Blandine CARPENTIER

Les politiques sociales à de 1977 à 1995

Mémoire d’histoire contemporaine Sous la direction de Gilles VERGNON Institut d’Etudes Politiques de Lyon 2008 / 2009 Soutenu le 4 septembre 2009

Table des matières

Remerciements . . 5 INTRODUCTION . . 6 PREMIERE PARTIE De 1977 à 1981, un volontarisme municipal affiché dans tous les domaines . . 10 Introduction . . 10 I. L’emploi : la priorité absolue . . 10 A). Une situation économique et industrielle délicate . . 10 B). Une municipalité « solidaire » des travailleurs . . 13 C). Des politiques en faveur du développement économique . . 18 II. Une politique sociale active . . 22 A). La petite-enfance au cœur des préoccupations municipales . . 22 B). Un soutien important aux centres sociaux . . 25 C). Les personnes âgées ne sont pas oubliées . . 26 D). L’émergence de préoccupations « sociétales » . . 29 III. Villeurbanne tente de se donner un nouveau visage urbain . . 29 A). Mettre fin au « ghetto » d’Olivier de Serres . . 29 B). Améliorer le cadre de vie des habitants . . 33 Conclusion . . 35 DEUXIEME PARTIE De 1982 à 1988 : entre continuité et tentatives d'adaptation face aux nouvelles réalités sociales . . 36 Introduction . . 36 I. La délinquance : un fléau à combattre . . 36 A). L' « été chaud » des banlieues lyonnaises . . 36 B). La prévention comme solution . . 39 II. Une nouvelle cible d’action : les jeunes . . 41 A). Vaincre le chômage chez les jeunes . . 41 B). Occuper les jeunes sur leur temps de loisirs . . 44 III. La poursuite et l’accentuation des actions sociales menées précédemment . . 47 A). Entre social et sociétal . . 47 B). Agir pour l’amélioration du cadre de vie . . 51 Conclusion . . 53 TROISIEME PARTIE De 1989 à 1995 : la municipalité court-circuitée dans ses actions sociales . . 54 Introduction . . 54 I. La Politique de la ville, clef de voûte des actions municipales . . 54 A). Villeurbanne et le DSQ . . 54 B). Renforcer la sécurité et la citoyenneté . . 58 II. Les jeunes, toujours au cœur des dispositifs d’actions . . 60 A). Une évolution progressive de la représentation des jeunes . . 60 B). Des actions pour et avec les jeunes . . 63 III. Une marge d’action réduite . . 65 A). La multiplication des niveaux de gestion . . 65 B). L’habitude du pouvoir . . 67 Conclusion . . 69 SOURCES . . 72 Archives municipales de Villeurbanne . . 72 Série D : Administration générale de la commune . . 72 Littérature grise . . 72 Presse locale . . 72 Entretiens . . 72 Textes législatifs et rapports . . 72 Sources privées . . 73 BIBLIOGRAPHIE . . 74 Instruments de travail et ouvrages généraux . . 74 Villeurbanne, histoire et politique . . 74 Ouvrages et mémoires . . 74 Politiques locales et municipales . . 74 Ouvrages et mémoires . . 74 Articles . . 75 Socialisme et socialisme municipal . . 76 Ouvrages, thèses et mémoires . . 76 Articles . . 76 La question sociale . . 77 Ouvrages . . 77 Le rôle de maire . . 77 Ouvrages . . 77 Principaux sites internet consultés . . 77 Annexes . . 78 Résumé . . 79 Remerciements

Remerciements Je tiens à remercier toutes les personnes qui m’ont aidée et soutenue lors de l’élaboration de ce mémoire et plus particulièrement : Monsieur Gilles VERGNON, Maître de conférences en histoire contemporaine à l’IEP de Lyon et Directeur de mon mémoire pour m’avoir donné de précieux conseils et indications bibliographiques, Monsieur Bruno BENOIT, Professeur d’histoire à l’IEP de Lyon pour ses recommandations méthodologiques, Monsieur Gilbert CHABROUX, ancien Sénateur-maire de Villeurbanne et Monsieur Fouad CHERGUI, réalisateur du film La Valise, pour m’avoir consacré un peu de leur temps libre lors d’entretiens très enrichissants, Madame Dominique DESSERTINE, Ingénieure de recherche au CNRS/LARHRA, que j’ai eu la chance de rencontrer au début de mes recherches et qui a su orienter ma réflexion, Monsieur Loïc CAZAUX, Moniteur en histoire médiévale à l’Université de Cergy-Pontoise, pour ses conseils et ses encouragements continus tout au long de l’année, Mademoiselle Aude MOREL, pour m’avoir fait part de son expérience de jeune chercheuse en littérature moderne.

Carpentier Blandine - 2009 5 Les politiques sociales à Villeurbanne de 1977 à 1995

INTRODUCTION

« Le socialisme a reconquis notre cité. […] De la Révolution de 1789 au Front populaire, au Docteur Lazare Goujon et à tant d’autres, notre équipe reprend en ce 25 mars le fil de l’histoire ». Charles Hernu, Conseil municipal du 25 mars 1977 Le choix de Villeurbanne pour étudier le socialisme municipal n’est pas dû au hasard. Cette commune rhodanienne de 138 596 habitants, limitrophe de Lyon, est historiquement très ancrée à Gauche. Entrés au Conseil municipal en 1892, les socialistes occupent tour à tour avec les communistes la fonction de premier magistrat de la ville. Dans une logique de différenciation sociale et locale par rapport à Lyon1, les municipalités qui se succèdent depuis la fin du XIXème siècle tentent de donner à la ville une identité spécifique. Pour cela, elles mettent en place des politiques sociales caractéristiques. Les élus socialistes jouent un rôle considérable dans cette affirmation politique de la commune. Les réalisations faites au début des années 1930 sous les mandats du maire socialiste Lazare Goujon sont, à cet égard, exemplaires. Jardins ouvriers, logements sociaux, éducation populaire, culture pour tous, font partie des thèmes principaux auxquels se consacre la municipalité. La construction de l’habitat collectif des Gratte-ciel en 1934 symbolise pleinement les préoccupations hygiénistes et humanistes de Lazare Goujon. À l’époque, cet ensemble de 1 400 logements sociaux en plein centre-ville est unique en et des architectes viennent du monde entier pour le visiter2. On peut alors comparer Villeurbanne à un laboratoire d’idées, à une sorte de vitrine du socialisme municipal. Cette conception positive de la question municipale est celle que proposent les socialistes possibilistes dans le sillage de l’idéologue Paul Brousse. Pour ces derniers, l’avènement du socialisme à l’échelle nationale ne peut se faire que graduellement. De ce fait, les municipalités sont envisagées comme des terrains d’expérimentations de la société future3. Mais, au fil du siècle, les socialistes se détournent du cadre municipal pour concentrer leurs espoirs vers l’État. Ainsi, sous la Quatrième République, la Section française de l’Internationale ouvrière (SFIO) se contente de rédiger des programmes municipaux sans réellement les actualiser4. Le cours des choses ne s’inverse qu’au début des années 1970 quand les socialistes se figurent de nouveau l’institution municipale comme un lieu de contre-pouvoir et

1 MEURET Bernard, Le socialisme municipal : Villeurbanne 1880-1982, Lyon, PUL, 1982, 301 p. 2 « Le quartier des Gratte Ciel de Villeurbanne », reportage télévisé du 23.06.1984 pour FR3 Rhône Alpes, durée 02min12s- consultable en ligne sur le site : http://www.ina.fr 3 LEFEBVRE Rémi, « Le socialisme saisi par l’institution municipale. Jalons pour une histoire délaissée », Recherche socialiste, Revue de l’Office Universitaire de Recherche socialiste, n°6, 1999, p.9-25. 4 Ibid. 6 Carpentier Blandine - 2009 INTRODUCTION

d’expérimentations sociales5. Ce regain d’intérêt pour la question municipale est à mettre en lien avec la nouvelle organisation du Parti socialiste, à la suite du Congrès d’Epinay- sur-Seine de juin 1971. François Mitterrand, le nouveau premier secrétaire cherche alors à « démollettiser » le Parti pour lui donner une impulsion nouvelle. La politisation de la question municipale constitue dès lors un moyen de renouveler le personnel politique local. En outre, le recours au local fait partie de la stratégie envisagée par François Mitterrand dans la perspective des élections présidentielles de 19816. Il s’agit de montrer aux électeurs le potentiel d’action du Parti socialiste. Dès lors, les élections municipales de mars 1977 constituent un enjeu capital et, pour les remporter, la ligne d’action prônée est celle de l’Union de la gauche. Cette nouvelle politisation de la question municipale a des conséquences sur les sections P.S locales. Ainsi, à Villeurbanne, la section se restructure sous la houlette de Rolland Massard, et conformément au souhait de François Mitterrand, elle prépare un programme commun avec le Parti communiste. Mais, le « parachutage » de Charles Hernu à l’automne 1976 à la tête de la section villeurbannaise va mettre à mal ce travail de reconstruction et d’union de la gauche7. Les communistes villeurbannais voient d’un mauvais œil l’arrivée de cette personnalité socialiste protégée de François Mitterrand et n’acceptent pas l’intrusion du national dans les affaires locales. En dépit de nombreuses négociations et de l’intitulé trompeur de la liste PS « Liste d’union pour la gestion démocratique de Villeurbanne », l’alliance avec le P.C ne se fait pas. Cette absence n’est cependant pas préjudiciable à Charles Hernu, qui réussi à s’imposer lors du second tour, le 20 mars 1977 face à l’ancien maire Etienne Gagnaire, ex-SFIO devenu centriste à la suite de son exclusion du Parti en 19688. Néanmoins, même légitimité par les urnes, le nouvel élu doit montrer patte blanche tant son arrivée à la tête de Villeurbanne ne va pas de soi. Ainsi, ce contexte de départ difficile explique en partie pourquoi Charles Hernu commence son premier mandat sur des chapeaux de roues. Il doit faire ses preuves vis-à-vis des villeurbannais et leur montrer qu’il a les capacités de gouverner leur ville. Par ailleurs, dans l’optique de mieux s’ancrer dans le paysage villeurbannais, le nouveau maire va même jusqu’à s’inscrire dans l’histoire politique et sociale de la ville, dont il se présente comme le successeur. Dès lors, l’enjeu de notre travail sera d’analyser la gestion municipale de Charles Hernu à partir de 1977 de manière à vérifier si, comme il le souhaitait au départ, il réussit à renouer avec le socialisme municipal, trait caractéristique de l’histoire et de l’identité politique villeurbannaise. En d’autres termes, Villeurbanne a-t-elle été sous les mandats de Charles Hernu une municipalité socialiste modèle en matière d’actions sociales ? Nous terminerons notre étude en mars 1995 juste avant les élections municipales de juin. Le choix de cette borne chronologique peut surprendre au premier abord, du fait qu’à cette date, le maire n’est plus Charles Hernu, décédé en janvier 1990, mais Gilbert Chabroux. 5 LEFEBVRE Remi, « Le socialisme saisi par l’institution municipale (des années 1880 aux années 1980). Jeux d’échelles », thèse de science politique, Lille 2, 2001. 6 Ibid. 7 GRIFO Lionel, La section du parti socialiste de Villeurbanne et son action municipale, Mémoire de Master 1 d’Histoire, Lyon 2, 2007. 8 Ibid. Carpentier Blandine - 2009 7 Les politiques sociales à Villeurbanne de 1977 à 1995

La disparition de Charles Hernu, survenu moins d’un an après sa troisième réélection en mars 1989 nous laissait plusieurs hypothèses pour le traitement du sujet. Au vue de la problématique, il aurait été logique d’arrêter notre étude juste après la disparition de Charles Hernu, mais, afin de ne pas briser la dynamique de l’analyse, il a décidé de la poursuivre jusqu’en 1995. De surcroît, il peut être intéressant de voir si cet imprévu aurait des conséquences ou non sur la gestion municipale. S’agissant des actions municipales étudiées, nous nous sommes concentrée sur celles ayant trait au social. Ne pouvant en effet analyser l’ensemble des politiques municipales sur près de vingt ans, une sélection a dû être opérée parmi ces dernières. Pour se faire, nous nous sommes penchée sur la définition du socialisme municipal, puisque c’est celui-ci que Charles Hernu souhaite faire renaître à Villeurbanne à partir de 1977. Historiquement et idéologiquement, les politiques menées par les municipalités socialistes ont pour ambition d’émanciper les hommes dès leur plus jeune âge afin qu’ils puissent participer un jour à l’avènement du socialisme et créer une société nouvelle9. Les politiques socialistes déployées à l’échelle locale ont par conséquent une ambition sociale importante. Elles visent notamment à une prise en charge des besoins de la population (santé, logement, éducation…) ainsi qu’à l’amélioration des conditions de vie. Dès lors, il nous a paru judicieux de porter notre attention sur les politiques à caractère social, afin de pouvoir éventuellement faire des comparaisons avec les grands thèmes traditionnels du socialisme municipal. Par ailleurs, l’envie d’étudier les politiques sociales de Villeurbanne a été renforcée par le constat d’une carence de travaux universitaires à caractère historique, sur le thème des politiques sociales urbaines10. Mais, s’intéresser aux politiques sociales d’une commune est une entreprise délicate car la notion de « social » recouvre finalement des réalités aussi diverses que variées. Par ailleurs, il s’agit d’un domaine en perpétuel mouvement car lié aux représentations collectives et à l’évolution générale de la société. Une des ambitions de ce travail est donc de tenter de mieux appréhender le concept de « social » en analysant concrètement les politiques s’y référant à l’échelle d’une commune socialiste, au cours des années 1980. Cette décennie est d’autant plus intéressante à étudier qu’elle voit se mettre en place les lois de décentralisation, qui redéfinissent complètement les compétences politiques et sociales de chaque échelon territorial. Ainsi, on peut se demander par exemple comment la municipalité de Charles Hernu va vivre ce « défi » de la décentralisation ? Et quelles conséquences majeures celle-ci va-t- elle avoir sur les politiques sociales menées ? Pour répondre à l’ensemble de ces interrogations, notre travail est essentiellement construit sur le dépouillement des délibérations de conseils municipaux de Villeurbanne entre 1977 et 1995, ainsi que sur la lecture approfondie de la presse locale : Le Progrès, Dernière Heure Lyonnaise, Lyon matin.

9 LEFEBVRE Rémi, « Le socialisme saisi par l’institution municipale. Jalons pour une histoire délaissée », Recherche socialiste, Revue de l’Office Universitaire de Recherche socialiste, n°6, 1999, p.9-25. 10 À ce sujet, consulter l’ouvrage collectif de MAREC Yannick (dir.), Villes en crise ? Les politiques municipales face aux e e pathologies urbaines (fin XVIII – fin XX siècle), Paris, Créaphis, 2005, 768p. 8 Carpentier Blandine - 2009 INTRODUCTION

La consultation d’ouvrages, d’articles de revue et de thèses consacrés au socialisme municipal, aux politiques publiques locales, à l’institution municipale et à sa gestion, à la décentralisation, ainsi qu’à l’histoire de Villeurbanne est venue compléter le travail initial de recherches réalisé à partir des sources primaires. Les résultats obtenus au terme de la recherche ont été regroupés en trois grandes parties, qui correspondent à peu de choses près aux trois mandats municipaux de Charles Hernu et de Gilbert Chabroux entre 1977 et 1995. Ce découpage chronologique s’est imposé comme le plus propice pour étudier les politiques sociales mises en œuvre. Il permet notamment de repérer plus facilement les ruptures et les continuités existant entre les différents mandats. Animée au départ d’un volontarisme exacerbé, il semblerait que la municipalité Hernu se montre moins entreprenante au cours des mandats suivants. Mais, énoncer cette hypothèse ne suffit pas, encore faut-il la démontrer et essayer d’en expliquer les raisons. C’est à cette tâche que nous allons maintenant nous atteler en dressant un panorama précis pour chacun des mandats effectués entre 1977 et 1995 des actions sociales municipales mises en œuvre.

Carpentier Blandine - 2009 9 Les politiques sociales à Villeurbanne de 1977 à 1995

PREMIERE PARTIE De 1977 à 1981, un volontarisme municipal affiché dans tous les domaines

Introduction

Le 20 mars 1977, au second tour des élections municipales, l'équipe de Charles Hernu est élue avec 59,86% des voix, contre 40,14% pour le maire sortant, Etienne Gagnaire. Très vite, la nouvelle équipe se met au travail afin de remplir les objectifs qu’elle s’est fixés dans son programme de campagne. L’emploi, la petite-enfance, la vie associative, l’environnement font partie des thèmes prioritaires ; les nouveaux élus cherchant par ce biais à afficher leurs différences politiques par rapport à leurs prédécesseurs. Le nouveau pouvoir doit en effet « doublement » faire ses preuves, à la fois sur le plan local où il a à satisfaire la population villeurbannaise qui l’a élu mais également sur un plan plus politique où la victoire de Charles Hernu incarne la poussée des socialistes sur l’échiquier politique français. Par ailleurs, en prenant les commandes de la ville en mars 1977, la nouvelle municipalité renoue avec une tradition socialiste locale, dont elle souhaite perpétuer l’héritage. Aussi, pour faire face à ces impératifs, les nouveaux élus se montrent très dynamiques et très entreprenants dès les premiers mois suivant les élections, notamment dans le domaine social.

I. L’emploi : la priorité absolue

En mars 1977, lorsque la nouvelle municipalité se fait élire; la situation de l'emploi à Villeurbanne est préoccupante. Afin de se montrer solidaire des travailleurs, l'équipe de Charles Hernu met en place un ensemble de politiques en faveur du développement économique.

A). Une situation économique et industrielle délicate Que ce soit en France, dans la région Rhône-Alpes, ou à Villeurbanne, les difficultés économiques du milieu des années 1970 ne semblent épargner aucun échelon territorial.

1). En France

10 Carpentier Blandine - 2009 PREMIERE PARTIE De 1977 à 1981, un volontarisme municipal affiché dans tous les domaines

À partir du milieu des années 1970, et notamment suite au premier choc pétrolier de 1973, la France connaît, comme l’ensemble des pays du monde, un inquiétant renversement de sa conjoncture économique. Parce que depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale, la croissance économique était constamment au rendez-vous (« les trente glorieuses »), cette récession économique est vécue comme un véritable choc par l’ensemble de la société française. L’augmentation du prix du pétrole en 1973, suite à la guerre du Kippour, provoque une hausse des coûts de production pour les entreprises et donc un accroissement généralisé du prix des biens de consommation. Ce climat inflationniste aboutit à la réduction de la consommation et de la production industrielle. Ainsi, en 1975, les capacités productives des entreprises ne sont plus utilisées qu’à 70% de leur potentiel11. Pour faire face à leurs difficultés financières, provoquées par la hausse de leurs coûts de production, beaucoup d’entreprises françaises, quand elles ne font pas faillite, sont contraintes de se séparer d’une partie de leur personnel. Le chômage explose. Le nombre de chômeurs indemnisés atteint un million en 197712. Une autre conséquence néfaste pour les entreprises est la hausse des taux d’intérêt, suscitée par l’augmentation générale des prix. Dès lors, les entreprises ont de plus en plus de mal à emprunter aux banques pour financer leurs investissements productifs. Mais, tous les secteurs économiques et toutes les régions françaises ne subissent pas la crise de manière égale. Les secteurs les plus touchés sont indubitablement les entreprises sidérurgiques, l’industrie textile, et les entreprises mécaniques13. Qu’en est-il pour la région Rhône-Alpes ?

2). En Rhône-Alpes Comme la quasi-totalité des régions françaises, la région Rhône-Alpes est elle aussi touchée par la récession de 1974. De 1975 à 1985, elle perd cent mille emplois industriels14. Mais, cette perte est moins visible que dans d’autres régions très industrialisées, en raison notamment de la création d’un grand nombre d’emploi tertiaire au cours de la même période. Ainsi, le chômage est moins massif qu’ailleurs. Certains journaux de l’époque s’interrogent d’ailleurs sur la réalité de la crise économique en Rhône-Alpes : « La région est-elle réellement malade ?15 ». Dans cet article, le journaliste défend l’idée qu’en dépit « des trous, des déchirures », « le tissu industriel de la région ne s’est pas détruit16 ». Si certains secteurs résistent mieux à la crise que d’autres (pharmacie, chimie), il existe cependant de grandes disparités intrarégionnales. Ainsi, les zones d’industries anciennes, situées principalement à l’Est de la région (St Etienne, Annonay) sont beaucoup plus

11 BERSTEIN Serge, MILZA Pierre. Histoire de la France au XXe siècle de 1974 à nos jours, Bruxelles, Complexe, 2006. 455 pages. 12 Ibid. 13 Ibid. 14 GOFFINET Pierre, « Les marchés locaux du travail en Rhône-Alpes », Économie et statistique, n°1, volume 182, année 1985, p.65-69. 15 L’Express Rhone-Alpes, mai 1975, n°57 p.3-14 16 Ibid. Carpentier Blandine - 2009 11 Les politiques sociales à Villeurbanne de 1977 à 1995

affectées par la crise économique que l’agglomération lyonnaise et le Nord-Est de la région, tournée vers la Suisse et l’Italie17. A priori, on pourrait donc penser que Villeurbanne, voisine de Lyon, échappe à ce marasme économique.

3). À Villeurbanne À Villeurbanne, la situation économique et industrielle est malgré tout assez préoccupante à la fin des années 1970. De 1963 à 1974, 63 entreprises de plus de 50 salariés ont disparu. En 1975 et 1976, 40 entreprises ont fermé ou ont licencié du personnel18. Le taux d’activité de Villeurbanne, c'est-à-dire le rapport entre le nombre d’actifs (actifs occupés et chômeurs) et la population totale de la ville ne cesse de diminuer chaque année. Ainsi, alors qu’il était encore de 46% en 1975, il passe à 41,6 % en 1982, soit un recul de 4,4 points en 7 ans19. Si Villeurbanne ressent autant le poids de la crise économique, c’est notamment parce qu’elle compte de nombreuses « vieilles » industries sur sol. Par conséquent, « des entreprises, qui connaissent déjà des difficultés, disparaissent définitivement 20», provoquant alors une augmentation importante du nombre de chômeurs. Cependant, on peut constater que 38% des actifs villeurbannais travaillent à Villeurbanne. Il s’agit du plus fort taux d’actifs travaillant sur place de l’ensemble des communes de la Communauté urbaine de Lyon, à l’exception de Lyon. Ainsi, à titre de comparaison, 26% des actifs de Vénissieux travaillent à Vénissieux et seulement 23% des actifs de Vaulx-en-Velin travaillent dans leur commune d’habitat21. On pourrait donc conclure d’une « saine » situation de l’emploi à Villeurbanne puisque le chiffre évoqué précédemment prouve qu’un grand nombre d’actifs villeurbannais (38%) parviennent à trouver un emploi sur place. Pour autant, ce chiffre n’est ni révélateur de la situation réelle de l’emploi, ni de celle de la structure de la population active. Ainsi, la part d’ouvriers dans l’ensemble de la population active villeurbannaise a eu tendance à reculer. Alors qu’en 1975, les ouvriers représentaient encore 41% de la population active de Villeurbanne ; cette part tombe à 25% en 1982, soit une diminution de plus d’un tiers. Bien qu’une comparaison soit difficile entres ces deux années, notamment en raison du fait que l’INSEE a procédé à un changement de sa nomenclature en 1982 ; on ne peut cependant exclure l’idée d’une contraction importante de la part des ouvriers parmi l’ensemble de la population active villeurbannaise. En chiffres absolus, cela correspond, en 1982, à une perte de 10 000 à 12 000 actifs ouvriers en moins par rapport à 197522.

17 GOFFINET Pierre, « Les marché locaux… », article cité,p.68. 18 MEURET, Bernard. Le socialisme municipal - Villeurbanne 1880-1982. Lyon, Presse universitaire de Lyon, 1982. 301 pages. 19 Villeurbanne 1982 : Constats et évolutions depuis 1975 – Exploitation des recensements 1975-1982, Agence d’urbanisme de la communauté urbaine de Lyon, 1983 20 MEURET, Bernard - Le socialisme municipal… op.cit.p.248 21 Villeurbanne 1982 : constats et évolutions… op.cit.p.6 22 Ibid. 12 Carpentier Blandine - 2009 PREMIERE PARTIE De 1977 à 1981, un volontarisme municipal affiché dans tous les domaines

Cette réduction de la part des ouvriers dans la population active se voit compenser par une augmentation de la masse des employés (+ 65% par rapport à 1975) et des cadres supérieurs (+25%). En 1982, ces deux catégories représentent réciproquement 45% de la population active pour les employés et 10% de la population active pour la catégorie des cadres supérieurs. Mais, une fois de plus, il convient d’être prudent avec les chiffres donnés puisque l’INSEE a transformé sa nomenclature de classement des catégories socioprofessionnelles en 1982. Comme le constate Bernard Meuret dans son livre23, à la fin des années 1970, la formation sociale de Villeurbanne change. Bien que les catégories d’ouvriers et d’employés continuent à avoir un poids relatif conséquent parmi l’ensemble de la population active de la ville, les classes moyennes et supérieures comptent de manière plus importante à la fin des années 1970. La nouvelle municipalité de Charles Hernu doit donc prendre la mesure de ce changement lorsqu’elle met en place ses différentes politiques sociales. Cependant, comme nous allons le voir après, les politiques d’emploi qu’elle instaure, s’adressent en fait, principalement à la catégorie des ouvriers. S’il est certain que ces derniers sont les plus touchés par les fermetures d’entreprises à Villeurbanne à la fin des années 1970 ; cette catégorie présente en outre l’avantage, pour la nouvelle municipalité, d’incarner la cible traditionnelle du socialisme municipal. La situation économique et sociale de Villeurbanne, à la fin des années 1970 n’est donc pas des plus simples à gérer, même si la commune appartient pourtant à l’une des régions les moins affectées par la crise. Néanmoins, la nouvelle municipalité va faire le choix de soulever les problèmes économiques et industriels de Villeurbanne, et de soutenir les travailleurs touchés par la récession.

B). Une municipalité « solidaire » des travailleurs Dès son arrivée au pouvoir en mars 1977, la nouvelle municipalité est confrontée au problème du chômage massif et des fermetures d’entreprises. Très rapidement, des politiques sociales d’aide et de solidarité aux grévistes vont être mises en place.

1). L’ouverture d’un fond d’aide aux grévistes Lors du troisième Conseil municipal, le 25 avril 1977, Charles Gourdin, l’Adjoint chargé de l’Emploi propose à ses collègues l’ouverture d’un fond municipal d’aide aux grévistes. Il démontre la nécessité de ce fond en invoquant un contexte économique et social explosif : « Devant la dégradation constante de notre économie et l’austérité qui frappe les salariés, les conflits sociaux risquent de se multiplier24 ». En outre, il insiste sur l’obligation morale pour une municipalité socialiste de soutenir les travailleurs : « La Municipalité de gauche de Villeurbanne ne peut demeurer indifférente aux difficultés des travailleurs25 ».

