ASSEMBLÉE NATIONALE – SÉANCE DU 14 OCTOBRE 1997 1

SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. AGED (p. 11) M. Bernard Schreiner, Mme Martine Aubry, ministre de 1. Questions au Gouvernement (p. 2). l’emploi et de la solidarité.

CONFÉRENCE NATIONALE SUR L’EMPLOI (p. 2) INDÉPENDANCE ÉCONOMIQUE MM. Alain Bocquet, , Premier ministre. ET MONÉTAIRE DE LA (p. 12) MM. Robert Pandraud, Dominique Strauss-Kahn, ministre CONFÉRENCE NATIONALE SUR L’EMPLOI (p. 4) de l’économie, des finances et de l’industrie. M. , Mme Martine Aubry, ministre de l’emploi et de la solidarité. Suspension et reprise de la séance (p. 13) POLITIQUE FAMILIALE (p. 5) PRÉSIDENCE DE M. PIERRE MAZEAUD M. René Couanau, Mme Martine Aubry, ministre de l’emploi et de la solidarité. 2. Fixation de l’ordre du jour (p. 13). POLITIQUE DE L’EMPLOI (p. 6)

MM. Jean-Marc Ayrault, Lionel Jospin, Premier ministre. 3. Saisine pour avis d’une commission (p. 14). AVENIR DE THOMSON-CSF (p. 7) MM. Christian Bataille, Alain Richard, ministre de la 4. Loi de finances pour 1998. − Discussion d’un projet de loi défense. (p. 14). M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l’économie, des REMISE EN LIBERTÉ PAPON (p. 8) finances et de l’industrie. Mmes Frédérique Bredin, Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice. M. Christian Sautter, secrétaire d’Etat au budget. M. Didier Migaud, rapporteur général de la commission des AIDES À L’AGRICULTURE (p. 9) finances. Mme Marie-Hélène Aubert, M. Louis Le Pensec, ministre de l’agriculture et de la pêche. EXCEPTION D’IRRECEVABILITÉ (p. 30)

RÉFORME DES COURS D’ASSISES (p. 10) Exception d’irrecevabilité de M. Jean-Louis Debré : MM. Philippe Auberger, le ministre, le rapporteur géné- M. Noël Mamère, Mme Elisabeth Guigou, garde des ral, Jean Tardito, Jean-Louis Idiart, Pierre Méhaignerie. − sceaux, ministre de la justice. Rejet. TRENTE-CINQ HEURES (p. 11) Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance. M. Pierre Lellouche, Mme Martine Aubry, ministre de l’emploi et de la solidarité. 5. Ordre du jour (p. 42).

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COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. LAURENT FABIUS Ma question est double : quelles mesures comptez-vous prendre face à l’intransigeance patronale et pouvez-vous M. le président. La séance est ouverte. nous donner quelques indications sur le calendrier et le contenu de cette loi-cadre pour les trente-cinq heures qui (La séance est ouverte à quinze heures.) correspondra, j’en suis sûr, à une nouvelle dignité pour les salariés de ce pays et pour l’avenir ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et 1 du groupe Radical, Citoyen et Vert.) M. le président. La parole est à M. le Premier ministre. QUESTIONS AU GOUVERNEMENT M. Lionel Jospin, Premier ministre. Monsieur le pré- sident de l’Assemblée nationale, monsieur le président du M. le président. L’ordre du jour appelle les questions groupe communiste, mesdames, messieurs les députés, le au Gouvernement. Gouvernement, à travers les orientations qu’il a propo- Nous commençons par le groupe communiste. sées, entend affirmer sa volonté politique de lutter contre le chômage. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, CONFÉRENCE NATIONALE SUR L’EMPLOI Citoyen et Vert.) Il entend respecter ses engagements vis-à-vis du peuple M. le président. La parole est à M. Alain Bocquet. français, prendre en compte la réalité économique (Excla- M. Alain Bocquet. Monsieur le Premier ministre, le mations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la groupe communiste et partenaires se félicite des conclu- République et du groupe de l’Union pour la démocratie sions de la conférence nationale qui s’est tenue vendredi française), proposer la négociation sociale et faire jouer à (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement la France un rôle d’initiative dans l’Europe, une Europe pour la République et du groupe de l’Union pour la démo- que nous voulons construire. (Applaudissements sur les cratie française) et en particulier de la décision d’élaborer bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du une loi-cadre pour les trente-cinq heures. (« Scandaleux ! » groupe Radical, Citoyen et Vert.) sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la Tels sont les cinq éléments qui aident à comprendre la République et du groupe de l’Union pour la démocratie décision du Gouvernement. française.) M. Jean Ueberschlag. Incantation ! M. Louis de Broissia. On y reviendra ! M. le Premier ministre. Ce n’est pas une incantation M. Alain Bocquet. Il s’agit là d’une décision impor- mais un constat. Nous avons 3 500 000 chômeurs en tante parce que c’est une bataille de plus de deux décen- France et notre société en est profondément déstabilisée. nies du monde du travail, du mouvement syndical, de la M. Jean Ueberschlag. C’est vous qui les avez créés ! gauche, des communistes. Elle va contribuer à alléger la peine de travail, à créer des emplois... M. le Premier ministre. Par une politique de croissance que le budget permet − un budget de croissance et un Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour budget pour l’euro − par une politique de l’emploi à la République. C’est faux ! l’échelle européenne que nous commençons à proposer à M. Alain Bocquet. ... et, de ce point de vue, je veux nos partenaires à travers le sommet sur l’emploi, par le m’indigner de l’attitude du Conseil national du patronat programme pour l’emploi des jeunes (Exclamations sur les français (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassem- bancs du groupe du Rassemblement pour la République et blement pour la République et du groupe de l’Union pour la du groupe de l’Union pour la démocratie française) qui se démocratie française), une attitude qui affiche bien son met en place dans le public et démarrera dans le privé, et, archaïsme social, son intolérance. Il n’y a pas de mots enfin, par la diminution du temps de travail, nous vou- assez durs. On parle de guerre, de tueur, de complot ! lons dire que la priorité de ce gouvernement est la lutte Ce n’est pas du tout ce qui sied à une démocratie pour l’emploi et contre le chômage. (Applaudissements sur comme la nôtre et au dialogue social qui doit avoir cours les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du dans un pays comme le nôtre. Une inquiétude s’est d’ail- groupe Radical, Citoyen et Vert.) leurs exprimée. Face à ce front du refus du CNPF, vous Le Gouvernement entend respecter ses engagements pourrez compter bien évidemment sur les parlementaires vis-à-vis du peuple. Il y va de la réhabilitation de la communistes qui prendront part à ce combat pour... démocratie dans notre pays. (Applaudissements sur plu- sieurs bancs du groupe socialiste. − Murmures sur les bancs M. Louis de Broissia. Casser la machine ! du groupe du Rassemblement pour la République.) J’ai M. Alain Bocquet. ... que le contenu de la loi-cadre annoncé que nous voulions parvenir aux trente-cinq pour les trente-cinq heures corresponde pleinement aux heures au cours de la campagne présidentielle de 1995. souhaits des salariés. (Applaudissements sur plusieurs bancs Nous l’avons réaffirmé dans notre programme législatif et du groupe communiste.) dans les discussions avec nos partenaires pendant la cam-

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pagne législative de 1997. Je l’ai répété dans ma déclara- M. le Premier ministre. ... puisque la souplesse est au tion de politique générale. Il faut s’habituer à ce que, sur cœur de ces discussions et que nous avons évoqué la des points essentiels, ce gouvernement tienne ses engage- modération salariale. ments devant le peuple français. (Vifs applaudissements sur Oui, nous proposions la négociation sociale ! C’est tout les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du un champ qui est ouvert aux partenaires sociaux de ce groupe Radical, Citoyen et Vert. − Exclamations sur les pays, s’ils veulent s’en saisir, sur le temps de travail, mais bancs du groupe du Rassemblement pour la République.) aussi sur les minima sociaux, les minima de branches, les M. Jacques Myard. Vous allez dans le mur. cas des hommes et des femmes qui ont travaillé dès qua- torze ans et cotisé quarante ans (Applaudissements sur les M. le Premier ministre. De ce fait, personne ne peut se bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du dire surpris et encore moins berné. Mesdames et mes- groupe Radical, Citoyen et Vert), la simplification des for- sieurs de l’opposition, il vous est arrivé de mener cam- malités administratives pour les petites et moyennes pagne sur un slogan qui avait intéressé le peuple : la lutte entreprises. contre la fracture sociale. Vous avez abandonné ce slogan et vous avez été sanctionnés pour cela. Si je dois un jour Pourquoi n’ai-je pas eu en réponse une proposition être sanctionné par le peuple... alternative du CNPF sur la base de laquelle nous aurions pu discuter ? Comment pouvait-on demander à ce gou- M. Jacques Myard. Cela viendra ! vernement, engagé devant le pays, de renoncer à un axe M. le Premier ministre. ... je préfère que ce soit sur ma essentiel de ses propositions sans aucune contrepartie, politique plutôt que pour l’abandon de ma politique. sans engagement d’aucune nature ? Nous pensons bien (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du que la négociation sociale se nouera dans les entreprises, groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) et Mme Martine Aubry va y travailler avec les autres res- ponsables du Gouvernement au cours des mois qui Pour autant, dans nos propositions, et Mme le viennent. ministre de l’emploi et de la solidarité y a veillé avec le ministre de l’économie et des finances et moi-même, Enfin, monsieur le président du groupe communiste, nous prenons en compte les réalités économiques. (Excla- nous voulons effectivement que la France puisse jouer un mations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la rôle moteur et d’initiative dans l’Europe. République et du groupe de l’Union pour la démocratie M. Charles Ehrmann. Exhortation ! française.) Ce n’est pas aujourd’hui que nous passons aux trente- M. le Premier ministre. Je suis d’accord avec le Pré- cinq heures, c’est en l’an 2000, c’est-à-dire dans plus de sident de la République quand il nous demande, dans les deux ans ! (Protestations sur les bancs du groupe du Rassem- discussions internationales, de ne pas adopter l’attitude blement pour la République et du groupe de l’Union pour la d’un pays qui donne la leçon aux autres. Mais ne pas démocratie française.) Ce n’est pas tout de suite pour tous, donner la leçon aux autres, ne pas être arrogant, cela ne puisque cela ne concernera pas les entreprises de moins signifie pas se réjouir d’être simplement dans le peloton de dix salariés. Nous étions d’ailleurs prêts à retenir le de queue du conformisme économique européen. chiffre de vingt salariés et c’est plutôt pour complaire à (Applaudissements sur les bancs de groupe socialiste, du certaine organisation, dont on a beaucoup parlé, que groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) nous ne l’avons finalement pas retenu. Il y a, en effet, des M. Jacques Myard. Parlez-nous de Tony Blair ! problèmes de « frontières » avec d’autres organisations, vous le savez. Ces mesures ne s’appliqueront, en tout état M. le Premier ministre. Le Gouvernement se propose de cause, qu’à la fin de la législature. de redonner à la France un rôle moteur sur des questions Elles ne s’appliqueront pas sans contrepartie, puisque le qui secouent toute la société européenne, dans laquelle il Gouvernement prend l’engagement d’aider les entre- y a 20 millions de chômeurs. prises... Je suis heureux de voir que la crise italienne, que nous ne souhaitions pas car le gouvernement de ce pays est, Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour vous le savez, réaliste, moderne, s’est dénouée sur la ques- la République. Avec quel argent ? tion des trente-cinq heures. L’Italie s’engage dans cette M. le Premier ministre. ... qui s’engageront plus vite et perspective. (Applaudissements sur les bancs du groupe socia- tout de suite dans le dispositif de diminution du temps liste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et de travail. Vert.) M. Patrick Ollier. Qui va payer ? M. Jean-Claude Lefort. Exact ! M. le Premier ministre. Ce ne sera pas sans un nou- M. le Premier ministre. Le président de la confédéra- veau dialogue, y compris avec les chefs d’entreprise, tion européenne des syndicats vient d’affirmer que ce puisqu’en 1999, en fonction des conditions économiques signal donné par la France était un signal pour toute de l’époque et en tenant compte des négociations qui, l’Europe... j’en suis sûr, se développeront dans de nombreuses entre- prises entre les chefs d’entreprise et les syndicats, nous M. Arthur Dehaine. Bref, tout va bien ! examinerons ensemble les modalités concrètes du passage M. le Premier ministre. ... que l’objectif des trente- aux trente-cinq heures (Applaudissements sur les bancs du cinq heures restait bien celui du syndicalisme européen. groupe socialiste. − Protestations sur les bancs du groupe du Oui, une France qui propose, qui anime, puis qui dia- Rassemblement pour la République et du groupe de l’Union logue, c’est cela, mon idée de la France ! (Vifs applaudisse- pour la démocratie française), et cela ne se fera pas de ments prolongés sur les bancs du groupe socialiste, du groupe façon uniforme. Nous voulons en effet ouvrir un espace communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. − Excla- de négociations,... mations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour République et du groupe de l’Union pour la démocratie la République. C’est réussi ! française.)

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M. le président. Nous passons aux questions du groupe groupe de l’Union pour la démocratie française et du groupe de l’Union pour la démocratie française. du Rassemblement pour la République.) Il ajoutait : « Je ne crois pas le Gouvernement assez inconscient pour tenir de telles promesses. » CONFÉRENCE NATIONALE POUR L’EMPLOI Vous tenez vos promesses, nous avez-vous dit il y a un instant. Est-ce une bonne chose pour la France ? (Applau- M. le président. La parole est à M. Alain Madelin. dissements sur les bancs du groupe de l’Union pour la démo- cratie française.) M. Alain Madelin. Monsieur le Premier ministre, la conférence nationale sur l’emploi, que vous avez initiée, De nombreux députés du groupe socialiste. Oui ! se termine sur un retentissant échec (Protestations sur les C’est une bonne chose ! bancs du groupe socialiste) marqué par la démission de M. le président. la parole est à Mme le ministre de Jean Gandois de la présidence du CNPF. l’emploi et de la solidarité. M. Henri Emmanuelli. Vous êtes à la botte du CNPF ! Mme Martine Aubry, ministre de l’emploi et de la soli- M. Alain Madelin. Ce qui est vraiment en jeu dans darité. Si nous tenons nos promesses, monsieur le député, cette affaire, c’est l’emploi, l’avenir de notre pays, l’avenir ce n’est pas seulement parce que nous nous y sommes de nos enfants, c’est, oui, monsieur le Premier ministre, engagés, c’est parce que nous croyons que c’est la bonne l’intérêt général. politique pour la France. Nous ne pensons pas que l’on sert l’intérêt général avec Nous avons tous échoué sur le chômage, vous comme des solutions à contre-courant du monde, de l’Europe et nous, et, si nous avons tous échoué, c’est par confor- du simple bon sens. (Applaudissements sur les bancs du misme, c’est parce que nous avons tout attendu de la groupe de l’Union pour la démocratie française et sur quel- croissance et du traitement social. ques bancs du groupe du Rassemblement pour la Une semaine avant la conférence, j’ai présidé avec République.) Dominique Strauss-Kahn une réunion où chacun, y compris les membres du patronat, a reconnu que la crois- M. Jean-Claude Lefort. Conservateur ! sance seule ne pouvait pas nous permettre de renverser M. Alain Madelin. L’emploi a besoin de la croissance. profondément la courbe du chômage. Il faut ouvrir de La croissance a besoin de la confiance. Comment retrou- nouvelles pistes. ver le chemin de la création de l’emploi, de l’investisse- Il y a les nouveaux emplois dans le secteur public. ment et de l’embauche en faisant naître une inquiétude (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement centrale au cœur de notre économie ? Comment retrou- pour la République et du groupe de l’Union pour la démo- ver le chemin de l’emploi et du progrès social en mettant cratie française.) Les Pays-Bas, libéraux que sous soutenez, en panne, sans doute par excès d’autoritarisme et par viennent d’annoncer un programme de même nature que erreur de méthode, le dialogue social dans notre pays ? le nôtre, dans les emplois publics, pour les nouveaux (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe biens collectifs, mais d’une bien plus grande ampleur : communiste. − Applaudissements sur quelques bancs du 100 000 emplois, pour 350 000 chômeurs. C’est comme groupe de l’Union pour la démocratie française et du groupe si nous avions créé un million d’emplois-jeunes. Ce sont du Rassemblement pour la République.) des libéraux, mais eux ont compris qu’il fallait ouvrir de nouvelles pistes. (Applaudissements sur les bancs du groupe M. Jean Tardito. C’est faux ! socialiste et du groupe communiste.) M. Jean-Claude Lefort. C’est vous qui êtes en panne ! La deuxième piste, c’est la durée du travail. L’Alle- M. Alain Madelin. Enfin, comment créer des emplois magne, quoi qu’ait dit M. Schroeder, travaille déjà sans la confiance, le soutien des 2 700 000 entrepreneurs 200 heures de moins que nous par an. Les Pays-Bas sont de ce pays, commerçants, artisans, professions indépen- bien plus en avance que nous (Exclamations sur les bancs dantes, entreprises petites et moyennes (Applaudissements du groupe de l’Union pour la démocratie française et du sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour la démocratie groupe du Rassemblement pour la République), l’Italie éga- française et du groupe du Rassemblement pour la lement, qui passe maintenant aux trente-cinq heures. République) qui, eux et eux seuls, détiennent les clefs de M. Jacques Myard. C’est faux ! la création de vrais emplois ? On ne peut pas faire de politique sans eux. Mme le ministre de l’emploi et de la solidarité. Le ministre espagnol a annoncé à Luxembourg la semaine M. Jean-Claude Lefort. Démago ! dernière que son pays voulait réduire les heures supplé- mentaires et la durée du travail. M. Alain Madelin. On ne peut pas retrouver le chemin de l’emploi contre eux. M. Pierre Lellouche. Il y a 25 % de chômeurs en Enfin, monsieur le Premier ministre, j’ai écouté votre Espagne ! réponse il y a un instant. Elle me faisait songer aux pro- Mme le ministre de l’emploi et de la solidarité. Vous pos de M. Gerhard Schroeder, le leader socialiste alle- serez bientôt les seuls en Europe à tenir un discours mand,... archaïque ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socia- M. Henri Emmanuelli. Vous pensez toujours à l’étran- liste et du groupe communiste. − Protestations sur les bancs ger ! du groupe de l’Union pour la démocratie française et du groupe du Rassemblement pour la République.) M. Alain Madelin. ...reproduits il y a quelques jours M. Jean-Claude Lefort. Parce qu’ils sont archaïques ! dans Le Monde : « Je ne pense pas que l’on instaurera les trente-cinq heures en France. Si le Gouvernement le fai- Mme le ministre de l’emploi et de la solidarité. Non, sait, ce serait une bonne chose pour l’emploi... en Alle- nous ne sommes pas à contre-courant du monde. Nous magne. » (Applaudissements sur de nombreux bancs du sommes à contre-courant de l’ultralibéralisme (Protesta-

