditions d’humidité peuvent ne En effet, dans le cas de la fraise, [email protected] pas être présentes si l’on se trouve l’énergie mise en œuvre est telle que dans des conditions météorolo- les faines peuvent être abîmées et giques sèches. également se retrouver à trente cen-

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Les cloisonnements d’exploitation : pourquoi et comment les protéger ?

i l’on veut pouvoir limiter au praticabilité, et éviter ainsi que les Ainsi, en l’absence de risque d’érosion S maximum les dégâts aux sols engins soient conduits à utiliser d’autres et en s’assurant de la réelle possibilité au cours des exploitations forestières, il cheminements en contournant les pas- de circulation des engins en sol pentu, est indispensable de rationaliser les sages dégradés, les cloisonnements devraient être dispo- déplacements des engins pour éviter éviter que les effets de passages sés perpendiculairement aux courbes de tout débardage anarchique préjudiciable répétés sur les cloisonnements n’en niveau ou, si l’on préfère, dans le sens de tant au sol qu’au peuplement. Les cloi- viennent à compartimenter la parcelle et la plus grande pente et cela même sur sonnements d’exploitation sont devenus ainsi perturber profondément voire blo- des sols à faible pente (quelques ‰). désormais des dispositifs quasi incon- quer la libre circulation de l’eau. Ainsi, ils ne s’opposeront pas à la circu- tournables pour l’exploitation et l’extrac- lation latérale de l’eau. Cette disposition tion des produits forestiers. Outre les Circulation de l’eau peut même, avec le risque de voir appa- avantages qu’ils présentent en matière Les diverses études présentées dans ce raître des phénomènes d’érosion, favori- de sécurisation des travaux, ils permet- dossier montrent que le passage répété ser l’écoulement de l’eau dans le cloi- tent d’optimiser l’organisation et le des engins d’exploitation conduit à une sonnement lui-même. Les phénomènes déroulement des chantiers, et de préser- perte de porosité des sols et à la limita- d’érosion pourront être contenus par la ver la qualité du peuplement en place, en tion de leur capacité de ressuyage. création de petits terrassements (sai- limitant les risques de blessures aux Certes, la pénétration limitée aux cloi- gnées) permettant la sortie de l’eau des arbres, comme l’avenir forestier de la par- sonnements évite une perturbation cloisonnements. celle, en protégeant les semis et les sols généralisée des parcelles, mais outre le de dégâts bien souvent irrémédiables. défaut d’infiltration verticale de l’eau Portance des sols dans le cloisonnement, celui-ci forte- La portance d’un sol dépend de sa tex- Leur implantation nécessite toutefois une ment compacté crée « un barrage » à ture, de son taux d’humidité et de la sta- analyse préalable approfondie, car si pra- l’écoulement latéral de l’eau dans les bilité de sa structure. Comme cela a déjà tiquement tous les types de peuplements horizons supérieurs du sol. Ce « barra- été dit, les sols à texture fine sont les plus justifient un tel réseau, des précautions ge » peut alors entraîner l’inondation sensibles aux phénomènes de tassement s’imposent en fonction, d’une part des d’une partie de la parcelle en amont de (et de façon irréversible dans le cas des caractéristiques de la parcelle et de sa ce cloisonnement. Ce phénomène peut textures riches en limons) et ce d’autant desserte (voir l’article d’E. Cacot et D. avoir des conséquences tout aussi plus que leur teneur en eau est élevée. Pischedda p. 36), et d’autre part des néfastes alors qu’il n’y a pas eu passage Les cloisonnements sur de tels sols conditions de milieu et en particulier des d’engin. deviennent très rapidement inutilisables, types de sols. C’est ce dernier point qui sera développé dans cet article, grâce entre autres aux résultats acquis lors d’une expérimentation menée par la sec- tion technique interrégionale Nord-Est à la fin des années 1990.

Quels problèmes en sols sensibles ?

Eu égard aux caractéristiques propres des sols, deux éléments majeurs doivent être pris en compte pour décider des modalités d’ouverture de cloisonne- ments d’exploitation et de leur utilisation : la portance des sols et la libre circulation latérale de l’eau dans la parcelle. Il faut en effet veiller à préserver le sol des S. ONF Ruffieux, cloisonnements pour : Porteur circulant sur un cloisonnement protégé maintenir dans le temps une bonne avec des rémanents feuillus

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dès lors que le sol n’est pas convenable- ment ressuyé au moment du débardage. Réalisation d’un dispositif d’étude en peuplement feuillu Après quelques passages, en raison de Un dispositif expérimental a été implanté en forêt d’Orient (Champagne humide), problèmes de portance et de phéno- dans une coupe de taillis de tilleul et de charme d’un TSF, sur un sol limono- mènes d’orniérage, les engins de débar- sableux à engorgement temporaire, particulièrement sensible aux tassements. dage contournent progressivement l’iti- L’exploitation a eu lieu en mars-avril, en fin de période sèche : bien que les néraire, élargissant le cloisonnement ou conditions d’exploitation aient été exceptionnellement bonnes, le sol était frais à en créant un deuxième parallèle au pre- 20 cm, et l’eau était présente à environ 1 m de profondeur. mier qui lui-même devient rapidement Les rémanents, de diamètre maximum d’environ 8 cm, ont été disposés en inutilisable, etc. : l’effet préventif du dis- couches de plus de 75 cm de hauteur sur 3 à 4 m de large. positif devient alors totalement illusoire. Le débardage a été effectué par un porteur doté de 8 roues motrices, équipé de pneus larges (600 mm) à sculptures peu agressives pour le sol. Ce n’est donc pas parce que la parcelle a été parfaitement cloisonnée que l’on Les caractéristiques du sol (densité apparente mesurée à 10 cm, et à 25-35 cm de peut autoriser les débardages en toutes profondeur) ont été étudiées dans des zones ayant subi les traitements suivants : saisons et toutes conditions climatiques. sol non protégé, cinq passages du porteur en charge Si l’on veut pouvoir conserver des cloi- sol protégé avec rémanents, cinq passages du porteur en charge sonnements utilisables, il y a lieu de limi- témoin = sol non protégé, aucun passage de porteur. ter, dans ce cas également, les périodes de pénétration en forêt. ment localisé), mais aussi les difficultés de œuvre en peuplements feuillus nécessite circulation des engins. cependant un certain nombre de précau- Dans les stations les plus difficiles (en tions et contraintes : particulier à drainage lent et/ou sol très Un effet protecteur des rémanents de sensible), les caractéristiques éda- feuillus tirer les rémanents suffisamment fins : phiques doivent conduire à envisager Dans les conditions de l’expérience, il diamètre 8 cm maximum, une solution alternative comme le câbla- ressort que les rémanents feuillus ont un disposer en couches d’au moins 75 cm ge (ce point sera développé dans un intérêt tout aussi grand que ceux des (voire plus, l’engin n’a été mis en difficul- dossier ultérieur des Rendez-vous tech- résineux. té que pour une hauteur d’environ 2 m à niques), mais la protection physique des Visuellement après débardage, les franchir). cloisonnements peut également per- branchages ont eu un effet positif sur la Ainsi, la mise en œuvre nécessite une mettre de pallier cette difficulté. surface du sol. Les mesures de densité organisation particulière du chantier : apparente (tableau ci-dessous) mon- réaliser un abattage directionnel des Les rémanents d’exploitation : trent que le niveau de compactage du houppiers vers les cloisonnements, et le un moyen efficace de sol protégé avec des rémanents est façonnage de ces houppiers en premier protection des sols des intermédiaire à 10 cm de profondeur. En lieu pour constituer le lit de rémanents cloisonnements outre, l’effet protecteur des branches fins, est avéré à 30 cm de profondeur, où les récolter d’abord les bois d’industrie et Des expériences menées en Allemagne densités apparentes du témoin et du sol bois de feu pour disposer de rémanents en peuplements résineux ont montré que protégé diffèrent significativement de fins pour les cloisonnements, et n’opérer le compactage des sols sur les cloisonne- celle du sol non protégé. la sortie du bois d’œuvre qu’ultérieure- ments est significativement moindre ment. lorsque les engins roulent sur les couches Recommandations pratiques de branches résineuses. Mais l’intérêt et La mise en place des rémanents de De par ces contraintes et le peu de par- la faisabilité d’une telle méthode en peu- feuillus sur les cloisonnements d’exploita- celles feuillues mécanisées à ce jour, la plements feuillus restaient à étudier. En tion peut être une technique efficace protection des cloisonnements d’ex- effet, leur branchaison plus hétérogène pour protéger les sols, particulièrement ploitation par des rémanents s’avère ne permet pas la réalisation d’un tapis les sols sensibles aux tassements, de essentiellement adaptée aux pre- aussi régulier, et risque d’augmenter les faible portance, où une solution alternati- mières éclaircies. phénomènes de poinçonnement du sol ve par câblage ne se justifie pas. À l’instar (par enfoncement des branches et tasse- des peuplements résineux, la mise en Densité apparente Claudine RICHTER Philippe-Éric DURAND 0-10 cm 25-35 cm ONF, DT Lorraine Sol non protégé 1,29 1,60 service patrimonial Sol avec rémanents 1,20 1,52* Nancy [email protected] Témoin (sans rémanent sans passage) 1,07 1,49* [email protected] * Différences non significatives au seuil de 1/1 000