23 MEURET, Bernard. Le socialisme municipal –Villeurbanne… op.cit.,p.255. 24 Délibération n°11 du Conseil municipal du 25 avril 1977 1D59 25 Ibid. Carpentier Blandine - 2009 13 Les politiques sociales à Villeurbanne de 1977 à 1995

Au printemps 1977, plusieurs entreprises implantées à Villeurbanne sont en effet en grande difficulté. Certaines d’entre elles ont récemment fermé et licencié massivement leur personnel, tandis que d’autres s’apprêtent à le faire. Ainsi en est-il des deux entreprises de machine-outil du groupe américain Litton : A.M.T.E.C, qui a fermé à l’été 1976 et Landis-Gendron, qui connait une situation très délicate en avril 1977, après neuf mois de chômage partiel26. Du point de vue de l’emploi, l’enjeu est crucial pour la municipalité puisque Landis-Gendron emploi 280 personnes, dont la majorité est villeurbannaise27. Le cas d’A.M.T.E.C est également problématique en avril 1977 puisque les salariés licenciés décident de réoccuper leur entreprise en signe de protestation. Ils sont donc les premiers concernés par la mise en place de ce fond d’aide. Mais, au moment où cette délibération est votée, fin avril 1977, d’autres entreprises de Villeurbanne comptent également des travailleurs en grève : l’usine Obsession et les établissements Bally par exemple. Même si la municipalité estime à moins d’une centaine28, le nombre de travailleurs villeurbannais grévistes, la situation semble préoccuper les nouveaux élus socialistes, qui décident alors d’instaurer ce fond de soutien. Pour percevoir cette aide financière, gérée par le Bureau d’Aide sociale, les grévistes doivent respecter deux conditions : ne toucher aucune indemnité des fonds publics (excepté l’aide syndicale, qui selon Charles Hernu représente « une aide fraternelle entre les travailleurs ») et ils doivent impérativement résider à Villeurbanne29. Ces prérequis sont une garantie pour la municipalité de n’aider que les grévistes villeurbannais se trouvant dans un réel besoin. Charles Hernu, dans la discussion qui suit cette délibération insiste d’ailleurs sur « l’enquête » que devra mener le Bureau d’Aide sociale « pour être sûr que le travailleur ou la travailleuse réside bien à Villeurbanne30 ». En outre, la municipalité prévoit que cette aide ne puisse être touchée qu’à partir du 12ème jour suivant le dernier jour payé. Par contre, la municipalité n’envisage pas de plafonnement, ce qui suscite des craintes chez certains membres du Conseil municipal. La création de ce fond représente en effet pour la nouvelle municipalité un véritable effort financier, surtout que le budget dont elle dispose, ne reflète pas son choix mais celui de la municipalité précédente. Jean Krikorian, un conseiller municipal, s’inquiète d’ailleurs des conséquences financières que pourrait avoir une grève généralisée sur les finances municipales : « Admettons que nous ayons à Villeurbanne, une grève généralisée. Est-ce que l’on ne risquerait pas de mettre la municipalité en faillite ?31 ». Le maire tente d’être rassurant en précisant que le fond d’aide aux grévistes ne concerne qu’une « dizaine de travailleurs à Villeurbanne » et que dans l’hypothèse « apocalyptique » où il y aurait plus de 10 000 grévistes dans la ville, il ne s’agirait plus d’un problème d’indemnité mais d’un « problème de politique général ». Le maire défend sa politique sociale d’aide aux grévistes en mettant en avant son originalité par rapport à l’aide sociale traditionnelle : « Nous faisons appel à des sentiments 26 Délibération n°11 du Conseil municipal du 4 avril 1977 1D59 27 Délibération n°11 du Conseil municipal du 25 avril 1977 1D59 28 Délibération n°11 Procès Verbal Conseil municipal du 25 avril 1977 29 Délibération n°11 du Conseil municipal du 25 avril 1977 1D59 30 Délibération n°11 Procès Verbal du Conseil municipal du 25 avril 1977 1D59 31 Ibid. 14 Carpentier Blandine - 2009 PREMIERE PARTIE De 1977 à 1981, un volontarisme municipal affiché dans tous les domaines

de solidarité nationale et non pas charitables 32». Et l’adjoint chargé de l’Emploi de rétorquer : « Les grévistes paient des impôts, ce ne serait qu’une solidarité qui leur serait retournée ». L’aide se décline de deux manières. Les grévistes ont ainsi le choix entre la gratuité des repas dans les restaurants scolaires pour leurs enfants et, une aide financière hebdomadaire dont le montant varie en fonction de leur situation familiale. Ainsi est-il prévu qu’un célibataire gréviste puisse toucher 42,00 francs par semaine, tandis que l’aide pour une famille de grévistes avec un enfant de plus de 5 ans à charge peut aller jusqu’à 67,00 francs par semaine33. En débloquant des fonds pour venir en aide aux grévistes, la municipalité de Charles Hernu renoue avec une grande tradition du socialisme municipal, développée pendant l’Entre-deux-guerres34.

2). Un soutien affiché et sans cesse renouvelé aux travailleurs Au cours des premiers mois de son mandat, la municipalité Hernu ne va cesser de renouveler son soutien aux travailleurs par le biais d’actions visibles et de vœux présentés en séance publique de Conseil municipal. Cette solidarité affichée s’inscrit parfaitement dans le discours socialiste de l’époque, qui fait encore de l’ouvrier, une des figures emblématiques de sa politique sociale. Tout d’abord, les travailleurs licenciés des Etablissements A.M.T.E.C, qui réoccupent leur usine à partir du 22 avril 1977 se voient offrir gracieusement un repas chaud quotidien par la mairie, pendant toute la durée de leur mouvement social35. Une fois encore, c’est au nom de la solidarité que Charles Gourdin invite ses collègues à voter cette mesure sociale. La Fête du Travail, le 1er mai 1977, va être l’occasion pour la municipalité Hernu de manifester une nouvelle fois son soutien aux travailleurs villeurbannais. Pour cela, elle organise une table ronde de deux heures ouverte au public sur le thème : l’emploi à Villeurbanne. L’évènement a pour nom « Mairie à direction socialiste ouverte 36». Cette initiative n’est pas propre à Villeurbanne mais regroupe l’ensemble des mairies à direction socialiste de l’agglomération lyonnaise telles que Bron, Saint-Fons, Saint-Priest, Meyzieu. Il s’agit pour ces municipalités socialistes, souvent récemment élus, de « marquer le premier mai 1977 à la gauche, à la rose et au muguet37 ». Même si rien n’est laissé au hasard dans la mise en scène («dans la salle du conseil, il y avait un seul bouquet : la rose symbolique au milieu d’une botte de muguet 38»), la cérémonie est un véritable succès populaire. Selon Le Progrès39, il aurait même fallu ajouter des sièges dans la salle du conseil, tant il y a avait de monde. Charles Hernu profite de cette table ronde pour rappeler le Programme du Parti

32 Ibid. 33 Ibid. 34 LEFEBVRE Rémi, « Le socialisme saisi par l’institution municipale : jalons pour une histoire délaissée », Revue de l’office universitaire de recherche socialiste, n°6, mars 1999, page 9-25. 35 Délibération n°8 Conseil municipal du 25 avril 1977 1D59 36 Délibération n°9 Conseil municipal du 25 avril 1977 1D59 37 Le Progrès, le 2 mai 1977 38 Ibid. 39 Ibid. Carpentier Blandine - 2009 15 Les politiques sociales à Villeurbanne de 1977 à 1995

socialiste par rapport au problème de l’emploi et du chômage en France. « Il cite François Mitterrand, Georges Marchais et Robert Fabre sur leur déclaration concernant la possibilité de créer 500 000 emplois 40». Puis se succèdent tour à tour, des travailleurs d’A.M.T.E.C, de Landis-Gendron, qui exposent devant le Maire et ses conseilleurs municipaux, la difficulté de leur situation professionnelle. Même s’ils ne l’affichent pas explicitement, cette table ronde est pour les nouveaux élus, le moyen de prouver leur légitimité et de démontrer à la population villeurbannaise, ce que peut et doit être une municipalité à caractère socialiste. Et, quoi de plus judicieux que de s’afficher aux côtés des travailleurs lors de la Fête du Travail ? Une autre manière imaginée par la municipalité pour afficher son soutien aux travailleurs consiste à émettre des vœux lors des séances publiques des conseils municipaux. L’article L. 2121-29 du Code général des collectivités territoriales autorise en effet le Conseil municipal à formuler « des vœux sur tous les objets d’intérêt local ». Par contre, jusqu’aux lois de décentralisation de 1982-1983, les vœux à caractère politique sont interdits sur la base de l’article L.121-29 du Code des communes. Celui-ci interdit « à tout conseil municipal soit de publier des proclamations ou adresses, soit d’émettre des vœux politiques […] 41». Ainsi, lorsqu’il émet des vœux sur la situation de telle ou telle entreprise en difficulté, le conseil municipal de Villeurbanne se place à la limite de l’illégalité puisque via ces vœux, il prend malgré tout position sur des questions de politique économique générale. On en veut pour preuve la séance du 4 avril 1977, au cours de laquelle le Conseil municipal « décide à l’unanimité, d’adopter un vœu invitant les pouvoirs publics à tout mettre en œuvre pour maintenir à Villeurbanne les activités des Ets Landis-Gendron, afin de ne pas aggraver la situation des salariés, déjà trop nombreux à être touchés par la crise économique 42». Des vœux de ce genre, l’équipe municipale de Charles Hernu en vote quasiment à chaque séance de conseil municipal au cours de l’année 1977. Ainsi, lors de la séance du 25 avril 1977, le Conseil municipal exhorte le Préfet du Rhône à organiser une rencontre entre les pouvoirs publics, la Direction d’A.M.T.E.C et les représentants du personnel « afin de tenter de dégager une solution industrielle à ce problème 43». Lors de la séance du 4 juillet 1977, le Conseil municipal vote même un vœu à l’intention du Premier Ministre. Ce vœu, intitulé « L’Emploi priorité absolue » expose les souhaits de la municipalité villeurbannaise de voir se créer « 150 000 emplois dans les services publics [… ], 60 000 emplois dans la fonction publique locale […], 90 000 emplois impliqués par le soutien de la demande privée 44». En parallèle de ces créations d’emploi, le Conseil municipal propose « la baisse de la durée du travail, en particulier pour les travaux pénibles » ainsi qu’une « décentralisation réelle de la gestion du marché du travail sur les besoins d’emploi locaux ». Le Conseil municipal termine ce vœu en affirmant que « l’État dispose, par le crédit et la politique des prix, de moyens importants, d’action sur la création d’emplois dans les entreprises ». Ainsi, pour le Conseil municipal de Villeurbanne, augmenter le

40 Ibid. 41 « Possibilité pour les organes délibérants des EPCI d'émettre des vœux », site CarrefourLocal.Senat.fr, http:// carrefourlocal.senat.fr , 04.06.09 42 Délibération n°11 Conseil municipal du 4 avril 1977 1D59 43 Annexe à la Délibération n°12 Conseil municipal du 25 avril 1977 1D59 44 Délibération n° 1 bis Conseil municipal du 4 juillet 1977 1D60 16 Carpentier Blandine - 2009 PREMIERE PARTIE De 1977 à 1981, un volontarisme municipal affiché dans tous les domaines

nombre d’emploi en France ne serait qu’une question de volonté politique et non de moyens financiers. Lors de cette même séance du 4 juillet 1977, Charles Gourdin enjoint également le Préfet du Rhône à offrir la gratuité des transports en commun aux chômeurs recherchant un emploi, invoquant le fait que rechercher un emploi est une « démarche coûteuse et qui se prolonge souvent pendant des mois45 ». Un autre dispositif utilisé par la municipalité pour soutenir les travailleurs consiste à subventionner les unions locales des syndicats reconnus, implantés à Villeurbanne tels que la C.G.T, la C.F.D.T, et la C.G.T-F.O. . Cette nouvelle aide est présentée par Charles Gourdin comme une innovation puisque « jusqu’à ce jour, les Syndicats ne touchaient aucune subvention de la Ville46 ». Le montant alloué s’élève à 7 500 Francs, soit 2 500 Francs pour chacune des trois unions syndicales locales. L’Adjoint en charge de l’Emploi fait d’ailleurs remarquer à la salle, lors de la présentation de son rapport, « l’effort exceptionnel » que représente cette allocation, étant donné que le budget de 1977 a été voté par l’équipe municipale précédente. Puis, Charles Gourdin fait ensuite l’éloge des Syndicats en rappelant leurs engagements absolus pour : « l’amélioration des conditions de travail, l’élévation du niveau de la vie et le maintien de l’emploi de tous les salariés dans tous les secteurs d’activité professionnelle47 ». Il faut également préciser que la municipalité Hernu décide de réserver l’occupation du Palais du Travail aux seules organisations syndicales, qui peuvent installer à titre totalement gratuit leurs permanences. Il s’agit d’un fait nouveau dans la mesure où jusqu’alors le Palais du Travail était à la fois occupé par des organisations syndicales mais aussi par diverses autres associations. Or, l’équipe Hernu souhaite rendre au Palais du Travail « sa véritable et unique vocation d’accueil des organisations syndicales représentatives48 ». Les autres associations ont, quant à elles, un lieu qui leur est désormais exclusivement dédié : la Maison des Associations. Ces différentes mesures sociales : fond d’aide aux grévistes, Table Ronde sur l’Emploi, vœux du Conseil municipal, subventions complémentaires aux syndicats constituent véritablement des actes de solidarité à l’égard des travailleurs. D’ailleurs, la Presse ne reste pas indifférente au dynamisme de la municipalité villeurbannaise. Dans son article sur Villeurbanne, du 19 octobre 1977, intitulé « Pour l’union totale sur le front de l’emploi49 », le Progrès revient sur les diverses actions mis en place par la municipalité socialiste, avec cependant un zeste d’ironie : « On a même parfois l’impression que la nouvelle municipalité pratique la fuite en avant pour essayer de convaincre les syndicats qu’elle est bien de gauche ». Le journaliste fait ici allusion à la campagne municipale de 1977 au cours de laquelle la C.G.T, avait soutenu la liste communiste de René Desgrand et non celle de Charles Hernu50.

45 Ibid. 46 Délibération n°6 Conseil Municipal du 17 octobre 1977 1D60 47 Délibération n°6 Conseil Municipal du 17 octobre 1977 1D60 48 Ibid. 49 Le Progrès, le 19 octobre 1977 50 Ibid. Carpentier Blandine - 2009 17 Les politiques sociales à Villeurbanne de 1977 à 1995

Mais la municipalité socialiste va compléter cette solidarité qu’elle apporte aux travailleurs, en mettant en place de véritables politiques favorisant le développement économique de Villeurbanne.

C). Des politiques en faveur du développement économique Les politiques, que nous allons énumérer, visent aussi bien le maintien de l’emploi déjà existant que l’implantation d’entreprises nouvelles. La volonté de la municipalité Hernu à mettre en œuvre une politique économique vigoureuse est déjà présente avant les élections dans le Manifeste municipal. Maintenir et encourager la création d’emplois à Villeurbanne constitue même l’un des points les plus fondamentaux du programme municipal socialiste : « Nous qualifiions alors cette politique de prioritaire51 ». Ainsi, pour commencer, la nouvelle équipe municipale instaure un poste d’Adjoint chargé de l’emploi, que Charles Gourdin va occuper pendant les deux premiers mandats de Charles Hernu. C’est une innovation non négligeable car jusqu’alors « les secteurs de l’emploi, de l’industrie ne figuraient ni dans l‘organigramme de la Mairie, ni dans les responsabilités d’un élu52 ». Très rapidement, Charles Gourdin prend les choses en main. Il multiplie les contacts avec du travail et de l’industrie, intervient en faveur des entreprises en difficulté, facilite la venue d’entreprises nouvelles53. Tentons maintenant de recenser ces différentes politiques municipales mises en place pour défendre l’Emploi.

1). Réserver des terrains pour l’implantation industrielle Avant de favoriser l’implantation d’industries nouvelles, il est primordial pour la nouvelle municipalité de maintenir le potentiel productif déjà existant à Villeurbanne. Ainsi, la municipalité cherche à conserver au maximum de ses possibilités un patrimoine de terrains à usage industriel54. Pour réaliser cet objectif, la municipalité a le choix d’agir soit par voie de préemption, soit par voie de classement au Plan d’Occupation des Sols (POS). Le droit de préemption est la faculté pour une commune, d’acquérir prioritairement un bien, par rapport à toute autre personne55. Ainsi, la municipalité de Charles Hernu va faire jouer son droit de préemption auprès de la Communauté urbaine de Lyon (Courly) pour récupérer le terrain de l’entreprise A.M.T.EC. Lors de la lecture de son rapport sur l’emploi en janvier 1978, Charles Gourdin s’exclame sur ce point : « Le terrain AMTEC appartenant à la multinationale LITTON ne servira pas les intérêts des promoteurs56 ».

51 Délibération n°37 Conseil Municipal du 12 février 1979 1D64 52 Délibération n°7 Conseil Municipal du 9 janvier 1978 1D61 53 Délibération n° 37 Conseil Municipal du 12 février 1979 1D64 54 Délibération n°37 Conseil municipal du 12 février 1979 1D64 55 « Droit de préemption », site Droit.Pratique.fr, http://droit.pratique.fr , 05.06.09 56 Délibération n°7 Conseil municipal du 9 janvier 1978 1D61 18 Carpentier Blandine - 2009 PREMIERE PARTIE De 1977 à 1981, un volontarisme municipal affiché dans tous les domaines

Mais la nouvelle équipe municipale choisit principalement d’agir par le biais du P.O.S, qu’elle imagine comme une traduction urbanistique de ses conceptions et priorités politiques57. Elle réussi à obtenir du Préfet, l’abandon in extremis de l’ancien P.O.S, voté par la municipalité précédente mais non encore engagé en mars 1977. Un des premiers enjeux du nouveau P.O.S qu’elle conçoit est de donner un coup d’arrêt à la désindustrialisation.58 Pour cela, l’équipe municipale va s’opposer à la spéculation : « À la spéculation, nous avons résolument dit non 59», en maintenant aux terrains industriels leur vocation originelle. Par conséquent, lorsqu’un industriel décide de partir, il doit obligatoirement vendre son terrain à un autre industriel, ce qui permet ainsi d’empêcher la spéculation foncière60, et au-delà de favoriser le maintien de l’industrie et de l’emploi sur le sol villeurbannais.

2). Des stages de formation pour les jeunes villeurbannais en échec scolaire Pour qu’un territoire se développe économiquement, il est nécessaire qu’en parallèle il y ait une main d’œuvre bien formée à disposition des chefs d’entreprise. Or, à Villeurbanne, comme du reste en France à l’époque (« des centaines de milliers au niveau national61 »), le nombre de jeunes peu ou pas formés reste trop élevé. Selon Charles Gourdin, l’Adjoint chargé de l’Emploi, cette situation est problématique car, sans formation, ces jeunes n’ont quasiment aucune chance de trouver un emploi62. C’est la raison pour laquelle, il propose en octobre 1978, une « nouvelle mesure expérimentale concernant la formation professionnelle », qu’il baptise Programme d’Intérêt Local (P.I.L). Cette initiative s’adresse à douze jeunes villeurbannais de plus de 16 ans, au chômage et sans aucune qualification professionnelle. Il s’agit d’une formation professionnelle offerte par la municipalité, se répartissant en 400 heures d’apprentissage pratique et 400 heures de formation théorique63. Dans son projet, Charles Gourdin prévoit que l’apprentissage pratique se fasse dans le cadre d’un travail effectué pour la commune et encadré par les techniciens municipaux. La partie théorique, quant à elle, doit être assurée par l’Institut de Formation Rhône-Alpes (I.F.R.A), une association spécialisée dans l’insertion sociale et professionnelle de personnes en difficultés. Au départ, deux secteurs d’activité sont proposés à la formation : l’électricité-bâtiment et la menuiserie. Charles Gourdin a conscience que, seule, son initiative ne résoudra pas le problème du chômage mais par elle, il revendique l’identité socialiste de la municipalité de Villeurbanne : « les municipalités à direction socialiste […] font voir ce qu’elles sont capables de faire, et même elles montrent ce qu’elles pourraient réaliser si, un jour, le Parti socialiste était au pouvoir 64». On perçoit bien ici, le rôle de « laboratoire social », que peuvent jouer les municipalités socialistes, au travers des politiques sociales qu’elles mettent en œuvre.

57 MEURET, Bernard. Le socialisme municipal –Villeurbanne… op.cit,p.255-256. 58 Ibid. 59 Délibération n°7 Conseil municipal du 9 janvier 1978 1D61 60 MEURET, Bernard. Le socialisme municipal –Villeurbanne… op.cit,p.256. 61 Délibération n°8 Conseil municipal du 9 octobre 1978 1D62 62 Ibid. 63 Ibid. 64 Délibération n°8. Procès verbal du Conseil municipal du 9 octobre 1978 1D62 Carpentier Blandine - 2009 19 Les politiques sociales à Villeurbanne de 1977 à 1995

La discussion suivant cette proposition tourne autour de la légitimité des communes à intervenir dans des domaines, qui, à priori relèvent d’une compétence de l’État. Certains conseillers municipaux tels que Jean-François Patin ou Bernard Rivalta pensent en effet, que ce ne sont pas aux municipalités de financer ce genre de politiques sociales mais à l’Etat : « nous nous substituons partiellement aux charges de l’Etat dans cette affaire65 ». À travers cette initiative sociale, il est intéressant de remarquer que les thèmes de la jeunesse désœuvrée et dangereuse, qui vont devenir les thèmes-phares des politiques municipales dans les décennies suivantes, sont déjà présents. Ainsi, Charles Gourdin présente son projet comme un moyen de soustraire douze jeunes villeurbannais « aux influences néfastes de la rue et de l’assistanat 66 ». Les jeunes commencent à faire peur. À partir de ce moment, les politiques sociales les concernant ne vont cesser de se multiplier. Mais, nous y reviendrons dans les parties suivantes. Malgré les réserves initiales de certains conseillers, le projet semble bien fonctionner. Lors de la séance du 7 mars 1979, Charles Gourdin fait un premier bilan de sa politique67. Excepté « quelques problèmes relationnels et d’adaptation », que l’Adjoint met sur le compte de la juvénilité et de l’absence de repères des participants, il affirme que « l’intégration s’est réalisée pour une grande part d’entre eux ». Dans ce bilan, Charles Gourdin remercie également les ouvriers municipaux, qui prennent en charge l’apprentissage pratique des jeunes. En revanche, chose quelque peu surprenante, l’Adjoint ne félicite à aucun moment les stagiaires. Au contraire, il emploie même un vocabulaire plutôt péjoratif lorsqu’il désigne la formation que leur transmet le personnel municipal : « Il faut remercier les maîtres-ouvriers […] qui assument cette tâche, à la fois ingrate et passionnante68 ». La municipalité déploie pourtant une grande énergie à trouver un emploi aux douze stagiaires à la fin de leur formation, alors même, que ce n’est pas une obligation initiale du projet. En effet, lorsqu’il l’a présenté en octobre 1978, Charles Gourdin avait précisé : « La mairie, bien sûr, ne peut prendre aucun engagement d’embauche vis-à-vis de ces jeunes 69». Le résultat obtenu va donc au-delà des espérances de l’Adjoint puisque le 18 juin 1979 : « Quinze jours après l’issue de ce stage, six de ces douze stagiaires ont trouvé un emploi, un sera embauché après les vacances […] ». Quant aux autres stagiaires, s’ils n’ont pas trouvé d’emploi, ils en sont eux-mêmes responsables pour Charles Gourdin : « […] trois n’ont pas cru devoir accepter les propositions d’emploi qui leur ont été faites jusqu’à maintenant, un préfère demeurer dans un état marginal ». Aux vues de ces bons résultats, le Conseil municipal vote le renouvellement de ces stages, en y apportant cependant quelques modifications. Le domaine de l’électricité est supprimé, mais deux nouveaux secteurs de formation apparaissent : la maçonnerie et l’horticulture. La durée du stage augmente, passant de 800 à 1200 heures. Une plus grande place est accordée aux animateurs de quartiers et aux M.J.C, auxquels sont confiés la formation culturelle des stagiaires, ou plutôt, comme

65 Ibid. 66 Délibération n°8 Conseil municipal du 9 octobre 1978 1D62 67 Délibération n°3 Conseil municipal du 7 mars 1979 1D64 68 Délibération n°3 Conseil municipal du 7 mars 1979 1D64 69 Délibération n°8 Conseil municipal du 9 octobre 1978 1D62 20 Carpentier Blandine - 2009 PREMIERE PARTIE De 1977 à 1981, un volontarisme municipal affiché dans tous les domaines

l’indique l’Adjoint en charge de l’Emploi « l’effleurement culturel70 ». On perçoit une fois encore, la distance culturelle et sociale qui existe, selon Charles Gourdin, entre ces jeunes et le reste de la société. Jusqu’en 1981, les stages PIL seront reconduits chaque année par le Conseil municipal, avec constamment un élargissement des formations offertes. Ainsi, pour la troisième expérimentation, qui commence en novembre 1980, les jeunes stagiaires peuvent désormais se former dans des domaines professionnels plus variés tels que la menuiserie, la plâtrerie peinture, la maçonnerie, l’électricité-bâtiment, l’installation thermique et sanitaire, les espaces verts71. Avec cette politique sociale, la municipalité Hernu cherche à solutionner le problème du chômage et du manque de formation chez les jeunes. En cela, la municipalité villeurbannaise innove et devance les mesures nationales pour l’emploi des jeunes, mises en place à partir du milieu des années 1980, telles que les Permanences d’Accueil d’Information et d’Orientations (P.A.I.O) et les travaux d’utilité collective72.

3). La création du Bureau Villeurbannais de Développement Industriel Lors de la séance du Conseil municipal du 12 février 1979, Charles Gourdin propose la création d’une nouvelle structure, ayant pour but de regrouper et de mettre en relation les différents partenaires industriels, financiers, et institutionnels. Les experts économiques et les universitaires sont également invités à participer au fonctionnement de cet organisme. L’Adjoint considère cette structure comme l’aboutissement logique de l’effort entrepris par la municipalité socialiste en faveur de l’emploi et de l’industrie, depuis son arrivée au pouvoir en mars 1977 : « il faut intégrer ce travail, engagé dans diverses directions, au sein d’une structure institutionnalisée 73». Les missions confiées au Bureau villeurbannais de développement industriel (B.V.D.I) sont diverses. Elles vont de « la promotion industrielle de Villeurbanne », à l’aide au « montage juridique, financier et administratif » en passant par « l’animation et les échanges entre les partenaires économiques74 ». Par le biais du B.V.D.I, la municipalité cherche à attirer à Villeurbanne de nouvelles entreprises. Cependant, l’objectif n’est pas de faire venir n’importe quelle entreprise. Seules, « les entreprises non polluantes, ou du moins agencées pour supprimer les nuisances75 » sont les bienvenues. Ainsi, l’accent est mis sur « les petites et moyennes entreprises et industries des secteurs de pointe, porteuses d’emplois nouveaux76 ». Même si le B.V.D.I est très lié à la municipalité - son Président est Charles Gourdin, l’Adjoint en charge de l’Emploi -, cette association n’en est pas pour autant une émanation stricto sensu puisque les membres viennent d’horizons très variés.