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tions sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la groupe socialiste, du groupe Radical, Citoyen, Vert et du République et du groupe de l’Union pour la démocratie groupe communiste) et qui risquent de frapper durement française) qui a cours actuellement chez vos amis, mon- 450 000 d’entre elles. (Applaudissements sur quelques bancs sieur Madelin. du groupe de l’Union pour la démocratie française et du J’ai lu la presse cette semaine. Le Gouvernement amé- groupe du Rassemblement pour la République.) ricain vient de publier les derniers chiffres. Jamais la pau- Au-delà de ces mesures ponctuelles, nous avons du vreté n’a été aussi grande dans ce pays. Jamais les inégali- mal, l’opinion a du mal à percevoir quelles sont vos tés entre les 20 % les plus riches et les 20 % les plus motivations réelles et quels sont les choix de société qui pauvres n’a été aussi grande alors que la croissance est sous-tendent vos décisions. forte. Cinq milliards de francs repris à des centaines de mil- M. Jean-Claude Lefort. Ils s’en moquent ! liers de familles, l’allocation de garde d’enfants à domicile diminuée de moitié, les personnes ayant élevé seules un Mme le ministre de l’emploi et de la solidarité. Qua- enfant pénalisées malgré les engagements antérieurs, et rante millions de personnes n’ont pas accès à la santé et j’en passe : madame le ministre, quel est le véritable les ghettos sont tous les jours davantage des ghettos ! objectif que vous poursuivez ? Voulez-vous simplement C’est cela que vous voulez ? (Protestations sur les bancs du réduire les déficits, ce qui ne serait après tout qu’une groupe du Rassemblement pour la République et du groupe maîtrise comptable que vous réprouviez il y a quelques de l’Union pour la démocratie française.) mois, ou voulez-vous effectuer une nouvelle redistribution entre les familles en fonction des revenus et, dans ce cas, M. Jean-Claude Lefort. Oui, c’est ce qu’ils veulent ! indiquez-nous ce que vous allez faire exactement des Mme le ministre de l’emploi et de la solidarité. Nous, 6 milliards ainsi économisés ? nous sommes effectivement à contrecourant de cette poli- Plus largement l’opinion s’interroge − et vous le savez tique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, bien − sur votre politique de la famille. du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) Plusieurs députés du groupe socialiste. Ce n’est pas vrai ! Faites-nous confiance ! Les entreprises ont compris ce qu’avait annoncé le Premier ministre. (Exclamations sur les M. René Couanau. Que faites-vous, que ferez-vous bancs du groupe du Rassemblement pour la République et pour préserver et conforter la cellule familiale, élément de du groupe de l’Union pour la démocratie française.) Don- base de notre société, pour en assurer le rôle social et nons-nous rendez-vous dans un an. J’en vois notamment éducatif et pour en défendre enfin les valeurs auxquelles, autour de vous, monsieur Madelin, qui tenaient les nous, nous sommes attachés ! (Applaudissements sur les mêmes propos sur la loi de Robien. Depuis, 1000 accords bancs du groupe de l’Union pour la démocratie française et ont été conclus ! du groupe du Rassemblement pour la République. − Excla- mations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radi- M. Yves Nicolin. Cela n’a rien à voir ! cal, Citoyen et Vert.) Mme le ministre de l’emploi et de la solidarité. Nous M. le président. La parole est à Mme le ministre de généralisons le processus en tirant les conséquences des l’emploi et de la solidarité. effets pervers de cette loi. Donnons-nous rendez-vous dans un an et nous verrons où sont les modernes ! Il y Mme Martine Aubry, ministre de l’emploi et de la soli- aura une loi qui laisse de la souplesse, qui aide les entre- darité. Monsieur le député, pour nous, défendre les prises, une loi qui, d’ailleurs, dans l’expérimentation, a familles, c’est d’abord défendre toutes les familles. déjà montré que, pour de nombreux chefs d’entreprise (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du une forte réduction de la durée du travail était un moyen groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. − de réorganiser le travail, de réagir plus vite vis-à-vis de Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour la leurs clients, d’être plus compétitifs, de tourner le dos au démocratie française et du groupe du Rassemblement pour la taylorisme. Faisons confiance aux chefs d’entreprise, vous République.) Or, ce que nous entendons, mardis après verrez ce qu’ils signeront. Ce sera une loi et un discours mardis, mercredis après mercredis, ce n’est pas cette permettant la souplesse, instaurant des règles de stabilité défense de toutes les familles. (Exclamations sur les bancs en matière salariale et de modération, nous verrons dans du groupe de l’Union pour la démocratie française et du quelques mois qui de vous ou de nous est à contre- groupe du Rassemblement pour la République.) courant du monde et en tout cas du progrès social ! Vous n’avez pas hésité ces deux dernières années à pré- (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du lever 120 milliards de francs sur toutes les familles pour groupe communiste et du groupe Radical, Citoyens et Vert. − redonner 25 milliards à ceux qui en ont sans doute le Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour moins besoin ! la République et du groupe de l’Union pour la démocratie Vous n’avez pas hésité, en 1994, à faire voter une loi française.) qui n’est pas financée et qui, aujourd’hui, provoque un déficit de la branche famille de 13 milliards ! POLITIQUE FAMILIALE Vous n’avez pas hésité à diviser par quatre l’allocation de rentrée scolaire que nous avons rétablie à son bon niveau à la rentrée. (Applaudissements sur les bancs du M. le président. La parole est à M. René Couanau, groupe socialiste, du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur pour une question courte, qui appellera une réponse quelques bancs du groupe communiste. − Exclamations sur courte. les bancs du groupe de l’Union pour la démocratie française M. René Couanau. Madame le ministre de l’emploi et et du groupe du Rassemblement pour la République.) de la solidarité, je voudrais revenir sur la série de mesures Quelle politique pour la famille ? Vous réduisez un peu que vous prenez ou que vous vous apprêtez à prendre à rapidement la politique familiale aux seules prestations l’encontre des familles (Protestations sur les bancs du familiales.

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M. Laurent Dominati. Et vous, vous réduisez ces pres- tante réforme du financement de l’assurance maladie, ou tations ! de la conférence nationale sur les salaires, l’emploi et la réduction du travail, qui est un événement historique Mme le ministre de l’emploi et de la solidarité. Ainsi dans notre pays ! (Exclamations sur les bancs du groupe du que le Premier ministre l’a déjà indiqué, nous allons Rassemblement pour la République et du groupe de l’Union rediscuter des modalités du plafonnement des allocations pour la démocratie française.) familiales avec toutes les associations. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour la démocratie française et Mme Christine Boutin. Historique, en effet ! du groupe du Rassemblement pour la République.) Ce n’est pas nouveau. Elles, elles le savent. Mais, elles, elles nous M. Jean-Marc Ayrault. Après le temps des négocia- écoutent. Nous travaillons avec elles. teurs, on nous annonce le temps des tueurs. Eh bien, nous, nous refusons le dogmatisme ! (Exclamations sur les Pour nous, les prestations familiales, ce n’est pas le bancs du groupe du Rassemblement pour la République et tout. La politique de la famille consiste aussi, comme du groupe de l’Union pour la démocratie française.) Nous nous l’avons fait, à augmenter l’APL, qui touche des mil- refusons l’intransigeance (Mêmes mouvements) et nous lions de familles, et pas simplement 300 ou 400 en voulons privilégier la voie de la négociation et du France (« Oh ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour la compromis social. démocratie française et du groupe du Rassemblement pour la République), qui bénéficient aujourd’hui d’avantages parti- Cette conférence, monsieur le Premier ministre, a culiers. ouvert beaucoup d’autres chantiers que celui concernant la réduction du temps de travail, que vous venez d’évo- Aider la famille, c’est également rouvrir des classes dans quer. Comment se déroulera la suite ? Elle passera, d’une des quartiers en difficulté pour éviter l’échec scolaire, c’est part, par la voie législative et, d’autre part, par la voie de prendre des mesures pour financer les cantines scolaires la négociation. pour des jeunes qui sont en difficulté. Voilà ce qu’est la politique de la famille ! En tout cas, le groupe socialiste sera à vos côtés... Mais, comme nous sommes réalistes et pragmatiques, M. Jean-Jacques Jegou. Quelle est la question ? nous savons que certaines de ces mesures peuvent poser des problèmes d’organisation à certaines familles. Aussi, M. Jean-Marc Ayrault. ... pour vous aider à mettre en nous les écoutons et nous verrons, dans le cadre du œuvre cette politique au service de l’emploi. (Applaudisse- débat, comment nous pourrons les résoudre, tout en res- ments sur les bancs du groupe socialiste, du groupe Radical, tant attachés à prendre des mesures de solidarité et à Citoyen et Vert et du groupe communiste. − « Quelle est la revenir sur des avantages dont je répète ici qu’ils sont question ? » sur les bancs du groupe du Rassemblement pour injustifiés : dans aucun pays au monde, en effet, on ne la République et du groupe de l’Union pour la démocratie verse 85 000 francs à une famille pour un employé à française.) domicile (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union M. le président. La parole est à M. le Premier pour la démocratie française et du groupe du Rassemblement ministre. pour la République), soit deux fois et demie ce que touche un RMIste. Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour Bref, notre politique allie solidarité, justice et réalisme, la République. Il n’y a pas eu de question ! comme nous l’avons déjà montré vendredi dernier. M. le président. Un peu de silence, mes chers col- (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du lègues, vous allez entendre la réponse. (Protestations sur les groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe communiste. − bancs du groupe du Rassemblement pour la République et Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour la du groupe de l’Union pour la démocratie française.) démocratie française et du groupe du Rassemblement pour la République.) M. Lionel Jospin, Premier ministre. Moi, il me semble avoir entendu la question. (Exclamations sur les bancs du M. le président. Nous en venons aux questions du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe groupe socialiste. de l’Union pour la démocratie française.) M. le président. Mes chers collègues, cette excitation POLITIQUE DE L’EMPLOI ne se justifie pas. Monsieur le Premier ministre, vous avez la parole, et M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault. vous seul. M. Jean-Marc Ayrault. Je dirai à M. Madelin : non, la M. le Premier ministre. Mesdames, messieurs, à défaut France n’a pas tout essayé contre le chômage et il reste d’avoir entendu la question (« Ah ! » sur les bancs du encore beaucoup à faire et à imaginer ! (Protestations sur groupe du Rassemblement pour la République et du groupe les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et de l’Union pour la démocratie française), peut-être pour- du groupe de l’Union pour la démocratie française.) riez-vous écouter la réponse ! M. Patrick Ollier. Ce n’est pas une question au Gou- Vous avez raison, monsieur le président du groupe vernement ! Monsieur le président, ne laissez pas faire socialiste, d’insister sur le fait... cela ! M. Pierre Lellouche. C’était une bonne question ! M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le Premier ministre, M. le Premier ministre. ... que la conférence sur toute votre politique est justement orientée vers la lutte l’emploi, les salaires et le temps de travail ne s’est pas contre le chômage, pour l’emploi et la croissance, qu’il limitée à cette question très importante des trente-cinq s’agisse de la loi en faveur de l’emploi des jeunes, qui a heures qui, par sa force symbolique, par son efficacité été votée hier par une très large majorité, du projet de loi économique, ... de finances pour 1998, qui va dans la même direction, de la loi de financement de la sécurité sociale avec l’impor- M. Arnaud Lepercq. Utopie !

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M. le Premier ministre. ... si nous prenons les précau- Voilà, monsieur le président, mesdames et messieurs les tions nécessaires, et par son impact social provoque l’inté- députés, des compléments féconds à la journée du rêt légitime de cette assemblée. 10 octobre qui, j’en suis convaincu, restera une date Dans cette conférence, quatre autres points méritent importante et symbolique dans l’histoire économique, d’être soulignés. sociale et politique de notre pays. (Applaudissements sur les Le premier concerne l’emploi des jeunes. Un travail bancs du groupe socialiste, sur les bancs du groupe Radical, très important a été accompli, dans le prolongement de Citoyen et Vert et du groupe communiste.) l’action menée en direction des emplois publics, pour M. Thierry Mariani. L’avenir tranchera ! convaincre les partenaires sociaux et particulièrement les chefs d’entreprise qu’ils devaient relayer l’impulsion que l’État et les pouvoirs publics donnaient eux-mêmes dans AVENIR DE THOMSON-CSF ce domaine. M. Yves Nicolin. Et ça a marché ? M. le président. La parole est à M. Christian Bataille. M. le Premier ministre. Oui, ça a marché... M. Christian Bataille. Monsieur le ministre de la défense, s’agissant de Thomson-CSF, tout le monde se M. Arnaud Lepercq. Tueur d’emplois ! souvient des atermoiements et des cafouillages du gouver- M. le Premier ministre. ... car c’est un point sur lequel nement de droite qui, après avoir déclaré que Thomson le patronat a exprimé clairement son engagement. Il a été ne valait rien, ou plutôt, pour être juste, valait un franc... convenu que chaque branche professionnelle réalisera un diagnostic sur la situation de l’emploi des jeunes dans sa M. Jean Glavany. Une honte ! branche, que ce diagnostic servira de base à des négocia- M. Christian Bataille. ... s’était ensuite enlisé pendant tions permettant d’aboutir ensuite à des objectifs quanti- plus de dix-huit mois dans un invraisemblable projet de fiés d’emplois des jeunes que les partenaires sociaux et les privatisation de gré à gré, paralysant ainsi une grande entreprises pourraient se fixer. Un bilan de ces rencontres entreprise. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union aura lieu au premier trimestre de 1998. Dans les branches pour la démocratie française.) où ces rencontres n’auraient pas eu lieu, l’État prendra la Votre Gouvernement a fait le choix d’une décision responsabilité de réunir des commissions mixtes paritaires. rapide... Cette décision a été approuvée. Un deuxième point important a été également Plusieurs députés sur les bancs du groupe du Ras- débattu : il concerne le cas des salariés qui, ayant cotisé semblement pour la République. Et contestée ! quarante ans et ayant travaillé dès l’âge de quatorze ans, M. Christian Bataille. ... et retenu le groupe français souhaitent partir à la retraite dès cinquante-six ans. Alcatel pour être le partenaire stratégique de Thomson- (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du CSF. groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe communiste.) Le Gouvernement a pris l’engagement, à condition natu- Avec le consortium Alcatel-Dassault-Aérospatiale, c’est rellement que, dans le prolongement de l’allocation de la formule d’une ouverture contrôlée du capital qui est mise à la retraite contre l’embauche des jeunes, le fameux choisie. (Exclamations sur un banc du groupe du Rassem- accord ARPE, symbole d’une vraie politique contrac- blement pour la République.) Elle met fin à une longue tuelle, les partenaires sociaux s’entendent, d’abonder ce période d’incertitude, les organisations syndicales me le système de 40 000 francs par salarié et par an. confiaient encore la semaine dernière. Une troisième dimension d’action, elle aussi discutée Néanmoins, des questions restent encore sans réponses au sein de la conférence, concerne les simplifications précises. (« Ah ! » sur les bancs du groupe du Rassemblement administratives qu’attendent depuis longtemps les petites pour la République et du groupe de l’Union pour la démo- et moyennes entreprises. cratie française.) M. Jean-Paul Charié. Quelle sera la part exacte de l’Etat dans le futur action- C’est faux ! nariat ? M. le Premier ministre. Si nous arrivons, prolongeant Quelle sera la stratégie industrielle du nouveau pôle des tentatives antérieures, faites par nous ou par vous, ainsi constitué ? mais qui n’ont pas encore débouché sur des décisions très importantes, à avancer dans ce domaine, je pense que les Enfin, comment ce nouvel ensemble servira-t-il avant petites et moyennes entreprises pourront créer des tout, comme c’est son rôle, l’intérêt national ? (Applau- emplois. dissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) M. Jean-Paul Charié. Allégez leurs charges ! M. le président. La parole est à M. le ministre de la M. le Premier ministre. Sur la base du rapport que défense. remettra à Mme Marylise Lebranchu votre collègue, M. Dominique Baert, nous allons dresser un bilan. Puis M. Alain Richard, ministre de la défense. Monsieur le le ministre de l’économie et des finances et le ministre de député, en effet, après quatre mois de travail, sans tapage, l’emploi et de la solidarité travailleront de conserve pour le Gouvernement a pris sa décision : il a défini une solu- simplifier massivement les formalités administratives qui tion ferme et stable pour l’avenir de Thomson-CSF. paralysent souvent l’activité des entreprises. Puisque vous avez rencontré beaucoup de représentants Enfin, une discussion sur les salaires conventionnels et de cette entreprise, puis-je vous demander de leur témoi- les minima de branches sera possible dans le cadre de la gner l’estime que porte le Gouvernement à ses dirigeants négociation contractuelle. Il n’y a pas forcément accord et à l’ensemble de ses salariés ? Ils ont fait mieux que de sur les termes, mais cela correspond à une préoccupation tenir le coup pendant une période de longue incertitude commune. Mme le ministre de l’emploi et de la solidarité durant laquelle ils ont, malgré tout, réussi à obtenir des poussera à cet exercice et fera le bilan devant la Commis- succès industriels et commerciaux. (Applaudissements sur sion nationale de la négociation collective en 1998. les bancs du groupe socialiste.)