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La protection des sols : sensibilisation et études en forêt privée

n forêt privée, comme du années quatre-vingt (études du CTBA, le comportement mécanique du sol E reste dans l’ensemble des Centre technique du bois et de l’ameu- (Charnet, 2003) et son influence sur l’en- forêts (hormis les milieux montagnards blement) ; elles sont longtemps res- racinement. Bien qu’issue d’une problé- soumis à des aléas drastiques), la pro- tées les seules références sur le sujet. matique inverse (influence des facteurs tection des sols est une préoccupation Plus récemment, après la tempête de physiques du sol sur le peuplement), la relativement récente. Dans cette cour- 1999, des études de cas (évaluation plus grande partie de l’expertise instru- te note, on livre quelques jalons chro- des chantiers d’exploitation, méthodes mentale réalisée dans le cadre de cette nologiques et les cheminements intel- de diagnostic visuel) ont été menées, étude reste pertinente pour l’étude de lectuels qui ont amené à s’intéresser à notamment par l’Afocel (Association la compaction des sols et de l’érosion. cette vaste question, notamment à forêt cellulose). L’observatoire post- En effet, des investigations explora- l’IDF (Institut pour le développement tempête a aussi apporté et rassemblé toires ont été menées pour comparer forestier). de nombreux éléments d’information économiquement et techniquement les sur ce sujet, aussi bien sur les facteurs diverses méthodes d’étude ou presta- Dans les forêts de plaine pas ou peu de sensibilité que sur la conduite des tions analytiques disponibles sur le soumises à l’érosion, c’est la mécanisa- travaux et les mesures de restauration. marché : les méthodes simples de tion de l’exploitation qui a fait apparaître mesure in situ, comme la pénétrométrie – plus spécialement sur les sols fragiles – Il est certain que la compaction des sols et la scissométrie, couplées avec la les problèmes de dégradation des sols. a un effet sur l’enracinement des arbres ; mesure des densités apparentes, ont Dans les forêts privées, le défaut d’inves- ainsi parmi le lot d’études engagées à la finalement été jugées plus adaptées tissement dans les fondations du réseau suite de la tempête, l’IDF a participé, que les tests de laboratoire sur échan- de desserte s’accompagnait de symp- avec le laboratoire de rhéologie du bois tillons ou «éprouvettes », pratiqués en tômes visuels tels que l’orniérage qui ne de Bordeaux et le laboratoire de méca- génie civil, comme les essais tri-axiaux, laissaient présager rien de bon quant à nique des solides de Poitiers, à une trop coûteux compte tenu du nombre l’état des sols correspondants dans les étude financée par le GIP-ÉCOFOR sur de répétitions nécessaire, et réalisés parcelles. Sans doute aussi, quelques l’ancrage racinaire du peuplier (Dupuy dans des conditions éloignées de la reboisements de l’après-guerre, finan- et al., 2003), qui comprenait un volet sur réalité de terrain. cés par le FFN (Fonds forestier national) et conduits avec des techniques lourdes (bulldozers avec lames de terrassement, andainage des bois… et du sol décapé) avaient laissé des parcelles, 20 ou 30 ans après, dans un état qui justifiait la répro- bation générale. Mais au-delà de la per- ception confuse d’une altération du « capital sol », les techniciens forestiers ne disposaient ni des méthodes, ni des connaissances théoriques pour étudier de plus près ce problème et aller plus loin que quelques recommandations très générales. De plus, par tradition, les caractères physiques du sol – d’ailleurs pas ou peu étudiés – n’étaient pas consi- dérés comme une composante de la fer- tilité.

Études sur les perturbations F. Charnet, IDF du sol L’établissement de profils de résistance mécanique des sols permet d’ex- pliquer une grande part de l’enracinement. Ici, tests au pénétromètre sur Les études sur les perturbations du sol un sol alluvial de la Garonne, dans le cadre d’une étude IDF sur l’ancrage sont peu nombreuses et remontent aux du peuplier

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Le problème lié au tassement ne ment n’engageant pas de travaux travaux, sans qui aucune amélioration concerne pas que la forêt au sens forestiers en propre, sont engagés n’est envisageable. Or, dans beaucoup strict ; ainsi quelques comparaisons ont dans une politique environnementale de régions, il s’agit d’entreprises à été faites dans des systèmes bocagers selon la norme internationale de certifi- effectifs réduits, avec du matériel de Bretagne (programme de cation ISO 14 001, qui est fondée sur la ancien (tracteurs et débardeurs) et des recherches inter-instituts sur le pâtura- formation de leur personnel technique, méthodes de travail où la rentabilité ge hivernal), où les talus de haies et les et participent au niveau régional aux prime sur la limitation des impacts. Les abords dans les parcelles sont tassés séances de travail des agences régio- progrès techniques récents en matière par le piétinement des animaux circu- nales de PFEC (programme européen de machinisme contribuent donc peu, lant d’une parcelle à l’autre par des des forêts certifiées) afin d’affiner les dans ces situations, à la protection des ouvertures : ce piétinement et le tasse- critères nationaux. À titre d’exemple, sols, où le développement doit s’atta- ment qui en résulte sont une cause de on signalera la tenue récente par l’IDF cher en revanche à l’information et la régression des haies et empêchent d’une session de formation spécifique formation d’un public professionnel notamment la régénération. Des pro- sur la « Protection des sols et des peu disponible. Compte tenu de l’am- blèmes identiques se retrouvent dans eaux » pour le compte du CRPF de pleur du problème, la certification des les pratiques sylvopastoralistes de Normandie, dont le premier volet (cor- entreprises de travaux, qui va pourtant forêt paysanne, où l’impact des ani- respondant au 5e critère d’Helsinki) dans le bon sens, jouera encore long- maux en parcours dans les forêts com- aborde des sujets tels que l’impact des temps à la marge. prend les dégâts directs par abroutis- travaux forestiers sur les propriétés sements, mais aussi le piétinement du physiques du sol, la lutte contre l’éro- Au terme de ce tableau nuancé et par- sol et des semis. sion, le point sur les « bonnes pra- fois circonspect, on prend conscience tiques » à préconiser pour préserver que beaucoup reste à faire ou à com- Vulgarisation et les qualités du sol, etc. En marge de prendre. Toutefois, la direction est développement ces actions de formation, des études prise, et la plupart des forestiers parta- de cas et des actions de recherche des- gent désormais, après les agronomes, Dans ce domaine, on peut signaler les tinées à augmenter une base de le jugement en forme d’avertissement réflexions et concertations sur la ges- connaissances encore lacunaire sont formulé par le pédologue Jean tion « durable », commencées à l’IDF prévues, et devraient se développer Boulaine à l’occasion de son jubilé : et poursuivies au CNPPF (Centre natio- avec l’intégration prochaine de l’IDF en « le sol est une ressource non renouve- nal professionnel de la propriété fores- tant que service d’utilité forestière du lable ». tière), en relation avec les ingénieurs CNPPF. L’élaboration de grilles ou de spécialisés en environnement des clefs régionales de prévision des CRPF (centres régionaux de la proprié- risques de compactage en fonction té forestière). On doit ici remarquer des types de sols, par exemple, appa- que le catalogue des indicateurs de raît comme une des priorités. François CHARNET gestion durable, dans sa version 2000, Institut pour le développement ne mentionnait pas la protection des Spécificités du forestier sols : ce thème figure dans la version développement des bonnes Antenne d’Orléans actuelle en cours de révision, mais plus pratiques en forêt privée Responsable du thème « Qualité sous l’angle de l’aléa érosion que celui des sols et qualité de l’eau » à l’IDF du tassement. Les rédacteurs se heur- [email protected] tent en effet à la difficulté de traduire La restauration des sols étant incertai- les résultats des recherches sur la ne et coûteuse, c’est la prévention des dégradation des sols sous la forme dégâts qui apparaît comme la meilleu- d’indicateurs robustes et faciles à re voie pour améliorer la situation. Au- noter. Dans ce domaine, les échanges delà des différences fortes qui peuvent et la réflexion doivent être poursuivis. exister entre régions forestières, selon Bibliographie les contraintes pédoclimatiques, la Quant au développement de la ges- structure de la propriété, les modèles DUPUY L., DRÉNOU C., FOURCAUD tion et la sylviculture durable sous la de sylviculture et la mobilisation des Th., 2003. Sols, racines et ancrage des rubrique du « Management environne- produits, quelques constatations gar- arbres forestiers. Forêt entreprise, mental », et les changements de pra- dent une portée générale. Chez les n° 153, pp. 39-43 tiques qui à terme en résultent pour petits propriétaires, le développement assurer la protection des sols, il prend des cloisonnements est une mesure CHARNET F., 2003. L’enracinement une forme différente selon les acteurs qui est encore à développer. Mais les des arbres et les propriétés physiques de la forêt privée. Les CRPF, orga- clefs du problème sont pour l’essentiel des sols. Forêt-Entreprise, n° 154, pp. nismes de développement et d’agré- entre les mains des entrepreneurs de 37-43

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Conséquences de la sécheresse et de la canicule 2003 : bilan pour les plantations des forêts publiques en 2004

La direction technique de l’ONF (cellule « sécheresse ») en collaboration avec les directions territoriales a lancé en 2004 une enquête nationale sur les jeunes plantations pour faire une première évaluation des conséquences de l’aléa climatique de l’été 2003. Une synthèse des principaux résultats est présentée ici. Chaque direction territoriale a obtenu en retour la base de données et les résultats la concernant. Tous les personnels de l’Office qui ont contribué à cette investigation sont très vivement remerciés.

Été 2003 : des températures hors du commun

Cet été, le plus chaud que la France ait connu ces cinquantes dernières années, a été significativement plus % chaud encore que les records précé- 180 dents de 1994, 1983 et 1976. Tout le territoire a été concerné à l’excep- tion du Nord-Pas-de-Calais, de la 150 Bretagne, de l’Ouest de la Normandie et du cœur des grands massifs montagneux : Massif central, 125 Alpes, Pyrénées. Une canicule excep- tionnelle s’est en outre abattue la première quinzaine d’août dépassant 100 de très loin, par son intensité et sa longueur, ce que la France avait connu depuis 1873. 75 Un déficit hydrique marqué durant la saison de végétation mais pas 50 exceptionnel sauf dans le Sud-Est et le Nord-Est 0 Entre le 1er février et le 18 août 2003, la France a présenté un déficit de précipitation sur la quasi-totalité de son territoire avec des précipita- Fig. 1 : comparaison des précipitations aux valeurs normales ; valeurs de tions souvent comprise entre 50 à l’année 2003 comparées aux normales 1971-2000 (source Météo-France)