70 Délibération n°6 Conseil municipal du 18 juin 1979 1D65 71 Délibération n° 29 Conseil municipal du 24 novembre 1980 1D70 72 « Les politiques d’insertion (1980-2009) Chronologie », site Vie Publiqu e, www.vie-publique.fr , consulté le 10.06.09 73 Délibération n°37 Conseil municipal du 12 février 1979 1D64 74 Ibid. 75 La Dernière heure lyonnaise, le 24 février 1979 76 Bulletin Municipal – Vivre à Villeurbanne, n°8, page 8. Carpentier Blandine - 2009 21 Les politiques sociales à Villeurbanne de 1977 à 1995

En 1985, six ans après sa création, le B.V.D.I semble remplir ses missions. Concernant son activité de conseil, Charles Gourdin affirme en effet que dans 70% des cas, le B .V.D.I a réussi à solutionner les problèmes des entreprises ayant fait appel à lui77. Concernant, l’implantation de nouvelles entreprises, le B.V.D.I les favorise par le biais des subventions qu’il octroie aux projets novateurs. Ainsi, dans le cadre du concours « Entreprendre en 1985 », qu’il organise, le B.V.D.I offre respectivement 75 000 francs, 50 000 francs et 25 000 francs aux trois premiers lauréats78. Pour Charles Gourdin, les actions du B.V.D.I reflètent la volonté de la municipalité Hernu en matière économique, de créer les conditions d’un développement de l’initiative privée, sans pour autant se substituer à elle. L’Adjoint se veut très clair sur ce dernier point, il ne s’agit « ni de dirigisme, ni d’assistance ». Les actions en faveur de l'emploi représentent donc une part importante des politiques municipales sous le premier mandat Hernu. Mais, les autres grands domaines du socialisme municipal ne sont pas négligés pour autant.

II. Une politique sociale active

Dans le domaine social stricto sensu, la nouvelle équipe se montre également très active puisqu'elle met en œuvre toute une gamme de politiques, certaines très novatrices, d’autres plus classiques.

A). La petite-enfance au cœur des préoccupations municipales La petite-enfance compte parmi les secteurs les plus délaissés sous les mandats d’Etienne Gagnaire. Ainsi, lorsque les socialistes arrivent au pouvoir, ils décident de révolutionner les choses dans ce domaine.

1). La construction d’un réseau de crèches Lorsque la municipalité socialiste arrive aux commandes de la ville en mars 1977, elle découvre une absence totale de politique dans le secteur de la petite-enfance. Il n’y a en effet à Villeurbanne qu’une seule crèche, celle de la Perralière, et seulement trois-haltes garderies gérées par la Ville. Tout reste donc à faire pour les nouveaux élus, d’autant que, dans ce domaine, les besoins de la population se font de plus en plus pressants. À l’époque, Villeurbanne compte en effet une forte proportion de jeunes ménages en âge de concevoir des enfants. Dès le mois de mai 1977, la municipalité reprend et accélère le projet de l’ancienne municipalité de créer une crèche collective dans le quartier Bel-Air79. Pascale Crozon, la conseillère déléguée à la petite-enfance rappelle d’ailleurs lors de la présentation de ce rapport l’insuffisance du nombre d’équipements de la petite enfance : « À Villeurbanne, une

77 Le Progrès, le 23 mai 1985 78 Ibid. 79 Délibération n°5 Conseil municipal du 9 mai 1977 1D59 22 Carpentier Blandine - 2009 PREMIERE PARTIE De 1977 à 1981, un volontarisme municipal affiché dans tous les domaines

seule crèche de 40 lits est ouverte à la Perralière, ce qui est nettement insuffisant pour une ville de 120 000 habitants80 ». La réalisation de cette crèche représente un effort financier non négligeable pour la municipalité car, bien que l’Etat prenne en charge 80% de son financement via la Caisse d’Allocations Familiales de Lyon (CAFAL) et la Direction départementale des Affaires sanitaires et sociales (DDASS), la commune assure néanmoins le financement des 20% restant, soit en chiffre absolu, une somme de 113 000 francs81. Lors de la séance du Conseil municipal du 26 décembre 1977, Pascale Crozon présente un rapport intitulé « Le problème de la petite enfance à Villeurbanne », dans lequel elle pose les jalons de ce que sera la politique de la petite enfance à Villeurbanne au cours des années suivantes. Elle souhaite en effet que la ville se dote rapidement d’un ensemble de structures d’accueil diverses (haltes-garderies, crèches collectives, crèches familiales, mini-crèches) et adaptées aux besoins spécifiques des enfants. Comme l’indique la Conseillère déléguée à la petite enfance : « il ne suffit pas de créer des équipements, encore faut-il qu’il y ait une volonté de la part de l’équipe municipale et de la directrice de la crèche pour faire de ce lieu […] un endroit épanouissant où l’enfant se sente bien82 ». La municipalité Hernu semble avoir une vision nouvelle de la petite enfance. Nous développerons cet aspect dans un second point. Pour l’instant, il s’agit de constater l’augmentation exceptionnelle du nombre de crèches à Villeurbanne. Dans le tableau ci-dessous, on peut mesurer l’importance du changement lors des quatre premières années du mandat de Charles Hernu. Alors qu’il n’y avait qu’une crèche de 40 places et trois haltes-garderies municipales en mars 1977, on dénombre plus de 150 places d’accueil en crèche à la fin de l’année 1981. Une autre remarque à formuler est la grande diversité des structures d’accueil. En effet, les parents ont désormais le choix entre plusieurs types de crèches, qui proposent chacune des modes de garde spécifiques. Tandis que les crèches collectives ont pour vocation l’accueil d’un grand nombre d’enfants, les mini-crèches proposent quant à elles un mode de garde moins effrayant, qui ressemble davantage à l’environnement habituel de l’enfant. « Il n’y a pas de rupture de cadre de vie et c’est important83 » explique Pascale Crozon. La crèche familiale fonctionne encore différemment puisqu’elle mélange le mode de garde individuelle, au domicile de l’assistante maternelle et collectif, dans les locaux communs de la crèche familiale. Ainsi, les assistantes maternelles, rémunérées et déclarées par la municipalité ont la possibilité, quand elles le veulent, de se rencontrer dans les locaux de la crèche familiale aménagés spécifiquement pour l’accueil d’enfants en bas âge (« de 10 semaines à 30 mois 84»). Selon la municipalité, ce dispositif doit permettre « à l’Assistante Maternelle et à l’enfant une plus grande ouverture sur le monde extérieur85 » et « mettre fin

80 Ibid. 81 Ibid. 82 Délibération n°8 Conseil municipal du 26 décembre 1977 1D60 83 Ibid. 84 Discours d’inauguration de la crèche familiale « Pierrot s’en va-t-en garde » le 5 octobre 1981 284W10 85 Ibid. Carpentier Blandine - 2009 23 Les politiques sociales à Villeurbanne de 1977 à 1995

à un certain nombre de problèmes que pose la garde individuelle comme la clandestinité, l’isolement des nourrices, l’anarchie des placements et des tarifs86 ».

Sources : Délibérations de Conseils municipaux entre 1977 et 1981 Cette offre diversifiée illustre le dynamisme de la municipalité Hernu dans le domaine de la petite enfance ainsi que sa volonté de s’adapter aux évolutions sociétales en matière de garde d’enfants. Mais, l’ouverture d’esprit dont fait preuve la nouvelle équipe municipale est surtout perceptible dans sa vision des tout-petits.

2). Un regard nouveau porté sur les tout-petits Ce regard novateur est perceptible dans la façon dont la municipalité envisage la crèche idéale. Pour Pascale Crozon, la psychologie, l’éveil de l’enfant et l’éducation sont à mettre au premier rang car il s’agit d’aspects tout aussi importants que le règlement, l’hygiène et le bien-être matériel de l’enfant. La Conseillère déléguée à la petite enfance s’indigne d’ailleurs que les textes réglementaires provenant de la direction de l’Action Sanitaire et Sociale ne tiennent pas davantage compte de ces dimensions pédagogiques, au moment même où de « nombreux chercheurs ont démontré l’importance des toutes premières années dans le développement de l’être humain87 ». Parmi ces chercheurs, nous pouvons citer la psychanalyste Françoise Dolto, qui à travers ses travaux et ses émissions de radio dans les années 1970 révolutionne complètement la vision de l’enfant et de son éducation. À travers sa politique de la petite-enfance, l’équipe municipale souhaite aussi instaurer une plus grande concertation entre les différents partenaires : parents, puéricultures, éducateurs, centres sociaux, CAFAL, mairie88. Néanmoins, cette volonté qu’a la municipalité socialiste à mettre en place une politique novatrice et dynamique dans le domaine de la petite-enfance n’est pas dénuée de toute stratégie politique. Il s’agit en effet pour l’équipe de Charles Hernu d’appliquer à l’échelle locale les grandes orientations du Parti Socialiste en matière d’action sociale. Les nouveaux élus vont ainsi se servir de la municipalité comme d’une sorte de « laboratoire » dans lequel ils confrontent aux réalités du terrain leurs grandes idées sociales. La notion d’expérience revient d’ailleurs très fréquemment dans les délibérations municipales du premier mandat de Charles Hernu. La petite-enfance constitue donc un axe important de la politique sociale de la municipalité Hernu, notamment parce que rien ou presque n’avait été fait jusqu’alors dans ce domaine. Ainsi, l’ouverture successive de nouvelles structures d’accueil et la multiplication considérable du nombre de places en crèches sont fortement appréciées des jeunes ménages villeurbannais. Cependant, les préoccupations sociales de la municipalité ne se cantonnent pas à la population des chérubins et concernent en réalité l’ensemble de la population.

86 Ibid. 87 Délibération n°8 Conseil municipal du 26 décembre 1977 1D60 88 MARCHAND (Gilles), « Françoise Dolto : pour une éducation des parents », site Sciences Humaines.com, http:// www.scienceshumaines.com , le 11.06.09 24 Carpentier Blandine - 2009 PREMIERE PARTIE De 1977 à 1981, un volontarisme municipal affiché dans tous les domaines

Le soutien important aux centres sociaux constitue une bonne illustration de cette politique sociale, plus globale.

B). Un soutien important aux centres sociaux L’action en faveur des centres sociaux représente un autre aspect novateur de la politique sociale de la municipalité Hernu. Cependant, ce soutien accentué aux centres sociaux n’est pas spécifique à Villeurbanne mais se manifeste en réalité dans la plupart des communes où les socialistes ont pris le pouvoir suite aux élections de mars 197789. Avant toute chose, nous devons rappeler de ce qu’est un centre social afin de mieux comprendre pourquoi l’équipe municipal de Charles Hernu a choisi d’en faire une des ses cibles d’action prioritaires.

1). Le centre social : « une résolution locale de la question sociale90 » Selon Robert Durand, « un centre social, c’est un établissement, un équipement collectif que l’on trouve le plus souvent dans les quartiers périphériques des villes, dans les grands ensembles, dans les communes de banlieue91 ». Les centres sociaux ont profondément évolué depuis leur apparition à la fin du XIXème et ont su s’adapter aux différents contextes socio-économiques de l’histoire, dont ils constituent d’ailleurs de véritables témoins. Les centres sociaux prennent leur véritable essor après la Seconde Guerre mondiale. Dans les banlieues urbaines où tours et barres poussent à un rythme effréné, l’absence de vie sociale fait défaut et les habitants de ces quartiers ont le sentiment d’être exclus de la ville. Bientôt, « la nature des problèmes rencontrés amène un certain nombre d’acteurs locaux à voir dans le centre social un dispositif d’action approprié, comme équipement polyvalent d’action sociale, familiale, éducative et surtout comme pôle d’animation de la vie sociale92 ». Les missions et les valeurs des centres sociaux se transforment. Les usagers ne doivent plus être de simples consommateurs de prestations mais sont au contraire invités à participer à la vie du centre social. L’État soutien d’ailleurs l’aménagement des centres sociaux puisqu’en 1961 deux circulaires paraissent sur l’importance des centres sociaux dans les structures urbaines. Il s’agit de faire du centre social, le pivot de l’organisation de l’action sociale sur le terrain93. Néanmoins, cette reconnaissance officielle est de courte durée et le financement des centres sociaux reste compliqué et aléatoire. En outre, à la fin des années 1970, il existe de grandes disparités territoriales quant à l’implantation géographique des centres sociaux. La région Rhône-Alpes est plutôt bien dotée puisqu’en 1981, 61,6% des villes rhônalpines disposent d’au moins un centre social94.

89 DESSERTINE Dominique, DURAND Robert et alii, Les centres sociaux 1880-1980 Une résolution locale de la question sociale ?, Villeneuve d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2004. 283 pages. 90 Titre de l’ouvrage de DESSERTINE Dominique, DURAND Robert et alii, Les centres sociaux 1880-1980…, ouvrage cité. 91 DURAND Robert, Histoire des centres sociaux - Du voisinage à la citoyenneté, Paris, Syros, 1996. 262 pages. 92 Ibid. 93 Ibid. 94 DESSERTINE Dominique, DURAND Robert et alii, Les centres sociaux 1880-1980…,op.cit. p.201 Carpentier Blandine - 2009 25 Les politiques sociales à Villeurbanne de 1977 à 1995

Villeurbanne fait donc partie des bons élèves, étant donné qu’en 1977, elle compte déjà quatre centres sociaux présents sur le territoire communal. L’arrivée des socialistes à la tête de la ville en mars 1977 contribue à leur augmentation numérique et au renforcement de leur rôle social.

2). Une utilité sociale reconnue et encouragée Le problème principal des centres sociaux auquel se confronte rapidement la nouvelle municipalité concerne leur financement. Pour les différents partenaires institutionnels des centres sociaux, l’enjeu est de réussir à leur apporter un financement leur permettant de remplir leur mission sociale, tout en respectant leur autonomie de gestion. La circulaire du 3 Août 1970 préconise le mode contractuel pour régler les rapports entre les partenaires concernés. La municipalité Hernu renouvelle donc les conventions tripartites signées entre la mairie, la CAFAL et les centres sociaux. Ces conventions, instaurées par la précédente municipalité, règlent la participation financière de chacun des partenaires et rappelle les buts et objectifs des centres sociaux. Par conséquent, Lucienne Descarpenterie, l’Adjointe chargé des Affaires sociales ne peut qu’inviter ses collègues à ratifier ces conventions afin d’engager « une politique démocratique de prise de responsabilité par les habitants des quartiers » et mettre en œuvre « les orientations d’une Municipalité Socialiste qui s’affirme95 ». La reconnaissance de l’utilité sociale des centres se mesure aussi dans la volonté qu’a la municipalité de multiplier ce type d’équipement à Villeurbanne. Ainsi, dès le mois d’octobre 1977, la création d’un centre social dans le quartier Saint Jean est proposée en séance de Conseil municipal, au motif d’une carence de ce quartier en équipements socio- culturels et à la suite d’une demande des habitants96. Il s’agit d’un engagement important pour la municipalité étant donné qu’elle prévoit de financer le projet à hauteur de 30% du montant global. D’autre part, la ville doit aussi fournir un terrain pour l’implantation du centre. À travers ce projet, qui se concrétise dès le 1er janvier 1979 avec l’ouverture d’un pré- centre social, on perçoit bien le souhait de la municipalité Hernu de réaliser une structure intégrée, une véritable « Maison pour tous », regroupant aussi bien la Protection maternelle et infantile, le club enfants, l’accueil des personnes âgées, la vie associative97. Au regard des actions municipales passées, le soutien en faveur des centres sociaux se révèle être une politique sociale moderne, dans la mesure où elle ne s’adresse pas à une seule catégorie de personnes mais au contraire concerne l’ensemble de la population. Cependant, même si la municipalité Hernu essaye d’être avant-gardiste dans certaines de ses politiques sociales, elle n’en oublie pas pour autant les actions sociales plus traditionnelles, telles que l’aide en faveur des personnes âgées.

C). Les personnes âgées ne sont pas oubliées

95 Délibération n° 5 Conseil municipal du 4 avril 1977 1D59 96 Délibération n°21 Conseil municipal du 17 octobre 1977 1D60 97 Délibération n° 21 Conseil municipal du 17 octobre 1977 1D60 26 Carpentier Blandine - 2009 PREMIERE PARTIE De 1977 à 1981, un volontarisme municipal affiché dans tous les domaines

En France, la tradition municipale d’aide aux personnes âgées remonte au Moyen-âge puis se développe ensuite considérablement au cours du XIXème siècle, via les hospices civils. Jean-Pierre Gutton, Professeur d’histoire moderne, considère même le XIXème siècle comme l’âge d’or de l’hospice des vieillards98. Parallèlement à ces hospices, les bureaux de bienfaisance font leur apparition dans les communes pendant la période révolutionnaire. À partir de la Troisième République, les politiques municipales d’aide aux personnes âgées se laïcisent et prennent une place de plus en plus grande parmi l’ensemble des actions municipales. Au vu de cet héritage ancien, on peut donc considérer qu’à la fin des années 1970, l’intervention en faveur des personnes âgées constitue finalement une politique sociale assez « traditionnelle » des municipalités puisque pratiquée depuis longtemps. Ainsi, l’équipe municipale de Charles Hernu, lorsqu’elle prend le pouvoir en mars 1977 s’attache à poursuivre et à développer cette politique classique de soutien aux personnes âgées.

1). Favoriser le maintien des personnes âgées à domicile Pour permettre aux personnes âgées de se maintenir à domicile, la nouvelle municipalité imagine toute une gamme de services adaptés à leur situation. Pour se faire, la municipalité commence par mettre en place une nouvelle structure de réflexion en mai 1977, qu’elle baptise l’Office villeurbannais des personnes âgées (O.V.P.A). Il est prévu que cet office réfléchisse aux problématiques du vieillissement et envisage des solutions pour tenter de maintenir les personnes âgées le plus longtemps possible autonomes, à leur domicile. Lucienne Descarpenterie, l’Adjointe en charge des Affaires sociales, souhaite que cette association subventionnée par la municipalité devienne « un moyen d’information, de coordination et d’assistance technique99 » auquel les personnes âgées, les associations et les clubs de 3e âge sont fortement invités à participer. Le dynamisme impulsé par la municipalité à travers l’O.V.P.A n’échappe pas aux journalistes : « les tâches ne manquent pas dans ce domaine du 3e âge, qui fut longtemps bien délaissé, mais qui semble maintenant réellement pris à bras le corps100 ». Mais quelles sont ces tâches auxquelles le journaliste fait allusion ? Il s’agit tout d’abord du service « dépannage à domicile » (petits travaux d’électricité et de plomberie, réparation d’appareils ménagers, gros travaux d’entretien et de propreté…) instauré au printemps 1979 et dont les personnes âgées peuvent bénéficier en passant un simple appel téléphonique depuis leurs domiciles. Un autre service proposé par l’O.V.P.A est celui des aides ménagères que la municipalité Hernu subventionne jusqu’à 7% des heures effectuées annuellement101. Ce financement sert principalement à couvrir les interventions d’urgence auprès des personnes sortant de l’hôpital ou handicapées puisque la Sécurité sociale ne veut plus assurer cette prise en charge exceptionnelle102.

98 GUTTON Jean-Pierre, La naissance du vieillard, Paris, Aubier, 1988. 280pages. 99 Délibération n°2 Conseil municipal du 9 mai 1977 1D59 100 La Dernière heure lyonnaise, le 19 mars 1979 101 Délibération n°16 Conseil municipal du 8 mai 1978 1D61 102 Délibération n° 15 Conseil municipal du 17 avril 1978 1D61 Carpentier Blandine - 2009 27 Les politiques sociales à Villeurbanne de 1977 à 1995

La municipalité socialiste agit aussi en faveur des personnes âgées via le Bureau d’aide sociale (B.A.S), devenu Centre communal d’action sociale (C.C.A.S) en octobre 1978, et qui constitue le « bras armé » du pouvoir communal en matière d’aide sociale. Ainsi, en 1980, le C.C.A.S met en place un service de portage de repas chaud à domicile, fonctionnant chaque midi du lundi au samedi. Cette expérience innovante traduit une nouvelle fois la volonté de la municipalité Hernu de favoriser le maintien à domicile des personnes âgées103. Ce service, fort apprécié des personnes âgées isolés où qui ne sont plus en mesure de se déplacer, est complété dès 1982 par la création du service de soins à domicile104. Ce dernier vise à éviter l’hospitalisation ou à faciliter le retour à domicile et ainsi conserver l’autonomie de la personne âgée. Même si certains de ces services sont largement couverts par des financements étatiques, il n’en demeure pas moins que la municipalité Hernu se montre très active en matière de politique de vieillesse dans les premières années de sa présence à la tête de la ville. Ce dynamisme est également observable à travers la construction d’une nouvelle résidence pour personnes âgées.

2). Une nouvelle résidence pour personnes âgées est construite Comme nous venons de le voir, la nouvelle équipe municipale privilégie le maintien à domicile des personnes du 3ème âge. D’ailleurs, en septembre 1979, l’O.V.P.A organise même une table ronde sur ce thème, à laquelle participent de grands spécialistes en gérontologie et gériatrie105. Cependant, compte tenu de l’importance croissante du nombre de personnes âgées à Villeurbanne (en 1979, les plus de 65 ans représentent 14% de la population totale106), la municipalité Hernu considère qu’il est aussi de son devoir de construire de nouvelles résidences adaptées. « Il n’y a que trois résidences, il y a 15 000 personnes âgées à Villeurbanne et 350 seulement sont accueillies en résidence107 ». L’enjeu est aussi de mieux répartir les résidences de personnes âgées sur l’ensemble du territoire communal, afin d’éviter les constructions inutiles. À ce titre, Bernard Meuret considère par exemple que le Foyer de Personnes Agées de Château-Gaillard est beaucoup trop grand alors qu’il en manque ailleurs dans la ville108. La municipalité décide donc dès le mois de mars 1979 de construire une nouvelle résidence de personnes âgées aux 183-185 route de Genas109. La construction de cette nouvelle structure est confiée à l’Office H.L.M de la COURLY. Le projet initial prévoit l’aménagement de 65 logements 1bis de 36 m² avec un quart de lits médicalisé110. Le maire ne se prive d’ailleurs pas de rappeler l’avance de Villeurbanne dans le domaine : « Ce qui est 103 « Vieillir ensemble à Villeurbanne », document édité par la ville, octobre 1993, p.8-10 104 CCAS Historique 1851-2001, document édité par la ville, février 2001, p.16 105 Le Progrès, le 12 septembre 1979 106 Ibid. 107 Délibération n°5 Conseil municipal du 7 mars 1979 Procès verbal 1D64 108 MEURET Bernard, Le socialisme municipal…,op.cit p.236 109 Délibération n°5 Conseil municipal du 7 mars 1979 1D64 110 Délibération n°2 CM du 12 mai 1980 1D67 28 Carpentier Blandine - 2009 PREMIERE PARTIE De 1977 à 1981, un volontarisme municipal affiché dans tous les domaines

intéressant de noter, […] c’est que ce sera une des premières, sinon la première résidence médicalisée de la région111 ». Mais, si la municipalité met en place des politiques sociales assez traditionnelles comme l’aide aux personnes âgées, elle s’intéresse aussi de plus en plus aux problématiques dites « sociétales ».

D). L’émergence de préoccupations « sociétales » La multiplicité de politiques sociales développées lors du premier mandat fait qu’il nous est impossible de toutes les évoquer dans le détail. Toutefois, nous ne pouvons omettre de souligner l’émergence de préoccupations sociétales auxquelles la municipalité Hernu attache de plus en plus de valeur. Par l’adjectif « sociétal », il faut entendre le social pris au sens large, dans sa globalité. Ainsi, les actions menées en faveur des femmes battues à partir de 1979 ou bien encore celles instaurées à l’égard des handicapés physiques pour faciliter leur déplacement dans la ville illustrent bien l’importance prise par le « sociétal » parmi l’ensemble des politiques sociales mises en œuvre. S’agissant des interventions au profit des handicapés, on peut citer à titre d’exemple le combat acharné que mena l’équipe de Charles Hernu dès la fin de l’année 1977 pour maintenir sur le sol villeurbannais l’école primaire des déficients visuels. Au cours du premier mandat de Charles Hernu, le social et le sociétal occupent ainsi une place primordiale dans la gestion des affaires communales. Les politiques développées dans ces domaines s’adressent à tous les villeurbannais quelque soit leur âge, si bien, que l’on peut parler à juste titre de politiques sociales globales. Mais, cette volonté que manifestent les nouveaux élus à intervenir dans tous les domaines de la vie sociale des villeurbannais ne s’arrête pas aux seules politiques évoquées précédemment. L’équipe de Charles Hernu va aller plus loin, en agissant sur le logement social et plus largement en tentant d’améliorer le cadre de vie des habitants.

III. Villeurbanne tente de se donner un nouveau visage urbain

Pour mettre à exécution leur projet de rénovation urbaine, les élus socialistes agissent de deux manières. D’une part, ils cherchent à résorber l’habitat insalubre et d’autre part, ils tentent d’améliorer le cadre de vie des habitants, afin de rendre leur quotidien plus agréable à vivre.

A). Mettre fin au « ghetto » d’Olivier de Serres Une des premières mesures prises par la municipalité Hernu en matière d'urbanisme est la destruction de l'ensemble HLM Olivier de Serres, situé au nord de la ville dans le quartier Cusset. À l’appui de leur décision, les élus font valoir la « ghettoïsation » de la

111 Ibid. Carpentier Blandine - 2009 29 Les politiques sociales à Villeurbanne de 1977 à 1995

cité. Cependant, ce choix de la démolition va être très critiqué, notamment par les anciens habitants d’Olivier de Serres, qui ont le sentiment de ne pas avoir été consulté dans cette affaire. Dès lors, nous pouvons nous interroger sur le caractère réellement social de cette politique.