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Le nouveau Thomson représente aujourd’hui une capa- Cette opération est représentative d’un nouveau secteur cité industrielle accrue de près de moitié. Il est, dans public ouvert et dynamique dans un domaine où tout le l’absolu, le premier groupe européen en matière d’électro- monde s’accorde à reconnaître que l’Etat doit garder une nique de défense et dans de très nombreux segments de responsabilité éminente. l’électronique spécialisée. Cette société poursuivra ses contacts avec d’autres par- Pourtant − et c’est un autre choix fondamental qui a tenaires industriels français. J’indique que, dans guidé le Gouvernement − le nouveau Thomson-CSF sera l’ensemble des concertations que le Gouvernement a dual, c’est-à-dire qu’il développera en parallèle des tech- poursuivies avec tous les industriels français du secteur, nologies à application civile et des technologies à applica- aucun pont n’est coupé et que des possibilités nouvelles tion militaire, car cela nous paraît être la voie de l’avenir de collaboration et d’accord resteront à l’ordre du jour pour un groupe de ce type. Et c’est aussi l’intérêt de pour les prochaines années. l’Etat, pour ses commandes, de pouvoir profiter des gains Enfin, il s’agit d’une ouverture vers l’Europe. Nous d’efficacité et de coûts des technologies civiles qui conti- avons développé des contacts avec les grands groupes, et nuent à se développer. Thomson et Alcatel sont présents dans plus de la moitié L’un des grands arguments en faveur du choix opéré des pays de l’Union européenne. Il y a donc une réelle est que cette alliance permettra de regrouper, entre le disponibilité pour des alliances à long terme sur une base groupe Alcatel et le groupe Thomson ainsi restructuré, d’engagements réciproques clairs. (Applaudissements sur les près de 25 milliards annuels d’investissement en bancs du groupe socialiste.) recherche et développement. J’ajoute que l’apport de Dassault Electronique, qui est également une superbe entreprise en matière de REMISE EN LIBERTÉ DE M. PAPON recherche, fait dès maintenant du pôle ainsi constitué un élément européen de première grandeur. M. le président. La parole est à Mme Frédérique Bre- Aérospatiale est partiellement associée à ce regroupe- din. ment pour sa branche satellites, qui est bien distincte de Mme Frédérique Bredin. Madame le garde des sceaux, l’ensemble. Pour autant, ce choix ne prédétermine pas les Maurice Papon, secrétaire général de la Gironde futures orientations d’alliance de l’Aérospatiale dans son entre 1942 et 1944, est accusé de crime contre l’huma- ensemble, qui sont encore en délibération au sein du nité pour avoir permis ou organisé la déportation de Gouvernement et avec les partenaires français et euro- 1 560 juifs vers Drancy, antichambre des camps de la péens. mort de l’Allemagne nazie. 1 560 juifs ! Des hommes et Cette opération est distincte d’une privatisation. des femmes, des bien portants et des malades, car il n’y M. Pierre Lellouche. Qui va dominer ? avait pas de visite médicale avant l’envoi en déportation, des vieux, des très vieux, des jeunes et des enfants, beau- M. le ministre de la défense. L’Etat, ou plus exacte- coup d’enfants ! ment la holding Thomson SA, restera le premier action- Après le procès du SS Klaus Barbie, après celui du naire... milicien Paul Touvier, c’est le premier procès d’un haut M. Franck Borotra. A 40 % ! fonctionnaire de Vichty et, à travers lui, celui de l’une des pages les plus sombres, les plus opaques de notre his- M. le ministre de la défense. ... dans le nouveau Thomson et détiendra en outre une action spécifique qui toire, de notre administration et de notre justice. lui donnera la capacité de fixer des orientations sur Vendredi dernier, la décision de la Cour d’assises de l’ensemble des objectifs stratégiques de l’entreprise. remettre en liberté Maurice Papon a semé l’étonnement Cela dit, dans les accords qui vont être conclus, des et le désarroi. droits particuliers seront attachés à la situation de Cet arrêt a été ressenti comme une insulte par les vic- l’actionnaire privé de référence, le groupe Alcatel. times, et voir Maurice Papon banqueter dans les châ- De même, Alcatel Alsthom aura une responsabilité teaux-hôtels de la région bordelaise a sonné comme une majoritaire dans la branche satellite, qui rend compte de provocation. l’avancée technologique et de la suprématie industrielle Pour les victimes, pour les enfants des victimes, seule du groupe Alcatel dans ce domaine. la justice peut sinon réparer, du moins reconnaître les Le niveau d’actionnariat dans le public, à la bourse, faits, et donc nommer l’horreur. restera stable. Mais quelle image donne-t-on de notre justice ? Existe- L’opération est donc différente d’une privatisation sur rait-il une caste d’intouchables, dont ferait partie un haut plusieurs points. Il s’agit d’un élargissement d’un groupe fonctionnaire de Vichy, décoré après la guerre, nommé public dans un partage clair et stable des responsabilités. ministre par Valéry Giscard-d’Estaing et ? (Vives protestations sur les bancs du groupe du Rassemble- M. Pierre Lellouche. Nous croyions qu’on venait de ment pour la République et du groupe de l’Union pour la privatiser ! démocratie française.) M. le ministre de la défense. Cet élargissement main- M. Hervé de Charette. C’est vraiment bas ! tient − je sais que beaucoup ici y tiennent − la représen- tation propre des salariés dans le conseil d’administration M. Pierre Lellouche. C’est odieux ! C’est de la politique de Thomson, ... politicienne ! M. Pierre Lellouche. C’est une confusion grave, mon- M. Thierry Mariani. Provocation ! sieur le ministre ! Mme Frédérique Bredin. Faut-il rappeler tous les cas M. le ministre de la défense. ... qui est une des expé- récents d’affaires criminelles où la mise en liberté a préci- riences de représentation salariée les plus réussies dans sément été refusée au détenu au motif, ou au prétexte, l’histoire industrielle de ce pays. d’un trouble à l’ordre public ?

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Face à cette étonnante décision, pourriez-vous, ces aides visant à permettre une plus grande équité et à madame le garde des sceaux, nous expliquer votre préserver les ressources en eau ; nous avons salué cette démarche, à la fois judiciaire et symbolique, qui s’est tra- proposition et nous vous avons soutenu. duite par la décision du parquet général de former un Mais très vite, trop vite à notre goût, votre projet a été pourvoi en cassation contre la remise en liberté de Mau- différé d’un an devant la difficulté prévisible des négocia- rice Papon ? (Applaudissements sur les bancs du groupe tions, voire le blocage de certaines organisations profes- socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, sionnelles. Le 9 octobre, néanmoins, vous avez proposé Citoyen et Vert.) un rééquilibrage qui constitue une première avancée. M. Jean-Paul Charié. Vous êtes malhonnête ! Pour autant, le système actuel, essentiellement basé sur le nombre d’hectares et les volumes produits, mérite une M. Pierre Mazeaud. Et la francisque de Mitterrand ? réforme en profondeur. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement Quelles initiatives pouvez-vous prendre dans le cadre pour la République et du groupe de l’Union pour la démo- de la loi d’orientation agricole et de la réforme de la PAC cratie française.) qui s’annonce pour instaurer un plafonnement des aides M. le président. La parole est à Mme le garde des afin d’éviter des écarts trop importants entre les exploi- sceaux, ministre de la justice. tants ? Je rappelle que 5 000 exploitations de plus de 200 hectares ont touché chacune environ 700 000 francs Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la en 1996, alors que 320 000 exploitations de moins de justice. Madame la députée, je comprends l’étonnement et 50 hectares ont touché en moyenne 35 000 francs cha- la surprise devant la décision de mise en liberté de cune. M. Papon, dès lors que d’autres solutions étaient envisa- Que comptez-vous faire pour introduire d’autres cri- geables, qui auraient été de nature à garantir la surveil- tères, comme l’emploi, la qualité des produits, la préser- lance de son état de santé. vation de l’environnement, la sécurité alimentaire, en vue M. Jean-Paul Charié. Et l’indépendance de la justice ? de permettre un développement durable et le maintien d’une population agricole active en milieu rural ? Mme le garde des sceaux. Je comprends également Enfin, la Commission européenne propose une dimi- l’émotion, la grande émotion éprouvée par les victimes et nution de prix pour certaines productions ; celle-ci est par leurs familles, ainsi que par plusieurs responsables inacceptable et vous l’avez souligné. politiques sur tous les bancs de cette assemblée (Applau- dissements sur divers bancs) à la vue des images montrant Depuis 1993 et la réforme de la PAC, la taille M. Papon libre, dans un restaurant luxueux. moyenne des exploitations a augmenté de 4,8 % et le nombre des exploitations de plus de 100 hectares a aug- Sur la décision prise par le président de la cour d’as- menté de 7,4 %. Les agriculteurs ne représentent plus que sises de le mettre en liberté, comme sur celle du pro- 4 % de la population active. Quelle initiative comptez- cureur général de Bordeaux d’introduire un recours vous et pouvez-vous prendre pour que les prix pratiqués contre cette décision, je n’ai pas l’intention de porter une permettent aux agriculteurs de vivre de leur travail en appréciation car les décisions de ces magistrats ont été rompant avec le cercle vicieux qui conduit à l’agrandisse- prises en toute indépendance et en toute liberté. ment permanent des exploitations et à son corollaire, la M. Franck Borotra. Très bien ! désertification de nos campagnes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur plusieurs Mme le garde des sceaux. Je crois cependant qu’il faut bancs du groupe socialiste.) souligner devant la représentation nationale qu’il reste à juger M. Papon sur les terribles accusations qui l’ont M. le président. La parole est à M. le ministre de mené devant ses juges, que ce sera la tâche de la cour l’agriculture et de la pêche. d’assises de Bordeaux dans les prochaines semaines et que M. Louis Le Pensec, ministre de l’agriculture et de la nous devons rester convaincus qu’au bout d’un chemin pêche. Madame le député, la question d’une meilleure qui a, en effet, été trop long, justice sera enfin rendue. répartition des soutiens publics à l’agriculture se pose au (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du sein des organisations agricoles mais aussi au sein de la groupe communiste, du groupe Radical, Citoyen et Vert et société. C’est ce qui m’a conduit, au cours de l’été, à sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la engager une concertation avec les organisations agri- République et du groupe de l’Union pour la démocratie coles, ... française.) M. Jean-Paul Charié. Pas une concertation, c’est plutôt M. le président. Nous en venons aux questions du une reculade ! groupe Radical, Citoyen et Vert. M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. ... afin d’aller vers plus d’équité dans les soutiens publics, singu- AIDES A L’AGRICULTURE lièrement en ce qui concerne les soutiens communautaires aux grandes cultures, le blé et le maïs en particulier. M. le président. La parole est à Mme Marie-Hélène Au terme de cette consultation, j’ai arrêté la première Aubert. étape d’un dispositif progressif. La mesure s’appliquera à la campagne qui commencera le 1er juillet 1998. Elle Mme Marie-Hélène Aubert. Ma question s’adresse à comportera tout d’abord un rééquilibrage entre départe- M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. ments à hauts rendements et départements à faibles ren- Jeudi 16 octobre, c’est-à-dire après-demain, les agri- dements. Je rappelle que l’aide de l’Etat varie entre culteurs toucheront les aides auxquelles ils ont droit dans 1 000 francs et 3 600 francs. le cadre de la PAC, pour un montant global de 33 mil- La deuxième disposition vise à réduire de 25 % les liards de francs. Au mois de septembre, monsieur le écarts entre les aides versées aux cultures sèches et celles ministre, vous aviez proposé un premier rééquilibrage de versées aux cultures irriguées.

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J’ai souhaité prendre de telles orientations avant la les heures les plus noires de notre pays, qu’il s’agisse de la conclusion des négociations du paquet Santer. J’aurai collaboration, de l’Algérie, ou du 17 octobre 1961, l’occasion, au cours des prochains mois, de revenir sur ce lorsque M. Papon était préfet de police et que 250 per- sujet et d’indiquer notre sentiment à l’égard des proposi- sonnes ont été tuées avec barbarie. (Applaudissements sur tions de la Commission. les bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe Rééquilibrage entre producteurs, mais aussi rééquili- socialiste et du groupe communiste. − Exclamations sur les brage entre régions,... bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l’Union pour la démocratie française.) M. le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre. M. Thierry Mariani. Une question courte ! M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. ... car il M. Noël Mamère. Je sais qu’il y a ici des hommes et ne nous échappe pas que, pour les dix meilleures produc- des femmes qui sont des enfants de déportés,... tions agricoles, dix départements ont la même production M. le président. Pouvez-vous conclure, je vous prie ? que trente-cinq autres et qu’ils sont situés au nord de la Loire. M. Noël Mamère. ... déportés parce qu’ils étaient résis- Devant une tel risque de déprise, voire d’abandon,... tants, déportés parce qu’ils étaient juifs. Le souvenir du malheur, c’est encore le malheur. Et les souffrances qu’ils M. Jean-Paul Charié. Faux ! vivent aujourd’hui sont indicibles. (Exclamations sur les M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. ... il bancs du groupe du Rassemblement pour la République et nous revient de donner à l’agriculture son véritable rôle du groupe de l’Union pour la démocratie française.) d’outil d’aménagement du territoire. C’est la logique qui M. Arnaud Lepercq. La question ! sous-tend la loi d’orientation agricole que je présenterai l’an prochain devant le Parlement. (Applaudissements sur M. Noël Mamère. Nous le savons, un jugement ne leur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen rendra pas ce qu’ils ont perdu et ne dissipera pas leurs et Vert.) souffrances. M. Jean-Paul Charié. Madame le garde des sceaux, l’un de nos collègues par- Ça promet ! lementaires, le sénateur Dreyfus-Schmidt, a rédigé une proposition de loi tendant à ce que la cour d’assises RÉFORME DES COURS D’ASSISES puisse présenter un mandat de dépôt visant un prévenu. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l’Union pour la démo- M. le président. La parole est à M. Noël Mamère. cratie française.) M. Noël Mamère. Ma question s’adresse à Mme le M. le président. Pouvez-vous conclure, monsieur garde des sceaux. Mamère ? L’affaire qui est jugée en ce moment à Bordeaux a déjà été évoquée par l’une de mes collègues. Mais notre pays a M. Noël Mamère. Cette proposition de loi me semble étouffé pendant tant d’années cette mémoire honteuse aller dans le bon sens. Vous pouvez, madame le garde des sous le couvercle de l’hypocrisie qu’il n’est pas inconve- sceaux, en faire un projet de loi que vous nous appelleriez nant que la représentation nationale revienne sur ce sujet à voter avant le mois de décembre afin qu’il puisse s’ap- au cours des questions au Gouvernement. pliquer dans ce cas car, dans notre pays, les lois ne sont pas rétroactives. M. Robert Pandraud. L’heure passe ! M. Jean-Paul Charié. La question ! M. Noël Mamère. Je me sens une responsabilité parti- culière : je suis député de la Gironde, et c’est en Gironde M. Noël Mamère. Pouvez-vous nous indiquer votre que M. Papon a commis ses méfaits. position à ce sujet ? M. Arnaud Lepercq. Vous êtes député de la France, pas M. le président. Monsieur Mamère, vous avez été trop de la Gironde ! long. Je signale toutefois que nous avons jusqu’à seize heures cinq pour les questions. M. Noël Mamère. Je suis aussi le maire de Bègles, et c’est un Béglais, M. Michel Slitinsky qui, par son achar- M. Thierry Mariani. Il ne reste même pas un quart nement, a découvert l’affaire Papon et permis que ce d’heure ! monsieur comparaisse devant la cour d’assises. M. le président. La parole est à Mme le garde des Le Président de la République, en juillet 1995, a sceaux. reconnu le rôle de l’Etat dans la déportation des juifs. Notre Premier ministre, M. Lionel Jospin, a courageuse- Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la ment continué dans cette voie en juillet 1997. L’Eglise, justice. La mise en liberté de M. Papon soulève l’impor- enfin, a reconnu la vérité et a fait repentance devant le tante question de la garantie d’exécution de la décision de pays il y a quelques jours. (Murmures sur les bancs du la cour d’assises. groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Devant les tribunaux correctionnels, les juges peuvent de l’Union pour la démocratie française.) Et voilà que le décider un mandat de dépôt ou un mandat d’arrêt à président de la cour d’assises de la Gironde remet l’audience en vue d’une exécution immédiate de la peine. M. Papon en liberté ! Mais cette possibilité n’existe pas devant la cour d’assises. Il ne s’agit pas ici de juger la décision de droit rendue La proposition de loi présentée au Sénat permettrait de par le président de la cour d’assises mais, à travers résoudre cette difficulté. Cependant, je ne pense pas que M. Papon, de juger ce que l’on pourrait appeler la nous devions légiférer sur des cas particuliers car je crois bureaucratisation de l’horreur. Ce n’est pas M. Papon qui que les lois de circonstance ne sont pas de bonnes lois. est jugé devant le pays et devant notre mémoire, ce sont (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur