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80 % des normales, et seulement 30 quantitatif par sondage. Les plants ont Bourgogne-Champagne-Ardenne, à 50 % des normales dans le Sud- été notés vivants (Nv), morts ou absents Lorraine et Centre-Ouest ; Est. Mais cet épisode a fait suite à un (Nm). Le résultat, exprimé en « taux de quatre territoires, réprésentant 37 % hiver 2002-2003 bien arrosé, notam- reprise » (TDR), représente la proportion des surfaces plantées, montrent des ment sur la moitié Nord du pays, ce qui de surfaces plantées indemnes (plants taux de reprise supérieurs à 85 % : n’avait pas été le cas en 1976. vivants) : Centre-Ouest, Sud-Ouest, Auvergne- Limousin et Rhônes-Alpes ; En conclusion, une particularité de l’an- TDR = Nv x 100/(Nv + Nm) quatre territoires, représentant 58 % née climatique 2003 aura été le cumul des surfaces plantées, ont des taux de et l’interaction d’un déficit hydrique Ce travail s’est traduit par l’examen d’un reprise compris entre 64 % et 73 % : significatif et de températures estivales échantillon de 2 299 plantations, soit Bourgogne - Champagne-Ardenne, exceptionnelles avec un effet évident 2 940 ha de forêt domaniale et 4 126 ha Lorraine, Alsace et Méditerranée ; sur les forêts mais qui reste à quantifier de forêt des collectivités, et au total la Franche-Comté (5 % des surfaces (Bréda et al., 2004). 7 066 ha ; cela représente 44 % de l’ef- plantées) affiche un taux de reprise fort de plantation de l’ONF entre l’au- faible de 54 %. Quels ont été les effets de l’été 2003 tomne 1999 et le printemps 2003. sur les écosystèmes forestiers ? Un taux de reprise très variable dans Résultats de l’enquête l’espace Une enquête nationale dans nationale Le taux de reprise moyen à l’échelle les forêts publiques nationale est de 76 %, mais cette Les résultats présentés ci-après sont moyenne masque une grande disparité Dès la première saison de végétation suc- issus de l’enquête nationale réalisée par territoriale : ce taux varie de 95 % sur cédant à cet aléa climatique, les forestiers les agents de l’ONF de mai à juillet 2004 45 % des surfaces plantées (3 190 ha) ont conduit une enquête sur la vitalité des en forêt domaniale et en forêt des col- à 13 % sur 5 % des surfaces plantées plantations réalisées dans les forêts lectivités, sur les plantations faites entre (350 ha) (voir figure 3). publiques entre l’automne 1999 et le prin- l’automne 1999 et le printemps 2003. temps 2003 (note de service ONF 04-D- La proportion de plantations considé- 254 du 23/04/04). Ces jeunes plantations Répartition des surfaces plantées par rées comme indemnes (TDR > 75 %) ont été choisies pour deux raisons : direction territoriale est de 63 %, celle des plantations par- elles constituent un indicateur de réac- L’examen de la figure 2 permet de tiellement affectées (TDR entre 50 et tion aux stress climatiques car les plants mettre en évidence les éléments sui- 75 %) de 22 % (1 580 ha), et celle des mis en terre ont un système racinaire peu vants : plantations endommagées (TDR < 50 %) développé et peu de réserves, contraire- trois territoires représentent à eux de 15 % (1 060 ha) comme le montre la ment aux semis naturels de même âge seuls 55 % des surfaces plantées : figure 3. À noter que les surfaces où le et, bien sûr, aux arbres adultes ; elles permettent de localiser et d’esti- 2 000 ha 100% 93% mer l’effort de replantations et de regar- 91% 88% 84% nis à fournir. 73% 1 600 ha 80% 69% Cette étude est aussi une contribution de 67% 64% l’ONF à l’expertise collective internatio- 1 200 ha 54% 60% nale « drought-heat 2003 » (« sécheres- se-canicule 2003 ») pilotée en France par le GIP-ÉCOFOR (groupement d’intérêt 800 ha 40% public pour les écosystèmes forestiers) qui rassemble une plate-forme de cher- 400 ha 20% cheurs européens et de gestionnaires forestiers. La « cellule sécheresse » de l’ONF a collaboré avec le DSF (départe- 0 ha 0%

e é ment de la santé des forêts du ministère é de l’Agriculture), l’INRA Centre de Alsace

Lorraine recherche forestière de Nancy, le GIP- ne-Alpes ô diterran Sud-Ouest é

ÉCOFOR et Météo-France. Rh Centre-Ouest M Auv.-Limousin Sur recommandations de l’INRA et du Bourg.-Ch.-Ard. Franche-Comt DSF, les observations ont été faites entre Surface plantée Taux de reprise le 15 mai et le 15 juillet 2004. Chaque plantation a fait l’objet d’un diagnostic Fig. 2 : surfaces plantées et TDR moyen par direction territoriale de l’ONF

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TDR est supérieur ou égal à 80 % représentent 55 % des surfaces plan- tées et que celles où le TDR est supé- rieur ou égal à 60 % représentent 66 %. Enfin, les dégâts de gibier sont signa- lés comme un problème croissant et très prégnant.

La figure 4 met en outre en évidence : un gradient de continentalité : la moitié Ouest de la France est presque indemne de dégâts (TDR moyens supérieurs à 85 %), alors que la moitié Est, à l’exception des Alpes, affiche des TDR moyens compris entre 25 et 74 % ;

une veine de dégâts très prononcés autour d’un axe Meurthe et Moselle – Jura (TDR moyen de 41 %), situation proche de celle de cinq départements de la direction territoriale Méditerranée (Alpes-Maritimes, Bouches-du-Rhône, Vaucluse, Lozère, Fig. 4 : taux moyen de reprise par département Aude), pour une surface totale de 1 060 ha. Autour, une zone présente un évapotranspiration (ETP) élevée au Cette variabilité est aussi observée TDR moyen de 65 % pour 1 580 ha printemps. Ce phénomène est assez pour des essences semblables dans principalement en Alsace, Lorraine, peu fréquemment observé à l’échelle des régions différentes, même peu Bourgogne - Champagne - Ardenne nationale. éloignées. Pour le chêne sessile, par sans omettre la région Méditerranée Bréda et al. (2004) ont montré qu’en exemple, le TDR est de 93 % en (figure 3). Lorraine la sécheresse édaphique a été Centre-Ouest alors qu’il n’est que de la plus sévère enregistrée au cours des 74 % en Bourgogne-Champagne- Ces résultats sont à rapprocher du défi- 54 dernières années pour les feuillus. Ardenne. La situation géographique cit de pluviosité et du déficit hydrolo- En Alsace, cette sécheresse a été plus avec l’intensité de la sécheresse subie gique dans les sols constatés par rap- forte que celle de 1976. est bien sûr un facteur déterminant. port aux valeurs normales (voir figures 4 et 5). Les territoires déjà en fort défi- Sur l’ensemble des plantations pros- À l’échelle nationale, le taux moyen cit en eau dans le sol au 1er juin ont pectées, l’effort total de regarni estimé de reprise par essence (figure 7) varie subi une sécheresse très précoce cou- après une saison de végétation est de de façon modérée. Pour le hêtre sen- plée à un fort ensoleillement, et une 1 900 ha (700 ha en forêt domaniale et sible à la sécheresse et à l’insolation, 1 200 ha en forêt des collectivités) ; le le TDR est de 68 % alors que pour le coût estimé de ces regarnis est d’envi- pin sylvestre réputé pour sa résistance 5 % 10 % ron 2 millions d’euros pour la forêt et sa rusticité le TDR est de 91 %. publique. Ainsi, les résultats reflètent les grands 45 % 22 % 23 % traits de l’autécologie des essences. Comportement des essences Les pins, les chênes thermophiles et

18 % Une variabilité existe entre essences au les autres feuillus (tilleuls, sorbiers…) sein d’une même région. En Alsace, par affichent des TDR compris entre 75 et exemple alors que le TDR moyen est de 92 % alors que le hêtre, le chêne 69 %, les trois principales essences pédonculé, le sapin pectiné et les taux de reprise plantées le douglas, le sapin pectiné, et autres résineux (sapin de vancouver…) > 85% 50% - 75% < 25 % le pin sylvestre n’affichent qu’un taux de atteignent 52 à 72 %. Quant au peu- 60 %. Il est intéressant de rappeler que plier il est un cas particulier, il est ins- 75% - 85% 25% - 50% les résineux consomment plus tôt de tallé en plaine uniquement dans les Fig. 3 (à gauche) : répartition des l’eau que les feuillus, ce qui peut les sols profonds très bien alimentés en surfaces plantées selon le taux conduire à des stress hydriques plus eau (nappe aquifère proche), il sera moyen de reprise graves (Bréda et al., 2004). donc parmi les dernières essences à

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1er juin 2003 Moyenne constatée 1er août 2003 Moyenne constatée 1946 - 2002 1946 - 2002

Fig 5 et 6 : état hydrologique des sols au cours de l’été 2003 comparé à la normale constatée entre 1946- 2002 (RNDE, 2003) L’assèchement des sols est très net par rapport à la moyenne observée depuis 1946 et ce dès le début du mois de juin, en particulier dans les plaines et collines du quart Nord-Est, dans la vallée du Rhône et dans le Sud-Est de la France

souffrir de la sécheresse malgré ses où l’avantage est clairement aux plan- Conclusion exigences en eau élevées. tations d’automne. La Méditerranée, qui n’a reçu que 30 à 50 % de ses pré- Le taux de reprise (TDR) moyen des Effet de l’époque de plantation cipitations habituelles de février à août, plantations faites entre l’automne 1999 Plus la plantation est récente, et donc a particulièrement été touchée par la et le printemps 2003 est de 76 % au proche de l’aléa climatique, plus le sécheresse et la canicule en 2003. La niveau national. On admet, en année TDR diminue. Autrement dit, plus le Franche-Comté a connu une sécheres- normale, qu’une plantation est totale- plant a développé son système racinai- se importante, et les plantations ont ment réussie quand son TDR est supé- re et ses réserves, mais aussi plus il a concerné de façon privilégiée les sta- rieur ou égal à 80 % : ces surfaces amélioré son équilibre entre la surface tions les plus contraignantes sur le plan représentent plus de la moitié de l’ef- racinaire et la surface foliaire, plus il est édaphique. fort de plantation considéré. Si les résistant à la sécheresse (figure 8). dégâts par mortalité de plants sont Enfin, le taux de reprise est identique bien réels et très sérieux pour 15 % Il n’y a pas de différence significative entre les surfaces reconstituées des surfaces plantées, et partiels pour entre les plantations d’automne après tempêtes par plantation et les 22 %, il n’y a pas eu de mortalité et de (TDR = 77 %) et les plantations de prin- surfaces plantées dans le cadre nor- dépérissement généralisés des jeunes temps (TDR = 76 %) sauf en Rhône- mal de la gestion forestière (TDR plantations dans les forêts publiques à Alpes, Franche-Comté et Méditerranée moyen = 76 %). cause de la sécheresse et de la canicu- le de 2003. Bien sûr, des pertes de vita- lité voire de nouvelles mortalités pour- ront être observées, car l’arbre est un

2 000 ha 100% organisme enregistreur qui accumule

96% des stress et réagit de façon différée. 92% 91% 1 500 ha 85% 75% Mais il a aussi une capacité surprenan- 78% 77% 75% 75% 75% 74% 73% 73% 72% 70% te à résister à la sécheresse par des 68% 1 000 ha 50% stratégies d’évitement : régulation 52% stomatique pour limiter son évapo-

500 ha 25% transpiration, perte précoce de feuilla- ge par embolie du xylème pour stop-