1). Une cité bannie À la fin des années 1970, le nom d’Olivier de Serres n’est méconnu d’aucun villeurbannais. En effet, tous les habitants connaissent ou, ont au moins entendu parler une fois de cette cité, située au nord de la ville. Comment pourrait-il en être autrement, alors que les journaux consacrent presque chaque jour un article aux problèmes de ce quartier ? Ainsi, les titres dépréciatifs tels que « Olivier-de-Serres : La police patrouille en permanence112 » ou encore « Olivier-de-Serres : Le commencement de la fin d’un ghetto113 » sont monnaie courante à l’époque. Pour Fouad Chergui, le réalisateur de « La Valise » (film documentaire sur le quartier Olivier de Serres), les articles de presse de la fin des années 1970 ne s’attachent à retracer que la voyoucratie des jeunes issus de l’immigration. Les mots fréquemment employés pour désigner Olivier de Serres sont : ghetto, insalubrité, sauvage114. Pour la municipalité Hernu, le malaise du quartier Olivier de Serres est tel qu’il en devient problématique. Une seule solution s’impose alors aux élus villeurbannais : la démolition pure et simple des bâtiments. Pour Gilbert Chabroux, l’Adjoint en charge de l’éducation, aucune autre alternative n’était possible, en raison principalement de la vétusté des bâtiments : « Des constructions trop légères, trop sommaires. […] La seule solution c’était de raser, de reconstruire115 ». Pourtant, en 1977, l’ensemble Olivier de Serres n’est pas si ancien puisque sa construction ne date que des années 1960. Pour Fouad Chergui, Olivier de Serres serait même la cité la plus jeune de France à l’époque116. Pour bien comprendre le processus de ghettoïsation dont fut victime cette cité, il faut revenir brièvement sur son histoire. L’ensemble Olivier de Serres est édifié au cours des années 1960 par le groupe industriel SIMON, qui s’est reconverti dans l’immobilier afin de profiter des primes et des prêts à la construction existants à l’époque. Pour Gilbert Chabroux, le propriétaire SIMON fait partie de ce qu’il nomme les « marchand de sommeil 117». Au total, 336 logements sont bâtis dans un ensemble architectural de six barres. Les premières familles sont françaises ou rapatriées d’Algérie. Très rapidement, des problèmes liés à l’augmentation des loyers apparaissent et les locataires s’unissent pour faire front au propriétaire. Dès le début des années 1970, les incidents se multiplient : voitures renversant

112 Le Progrès, le 22 mai 1980 113 Le Progrès, le 21 octobre 1978 114 Entretien avec Fouad Chergui,le 13 mai 2009 (cf. Annexe n°2) 115 Entretien avec Gilbert Chabroux, le 9 mai 2009 (cf. Annexe n°1) 116 Entretien avec Fouad Chergui, le 13 mai 2009 (cf. Annexe n°2) 117 Entretien avec Gilbert Chabroux, le 9 mai 2009 (cf. Annexe n°1) 30 Carpentier Blandine - 2009 PREMIERE PARTIE De 1977 à 1981, un volontarisme municipal affiché dans tous les domaines

des Marocains, bagarres,…118. Les premières familles quittent le quartier. On recense alors de nombreux logements vacants, des occupations illégales ou des logements surpeuplés, surtout que le prix des loyers continue d’augmenter. En 1972, le Figaro parle pour la première fois de « ghetto » pour évoquer la cité Olivier de Serres119. La ségrégation raciale est également présente. En 1974, suite à une modification de la carte scolaire, les enfants d’Olivier de Serres sont regroupés dans une seule et même école, tandis que la nouvelle école de la Perallière est réservée aux enfants de cadres, que la ville essaye désespérément d’attirer dans ce futur quartier en construction120. La situation s’envenime de plus en plus. À partir de 1974, SIMON cherche à se débarrasser de l’affaire Olivier de Serres, car celle-ci commence à ternir son image d’industriel121. La Préfecture du Rhône, la SONACOTRA, les offices HLM, et la municipalité villeurbannaise se penchent alors sur le problème et, très rapidement, l’idée d’une démolition se profile. L’arrivée des socialistes en mars 1977 accélère encore les choses. Le 24 octobre 1977, lors d’une conférence de presse, Charles Hernu annonce le rachat de l’ensemble Olivier de Serres par quatre offices HLM pour un montant de 15 millions de francs122. À cette date, les choses ne sont pas encore fixées et la municipalité hésite entre une réhabilitation et une démolition : « Rénovation totale, reconstruction sur le terrain complètement rasé ? Rien n’est décidé123 ». Finalement, la démolition est décidée à la fin de l’année 1977. Selon Jean-Marc Berthet, sociologue spécialiste des questions urbaines, cette démolition est rendue possible par un contournement du ministère de l’Équipement au profit d’un montage local orchestré par la Préfecture, le Conseil général, la COURLY, et la mairie de Villeurbanne. La première barre est dynamitée le 6 novembre 1978. La dernière l’est en juillet 1984. Dans ce laps de temps, le nouvel ensemble Jacques Monod est édifié et les anciens habitants d’Olivier de Serres sont relogés de part et d’autre de l’agglomération, et ce, malgré la protestation des communes voisines. Comme le confirme Gilbert Chabroux : « Chacun a vu Olivier de Serres à sa porte ». En décidant de cette opération, la municipalité espère dissoudre la plus grosse concentration d’immigrés de la ville et ainsi mettre un terme à la ségrégation raciale. Dans cette logique, elle instaure un seuil de tolérance de 15% à ne pas dépasser lors de la répartition des immigrés dans l’ensemble de la population124. Mais cette solution était-elle vraiment la seule qui puisse être envisagée comme le laissent entendre à l’époque les élus villeurbannais ?

118 BERTHET Jean-Marc, Mémoire du renouvellement urbain ou renouvellement des mémoires urbaines ? – L’exemple de la cité Olivier de Serres à Villeurbanne et du quartier de Parilly à Bron, PUCA, 2007. 119 BERTHET Jean-Marc, Mémoire du renouvellement urbain…, op cit. p.11. 120 Ibid. 121 Ibid. 122 Délibération n°2 Conseil municipal du 7 novembre 1977 1D60 123 La Dernière heure lyonnaise, le 25 octobre 1977 124 Délibération n°6 Conseil municipal du 4 juillet 1977 1D60 Carpentier Blandine - 2009 31 Les politiques sociales à Villeurbanne de 1977 à 1995

Vouloir supprimer la ségrégation raciale et trouver des conditions de logement plus convenables à des gens modestes125 constitue réellement une politique sociale, nous ne pouvons en douter. Cependant, c’est la manière dont cette politique a été menée qui peut nous amener à reconsidérer son caractère « social ».

2). Les travers de cette politique La destruction d’Olivier de Serres est critiquée pour deux raisons principales : le difficile relogement et le manque de concertation des habitants. S’agissant du relogement des habitants d’Olivier de Serres, l’un des reproches les plus fréquents est qu’il s’éternise dans la durée. En janvier 1982, au moment où la cinquième barre est détruite, il reste encore 42 familles à reloger126. D’autre part, ce relogement est mal vécu par les habitants car pour la majorité d’entre eux, le départ d’Olivier de Serre n’est pas souhaité. En outre, les habitants d’Olivier de Serre sont stigmatisés et les maires des communes environnantes se montrent plutôt réticents à les accueillir127. La municipalité échoue d’ailleurs à reloger douze de ces familles qu’elle installe finalement dans des villas dites « spécifiques », aux abords du nouvel ensemble Jacques Monod. Ces villas sont isolées et tournent le dos au reste de l’ensemble immobilier Jacques Monod, ce qui a pour conséquence de créer un sentiment de relégation chez ces familles. Pour Fouad Chergui, qui a vécu avec ses parents dans l’une de ces douze villas, leurs constructions étaient faites « pour qu’elles ne soient pas vues et qu’on ne les voit pas de l’extérieur128 ». Dès lors, un malaise se crée chez « ceux du fond », comme ils sont couramment désignés par les autres habitants des immeubles Jacques Monod129. Ce malaise est amplifié par le manque de concertation des habitants d’Olivier de Serres dans le processus décisionnel de démolition de la cité. En dépit des intentions initiales de la municipalité d’ouvrir des négociations avec les représentants des habitants du quartier130, il n’y a pas eu de réels débats avec la population pour arriver à une solution consensuelle. Le choix de la démolition est avant tout celui des politiciens. Dans le bulletin de l’ACFAL-CIMADE de novembre 1977, on peut en effet lire que si les habitants ont envie de déménager pour ne plus être étiquetés aux yeux de leurs compatriotes, il n’en demeure pas moins que « l’idée de la restructuration du quartier engendre l’angoisse […], la peur de rompre des liens affectifs noués malgré tout avec la commune131 ». Le film « La Valise » de Fouad Chergui revient sur ce traumatisme vécu par les habitants du quartier, à l’image de cette ancienne résidente, qui, dans le documentaire, explique que les gens pleuraient lorsque la dernière barre est tombée. Selon Fouad Chergui, en démolissant l’ensemble Olivier de Serres, l’erreur de la municipalité a été de vouloir effacer toute trace de mémoire et faire comme-ci ce

125 Entretien avec Gilbert Chabroux, le 9 mai 2009 (Cf. Annexe 1) 126 BERTHET Jean-Marc, Mémoire du renouvellement urbain…op cit.p.13 127 Ibid. 128 Entretien avec Fouad Chergui, le 13 mai 2009 (cf. Annexe 2) 129 Article de presse en date du 18 mai 1990, extrait des documents de la « Valise » (association CLAP Ciné) 130 Délibération n°6 CM du 4 juillet 1977 1D60 131 Immigration – Olivier de Serres, Bulletin commun ACFAL-CIMADE, novembre 1977, n°7, p.12. 32 Carpentier Blandine - 2009 PREMIERE PARTIE De 1977 à 1981, un volontarisme municipal affiché dans tous les domaines

quartier n’avait jamais existé132. En outre, en répartissant aléatoirement les immigrés dans l’ensemble de la population, la municipalité a brisé des histoires, des liens sociaux et des amitiés qui s’étaient crées au sein de la cité. Cette opération de rénovation marque donc incontestablement le premier mandat de Charles Hernu dans le domaine de l’urbanisme. Toutefois, afin de donner un nouveau visage à leur ville, les élus socialistes agissent également sur le cadre de vie des habitants.

B). Améliorer le cadre de vie des habitants Le cadre de vie influe directement sur, ce qu’on pourrait appeler, le « bien- être social » des individus. Ainsi, lorsqu’une municipalité envisage la mise en œuvre d’une action sociale globale, comme ce fut le cas à Villeurbanne à partir de 1977, elle ne peut ignorer cet élément fondamental. Pour l’équipe de Charles Hernu, il existe deux grandes priorités dans ce domaine : développer la verdure au sein de la ville et redonner du sens à la notion de quartier.

1). Villeurbanne se met au vert Au cours du premier mandat, l’équipe de Charles Hernu augmente de manière considérable la superficie d’espaces verts à Villeurbanne. Alors qu’en mars 1977, chaque villeurbannais dispose de 0,82m² d’espaces verts, Charles Hernu affirme en septembre 1978 que ce nombre est passé à 2m² grâce aux efforts de la municipalité133. Pour augmenter la surface en espaces verts, Marie-Christine Mancuso, l’Adjointe chargée des espaces verts, du cadre de vie et de l’environnement, va agir de deux manières. D’une part, elle va faire aménager des espaces verts sur des terrains qui appartiennent déjà à la ville et d’autre part, elle va acquérir pour le compte de la ville des terrains en vue de l’aménagement de parcs publics134. La plus grosse acquisition d’espaces verts réalisée au cours du premier mandat est sans conteste la propriété J.B Martin, située rue du 4 août, d’une superficie de 5 hectares. Dès son arrivée à la tête de la ville, l’équipe de Charles Hernu entame des négociations avec la société immobilière S.F.A.B, qui s’apprête alors à construire 128 000 m² de bureaux sur le terrain J.B Martin135. Lors de la séance du 25 avril 1977, le Conseil municipal vote même à l’unanimité et au nom de l’intérêt général, la demande au préfet de l’annulation du permis de construire délivré à la société S.F.A.B en 1976. Finalement, et compte tenu du prix de vente élevé proposé par la société S.F.A.B (528,90 Francs le mètre carré), la municipalité Hernu décide de ne racheter que la partie boisée du terrain, soit environ 19 000m², afin d’en faire un parc public136.

132 Entretien avec Fouad Chergui, le 13 mai 2009 (cf. Annexe 2) 133 La Dernière heure lyonnaise, le 21 septembre 1978 134 Délibération n° 10 CM du 9 janvier 1978 135 Délibération n°10 CM du 4 avril 1977 1D59 136 Délibération n°9 CM du 17 octobre 1977 1D60 Carpentier Blandine - 2009 33 Les politiques sociales à Villeurbanne de 1977 à 1995

Hormis cette importante opération, la municipalité multiplie également les aménagements de petits espaces verts sur l’ensemble de la commune, à l’image du jardin de la Doua, inauguré en septembre 1978137. Par l’aménagement et l’accroissement du nombre d’espaces verts, la municipalité Hernu montre sa volonté d’améliorer le cadre de vie des habitants. Elle s’inscrit ainsi dans la tradition du socialisme municipal, qui chercha toujours à lier ville et campagne, en particulier pendant l’Entre-deux-guerres avec la mise en place des cités-jardins138. Par ailleurs, on peut dire que la municipalité fait preuve de modernisme, puisque dans les années 1970, le thème de l’environnement commence seulement à faire son chemin dans la sphère des politiques publiques139. Cette « chlorophyllisation » de la ville marque le début d’une politique « écologique » plus large, qui se développera surtout au cours des décennies suivantes. Mais, pour l’équipe de Charles Hernu, l’amélioration du cadre de vie passe aussi par une revalorisation de l’espace du quartier.

2). Redonner toute sa place au « quartier » La nouvelle municipalité se fixe pour objectif de « redonner vie et consistance aux quartiers140 ». Pour cela et contrairement à l’équipe municipale précédente, elle privilégie les petits équipements de quartier par rapport aux grandes infrastructures de prestige. Elle souhaite aussi répartir de manière plus équitable les équipements essentiels entre les différents quartiers de la ville afin de ne pas en favoriser un plus qu’un autre141. Cette volonté de redonner toute sa valeur à l’échelon du quartier rejoint la politique menée en faveur de la vie associative puisqu’en général les associations agissent au niveau du quartier. Si la municipalité Hernu favorise les infrastructures de proximité, elle souhaite également que les nouveaux équipements s’adressent à l’ensemble de la population, qu’ils deviennent des lieux de rencontres intergénérationnels. Ainsi, en est-il par exemple de l’aménagement d’une Maison pour tous, Place Grandclément, voté à l’unanimité par le Conseil municipal, dès la fin de son premier mois à la tête de la ville142. La nouvelle municipalité redonne également vie aux quartiers en organisant périodiquement des animations populaires qui permettent ainsi aux habitants de se rencontrer et de partager ensemble des moments conviviaux. L’animation qui connait le plus de succès est sans conteste la Fête de Villeurbanne que la municipalité Hernu décide de remettre au goût du jour dès la première année de son mandat. Par l’organisation de cette manifestation, le pouvoir municipal souhaite restaurer dans les quartiers, l’esprit de fête qui régnait autrefois dans les villages. Ainsi, chaque année, au courant du mois de juin, se déroulent gratuitement et sur plusieurs jours des manifestations diverses et variées dans

137 La Dernière heure lyonnaise, le 21 septembre 1978 138 À ce sujet, voir l’ouvrage de BURLEN Katherine, La banlieue Oasis, Presses universitaires de Vincennes, 1983. 139 CHARVOLIN (Florian), « L’invention du domaine de l’environnement », site strates.revues.org, http://strates.revues.org , le 29.06.09 140 MEURET Bernard, Le socialisme municipal…, op. cit p.256 141 MEURET Bernard, Le socialisme municipal…, op. cit p.256 142 Délibération n°4 Conseil municipal du 25 avril 1977 1D59 34 Carpentier Blandine - 2009 PREMIERE PARTIE De 1977 à 1981, un volontarisme municipal affiché dans tous les domaines

l’ensemble de la ville. Lorsqu’il présente le projet en avril 1977, Jean Jacques Queyranne insiste sur le fait que « Villeurbanne en Fête » doit être une manifestation s’adressant à tous les villeurbannais quelque soit leur âge, leur groupe social, leur origine ethnique143. D’autre part, il invite les associations locales et les comités de quartier à prendre part à la préparation de cet évènement et rappelle que « sans leur participation, « Villeurbanne en fête » ne pourra avoir une résonnance profonde dans la population144 ». On pressent ici encore l’importance que la municipalité entend donner au développement de la vie associative. Cette Fête connaît rapidement un grand succès auprès du public, qui, au fil des années, se montre toujours plus nombreux à y participer.

Conclusion

Les débuts du premier mandat de Charles Hernu sont donc placés sous le signe du volontarisme et du dynamisme dans le domaine social. La municipalité agit en effet sur tous les fronts : emploi, centres sociaux, petite enfance, personnes âgées, handicapés, démocratie participative, cadre de vie, environnement. Tous les thèmes ou presque du socialisme municipal sont abordés et réactualisés par la nouvelle municipalité, qui leur consacre de nombreuses actions. Même si certaines de ces politiques ont pu être critiquées, notamment quant à la manière dont elles ont été menées, il n’en reste pas moins que cette période post-1977 est marquée par un fort interventionnisme municipal. Villeurbanne fait alors figure de ville socialiste « modèle », assumant parfaitement son rôle de vitrine du socialisme dans la perspective des élections présidentielles de 1981. Mais, ces élections justement, qui voient l’arrivée de François Mitterrand à la tête de la nation et celle de Charles Hernu aux commandes de l’armée ne vont-elles pas perturber, un tant soit peu, le rythme d’actions de la municipalité villeurbannaise ?

143 Délibération n°9 CM du 4 avril 1977 1D69 144 Ibid. Carpentier Blandine - 2009 35 Les politiques sociales à Villeurbanne de 1977 à 1995

DEUXIEME PARTIE De 1982 à 1988 : entre continuité et tentatives d'adaptation face aux nouvelles réalités sociales

Introduction

La seconde grande partie de notre travail sera consacrée à l’étude de la gestion municipale de 1982 à 1988. Cet intervalle temporel, au cours duquel la municipalité se confronte aux nouvelles réalités sociales, correspond, à une année près, au second mandat de Charles Hernu. Mais qu’entend-t-on exactement par nouvelles réalités sociales ? La montée de la délinquance, particulièrement chez les jeunes, le mal-être des banlieues, ou encore le chômage massif des moins de 25 ans font partie de ces nouvelles problématiques face auxquelles la municipalité tente de réagir. Appliquant à la lettre les dispositifs du gouvernement, dont le maire Charles Hernu appartient désormais en tant que Ministre de la Défense, la municipalité prend soin néanmoins de poursuivre ses politiques sociales menées précédemment. Entre continuité et tentatives d’adaptation, cette période est particulièrement intéressante à étudier.

I. La délinquance : un fléau à combattre

Dès 1977, dans son rapport intitulé « Réponses à la violence 145», Alain Peyrefitte alors ministre de la Justice attire l’attention sur l’importance de la délinquance et de la criminalité dans les villes moyennes françaises. Cependant, ce n’est qu’à partir des violences de l’été 1981 que les pouvoirs publics prennent réellement la mesure du problème. La prévention plutôt que la répression est alors envisagée pour combattre ce fléau.

A). L' « été chaud » des banlieues lyonnaises Au début des années 1980, la délinquance et les violences urbaines ne constituent pas des faits nouveaux. Annie Fourcaut, historienne spécialiste de l’histoire des banlieues, rappelle ainsi l’existence perpétuelle de troubles urbains au cours des XIXème et XXème tels que

145 Rapport consultable en ligne sur le site de la documentation française : http://www.ladocumentationfrançaise.fr 36 Carpentier Blandine - 2009 DEUXIEME PARTIE De 1982 à 1988 : entre continuité et tentatives d'adaptation face aux nouvelles réalités sociales

l’anomie de Paris avant l’annexion de 1860, la Commune, les Apaches au début du XXème siècle, ou plus tardivement les blousons noirs des années 1960146. Cependant, les émeutes des banlieues lyonnaises de l’été 1981 marquent une rupture dans cette histoire des violences urbaines, dans le sens où elles révèlent l’existence d’un profond malaise.

1). La révélation d'un profond malaise Comme l’indique la sociologie Annie Collovald : « Bien qu’il soit déjà présent dans le débat politique de la fin du septennat giscardien, le « problème des banlieues » ne surgit véritablement qu’en 1981147 ». Très rapidement ce malaise des banlieues va être associé à celui de l’immigration. Et, contrairement à ce qui se passait jusqu’alors, ce ne sont plus les travailleurs immigrés qui focalisent tous les regards mais les jeunes issus de l’immigration148. Il n’y a qu’à lire les articles de l’époque pour se convaincre de l’existence de cette réalité. Ainsi en est-il de cet article du Progrès datant de mai 1980 qui, pour évoquer les jeunes maghrébins du quartier Olivier de Serres, parle de « jeunes révoltés qui n’hésitent plus à s’attaquer aux forces de l’ordre?149 ». La violence dont font usage les jeunes immigrés est donc amplifiée par la vision qu’en présentent les journalistes. Néanmoins, derrière cet emballement médiatique, se cache une part de vérité. Au début de la décennie 1980, les banlieues françaises connaissent un réel malaise social. Les vols à l’arraché, les agressions, les rodéos, les voitures brûlées sont très fréquents. L’agglomération lyonnaise est relativement précoce en la matière puisque le premier incident de « violence urbaine » est enregistré en 1971 à Vaux-en-Velin à la cité de la Grapinière150. Les raisons de ce malaise sont multiples et liées les unes aux autres. Il s’agit d’abord d’un problème d’urbanisme. Les grands ensembles HLM construits dans l’urgence de l’après-guerre pour remédier à la pénurie de logements ne sont pas à la hauteur des effets escomptés. Dans les programmes Z.U.P (Zones à urbaniser en priorité) par exemple, les équipements collectifs sont trop souvent oubliés alors qu’ils figurent pourtant sur les plans initiaux des architectes. Ainsi, à la Grapinière, les espaces verts seront aménagés plus de dix ans après la livraison des premiers bâtiments151. Un autre facteur explicatif est la concentration dans un même espace de personnes en difficultés sociales et financières. Or, comme le dit Fouad Chergui, le réalisateur du film La

146 « Compte rendu de la Journée d'études – Les violences urbaines de novembre 2005 : le temps des analyses », site Cevipof/ Cnrs, http://www.cevipof.msh-paris.fr, le 09.07.09 147 COLLOVALD Annie, « Des désordres sociaux à la violence urbaine », Actes de la recherche en sciences sociales, n°1, vol. 136, 2001, p.104 148 Ibid. 149 Le Progrès, le 21 mai 1980 150 ZANCARINI-FOURNEL Michelle, « Généalogie des rébellions urbaines en temps de crise (1971-1981) », Vingtième Siècle, n°84, oct-déc 2004, p.119-127. 151 Ibid. Carpentier Blandine - 2009 37 Les politiques sociales à Villeurbanne de 1977 à 1995

Valise : « Mettre les gens entre eux, ce n’est pas une solution152 » ; l’accumulation jouant alors un rôle négatif d’amplificateur de tensions. Enfin, il ne faut pas oublier la dimension ethnique présente dans ces violences urbaines. Michelle Zancarini-Fournel défend la thèse selon laquelle les premières rebellions urbaines de l’agglomération lyonnaise dans les années 1970 portent les traces de la guerre d’Algérie. Pour cette historienne, la violence que manifestent alors les jeunes immigrés serait un moyen d’affirmer leur identité virile153. Quelque soit les raisons de ces émeutes urbaines, Villeurbanne n’y échappe pas, même s’il est vrai qu’elle reste moins touchée que les villes voisines de l’agglomération lyonnaise.

2). Villeurbanne n’échappe pas au phénomène Lorsque l’on évoque l’été chaud de 1981, on pense surtout à la cité des Minguettes à Vénissieux et aux rodéos de voitures qui s’y sont déroulés. Au cours de cet été, plus de 200 voitures ont brûlé dans la ZUP des Minguettes154. Mais, s’il est certain que la cité vénissiane a défrayé la chronique cet été là, le phénomène de violences ne s’y est pas cantonné. Ainsi, la ville de Villeurbanne est elle aussi touchée. Dans un article intitulé « Nuit chaude aux Buers », un journaliste de Lyon Matin revient sur les incidents nocturnes qui se déroulent alors dans le quartier. Il évoque tour à tour « les rodéos de voitures volées, […] des grosses cylindrées, qui le plus souvent finissent incendiées, les commerces cambriolés, les caves vandalisées »155. Les Villeurbannais commencent à s’inquiéter et craignent une dégradation de la situation, comme à Vénissieux. Lors d’une communication en séance de Conseil municipal en septembre 1981, Charles Hernu tente alors de calmer les esprits en relativisant les incidents qui se sont déroulés à Villeurbanne : « Qu’on regarde comment cela se passe à Paris aujourd’hui et dans les banlieues de Paris ! Qu’on regarde donc comment cela se passe autour de toutes les grandes villes ! Villeurbanne n’en est pas heureusement à ce stade là ! 156». Selon lui, les médias sont en grande partie responsables de l’escalade de la violence de l’été 1981 dans la mesure où ils suscitent un effet d’émulation entre les différentes cités et groupes de jeunes. Lors de cette communication, le maire met aussi en garde la population contre la récupération politique de ces évènements par la droite voire l’extrême-droite : « Il faut faire attention aux intoxications, aux faux bruits qu’on lance, tout comme s’il y avait parfois des gens qui, à travers ce genre d’incidents, cherchent à faire peur aux Français et aux Françaises, notamment dans les municipalités à direction de gauche, et à déstabiliser des situations politiques157 ».

152 Entretien avec Fouad Chergui, le 13 mai 2009 (cf. Annexe 2) 153 ZANCARINI-FOURNEL Michelle, « Généalogie des rébellions urbaines… », op cit. p.120 154 LE GOAZIOU Véronique, MUCCHIELLI Laurent et alii, Quand les banlieues brûlent…: retour sur les émeutes de novembre 2005, Paris, La Découverte, 2006, 155 pages 155 Lyon Matin, le 10 août 1981 156 Délibération n°5 Conseil municipal du 14 septembre 1981 1D75 157 Délibération n°5 CM du 14 septembre 1981 1D75 38 Carpentier Blandine - 2009 DEUXIEME PARTIE De 1982 à 1988 : entre continuité et tentatives d'adaptation face aux nouvelles réalités sociales

Pour conclure, Charles Hernu esquisse des solutions pour résoudre le problème de la délinquance juvénile. Selon lui, il convient de mettre l’accent d’une part sur des actions de prévention et d’autre part sur des mesures de lutte contre le chômage chez les jeunes, car comme il le précise, « tant qu’il y aura cette inactivité chez un certain nombre de personnes alors il y a ces risques qui menacent notre société ». Nous reviendrons un peu plus tard sur ces actions sociales s’adressant spécifiquement aux jeunes. Pour l’instant, intéressons nous aux mesures sécuritaires générales prises par la municipalité pour combattre la délinquance.

B). La prévention comme solution « Il vaut mieux prévenir que guérir ». Cet adage pourrait s’appliquer à la politique de sécurité que choisit de mettre en place la municipalité Hernu au cours de son second mandat. Pour la plupart d’entre elles, ces actions sécuritaires ne sont qu’une simple application locale de la politique gouvernementale dans le domaine sécuritaire.