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plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la Je répète également, après le Premier ministre, que les République et du groupe de l’Union pour la démocratie conditions de passage aux 35 heures au 1er janvier 2000 française.) seront fixées après un bilan qui prendra en compte, à la Cela dit, il s’agit d’une vraie question qu’il conviendra fin de 1999, la situation économique de notre pays et des d’étudier dans le cadre de la réforme de la procédure entreprises, mais aussi les avancées qui auront été réalisées pénale que je soumettrai à votre assemblée au début de grâce à la négociation, notamment sur des sujets que l’année prochaine. (Applaudissements sur les bancs du nous traitons peu, telle la réduction du temps de travail groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe commu- des cadres, sujet difficile, car notre pays est l’un de ceux niste, du groupe Radical, Citoyen et Vert, du groupe du Ras- où ils travaillent le plus. semblement pour la République et du groupe de l’Union Par ailleurs, je vous ferai parvenir avec plaisir des pour la démocratie française.) études réalisées par différents organismes, dont des M. le président. Nous en venons aux questions du banques, suisses et allemandes, relatives au temps de tra- groupe du Rassemblement pour la République. vail dans les différents pays. Peut-être leur accorderez- vous une plus grande confiance qu’aux chiffres de l’admi- nistration française, ce qui est dommage. Ces études TRENTE-CINQ HEURES montrent en tout cas que la France se situe exactement dans la moyenne pour le temps de travail. Bien sûr, nous M. le président. La parole est à M. Pierre Lellouche. travaillons moins que les Anglais, mais nous travaillons davantage que les Allemands, les Hollandais, les Italiens M. Pierre Lellouche. Monsieur le Premier ministre, je et les Belges. reviendrai sur la question des trente-cinq heures. Je vous ai écouté avec beaucoup de gravité tenter de plaquer Quant à notre taux de chômage, même s’il est préoc- votre vérité idéologique sur la réalité économique de cupant, il est cependant moins important que celui notre pays. (Murmures sur les bancs du groupe socialiste.) d’autres pays européens industrialisés. Ainsi donc, ce que vous considériez vous-même Notre souci est d’ouvrir des pistes nouvelles. comme antiéconomique dans une interview publiée par M. Thierry Mariani. Combien d’emplois allez-vous Le Monde du 16 septembre dernier est aujourd’hui pré- créer ? senté comme la panacée pour le pays. M. Arnaud Lepercq. Combien de chômeurs ? M. Jean Glavany. Attention, ça va déraper ! Mme le ministre de l’emploi et de la solidarité. Vous M. Pierre Lellouche. Ainsi donc, vous essayez de l’avez compris, la réduction de la durée du travail est une convaincre les Français qu’en travaillant moins, qu’en sur- de ces pistes, et nous faisons confiance aux chefs d’entre- taxant les entreprises et en engageant des sous-fonction- prise et aux organisations syndicales pour que les condi- naires, vous allez résoudre le problème du chômage. tions des négociations permettent de créer le plus grand (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) nombre d’emplois, car ce sont bien les conditions de la La réalité économique, c’est que la France a à la fois le négociation − la souplesse dans l’organisation du travail ; temps de travail le plus bas et le nombre de chômeurs le la réorganisation du travail ; les contreparties auxquelles plus haut de la plupart des grands pays industrialisés. chacun est prêt − qui permettront d’atteindre le plus haut (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe du Rassem- niveau d’emploi possible. (Aplaudissements sur les bancs du blement pour la République. − Exclamations sur les bancs groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) du groupe socialiste.) M. Thierry Mariani. Rendez-vous dans un an ! La réalité économique − et l’opposition prend date − c’est que votre politique va conduire à une hémorragie d’emplois au profit de nos concurrents européens. AGED Ma question est très simple. Combien d’emplois comptez-vous créer avec vos trente-cinq heures ? Avec M. le président. La parole est à M. Bernard Schreiner. quel argent, puisque aucun crédit n’est prévu au budget, M. Bernard Schreiner. Madame le ministre de l’emploi comptez-vous financer ce programme ? (Applaudissements et de la solidarité, au cours des dernières semaines une sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la très vive polémique s’est engagée à propos de l’AGED, à République et sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour la suite des chiffres que vous avez avancés et de l’affirma- la démocratie française. − Exclamations sur les bancs du tion que cette aide ne s’adressait qu’à des familles riches. groupe socialiste.) Parlons chiffres, parlons famille. D’après la Caisse M. le président. La parole est à Mme le ministre de nationale d’allocations familiales, cette aide a connu une l’emploi et de la solidarité. augmentation très importante ces dernières années, de Mme Martine Aubry, ministre de l’emploi et de la soli- plus de 40 % cette année. darité. Monsieur le député, je veux rappeler, après M. le Les modifications de son taux ont permis à des classes Premier ministre, les conditions dans lesquelles seront sociales qui n’auraient jamais pu en bénéficier d’en profi- réalisées les trente-cinq heures : deux ans pour négocier ter. Au total, ce sont plus de 66 000 familles qui y ont pour les entreprises de plus de dix salariés, deux ans recours et font garder 110 000 enfants grâce à cette allo- durant lesquels l’Etat apportera son aide aux entreprises cation. qui vont plus vite et plus loin. Par ailleurs, lors des législatives, vous avez fait cam- Je rappelle à cet égard que le projet de budget pour pagne sur le thème du développement de l’emploi de 1998 dont vous allez vous saisir bientôt prévoit une pro- proximité. Or à quoi aboutit l’AGED, sinon à créer des vision de 3 milliards de francs pour financer ce dispositif. emplois de proximité ? Quelles mesures précises proposez- J’ajoute qu’il prévoit 2,2 milliards de francs pour financer vous pour soutenir les familles qui en bénéficient aujour- la loi Robien, pour laquelle 700 millions étaient inscrits d’hui et pour qui la diminution de 50 % de cette aide au budget l’année dernière. représente une catastrophe ?

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Une famille dont le revenu net mensuel se situe entre INDÉPENDANCE ÉCONOMIQUE 20 000 et 21 000 francs − une famille de fonctionnaires, ET MONÉTAIRE DE LA FRANCE d’instituteurs, par exemple − ne pourra plus payer un salaire de 6 824 francs, soit plus de 33 % de son revenu, M. le président. La parole est à M. Robert Pandraud. à la personne qui garde ses enfants, et cela malgré la M. Robert Pandraud. Ma question s’adressait à M. le déduction fiscale que vous avez annoncée. Premier ministre. M. Jean-Pierre Michel. Vous allez nous faire pleurer ! Un député du groupe du Rassemblement pour la M. Bernard Schreiner. Madame le ministre, que République. C’est pour cela qu’il est parti ! comptez-vous proposer à ces ménages aux revenus M. Robert Pandraud. Bravo, les incantations ! Bravo, moyens pour compenser la perte de la moitié de l’AGED, les promesses... qui n’est pas un luxe mais une aide familiale réelle ? Cette perte va en outre à l’encontre d’une véritable poli- M. Jean-Pierre Brard. C’est un orfèvre qui parle ! tique en faveur de la famille. (Applaudissements sur les M. Jean Glavany. Oui, il est bien placé pour tenir de bancs du groupe du Rassemblement pour la République et tels propos ! du groupe de l’Union pour la démocratie française. − Excla- M. Robert Pandraud. ... mais les faits sont têtus. Je vais mations sur les bancs du groupe socialiste.) en citer trois. M. le président. La parole est à Mme le ministre de M. le ministre de l’économie, des finances et de l’emploi et de la solidarité. l’industrie, il y a quelques jours, la Bundesbank a décidé Mme Martine Aubry, ministre de l’emploi et de la soli- de relever l’un de ses taux de base les plus importants. darité. Monsieur le député, vous avez raison : Que se passe-t-il ? La Banque de France, au garde-à-vous, 66 000 familles sont aujourd’hui concernées par l’AGED. relève elle aussi son taux de base. J’ai d’ailleurs moi-même déjà cité ce chiffre. M. Jean Glavany. C’est vous qui l’avez rendue auto- M. Thierry Mariani. Ce n’est pas rien ! nome ! Mme le ministre de l’emploi et de la solidarité. Ce M. Pierre Mazeaud. Vous avez voté le texte ! n’est pas rien, en effet : ces familles représentent 2 % des M. Robert Pandraud. Tout le monde sait bien que la familles françaises qui ont un enfant de moins de six ans. Bundesbank est l’organisme européen qui s’occupe le plus M. Thierry Mariani. Ce n’est pas mal ! du chômage ! Mme le ministre de l’emploi et de la solidarité. Nous M. Jean-Claude Lefort. C’est la banque de l’euro ! sommes loin des couples d’instituteurs qui emploient des M. Robert Pandraud. Ensuite, vous avez supprimé les employés de maison à domicile et à temps plein. subventions à l’industrie textile et à l’industrie de la M. Jean-Pierre Brard. Il n’en existe pas ! chaussure. Mme le ministre de l’emploi et de la solidarité. Au M. Franck Borotra. C’est scandaleux ! On n’avait pas le dire même du syndicat des employeurs d’employés à droit d’y toucher ! domicile, qui défend l’AGED telle qu’elle existe aujour- M. Robert Pandraud. Vous nous avez affirmé, mais d’hui, seules 33 000 familles, c’est-à-dire la moitié du nous le savions déjà, que c’était sous la pression de la nombre de celles qui perçoivent l’allocation, seront tou- Commission de Bruxelles qui, chacun en est persuadé, est chées par l’abaissement du plafond concernant les emplois particulièrement apte à défendre l’emploi. familiaux et par la diminution de l’AGED. Nombre de ces 66 000 familles n’emploient pas de M. Gérard Gouzes. C’est ça, le libéralisme ! personne à temps plein. M. Robert Pandraud. Chapeau ! Là aussi, vous vous Nous allons donc toucher 33 000 familles, dont le êtes mis au garde-à-vous ! Vous n’avez même pas essayé revenu mensuel est compris entre 35 000 et de trouver des formules de remplacement. 40 000 francs. Enfin, il existe un autre « machin » que l’on appelle Cela dit, je comprends que, pour certaines familles, des l’Organisation mondiale du commerce. Il a décidé de problèmes d’organisation se posent alors que les réduc- supprimer le tarif préférentiel pour les bananes des dépar- tions d’impôt pour les emplois familiaux tels que M. Bal- tements d’outre-mer. Il s’est donc mis à genoux devant ladur les a fait voter, ainsi que l’AGED leur ont donné les compagnies multinationales américaines et les Etats l’illusion qu’elles pouvaient, à terme, employer une per- bananiers d’Amérique centrale. Bravo pour l’emploi dans sonne à domicile à 100 %. les départements d’outre-mer ! Actuellement, aucun pays au monde ne verse Monsieur le ministre, qu’allez-vous faire pour défendre 85 000 francs par famille pour payer un employé à domi- votre politique à Luxembourg ? Comment se fait-il que cile ! nous ne preniez pas des mesures de rétorsion envers les narco-Etats que sont les républiques bananières d’Amé- M. le président. Veuillez conclure, madame le ministre. rique centrale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Mme le ministre de l’emploi et de la solidarité. La du Rassemblement pour la République et sur plusieurs bancs Cour des comptes vient de rendre un rapport dans lequel du groupe de l’Union pour la démocratie française.) elle dénonce le coût que représente l’AGED pour le bud- M. Jean-Claude Lefort. C’était bien parti ! get de l’Etat. Elle y rappelle en outre que l’AGED coûte à la collectivité 90 % de plus qu’une place en crèche. M. le président. La parole est à M. le ministre de (« C’est faux ! » sur plusieurs bancs du groupe du Rassemble- l’économie, des finances et de l’industrie. ment pour la République.) M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l’économie, des C’est cela que nous voulons peu à peu remettre en finances et de l’industrie. Monsieur le député, votre ques- cause. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, tion revêt divers aspects. J’en reconnaîtrai certains comme du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et relevant de ma responsabilité. Quant aux autres, ils en Vert.) sont plus éloignés.

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En matière de taux, les banques centrales sont indé- Ainsi que l’a annoncé Christian Pierret, nous allons pendantes. mettre tous les moyens en œuvre pour soutenir l’industrie du textile, des cuirs et peaux, qui emploie beaucoup de M. Pierre Mazeaud. Hélas ! monde dans notre pays et qui a besoin d’être aidée... M. le ministre de l’économie, des finances et de M. Michel Lefait. Très juste ! l’industrie. Si je me souviens bien, c’est votre majorité qui l’a voulu. (Exclamations sur les bancs du groupe du M. le ministre de l’économie, des finances et de l’in- Rassemblement pour la République.) dustrie. Mais elle doit l’être dans le cadre de ce qui est autorisé car, à sortir de ce cadre, on crée des situations M. Pierre Mazeaud. Vous l’avez voté ! telles qu’on nous demande aujourd’hui des rembourse- M. le ministre de l’économie, des finances et de ments. Bien sûr, le Gouvernement s’élèvera contre de l’industrie. Nous ne le nions pas. Je dis simplement que telles demandes... vous avez présenté le texte et que, dans ces conditions, il M. Franck Borotra. Il fallait continuer de baisser les ne m’appartient pas de commenter les décisions qui ont charges ! Or vous faites le contraire ! été prises. M. le ministre de l’économie, des finances et de l’in- Cela dit, pour que notre économie fonctionne bien, il dustrie. Monsieur Borotra, je réponds à la question de est souhaitable que les taux d’intérêt et l’inflation soient M. Pandraud ! Ne lui volez pas la vedette ! (Sourires.) le plus bas possible. Le Gouvernement, disais-je, s’élèvera contre les Je peux vous assurer, et j’aurai l’occasion d’y revenir demandes de remboursement... tout à l’heure en présentant le projet de loi de finances, M. Franck Borotra. Ce n’est pas fait ! Cessez de dire que la hausse des taux qui vient d’avoir lieu n’affecte en des choses fausses ! rien l’équilibre de notre budget, lequel l’avait anticipée, ni l’activité économique de l’année 1998, très peu sensible à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’in- une variation des taux à court terme. dustrie. ... et nous ferons tout ce qui sera possible pour que les entreprises n’aient pas à rembourser ce qui leur a Monsieur Pandraud, permettez-moi, puisque vous été versé, semble-t-il, de façon illégale... m’en fournissez l’occasion, d’informer l’Assemblée tout entière de ce que nos principaux partenaires dans la M. Franck Borotra. Il fallait défendre les intérêts indus- construction monétaire européenne − je pense notamment triels français ! à nos partenaires allemands − ont, enfin, accepté ce M. le ministre de l’économie, des finances et de l’in- matin. Ils ont accepté la proposition française de consti- dustrie. Mais pour la suite, nous devrons trouver d’autres tuer ce que nous avons appelé un « gouvernement écono- méthodes, acceptées par nous tous, pour les aider. mique », qui prendra le nom de « conseil de l’euro ». Il Quant au troisième point que vous avez abordé − la comprendra les éléments que nous avons souhaité y banane − c’est un grand sujet. mettre, de façon que la construction monétaire euro- L’Organisation mondiale du commerce ne nous a pas péenne ne se limite pas à une construction monétaire, donné raison. Le procès, si j’ose dire, avait commencé mais inclue aussi la coordination des politiques écono- bien avant la mise en place de l’actuel gouvernement. miques et des politiques de change, comme la majorité l’a C’est un très vieux sujet. Ce que je peux vous dire, mon- souhaité et annoncé pendant sa campagne électorale. sieur Pandraud, c’est que nous le prenons très au sérieux (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) car une bonne partie de l’économie des départements Vous voyez, monsieur le député, que les choses d’outre-mer, principalement ceux des Caraïbes, en avancent. Je crois que nous pourrons disposer, au 1er jan- dépend. vier 1999, d’une monnaie qui sera, certes, une monnaie Dans ces conditions, nous considérons que le dossier unique, mais qui ne sera pas « suspendue en l’air ». Il n’est pas clos. Le problème de la banane doit continuer s’agira d’une monnaie en face de laquelle la politique d’être traité et nous devons, par cette voie comme par coordonnée des pays qui en disposeront permettra de d’autres, continuer de soutenir l’économie de nos dépar- progresser dans le sens de la croissance et de l’emploi. tements d’outre-mer. (Applaudissements sur les bancs du M. Jacques Myard. C’est l’« euro-farce » ! groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

M. le ministre de l’économie, des finances et de Suspension et reprise de la séance l’industrie. Monsieur le député, la deuxième partie de votre question portait sur un problème concernant l’in- M. le président. La séance est suspendue. dustrie textile. Sur ce point, Christian Pierret a déjà (La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize répondu... heures vingt-cinq sous la présidence de M. Pierre Mazeaud.) Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République. Mal ! PRÉSIDENCE DE M. PIERRE MAZEAUD, M. le ministre de l’économie, des finances et de vice-président l’industrie. Convenez que le problème que vous aviez laissé n’était pas simple. M. le président. La séance est reprise. L’ancienne majorité avait pris une décision qui se révèle illégale. (Exclamations sur les bancs du groupe du 2 Rassemblement pour la République.) M. Jean Glavany. Ce n’est pas la seule ! FIXATION DE L’ORDRE DU JOUR M. le ministre de l’économie, des finances et de l’in- dustrie. Nous essayons de recoller les morceaux, ce qui M. le président. L’ordre du jour des séances que n’est évidemment pas facile. (Nouvelles exclamations sur les l’Assemblée tiendra jusqu’au vendredi 31 octobre inclus a mêmes bancs). été fixé ce matin en conférence des présidents.