0 ha 0% per la demande physiologique en eau

a é é ze é tre notamment, efficience d’utilisation de lè nes ê é ê H Erable Epic sineux Peuplier M Douglas Merisier doncul é ne sessile é l’eau qui permet à un arbre de mainte- ê Pin maritimePin sylvestreAutres pins Autres feuillusAutres ch Ch Sapin pectinne p ê Autres r nir un certain seuil de photosynthèse, Ch et donc de production de produits glu- cidiques, alors qu’il a réduit au strict Fig. 7 : TDR moyen des principales essences et surfaces plantées minimum son évapotranspiration…

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Les caractéristiques climatiques des prochaines années seront donc déter- 4 000 ha 100% minantes pour connaître la réponse 86% 83% 79% complète de ces plantations. 3 000 ha 68% 75% Un facteur est prédominant dans la réaction des jeunes plantations au stress : leur âge au moment de 2 000 ha 50% l’aléa. Plus elles sont récentes, moins les plants ont développé leurs racines, moins ils peuvent prospecter 1 000 ha 25% les ressources hydriques du sol et moins ils ont de réserves glucidiques pour faire face au stress. 0 ha 0%

L’aléa de l’été 2003 nous rappelle à nouveau à quel point la forêt est A99-P00 A00-P01 A01-P02 A02-P03 dépendante des facteurs climatiques Surface plantée Taux de reprise et oblige le forestier à une très gran- de rigueur et à ne pas transiger sur Fig. 8 : TDR et surfaces plantées par campagne, automne (A) - printemps les principes fondamentaux : (P) entre 1999 et 2003

faire le bon choix des essences selon les stations – le bon arbre au Le programme de recherche « post- adultes aux stress climatiques impor- bon endroit – et dans la perspective tempêtes » (2001-2005) piloté par le tants ne se fait, par exemple, de nouveaux aléas et des change- GIP-ÉCOFOR a conclu à la supériori- qu’après 2 ou 3 ans pour le hêtre et ments climatiques, cela conduit à té des plantations en potet et en le sapin ou 5 à 6 ans pour les chênes. installer les essences dans l’optimun godet. de leurs conditions écologiques. Dans les stations à alimentation en La végétation accompagnatrice peut eau limitée, favoriser les essences être favorable (ombrage, appétence tolérantes au stress hydrique. pour les ongulés…) ou défavorable Frédéric MORTIER aux semis et plants forestiers en par- Jean-Claude CHOPART Choisir la région de provenance ticulier à cause de la forte consom- Thierry SARDIN adéquate, si possible locale. Surseoir mation en eau de la végétation her- ONF, direction technique à la plantation si les graines ou les bacée concurrente. Cela doit condui- plants ne sont pas de la provenance re le forestier à contrôler cette végé- adaptée. tation herbacée soit à titre préventif par la sylviculture (bonne gestion de Vifs remerciements à Nathalie Bréda Utiliser des plants de qualité. la lumière arrivant au sol) et des (INRA), Jean-Luc Flot (DSF), Jean-Marie L’établissement de contrats de cultu- exploitations soignées (éviter le tas- Michon (ONF), Robert de Garidel re a l’avantage de fixer clairement les sement du sol), soit par un traitement (ONF) et Erwin Ulrich (ONF) pour leur conditions techniques tant sur les mécanique voire chimique s’il n’y a précieuse collaboration. caractéristiques du matériel végétal pas d’autre solution opérante. que sur les conditions d’élevage. Privilégier l’utilisation de plants Quant à la réaction des peuplements jeunes, les protéger au cours de leur adultes à la sécheresse et à la cani- transport, les mettre en terre le plus cule de 2003, elle sera analysée rapidement possible après réception après quelques années de recul par Bibliographie ou les mettre en jauge. Les protéger les réseaux de surveillance, comme du dessèchement sur le chantier de le réseau européen d’observation de BRÉDA N., GRANIER A., AUSSENAC plantation. la santé des forêts (placettes dispo- G., 2004. La sécheresse de 2003 dans le sées selon un maillage systématique contexte climatique des 54 dernières Éviter la plantation en fente. de 16 x 16 km) et le dispositif RENE- années : analyse écophysiologique et Préférer le potet travaillé qui permet COFOR (réseau national de suivi à influence sur les arbres forestiers. une bonne installation des racines et long terme des écosystèmes fores- Revue forestière française LVI, 2-2004, une reprise de croissance supérieure. tiers). En effet, la réaction des arbres pp. 109-131, Nancy

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Cartographie au GPS des routes forestières en Alsace : un projet au service de la filière bois

Dans le contexte post-tempête, et au vu des difficultés rencontrées en matière de commercialisation des chablis, la direction régionale de l’agriculture et de la forêt d’Alsace a souhaité disposer d’un inventaire exhaustif des routes forestières alsaciennes pour le transmettre à tous les acteurs de la filière bois, notamment ceux de la première transformation, scieurs, transporteurs et entreprises de travaux forestiers. Ce levé du réseau de desserte devait être global, exhaustif, précis, réalisé directement par GPS, et intégré sous forme numérisée dans une base de données de système d’information géographique (SIG).

Contexte, but et étendue naient pour chaque forêt la longueur du projet des routes, et éventuellement des Cadre du projet pistes, sans distinctions typologiques La forêt avec ses 312 000 ha représen- précises. Hormis le fonds cartogra- Partenaires te 38 % du territoire alsacien et pro- phique IGN, il n’y avait pas dans le Le ministère de l’Agriculture, de duit en moyenne 1 500 000 m3 de bois SIG de couche différentiée des l’alimentation, de la pêche et des affaires rurales (MAAPAR), représen- par an. Elle est majoritairement routes forestières. D’autre part, aucu- té par le service régional de la forêt, publique (79 %) et relève du régime ne agrégation cohérente n’était pos- du bois et de la chasse (SRFBC), forestier pour 246 000 ha. La tempête sible entre les données des aména- l’Office national des forêts, du 26 décembre 1999 a touché signifi- gements. l’association Forêt privée cativement 17 000 ha en Alsace (dont d’Alsace (FPA) qui a confié la réali- 14 700 ha en forêt publique) et occa- L’évaluation du réseau de desserte sation en forêt privée à COSYLVAL sionné 6,6 millions de m3 de chablis forestière ne pouvant être qu’approxi- et BOIS ET FORÊTS 67, (soit plus de quatre récoltes mative, le projet prévoyait initiale- l’interprofession de la filière bois annuelles). Alors que la difficile récol- ment une longueur totale de 8 000 km d’Alsace (FIBOIS). te des bois renversés et cassés était en de routes forestières dont 80 % en cours, le besoin d’une bonne connais- forêt publique. En outre, il n’y avait Financement L’opération a été inscrite dans le sance du réseau de desserte s’est fait aucune connaissance quantitative des programme cadre régional sentir. Dans la dynamique budgétaire liaisons entre les forêts et le réseau cofinancé par l’État et le conseil ouverte par le plan chablis, il a été des routes publiques. régional d’Alsace. Une convention décidé d’inventorier l’ensemble des établie entre l’État (MAAPR), et routes forestières de la région Alsace Technique et moyens adaptés respectivement l’ONF et FPA, a pour mettre à la disposition de la filiè- au cahier des charges défini les conditions de financement re bois une cartographie numérisée suivantes : obéissant à une typologie fonctionnel- Le cahier des charges du projet a montant du projet : 533 571 € ; le orientée essentiellement vers l’opti- exigé que les levers linéaires des soit 455 347 € pour l’ONF et 76 224 € misation du transport des bois. routes et des attributs descriptifs pour FPA, € ponctuels soient effectués au moyen subventions : 80 % ; soit 426 856 pour l’ONF et 60 979 € pour FPA, Les données antérieures étaient du GPS. Les données numériques autofinancement de 20 % pour connues essentiellement par les devaient être intégrées dans une l’ONF et FPA. aménagements forestiers qui don- base de données de SIG.

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Le GPS L’instrument à choisir devait offrir plu- sieurs fonctionnalités : une précision moyenne métrique dans des conditions courantes d’utilisa- GPS (Global Positionning System) : système de positionnement géographique tion. Cette précision paraissait a priori par satellites. possible techniquement et était supé- PDOP (Position Dilution Of Precision). Ce paramètre très important du GPS rieure aux références cartographiques indique la qualité de la répartition des satellites. Un PDOP bas (- < 6) indique jusqu’alors utilisées (BD CARTO® *, une bonne répartition. Un PDOP élevé (> 8) est dû à des satellites très regrou- orthophotoplan *). Il s’agissait donc pés ou trop alignés. d’obtenir la meilleure précision pos- Fenêtre satellitaire : période où les valeurs du PDOP sont favorables aux levers. sible dans des conditions opération- SIG : système d’information géographique. Logiciel permettant d’exploiter des nelles et économiques acceptables ; bases de données géoréférencées. la possibilité d’effectuer une correc- Orthophotoplan : image aérienne numérique orthonormée, c’est-à-dire corri- tion différentielle par rapport à une sta- gée de toutes les déformations géométriques dues aux conditions de prise de tion de référence ; vue et au relief du sol. la capacité de lever des objets BD CARTO® : base de données cartographiques de l’IGN décrivant l’en- linéaires et ponctuels ; semble des informations présentes sur le territoire. L’échelle utilisée dans cette la possibilité d’adjoindre un carnet étude est celle de 1/50 000. de terrain (figure 1) permettant d’enre- gistrer les positions et les attributs associés grâce à un dictionnaire de un PDOP maximum à 7. le contrôle de cohérence et de com- données structurées selon la typologie Ce réglage, associé à la correction dif- plétude des relevés ; analysée ; férentielle, a permis d’obtenir une pré- la densification et le lissage des tra- la fixation de seuils de qualité de cision métrique, tout en offrant des cés linéaires (figure 3) ; réception (nombre minimum de satel- fenêtres satellitaires de durées suffi- le traitement des intersections. lites, PDOP, et rapport signal/bruit) ; santes pour les levers. une antenne externe montable sur le toit d’un véhicule grâce à une embase Le SIG magnétique. Les données levées au GPS ont été C’est le modèle PATHFINDER POWER transférées vers deux stations SIG de de TRIMBLE qui a été retenu. Il a plei- l’ONF et de COSYLVAL, équipées des nement répondu aux exigences logiciels ARC VIEW et PATHFINDER requises. OFFICE. Relevé brut dans un secteur montagneux (FD de Saverne) PATHFINDER OFFICE, application spé- cialement dédiée aux GPS Trimble, a été utilisé pour : la correction différentielle des don- nées (figure 2) ; le filtrage des données selon leur qualité de précision ; l’exportation au format utilisé par le SIG. Après correction différentielle, la trajec- ARC VIEW, logiciel de SIG couramment toire s’affine. Il reste encore d’impor- utilisé à l’ONF, a servi pour : tantes erreurs de positionnement Fig. 1 : carnet de terrain

du GPS Trimble Satellites GPS

Les paramètres de réception du GPS ont été fixés comme suit : un minimum de 4 satellites de hau-