1). Les actions d’îlotage L’îlotage est une technique de police préventive pratiquée par la Police parisienne dès le milieu du XIXème siècle (Arrêté du 14 avril 1856). Elle consiste à découper le territoire en plusieurs îlots, dont la surveillance de chacun est assurée en continue par une même équipe. Ainsi, les habitants finissent par bien connaître les policiers et réciproquement, ce qui favorise la lutte contre la petite délinquance quotidienne158. Sous les municipalités Hernu, l’utilisation de cette technique de surveillance va être largement pratiquée et encouragée. En janvier 1983, Michel Valance, l’Adjoint en charge de la sécurité se félicite même publiquement que Villeurbanne appartienne aux trois villes de France dont l’ensemble du territoire communal est couvert par l’îlotage159. Selon lui, une Police plus proche de la population constitue une des solutions majeures aux problèmes de la petite délinquance. Afin d’accroître les effets positifs de cette proximité, Charles Hernu souhaite que les nouveaux îlotiers soient présentés individuellement aux commerçants, associations de quartier et autres animateurs, qui pourront ainsi plus aisément prendre contact avec eux en cas de problèmes160. En parallèle de ces actions d’îlotage, la municipalité renforce les forces de Police municipale. Celles-ci passent d’un effectif de sept gardiens de la paix en mars 1977 à un effectif de quatorze gardiens en janvier 1983161. Cependant, comme le reconnait Charles Hernu, l’augmentation des forces de l’ordre municipales ne peut suffire à elle seule à combattre le fléau de la délinquance. Pour lui, « la lutte contre l’insécurité, c’est aussi une action d’envergure nationale162 ». En effet, dans le domaine de la sécurité, aucun acteur

158 « Des Sergents de Ville et Gardiens de la Paix à la police de proximité : la Préfecture de Police au service des citoyens », site Préfecture de Police de Paris, http://www.prefecture-police-paris.interieur.gouv.fr , le 12.07.09 159 Délibération n°5 Conseil municipal du 7 février 1983 1D 82 160 Ibid. 161 Ibid. 162 Communication de Charles Hernu en préambule du CM du 17 mai 1982 1D78 Carpentier Blandine - 2009 39 Les politiques sociales à Villeurbanne de 1977 à 1995

institutionnel ne peut régler le problème à lui tout seul. Dès lors, les politiques locales de sécurité ne peuvent être que partenariales163. La mise en place du Conseil communal de prévention de la délinquance à l’automne 1983 incarne cette tendance aux actions multipartenariales.

2).La création du Conseil communal de prévention de la délinquance En décembre 1982, la commission des maires sur la sécurité, présidée par le député socialiste Gilbert Bonnemaison, rend un rapport au Premier ministre intitulé « Face à la délinquance : prévention, répression, solidarité164 ». Michel Valance, l’Adjoint villeurbannais en charge de la sécurité fait parti des 36 membres participant à ce groupe de réflexion. Dans le volumineux rapport qu’elle rend, la commission propose notamment comme remède la mise en place de conseils nationaux, départementaux et communaux de prévention de la délinquance. Ces conseils, officiellement crées par le décret 83-459 du 8 juin 1983 ont pour vocation d’être une force de propositions, de diffusion et de valorisation de l’ensemble des actions préventives. Le titre III de ce décret concerne l’instauration des conseils communaux de prévention de la délinquance (C.C.P.D). La mise en place de ces derniers n’est nullement obligatoire et reste à l’appréciation de chaque Conseil municipal. La dimension de concertation et de partenariat entre l’Etat et les communes est très présente puisque les membres appelés à siéger dans ces CCPD, doivent être composés pour moitié de représentants de l’Etat et pour moitié de représentants communaux. La municipalité villeurbannaise, en bon élève socialiste, expérimente très rapidement ce nouveau dispositif. Moins de six mois après la parution du décret, la ville possède son propre CCPD. Cette application rapide s’explique peut être aussi par le fait de la présence au niveau du gouvernement du maire de la ville. En effet, n’oublions pas que depuis la victoire de François Mitterrand en mai 1981, Charles Hernu est Ministre de la Défense. En concertation avec les différents partenaires qu’elle regroupe (éducateurs, représentants de la police, du parquet, de la municipalité, associations), le CCPD tente de dresser une ligne de conduite à adopter en matière de délinquance165. En préambule de la première séance du CCPD qu’il préside, Charles Hernu rappelle l’importance de la dimension préventive dans la lutte contre la délinquance : « Pour prévenir le phénomène, la contrainte doit demeurer l’exception » et invite les maires des villes voisines à travailler main dans la main pour combattre ce fléau166. En septembre 1984, la municipalité va même jusqu’à inviter les membres de l’opposition à participer aux travaux du CCPD167 car, selon Charles Hernu : « La délinquance est un domaine qui doit échapper aux exploitations partisanes168 ». À l’image du gouvernement auquel Charles Hernu appartient, la municipalité villeurbannaise tente elle aussi, à son niveau, d’endiguer le fléau de la délinquance. Pour cela, elle mise essentiellement sur des actions de prévention. Les jeunes constituent alors la cible d’action privilégiée de ces mesures. 163 GONTCHAROFF Georges, 2001-l’Odyssée municipale, Tome 5, Paris, Adels, 2000. 255 pages. 164 Rapport consultable en ligne sur le site de la documentation française : http://www.ladocumentationfrançaise.fr 165 Le Progrès, le 21 novembre 1983 166 Ibid. 167 Délibération n°84-097 CM du 24 septembre 1984 1D92 168 er Le Progrès, le 1 octobre 1984 40 Carpentier Blandine - 2009 DEUXIEME PARTIE De 1982 à 1988 : entre continuité et tentatives d'adaptation face aux nouvelles réalités sociales

II. Une nouvelle cible d’action : les jeunes

À partir de 1982, les jeunes deviennent progressivement la nouvelle cible d’action sur laquelle se concentre la municipalité. Afin d’éviter qu’un nouvel « été chaud » se reproduise, les politiques pensent qu’il faut occuper les jeunes et les insérer pleinement dans la société. Une des priorités est donc de réduire le chômage massif qui les touche.

A). Vaincre le chômage chez les jeunes Suite à l’inquiétant rapport de Bertrand Schwartz en 1981 sur le développement du chômage des jeunes, le gouvernement décide de mettre en œuvre une politique d’insertion sociale et professionnelle des jeunes. Ces politiques reposent sur des structures locales, partenariales et transversales169. Très rapidement, Villeurbanne met en place ces structures et apparaît ainsi comme un fidèle relais du gouvernement dans la lutte qu’il mène contre le chômage des jeunes.

1). Un suivi personnalisé grâce aux Permanences d’accueil, d’information et d’orientation

L’ordonnance n°82-273 du 26 mars 1982170 invite les municipalités à créer des Permanences d’accueil, d’information et d’orientation (PAIO) et des missions locales. Le but de ces structures est d’accueillir des jeunes de 16 à 18 ans, sans qualification professionnelle, afin de leur donner une seconde chance et les aider à bâtir un nouveau projet d’insertion professionnel et social. Dès le mois d’octobre 1982, le Conseil municipal vote à l’unanimité l’installation d’une PAIO à Villeurbanne. Pour Charles Gourdin, l’Adjoint en charge de l’emploi, il est tout bonnement inconcevable que Villeurbanne, ville socialiste, ne se dote pas de cette structure. Selon lui, il s’agit presque d’un devoir moral en tant que représentant socialiste local de la majorité gouvernementale : « De nombreuses municipalités à direction socialiste envisagent de telles créations, il est donc évident que Villeurbanne doit se situer à l’avant-garde dans ce domaine 171». Ainsi, l’heure ne semble plus à la prise d’initiative municipale mais plutôt à l’application des directives gouvernementales. Nous retrouverons toujours cette tendance à partir du moment où la Gauche conquiert l’Élysée aux élections présidentielles de mai 1981. En ce qui concerne les PAIO, elles ont deux missions essentielles. La première consiste à donner aux jeunes des informations très précises sur les formations existantes ainsi que les adresses et numéros de téléphone des structures d’orientation auxquelles ils peuvent s’adresser. Le deuxième grand rôle confié aux PAIO est davantage un rôle d’écoute afin d’aider les jeunes à construire eux-mêmes leur projet de formation et, à plus long terme, leur projet d’insertion professionnelle et sociale. Pour cela, les PAIO sont invitées à travailler en étroit partenariat avec d’autres organismes publics tels que l’A.N.P.E (Agence nationale pour l’emploi), le C.I.O (Centre d’information et d’orientation), l’I.F.R.A, etc. Enfin, pour les jeunes en grande difficulté, les PAIO peuvent également mettre en place des stages d’orientation

169 « 25 ans de politique d’insertion professionnelle des jeunes », site Vie Publique, http://www.vie-publique.fr, 14.07.09 170 Ordonnance consultable en ligne sur le site : http://www.legifrance.gouv.fr 171 Délibération n°10 CM du 4 octobre 1982 1D80 Carpentier Blandine - 2009 41 Les politiques sociales à Villeurbanne de 1977 à 1995

approfondie, en collaboration avec les institutions citées précédemment172. D’ailleurs, les professionnels travaillant dans les PAIO sont généralement les mêmes que l’on retrouve dans les ANPE ou les CIO. Parmi eux, on dénombre entre autre des conseillers d’orientation, des éducateurs, et des assistants sociaux173. S’agissant du financement des PAIO, il est assuré en grande partie par l’État (environ 2/3 des dépenses globales de fonctionnement) ; les communes prenant surtout en charge les prestations en nature comme la mise à disposition de locaux communaux. Ainsi, la municipalité villeurbannaise aménage quatre salles du groupe scolaire Edouard Herriot, Cours de la République, à usage de la nouvelle P.A.I.O174. Cette dernière connait rapidement un grand succès. Au moment de son inauguration officielle, le 22 octobre 1982, près de 120 jeunes entre 16 et 20 ans, y ont déjà eu recours175. L’utilité sociale de cette structure est reconnue par la municipalité puisqu’à partir de 1983, elle reconduit chaque année la convention P.A.I.O passée avec l’État. Les élus villeurbannais considèrent en effet que les différentes missions d’orientation confiées aux P.A.I.O s’intègrent parfaitement à la « politique cohérente » qu’ils mènent dans ce domaine depuis leur élection en mars 1977176. Parmi les initiatives entreprises, nous ne pouvons omettre de rappeler l’organisation de stages-P.I.L à destination de jeunes villeurbannais en échec scolaire, dont nous avons déjà parlé dans la première partie. Il est intéressant d’observer l’évolution de la politique des P.I.L car elle est représentative du changement global, qui affecte l’ensemble des actions municipales villeurbannaises à partir de 1981, à savoir une simple reproduction à l’échelle locale des programmes gouvernementaux. Comment est-on passé des Plan d’Intérêt locaux aux travaux d’utilité collective (T.U.C)? En quoi les T.U.C complètent-ils la politique de lutte contre le chômage des jeunes devenue prioritaire à partir de 1981, tant à l’échelle locale que nationale ?

2). Des PIL aux TUC Les stages P.I.L ont été mis en place par la municipalité Hernu lors du premier mandat dans un souci de donner une nouvelle chance de formation professionnelle à des jeunes sortis du système scolaire sans aucune qualification. En 1978, il s’agissait aussi pour les élus villeurbannais de montrer à la population, ce que pourrait être le type d’action qu’un gouvernement socialiste instaurerait, si la Gauche dirigeait un jour le pays. Les P.I.L ne constituaient alors qu’une mesure expérimentale locale de lutte contre le chômage des jeunes. Or, quelques années plus tard, le gouvernement socialiste de propose un projet similaire aux P.I.L, sous le nom de T.U.C. Par cette mesure, on constate que l’attitude avant-gardiste qui caractérise la municipalité Hernu au cours de son premier mandat est bien fondée. Ainsi, dans le domaine de la formation professionnelle, les actions villeurbannaises ont même inspiré certaines politiques gouvernementales. Dans quelle proportion ? Cela reste difficile à démontrer.

172 Délibération n°10 CM du 4 octobre 1982 1D80 173 Le Progrès, le 12 octobre 1982 174 Ibid. 175 Le Progrès, le 23 octobre 1982 176 Délibération n°1 CM du 20 décembre 1982 1D80 42 Carpentier Blandine - 2009 DEUXIEME PARTIE De 1982 à 1988 : entre continuité et tentatives d'adaptation face aux nouvelles réalités sociales

Quoiqu’il en soit, les T.U.C semblent être le prolongement logique des P.I.L, comme l’affirme Charles Gourdin lorsqu’il présente la politique à ses collègues : « Elle vient confirmer notre action passée […] et nous donner les moyens supplémentaires qui nous manquaient afin de l’étendre et de l’améliorer177 ». Les T.U.C fonctionnent à peu près comme les P.I.L, à la seule différence qu’ils concernent un plus grand nombre de jeunes entre 16 et 21 ans. Ainsi 572 jeunes sont concernés à Villeurbanne au cours de la première année d’expérimentation. Les T.U.C offrent aussi des formations dans des secteurs d’activités très variés allant de l’entretien d’espaces verts à la rénovation de bâtiments, en passant par la garde d’enfants ou l’assistance aux personnes handicapés. Par contre, comme pour les stages P.I.L, l’encadrement est assuré par les services municipaux. Les deux préoccupations attenantes aux TUC sont d’une part de sensibiliser les jeunes au monde du travail afin qu’ils ne s’installent pas dans un comportement d’assisté, et d’autre part de leur dispenser une formation, entendue au sens large du mot c'est-à-dire en intégrant aussi les réalités de la vie et du monde178. Dès sa présentation, plusieurs conseillers municipaux, qui, ne sont d’ailleurs pas forcément de l’opposition, émettent des doutes quant au bien-fondé de cette nouvelle politique sociale. Ainsi, Alain Girod, conseiller socialiste, s’interroge par exemple sur les capacités réelles de formation recelées par les T.U.C. Il craint que ces derniers ne soient que des garderies pour grands enfants179. Mais l’équipe de Charles Hernu fait fi des scepticismes et signe au début de l’année 1985 une convention T.U.C avec l’État. Le bilan s’avère positif puisque la municipalité décide de renouveler l’expérience des T.U.C les années suivantes. Le principal argument de Charles Gourdin pour défendre cette politique est l’acquisition par les jeunes « tuciens » d’une première expérience professionnelle, qu’ils pourront ensuite faire valoir lors de leur recherche d’emploi. C’est en cela que l’Adjoint en charge des affaires économiques parle des T.U.C comme d’une sorte de passeport pour l’emploi180. Villeurbanne s’investit beaucoup dans ce dispositif, à tel point qu’en 1987, elle est considérée comme la collectivité locale du Rhône s’étant le plus engagée dans cette voie181. Ainsi, au cours du second mandat de Charles Hernu, nous constatons que Villeurbanne s’implique avec beaucoup d’énergie aux côtés des gouvernements socialistes dans le combat qu’ils décident de mener contre le chômage des jeunes. S’agissant des P.A.I.O et des T.U.C, la municipalité villeurbannaise les met en œuvre immédiatement après leur promulgation. Le maire de Villeurbanne est aussi le Ministre de la Défense jusqu’en 1985. Il convient donc pour la commune de faire bonne figure et de se montrer solidaire du gouvernement. Mais, l’attention portée aux jeunes à partir de 1981, à la fois au plan national et local, ne se limite pas à la question de l’emploi et de la formation professionnelle. Les hommes politiques cherchent également à agir dans le domaine préventif afin d’empêcher au maximum, et le plus tôt possible, le développement de conduites déviantes chez les

177 Communication de Charles Gourdin sur la mise en place des T.U.C à Villeurbanne CM du 10 décembre 1984 1D94 178 Ibid. 179 Ibid. 180 Délibération n°85-140 CM du 12 décembre 1985 1D101 181 Le Progrès, le 21 juillet 1987 Carpentier Blandine - 2009 43 Les politiques sociales à Villeurbanne de 1977 à 1995

jeunes. Les animateurs et éducateurs sociaux sont ainsi amenés à jouer un rôle essentiel dans ce nouveau dispositif de prise en compte global de la jeunesse.

B). Occuper les jeunes sur leur temps de loisirs La municipalité villeurbannaise met en place une politique active à destination des jeunes. Elle cherche à les occuper sur leur temps de loisirs et à les sensibiliser à la citoyenneté.

1). Faire participer les plus jeunes à la vie politique locale Pour les élus villeurbannais, la prévention de la délinquance passe par une éducation à la citoyenneté, qui doit se faire dès le plus jeune âge. Dans cette optique, Gilbert Chabroux, alors Adjoint chargé des affaires éducatives propose en octobre 1987 l’instauration d’un conseil municipal d’enfants (CME). À l’époque, le projet apparaît extrêmement novateur puisque seule une poignée de villes en France est déjà dotée d’une telle structure. C’est suite au premier Congrès National des Conseils d’Enfants, organisé à Migennes en mai 1987, par l’Association des Maires de France et par la Ligue des Droits que le phénomène prend de l’ampleur. De nombreux maires tentent alors l’expérience dans leur commune. Mais les projets varient d’une ville à l’autre, principalement quant à l’âge retenu pour les enfants, les thèmes abordés lors des conseils, ou encore le mode de désignation des conseillers (vote ou volontariat). À Villeurbanne, il est décidé que les jeunes conseillers seront élus par leurs pairs parmi les 45 classes de CM2 des écoles publiques et privées de la ville. Selon Gilbert Chabroux, il est primordial que les conseillers soient élus, afin qu’ils disposent d’une certaine légitimité dans l’accomplissement de leurs missions. Le CME, tel qu’il est envisagé par l’Adjoint à l’éducation, doit être un lieu de discussion et de « participation concrète des jeunes » par le biais notamment de montage de projet sur des thèmes spécifiques à l’enfance comme l’école, la culture, les loisirs ou d’intérêt plus général tels que la vie quotidienne, la problématique liée au Tiers-Monde182. Cependant, si le projet semble assez simple sur le papier, il n’en est pas de même de sa mise en œuvre pratique. Les élus villeurbannais le constatent assez rapidement. Pour Gilbert Chabroux, le problème principal vient de la trop grande juvénilité des enfants, qui, selon lui, ne sont pas toujours capable d’appréhender distinctement les problèmes183. L’Adjoint reconnait en effet qu’il aurait été plus intéressant de mener cette expérience avec des adolescents, comme ce fut par exemple le cas à Issy-les-Moulineaux à partir de 1985184. Le choix de l’âge des conseillers est en réalité extrêmement stratégique. Comme l’explique Gérald Gallet, Adjoint au maire de la ville de Melun, « la faculté d’opposition de l’enfant est moins développée, d’où une prise de risque pour l’adulte moins importante185 ». 182 Communication de Gilbert Chabroux sur la mise en place du Conseil des Enfants à Villeurbanne – CM du 26 octobre 1987 1D110 183 Entretien avec Gilbert Chabroux, le 9 juin 2009 (cf. Annexe 1) 184 GALLET Gérald, Les conseils municipaux d’enfants et de jeunes : l’intégration par la participation, Paris, LGDJ, 1997. 211 pages 185 Ibid. 44 Carpentier Blandine - 2009 DEUXIEME PARTIE De 1982 à 1988 : entre continuité et tentatives d'adaptation face aux nouvelles réalités sociales

Mais, le véritable intérêt pour notre étude est de s’interroger sur les capacités réelles de cette structure à intégrer les jeunes. Dans quelle mesure ce dispositif a-t-il pu faire parti d’une politique d’intégration de la jeunesse? Il est extrêmement difficile de savoir si l’instauration du CME à Villeurbanne constitue un volet de la politique de jeunesse imaginée par les élus ou si elle ne reflète qu’un effet de mode, auquel aurait adhérer un temps la municipalité pour faire bonne figure. Ce qui est certain, c’est que via ce projet, les élus souhaitent œuvrer pour le développement de la démocratie locale et la promotion de la diversité sociale et culturelle. Gilbert Chabroux précise à cet effet que tous les enfants des différents quartiers sont représentés sans distinction raciale, sociale et de sexe186. Il s’agit en effet d’apaiser les esprits à une époque où les tensions raciales entre les jeunes français et immigrés sont de plus en plus présentes. N’oublions pas qu’en 1987, nous sommes seulement quelques années après l’organisation de la marche des beurs de 1983. En sensibilisant les enfants, dès leur plus jeune âge, sur les thèmes de la citoyenneté et de la participation, les élus espèrent influencer positivement le comportement futur de ces préadolescents. Cependant, on peut émettre des doutes quant aux résultats attendus, dans la mesure où seule une petite partie des jeunes - ceux qui ont été élus- bénéficient de cette formation citoyenne. Le CME peut ainsi être à l’origine d’une fracture, pouvant même aller jusqu’à susciter un sentiment de frustration et d’exclusion chez les enfants spectateurs187. D’autre part, même s’il est incontestable qu’une formation à la citoyenneté ne peut que favoriser l’intégration, puisque ces deux termes fonctionnent ensemble, il ne faut pas croire pour autant, comme le souligne Gérald Gallet, que le Conseil municipal d’enfants et de jeunes (CMEJ) constitue une solution unique pour lutter contre l’exclusion. Ce dernier ne constitue qu’une étape dans la formation d’un citoyen intégré. La réussite de l’expérience est totale si les conseillers les plus motivés trouvent des opportunités de poursuivre leur rôle d’acteur après leur départ du CMEJ188. Comme nous venons de le voir, le CMEJ présente donc un certain nombre de limites, particulièrement en ce qui concerne sa fonction intégratrice. À Villeurbanne, l’expérience ne fut pas un franc succès, en raison d’une mauvaise appréciation au départ de l’âge des conseillers. Néanmoins, cette expérience atteste de la détermination de la municipalité villeurbannaise à mettre en place une politique de jeunesse invitant les plus jeunes à participer à la vie municipale. On ne fait plus seulement pour les jeunes mais avec les jeunes. La représentation de la jeunesse que se font les hommes politiques commencent progressivement à changer à partir du milieu des années 1980. Les associations socio-éducatives ont dès lors un rôle crucial à jouer dans cette nouvelle prise en charge de la jeunesse.

2). Encourager l’action des associations de jeunesse Qu’elles soient à but socio-éducatif ou à but socioculturel, les associations de jeunesse suscitent toute l’attention de la municipalité lors du second mandat de Charles Hernu.

186 Communication de Gilbert Chabroux sur la mise en place du Conseil des Enfants à Villeurbanne – CM du 26 octobre 1987 1D110 187 GALLET Gérald, Les conseils municipaux d’enfants et de jeunes…, op.cit.p.171 188 Ibid. Carpentier Blandine - 2009 45 Les politiques sociales à Villeurbanne de 1977 à 1995

Dès mars 1977, l’encouragement de la vie associative constituait déjà un des piliers de la politique municipale, mais il s’agissait alors de la vie associative entendue dans son ensemble. En revanche, suite aux violences urbaines de l’été 1981, dont nous avons fait mention précédemment, l’accent est désormais mis sur les associations de jeunesse. Il faut occuper les jeunes afin qu’ils ne commettent plus d’actes de délinquance, tel est le nouveau crédo prôné par les élus socialistes, notamment à l’approche de la période estivale. Si l’on en croit les journalistes du Progrès, les mois d’été sont en effet propices à une recrudescence de violences chez les jeunes, car, pour les plus défavorisés d’entre eux, cette période est synonyme d’ennui et d’inactivité189. La municipalité Hernu prend donc le pari de faire baisser les chiffres de la délinquance lors des grandes vacances scolaires, en ayant recours à différentes activités sportives, culturelles, et socio-éducatives. En réalité, ce dispositif d’actions n’est pas une initiative municipale mais une initiative nationale, décidée en 1982 par le gouvernement socialiste de l’époque en réaction aux violences urbaines de l’été précédent. À l’origine, ce programme s’intitulait « Opération Été Jeunes » mais les médias l’ont très rapidement rebaptisé « opérations anti-été chaud » afin de souligner l’importance des mesures déployées190. À Villeurbanne, cette opération prend la forme d’activités et d’animations diverses proposées aux jeunes tout au long de l’été. Les équipements sociaux habituels, à savoir : les centres sociaux, les maisons des jeunes et de la culture (M.J.C), les centres Léo-Lagrange assurent cette animation. Ainsi, à l’été 1982, les élus, en concertation avec les animateurs offrent par exemple la possibilité à des adolescents et jeunes adultes de quitter Villeurbanne quelques jours pour participer à des camps sportifs en Camargue et en Ardèche191. En 1983, Stéphane Boudoyan, l’Adjoint en charge de l’action socio-éducative se félicite car l’opération anti-été chaud a réussit à toucher plus de 5500 enfants à Villeurbanne192. Il est intéressant de constater que la vision des éducateurs sur le dispositif « Été Jeunes » n’est pas du tout la même que celle des politiques. En effet pour les éducateurs, l’intérêt de mettre en place ces activités de loisirs va au-delà de la simple occupation des jeunes le temps d’un été193. Le soutien qu’apporte la municipalité aux associations de jeunesse est donc accentué en période estivale. Mais, il l’est aussi les autres mois de l’année par le biais des subventions que la municipalité accorde à ces différentes associations sportives, socio-éducatives et socio-culturelles œuvrant auprès des jeunes. À partir du second mandat, l’équipe municipale décide cependant de faire une distinction entre toutes ces associations. D’un côté, il y a celles qui obtiennent de grosses subventions car la municipalité entretient avec elles des rapports de type contractuel ; tandis que de l’autre côté, on dénombre des petites associations plus modestes mais qui n’en sont pour autant pas moins utiles194.

189 Le Progrès, le 15 mai 1982 190 TOURRILHES Catherine, Construction sociale d’une jeunesse en difficulté - Innovations et ruptures, Paris, L’Harmattan, 2008. 205 pages 191 Le Progrès, le 15 mai 1982 192 Le Progrès, le14 septembre 1983 193 Le Progrès, le 29 septembre 1983 194 Délibération n°10 CM du 6 juin 1983 1D84 46 Carpentier Blandine - 2009 DEUXIEME PARTIE De 1982 à 1988 : entre continuité et tentatives d'adaptation face aux nouvelles réalités sociales

Intéressons nous aux premières puisque, étant les plus gourmandes en subventions, elles reflètent davantage la volonté municipale. Entre le début du second mandat en 1983 et la fin de celui-ci en 1988, on constate, au regard des différents comptes administratifs (CA), que les subventions octroyées aux associations sportives et culturelles ont plus que doublé puisqu’elles sont passés de 10 727 067 francs en 1983 à 23 868 192 francs en 1988. Il faut néanmoins être prudent vis-à-vis de ces chiffres car, sous le chapitre 945 « Sports et beaux- arts » de la section fonctionnement sont en réalité regroupées l’ensemble des subventions distribuées aux associations ayant une relation de type contractuelle avec la municipalité, et non exclusivement celles attribuées aux associations de jeunesse. Encourager l’action de ces associations signifie aussi pour la municipalité Hernu leur mettre à disposition des équipements collectifs, dignes de ce nom. Pour cela, la municipalité conçoit à faire des investissements importants, aussi bien sur le plan sportif que culturel. Au cours du second mandat sont notamment réalisées la Maison du livre, de l’image et du son ainsi que l’aménagement de multiples infrastructures sportives. Jusqu’en 1989, la volonté municipale dans le domaine sportif est d’ailleurs très claire : il faut équiper chaque quartier d’un stade ou d’un gymnase afin de favoriser le sport pour tous195. Dans la décennie 1980, l’action municipale menée à Villeurbanne envers les jeunes comporte donc deux grands volets : la lutte contre le chômage et les loisirs. Dans les deux cas, l’objectif reste le même, il s’agit d’occuper les jeunes afin qu’ils ne soient pas désœuvrés. Mais, ce nouvel intérêt porté à la jeunesse n’empêche pas pour autant la municipalité Hernu de poursuivre de front les autres politiques sociales de la cité.