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Cet ordre du jour sera annexé au compte rendu inté- M. le ministre de l’économie, des finances et de gral de la présente séance. l’industrie. Bien sûr, une difficulté particulière tient au fait que la préparation du budget a commencé avec huit semaines de retard pour cause d’élections. M. Philippe Auberger. Vous avez eu tout l’été ! 3 M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. En dépit de cela, une discussion assez inédite, en tout cas pour les gouvernements auxquels j’ai moi- SAISINE POUR AVIS D’UNE COMMISSION même participé, s’est déroulée au sein du Gouvernement. A cet égard, la collaboration et l’association du plus grand nombre a bien fonctionné. M. le président. J’informe l’Assemblée que la commis- En revanche, l’association et le travail en commun avec sion des finances, de l’économie générale et du Plan a le Parlement ont été très insuffisants, notamment avec la décidé de se saisir pour avis du projet de loi de finance- commission des finances. o ment de la sécurité sociale pour 1998 (n 303). Christian Sautter et moi-même souhaitons participer, l’année prochaine, à la réflexion que vous avez décidé d’engager à l’initiative du président Laurent Fabius et de Henri Emmanuelli. 4 Je vous propose donc une modification de la procédure d’élaboration de la loi de finances en trois points, afin de raccourcir les délais dans lesquels vous sont donnés cer- tains éléments pour que, au bout du compte, vous ayez LOI DE FINANCES POUR 1998 plus de temps à consacrer à leur examen. Dans un premier temps, le Gouvernement soumettrait au Parlement un document précis sur l’état des finances Discussion d’un projet de loi publiques au plus tard au mois de juin. Si le calendrier le permet, nous pourrions avoir une discussion sur ce sujet en séance publique, à tout le moins pourrions-nous l’or- M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion ganiser en commission des finances. générale du projet de loi de finances pour 1998 (nos 230, Lorsque ces données sur les finances publiques auront 305) été discutées, au mois de juin donc, je propose de fixer La parole est à M. le ministre de l’économie, des comme objectif de préciser, avant la fin juillet, le cadrage finances et de l’industrie. général des finances publiques pour l’année suivante. Le niveau des déficits et des prélèvements serait donc connu M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l’économie, des et susceptible d’être discuté, critiqué ou approuvé beau- finances et de l’industrie. Monsieur le président, monsieur coup plus tôt. le rapporteur général, mesdames, messieurs les députés, sous l’autorité du Premier ministre, Christian Sautter et Enfin, cela devrait permettre de déposer le projet de loi moi-même vous présentons aujourd’hui le premier projet de finances au début du mois de septembre à l’Assem- de budget élaboré par la nouvelle majorité. Il repose sur blée, et les commissions pourraient ainsi travailler dans deux principes : l’emploi doit être la finalité de la crois- un délai beaucoup plus raisonnable que celui que nous sance et la solidarité doit en être le moteur, tant il vrai avons connu cette année. que notre pays n’est jamais aussi fort que lorsqu’il est Vous voyez qu’il s’agit là non pas d’une révolution juste. C’est donc à la discussion d’un projet de budget mais seulement d’un raccourcissement du calendrier afin placé sous le signe de la croissance solidaire que nous de faciliter le travail parlementaire, toujours de grande vous invitons, avec l’espoir que cette association de la qualité, et d’améliorer les relations entre le Gouvernement croissance et de la solidarité saura recueillir l’approbation et le Parlement dans cet exercice toujours important sur tous les bancs. qu’est la préparation de la loi de finances initiale. Pour résumer ce texte, j’utiliserai sept idées qui, à La deuxième idée concerne la croissance. Nous défaut d’être les sept piliers de la sagesse, sont les sept escomptons une croissance de 3 % en 1998 et nous pou- piliers du changement que la majorité souhaite mettre en vons raisonnablement espérer une croissance du même œuvre : la première idée touche à une volonté de réfor- ordre, sinon sur la totalité, du moins sur une bonne par- mer le calendrier budgétaire ; la deuxième concerne la tie de la législature. Comme vous le savez, mesdames, croissance et les prévisions de croissance ; la troisième messieurs les députés, depuis 1991, la croissance est porte sur la réduction du déficit, la quatrième sur la maî- faible, en valeur absolue et en valeur relative quand on la trise des dépenses publiques, la cinquième sur la réforme compare à celle de nos voisins. Cette faiblesse explique fiscale, la sixième sur le lancinant problèmes des classes l’importance du chômage, même si elle est loin d’en être populaires et des classes moyennes et la septième sur la la seule cause. Mais, à l’inverse, ce qui est positif, c’est discussion législative telle que nous souhaiterions la voir que la faiblesse même de la croissance française, depuis le se dérouler. début de la décennie donne des marges. En effet, chacun Première idée : le Gouvernement souhaite engager, s’accorde à reconnaître qu’une économie comme celle de avec le Parlement, une modification, modeste mais signi- la France a une croissance potentielle de l’ordre de 2 % à ficative, de notre calendrier budgétaire. En effet, ce que 2,5 %. Dans la mesure où la croissance s’est située en nous avons fait avec le projet de loi de finances pour dessous de ce seuil plusieurs années successivement, cela 1998 me semble très imparfait. dégage des marges de croissance pour les années qui viennent, même si on ne peut réduire le phénomène à M. Philippe Auberger. O combien ! cette simple arithmétique. Une croissance de 3 % en

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1998 serait la plus forte de la décennie et, si cette hypo- Cela prouve simplement que la croissance s’accélère. thèse se vérifie, nous aurons un taux de croissance supé- M. Didier Boulaud. Auberger fait des cauchemars ! rieur − une fois n’est pas coutume ! − à celui des Etats- Unis et à la moyenne de l’Union européenne. La consé- M. le ministre de l’économie, des finances et de l’in- quence qu’en attendent les prévisionnistes, c’est la dustrie. Ce qui vaut pour 1997 vaut aussi pour 1998. création de 200 000 emplois. Cela explique le décalage de 0,2 % entre la prévision du L’important dans la structure de la croissance pour FMI, qui date du mois d’août, et celle dont nous dispo- l’année prochaine c’est que, contrairement aux années sons aujourd’hui. Cela explique sans doute aussi que la précédentes, la contribution principale viendra non pas Commission européenne parle de 3,1 % et, en décembre, des exportations, qui continuent à être élevées, mais de la peut-être serons-nous sur une base plus proche de 3,1 % demande intérieure. Au-delà de l’aspect quantitatif, c’est ou de 3,2 % − rien ne permet de l’affirmer aujourd’hui, sans doute, en qualité, le changement le plus important mais je l’espère, et je veux croire que nous l’espérons tous de nature à nous permettre d’atteindre les 3 %. En effet, ici. toutes les enquêtes montrent aujourd’hui que la crois- La seconde question que je veux évoquer a été abordée sance, ou la reprise, continue de s’étendre à tous les sec- à l’occasion des questions au Gouvernement : c’est celle teurs de l’économie. Par conséquent, si notre pays qui touche à la récente hausse des taux d’intérêt en connaît une croissance de 3 %, c’est bien par la demande Europe, du taux d’appel d’offres en France, du Repo alle- intérieure qu’elle sera soutenue pour plus de la moitié, ce mand et de l’ensemble des taux européens. qui n’était pas le cas au cours des années passées. Comme je l’ai dit tout à l’heure, chacun dans cet Deux questions se sont fait jour au cours des jours ou hémicycle peut avoir une opinion sur cette hausse, mais il des semaines qui viennent de s’écouler. ne m’appartient pas de commenter les décisions de La première concerne la solidité de cette hypothèse de banques centrales qui sont aujourd’hui indépendantes. croissance, mise en doute par certains membres de l’op- M. Philippe Auberger. Qu’en pense M. Emmanuelli ? position, ce qui est légitime. Je puis vous assurer qu’il s’agit-là d’une prévision raisonnable, sans doute même M. le ministre de l’économie, des finances et de l’in- prudente. En effet, outre qu’elle a été confirmée par la dustrie. Ce dont je suis certain, c’est que la reprise est commission des comptes de la nation, contrairement à solide, saine, et qu’elle ne sera pas affectée par cette d’autres années, les différents prévisionnistes de la place hausse, somme toute modérée, des taux d’intérêt, d’au- de Paris avancent des chiffres assez proches les uns des tant que, comme je le rappelais à M. Pandraud tout à autres. La fourchette est donc moins large qu’elle ne l’a l’heure, le budget ne reposait pas sur une hypothèse de souvent été dans le passé, ce qui donne à penser, ou en stabilité des taux d’intérêt à court terme. Dans ces condi- tout cas à espérer, que la moyenne de cette fourchette, tions, nous pouvons raisonnablement penser que cette qui se situe justement à 3 % − 2,96 % pour être exact − hausse n’aura d’influence négative ni sur la croissance ni est plus solide, plus affirmée que lorsque les prévisions sur le budget. divergent largement. J’irai même un peu plus loin en Une conclusion : la croissance est repartie, et nous évoquant les prévisions de la Commission de Bruxelles, devons tous nous en réjouir. Bien entendu, il s’agit d’un publiées ce matin, qui fixent la croissance française à mouvement international, et le Gouvernement n’en tire 3,1 %. aucune gloire particulière, même si les mesures qu’il a A vrai dire, je ne suis pas loin de penser que si nous prises depuis quelques mois, en soutenant la demande, devions avoir une surprise, elle serait plutôt bonne. Mais des ménages notamment, ont sans doute contribué à sou- restons prudents ; 3 % me paraissent une prévision réa- tenir la croissance. Si nous n’avons plus maintenant à liste. chercher la relance − elle est là − nous devons conforter la reprise et l’on peut raisonnablement espérer atteindre cet M. Philippe Auberger. Et que dit le FMI ? objectif, me semble-t-il. M. le ministre de l’économie, des finances et de Evidemment, pour la législature, la prévision est plus l’industrie. Monsieur Auberger, nous allons avoir une compliquée. Comme le disait Keynes, la prévision est un longue discussion, mais nous avons du temps devant art difficile, surtout quand il s’agit de l’avenir. (Sourires.) nous. La prévision du FMI est de 2,8 %. Autant je me sens assuré − dans la mesure où on peut M. Philippe Auberger. Eh oui ! Il ne faut pas seule- l’être − sur les 3 % de 1998, autant pour les années qui ment parler des chiffres qui vous arrangent ! suivent, la prévision est plus fragile. M. le ministre de l’économie, des finances et de Pour que la croissance s’établisse durablement à 3 %, il l’industrie. faut que deux conditions au moins soient réunies : que Mais, comme vous le savez, cette prévision a les ménages retrouvent la confiance et que les entreprises été faite au cours du mois d’août, époque à laquelle nous investissent. n’avions pas nous-même une prévision à 3 %. La crois- sance s’affirme. Je vous en donne juste une illustration : A ces deux conditions, j’en ajouterai une troisième : alors que la prévision pour 1997 était de 2,3 % dans la que la croissance soit plus riche en emplois. loi de finances initiale, au mois de juin, lorsque le Gou- Nous savons tous, en effet, que 3 % de croissance vernement a été mis en place, on ne s’attendait qu’à créent quelque 200 000 emplois, ce qui ne veut pas dire 2,1 %, puis au mois d’août, les prévisionnistes estimaient 200 000 chômeurs de moins. Si cela correspond à que, tout compte fait, ce serait probablement 2,2 % et 100 000 chômeurs de moins, c’est déjà sans doute une aujourd’hui, on n’est pas loin de penser que finalement la estimation heureuse, mais 100 000 chômeurs de moins prévision initiale sera respectée et que ce sera bien 2,3 %. pendant plusieurs années, c’est très insuffisant pour notre M. Philippe Auberger. pays. C’est pourquoi le Gouvernement s’est engagé, à la Bravo Juppé ! (Sourires.) joie de certains, au regret d’autres, dans une forme d’enri- M. le ministre de l’économie, des finances et de chissement de la croissance en emplois, qui vise à faire en l’industrie. Les qualités de prévisionniste de l’ancien Pre- sorte qu’un point de croissance soit à l’origine de plus mier ministre ne sont pas en cause ! d’emplois. Ce processus, d’ailleurs, est à l’œuvre depuis

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plusieurs années en France. Rappelez-vous, mesdames, M. Philippe Auberger. Evidemment ! messieurs les députés ! On disait, il y a quelques années, M. le ministre de l’économie, des finances et de l’in- que la croissance commençait à créer des emplois à partir dustrie. de 3 % ou 4 %. Or, aujourd’hui, l’INSEE comme la ... puisque la réduction a été obtenue, pour une direction de la prévision chiffrent à 1,5 % le seuil à partir large part, par la hausse des prélèvements obligatoires duquel l’économie crée des emplois. Cela veut dire que la − mais cela, c’est la méthode, nous en parlerons plus tard. croissance s’est enrichie en emplois et c’est ce mouvement Aujourd’hui nous entendons franchir une étape supplé- qu’il faut poursuivre. mentaire, pour trois raisons. Vous l’avez deviné, c’est à la réduction du temps de La première, c’est que nous voulons faire l’euro. C’est travail que je fais allusion. Au-delà des débats qui ne sont pourquoi le Gouvernement assume toutes les décisions pas directement liés à la loi de finances, je veux répéter qu’il a été amené à prendre depuis le mois de juillet, devant l’Assemblée ce qui a déjà été évoqué tout à l’heure même si nul ne peut honnêtement considérer qu’il soit par M. le Premier ministre, à savoir la procédure propo- responsable des finances publiques qui lui ont été trans- sée par le Gouvernement. mises. Un projet de loi, déposé à la fin de cette année pour Certaines décisions ont été votées par votre assemblée être voté dans les premiers mois de l’année 1998, fixera − les différentes mesures urgentes, fiscales et financières ; un objectif et définira les incitations financières pour les d’autres seront présentées dans la loi de finances dont entreprises qui décideraient d’aller plus vite ou plus loin nous commençons l’examen ; d’autres encore seront prises dans la réduction du temps de travail. à l’occasion de la loi de financement de la sécurité sociale. Toutes ensembles, elles vont permettre de réduire Dans un deuxième temps, vers la fin de 1999, ce que en dix-huit mois le déficit d’un peu plus d’un point de je me suis laissé aller à appeler une « loi-balai » définira PIB, c’est-à-dire d’un peu plus de 80 milliards de francs. véritablement, en fonction de la situation économique, la façon dont le passage aux trente-cinq heures se fera, et Nous voulons faire l’euro, disais-je. Sans doute ne notamment le taux des heures supplémentaires. Car si faut-il pas s’y arrêter trop longtemps maintenant, mais je l’on parle de durée légale du travail, c’est bien par réfé- ne résiste pas pour autant à l’envie d’en dire un mot. rence aux heures supplémentaires. Il n’y a pas de défini- D’abord, parce que nous avons une certaine vision de la tion pratique de la durée légale ; n’est défini que le seuil France − que, sans doute, nombre d’entre vous partagent à partir duquel on accomplit des heures supplémentaires. sur ces bancs − et parce que nous préférons partager avec d’autres une souveraineté réelle dans l’euro que de n’avoir Donner rendez-vous en 1999 pour dresser un bilan et que les apparences d’une souveraineté sans partage,... décider à ce moment-là, en fonction de la conjoncture économique, de la situation des entreprises, de la crois- M. Raymond Barre. Très bien ! sance, de l’emploi créé, ce qu’il convient de faire en M. le ministre de l’économie, des finances et de l’in- matière d’heures supplémentaires me semble la méthode dustrie. ... comme c’est devenu le cas depuis quelques la plus souple, la plus au contact de la réalité du terrain, années dans notre pays face à une nouvelle monnaie alle- et de la compétitivité des entreprises, qui puisse être ima- mande fortement dominante. ginée pour le passage aux trente-cinq heures. J’ai donc confiance en la façon dont l’organisation du M. Philippe Auberger. Ce n’est pas ce que dit M. Che- travail sera remise en cause, lorsque cela sera possible vènement ! − elle ne le sera pas partout − dans les deux ans qui M. le ministre de l’économie, des finances et de l’in- viennent, entreprise par entreprise, voire atelier par ate- dustrie. A ceux qui pensent que l’euro fait perdre à la lier, parce que c’est à ce niveau-là que les choses doivent France sa souveraineté, je réponds qu’en mon âme et se faire si l’on veut être efficace. Je parle bien sûr des conscience je crois qu’ils se trompent. C’est un moyen entreprises de plus de dix salariés, puisque les autres ne pour nous de retrouver à parité un certain pouvoir moné- sont pas concernées. taire en Europe. A partir de là, je pense que nous assisterons à un véri- M. Jean-Jacques Jegou. Très bien ! table enrichissement de notre croissance en emplois. La troisième idée concerne la poursuite de la réduction M. le ministre de l’économie, des finances et de l’in- du déficit, afin d’inverser, en l’an 2000, la spirale de la dustrie. Nous avons une certaine vision de la France, dette. mais aussi une certaine vision de l’Europe. Si nous vou- lons que l’Europe résiste, qu’elle apporte ce que le mar- En vingt ans, nous le savons tous − et je choisis cette ché unique a commencé à lui offrir, mais qui n’est pas période à dessein, car cela recouvre dix ans conduits par terminé en raison même de l’absence d’une monnaie une majorité et dix ans conduits par une autre, c’est donc commune, si nous voulons que, demain, le potentiel que bien notre charge commune −, en vingt ans, donc, le représentent plus de 300 millions de consommateurs soit poids de la dette par rapport au PIB est passé dans notre mis au service de nos entreprises et donc de l’emploi, il pays de 20 % à 57 %. C’est une évolution qu’il faut bri- faut compléter ce qui a été commencé, et cela passe par ser, c’est quelque chose que nous ne pouvons pas conti- une monnaie unique. nuer à supporter. Bien sûr, il ne fallait sans doute pas que nous nous En moins de dix ans, le service de la dette dans la engagions dans cette aventure avec une banque centrale structure des dépenses publiques est passé de 10 % à plus européenne indépendante toute seule, en quelque sorte de 20 %. C’est une évolution que nous ne pouvons pas suspendue en l’air, sans vis-à-vis avec qui converser. C’est non plus laisser se poursuivre. pourquoi le Gouvernement, dès son entrée en fonctions, Depuis 1995, il faut le reconnaître, le déficit bud- a tenu à faire partager par nos partenaires l’idée que nous gétaire a été réduit. A l’évidence, moins que cela avait été avions besoin d’un conseil de l’euro, d’un eurogroupe, annoncé, mais ne gâchons pas notre plaisir : il a été appelons-le comme on veut, qui réunisse les différents réduit, sans doute pas comme j’aurais souhaité qu’il le pays dont la monnaie sera l’euro et qui leur permettra de fût, ... définir ensemble, de coordonner leurs politiques écono-