GPS embarqué teur supérieure à 15° au-dessus de GPS fixe Transfert des données Un dernier lissage sur SIG donne au l’horizon ; sur un PC tracé sa forme définitive une fréquence de 1 enregistrement Liaison internet par seconde ; Satellites GPS un minimum de 15 enregistrements Fig. 2 : schéma de principe de la Fig. 3 : lissage des levés linéaires sur une position fixe ; correction différentielle

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Le SIG a permis aussi de fournir des fonds de cartes de préparation des ROUTES FORESTIERES levers de terrain (pré-identification carrossables manuelle des types de routes et de certaines contraintes comme les bar- rières), de traiter les résultats et de non accessibles accessibles les intégrer dans une base de don- intersections (P) nées. aux grumiers (L) aux grumiers

Une analyse typologique des don- nature RFC (L) nées revêtue Les données ont été levées sous accessible tout temps limitation (P) deux modes et formats : linéaire accessible temps sec barrière pour les routes, et ponctuel pour les pente forte attributs descriptifs complémentaires hauteur limitée (places et contraintes). L : linéaire chargement (P) largeur limitée P : ponctuel place de dépôt virage serré Les routes forestières carrossables place de voie sans issue Elles ont été classées en deux types retournement limitation (L) place mixte pente forte principaux, selon des critères prag- matiques et fonctionnels : les routes non accessibles aux gru- Fig. 4 : diagramme typologique des données miers, mais accessibles aux véhicules légers (on pourrait les qualifier de Organisation et moyens de cartes géographiques) et l’accom- chemins carrossables) ; opérationnels pagnement au moins partiel des opé- les routes accessibles aux gru- rateurs ; miers, avec trois sous-types : Le pilotage deux techniciens (des domaines - revêtues d’enrobé, Une équipe de pilotage, regroupant public et privé) spécialistes du SIG et - non revêtues et accessibles par tout des représentants des partenaires et des GPS ont été dédiés au traitement temps, les responsables du projet était char- des données du GPS, à leur intégration - non revêtues mais accessibles seu- gée de l’analyse, de la méthode, de dans le SIG, et à la production des lement par temps sec. l’organisation et du suivi global de la résultats. mission. Tous ces acteurs ont été impliqués, par Les données ponctuelles Tous les travaux (analyse, levers GPS, information et formation, dans une Associées aux routes accessibles aux traitement des données) ont été réali- vision globale de la mission, et sensibi- grumiers, elles informent les usagers sés en commun entre les acteurs lisés aux enjeux. C’était une condition sur les facilités de chargement et les publics et privés, selon l’importance de fondamentale pour la motivation, la contraintes de circulation : leurs domaines respectifs. Cette coopé- rigueur des opérations et donc pour la pour le chargement : place de ration à tous les niveaux dans une orga- fiabilité des résultats. dépôt, de retournement et mixte ; nisation unique a permis d’intégrer les les obstacles et contraintes : bar- données dans une base commune. L’ordonnancement et le suivi des rière ; hauteur, largeur et tonnage opérations limités ; virage serré ; forte pente ; Les acteurs opérationnels Pour assurer une progression et un voie sans issue ; Les levers et les traitements de don- suivi efficaces des levers, le territoire les intersections de routes ont nées ont été organisés selon plusieurs alsacien a été partagé en 74 secteurs également été levées afin d’indiquer niveaux de responsabilités et d’exten- selon des critères topographiques. La les jonctions effectives. Elles ont sion géographique : programmation a été menée par les aussi assuré régulièrement des posi- 5 techniciens coordinateurs, chacun coordinateurs, secteur par secteur. tions plus précises (car issues d’au pour une aire géographique détermi- Les opérations ont été ordonnancées moins 15 enregistrements) permet- née, étaient chargés de la planification comme suit : tant ainsi la détection d’erreurs de et du suivi des levers, ainsi que de l’ap- préparation des levers avec les positionnement et d’éventuels reca- pui continu aux opérateurs ; forestiers de terrain, sur fonds de lages. 34 opérateurs, spécialement formés cartes ; La structure des données est sché- au GPS ont effectué les levés ; lever au GPS par les opérateurs. Les matisée sur la figure 4. l’ensemble des forestiers de terrain a levers ont été effectués au moyen des été impliqué dans la préparation des GPS embarqués sur véhicules légers, levés (qualification des routes sur fonds avec l’antenne fixée sur le toit.

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transfert des données du GPS vers la En montagne la tâche est plus ardue. plus) en effectuant plus de 1 100 sor- station SIG ; Le relief masque fréquemment plu- ties. traitement des données sur le SIG, sieurs satellites. Cela produit un effet Le traitement des données sur SIG a et édition de cartes provisoires des sur le PDOP qui peut subir des fluctua- représenté une part très importante du levés ; tions importantes sur de courtes dis- travail : 1 120 fichiers ont été recueillis ; vérification des cartes par le terrain ; tances, dépassant fréquemment le il a fallu manipuler 26 000 segments de corrections des erreurs et levers com- seuil préfixé de 7. routes (de 550 mètres de longueur plémentaires éventuels ; Ainsi les levers ont exigé des opérateurs moyenne) et plus de 20 000 points retour des corrections et finition sur des qualités certaines de patience et la (places, contraintes et intersections). le SIG ; capacité de planifier efficacement les traitement des résultats ; analyse et sorties. Selon les conditions de configu- Une connaissance synthèse ; édition des résultats. ration satellitaires, les opérateurs ont pu approfondie du réseau lever durant 2 à 10 heures dans une jour- alsacien Journée type d’un lever GPS née. En moyenne, la durée quotidienne des sorties a été de 5,5 heures en plaine Consistance du réseau de desserte Rendez-vous sur place entre et de 4,5 heures en montagne. forestière l’opérateur GPS et le forestier local. Dans certaines zones où les conditions Sur le territoire de l’Alsace, le réseau de Revue d’ensemble de la zone à de réception étaient trop difficiles (val- desserte forestière représente 14 200 lever sur la carte de préparation où lées encaissées et versants exposés au km de routes (voir tableau 1), dont 65 % les routes ont été identifiées selon Nord, avec peuplements denses de en forêts publiques, 16 % en forêts pri- le modèle typologique. bois moyens à gros), il a fallu abandon- vées, et 19 % de liaisons hors forêt vers Établissement d’un programme des ner les levers au GPS sur des tronçons le réseau des routes publiques. levers, pour la journée, en fonction généralement courts (quelques Cet ensemble se répartit entre des caractéristiques locales et des dizaines à quelques centaines de 11 500 km (81 %) de routes accessibles éphémérides satellitaires, en mètres). Les segments manquants ont aux grumiers, et 2 700 km (19 %) de cherchant à concilier deux aspects : été raccordés en se basant sur les tra- routes non accessibles aux grumiers optimiser les trajets pour gagner cés de la carte de l’Institut géogra- (mais accessibles aux véhicules légers). en temps et en distances ; phique national (IGN). En tout, cela n’a Le domaine forestier proprement dit effectuer les trajets difficiles (fort concerné que 175 segments totalisant est desservi par 11 400 km de voies car- relief et couverts denses) aux 80 km, soit 0,56 % des routes levées. rossables, dont 9 000 km (79 %) de périodes les plus favorables du routes accessibles aux grumiers, et point de vue satellitaire. Si possible, Les moyens engagés 2 400 km (21 %) de routes accessibles effectuer les tronçons à forte pente Sept GPS Trimble ont été utilisés dans seulement aux voitures. en descendant. le cadre du projet. La réalisation a nécessité 1 500 jour- L’ensemble des 14 200 km de routes Les conditions nées, dont 15 % pour le pilotage (ana- levées constitue un réseau important opérationnelles des levers lyse, organisation et suivi), 65 % pour en termes de desserte forestière et de les levers de terrain, et 20 % pour le coût de gestion. Il est intéressant de le En plaine, les conditions satellitaires traitement des données. comparer à l’ensemble des routes sont généralement bonnes. Les levers Pour 14 200 km de routes levées au départementales, nationales, et des ont pu se faire sans réels problèmes GPS, les 35 opérateurs ont parcouru autoroutes non concédées totalisant d’attentes ou d’interruptions. effectivement 70 000 km (soit 5 fois une longueur de 6 500 km en Alsace.

TAB. 1 : LONGUEURS DES ROUTES LEVÉES

Accessible accessible aux grumiers aux grumiers Longueurs Accessible Accessible Accessible Total des routes % Total Total en km revêtue tout temps temps sec

Forêts publiques 9 290 65 7 510 850 6 150 510 1 780

Forêts privées 2 320 16 1 710 360 1 210 140 610

Liaison hors 2 620 19 2 300 1 120 8 450 90 320 forêts

Total 14 230 11 520 2 330 8 450 740 2 710

% 81 16 60 5 19

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La figure 5 visualise un extrait de la car- tographie obtenue. Forêt communale de Nierderbronn (67 - Vosges du Nord)

Densités des routes en forêt Les densités moyennes (voir tableau 2) varient selon les domaines forestiers (public ou privé) et le relief (plaine ou montagne).

Routes accessibles aux grumiers : les densités moyennes sont nettement moins fortes dans les forêts privées (1,6 km / 100 ha) que publiques (3,0 km / 100 ha). Mais la densité dans les forêts à plan simple de gestion est légèrement Surface total : 1 080 ha Longueur du réseau accessible : 75,6 km plus élevée, en moyenne de 2,0 km / Densité routes accessibles : 7 km pour 100 ha 100 ha. Forêt communale de Saulxure (67 - Vallée de la Bruche) Routes non accessibles aux grumiers : pour l’ensemble des forêts, la densité est de 0,7 km / 100 ha (0,5 en plaine ; 0,8 en montagne). Elle est à peu près la même

sur les domaines publics et privés. Réseau routier forestier Route revêtue En termes d’infrastructure, la densité glo- Accessible par tout temps Accessible par temps sec bale de routes forestières accessibles aux Non accessible grumiers apparaît relativement satisfai- Places sante avec une moyenne de 2,7 km / de dépot 100 ha. Mais ce résultat cache des dispa- mixte : dépot et return rités sensibles, aussi bien localement que de retournement Surface total : 314 ha Longueur du réseau accessible : 5,3 km globalement, entre propriétaires Extrémité sans issue Densité routes accessibles : 1,7 km pour 100 ha

publiques et privés. Ces derniers sont Parcellaire forestier généralement moins équipés en routes. Globalement, la densité des routes est 0 500 1 000 1 500 2 000 2 500 m plus forte de 30 % en montagne qu’en plaine, ce qui est adapté aux contraintes Fig. 5 : extraits de la cartographie des routes au GPS du relief.