III. La poursuite et l’accentuation des actions sociales menées précédemment

La municipalité villeurbannaise poursuit et étend les actions sociales et sociétales menées lors du premier mandat.

A). Entre social et sociétal De son plus jeune âge jusqu’à sa retraite, chaque villeurbannais et villeurbannaise est concerné par les politiques sociales instaurées par la municipalité.

1). Une politique sociale pour tous les âges Fidèle aux politiques sociales qu’elle a mise en place précédemment, la municipalité Hernu les renouvelle au cours du second mandat. S’agissant de la Petite-enfance, l’équipe municipale rentre, à partir de 1983, dans, ce qu’elle a elle-même désigné comme la seconde phase de sa politique dans ce domaine. Pour Pascale Crozon, l’Adjointe à la Petite enfance, il s’agit, après avoir répondu aux besoins de la population villeurbannaise en créant des structures d’accueil sur l’ensemble de la ville, d’entrer dans une phase de réflexion et de dialogue avec les intervenants afin

195 Le Progrès, le 19 février 1988 Carpentier Blandine - 2009 47 Les politiques sociales à Villeurbanne de 1977 à 1995

de déterminer les meilleurs fonctionnements en la matière196. L’Adjointe justifie ce temps de réflexion par l’extrême rapidité des évolutions dans le secteur de la petite enfance mais également du fait des contraintes budgétaires de la commune197. Il ne faut pour autant pas s’imaginer que plus aucun aménagement n’est réalisé dans ce domaine. Ainsi, au printemps 1986, une quatrième mini-crèche, baptisée non au hasard, Eugénie Boyet (journaliste féministe du XIXe siècle) ouvre ses portes dans le quartier de Cusset. Mais, il est vrai que l’effort de la municipalité en matière de Petite enfance est désormais concentré sur la formation des assistantes maternelles plutôt que sur la construction de nouveaux équipements, extrêmement coûteux. Deux autres innovations sont à souligner dans le domaine de la Petite enfance au cours du second mandat. Il s’agit d’une part de la volonté de développer une véritable politique culturelle adaptée aux tout-petits avec des spectacles et des ateliers appropriés. On remarque ici l’attachement de Pascale Crozon à maintenir une philosophie favorisant l’éveil de l’enfant avant tout. L’autre nouveauté à mentionner est le lancement en décembre 1986 d’un bulletin d’informations pratiques, « Le Petit Baroudeur », destiné aux parents et aux éducateurs de jeunes enfants. Ce journal permet de faire le point sur des sujets propres à l’enfance tels que l’allaitement au sein mais aborde aussi des thèmes plus légers comme la recette de la pâte à sel198. En ce qui concerne les centres sociaux, la municipalité se montre aussi solidaire que lors du premier mandat. Fidèle à son engagement du 4 avril 1977 de financer 25% des dépenses de fonctionnement des centres sociaux, la municipalité Hernu vote chaque année le montant des subventions qu’elle leur attribue. On remarque qu’en dépit de la rigueur budgétaire à laquelle elle est contrainte, la municipalité ne réduit pas ses subventions à l’égard des centres sociaux. Au regard des comptes administratifs annuels, on constate même une augmentation des participations versées aux centres sociaux puisque celles-ci passent de 2 370 000 francs en 1982 à 3 828 000 francs en 1987, soit une hausse de 61,5% en 5 ans. Par ailleurs, la municipalité socialiste affiche aussi son soutien à la Fédération des Centres Sociaux du Rhône (FCSR) lorsque cette dernière rencontre des difficultés financières en 1985. Elle va ainsi contribuer à hauteur de 12 322 francs à la création d’un fond de solidarité départemental, dont l’objet est de secourir les centres sociaux rencontrant des difficultés temporaires de trésorerie199. La décennie des années 1980 n’est effectivement pas des plus simples pour les centres sociaux, qui voient leurs subventions se réduire, suite à la réorganisation institutionnelle provoquée par les lois de décentralisation200. Comme l’explique Robert Durand, « le financement des centres reste compliqué et aléatoire sans base sûre en dehors de la prestation de service de la CNAF201 ». Par conséquent, on peut dire que les centres sociaux de Villeurbanne sont chanceux, puisque la municipalité Hernu verse toujours ses subventions en temps et en heure, et même parfois en avance. 196 Lyon Matin, le 15 mars 1987 197 Lyon Matin, le 28 août 1985 198 Le Progrès, le 6 novembre 1987 199 Délibération n°85053 CM du 7 juin 1985 1D97 200 DURAND Robert, Histoire des centres sociaux…op.cit, page 185 201 Ibid. 48 Carpentier Blandine - 2009 DEUXIEME PARTIE De 1982 à 1988 : entre continuité et tentatives d'adaptation face aux nouvelles réalités sociales

Du point de vue de la politique en faveur des personnes âgées, la municipalité reste également active. Elle poursuit son service de portage de repas à domicile qui connaît un véritable succès. La municipalité est même contrainte d’embaucher du personnel supplémentaire en cuisine pour assurer correctement ce service202. Mais, dans le secteur des personnes âgées, la municipalité innove aussi. Ainsi, le 14 novembre 1983, le Conseil municipal décide de prendre en charge les frais de taxi liés au transport des personnes âgées aux bureaux de vote lors des journées d’élections. Cette action de solidarité vise à permettre aux personnes âgées de continuer à pouvoir exercer leur droit de vote. Ceci représente un coût pour la municipalité puisque par exemple pour les élections municipales de mars 1983, cette action lui a coûté 6000 francs203. Il faut néanmoins rester critique vis-à-vis de cette politique car, elle n’est pas dénuée de tout intérêt partisan. En effet, en donnant la possibilité aux personnes âgées d’exprimer leur droit civique, la municipalité espère certainement que ces personnes la remercieront en votant pour elle ou pour le candidat qu’elle soutient. En parallèle de ces politiques sociales, la municipalité s’intéresse de plus en plus à des domaines d’action qui relèvent du sociétal.

2). Une municipalité à l’écoute des problèmes spécifiques de la condition féminine Nous l’avions déjà effleuré dans la première partie, mais c’est surtout au cours du second mandat que l’importance des thématiques « sociétales » se révèle aux yeux des élus socialistes, et plus particulièrement les préoccupations liées à la condition féminine. La question de la place des femmes dans la société est en effet au cœur des débats dans la décennie 1980. Bénéficiant de la libération des mœurs et des luttes du mouvement féministe au début des années 1970, de plus en plus de femmes travaillent et s’émancipent. L’arrivée de la gauche au pouvoir en 1981 accentue encore cette tendance puisque les socialistes prêtent une oreille attentive au discours du Mouvement de libération des femmes (MLF) sur la contraception et l’avortement204. Villeurbanne n’échappe pas à cette tendance et de nombreuses associations locales en faveur des femmes se constituent alors à l’époque. L’une d’entre elles, baptisée V.I.F.F (Villeurbanne, Information, Famille, Femmes) - S.O.S femmes est particulièrement active dans ce domaine. Crée en janvier 1979, l’association a pour but initial de venir en aide aux femmes victimes de violences conjugales. Disposant au départ d’une capacité d’accueil très restreinte, cette association va rapidement développer ses activités, grâce notamment aux subsides municipaux alliés à ceux de la CAF. En mai 1982, l’association possède déjà 25 appartements répartis sur l’ensemble de la ville qu’elle met à disposition provisoire des femmes en difficultés. La deuxième phase du travail de l’association consiste à accompagner les femmes dans leurs recherches de logement et d’emploi afin qu’elles puissent repartir dignement dans la vie205. L’objectif est en effet que ces femmes puissent rapidement retrouver leur indépendance sans devenir des assistées sociales.

202 Délibération n° 84019 CM du 23 janvier 1984 1D89 203 Délibération n°83 077 CM du 14 novembre 1983 204 BERSTEIN Serge, MILZA Pierre, Histoire de la France au XXe siècle…, op.cit, page 280 205 Le Progrès, le 7 mai 1982 Carpentier Blandine - 2009 49 Les politiques sociales à Villeurbanne de 1977 à 1995

Hormis cette activité d’hébergement d’urgence pour les femmes en difficultés, V.I.F.F- S.O.S femmes a aussi développé en novembre 1982, un centre d’information sur les droits de la femme (C.I.D.F), dont la mission est d’apporter à celles-ci un ensemble de documentations et d’informations sur des questions d’ordre juridique, professionnel, social ou familial. Ce C.I.D.F rencontre un grand succès auprès de la gente féminine, puisqu’en 1984, 120 villeurbannaises y ont recours en moyenne chaque mois206. Il faut dire que cet organisme est très actif et organise régulièrement des conférences-débats et des animations sur des problématiques liées à la condition féminine, à l’image de cette exposition intitulée « pour une éducation non sexiste », organisée en septembre 1984207. Il est intéressant de remarquer que les personnes s’investissant au sein du C.I.D.F sont les mêmes que celles gérant le centre d’hébergement d’urgence. À la tête de l’association, on retrouve Dominique Hernu, la première épouse du maire tandis que la Directrice du centre d’hébergement n’est autre que Brigitte Thévenieau, l’Adjointe à la population à partir de 1983. Le fait que ces deux personnalités soient très proches de la municipalité peut effectivement nous faire émettre des doutes quant à la réelle indépendance de l’association. Il n’en reste pas moins que grâce au centre d’hébergement d’urgence mis en place par V.I.F.F-S.O.S femmes, Villeurbanne est en pointe en ce qui concerne l’accueil des femmes battues. Yvette Roudy, le Ministre des Droits de la femme qualifia même le centre de « modèle et pionnier » quand elle vint le visiter en mai 1982208. Cette expérience villeurbannaise fit effectivement école puisqu’elle inspira par la suite l’installation de nombreux centres d’hébergement dans plusieurs villes de France (Marseille, par exemple)209. Ainsi, même au milieu des années 1980, en plein cœur de la décentralisation, la municipalité villeurbannaise a encore les moyens d’être un laboratoire en matière d’innovations sociales et sociétales. L’intérêt que manifestent les élus socialistes pour les problèmes spécifiques de la condition féminine ne se tarit pas avec le temps. Ainsi, quand le gouvernement propose en octobre 1985 une aide financière spécifique pour l’insertion sociale et professionnelle en faveur des femmes isolées, la municipalité villeurbannaise se porte aussitôt volontaire pour reléguer ce dispositif au niveau local. Le 27 novembre 1986, le CCAS de Villeurbanne, représenté par son Président, Charles Hernu, signe avec l’État une convention relative à ce nouveau programme. Choisis directement par le CCAS, les bénéficiaires de cette aide, au nombre de 10 pour l’année 1987, sont des femmes isolées, âgées de plus de 40 ans et privées de ressources financières. En leur dispensant une véritable formation professionnelle, suivie d’un période de stage auprès des services municipaux, l’objectif des pouvoirs publics est de réinsérer socialement ces femmes par la voie du travail. On remarque ici la ressemblance frappante qui existe, du point de vue des intentions, entre ce dispositif et celui des T.U.C mis en place pour lutter contre le chômage des jeunes. S’agissant des modalités pratiques de ce programme, l’État s’engage à verser une allocation mensuelle de 1 710 francs à chacune des stagiaires, de même qu’il prend en charge leurs frais de formation, estimés à 4 500 francs par participante. La municipalité, quant à elle,

206 Le Progrès, le 12 septembre 1984 207 Le Progrès, le 21 septembre 1984 208 Le Progrès, le 7 mai 1982 209 Le Progrès, le 24 janvier 1984 50 Carpentier Blandine - 2009 DEUXIEME PARTIE De 1982 à 1988 : entre continuité et tentatives d'adaptation face aux nouvelles réalités sociales

complète le montant des allocations versées par l’État, afin que l’indemnité globale soit équivalente à un demi-SMIC210. Au travers de ces deux exemples (association V.I.F.F et participation au dispositif étatique d’insertion des femmes isolées), on perçoit bien la volonté qu’a la municipalité villeurbannaise d’agir pour la promotion de la condition féminine. Néanmoins, la lutte contre les discriminations de sexe est loin d’être la seule thématique « sociétale » dont se préoccupent les élus socialistes. La protection de l’environnement constitue elle aussi un axe d’action majeur.

B). Agir pour l’amélioration du cadre de vie Améliorer le cadre de vie des habitants reste un des objectifs prioritaires de la municipalité Hernu. Pour cela, elle va agir à la fois sur le volet environnemental et sur celui du bâti.

1). La préoccupation grandissante du respect de l’environnement et de la maîtrise énergétique Pour Florian Charvolain, chargé de recherches en sciences sociales au CNRS, le concept d’environnement apparaît en France à la fin des années 1960, puisque c’est à cette période qu’il fait l’objet de publications et qu’il devient matière à politiques publiques211. N’oublions pas que c’est effectivement en 1971 qu’est crée pour la première fois en France un Ministère de la protection de la Nature et de l’environnement. L’idée qu’il faut respecter l’environnement prend alors de plus en plus d’importance dans les discours et les actions des hommes politiques. À celle-ci s’ajoute une seconde prise de conscience par rapport à la dépendance énergétique dans laquelle se trouve la France dans les années 1980, notamment vis-à-vis des pays producteurs de pétrole. Les deux grandes priorités gouvernementales dans ce domaine visent donc au développement des énergies nationales mais également à une meilleure maîtrise de la consommation énergétique afin de réduire les gaspillages. À son échelle, Villeurbanne participe aussi à cet effort écologique général en mettant en place un ensemble de politiques visant au respect de l’environnement et à la maîtrise énergique. En mars 1984, la municipalité s’engage par exemple, en partenariat avec l’Agence Française pour la Maîtrise de l’Energie (AFME) dans une étude de faisabilité pour la réalisation future d’un équipement solaire au centre nautique Etienne Gagnaire. Bien que ce projet de panneaux solaires ait été étudié pour être rentable au bout de trois années d’existence, il n’en demeure pas moins qu’il constitue au départ un véritable investissement financier pour la municipalité. Le montant approximatif des travaux envisagés est en effet de l’ordre de 850 000 francs T.T.C dont seulement 40% bénéficieront d’une subvention de l’AFME. Mais, comme le précise Elisabeth Beudot, la rapporteuse de la délibération, cet investissement s’inscrit dans le prolongement du programme de grands travaux de maîtrise de l’énergie dans lequel s’est engagée la ville depuis 1978212. Il faut effectivement

210 Communication du maire sur la mise en place des contrats d’insertion sociale et professionnelle pour les femmes isolées er – CM du 1 décembre 1986 1D106 211 Florian Charvolin, « 1970 : L’année clef pour la définition de l’environnement en France », La Revue pour l’histoire du CNRS, N°4 - Mai 2001, [En ligne], mis en ligne le 20 juin 2007. URL : http://histoire-cnrs.revues.org/document3022.html. Consulté le 4 août 2009. 212 Délibération n° 84.055 CM du 2 mars 1984 1D90 Carpentier Blandine - 2009 51 Les politiques sociales à Villeurbanne de 1977 à 1995

rappeler qu’en matière d’économies d’énergie, la municipalité n’en est pas à sa première réalisation puisqu’en 1982, elle décide le raccordement de la chaufferie de la Doua à la Régie municipale, ce qui aura pour conséquence positive d’abaisser le coût du chauffage pour les usagers d’environ 10%213. S’agissant maintenant de la politique municipale en matière d’environnement, on constate que cette dernière ne fait en réalité que poursuivre les efforts réalisés au cours du premier mandant pour augmenter la superficie d’espaces verts à Villeurbanne. Ainsi, le Plan Vert, qu’adopte le Conseil municipal le 20 décembre 1988 n’est autre qu’un programme visant à une meilleure structuration des espaces verts au sein de la ville. Lors du second mandat, la municipalité socialiste conserve donc à peu de choses près la même intention d’améliorer l’environnement et le cadre de vie des habitants. Néanmoins, l’accent est davantage mis sur les économies d’énergie. La réhabilitation du bâti constitue par conséquent une autre mesure privilégiée pour atteindre l’objectif énergétique précité.

2). Les opérations de réhabilitation aux Buers Un autre moyen utilisé par la municipalité pour réaliser des économies d’énergie est la mise en place d’un programme de rénovation, de réhabilitation et d’isolation thermique du bâti H.L.M. Au cours du second mandat, le quartier des Buers, situé au nord/est de la commune focalise alors toute l’attention des élus. Pour bien comprendre dans quel état de délabrement se trouvent les ensembles HLM de ce quartier en 1982, quand le conseil municipal vote leur réhabilitation, il convient de se replonger quelques instants dans le passé. Dans la période des Trente Glorieuses, la France doit faire face à un déficit important de logements en raison d’une part, des destructions de la guerre et d’autre part, du fait de l’arrivée massive des travailleurs étrangers auxquels le pays fait appel pour faire tourner ses usines. Dans les grandes agglomérations françaises, on construit alors à toute hâte des logements à caractère quantitatif plus que qualitatif. Bien souvent en effet, la construction de ces ensembles d’habitation ne s’accompagne pas des équipements sociaux et des commerces correspondants. Ainsi, en est-il des deux îlots H.L.M des Buers construits en 1956, respectivement nommés : les Logements Populaires Familiaux (LO.PO.FA) et les Logements économiques normalisés (L.E.N Alexandre Ribot). En 1982, après 26 ans d’occupation, les bâtiments de ces immeubles commencent à se dégrader et cette vétusté ne satisfait plus les souhaits des jeunes générations, qui, selon Bernard Rivalta, l’Adjoint à l’urbanisme, sont beaucoup exigeantes que leurs parents par rapport au niveau des conditions de vie214. Dès lors, les élus prennent conscience de la nécessité d’agir rapidement de manière à ce que le quartier des Buers ne devienne pas une « zone ». Mais, tirant très certainement les leçons de leur expérience à Olivier de Serres, ils vont cette fois se montrer plus prudents et choisir la voie de la réhabilitation, plutôt que celle de la démolition, afin disent-ils « de ne pas créer un nouveau déménagement donc une nouvelle déstabilisation et de recommencer encore ce cycle infernal qui traumatise des vies

213 Le Progrès, le 20 mai 1982 214 er Délibération n°7 CM du 1 mars 1982 1D77 52 Carpentier Blandine - 2009 DEUXIEME PARTIE De 1982 à 1988 : entre continuité et tentatives d'adaptation face aux nouvelles réalités sociales

entières 215». Le 1er mars 1982, le Conseil municipal adopte donc à l’unanimité le projet de réhabilitation des Buers dans le cadre d’une opération « Habitat et Vie sociale (HVS)». Les programmes HVS ont été expérimentés à partir de 1977 suite aux travaux du groupe de réflexion du même nom. Au travers des conventions HVS, l’État, les collectivités locales et les organismes de logement social s’associent pour des opérations de restauration immobilière touchant les logements mais également les espaces publics et les équipements collectifs216. À partir de 1980, les dispositifs HVS bénéficient des financements du Fonds d’aménagement urbain (F.A.U) dont le rôle consiste à appuyer financièrement l’aménagement des centres des villes et de leurs quartiers. Avec les opérations HVS, même si nous ne sommes encore qu’aux prémices de la politique de la ville, on perçoit déjà assez bien cette volonté nouvelle des dirigeants politiques de ne pas agir exclusivement sur le bâti mais de tenir compte également des problèmes sociaux des quartiers. D’ailleurs, dans la présentation qu’il fait du projet, Bernard Rivalta insiste bien sur le fait que cette réhabilitation doit être « sociale » et pas seulement « immobilière »217. Sur les 34 millions de francs estimés pour cette opération, il est prévu que la ville de Villeurbanne en finance 4 millions, le reste étant pris en charge par les différents partenaires dont le F.A.U, la D.D.A.S, la Courly, la Caisse Nationale du Logement, la CAFAL. La réhabilitation des H.L.M des Buers s’étale quasiment sur tout le second mandat avant d’être relayé ensuite en 1989 par un autre dispositif plus important de la politique de la ville : le développement social des quartiers (DSQ) dont nous reparlerons dans la partie suivante.

Conclusion

Cette deuxième période est marquée par une volonté d’adaptation de la municipalité aux réalités nouvelles du temps. Ainsi, pour combattre le fléau de la délinquance, la municipalité Hernu oriente ses efforts vers de la prévention plutôt que de la répression. Par ailleurs, elle cible ses actions sur la population des jeunes dans l’optique de réduire leur chômage et de les occuper sur leur temps de loisirs. Pour autant, les élus socialistes n’en oublient pas le reste de la population et s’attachent pour cela à poursuivre les actions sociales menées précédemment.

215 er Délibération n°7 CM du 1 mars 1982 1D77 216 « La politique de la ville », site Archives nationales, http://www.archivesnationales.culture.gouv.fr, le 05.08.09 217 Le Progrès, le 3 mars 1982 Carpentier Blandine - 2009 53 Les politiques sociales à Villeurbanne de 1977 à 1995

TROISIEME PARTIE De 1989 à 1995 : la municipalité court-circuitée dans ses actions sociales

Introduction

Cette troisième partie, qui correspond à la période allant de 1989 à 1995 est marquée par plusieurs évènements. Tout d’abord, si elle commence avec la troisième réélection de Charles Hernu en tant que maire, elle se termine sans lui, puisqu’en janvier 1990, il décède sur scène d’une crise cardiaque lors d’un meeting pour la cause arménienne. Son premier adjoint, Gilbert Chabroux, lui succède alors à la tête de la ville. Si ce décès ne change pas fondamentalement les choses en ce qui concerne les politiques sociales mises en place, il reste néanmoins à souligner dans la mesure où, à côté de l’homme, c’est aussi une personnalité et un style de gouvernement atypique qui disparaît avec la mort de Charles Hernu. D’autre part, cette période est caractérisée par l’entrée de Villeurbanne en Politique de la ville avec l’instauration du dispositif DSQ dans deux de ses quartiers. Enfin, le début des années 1990 correspond à une phase de dépolitisation de la question municipale au sein du Parti socialiste. Ainsi, dans ce nouveau contexte, caractérisé de surcroît par une accentuation de la décentralisation et du gouvernement par contrats218, la municipalité villeurbannaise parviendra-t-elle à maintenir une politique différenciée en matière sociale ?

I. La Politique de la ville, clef de voûte des actions municipales

À partir de 1989, Villeurbanne fait son entrée en politique de la ville avec la mise en place du DSQ dans deux de ses quartiers. Cet investissement dans la politique de ville va avoir un impact considérable sur l’ensemble des actions sociales municipales. En effet, après 1990, la plupart des politiques sociales qu’instaure la municipalité villeurbannaise a un lien plus ou moins direct avec les objectifs gouvernementaux de développement social urbain.

A). Villeurbanne et le DSQ

218 GAUDIN Jean-Pierre, Gouverner par contrat, Paris, Presses de Sciences Po,2007,275 p. 54 Carpentier Blandine - 2009 TROISIEME PARTIE De 1989 à 1995 : la municipalité court-circuitée dans ses actions sociales

Qu’est ce que le DSQ ? Comment ce dispositif a-t-il été appliqué à Villeurbanne ? Combien a-t-il coûté ?

1). Présentation du dispositif Suite aux violents incidents qui éclatent à Vénissieux pendant l’été 1981, le Premier ministre décide, en octobre de la même année, de créer une Commission nationale pour le développement social des quartiers (CNDSQ). Elle est chargée de réfléchir aux moyens à mettre en œuvre pour lutter contre la ghettoïsation des quartiers défavorisés. C’est aussi à ce moment, en décembre 1981 précisément, que sont crées les zones d’éducation prioritaire (ZEP) par Alain Savary, alors Ministre de l’Éducation nationale. L’idée est de donner des moyens supplémentaires aux établissements de ces ZEP dans le but de surmonter les handicaps scolaires des enfants résidant dans les quartiers en difficulté. En janvier 1983, Hubert Dubedout, maire de Grenoble et président du CNDSQ, remet un rapport intitulé « Ensemble, refaire la ville ». À l’intérieur, un programme de « Développement social des quartiers » y est proposé pour la réhabilitation de 23 quartiers de grands ensembles considérés comme prioritaires par le CNDSQ. Ce dispositif prévoit dès le départ une concertation étroite entre la commune intéressée, l’État et les populations concernées. Il s’inscrit ainsi dans la continuité des conventions HVS, à la seule différence que l'ambition ne s'attache plus seulement au réaménagement du cadre bâti mais inclut aussi une dimension socio-économique, visant à l’amélioration des conditions de vie des habitants219. Les premiers contrats de plan Etat-régions (1984-1988) intègrent le DSQ : 148 conventions DSQ y sont inscrites concernant environ 170 quartiers. La décentralisation ayant eut lieu, la région a effectivement un rôle incontournable à jouer dans la mise en œuvre de la Politique de la ville. Ces premières opérations permettent d’expérimenter la contractualisation dans un champ d’action nouveau et servent de tests pour la suite. Les résultats semblent être à la hauteur des espérances puisque le programme DSQ est reconduit et même étendu à de nouveaux quartiers pour la période 1989-1994. En tout, ce sont près de 296 conventions DSQ qui sont signées dans le cadre du Xème Plan220. Villeurbanne fait alors partie des villes retenues pour cette deuxième phase d’application. Avec la mise en place des conventions-DSQ, les pouvoirs publics montrent leur volonté d’envisager et de traiter les problèmes sociaux des banlieues d’une manière nouvelle et différente de ce qui avait pu être fait jusqu’alors. Le maître-mot en la matière devient « globalité ». Les élus prennent conscience que la résolution de la question sociale ne peut être que globale. Dès lors, il convient selon eux d’intervenir sur tous les pans de la vie sociale des individus tels que leurs conditions d’habitat, leur emploi, leur sécurité…. Le temps de la segmentation des politiques sociales touche à sa fin. C’est une tendance que l’on retrouve largement dans les programmes DSQ. Mais, la mise en place en place d’actions globales nécessite aussi une plus grande concertation et participation de la population aux projets. L’autre grand volet du dispositif DSQ consiste donc à susciter des dynamiques de développement social local, à l’initiative des habitants eux-mêmes.

219 Catherine Panassier, « Politique de la ville : les principaux repères », site Millenaire3 Le Centre Ressources Prospectives du Grand Lyon, http://www.millenaire3.com. Consulté le 6 août 2009. 220 « Les politiques de la ville en France : fondements, évolutions et enjeux », site ORIV Alsace, http://www.oriv-alsace.org . Consulté le 6 août 2009 Carpentier Blandine - 2009 55 Les politiques sociales à Villeurbanne de 1977 à 1995

Impulsé par le gouvernement dans le cadre de sa réflexion sur les problématiques urbaines, l’application pratique du dispositif DSQ est, quant à lui, confiée aux régions et aux communes. Voyons comment cette politique a été mise en œuvre à Villeurbanne.