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miques, leurs politiques fiscales ainsi que leurs politiques PIB. Je considère, comme sans doute vous tous ici, qu’il de changes à l’égard des pays qui ne participeront pas à n’est ni raisonnable ni même moralement acceptable de l’euro, bref, de diriger ensemble leur politique écono- faire peser encore pendant des années sur nos enfants une mique. charge de plus en plus lourde qu’il faudra bien, un jour Dans tous les pays où existe aujourd’hui une banque ou l’autre, qu’ils remboursent par leurs impôts. Nous centrale indépendante, elle n’est pas suspendue en l’air, pouvons parfois vivre à crédit, mais je me refuse à vivre sans vis-à-vis. Chez nos voisins allemands, qui sont depuis sur le crédit de mes enfants. plus longtemps que nous attachés à l’indépendance de la Dans ces conditions, il faut que nous soyons capables banque centrale, il y a en face un gouvernement, un de mettre en ordre une procédure qui, petit à petit − cela ministre des finances, un chancelier, peu importe, qui ne changera pas en un jour − soit susceptible, d’abord, de exprime une volonté, qui donne des orientations de poli- stabiliser ce ratio, ensuite, de l’inverser, et donc de faire tique économique dans lesquelles la banque s’inscrit en que le poids de la dette rapporté au PIB finisse par toute indépendance. décroître dans notre pays. Il convient donc que, au niveau européen, nous dispo- La procédure qui a été engagée, si nous la poursui- sions d’un instrument de cette nature. Or l’actuelle réu- vons − ce que j’entends conduire pendant les années qui nion des ministres des finances − qui prend le nom viennent − permettra à partir de l’an 2000 de passer le d’Ecofin − ne pouvait remplir cet office pour la raison sommet de la courbe et, à partir de l’an 2001, si l’effort simple que cette enceinte va comprendre dans les mois se poursuit, de la faire décroître. C’est une direction dans qui suivront la mise en place de l’euro des « pays euro » laquelle le Gouvernement veut s’engager avec force. Nous et des « pays non-euro ». On voit mal comment il aurait commençons cette année. été possible d’organiser une conversation efficace avec la Enfin, il y a une troisième raison que les législateurs banque centrale européenne lorsque, par exemple le que vous êtes connaissent bien, évidemment. C’est que la conseil Ecofin aurait été présidé par un pays dont la croissance du service de la dette retire petit à petit à monnaie n’est pas l’euro, nos amis anglais, nos amis l’Etat toute capacité d’intervention. Il y a sur ces bancs grecs, par exemple. Cela n’avait pas de sens. des parlementaires qui considèrent, à des degrés divers, Il fallait donc créer cet eurogroupe, ce conseil de que l’intervention publique est souhaitable, mais personne l’euro, nous verrons quel sera le nom final. Ce matin, ne peut admettre l’idée qu’elle soit totalement inutile. En comme je l’annonçais tout à l’heure, nos partenaires alle- tout cas, personne ne peut accepter l’idée que nous nous mands en ont accepté l’idée dans une déclaration trouvions, au bout d’un certain temps, face à un budget commune, et j’ose espérer que l’ensemble des autres par- qui, au-delà des dépenses de personnels et du service de tenaires se rallieront à cette position. Je crois que c’est le la dette, n’aurait plus aucun moyen à la disposition de bon sens. C’est le résultat d’une action qui est menée l’Etat pour orienter l’action du pays. maintenant depuis quatre mois. Je suis heureux qu’elle ait C’est, bien sûr, l’autre versant du problème. Mais si pu aboutir. (Applaudissements sur les bancs du groupe socia- nous voulons, là aussi, que le service de la dette diminue liste.) dans le budget, comme nous ne pouvons pas espérer que M. Raymond Barre. Très bien ! cela se fasse massivement par la baisse des taux, qui sont déjà à un niveau très faible, c’est bien par la diminution M. le ministre de l’économie, des finances et de l’in- du déficit qu’il faut agir. dustrie. Vision de la France, vision de l’Europe, vision du monde enfin. Je ne me résigne pas, et sans doute per- Pour autant, et c’est sans doute là une différence entre sonne sur ces bancs, à ce que le monde soit dorénavant, beaucoup qui se situent à gauche de cet hémicycle et et pour l’éternité, dominé par une seule monnaie : celle ceux qui se situent à sa droite, même si le partage n’est des Etats-Unis d’Amérique. Si nous voulons que notre peut-être pas aussi simple, nous ne nourrissons nullement pays, au sein des pays européens, retrouve, parmi ceux-là − quand je dis : nous, c’est, bien entendu, le Gouverne- et face aux Etats-Unis, un pouvoir de discussion, une ment et sa majorité − une forme d’hostilité idéologique à capacité d’influence, et trouve une capacité de se faire la dépense publique. La dépense publique peut, sait être entendre par des pays qui aujourd’hui émergent en même utile. Il faut pour cela qu’elle soit efficace. Je ne voudrais temps à la démocratie et à l’économie de marché, il faut pas que, dans notre pays, elle soit divisée par deux si ce que nous ayons une monnaie unique. qu’il en reste devenait totalement inefficace ; personne ici ne le voudrait. Ce qu’il faut, c’est que chaque franc de Aucun des pays européens n’est en état de faire pièce à dépense publique financé par les impôts des Français soit la puissance monétaire des Etats-Unis. Si nous voulons utilisé de la façon la plus efficace possible. A ce prix seul, être un pôle aussi puissant, si nous voulons avoir la capa- mais à ce prix, nous n’avons aucune raison de critiquer la cité de nous faire entendre sans être obligatoirement en dépense publique. Elle peut, elle doit être efficace. A conflit avec eux, mais en ayant un rapport de forces sus- nous de la rendre plus efficace, mais cessons ce discours ceptible d’orienter les choses comme l’Europe aussi le un peu simpliste qui voudrait que, par nature, toute pense, et pas uniquement comme le pense l’Amérique du dépense publique soit mauvaise. Ce n’est absolument pas Nord, il faut que l’euro soit construit. la logique dans laquelle nous voulons nous inscrire. Vision de la France, vision de l’Europe, vision du monde : cela impose à notre pays d’être au rendez-vous M. Pierre Forgues et M. Thierry Carcenac. Très bien ! de la construction européenne, et justifie en soi que nous M. le ministre de l’économie, des finances et de ayons fait l’effort budgétaire nécessaire. l’industrie. Après ce point qui portait sur les déficits, je Cette raison n’est pas la seule. J’en ajoute deux rapide- veux en aborder un quatrième qui concerne, justement, la ment pour ne pas vous lasser, même si je ne voudrais pas maîtrise de la dépense publique afin de financer les faire croire qu’elles me paraissent moins importantes. dépenses d’avenir. Nous devons privilégier l’avenir, quels que soient les Sur 0,55 % de réduction du déficit, 0,50 % provient efforts qu’il nous en coûte aujourd’hui. J’ai indiqué d’un d’une maîtrise réelle des dépenses. Vous le savez, nous chiffre la croissance du ratio de la dette publique sur le avons déjà eu l’occasion d’en discuter en commission des

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finances, la dépense croît en francs courants de 1,36 % M. Didier Migaud, rapporteur général de la commission pour une prévision de prix de 1,4 % : c’est, à peu de des finances, de l’économie générale et du Plan. Très bien ! choses près, le même pourcentage. C’est la plus faible progression depuis vingt ans, et à ceux qui argueraient M. le ministre de l’économie, des finances et de que la loi de finances de 1997 prévoyait une stabilisation l’industrie. Le cinquième point concerne la réforme fis- en francs courants, sans esprit de polémique, je me dois cale, que nous voulons mettre en œuvre sur une législa- de rappeler que c’est bien la façon dont la loi était pré- ture. sentée, mais qu’elle a été votée avec une légère aug- A cet égard, je récuse aussi bien l’idée du grand soir mentation, non pas en francs courants mais même en fiscal, sorte de volontarisme un peu forcené qui nie la francs constants, et nous savons dans quelles conditions réalité, que la thèse de l’impossible réforme, genre elle a commencé à être réalisée. d’hyperréalisme qui, lui, annihile la volonté. On ne peut Dans ces conditions, les priorités que nous avons affir- pas tout faire en une nuit. On ne peut pas non plus se mées s’inscrivent dans cette référence globale de maîtrise satisfaire de ne rien faire. On peut faire des choses, mais des dépenses, et chacun d’entre vous, pour s’être souvent à un rythme raisonnable, chacun étant juge du caractère livré à l’exercice, sait combien il est difficile de stabiliser plus ou moins raisonnable du rythme qui a été choisi. la dépense publique. Je crois me rappeler que, l’an der- C’est cette réforme graduelle que nous commençons nier, ou l’année d’avant, alors que l’Assemblée s’était avec ce projet de loi de finances. donné pour mission de dégager deux milliards d’écono- Nos trois objectifs sont classiques. mies, l’exercice avait tourné court avant que le premier milliard ne soit trouvé. Le premier, c’est de stabiliser puis de tenter de faire décroître aussi vite que possible les prélèvements obliga- M. Jean-Jacques Jegou. C’est faux ! toires. M. le ministre de l’économie, des finances et de Après le record de 1988, à 44,5 %, la majorité qui l’industrie. Je ne vous en fais pas grief, car c’est très diffi- était en place à l’époque a fait baisser les prélèvements cile. La dépense publique est très rigide. D’ailleurs, l’aug- obligatoires à quelques 43,5 % en 1993 : moins d’un mentation de 1,36 % que j’évoquais à l’instant représente point, ce n’est pas beaucoup. De 1993 à 1996, ils ont 21 milliards d’augmentation de dépenses publiques, soit augmenté à nouveau de deux points. En 1998, ils seront 19 milliards d’augmentation des traitements et retraites stabilisés par rapport à 1997. des fonctionnaires − ce qui est, comme vous le savez, Je sais qu’il y a sur cette question un léger débat. totalement encadré par un dispositif conventionnel que chacun ici peut vouloir discuter s’il le souhaite, mais qui M. Philippe Auberger. Pas léger : un vrai ! en tout cas s’imposait au Gouvernement dans la prépara- M. Henri Emmanuelli, président de la commission des tion du budget − et 2 milliards qui proviennent d’une finances, de l’économie générale et du Plan. Un faux débat ! augmentation du service de la dette. Donc, une fois prises en compte l’augmentation obligatoire sur les traite- M. le ministre de l’économie, des finances et de ments et retraites et l’augmentation non moins obliga- l’industrie. Si l’on veut bien être de bonne foi,... toire sur le service de la dette, étaient atteints les 21 mil- liards d’augmentation de dépenses que le Gouvernement M. Philippe Auberger. Ça !... s’était autorisé. M. le ministre de l’économie, des finances et de Tout le reste a été fait par redéploiement. En effet, si l’industrie. ... on acceptera de considérer que le taux de dix-huit budgets ministériels augmentent, seize dimi- prélèvements obligatoires de 1997 est bien de 46 %, et nuent, certains en francs constants, certains même en qu’il découle de la loi de finances... francs courants, car, quand on veut faire des choix, cela conduit obligatoirement à une sévérité certaine. M. Philippe Auberger. Faux ! Le budget que nous vous présentons aujourd’hui, M. le ministre de l’économie, des finances et de Christian Sautter et moi, est, je crois, très orienté vers l’industrie. ... telle qu’elle a été votée à la fin de 1996. l’avenir et la jeunesse ; le choix des dix-huit budgets qui augmentent est très significatif de ce point de vue : vous M. Pierre Micaux. Héritée de 1992 ! y trouverez l’éducation, la recherche, la culture, le loge- M. le ministre de l’économie, des finances et de ment, l’investissement civil public, les emplois pour les l’industrie. « Héritée de 1992 », dites-vous ? C’est peut- jeunes et, pour une part − je l’évoquais tout à l’heure − la être vrai, mais cela ne fait que confirmer ce que je dis, réduction du déficit, lequel pèse sur les générations c’est-à-dire que ce taux est bien tel qu’il a été voté dans futures. la loi de finances pour 1997 − et quel que soit l’héritage Si l’on ajoute d’autres décisions qui n’ont a priori pas − ; c’est un autre débat. En effet, la loi de finances de de rapport direct, je pense à l’inscription automatique des 1997 a prévu un certain niveau de rentrées fiscales et un jeunes sur les listes électorales et à l’élargissement, discuté certain niveau de PIB, et le rapport des deux donne par lors de la conférence sur les salaires, du mécanisme de anticipation, au moment du vote, le taux de prélèvements l’ARPE pour permettre à des salariés ayant cotisé qua- obligatoires. rante ans et commencé très jeunes leur activité salariée de Mais, au fur et à mesure que l’année s’écoulait, deux partir à la retraite à condition de laisser leur place à un choses sont apparues : la première, c’est que les rentrées jeune, on finit par avoir une palette qui montre bien que, fiscales n’étaient pas au rendez-vous, ainsi que l’ont établi au centre des préoccupations, et pas seulement bud- aussi bien l’audit réalisé à la demande du nouveau Gou- gétaires, du Gouvernement, nous trouvons la politique de vernement que les informations transmises par l’ancien la jeunesse. Premier ministre au nouveau. Le montant des rentrées Chacun ici me pardonnera d’y retrouver l’écho du mot fiscales était donc moins élevé que ce qui avait été prévu, d’ordre que, avec d’autres, j’ai défendu pendant la der- comme il ne fallait pas laisser déraper le déficit, la nou- nière campagne électorale : « Changeons d’avenir » ! C’est velle majorité a suppléé les rentrées fiscales manquantes ce que nous essayons de faire entrer dans les faits. en organisant un prélèvement supplémentaire,...

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M. Philippe Auberger. Ce n’est pas exact ! M. Charles de Courson. Tout faux ! M. le ministre de l’économie, des finances et de M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. ... si bien qu’au total, grosso modo, le prélève- l’industrie. Je ne désespère pas, monsieur de Courson, de ment sera en 1997 celui qui avait été prévu par la loi de finir par vous faire comprendre cette arithmétique assez finances,... simple ! M. Philippe Auberger. Il y a dix milliards en plus ! Plusieurs députés du groupe socialiste. Mission impossible ! M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. ... après avoir été spontanément à la baisse, Mme Odette Grzegrzulka. Ne perdez pas votre temps, puis compensé. monsieur le ministre ! Vous dites, monsieur Auberger, qu’il y a eu dix mil- M. le président. Poursuivez, monsieur le ministre. liards plus ? M. le ministre de l’économie, des finances et de M. Philippe Auberger. C’est dans votre document ! l’industrie. Le deuxième objectif, et il s’agit là non plus d’arithmétique mais de choix politique, est de rendre M. le ministre de l’économie, des finances et de notre fiscalité plus juste. C’est ce qui a conduit la majo- l’industrie. Je prends ! (Sourires.) rité à vouloir organiser un double rééquilibrage. Permettez-moi d’être un peu technique pendant quel- Tout d’abord un rééquilibrage entre la fiscalité des ques instants. En effet, ce ne sera pas exactement la revenus du travail et celle des revenus du capital. Il a été recette fiscale qui a été prévue, ce sera, je dirais plutôt très largement réalisé cette année, pour une faible part huit milliards, mais allons-y pour dix milliards de plus. par des mesures de la présente loi de finances, pour une Huit milliards de plus, monsieur Auberger, comme vous large part par des mesures qui prennent place dans la loi le savez, c’est 0,1 point de PIB, 10 milliards, c’est un peu de financement de la sécurité sociale. Je pense au bas- plus, 0,11, mais ne chicanons pas ! Dans ces conditions, culement des cotisations d’assurances maladie sur la CSG nous arriverons à la fin de l’année 1997 avec 46 % de qui a pour caractéristique, en élargissant l’assiette, de por- prélèvements obligatoires, et je prends, comme M. Auber- ter aussi sur les revenus du capital. ger m’y invite, car il faut être honnête,... L’autre rééquilibrage concerne la fiscalité directe M. Augustin Bonrepaux. Eux, ils ne le sont pas! comparée à la fiscalité indirecte et reste très largement à faire. L’augmentation de la TVA à laquelle il a été pro- M. le ministre de l’économie, des finances et de cédé dans le passé ne nous semble pas une bonne solu- l’industrie. ... 0,1 à la charge du nouveau gouvernement. tion. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemble- M. Philippe Auberger. 0,2 ! ment pour la République et du groupe de l’Union pour la démocratie française.) M. le président. Mon cher collègue, laissez M. le ministre poursuivre ! M. Henri Emmanuelli, président de la commission des finances. Mais oui, messieurs ! Assumez vos bêtises ! M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Nous serons donc à 45,9 %, et comme les M. François d’Aubert. Cela a rapporté tout de même prévisions pour l’année 1998 sont de 45,9 %, il y aura 63 milliards ! bien stabilité des prélèvements obligatoires. M. le ministre de l’économie, des finances et de M. Charles de Courson. Tout faux ! l’industrie. Nous entendons donc utiliser les marges de manœuvre disponibles pour la faire baisser. M. Pierre Forgues. Non ! C’est juste ! M. Philippe Auberger. En tout cas, alors que vous M. Augustin Bonrepaux. C’est trop compliqué pour deviez le faire immédiatement, vous ne l’avez toujours pas M. de Courson ! fait ! M. le président. Monsieur de Courson, laissez M. le M. le ministre de l’économie, des finances et de ministre s’exprimer ! l’industrie. Les marges de manœuvre disponibles y seront affectées dans les années qui viennent, mais pour le M. le ministre de l’économie, des finances et de moment elles ont été utilisées à réduire le déficit ; il le l’industrie. Monsieur de Courson,... fallait bien. Toutefois, dès cette année, des baisses de la M. le président. Monsieur le ministre, n’entrez pas TVA sont prévues, notamment sur les travaux d’entretien dans la discussion ! réalisés par les ménages ou les organismes HLM. Certes, elles sont modestes, ne représentant que quelques mil- M. le ministre de l’économie, des finances et de liards. Mais c’est une voie que nous voulons suivre et qui l’industrie. Nous aurons l’occasion d’en reparler ! sera renforcée à mesure que nous en aurons la capacité. Vous le savez très bien, la différence entre la fin de M. Alain Barrau. Très bien ! l’année 1997 et la loi de finance initiale vient non pas du numérateur mais du dénominateur. En effet, la prévision M. le ministre de l’économie, des finances et de qui a été faite pour la croissance − 2,3 % − devrait être l’industrie. Le troisième objectif consiste à rendre notre juste. C’est la prévision de prix qui s’est révélée très exa- fiscalité plus efficace. Cela passe par trois grandes orienta- gérée − et je ne critique pas les prévisionnistes, dont la tions : soutenir le développement et l’innovation − et, tâche est bien difficile. En tout cas, les faits sont là. C’est malgré la difficulté budgétaire, des mesures ont été prises ce qui explique que le PIB en valeur − le dénominateur − dans ce sens − assurer une plus grande simplicité, une n’est pas au rendez-vous, et c’est pour cela que le ratio simplicité que nous pourrions rechercher de concert, augmente. Cela n’a donc rien à voir avec les prélève- enfin, lutter contre la fraude. En effet, si nous pouvons ments. Ils restent ceux qui ont été prévus. C’est le PIB avoir, dans cette assemblée, des avis différents et même qui est inférieur, en valeur, à celui qui avait été prévu. parfois complètement divergents sur la fiscalité qu’il