TAB. 2 : DENSITÉS DES ROUTES EN FORÊT Densité en km / ha Toutes forêts Forêts publiques Forêts privées moyenne 2,6 3 1,6 Accessible grumier en plaine 2 2,3 1,3 en montagne 3 3,4 1,8 Non accessible grumier moyenne 0,7 0,7 0,6

Facilités de stockage et de chargement Contraintes et obstacles sur les La présence de ces contraintes est nor- sur les routes accessibles aux grumiers routes accessibles aux grumiers male en milieu forestier. La plupart des Ce sont les places de dépôt, de retourne- Ce travail a montré que le lever des barrières ne sont pas fermées par une ment et mixtes (tableau 3). contraintes de transport est assez serrure et matérialisent simplement Les possibilités de stockage de bois appa- important et qu’il faut en tenir comp- une interdiction de circuler conformé- raissent insuffisantes en nombre et en te dans l’évaluation de futurs projets ment au code forestier. Pour les autres, taille. La plus grande part des bois reste similaires (tableau 4). Dans le cas pré- la fermeture doit être mentionnée dans donc stockée le long des routes fores- sent, cela représente en moyenne le descriptif des lots de bois. tières sur des quais de taille modeste. 1 point pour 3 km de route levée.

TAB. 3 : NOMBRES ET SURFACES DE PLACES LEVÉES Dépôt Dépôt et retournement Retournement Total nombre 1 329 1 260 1 813 4 402 surfaces moyennes 5,4 ares 7,1 ares 4,1 ares 5,3 ares

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TAB. 4 : NOMBRES DE CONTRAINTES ET OBSTACLES barrière hauteur limitée largeur limitée tonnage limité virage serré voie sans issue forte pente total contraintes 1 593 40 39 111 92 2 700 339 4 575

Précision des levés levés GPS. En zone de montagne, pour La comparaison avec la BD CARTO® Des mesures d’écarts entre les levés au 510 échantillons sur 57 km de route, d’IGN traduit une précision moindre de GPS et d’autres référentiels ont été l’écart moyen mesuré est de 1,29 mètre. cette dernière et pose le problème de la effectuées (tableau 5). En plaine, où les conditions satellitaires superposition de cette nouvelle couche sont presque toujours bonnes, la préci- de routes forestières, à précision L’orthophotoplan est la référence la sion moyenne doit sensiblement métrique, sur un fond cartographique de plus fiable pour la comparaison avec les meilleure (en dessous du mètre). précision plutôt décamétrique.

TAB. 5 : ÉCARTS DE MESURES AVEC D’AUTRES RÉFÉRENTIELS Nombre Longueur Moyenne Minimum Maximum Écart Variance de points route écarts écart (m) écart (m) type (m) Orthophoto ** 510 57 Km 1,29 m 0,01 m 13,97 m 1,29 m 1,66 m Cadastre ** 194 21,5 Km 2,53 m 0,13 m 26,06 m 2,96 8,70 m IGN * 2683 6,05 m 0 m 30 m 5,4 m * Service SIG de la direction territoriale d'Alsace ** Philippe Herbuvaux, 2002. Valorisation du schéma régional de desserte forestière en Alsace. Mémoire SRFBC

La précision moyenne métrique, qui Une maquette d’optimisation de la col- cièrement les transporteurs qui s’équipe- était visée, a été obtenue. lecte du bois a été développée par la ront d’une configuration de ce type. Une Les seuils fixés pour les paramètres de coopérative COSYLVAL. Elle a été testée première tranche d’équipement de réception des GPS, et les traitements en vraie grandeur pendant un an. Deux 10 camions sera financée en 2005. de correction différentielle ont permis entreprises de transport de bois ronds Mise en place d’un serveur cartogra- ce résultat. Ils étaient aussi compatibles (grumes et bois courts) ont été équipées phique : FIBOIS ALSACE a été chargé de avec des durées journalières de levers d’un ordinateur portable embarqué dans mettre à la disposition des acteurs de la suffisantes. le camion. La configuration comprenait filière bois les informations relevées dans un GPS fixé sur le toit du camion et ce projet de schéma régional de la des- Perspectives connecté au PC, et un logiciel permettant serte forestière en ALSACE. Le principe la visualisation du réseau routier sur un d’un serveur Web a été retenu. Il per- La cartographie numérique des routes fonds cartographique repérant (IGN au mettra une consultation en ligne du forestières d’Alsace constitue une base 1/25 000). Le protocole de travail est le réseau routier forestier avec un fonds de données exhaustives, précises et suivant : repérant adapté (limite des forêts, par- typées. Les pouvoirs publics et la filière - le donneur d’ordre (gestionnaire fores- celles forestières, etc.). Ce serveur bois en Alsace disposent à présent d’un tier, exploitant, scieur) communique au devrait permettre à terme à l’ONF et aux outil précieux dont les perspectives d’uti- transporteur les positions des lots de bois gestionnaires privés de publier en ligne lisation concrète se situent dans plusieurs devant être livrés ; les positions des lots de bois mis en domaines. - cette information est transmise selon dif- vente. Avec ces données, complétées férentes modalités : coordonnées par les informations contenues dans les L’optimisation de la gestion des flux de Lambert, fichier de positions, etc. Le catalogues de vente, il sera possible, bois entre l’amont et l’aval transporteur, après une brève formation, grâce à un moteur de recherche simple, La mise à disposition des acteurs de la est en mesure d’intégrer les positions des de visualiser la position des lots répon- filière bois d’une information exhaustive lots dans le logiciel. Il peut alors visualiser dant à des requêtes simples (essence, sur le réseau de routes forestières acces- simultanément sa position donnée par le volumes totaux et moyens, etc.). Cela sibles aux grumiers doit permettre une GPS et la position du lot de bois à char- facilitera la visite des lots. Il est envisagé, mobilisation de la ressource bois dans ger. Les informations sur le réseau routier dans un deuxième temps, que cette des conditions optimales. (type de route, voie sans issue, place de information puisse être transmise aux L’État, au-delà du travail de relevé et de retournement, etc.) lui permettent une transporteurs et intégrée dans leur systè- caractérisation de la desserte forestière, a navigation assistée vers les lots. Cet me d’aide à la navigation (figure 6). soutenu plusieurs actions destinées à pro- ensemble aide efficacement le chauffeur mouvoir les modalités de mise à disposi- dans son cheminement vers les dépôts La gestion du réseau routier forestier tion aux acteurs de la filière bois de la de bois ; L’inventaire complet du réseau de routes base de donnée des routes forestières en - à l’issue de cette expérimentation, la accessibles aux véhicules légers et aux Alsace. région Alsace a décidé de soutenir finan- poids lourds, permet d’envisager une

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gestion globale du réseau routier fores- Satellites GPS tier en termes d’amélioration et d’entre- tien. Une mise à jour régulière doit être prévue pour conserver une base de don- nées opérationnelle et actualisée.

Liaison GSM indiquant la position Un cadre pour une amélioration de la et le chargement des grumiers desserte au niveau local Au niveau de petites régions ou de cer- tains massifs forestiers encore déficients en routes, une analyse fine de l’améliora- Grumier équipé - GPS tion de la desserte forestière pourra être Scierie - GSM conduite en s’appuyant sur cette base de - PC portable données. Elle doit se traduire par l’élabo-

ration de schémas directeurs de desserte Navigation "temps réél" forestière qui constitueront le cadre des et calcul d'itinéraire futurs projets d’équipement routier. Les orientations régionales forestières pré- voient la réalisation de dix schémas direc- Fig. 6 : schéma de principe de la navigation d’un grumier par GPS teurs en Alsace principalement dans les zones à forte proportion de forêts privées gences du cahier des charges. La préci- tant. Plus d’une trentaine d’opérateurs où il y a un déficit d’équipement ; quatre sion obtenue, d’ordre métrique, devrait ont été formés à l’utilisation de cet instru- sont déjà réalisés. répondre durablement aux besoins de ment. La grande majorité des forestiers géopositionnement tant pour la gestion de terrain ont été, lors des levers, sensibi- L’amélioration de la sécurité des routes que pour l’accès aux forêts lisés voire initiés à son usage. Depuis, Les forces de secours, de police et d’in- des professionnels du bois, des services l’outil GPS a intégré un grand nombre de tervention contre le feu devraient trouver de secours et d’incendie, ou d’autres usa- domaines d’activités: aménagements un grand intérêt à disposer de cette base gers. La donnée obtenue est considérée forestiers, opérations foncières, dossiers de données du réseau routier forestier. aujourd’hui comme un référentiel pour de financements et de travaux, projets Dans ce domaine aussi, le calcul d’itiné- les autres couches d’informations fores- conventionnels très divers, etc. raires optimisés devrait aider, à terme, à tières. Ainsi, lors des révisions d’aména- Enfin, et ce n’est pas le moindre intérêt porter secours aux victimes et à intervenir gements, les parcellaires sont recalés sur de cette expérience, la collaboration per- contre les sinistres. ce réseau routier. Le classement fonction- manente entre les acteurs des forêts nel des routes et le relevé des places de publiques et privées a été garante de la Un outil pour le tourisme régional dépôts de bois devraient permettre à cohérence du projet et de l’homogénéité La mise à disposition, sous une forme à terme de faciliter les opérations de logis- de la qualité des résultats. Elle a montré définir, d’une carte du réseau de routes et tique. Le relevé complémentaire des che- qu’il y avait bien une communauté d’inté- chemins forestiers accessibles au grand mins secondaires et des liaisons avec le rêt et de préoccupations qui s’est expri- public viendra compléter celles qui sont réseau routier public permettra d’utiliser mée dans une collaboration exemplaire. déjà disponibles pour le réseau des sen- des logiciels de calcul d’itinéraire depuis tiers balisés du Club vosgien. Les acteurs la scierie jusqu’à la pile de grumes. On du tourisme disposent là aussi d’un atout peut même imaginer un catalogue des Gérard PATZELT pour le développement de l’accueil du ventes informatisé présentant pour ONF, direction territoriale Alsace public en milieu naturel. chaque lot, la ou les positions GPS des service d’appui technique Ainsi, le produit de ce projet constitue piles de grumes. Quelques transporteurs chef de projet pour l’ONF une trame structurante pour une mise en travaillent déjà avec un GPS et un ordina- [email protected] valeur raisonnée du milieu forestier. teur portable embarqués dans la cabine du grumier, permettant un gain de temps Jean-Louis BESSON Conclusions appréciable pour le conducteur. Directeur de la Coopérative forestiè- Ce projet a également exigé des fores- re COSYLVAL et de Bois et forêts 67 La réalisation de ce projet a apporté une tiers qu’ils élargissent leur champ de chef de projet pour la forêt privée connaissance précise du réseau routier vision au-delà des limites de leurs cir- [email protected] forestier en Alsace dans les massifs conscriptions territoriales habituelles, et à publics et privés, et hors forêts pour les situer les problèmes de desserte à une Laurent GAUTIER liaisons au réseau public. échelle régionale. L’arrivée du GPS et Pierre GELDREICH La technique et le matériel choisis se sont l’apprentissage de son maniement ont ONF, direction territoriale Alsace révélés adaptés à l’objectif et aux exi- constitué un enjeu annexe, mais impor- service d’appui technique

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Plantation en milieu acide hydromorphe. Quelles méthodes ? Quels résultats ? Quel avenir ?