2). Coût et réalisations du DSQ à Villeurbanne À Villeurbanne, deux quartiers sont concernés par le projet de DSQ : St Jean et les Buers. Ces deux quartiers ne sont pas choisis au hasard par l’État, mais comme l’explique Gilbert Chabroux, ils le sont parce qu’ils répondent à des « critères » bien particuliers de la politique de la ville221. Derrière ce mot un peu vague, l’ancien maire fait en réalité référence à l’ensemble des difficultés sociales routinières auxquelles sont confrontés les grands ensembles urbains depuis la fin des années 1970, à savoir entre autres habitats dégradés, délinquance, jeunesse en perte de repères, chômage massif, mal de vivre social. Ainsi, en 1989, constatant que les Buers et St Jean, comme précédemment Olivier de Serres souffrent de ces symptômes, le Conseil municipal prend les devants et décide alors, dans le courant du mois de mai, d’engager la ville dans une procédure de DSQ222. Même si le décideur final en la matière reste l’État, les villes intéressées par le dispositif doivent monter un dossier complet et cohérent afin de prouver leurs motivations. La municipalité villeurbannaise n’échappe pas à cette règle et comme ses voisines, Vénissieux et Vaulx-en- Velin, elle va réaliser une sorte de plan d’actions appelé « Charte de développement ». Cet outil de travail doit permettre tout d’abord d’établir un diagnostic de départ de la situation dans laquelle se trouvent les deux quartiers des Buers et de Saint Jean afin de mieux définir dans un deuxième temps les objectifs qui devront être atteints au terme de l’application du dispositif. Enfin, troisième élément inhérent à la démarche d’action, la municipalité doit définir très clairement les moyens à déployer pour atteindre les objectifs. Cette démarche, qu’on pourrait presque qualifier de « managériale », est une conséquence directe de l’évolution des méthodes de gestion, qui se produit alors au cours des années 1990 dans le domaine des politiques publiques. Pour l’aider à élaborer cette charte, qu’elle doit remettre au Préfet de région dès le mois de septembre 1989, la municipalité décide de faire appel à l’Agence d’urbanisme à qui elle demande de réaliser une étude approfondie des deux quartiers concernés. Le coût de cette étude se chiffre à 60 000 Francs, dont 33% sont pris en charge par le récent Comité interministériel pour les villes (C.I.V), crée en octobre 1988. Présentée aux conseillers municipaux lors de la séance du 26 septembre 1989, la charte de développement social est adoptée, non sans critiques de la part du conseiller Front National Pierre Vial. Ce dernier considère que cette Charte occulte, « pour des raisons évidentes » précise t-il, le problème de l’immigration maghrébine des quartiers Saint Jean et des Buers223. S’agissant des dysfonctionnements constatés dans les deux quartiers étudiés, la charte évoque principalement la délinquance, les toxicomanies, les tensions sociales et intercommunautaires, le développement de sous-secteurs marginalisés et précarisés, les problèmes préoccupants d’insertion des jeunes, l’importance de l’enclavement et d’une sorte de « disqualification » urbaine des quartiers.

221 Entretien avec Gilbert Chabroux le 9 juin 2009 (cf. Annexe 1) 222 Délibération n°89-049 CM du 22 mai 1989 1D 120 223 Délibération n°89-137 CM du 26 septembre 1989 1D123 56 Carpentier Blandine - 2009 TROISIEME PARTIE De 1989 à 1995 : la municipalité court-circuitée dans ses actions sociales

En ce qui concerne les solutions à adopter, la charte recommande d’agir à la fois en matière d’habitat et d’aménagement urbain, mais également en matière sociale, économique et culturelle. Sur ce dernier point, elle préconise, entre autres le soutien aux initiatives locales, le renforcement du dispositif socio-éducatif et des permanences Emploi- Formation, le développement de l’action culturelle en milieu urbain224. Enfin, dans un dernier point, la charte précise l’implication de la ville de Villeurbanne dans le dispositif. Celle-ci s’engage notamment à mettre en place une équipe de maîtrise d’œuvre urbaine et sociale s’appuyant sur un Chef de Projet et un Agent de Développement local, directement placés sous l’autorité du maire225. Le 9 avril 1990, l’Etat et le Conseil régional approuvent conjointement cette charte et décide par conséquent de faire bénéficier la ville de Villeurbanne d’une convention DSQ pour les quartiers St Jean et les Buers226. Les travaux et les réalisations concrètes ne commencent que dans le courant de l’année 1991. Le coût total du dispositif DSQ de 1990 à 1993 fut de 91 493 924 Francs227. Mais sur cette somme, il est très difficile de connaître le montant précis assumé par chacun des partenaires (Ville, Communauté urbaine, Région, Etat, Conseil général) dans la mesure où, nous avons affaire à un véritable « micmac » financier, qui plus est, apparaît encore plus complexe à démêler aujourd’hui avec le poids des années passées. Néanmoins, le plus intéressant pour notre étude est d’observer la répartition globale des crédits afin de mieux saisir la philosophie du DSQ. Ainsi, si l’on se base sur le chiffre précité de 91 493 924 Francs, on constate que le poste « réhabilitation » reste le plus important puisqu’il représente un montant total pour les trois années de 52 935 391 francs. Néanmoins, on remarque que les actions de développement social arrivent en seconde position avec une somme globale dépensée de 17 400 000 francs228. Parmi ces actions, celles consacrées à la culture, à l’école et à l’accès à l’emploi sont les plus gourmandes en crédits. Mais, concrètement, comment se matérialisent ces actions ? Dans le domaine culturel, tout d’abord, les trois années de DSQ vont permettre l’émergence de nouvelles pratiques, l’organisation de spectacles pour et avec la participation des habitants, et l’accès à la culture pour tous. En ce qui concerne les actions éducatives, le DSQ a favorisé le renforcement des relations entre les parents et l’école par le biais notamment d’organisation de journées de formation au sein des établissements scolaires des quartiers St Jean et des Buers. D’autre part, le DSQ a par exemple servi à financer des voyages scolaires à l’étranger afin que les jeunes de ces quartiers découvrent d’autres cultures. Enfin, s’agissant des actions relatives à l’emploi, le dispositif DSQ a donné l’opportunité à des personnes peu ou pas qualifiées de s’engager dans une nouvelle procédure de formation, en participant par exemple aux opérations de réhabilitation. Mais, pour Daniel Segaud, directeur du Centre social des Buers au début des années 1990, le grand intérêt du DSQ en matière d’emploi réside surtout dans le développement du partenariat entre les différents acteurs, tels que la PAIO, l’ANPE, Solidarité Services229.

224 Ibid. 225 Délibération n°89-138 CM du 26 septembre 1989 1D123 226 Délibération n°90-093 CM du 7 juin 1990 1D133 227 « DSQ 1990-1993 En avant, Villeurbanne ! », Document édité par la ville de Villeurbanne en mars 1994. (cf. Annexe n°3) 228 Ibid. 229 « DSQ 1990-1993 En avant, Villeurbanne ! », Document édité par la ville de Villeurbanne en mars 1994. Carpentier Blandine - 2009 57 Les politiques sociales à Villeurbanne de 1977 à 1995

Au regard de ces exemples, on constate donc que la mise en place du DSQ dans les quartiers St Jean et les Buers a permis la réalisation d’un certain nombre de projets touchant aux différents aspects de la vie des habitants. Toutefois, il faut rester prudent quant au regard porté sur ce dispositif car les informations dont nous disposons sont extraites d’un document édité par la ville en 1994, pour vanter les mérites du DSQ. Par conséquent, pour trouver des critiques du DSQ, il faut se plonger dans les délibérations municipales où les élus de l’opposition n’hésitent pas à condamner le dispositif. Quel que soit le parti d’appartenance de ces conseillers, les principaux reproches qu’ils formulent, remettent à chaque fois en cause l’intérêt d’un tel projet. Pierre Vial qualifie ainsi le DSQ de « rustine sur une chambre à air pourrie 230», tandis qu’Alain Guyon craint « qu’une fois de plus, la montagne accouche d’une souris 231». Cette dernière critique dénonce l’aspect abstrait plus que concret qui serait au fondement du DSQ. Néanmoins, cette accusation ne tient pas puisque comme nous l’avons vu le DSQ a quand même débouché sur un ensemble de projets bien réels. Une grande partie des actions réalisées dans le cadre du DSQ ont concerné les domaines de la culture, de l’éducation et de l’insertion professionnelle. Cependant, à ces principales mesures sociales, s’ajoutent aussi celles visant au renforcement de la sécurité et de la citoyenneté.

B). Renforcer la sécurité et la citoyenneté En 1990 se produisent de nouvelles violences urbaines à Vaulx-en-Velin. Les pouvoirs publics prennent alors conscience de la nécessité de réagir. Restaurer la sécurité de proximité fait partie des grands objectifs du DSQ.

1). Le traitement de la délinquance, un complément indispensable à la Politique de la ville Comme nous venons de le voir, le DSQ et plus généralement l’action sociale municipale, vise à partir de la fin des années 1980 à une approche plus globale de la question sociale. Dès lors, les problèmes liés à la sécurité et à la délinquance devraient intéresser la municipalité, au même titre que n’importe quelle autre thématique sociale. Or, il n’en est pas tout à fait ainsi. En effet, bien que les rapports relatifs aux questions de délinquance suscitent souvent de longs débats passionnés lors des séances du Conseil municipal, le thème « sécuritaire » reste un sujet sensible à aborder pour les élus socialistes. Jusqu’en 1991, ces derniers préfèrent parler de politiques préventives plutôt que de politiques sécuritaires. Le vote annuel du contrat d’actions de prévention (CAP) conclu entre la ville et l’État, depuis la création du CCPD en 1983, est d’ailleurs l’occasion pour la majorité municipale de rappeler l’importance de la dimension préventive dans la lutte qu’elle entend mener contre la délinquance. La thèse défendue par les représentants socialistes, à l’image de Jean Berthinier consiste à dire que l’on ne peut pas résoudre la délinquance par la seule voie de la répression : «la répression des actes délictueux et la prévention de ces actes sont complémentaires. […] Dans un cas comme dans l’autre, il n’y a qu’un seul critère, c’est que l’on ne commette pas d’acte délinquant ou bien que l’on ne récidive pas232» et le

230 Délibération n°91-002 CM du 22 janvier 1991 1D138 231 Délibération n°90-093 CM du 7 juin 1990 1D134 232 Délibération n°91-105 CM du 24 juin 1991 1D140 58 Carpentier Blandine - 2009 TROISIEME PARTIE De 1989 à 1995 : la municipalité court-circuitée dans ses actions sociales

conseiller municipal de conclure : « à quoi sert d’investir des milliards et des milliards dans la construction ou l’aménagement des prisons si le nombre des délits et des détenus augmente encore plus vite233 ». Par conséquent, dans les CAP qu’elle passe avec l’État, la ville de Villeurbanne oriente toujours beaucoup ses actions vers de la prévention. Ainsi, dans le CAP de 1992234, les crédits sont répartis entre le volet « Ingénierie de la prévention », « Prévention sociale », « Prévention de proximité », et « Prévention de la récidive ». On le voit, les CAP laissent très peu de place à la répression alors que pourtant, initialement, le volet « sécurité » faisait partie intégrante des missions confiées au CCPD. Les choses évoluent progressivement à partir de la fin des années 1990 puisque le traitement de la délinquance devient un objectif directement inscrit dans le cadre général de la Politique de la ville. À partir de 1991, les CAP sont conclus pour 3 ans afin de permettre d’une part la mise en place et le suivi de projets sur un plus long terme, et d’autre part le renforcement du dialogue entre l’État, les communes et les Conseils généraux, nouveaux acteurs puissants dans le domaine de l’action sociale. Progressivement, les CAP intègrent de plus en plus dans leurs objectifs, le renforcement de la sécurité par la poursuite et l’extension de l’îlotage et par une mobilisation des différents acteurs sociaux sur le thème de la responsabilisation collective235. C’est au même moment, qu’on commence à observer chez les dirigeants politiques une prise de conscience des limites des méthodes préventives dans les domaines de la sécurité et du traitement de la délinquance juvénile236. Avec la mise en place des contrats de ville, à partir de 1994, la lutte contre la délinquance change d’échelle et est désormais envisagée sur l’ensemble d’une agglomération. Le travail et la concertation multi-partenariale sont dès lors renforcés. Mais, si le traitement de la délinquance constitue un complément important de la Politique de la ville, les actions visant au renforcement de la citoyenneté sont également privilégiées.

2).La création de la Maison du Citoyen Renforcer la citoyenneté locale fait parti des objectifs prioritaires du DSQ et plus généralement de ceux de la Politique de la ville. Pour tenter d’y répondre, la municipalité villeurbannaise va décider, en décembre 1992, la création originale d’une « Maison du citoyen ». Faisant initialement partie des idées développées par le ministère et le secrétariat de la ville, ce projet de Maison du citoyen est repris par le gouvernement et expérimenté dans cinq villes françaises choisies pour leur bonne connaissance des pratiques de démocratie locale. Villeurbanne figure parmi celles-ci. La réflexion locale sur ce projet commence dès la fin du mois de juillet 1992 avec de multiples rencontres et agora de concertation entre les élus municipaux et les citoyens villeurbannais. Une centaine de personnes au total s’investit dans ce travail préparatoire. Un cahier des charges regroupant l’ensemble des réflexions et des propositions est alors élaboré. Les enjeux de ce projet sont multiples. Pour Jean Berthinier, le rapporteur de la délibération portant à la création de la Maison du citoyen, il s’agit de tenir compte 233 Ibid. 234 Délibération n°92-072 CM du 29 juin 1992 1D145 235 Saïna MARBOIS, « Les politiques sociales municipales au XXe siècle », Mémoire de Master 1, Université d’Angers, 2007. 236 BODY-GENDROT Sophie, DUPREZ Dominique « Les politiques de sécurité et de prévention dans les années 1990 en France : les villes en France et la sécurité », Déviance et Société, n°4, 2001,p.377-402 Carpentier Blandine - 2009 59 Les politiques sociales à Villeurbanne de 1977 à 1995

de l’émergence de nouveaux acteurs, que sont les citoyens, les comités de quartiers, les associations dans le contexte de crise que traverse alors la et le politique. Pour Madame Thivillon, élue du groupe progressiste, cette Maison du citoyen doit permettre avant tout le développement de la citoyenneté, à travers ses deux composantes, que sont la responsabilité et la solidarité. Jean- François Patin, l’Adjoint chargé de la jeunesse considère, quant à lui, la création de la Maison du citoyen comme le franchissement d’une nouvelle étape dans la politique de la ville et y voit un moyen de compléter le dispositif de concertation déjà très présent sur la commune237. Lors de sa présentation, ce projet suscite bien des doutes et des interrogations. Les principaux reproches qui lui sont faits concernent son caractère encore flou et imprécis notamment par rapport aux compétences exactes et au mode de fonctionnement de cette structure. Néanmoins, malgré les critiques initiales, le projet est adopté à la majorité des voix et son inauguration officielle a lieu en janvier 1993, au 67 rue Octavie dans le quartier des Buers. On remarquera au passage que ce n’est pas un hasard si la municipalité décide de l’installer dans ce quartier, déjà bénéficiaire du dispositif DSQ. D’ailleurs, dans la brochure informative qu’elle édite en 1994, les élus socialistes mettent en avant cette création, symbole de la participation retrouvée des habitants à la vie locale. D’autre part, il est à noter que cette création s’inscrit dans la continuité de l’action engagée par la municipalité depuis mars 1977 pour le développement de la démocratie participative de tous les habitants. Ainsi, des commissions consultatives de quartiers, instaurées lors du premier mandat, en passant par le Conseil des enfants, crée au cours du second mandat, la Maison du citoyen n’est finalement qu’une suite logique dans cette volonté de démocratie locale. La Politique de la ville touche ainsi à presque toutes les dimensions de la vie sociale des individus et agit en faveur de l’amélioration de leurs cadres de vie. Dès lors, on comprend mieux pourquoi cette politique constitue la clef de voûte des actions municipales de 1989 à 1995. Cependant, une catégorie de la population continue de susciter toute l’attention de la municipalité, il s’agit des jeunes.

II. Les jeunes, toujours au cœur des dispositifs d’actions

Comme nous l’avons constaté dans la deuxième grande partie de notre étude, les premières réflexions touchant aux problèmes des banlieues dans les années 1980 permettent de redonner une certaine vigueur aux initiatives en direction de la jeunesse. Ce public pâtit pourtant d’une image négative dans l’opinion publique, qui fait trop souvent l’amalgame entre actes de vandalisme, jeunesse et immigration. Au début des années 1990, cette représentation commence à évoluer et en matière d’actions publiques, on cherche davantage à faire participer les jeunes afin qu’ils deviennent acteurs des projets et pas seulement bénéficiaires.

A). Une évolution progressive de la représentation des jeunes

237 Délibération n°92-151 CM du 14 décembre 1992 1D151 60 Carpentier Blandine - 2009 TROISIEME PARTIE De 1989 à 1995 : la municipalité court-circuitée dans ses actions sociales

Entre la fin des années 1970 et la fin des années 1980, l’image des jeunes dans la société a considérablement évolué, de même que les politiques publiques les concernant. Néanmoins, la représentation de la jeunesse qu’ont la société et les dirigeants politiques au début des années 1990 reste encore ambivalente. Les jeunes sont tantôt considérés comme dangereux, tantôt considérés comme en danger.

1). La jeunesse dangereuse Depuis la fin du XIXème siècle, la jeunesse a toujours été envisagée comme la population la plus susceptible de mettre en péril le fonctionnement pacifié de la société238. Cette image n’a pas disparu au cours du XXème siècle et, dans les années 1980, quand les violences éclatent dans les banlieues urbaines, le cliché de la « jeunesse dangereuse » réapparait immédiatement dans le discours public. La presse alimente d’ailleurs pour une grande partie cette représentation commune des jeunes, à l’exemple du Progrès, qui pose régulièrement la question de l’identité de ces « jeunes révoltés, qui n‘hésitent plus à s’attaquer aux forces de l’ordre ? 239». Les reportages télévisés de l’époque ne sont guère plus flatteurs à l’égard des jeunes, accentuant encore l’image négative et la peur qu’ils suscitent au sein de la population. Ainsi en est-il par exemple de ce documentaire d’archive240, en date du 16 septembre 1981 où la journaliste, sur un fond de musique angoissante, nous présente la situation de déchéance dans laquelle se trouve une banlieue lyonnaise suite aux violences de jeunes. Mais, le plus surprenant intervient certainement au bout d’une minute de reportage quand des jeunes de la cité de La Grappinière à Vaulx-en-Velin sont interviewés sur les raisons qui les poussent à brûler des voitures. Rien alors dans la mise en scène n’est laissé au hasard et, l’image d’une jeunesse délinquante qui y est véhiculée correspond parfaitement à celle de l’opinion publique de l’époque. Le jeune qui répond aux questions du journaliste est en effet filmé dans l’obscurité, son blouson sur la tête, ce qui rend son visage indiscernable. Les gestes qu’ils faits lorsqu’il s’exprime n’en sont par là même que plus inquiétants. Ainsi, force est de constater le rôle non négligeable joué par les médias dans la formation de cette représentation négative de la jeunesse. Au début des années 1990, période qui nous intéresse ici, l’image des jeunes ne s’est pas forcément améliorée et une grande partie de l’opinion publique continue à les considérer comme une menace pour la paix sociale. De la même manière que dans la décennie 1980, les jeunes issus de l’immigration paient plus que les autres les conséquences de cette méfiance commune. Les émeutes urbaines, qui se déclenchent à Vaulx-en-Velin à l’automne 1990, à la suite de la mort controversée d’un jeune motard au cours d’un contrôle de police ne font qu’accentuer cette crainte populaire vis-à-vis d’une jeunesse, perçue comme toujours plus violente. Le Front National (FN) en profite alors pour renforcer son discours sur le thème de l’insécurité qu’il associe avec celui de l’immigration. Il n’y a qu’à lire les interventions de Pierre Vial, le conseiller municipal villeurbannais du groupe Front National pour se convaincre de cette tendance à la récupération politique par le FN. Les interventions qu’il fait consistent pour une grande part d’entre elles à rapporter des exemples de petite délinquance quotidienne, dont il accuse évidemment les jeunes issus de l’immigration. Par exemple, lors de la séance du 29

238 LONCLE Patricia, « Quel gain symbolique les municipalités attendent-elles de la jeunesse ? » in VIET Vincent, PALM Hans (dir.), Les politiques sociales des communes en France et en Allemagne, p.72-78 239 Le Progrès, le 21 mai 1980 240 « Violences à Lyon », reportage télévisé du 16.09.1981 pour JA2 20H, durée 01min54s- consultable en ligne sur le site : http:// www.ina.fr Carpentier Blandine - 2009 61 Les politiques sociales à Villeurbanne de 1977 à 1995

juin 1992, il expose le cas de l’agression de contrôleurs TCL à l’arrêt Laurent Bonnevay et il précise : « menaces de la part de ce qu’il est convenu d’appeler aujourd’hui des "jeunes" ; tout le monde sait très bien ce que recouvre cet euphémisme 241». En dépit de cette vision négative des jeunes, véhiculée par les médias et récupérée par l’extrême-droite, les dirigeants socialistes alors au pouvoir ne vont pas forcément orienter leurs actions de jeunesse vers plus de répression, même si comme nous avons pu le voir dans le paragraphe précédent, les CAP intègrent de plus en plus le volet sécuritaire dans leurs objectifs. Si les pouvoirs publics se montrent réfléchis en matière de répression de la jeunesse, c’est parce qu’à côté de cette représentation fâcheuse des jeunes coexiste une autre image plus positive. La jeunesse ne serait pas dangereuse, elle serait au contraire « en danger ».

2). La jeunesse en danger Assez paradoxalement, c’est au milieu des années 1980 au moment même où l’image d’une « jeunesse dangereuse » est réactivée au sein de l’opinion publique que celle d’une jeunesse « en danger » émerge. En réalité, il ne s’agit pas d’une apparition stricto sensu, dans la mesure où cette intention de protéger la jeunesse existe depuis très longtemps parmi la classe politique française. Dès la fin du XIXème siècle en effet, les actions sociales et sanitaires en direction des jeunes s’inscrivent déjà dans une logique d’assistance242. Instaurées à partir de la Révolution industrielle, au moment où se développe le travail salarié, la plupart de ces interventions visaient à soutenir la phase de transition des jeunes vers l’entrée dans le monde du travail243. Cette tradition d’assistance envers les jeunes, et plus généralement envers les populations en difficulté se maintient et se réinvente au cours du XXème siècle avec le développement, de ce que Robert Durand a qualifié de « nouvelle assistance244 ». Les périodes de crise économique vont être particulièrement propices au déploiement des dispositifs d’aide sociale en faveur des plus défavorisés. De ce fait, les jeunes, massivement touchés par le chômage dans les années 1980 deviennent les grands bénéficiaires de ces interventions. Le rapport Schwartz de 1981 sur l’insertion sociale et professionnelle des jeunes, que nous avons déjà mentionné dans la deuxième partie, en est une parfaite illustration. Olivier Galland, sociologue au CNRS, date d’ailleurs de cette époque la représentation ternaire de la jeunesse, tour à tour perçue comme immorale, dangereuse ou victime245. Or, si la jeunesse est considérée comme une victime de l’évolution de la société, elle est aussi perçue par certains intellectuels et politiciens comme étant son propre bourreau, c'est-à-dire se mettant en danger elle-même. L’action publique municipale va donc de plus en plus s’orienter vers une protection de la jeunesse, d’autant que nous le verrons, c’est au cours de cette période que la jeunesse est exposée à de nouveaux dangers, tels que le virus du Sida.

241 Délibération n°92-072 CM du 29 juin 1992 1D147 242 LONCLE Patricia, L’action publique malgré les jeunes - Les politiques de jeunesse en France de 1870 à 2000, Paris, L’Harmattan, 2003. 337 pages 243 Ibid. 244 DURAND Robert, Histoire des centres sociaux…, op.cit page 27 245 « Les jeunes dans le débat public », site Animafac,http://www.animafac.net, consulté le 09.08.09 62 Carpentier Blandine - 2009 TROISIEME PARTIE De 1989 à 1995 : la municipalité court-circuitée dans ses actions sociales

À la fin de la décennie 1980, la représentation de la jeunesse en France reste donc ambivalente, même si une prise de conscience de la nécessité de protéger les jeunes se dessine peu à peu au sein de la classe dirigeante. Mais, dans quelle mesure cette « nouvelle » image de la jeunesse a-t-elle pu impacter les actions de la municipalité villeurbannaise ?

B). Des actions pour et avec les jeunes La représentation commune qui associe la jeunesse à une menace pour la paix sociale n’a finalement que peu d’impacts sur la conception qu’en ont les élus villeurbannais majoritaires. Nous l’avons vu précédemment quand nous avons évoqué la Politique de la ville, en tant que socialistes, les conseillers municipaux majoritaires refusent de céder à l’image de peur que suscitent parfois les jeunes des banlieues sensibles. Ainsi, c’est davantage la seconde représentation des jeunes – celle des jeunes « en danger » - que la municipalité va exploiter au début de la décennie 1990.

1). Protéger les jeunes Les années 1980 vont être témoin de l’apparition du virus du Sida en France. Entre la découverte des premiers cas de malades en 1981 et le début de la décennie 1990, 8 119 décès par sida sont déclarés en France246. Mais, il est très difficile de connaître avec précision le nombre de malades du sida car la définition de cette maladie évolue elle- même en fonction des découvertes scientifiques. Ce qui est certain, c’est que les pouvoirs publics, devant la forte mobilisation des mouvements associatifs, ne peuvent plus ignorer ce problème de santé publique. Ainsi, pendant la première cohabitation, sous l’impulsion de la Ministre de la santé, Michèle Barzach, est lancée en 1987, la première campagne nationale de prévention contre le sida247. Les jeunes sont bien évidemment les premiers visés par ces campagnes de communication. À Villeurbanne, la prévention du sida questionne aussi la municipalité au début des années 1990. Celle-ci réfléchit alors au meilleur moyen de sensibiliser la population, notamment les jeunes par rapport à ce nouveau fléau dévastateur. Les élus socialistes vont alors organiser des manifestations préventives à des dates symboliques de la lutte contre le sida. Ainsi, le 1er décembre 1993, la municipalité de Gilbert Chabroux décide de marquer concrètement la 6ème journée mondiale de lutte contre le sida car, comme le précise le maire : « nous sommes tous concernés, tant au niveau des collectivités locales, qu’au niveau des individus248 ». Pour se faire, la commune investit dans une exposition artistique originale sur le thème du sida, qu’elle expose ensuite volontairement au Centre nautique Etienne- Gagnaire, lieu fortement fréquentée par les jeunes. En outre, il est à noter que la ville fait aussi partie du collectif chargé de promouvoir la première charte départementale contre le sida249. Avec ces deux exemples, on perçoit bien la détermination qu’affiche la municipalité villeurbannaise à s’engager dans la prévention du sida auprès des jeunes.