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convient de mettre en œuvre, chacun, en revanche, M. François d’Aubert. Sur le dos de qui ? reconnaîtra que, une fois que la loi fiscale a été votée, elle doit être respectée et que la fraude ne saurait être tolérée. M. Charles de Courson. C’est mal parti ! Pour tout cela, nous voulons procéder avec méthode et M. le ministre de l’économie, des finances et de dans la durée. Pour 1998, nous avons travaillé sur l’impôt l’industrie. Merci de ne pas me décevoir, messieurs ! sur les sociétés et sur l’impôt sur le revenu ... Nous voulons que le plus grand nombre retrouve une M. Philippe Auberger. Travaillé ? Vous ne manquez pas espérance, car c’est le sens que le Premier ministre veut d’air ! donner à sa politique. Or les classes populaires et les classes moyennes ont été plus que d’autres victimes des M. le ministre de l’économie, des finances et de l’in- politiques et de la situation qui a prévalu au cours des dustrie. ... j’en ai donné les résultats s’agissant du rééqui- dernières années. C’est vrai de la progression du chô- librage de la fiscalité du travail et de la fiscalité du capi- mage, de la limitation des revenus, de la précarisation du tal. travail, de la perte de repères d’une bonne part de la En 1999, le Gouvernement se propose de travailler sur population, et notamment des jeunes. Ils souffrent tous la fiscalité locale et sur la fiscalité du patrimoine. d’un déficit d’avenir et un élu de banlieue comme moi, Pour la fiscalité locale, et s’agissant de la taxe profes- avec d’autres sans doute, le ressent difficilement. sionnelle, je serais très heureux si, sous la responsabilité Pour que l’espérance soit retrouvée, il ne faut pas dres- de son président, la commission des finances voulait bien ser les uns contre les autres. Il ne faut ni donner à ceux faire des propositions, avec, si elle le requiert, l’appui qui sont les plus pauvres en prenant à ceux qui ne sont technique des services du ministère des finances. pas très riches ni, à l’inverse, promouvoir la classe M. Philippe Auberger. C’est un cadeau empoisonné ! moyenne aux dépens de la classe populaire et en la mar- ginalisant. M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Il faut donc retrouver ce dont notre pays a besoin : Je souhaite que nous puissions travailler en une forme d’alliance et d’entente entre ces deux catégories étroite collaboration sur ce dossier, d’autant que nombre de la population. L’une − c’est clair − est par définition d’entre vous sont maires de leur commune. plus aisée que l’autre, mais toutes les deux doivent être M. Philippe Auberger. Justement ! Il faut se pencher l’objet de l’attention du Gouvernement. sur le cumul des mandats avant de faire des propositions ! C’est pour cela que je récuse le mauvais procès que M. Augustin Bonrepaux. Vous pouvez toujours démis- l’opposition a tenté de nous faire. J’ai entendu dire que le sionner ! budget laminait les classes moyennes, avec pour illustra- tion la réduction d’impôt pour les emplois à domicile. M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. S’agissant de la taxe d’habitation, et notam- Mesdames, messieurs les députés, le Gouvernement est ment du problème des bases, là aussi je propose que se favorable à ce que l’Etat contribue à solvabiliser les ser- mettent en place des groupes de travail réunissant les élus vices de proximité, notamment par les emplois à domi- et l’administration. Nous avons un an pour cela. Il fau- cile. D’ailleurs, c’est si vrai que c’est un gouvernement de drait que nous soyons au moins en mesure de dégager gauche qui a mis en place cette mesure − c’est Martine des pistes. Ensuite, le Gouvernement prendra ses respon- Aubry qui en a été à l’origine − afin de favoriser l’emploi, sabilités sur l’évolution, à long terme, de la taxe d’habita- de lutter contre le travail au noir et de permettre, notam- tion. Il s’agit sans doute là davantage d’évolution que de ment aux ménages de cadres moyens ou supérieurs où les réforme. Pour la taxe professionnelle, le problème est plus deux conjoints travaillent d’avoir quelqu’un à domicile. profond. En tout état de cause, rien ne semble pas pou- Le problème vient de ce que la majorité précédente a voir être conduit de façon efficace et légitime sans rela- porté le plafond de la déduction, que nous avions fixé à tion étroite avec le Parlement. l’époque à 26 000 francs, à 90 000 francs. Chacun peut avoir l’opinion qu’il souhaite sur ce sujet. Nous avons, M. Didier Boulaud. Très bien ! quant à nous, considéré que l’avantage devenait excessif... M. le ministre de l’économie, des finances et de M. Didier Boulaud. l’industrie. Pour la fiscalité du patrimoine, tout le monde Exorbitant ! s’accorde à reconnaître qu’elle a besoin d’un toilettage, M. le ministre de l’économie, des finances et de c’est le moins que l’on puisse dire. Le Gouvernement l’industrie. ... et choquant. C’est pour cela que nous pro- souhaite y procéder à prélèvements constants, mais il posons de le ramener de 90 000 à 45 000 francs,... attendra le rapport du conseil des impôts, qui doit être remis en décembre, pour commencer à y travailler. M. Didier Boulaud. C’est bien assez ! Là aussi, et même si cela ne touche pas les collectivités M. le ministre de l’économie, des finances et de locales, le Parlement sera, autant qu’il le voudra bien − en l’industrie. ... ce qui est encore supérieur au double du tout cas Christian Sautter et moi en sommes très parti- plafond fixé en 1992. sans − associé au travail à accomplir pour remettre sur pied notre fiscalité du patrimoine qui a aujourd’hui tous M. Didier Boulaud. Absolument ! les défauts que l’on sait. M. le ministre de l’économie, des finances et de Sixième et avant-dernier point qui a présidé à l’élabora- l’industrie. On peut discuter à perte de vue. On peut tion de ce projet de budget − je m’attends à quelques notamment s’indigner du cumul avec d’autres disposi- grognements sur certains bancs, mais je n’hésite pas à tions. Mais on ne peut pas honnêtement, et de façon l’annoncer − : le Gouvernement entend conclure une cohérente, affirmer qu’une mesure touche la classe nouvelle alliance entre les couches populaires et les moyenne quand elle ne concerne que 5 % des actuels couches moyennes. (Rires et exclamations sur les bancs du bénéficiaires, et donc 0,25 % des contribuables français. groupe de l’Union pour la démocratie française et du groupe du Rassemblement pour la République.) M. François d’Aubert. Ce sont les chiffres de 1995 !

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M. le ministre de l’économie, des finances et de elle-même imposées, le bouclage du budget pour 1998 l’industrie. C’est vrai, monsieur d’Aubert. Mais quand était effectivement très difficile. La situation risquait bien même 0,25 % serait devenu 0,40 % en 1997, nous d’être explosive. n’aurions pas encore atteint les limites de la classe La dissolution a donc été prononcée. Les élections ont moyenne. eu lieu, et la gauche l’a emporté. C’est l’élaboration de ce M. Didier Boulaud. Absolument ! budget impossible qui nous est incombée. Je ne procède pas à ce retour en arrière pour me livrer M. le ministre de l’économie, des finances et de à une quelconque polémique, mais pour essayer de l’industrie. Par ailleurs, mesdames, messieurs, je voudrais répondre à une question : la conviction que le bud- appeler votre attention sur une sorte de contradiction. get 1998 était impossible à boucler était-elle erronée ou Ainsi, il serait scandaleux que l’Etat finance à 80 % des justifiée ? emplois pour les jeunes, mais pas qu’il finance à 70 % ou Le retour de la confiance et de la croissance que nous 75 % des emplois à domicile dans les ménages. Honnête- constatons tous, peu ou prou, peut laisser penser que ment, la différence ne m’apparaît pas ! (Applaudissements finalement l’appréciation était erronée et que le budget sur les bancs du groupe socialiste, du groupe Radical, n’était pas si difficile à boucler. La réalité m’oblige à vous Citoyen, Vert et du groupe communiste.) dire qu’en fait cette difficulté de concevoir un budget M. Didier Boulaud. Excellente remarque ! pour 1998 qui respecte nos engagements était largement justifiée. M. le ministre de l’économie, des finances et de En effet, la loi de finances pour 1997 avait été votée l’industrie. J’en viens à mon septième et dernier point. avec un déficit de 3 %. Lorsque la majorité a changé, le Le Gouvernement et la majorité abordent cette dis- précédent Premier ministre a dit clairement − et c’était, cussion législative très déterminés sur les principes que je me semble-t-il, à la fois son honneur et son devoir − à viens d’évoquer, mais très ouverts sur les modalités. La son successeur que la réalité de l’exécution budgétaire contribution du Parlement à l’élaboration de la loi de n’en était pas là. Son estimation n’était pas très loin de ce finances est une nécessité. Les concertations ont eu lieu, que l’audit que nous avons fait effectuer a mis sur la même si, de mon point de vue, elles ont été insuffisantes, table : à savoir, pour la fin de l’année, un déficit prévi- en raison du calendrier inopinément resserré, et plusieurs sible compris entre 3,5 % et 3,7 % du PIB. Or, comme dispositions en sont nées. Je pense notamment au crédit ce déficit est lui-même construit avec une mesure très d’impôt pour les travaux d’entretien, qui s’assimile à cette exceptionnelle − je pense à la soulte de France Télécom − baisse de la TVA dont je parlais tout à l’heure, et qui est il faut ajouter 0,45 % de déficit supplémentaire. Nous en dû à une idée de François Hollande, et au crédit d’impôt sommes donc, si nous prenons le point moyen de la four- emploi que nous devons à Henri Emmanuelli, et Chris- chette qui va de 3,5 % à 3,7 %, à 3,6 % + 0,45 %, soit à tian Sautter a travaillé avec lui. plus de 4 %. Ce chiffre n’est d’ailleurs une surprise pour Cela montre que, dans la mesure où c’était possible, personne, puisque c’est celui qui apparaissait sur cette mais cela ne l’a été que trop peu, le Parlement a été asso- fameuse note de la direction du budget dont certains cié. C’est d’ailleurs pourquoi je vous ai proposé de tra- avaient eu vent, la presse en tout cas, vers les mois de vailler autrement l’année prochaine, en matière de fisca- février et mars et, autant que j’en aie été informé, celui lité locale et de fiscalité du patrimoine. qu’a indiqué M. Juppé à M. Jospin lors de la transmis- Après la préparation, il y a la discussion du projet de sion de pouvoirs. Nous étions bel et bien sur le rythme loi de finances, qui est juridiquement et financièrement d’un déficit de 4 % pour 1998. contrainte : c’est l’article 40 de la Constitution, dont le Depuis, j’ai entendu dire : « Vous avez de la chance, la président de la commission des finances est le gardien croissance repart ! » Comme j’ai déjà eu l’occasion de l’ex- farouche. Malgré tout, elle est politiquement ouverte dès pliquer devant la commission des finances, le redémarrage lors que deux principes sont respectés : d’abord, la cohé- de la croissance, qui, évidemment, est le bienvenu, n’a rence et l’équilibre général de la loi de finances ; ensuite, pas, malheureusement, beaucoup d’influence sur le solde l’opportunité des mesures proposées quant au moment et de 1998. au contenu. Sous ces réserves, le Gouvernement est dis- En effet, lorsque les premières estimations ont été faites posé à discuter avec le Parlement des amendements que au mois de mars, on attendait pour 1998 une croissance celui-ci voudrait introduire. à 2,7 %. On est aujourd’hui à 3 %, soit 0,3 % de dif- Mesdames et messieurs les députés, je termine d’un férence. Cela représente 24 milliards de francs de richesse mot. Il y a six mois, presque jour pour jour, la rumeur nationale supplémentaire. Les prélèvements de l’Etat étant s’enflait. Elle allait se transformer en une décision : celle de 15 % environ, cela représente 3,6 milliards de francs, de la dissolution. Les explications avancées pour la justi- en théorie. En pratique, on le sait bien, la situation est fier ont été nombreuses, si nombreuses qu’elles sont deve- différente : d’abord, parce qu’une part de cette croissance nues opaques. A vrai dire, le mot est mal choisi, elles est tirée par l’exportation qui ne produit pas de TVA, sont plutôt devenues transparentes, à tel point qu’on ne mais surtout parce que les recettes de 1998, pour l’impôt les voyait plus... sur le revenu comme pour l’impôt sur les sociétés, sont calculées sur les revenus de 1997. La croissance de 1998 M. Didier Boulaud. Les prévisionnistes se sont trom- aura un effet pour 1999. pés ! En fait, c’est sans doute 1 milliard de francs, peut-être M. le ministre de l’économie, des finances et de 1,5 milliard de recettes supplémentaires, que nous vaut le l’industrie. ... et que, petit à petit, la vraie raison est surcroît de croiss ance, et c’est tant mieux ! Mais cela ne apparue sinon à tous, du moins à beaucoup : la majorité saurait suffire à expliquer que nous ayons, nous, pu bou- d’alors a considéré qu’il était préférable de dissoudre, cler ce budget. convaincue qu’il valait mieux que les élections aient lieu Si le retour à la croissance est, à l’évidence, heureux avant qu’après la préparation du budget pour 1998. Et je pour l’emploi − mais il y a toujours des décalages entre la dois reconnaître que, dans les conditions qu’elle s’était croissance et l’emploi − il ne constitue en rien une manne

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providentielle, et l’on ne peut y voir la cause qui permet- 500 000 contrats emploi-solidarité et 200 000 contrats trait de dire que Lionel Jospin s’est trouvé devant une d’initiative emploi seront ouverts en 1998. Vous consta- addition simplissime, quand Alain Juppé aurait été devant tez donc que la priorité accordée à l’emploi des jeunes ne une équation sans solution. remet pas en cause les dispositifs de solidarité en faveur La réalité, c’est que ce budget, sans pause et sans renie- de ceux qui sont durablement éloignés de l’emploi. ment et qualifié d’impossible est resté difficile. Il n’a été Le budget de l’éducation atteint 334,4 milliards de élaboré que parce que l’ensemble du Gouvernement s’est francs, en progression de 3,1 % par rapport à la loi de attelé à une tâche qui consiste à maîtriser la dépense finances initiale de 1997. Il prévoit 1 537 créations de publique. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union postes budgétaires, dont 1 354 dans l’enseignement supé- pour la démocratie française et du groupe du Rassemblement rieur. Ces moyens nouveaux permettront, en accompa- pour la République.) gnant l’évolution démographique, d’assurer le bon fonc- tionnement tant de nos écoles, en ville et à la campagne, M. Pierre Lellouche. C’est vrai surtout pour le minis- que de nos universités, de renforcer la capacité d’ensei- tère de la défense ! gnement et de recherche, de lutter contre l’exclusion en M. le ministre de l’économie, des finances et de milieu scolaire et de développer l’usage des nouvelles l’industrie. Nous allons poursuivre cet effort. Ce n’est technologies. que par la maîtrise de la dépense publique d’environ Le troisième budget prioritaire est celui de la 0,5 point de PIB et par d’autres considérations sur les recherche, car toute société dynamique repose de plus en comptes sociaux que nous arrivons à l’équilibre. plus sur la recherche et sur l’innovation. Une économie Mais bien sûr, mesdames et messieurs les députés, un forte devra, le siècle prochain, utiliser toutes les capacités budget impossible qui reste difficile ne peut pas être d’intelligence de notre pays. C’est pourquoi l’enveloppe indolore. Il va sans dire que, dans un monde idéal, on du budget civil de recherche et de développement s’élève aurait préféré ne pas avoir à toucher à certaines des à 53 milliards de francs, progressant de 6,2 % par rap- mesures prises relatives à telle entreprise ou tel ménage. Il port aux chiffres de la loi de finances de 1997. faut pourtant que nous soyons capables de tenir un défi- M. Didier Boulaud. Très bien ! cit limité, car c’est l’avenir de notre pays qui est en cause, M. le secrétaire d’Etat au budget. Ces dotations per- son engagement européen et l’avenir de ses finances mettront d’apporter un soutien particulier aux organismes publiques. de recherche et de stimuler l’innovation dans les entre- C’est pourquoi ce budget, qui a été difficile à élaborer, prises, surtout, j’y insiste, au profit des entreprises respecte les engagements pris par la nouvelle majorité moyennes et petites, qui sont les principales créatrices devant le peuple pendant la campagne électorale. C’est ce d’emploi. que nous avons voulu faire, Christian Sautter et moi. Ce budget pour l’emploi est aussi un budget pour le J’espère que nous y sommes parvenus. C’est bien sûr les logement social et l’équipement collectif. commentaires que vous ferez qui nous le confirmerons. Chacun sait que la croissance et l’emploi progressent J’ai confiance dans votre jugement. (Applaudissements sur plus vite dans les pays où les dépenses d’éducation et de les bancs du groupe socialiste, du groupe Radical, Citoyen et recherche sont les plus importantes. Mais la croissance et Vert et du groupe communiste.) l’emploi croissent aussi plus rapidement dans les pays où M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’Etat la demande intérieure est dynamique, où la qualité de vie au budget. est élevée, où les infrastructures sont modernes. M. Christian Sautter, secrétaire d’Etat au budget. Mon- Le budget pour 1998 − c’est une forte inflexion − met sieur le président, monsieur le président de la commission ainsi fin à la décroissance des moyens d’équipement civil. des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames et Tous financements confondus, en effet, ces derniers pro- messieurs les députés, ainsi que vient de le souligner gressent de 5,6 % en autorisations de programme et de Dominique Strauss-Kahn, ministre de l’économie, des 2,4 % en crédits de paiement. Parmi les priorités, finances et de l’industrie, le projet de budget que nous figurent les transports, le patrimoine culturel et la justice. vous présentons est sincère, économe et conforme aux Le logement bénéficie également d’une priorité remar- priorités du Gouvernement : l’emploi, les équipements quable. Ainsi, les aides au logement, hors dépenses fis- collectifs et les grands services de la vie quotidienne. cales, sont portées à 56 milliards de francs, soit une pro- gression de 8,6 %. C’est d’abord et avant tout un budget pour l’emploi et pour les jeunes. En effet, après six années de croissance M. Didier Boulaud. Adieu Périssol ! médiocre et de jeunesse désolée, il fallait reprendre la M. le secrétaire d’Etat au budget. Au revoir ! marche vers l’avenir. Le fait qu’il s’agit d’un budget pour Elles comprennent deux volets : d’une part, le soutien les jeunes s’exprime par la priorité absolue donnée à de l’activité du bâtiment par la construction et la réhabili- l’emploi, à la formation et à la recherche. tation du parc public et privé, d’autre part, le renforce- Le budget de l’emploi et de la solidarité s’élève à 228,9 ment de la justice sociale par revalorisation des allocations milliards de francs, en progression de 3,5 %. Le pro- de logement. Les dotations du budget qui vous est pro- gramme en faveur de l’emploi des jeunes, que vous venez posé pour 1998 consolident les décisions prises par le d’adopter et qui entrera en vigueur dès la semaine pro- Gouvernement dès cet été. chaine, mobilisera quelque 8 milliards de francs l’an pro- Le programme exceptionnel de rénovation des loge- chain et permettra, d’ici à la fin de l’année 1998, à ments anciens, annoncé par le Premier ministre dans son 150 000 jeunes d’accéder à un véritable emploi d’intérêt discours de politique générale, permettra de réaliser au général rémunéré et formateur. total 320 000 opérations réparties entre les HLM et le Cet engagement fort s’accompagne du maintien des parc privé. Les crédits affectés au logement neuf sont dispositifs réservés aux publics qui connaissent des diffi- consolidés et, par ailleurs − cela a déjà été mentionné − cultés particulières d’insertion en raison de leur âge, de des incitations fiscales sont prévues pour relancer l’activité leur handicap ou de la durée de leur chômage. Ainsi, dans le secteur de l’artisanat du bâtiment et du logement.