La plantation en milieu acide hydromorphe est une opération délicate, du fait des contraintes liées à l’engorgement. Un ensemble de trois essais, visant à améliorer les techniques de préparation du terrain, a montré l’effet prépondérant d’un traitement herbicide sur la croissance des plants par rapport aux techniques de travail du sol.

Le contexte et les La question se posait donc de savoir Chaque modalité a été répétée au motivations des essais de si de tels travaux étaient indispen- moins deux fois dans des conditions techniques de préparation sables pour obtenir une reprise et stationnelles équivalentes, grâce au de sol une croissance des régénérations système de « blocs ». satisfaisantes, ou si des interventions Le contexte stationnel plus limitées, moins perturbantes et Le troisième essai, situé en forêt de La plantation en milieu acide hydro- moins coûteuses, n’étaient pas suffi- Vierzon et implanté quelques années morphe est une opération délicate. En santes. plus tard, concerne le chêne sessile effet, les sols sont souvent détrempés uniquement, avec des modalités de lors de la mise en place des plants, et Tel était le but de ces essais installés préparation de terrain légèrement dif- la végétation herbacée, à base de en forêts d’Orléans et de Vierzon. férentes. En particulier, l’application molinie notamment, est très concurren- d’un herbicide seul a été testée, car tielle, surtout vis-à-vis de l’eau : lors de Les caractéristiques elle semblait expliquer en grande par- l’enracinement du jeune plant de des trois essais tie les différences de croissance chêne ou de pin, la prospection se fait constatées sur les deux essais précé- dans le même horizon que la grami- L’implantation des dispositifs expéri- dents. Quatre modalités ont ainsi été née, et le jeune plant peut très vite mentaux testées : dépérir lors d’un printemps ou un été Deux des trois essais ont été installés sec, ce qui n’est pas rare dans notre en forêt d’Orléans. L’un concerne le application d’un herbicide unique- secteur ligérien (voir encadré ci- chêne sessile, l’autre, le pin laricio. ment : traitement en plein de la moli- contre). Les modalités de préparation du sol nie au glyphosate (modalité P) ; testées sont les suivantes : application de l’herbicide telle que travail du sol à plat : labour croisé précédemment et labour en plein au Le contexte historique et technique au cover-crop lourd (modalité L) ; cover-crop lourd (modalité PL) ; Jusqu’à une époque relativement travail du sol à plat, avec applica- même préparation, mais avec billon- récente (1990 environ), les méthodes tion préalable d’un herbicide contre nage (modalité PLB) ; de plantation et plus généralement de la molinie : débroussaillage en juillet technique traditionnelle (de gestion forestière sur ces stations 1988 au glyphosate, complété en l’époque !), qualifiée de « locale » : acides étaient lourdes et coûteuses. La mars 1989 par un traitement antiger- préparation complète du terrain (appli- préparation du sol consistait souvent minatif de simazine et d’atrazine cation d’un herbicide, labour, billonna- en un traitement herbicide suivi d’un (précisons que ces deux dernières ge, dessouchage à la pelle Becker) labour croisé, parfois accompagné substances actives sont maintenant (modalité PLBD). d’un billonnage permettant aux racines interdites en forêt) (modalité LP) ; des jeunes plants d’être « au sec ». billonnage au cover-crop lourd, Chaque modalité est répétée quatre fois Nous ne nous attarderons pas sur la avec application préalable d’un her- afin de contrôler la variabilité stationnel- multitude d’autres travaux éventuels, bicide telle que précédemment le. En outre, pour chacune des modali- comme l’assainissement, l’engrillage- (modalité BP). tés, un placeau non planté est conservé ment, sans oublier le dessouchage. pour observer l’évolution naturelle de la

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Les stations en forêt d’Orléans (45)

Elles sont définies et décrites dans le catalogue des stations forestières de l’Orléanais (A. Brêthes, 1993). Les substrats sont majoritairement constitués de sables surmontant des formations argileuses. Les principaux facteurs influençant la croissance des essences sont la profondeur d’apparition du plancher argileux, la nature de ces argiles et leur état de structuration, et l’intensité et la profondeur d’apparition de l’hydromorphie. Dans ce contexte, la microtopographie a de fortes incidences sur la fertilité et modèle une mosaïque de stations très variées. Les stations de la zone d’implantation des essais sont de type SC ou SE, ce qui correspond respectivement à des niveaux argileux se situant entre 40 et 70 cm de profondeur ou à plus de 70 cm, et à des niveaux d’engorgement limités. La végétation est dominée par la fougère-aigle et la molinie, cette dernière pouvant être très abondante dans les peuplements ouverts. Dans tous les cas, ces caractères ne constituent pas une contrainte forte pour la croissance du pin laricio de Corse et du chêne sessile, ce qui justifie le choix de ces essences comme essences-objectif. En revanche, l’installation des plants pose un réel problème. Les stations en forêt de Vierzon (18)

Elles sont définies et décrites dans le catalogue des stations forestières de la Sologne (F. Charnet, 1994). Les stations rencontrées sont de type SAx-1 correspondant à des planosols très acides, fortement hydromorphes, développés dans des sables surmontant des argiles à silex (profondeur des argiles entre 50 et 100 cm). La végétation est dominée par la fougère- aigle et la molinie, cette dernière pouvant être très abondante dans les peuplements ouverts.

Ces deux ensembles de stations présentent donc des contraintes assez proches. Simplement, les stations en forêt de Vierzon ont un engorgement plus prononcé que celles de la forêt d’Orléans.

D’après le guide des sylvicultures de la chênaie atlantique (P. Jarret, 2004), ce type de stations représente 16 % de la surface des forêts domaniales atlantiques, soit environ 28 000 ha. La gestion de ces chênaies acidiphiles hydromorphes constitue donc un réel enjeu à l’échelle du bassin de production.

végétation, mais dans des conditions d’abondance-dominance de Braun- Taux de reprise : léger avantage à la stationnelles un peu différentes. Blanquet a également été réalisé sur modalité billonnée les trois essais. Si, comme nous l’avons vu, les condi- Les mesures réalisées tions édaphiques ne sont pas défa- Le suivi des trois essais est détaillé Des résultats spectaculaires vorables à la croissance du pin laricio dans le tableau 1. Il a porté sur la mor- sur la croissance en hauteur et du chêne sessile, en revanche, talité et la croissance en hauteur des l’hydromorphie et la forte végétation plants. Le suivi de la plantation de Nous présentons ici les résultats issus concurrente (100 % de recouvrement chêne d’Orléans a cessé en 1997, car de l’ensemble des trois essais, en ce en molinie) représentent des condi- des abroutissements très importants qui concerne le taux de reprise et la tions difficiles pour l’installation des ont fortement perturbé l’essai. Un suivi croissance des plants d’une part, la plants. floristique selon les coefficients flore d’autre part.

TAB. 1 : LE SUIVI DES TROIS ESSAIS

FD Orléans FD Orléans FD Vierzon Suivi Pin laricio Chêne sessile Chêne sessile

Date de plantation Avril 1989 Novembre 1988 Mars 1998

Date des dernières mesures de 2002 1997 Fin 2002 mortalité et hauteur Nombre d’années de mesures 13 8 5 après plantation Date des derniers relevés 1995 1995 2003 floristiques Nombre d’années de suivi 6 6 5 floristique

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TAB. 2 : TAUX DE REPRISE SUR LES 3 ESSAIS

FD Orléans FD Orléans FD Vierzon Les trois essais Pin laricio Chêne sessile Chêne sessile

Modalités Taux de reprise à 8 (et 13) ans en % Taux de reprise à 5 ans en %

L 62 (59) 70 (ND)

P 79

LP 66 (63) 74 (ND) 79

BP 85 (84) 87 (ND)

PLB 73

PLBD 94

Sur Orléans, on observe de fortes dis- tiques stationnelles les différences En pratique, ce « bonus » de parités dans la reprise des plants, de croissance observées. croissance permettrait donc non mais celles-ci ne sont malheureuse- Sur Vierzon, il n’y a pas de différence seulement d’économiser un ou ment pas significatives sur le plan sta- significative de croissance entre plusieurs dégagements, mais aussi de tistique. Seul le billonnage permet modalités (16 cm/an sur 5 ans en mettre les plants plus vite à l’abri de la une reprise économiquement moyenne), qui comportent toutes dent du gibier. Si nous ne constatons acceptable, de l’ordre de 85 % un traitement chimique. L’effet pré- pas de fléchissement de la croissance pour le chêne et le pin. L’emploi pondérant du traitement herbicide en hauteur des plants avec le recul d’un herbicide ne semble pas amé- sur la croissance des plants est ainsi dont nous disposons sur ces essais liorer la reprise des plants. conforté. (voir tableau 1), peut-on dire cependant que l’application d’un Sur l’essai de Vierzon, la reprise est S’il ne permet pas d’améliorer le taux herbicide permet également assez comparable à celle d’Orléans de reprise, l’emploi d’un herbicide d’améliorer la production ? Pour (81 % en moyenne après 5 années permet en revanche d’améliorer l’instant, nous ne pouvons conclure sur de végétation), sans différence durablement la croissance en hau- ce point, c’est pourquoi des mesures significative entre modalités. Les teur des plants, alors qu’il n’est sur les derniers accroissements travaux lourds du sol n’améliorent intervenu qu’une fois lors de la courants en hauteur (période 2002- pas la reprise des plants (voir préparation du sol. 2005) sont prévues prochainement. tableau 2).