246 MASSARI Véronique, « Mortalité par sida en France : une description de l’évolution du profil démographique », Transcriptases, n°11, décembre 1992. Article consultable en ligne sur le site http://www.pistes.fr 247 MATHIEU Lilian, « Pinell P., Une épidémie politique. La lutte contre le sida en France 1981-1996 », Politix, n°61, 2003, p.224-227. 248 Le Progrès, le 2 décembre 1993 249 Ibid. Carpentier Blandine - 2009 63 Les politiques sociales à Villeurbanne de 1977 à 1995

Un autre risque, auquel sont confrontés les jeunes et qui, d’ailleurs n’est pas sans lien avec celui du sida, est sans conteste celui des drogues et de la toxicomanie. Pour tenter de contenir ce péril, la municipalité villeurbannaise signe en janvier 1991 un ambitieux programme de prévention de la toxicomanie en collaboration avec l’association d’aide aux adolescents. La réalisation de ce programme est estimée à 350 000 francs250. Cependant, le dispositif pour dissuader les jeunes de toucher à la drogue ne s’arrête pas là. En effet, débats et conférences sont aussi fréquemment organisés sur ce thème251. Cette volonté active qu’a la municipalité de protéger sa jeunesse découle en grande partie de la représentation de celle-ci dans la société mais, pas uniquement. Il existe en effet à Villeurbanne une longue tradition de protection de la jeunesse depuis les années 1920. C’est à cette époque que la municipalité socialiste de Lazare Goujon organise par exemple, dans un souci hygiéniste, les premières colonies de vacances à Poncin et à Chamagneux pour les enfants de la commune252. Le service municipal de santé scolaire existe quant à lui depuis 1935253. Ainsi, lorsque les municipalités Hernu puis Chabroux décident près de 60 ans plus tard, de mettre en place des campagnes de prévention à destination des plus jeunes, il ne s’agit pas d’une pure coïncidence mais bien d’un désir de faire perdurer cette tradition sanitaire, constitutive de l’histoire du socialisme municipal à Villeurbanne. Cependant, on peut se demander si cette intention d’agir en faveur des jeunes ne représente pas également une stratégie politique des élus municipaux.

2). La jeunesse comme ressource politique Si la municipalité villeurbannaise met en place un certain nombre d’actions au bénéfice des jeunes, elle souhaite en retour les associer à la réalisation de ces politiques. En d’autres termes, la municipalité aspire à ce que les jeunes soient actifs des projets les concernant. Les élus ne veulent plus seulement faire pour les jeunes mais avec les jeunes. Cette tendance à la participation de la jeunesse, qu’on avait déjà pu observer au cours du second mandat avec la création du Conseil municipal des enfants, se renforce encore au début des années 1990. Elle est en fait commune à l’ensemble des politiques sociales à cette époque et découle d’un changement de paradigme dans ce domaine suite aux lois de décentralisation. Comme l’explique Philippe Estèbe : « le programme des politiques territorialisées vise à assurer le passage d’une action sociale compensatrice de handicaps à une intervention publique « vertueuse », source de développement, de mobilité et de dynamisme du bénéficiaire, du groupe cible ou du territoire considéré254». La municipalité va donc privilégier les actions laissant une grande part d’initiative aux jeunes ; actions qu’elle n’hésite pas ensuite à mettre en avant pour prouver son intérêt et sa préoccupation de la jeunesse. C’est dans cette optique que l’on peut assimiler les jeunes à une ressource politique. En effet, dans le contexte de crise de la politique qui apparaît à la fin des années 1980, les actions en direction des jeunes peuvent constituer un moyen de « relégitimer » 250 Délibération n°91-009 CM du 22 janvier 1991 1D138 251 Le Progrès, le 15 et le 21 septembre 1984 252 MEURET Bernard, Le socialisme municipal…, op.cit.p.146 253 GUERRIER-SAGNES Frédérique, MEISTER Anne-Marie et alii, « Service municipal de santé scolaire et promotion de la santé à Villeurbanne », n°53, 2005/3, pp.475-484. 254 ESTEBE Philippe, L’usage des quartiers, action publique et géographie dans la politique de la ville, Thèse de doctorat, Université de Paris X, décembre 1999. 64 Carpentier Blandine - 2009 TROISIEME PARTIE De 1989 à 1995 : la municipalité court-circuitée dans ses actions sociales

l’intervention publique locale255. Dans le cas de Villeurbanne, cette volonté de valoriser la jeunesse est perceptible dans les brochures d’information éditée par la ville. Ainsi en est-il du livret sur le DSQ où dans la rubrique consacrée à la jeunesse, la municipalité se prévaut d’avoir réussit à mobiliser les jeunes villeurbannais sur un certain nombre de projets d’envergure tels que l’expérience d’un chantier humanitaire au Sénégal en 1992, des séjours de vacances au quatre coin de la France organisés par les jeunes avec l’aide des animateurs. Officiellement, l’objectif recherché par la municipalité est clair, il s’agit de responsabiliser les jeunes afin qu’ils deviennent pleinement acteurs de leur insertion sociale256. Mais, en réalité, on peut supposer qu’il existe aussi des enjeux politiques derrière cette mise en scène de la jeunesse. Ces différentes actions menées en faveur de la jeunesse nous laissent supposer d’un fort dynamisme de la municipalité villeurbannaise au début des années 1990. Néanmoins, il faut se garder de toute conclusion hâtive car en matière de politiques publiques, la marge d’action de la municipalité se réduit considérablement.

III. Une marge d’action réduite

L’équipe socialiste conduite par Charles Hernu est réélue pour la troisième fois consécutive à la tête de la ville en mars 1989. Néanmoins, et dans le prolongement d’une tendance déjà observable depuis le second mandat, la marge de manœuvre dont dispose la municipalité villeurbannaise dans la gestion de la cité, se réduit considérablement. Quelles explications peut-on apporter pour tenter d’expliquer ce phénomène ? Et quelles conséquences cela a-t-il sur la mise en œuvre des politiques sociales municipales ?

A). La multiplication des niveaux de gestion Le développement de la décentralisation et de l’intercommunalité au cours des années 1980 continue de produire des effets sur les pratiques d’action publique locale au début des années 1990.

1). Décentralisation et intercommunalité La loi du 2 mars 1982, relative aux droits et libertés des communes, départements et régions introduit l’Acte I de la décentralisation. Cette loi est très importante dans la mesure où c’est en référence à elle que seront envisagées par la suite toutes les mesures complémentaires. Les lois du 7 janvier et 22 juillet 1983 retiennent également notre attention car ce sont elles qui organisent le transfert de compétences de l’État vers les collectivités territoriales que sont les régions, les départements et les communes. La région hérite ainsi d’une compétence générale visant au développement économique, social, sanitaire, culturel et scientifique de son territoire ainsi que l’aménagement de celui-ci. Le département, lui, voit ses compétences se tourner vers la solidarité à travers l’action sociale et la santé, l’équipement rural, les transports en commun et la gestion des collèges. Enfin, s’agissant

255 LONCLE Patricia, « Quel gain symbolique les municipalités attendent-elles de la jeunesse ? » in VIET Vincent, PALM Hans (dir.), Les politiques sociales des communes en France et en Allemagne, p.72-78 256 « DSQ 1990-1993 En avant, Villeurbanne ! », Document édité par la ville de Villeurbanne en mars 1994. Carpentier Blandine - 2009 65 Les politiques sociales à Villeurbanne de 1977 à 1995

des communes, leur rôle de proximité est renforcé et elles sont dotées dans ce sens, à l’image des régions, d’une compétence générale afin de pouvoir intervenir dans de nombreux domaines aussi divers que variés257. D’après cette présentation, on constate donc que le domaine social se retrouve éclaté entre plusieurs niveaux de gestion, même si l’échelon départemental semble être le grand gagnant en ce qui concerne les politiques sociales. L’intercommunalité, quant à elle, existe depuis très longtemps dans l’histoire de l’administration française puisque, dès la fin du XIXème, on recense déjà l’existence d’ententes entre communes. Dans le but de relancer cette forme de coopération, le législateur instaure en 1992 une nouvelle loi qui en simplifie encore la mise en place. Mais, qu’il s’agisse de la décentralisation ou de l’intercommunalité, on remarque que ces deux « nouvelles » formes de gestion suscitent un enchevêtrement des compétences et des financements apportés par chacun. Il n’y a plus un acteur mais des acteurs, ce qui signifie que chacun d’entre eux doit tenir compte de ses partenaires pour la réalisation et le suivi d’un projet. Une interdépendance s’établit par conséquent entre les différents niveaux décisionnels. La politique de la ville est particulièrement représentative de ce changement organisationnel. Ainsi peut-on lire en préambule de la brochure informative sur le DSQ à Villeurbanne : « Ce DSQ, fruit d’efforts collectifs déployés par l’État, la Région, le Département, la Communauté Urbaine de Lyon, le Fonds d’Action Sociale, l’OPCHLM, le Foyer Notre Dame des Sans Abri et, bien sûr, la Ville de Villeurbanne a instauré un état d’esprit nouveau, grâce à la bonne volonté des tous les partenaires, prêts à travailler ensemble258 ». Si cette citation laisse croire à une parfaite entente entre les différents acteurs, il en est autrement dans la réalité où luttes de pouvoir et d’influence sont monnaie courante. Les protagonistes, ne disposant pas des mêmes ressources financières et juridiques, ne peuvent dès lors peser équitablement dans les négociations. Dans ce nouveau jeu politique, la capacité du maire à se faire entendre dépend donc de sa plus ou moins grande maîtrise de policy networks et de policy communities259. De même, s’il souhaite être légitime et donc avoir une certaine marge d’actions auprès de ses partenaires, la maire doit désormais être en mesure de mobiliser des connaissances techniques touchant à des domaines aussi divers que le droit, l’urbanisme, le développement économique, la démocratie locale. C’est en cela que l’on peut parler, à juste titre, de « professionnalisation des milieux décisionnels territoriaux »260. Cette professionnalisation, qui s’orchestre en parallèle de la décentralisation des compétences politiques, provoque une standardisation des actions publiques locales.

2).Une standardisation261 de l’action publique locale

257 « La décentralisation en France : rétrospective historique », site CarrefourLocal.Senat.fr, http://carrefourlocal.senat.fr . Consulté le 11.08.09 258 « DSQ 1990-1993 En avant, Villeurbanne ! », Document édité par la ville de Villeurbanne en mars 1994. 259 LE BART Christian, Les Maires : Sociologie d’un rôle, Villeneuve d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2003, 219 p. 260 ARNAUD Lionel, LE BART Christian, PASQUIER Romain, « Does ideology matter? Standardisation de l’action publique territoriale et recompositions du politique », in ARNAUD Lionel et alii (dir.), Idéologies et action publique territoriale, Rennes, PUR, 2006, p.11- 31 261 Ibid. 66 Carpentier Blandine - 2009 TROISIEME PARTIE De 1989 à 1995 : la municipalité court-circuitée dans ses actions sociales

Pour les tenants de cette thèse, la multiplication des niveaux décisionnels, conséquence directe de la décentralisation et de l’intercommunalité, ainsi que la tendance à une plus grande professionnalisation des maires provoquent une standardisation des pratiques d’actions au niveau local. Cette uniformisation est d’abord perceptible dans le recours aux mêmes outils de travail. Les notions de contrats, de partenariats publics-privés, de gouvernance sont désormais connues de presque toutes les collectivités territoriales. L’utilisation commune de ces instruments est favorisée par le fait que les différents acteurs locaux sont amenés de plus en plus fréquemment à se rencontrer dans le cadre de projets globaux, nécessitant des financements multiples. Villeurbanne n’échappe pas à cette tendance et l’usage de ce jargon technique s’observe à la lecture des délibérations municipales. À partir de 1989, le mot « contrat » par exemple revient dans presque toutes les séances du Conseil. Mais cette tendance à la standardisation dans les moyens d’action publique conduit aussi finalement à une analogie dans les politiques déployées par les différentes collectivités locales, ce qui amènent certains auteurs à se demander : « Does ideology matter ?262 », en autres termes, est ce que l’idéologie joue encore un rôle dans la définition des actions publiques locales ? Cette question est particulièrement intéressante à se poser dans le cas de Villeurbanne car, comme nous avons pu le constater depuis le début de cette étude, les actions municipales mises en œuvre présentent toujours un caractère idéologique très partisan, et ce, notamment dans le domaine des actions sociales. Si la politisation des actions municipales après la victoire de mars 1977 ne peut être mise en doute, il n’en plus exactement de même de celle instaurées à partir du second mandat et encore moins de celles établies à compter de 1989. Cependant, il ne faudrait pas conclure pour autant à une complète disparition de la variable partisane dans les politiques de la municipalité villeurbannaise dans les années 1990. En effet, si l’idéologie est moins déterminante pour l’action publique, elle reste néanmoins présente dans les discours où elle joue alors un rôle d’habillage des productions standardisées que sont les politiques publiques263. Nous sommes ici dans le symbolisme plus que dans le réalisme mais qu’importe, l’essentiel, pour la municipalité villeurbannaise est de faire croire que les actions menées ont un sens politique fort et qu’elles continuent de s’inscrire dans la grande tradition du socialisme municipal, inhérente à l’histoire de la commune. Le recours à cette symbolique partisane est rendu d’autant plus nécessaire que l’habitude du pouvoir que connaissent les socialistes d’une manière générale, au niveau local comme au niveau national, réduit encore la marge de manœuvre dont dispose la municipalité villeurbannaise.

B). L’habitude du pouvoir En mars 1989, Charles Hernu et son équipe sont réélus à la tête de la ville pour une troisième fois consécutive. Un an plus tôt, en mai 1988, les français renouvellent leur confiance au Président socialiste François Mitterrand. Dans quelle mesure l’accoutumance au pouvoir peut-il être un frein à la mise en œuvre de politiques publiques ?

1). Un volontarisme de départ difficile à maintenir sur le long terme 262 Ibid. 263 Ibid. Carpentier Blandine - 2009 67 Les politiques sociales à Villeurbanne de 1977 à 1995

Comme nous avons pu le remarquer, la période qui suit l’arrivée de Charles Hernu et de son équipe à la tête de la ville en mars 1977 se caractérise par un fort dynamisme dans tous les domaines d’actions sociales. Pourtant, rappelons qu’à cette époque les initiatives municipales sont encore étroitement encadrées par les services de l’État par le biais du mécanisme de la tutelle, notamment. Toutefois, afin d’afficher clairement sa différenciation politique, la nouvelle municipalité met en œuvre des actions perçues comme étant traditionnellement l’apanage de la gauche : logement social, petite-enfance, démocratie participative, aide aux chômeurs, culture populaire. Ainsi, après la gestion un peu monotone d’Etienne Gagnaire, le nouveau style de gouvernement qu’impose la municipalité Hernu constitue un changement radical. Néanmoins, ce volontarisme débordant des premières années est délicat à maintenir dans le temps, tant la proportion d’initiatives était importante au départ. De surcroit, les socialistes ne rencontrant aucune difficulté à se faire réélire aux élections municipales suivantes en 1983 et en 1989, relâchent quelque peu leurs efforts des premiers temps. D’autre part, à partir du moment où Charles Hernu devient ministre de la Défense en mai 1981, il est nécessairement moins présent sur le sol villeurbannais. Par conséquent, même s’il délègue ses pouvoirs à des adjoints compétents, il n’en reste pas moins que son absence pourrait en partie expliquer ce ralentissement de cadence que connaissent les actions municipales. Cependant, cette interprétation ne peut nous satisfaire complètement puisque, même après l’affaire du de juillet 1985 et le « retour » de Charles Hernu dans les affaires de la ville, la municipalité ne renouera jamais avec le dynamisme d’action des premiers temps. Dès lors, on peut se demander si la raison n’est pas à rechercher ailleurs.

2). Quand le parti ne s’intéresse plus à ses mairies L’histoire des relations entre le Parti socialiste et l’échelon municipal est ponctuée de phases de politisation puis de dépolitisation. Comme l’indique Rémi Lefebvre264, les mairies ont représenté tout au long du XXème siècle un enjeu central pour le Parti socialiste, dans la mesure où ce dernier, souvent exclu des lieux décisionnels centraux, se concentrait alors sur ses positions locales afin d’en tirer le meilleur parti. Mais le socialisme municipal n’a pas cristallisé continuellement l’attention des socialistes. Ainsi, dans l’entre-deux-guerres par exemple, la question municipale cesse d’être un enjeu politique saillant, de même qu’au sortir de la Seconde Guerre mondiale où l’heure est aux alliances prudentes avec les radicaux et les démocrates-chrétiens. En revanche, dans les années 1970, l’institution municipale intéresse de nouveau le Parti socialiste qui la considère alors comme « un lieu de contre-pouvoir et de revendication mais aussi d’innovation et d’expérimentation sociales265 ». Cependant, le véritable enjeu de cette politisation de la question municipale reste la conquête du pouvoir national. Ainsi, plus qu’une fin en soi, les élections municipales de mars 1977 sont considérées comme le tremplin devant permettre à François Mitterrand d’accéder à la présidence de la République en 1981. Les propos tenus par Charles Hernu lors de la première séance

264 LEFEBVRE Rémi, « Qu’est le socialisme municipal devenu ? Politisation, dépolitisation, neutralisation de la question municipale au Parti socialiste (des années 1970 à nos jours) », in ARNAUD Lionel et alii (dir.), Idéologies et action publique territoriale, Rennes, PUR, 2006, p.51 - 79 265 Ibid. 68 Carpentier Blandine - 2009 TROISIEME PARTIE De 1989 à 1995 : la municipalité court-circuitée dans ses actions sociales

du Conseil municipal, le 25 mars 1977 sont à cet égard particulièrement significatifs. Le nouveau maire souhaite faire de la future gestion de Villeurbanne « une ambassade de ce que fera demain la Gauche au pouvoir, un peu une vitrine de ce que fera la Gauche quand elle sera aux responsabilités du Gouvernement 266». Ces paroles ne seront pas seulement discursives puisque comme nous avons pu le constater, le premier mandat de Charles Hernu fut effectivement placé sous le signe de l’action et des réalisations. Néanmoins, une fois François Mitterrand élu à la tête de la nation, l’intérêt du Parti socialiste pour la question municipale se tarit de nouveau. Avec lui, se décline aussi cette ambition des socialistes à faire des municipalités des outils de transformation de la société. D’autre part, la Gauche étant désormais au gouvernement, les élus locaux ne disposent plus de la liberté de critiques dont ils jouissaient préalablement lorsqu’ils étaient dans l’opposition. Villeurbanne n’échappe pas à ce phénomène et, comme nous avons pu le voir, à partir de 1982, le Conseil municipal se contente souvent davantage d’appliquer les décisions gouvernementales que de mettre en place de réelles mesures innovantes. Il ne faudrait pas pour autant conclure à une atonie des municipalités socialistes à partir du moment où la Gauche accède aux arènes nationales. Ainsi, même après 1988, tandis que François Mitterrand vient d’être réélu une deuxième fois, la municipalité villeurbannaise continue d’instaurer des politiques sociales idéologiquement très marquées et qui s’inscrivent dans la continuité des actions menées jusqu’alors. On peut citer à titre d’exemple la mise en place d’une carte « samedi matin à loisirs » en septembre 1992. Destinée aux enfants des écoles primaires, cette carte leur permet, pour une somme de 30 francs, de bénéficier d’un accès privilégié à tout un ensemble d’activités sportives et culturelles267. De plus, dans un souci de justice sociale, la municipalité décide de donner la priorité aux enfants des quartiers placés en DSQ (Les Buers, St Jean) ; les enfants des autres quartiers ne pouvant alors s’inscrire qu’à condition qu’il reste des places268. L’instauration de ce critère sélectif sonne comme un rappel « symbolique » des conceptions et des valeurs auxquelles est attachée la municipalité villeurbannaise, quand bien même le Parti socialiste se résigne à ne plus donner de mots d’ordre en matière d’actions publiques municipales269.

Conclusion

Cette dernière période d’étude est donc avant tout pour la municipalité villeurbannaise celle de la Politique de la ville. Deux de ses quartiers sont effectivement choisis pour participer au dispositif DSQ. Au-delà de la diversité des actions mises en place, cette expérience permet à la municipalité d’avoir une approche multipartenariale et contractualisée des politiques publiques. Ces nouvelles méthodes de gestion, privilégiant le consensus et le partenariat sont également issues de la décentralisation et de l’intercommunalité. Finalement, et contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, la décentralisation n’a pas forcément donné plus de libertés aux communes. Par exemple, en matière sociale, ces dernières se sont vues concurrencer par les Conseils généraux. Néanmoins, à Villeurbanne, malgré un 266 Discours de Charles Hernu CM du 25 mars 1977 1D59 267 Délibération n° 92-134 CM du 29 septembre 1992 1D149 268 Le Progrès, le 24 septembre 1992 269 LEFEBVRE Rémi, « Le PS, les notables et le congrès » in Le Monde, 28 mars 2008 Carpentier Blandine - 2009 69 Les politiques sociales à Villeurbanne de 1977 à 1995

volontarisme moins fort qu’en 1977 et un relatif désintérêt du Parti socialiste pour l’échelon local, la municipalité maintient un certain nombre de politiques sociales, notamment en direction des jeunes. CONCLUSION L’objectif de cette recherche était d’analyser les gestions municipales de Charles Hernu et de Gilbert Chabroux entre 1977 et 1995 afin de voir s’ils avaient réussi à renouer avec le socialisme municipal. Pour cela, notre attention s’est focalisée sur l’étude des politiques sociales mises en œuvre puisque, idéologiquement, ces dernières constituent l’essence même du socialisme. Les dix-huit années étudiées recouvrent des différences majeures quant au nombre de politiques sociales mises en place, quant aux thématiques prises en compte, mais aussi quant à la diversité des acteurs menant ces politiques. Ainsi, tandis que sous le premier mandat, la municipalité s’intéresse à l’ensemble des questions sociales, lors du second mandat elle a tendance à cristalliser son attention sur les problématiques liées aux violences juvéniles et au mal-être des banlieues. De même, alors qu’ils se montrent extrêmement dynamiques dans les premières années suivant leurs élections à la tête de la ville, les élus socialistes apparaissent moins actifs ensuite. Le temps de discussion consacré aux projets sociaux lors des séances du Conseil diminue. Au début des années 1990, la municipalité ne semble plus être en mesure de mener seule des actions sociales et elle doit tenir compte de ses partenaires institutionnels. Dès lors, une première explication pour justifier cette inégalité d’actions au cours du temps est à rechercher du côté de la décentralisation. En octroyant aux régions, mais surtout aux départements des compétences en matière sociale, les lois de décentralisation n’ont en réalité pas été totalement bénéfiques aux communes. Villeurbanne, comme ses consœurs, a en quelque sorte été « court-circuitée » dans ses actions par la nouvelle légitimité du département dans la gestion des affaires sociales. Néanmoins, il ne faudrait pas accuser la décentralisation de tous les maux car, en donnant une plus grande liberté aux échelons locaux, elle a aussi rendu possible la mise en œuvre de projets de grandes ampleurs et la multiplication des démarches partenariales. Il existe par ailleurs une raison plus spécifique à Villeurbanne et à son identité politique. Ville de gauche par tradition, lorsque l’équipe socialiste de Charles Hernu remporte les élections en mars 1977, elle se doit de renouer avec cet héritage politique. Ceci est d’autant plus important pour elle, que la municipalité précédente d’Etienne Gagnaire était devenue centriste dans les dernières années de son mandat. Ainsi, le nouveau maire Charles Hernu décide d’afficher sa différence politique en agissant dans le secteur social, qu’il souhaite redynamiser. De multiples politiques sociales sont alors instaurées dans tous les domaines. Ce volontarisme de départ, qui anime l’équipe de Charles Hernu, trouve aussi ses origines dans la ligne de conduite dressée par le Parti socialiste au Congrès d’Epinay-sur- Seine de 1971. Dans la perspective des élections présidentielles de 1981, le Parti de la rose décide en effet de re-politiser la question municipale dès 1977. Il a alors l’ambition de faire des mairies socialistes des lieux d’expérimentation sociale comme à la grande époque du socialisme municipal. Cette conclusion se vérifie aisément puisqu’à partir du moment où la Gauche accède au pouvoir étatique, la vigueur des élus villeurbannais dans le domaine social s’amenuise légèrement.

70 Carpentier Blandine - 2009 TROISIEME PARTIE De 1989 à 1995 : la municipalité court-circuitée dans ses actions sociales

De surcroît, la nomination de Charles Hernu comme ministre de la Défense a pu jouer dans la moins grande vitalité de la municipalité. Mais ceci ne reste qu’une supposition puisque les différents collaborateurs de Charles Hernu affirment que le cumul des mandats n’a pas posé de problèmes et que le maire continuait d’être très présent à Villeurbanne270. Enfin, la montée des préoccupations sociétales dans les années 1980 telles que la protection de l’environnement, la condition féminine, les thèmes sécuritaires rendent plus difficiles la distinction entre politiques municipales de gauche et politiques municipales de droite. Ainsi, depuis cette décennie, on observe une plus grande standardisation des actions publiques locales. De 1977 à 1995, les municipalités de Charles Hernu et de Gilbert Chabroux ne renouèrent pas de manière égale avec le socialisme municipal. Si la période suivant la victoire électorale de 1977 suscite chez les nouveaux élus une forte volonté d’agir dans le domaine social, ce dynamisme se calme ensuite avec le temps. L’habitude du pouvoir, l’accès du P.S aux arènes nationales, l’effet de la décentralisation, l’accroissement des préoccupations sociétales expliquent en partie pourquoi la municipalité apparaît moins entreprenante dans sa gestion des politiques sociales. Le socialisme municipal semble aujourd’hui faire partie du passé politique de Villeurbanne. Néanmoins, il ne faut pas trop rapidement oublier cette notion car, dans les temps troubles que connaît actuellement le P.S, ne peut-on pas imaginer que celui-ci se concentre de nouveau sur ses bastions municipaux pour en faire des laboratoires d’idées sociales ?

270 À ce sujet, lire les interviews de Gilbert Chabroux et de Jean-Paul Bret réalisés par GRIFO Lionnel dans le cadre de son mémoire « La section du parti socialiste de Villeurbanne et son action municipale », Université Lyon 2, 2006-2007. Carpentier Blandine - 2009 71 Les politiques sociales à Villeurbanne de 1977 à 1995

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Entretiens

Le 9 juin 2009, entretien avec Gilbert CHABROUX, ancien Sénateur-maire de Villeurbanne Le 13 juin 2009, entretien avec Fouad CHERGUI, réalisateur du film La Valise

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Sources privées

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Carpentier Blandine - 2009 73 Les politiques sociales à Villeurbanne de 1977 à 1995

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Carpentier Blandine - 2009 77 Les politiques sociales à Villeurbanne de 1977 à 1995

Annexes

Documents non communiqués par l'auteur, à consulter sur place au Centre de Documentation Contemporaine de Sciences Po Lyon

78 Carpentier Blandine - 2009 Résumé

Résumé

L’année 1977 est marquée par la victoire historique des socialistes aux élections municipales de mars. À Villeurbanne, c’est Charles Hernu, l’ami fidèle de François Mitterrand, qui s’impose à la tête de la ville. Le nouveau maire veut renouer avec la tradition du socialisme municipal à laquelle l’histoire de Villeurbanne est fortement liée. À travers cette étude, il s’agit donc d’étudier la gestion municipale de Villeurbanne de 1977 à 1995 afin de voir comment les nouveaux élus socialistes tentent de mettre en application leur projet. Au-delà, ce travail est aussi une réflexion plus générale sur l’évolution du socialisme municipal depuis la fin des années 1970.

Carpentier Blandine - 2009 79