Une croissance en hauteur nette- 700 ment améliorée dans la modalité s (cm) 600 « herbicide » é Pour le pin laricio et particulière- 500 ment pour le chêne, nous avons 400 constaté des différences très impor- tantes de croissance des plants 300 (supérieures à 1 m en 8 ans) entre 200 les modalités avec herbicide et la modalité sans herbicide des deux 100 essais d’Orléans (voir figures 1 et Accroissement moyens cumul 2). C’est pourquoi nous avons pris 0 12345678910111213 soin d’effectuer un contrôle complé- Années de végétation mentaire des stations au cours de L LP BP l’été 2004, afin de détecter un éven- tuel biais stationnel. Ce contrôle fin, Fig. 1 : évolution de la hauteur totale entre 1989 et 2002 pour le pin laricio de comprenant la réalisation de fosses, Corse. Après 13 ans de végétation, les plants de pin Laricio ayant bénéficié n’a révélé aucune différence de d’une préparation chimique du sol à l’aide d’un herbicide (modalités LP et BP) nature à justifier par des caractéris- ont gagné 1,5 à 2 m par rapport à ceux n’en ayant pas bénéficié (modalité L)

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naturelle fournie, dont la croissance en hauteur est importante. 180 Cependant, on constate qu’il s’agit 160 essentiellement de semis de chêne 140 pédonculé, issus de la futaie sur

s en cm souche de chêne pédonculé dépéris-

é 120 100 sante et récoltée en coupe rase. Cette essence n’étant pas souhaitée cumul 80 sur ce type de station à fort dessèche- 60 Accroissements moyens ment estival, la transformation du 012345678 Années de végétation peuplement a donc été réalisée. Le traitement herbicide semble donc L LP BP être l’intervention minimale permet- tant d’assurer l’installation de l’essen- ce-objectif choisie, en l’occurrence le Fig. 2 : évolution de la hauteur totale entre 1989 et 1997 pour le chêne chêne sessile. sessile. Après 8 ans de végétation seulement, les plants de chêne sessile des modalités « traitées » (LP et BP), ont gagné environ 1 m de hau- Ces observations nous conduisent à teur par rapport aux plants de la modalité L. réfléchir plus largement sur les N.B. : l’absence de croissance dans la modalité L s’explique par la concentration récentes évolutions des techniques d’importants dégâts de cervidés dans cette modalité, alors que la pression du sylvicoles en contexte stationnel dif- gibier était plus uniforme entre modalités dans les premières années de la planta- ficile. tion. Les abroutissements se sont donc concentrés sur les pousses les plus facile- ment accessibles, et ne sont pas responsables des différences de croissance Quelques réflexions sur les constatées techniques sylvicoles

Une réflexion à mener sur les objec- Une végétation accompagnatrice tifs sylvicoles dans un contexte sta- modifiée par les lourds travaux du Que ce soit pour la croissance ou tionnel difficile sol l’installation des plants, les L’analyse floristique sur les trois essais coûteux travaux du sol ont Proscrire les travaux lourds du sol montre que l’effet de l’herbicide sur la montré leur inutilité. En végétation concurrente est fugace, revanche, le traitement herbicide Les essais précédents nous montrent puisque quatre ans après, le taux de permet un gain de croissance que non seulement les travaux lourds recouvrement de la molinie est redeve- durable, ne perturbant que n’apportent pas de gain significatif de nu supérieur à son état initial. Ce qui ne temporairement la végétation reprise ou de croissance des plants, signifie pas qu’il faille traiter de nou- accompagnatrice potentielle. mais engendrent des effets négatifs. veau ! Si l’effet visuel de l’herbicide a Ils déstructurent les horizons superfi- disparu, il permet un gain de croissan- Ce qui nous conduit à dire que ciels du sol, dont nous savons actuel- ce durable, car il faciliterait grande- rien ne sert de dépenser plus, il lement qu’il est primordial de les ment l’installation d’un système racinai- faut intervenir à point : la conserver en bon état. De plus, ils éli- re plus développé. modalité herbicide seul en minent la végétation potentiellement traitement préalable permet ainsi accompagnatrice (charme, bou- d’obtenir le même taux de Concernant les effets sur le reste de la leau…) et favorisent la germination reprise que la modalité la plus végétation accompagnatrice, l’analyse d’espèces concurrentes, comme la lourde en interventions et donc la montre que les travaux lourds du sol plus coûteuse ! callune par exemple (risque de substi- modifient durablement la végétation tution de flore). Ces remarques se initiale, en favorisant le genêt et la cal- vérifient particulièrement dans le cas lune, alors que la diversité ligneuse, à du dessouchage, qui perturbe les sols base de charme et de chêne pédoncu- On peut néanmoins légitimement se en surface, mais aussi en profondeur. lé, est préservée dans la modalité non poser la question de l’utilité de ce Dans des stations plus sèches que travaillée (avec herbicide). Cinq ans traitement par rapport à l’absence celles évoquées ici, on peut pratiquer après le traitement herbicide, on ne totale de travaux préparatoires (ce qui des interventions assez légères, constate pas de réelle inversion de coûterait encore moins cher !). Les comme par exemple la plantation en flore, mais une simple réduction globa- placeaux d’observation de Vierzon potets travaillés dans le recru, lors- le du recouvrement. montrent en effet une régénération qu’il existe.

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Pratiquer des dégagements « sales » lorsque les blocages écologiques doses homologuées, réduction des durables sur des stations acidiphiles et surfaces traitées aux seuls cas où il est Les dégagements ne doivent pas cher- acides hydromorphes (chênaie ou nécessaire) permet de contrôler avan- cher à ne laisser que l’essence-objectif pineraie acidiphile hydromorphe) ne tageusement la végétation tout en res- sur la parcelle. Sur les stations déli- peuvent être résolus pour l’implanta- pectant l’environnement. On pourra à cates, on a en effet tout intérêt à recou- tion de la régénération sans l’usage ce sujet se référer utilement à la syn- vrer le plus vite possible une ambiance d’un herbicide, comme le forexone thèse de Yann Dumas (Cemagref) sur forestière, qui participera naturelle- contre la molinie par exemple (sub- l’impact des traitements herbicides sur ment à la résorption des herbacées stance active : quizalo-P-éthyl), la biodiversité forestière dans la publi- concurrentes favorisées par l’ouverture lorsque l’emploi d’un herbicide cation du GIP-ÉCOFOR « Biodiversité des peuplements. On pourra par apporte une économie substantielle : et gestion forestière », 2002. exemple au stade juvénile garder en le traitement de la fougère-aigle au mélange d’autres essences comme le fougerox par exemple (substance acti- Les engagements PEFC et les normes pin sylvestre, et pratiquer des dégage- ve : asulame) est bien plus écono- ISO 14 001 autorisent l’usage de cet ments manuels en cheminée, mettant mique que des interventions méca- outil dans des conditions bien en lumière la partie supérieure des niques répétées. définies : formations des personnels, houppiers. habilitation des entreprises, respect D’autres critères sont également pris des réglementations en vigueur, res- Faire évoluer les modes de traitement en compte, comme : pect des zones de captage et des plans la biodiversité (présence d’espèces d’eau (voir encadré). La réussite de la régénération sur de fragiles) et le réseau hydrographique grandes surfaces reste un pari risqué (ruisseaux, fossés, mares…) : on n’op- sur ces stations acidiphiles hydro- tera pas pour une méthode chimique si Un exemple de la prise en compte morphes, conditionné par une prépa- les risques écologiques sont réels, de l’outil herbicide dans les ration de terrain adéquate et opportu- la topographie, la portance des sols engagements PEFC : quelques ne. En outre, nous avons constaté que et l’accessibilité des parcelles. extraits des engagements PEFC les stations les moins productives Limousin… engendraient souvent les investisse- Aussi le recours aux herbicides en forêt ments les plus élevés. D’autres modes reste-il très limité et seuls quelques Le propriétaire utilise pesticides et de traitement, tels le renouvellement contextes stationnels pour des par- herbicides lorsque la vitalité ou par trouées ou la futaie irrégulière, celles productives ou des interventions l’avenir de son peuplement sont peuvent constituer des alternatives en « génie écologique » justifient son menacés et qu’il n’existe pas intéressantes. Les stations sont en effet usage. d’autre alternative aussi efficace à très souvent en mosaïques, et liées coût comparable. étroitement à la microtopographie, Ensuite, lorsqu’il décide d’intervenir, le qu’il n’est pas possible d’identifier phy- forestier raisonne l’intervention au Dans une ripisylve, dans les siquement sur le terrain. regard du diagnostic. Ainsi : périmètres immédiats et il préfère une préparation ou un rapprochés d’un captage d’eau Il s’agit là de nouveaux axes de dégagement classique lorsque les potable, ou sur un habitat recherche-développement. conditions s’y prêtent, et il réserve l’ou- remarquable dans la mesure où til herbicide aux cas où les interven- celui-ci peut être identifié par le Pour un emploi raisonné des tions mécaniques sont inefficaces et propriétaire, les traitements herbicides en forêt coûteuses (graminées et fougères) ; chimiques sont proscrits. il utilise des produits homologués Avec un recul de près de 30 années pour l’usage qu’il vise : une liste révi- d’utilisation des herbicides, nous sée annuellement définit les produits sommes arrivés aux préconisations sui- autorisés et les conditions d’utilisation Anne LAYBOURNE vantes. (note de service annuelle) ; Loïc NICOLAS il réalise les traitements dans des Xavier MANDRET La réalisation d’un diagnostic avant inter- conditions optimales, avec des person- ONF, direction territoriale Centre- vention est essentielle. Actuellement, nels formés et compétents, et dans le Ouest dans la direction territoriale Centre- respect de la réglementation et des service technique et recherche Ouest, il existe principalement deux cas mesures d’hygiène et de sécurité. [email protected] où l’utilisation d’un herbicide est justi- [email protected] fiée, en fonction de l’importance de la La recherche montre que l’usage occa- [email protected] végétation concurrentielle et de sa sionnel (une fois en 100 ou 200 ans) et dynamique de développement : raisonné des herbicides (respect des

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à suivre n° 9 - été 2005

Prochain dossier : les réseaux naturalistes de l'ONF

parution : août 2005

Connaître les réseaux naturalistes et les travaux qu'ils mènent : tel est le cœur de ce prochain dossier très pratique qui présentera les réseaux naturalites, et illustrera à travers différents cas concrets les éléments qu'ils peuvent apporter au gestionnaire.

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