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Autre grand chantier, les crédits d’équipement des que, dans le même temps, 1 833 emplois d’officier et de transports terrestres et des routes bénéficieront de l’aug- sous-officier seront supprimés, si vous acceptez ce mentation des ressources du fonds d’investissement des budget. transports terrestres et des voies navigables. Cela permet- L’impact de la réforme du service national réduira tra de réorienter les investissements en faveur des trans- mécaniquement de près de 32 000 le nombre des appelés. ports collectifs urbains et de l’entretien des routes. Si les moyens de fonctionnement baissent de 1,3 milliard Puisque j’ai mentionné le patrimoine monumental, je de francs, cela résulte essentiellement de la réduction du précise que les autorisations de programme pour sa res- format des armées. tauration et sa conservation sont majorées de 39,3 %, ce Enfin, la dotation en crédits d’équipement − 81 mil- qui est considérable. liards de francs − est en retrait par rapport à 1997, mais Ce budget pour l’emploi, pour le logement et pour les elle est cependant cohérente, comme le débat budgétaire équipements collectifs, est enfin un budget pour amélio- le montrera, avec la poursuite de la modernisation de nos rer la vie quotidienne des Français. forces armées. Cela impliquera des choix sélectifs dans le La qualité du service public, un égal accès de chacun respect des besoins opérationnels des armées. au service public quelle que soit sa situation financière, Après avoir traité des dépenses, je veux aborder rapide- quel que soit son lieu de vie, font partie du modèle fran- ment quelques éléments concernant les recettes. çais que le Gouvernement estime indispensable de préser- D’abord, le projet de budget qui vous est proposé pré- ver et même de renforcer. Alors que certains semblent voit des impôts plus modérés, plus justes et plus propices avoir honte de l’exception française et vont chercher leur au dynamisme des PME. modèle au-delà des mers, nous, nous sommes fiers de Je ne reviendrai pas sur le fait que les impôts seront notre qualité particulière de civilisation dans laquelle le plus modérés, car Dominique Strauss-Kahn en a longue- service public et la solidarité nationale entrent pour une ment et bien parlé. J’insisterai simplement sur une notion grande part. (Applaudissements sur les bancs du groupe essentielle : en accroissant les prélèvements obligatoires, socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) on pèse sur les revenus réels des familles, donc sur la M. Didier Boulaud. Excellente remarque ! demande et sur l’emploi. Une rapide comparaison entre M. Pierre Méhaignerie. Vous dites aussi cela pour les 1996 et 1998 le met clairement en évidence. nationalisations ? En effet, une enquête récente de l’INSEE a montré qu’en 1996, à la suite d’une formidable ponction fiscale M. le secrétaire d’Etat au budget. Premier budget sur les ménages, leur pouvoir d’achat avait baissé de important pour la vie quotidienne des Français, celui de 1,6 %. La réduction avait même atteint 3,1 % pour les la culture, avec 15,1 milliards de francs, augmente de cadres, que certains prétendent affectionner. Il n’est donc 3,7 % si on laisse de côté l’audiovisuel, et il atteindra pas surprenant qu’une baisse du revenu réel des ménages progressivement, sans artifice de présentation, 1 % du ait provoqué un alanguissement de la croissance. budget de l’Etat. En 1998, il en représentera déjà 0,95 %. Par contraste, en 1998, les ménages français verront leurs revenus réels disponibles, après impôts et après Au-delà de la priorité accordée aux investissements en cotisations sociales, progresser de plus de 2 %, ce qui faveur du patrimoine que j’ai déjà évoquée, le budget de soutiendra la consommation donc l’expansion. Le la culture met l’accent sur une politique dynamique en Gouvernement entend, en effet, laisser à la disposition faveur des projets qui contribuent à la démocratisation de des Français la plus grande part des richesses qu’ils ont l’accès à la culture, à l’éducation artistique, à l’emploi et à produites pour leur permettre de consommer et l’aménagement du territoire. d’investir. Le deuxième budget essentiel pour la vie quotidienne Nous voulons aussi des impôts plus justes, car il est des Français est celui de la justice qui, avec plus de indispensable que, demain, l’impôt soit payé d’abord et 24,8 milliards de francs, progresse de 4 % par rapport à avant tout en fonction du montant des revenus. C’est 1997, c’est-à-dire près de trois fois plus vite que la aussi cela le pacte républicain alors que, trop souvent moyenne générale du budget de l’Etat. Il prévoit la créa- actuellement, les plus habiles et ceux qui disposent de tion de 762 emplois, et les moyens tant en fonctionne- certains types de revenus parviennent à payer moins ment qu’en équipement sont accrus de façon à améliorer d’impôts que la moyenne des contribuables. le service rendu au quotidien. Je pense notamment au renforcement des juridictions pour que les délais soient M. Didier Boulaud. Eh oui ! plus courts, à un meilleur suivi des peines, à la protection M. le secrétaire d’Etat au budget. Un impôt sur le judiciaire de la jeunesse et à l’aide aux victimes. revenu plus juste est d’abord un impôt plus simple. A cet Avec 52,4 milliards de francs, le budget de l’intérieur égard, le projet de loi de finances comporte deux disposi- connaît une croissance de 3,6 %. L’an prochain, seront tions significatives : une amélioration du paiement men- recrutés 8 250 agents de sécurité, en particulier pour que suel de l’impôt et un régime très simplifié de déclaration la sécurité revienne dans les zones urbaines sensibles. Les pour les petits revenus fonciers qui devrait intéresser autorisations de programme d’équipement progressent de 450 000 contribuables. 3,8 %, ce qui permettra un effort très significatif pour les Pour que l’impôt soit plus juste, il convient aussi de investissements immobiliers, notamment dans les limiter, voire de supprimer certaines injustices fiscales. En commissariats. la matière, comme en tout autre domaine, nous avons été Le dernier budget que je mentionnerai dans cet exposé pragmatiques, examinant au cas par cas les mesures d’al- est celui de la défense qui, avec 238,2 milliards de francs, légement. Lorsqu’elles nous ont paru justifiées, du point est en diminution de 2,1 % par rapport à 1997. Néan- de vue soit de l’emploi, soit de la solidarité, nous les moins, il permet de conforter le processus de profession- avons maintenues ou rétablies. Tel a été le cas de la nalisation des armées, en stricte conformité avec la loi de réduction d’impôt pour frais de scolarité qui avait été programmation militaire. Ainsi, 7 838 emplois de mili- supprimée dans la loi de finances de l’an dernier, car de taire du rang et 1 366 emplois civils seront créés alors nombreux ménages souvent modestes en bénéficient. Le

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rétablissement de cette réduction d’impôt est tout à fait M. Charles de Courson. Encore heureux ! cohérente avec le quadruplement de l’allocation de ren- trée scolaire intervenu il y a quelques semaines. M. le secrétaire d’Etat au budget. Cela relève de l’ou- verture au débat parlementaire dont Dominique Strauss- M. Didier Boulaud. Voilà qui est parfait ! Kahn a parlé tout à l’heure. M. le secrétaire d’Etat au budget. En revanche, cer- De même, les provisions que doivent constituer les tains avantages nous ont semblé privés de justification, entreprises soumises à une obligation de renouvellement comme le dispositif favorisant la souscription de parts de des équipements au terme théorique de la concession copropriété de navires. D’une part, son coût a très large- dont elles jouissent nous ont paru légitimes, mais nous ment dépassé les prévisions, puisqu’il a atteint 2 milliards avons modifié leurs modalités de calcul, qui étaient trop de francs au lieu des 400 millions prévus ; d’autre part, il avantageuses. n’a bénéficié que de façon très marginale aux chantiers Dans le cadre du principe, que Dominique Strauss- navals français. Nous avons donc décidé de vous proposer Kahn a développé, de rééquilibrage entre la taxation du la suppression de cet avantage, tout en restant très atten- travail et celle du capital, j’évoquerai deux mesures : l’ins- tifs à la construction navale et à la marine marchande titution d’un plafond pour la restitution de l’avoir fiscal à dans notre pays. des contribuables qui ne sont pas imposables, et la limita- Dans d’autres cas, c’est moins la justification de l’avan- tion de l’exonération pour les produits d’assurance-vie, tage que son caractère disproportionné qui nous a qui serait fixée à 30 000 ou 60 000 francs. Au-delà, ces conduits à proposer son réexamen. Il en est ainsi de la produits seraient soumis à un prélèvement libératoire non réduction d’impôt pour l’emploi d’un salarié à domicile, pas de 15 %, mais de la moitié, pour bien montrer l’atta- dont Dominique Strauss-Kahn vous a parlé, et du sys- chement que le Gouvernement porte au développement tème de déduction des investissements réalisés dans les de l’épargne longue en général, de l’assurance-vie en par- DOM-TOM. ticulier. Néanmoins, ce dernier dispositif ayant contribué à Je précise, s’il en était besoin, que ce dispositif n’est orienter une partie de l’épargne métropolitaine vers ces pas rétroactif et qu’il n’affecte en rien les sommes qui territoires particulièrement défavorisés par rapport au auront été investies avant le 31 décembre 1997. J’ajoute reste de la France, le Gouvernement ne propose pas de enfin que ce dispositif servira de transition pour la troi- remettre en cause le principe de cette disposition fiscale. sième orientation fiscale que je développerai rapidement, En revanche nous avons décidé, avec le secrétaire d’Etat à puisque les contrats d’assurance-vie principalement inves- l’outre-mer, d’appliquer de façon plus stricte, à l’occasion tis en capital-risque, notamment en titres de sociétés non de la délivrance des agréments, les textes en vigueur qui cotées, ne subiront pas ce prélèvement libératoire de posent le principe de la priorité à l’emploi dans les dépar- 7,5 %. tements et les territoires d’outre-mer. En conséquence, J’en terminerai en mentionnant les efforts fiscaux que nous vous proposons de supprimer deux abus manifestes ce projet de budget traduit pour contribuer au dyna- en vous suggérant d’exclure les subventions du montant misme des petites et moyennes entreprises. de la déduction que certains particuliers peuvent opérer et Deux mesures ont été conçues pour améliorer l’envi- de ne pas tenir compte des avantages tirés de la loi Pons ronnement des jeunes entreprises innovantes. dans le calcul du plafonnement de l’impôt de solidarité sur la fortune par rapport au revenu. M. Jean-Jacques Jegou. Les trente-cinq heures ! Enfin nous avons voulu réexaminer des avantages peu M. le secrétaire d’Etat au budget. D’abord, elles pour- justifiés. Il en est ainsi, notamment, de la demi-part de ront attribuer à leurs dirigeants ou à leurs salariés des quotient familial supplémentaire dont bénéficient cer- bons de souscription d’actions bénéficiant d’un régime taines personnes seules alors même qu’elles n’ont plus de fiscal particulier, ce qui leur permettra de rémunérer leurs personnes à charge. Il nous a, en effet, semblé que, dès dirigeants et leurs cadres par une forme de participation lors que le dernier enfant avait dépassé l’âge de vingt-six au capital. ans et qu’il ne restait plus d’enfant au foyer familial, cet Ensuite, lorsque le créateur d’entreprise vendra son avantage ne pouvait être maintenu en l’état. Toutefois, entreprise après succès, les plus-values de cession des parts afin de ne pas pénaliser les personnes seules disposant de qu’il possède dans cette société pourront bénéficier, si revenus modestes − elles sont très nombreuses − nous vous en êtes d’accord, d’un report d’imposition dans le avons décidé de leur maintenir le bénéfice de cet avantage cas où le prix de cession sera réinvesti dans le développe- dans la limite d’une économie d’impôts de 3 000 francs. ment d’une société nouvelle à laquelle le créateur appor- La même logique a été appliquée à divers dispositifs tera son capital et son expérience. dont bénéficient les entreprises, notamment la provision Toujours pour favoriser les PME, ce projet de budget pour fluctuation des cours, laquelle profite surtout aux institue un crédit d’impôt emploi en faveur des entre- grandes entreprises pétrolières et nous semble dépourvue prises qui accroîtront leurs effectifs salariés. Vous consta- de signification. terez que cette disposition bénéficiera principalement aux M. Charles de Courson. Et les petites entreprises ? petites et moyennes entreprises. Ce crédit d’impôt emploi sera de 10 000 francs par emploi supplémentaire dans la M. le secrétaire d’Etat au budget. Nous proposons de limite d’une augmentation de cinquante emplois d’une la supprimer, monsieur de Courson, mais nous sommes année sur l’autre, et il pourra être imputé sur la majora- ouverts à une adaptation du dispositif... tion de 10 % de l’impôt sur le bénéfice des sociétés qui M. Charles de Courson. Ah ! avait été institué en 1995. Souvenez-vous que, à l’époque, aucune distinction n’avait été faite en fonction de la taille M. le secrétaire d’Etat au budget. ... afin d’éviter que des entreprises. la situation de certaines petites et moyennes entreprises ne soit affectée par cette décision. Deux autres mesures intéressent les PME, en parti- culier celles du bâtiment : d’une part, l’instauration d’un M. Jean-Jacques Jegou. Tout de même ! crédit d’impôt égal à 15 % des dépenses d’entretien effec-

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tuées soit par des propriétaires, soit par des locataires majorité a mis la croissance sous l’« éteignoir ». Les dans la rénovation de leur habitation principale, même si 120 milliards de francs d’impôts nouveaux décidés ces personnes ne sont pas imposables ; d’autre part, la en 1995 sonnèrent le glas de la timide reprise amorcée baisse de la TVA du taux normal de 20,6 % au taux en 1994. réduit de 5,5 % sur les travaux de rénovation des loge- ments sociaux. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe M. Henri Emmanuelli, président de la commission. socialiste.) Erreur funeste ! En conclusion, mesdames, messieurs les députés, je M. Didier Migaud, rapporteur général. J’ai évoqué à rappelle que la justice fiscale passe aussi par l’application l’instant le frein monétaire. Je tiens, messieurs les effective de la loi. Il ne sert à rien de contenir l’évasion ministres, à témoigner de l’incompréhension de beaucoup fiscale si la fraude se renforce. Si l’évasion fiscale ruse d’entre nous devant la récente décision de la Banque avec la loi, la fraude fiscale la transgresse. Les impôts qui de France de relever le taux d’appel d’offre. Il n’y avait ne sont pas payés par les fraudeurs tombent à la charge pas, comme l’a d’ailleurs souligné lui-même le gouverneur des contribuables honnêtes. de la Banque de France lors de sa récente audition, le er C’est pourquoi, dans le projet de loi de finances qui 1 octobre dernier, par la commission des finances, de vous est proposé, figurent plusieurs mesures significatives risque de tensions inflationnistes. pour lutter contre la fraude organisée, particulièrement Je rappelle l’article 1er de la loi du 4 août 1993 relative contre la fraude en matière de TVA sur les échanges au statut de la Banque de France, qui dispose que la intra-communautaires. Vous trouverez des dispositions Banque centrale « met en œuvre la politique monétaire » qui ont pour objet de prévenir les risques de fraude en et précise qu’elle accomplit sa mission dans le cadre de la sécurisant le recouvrement de cette taxe par le Trésor, politique économique générale du Gouvernement. Il est soit par des mécanismes de solidarité entre donneurs évident que la décision prise en fin de semaine dernière d’ordres et sous-traitants, soit par des mécanismes de cau- contrarie la politique économique et budgétaire du Gou- tionnement pour les importations d’automobiles hors vernement et qu’elle peut freiner la reprise des investisse- taxes. ments. La commission des finances aura l’occasion de se Nous avons aussi renforcé les outils dont disposent les pencher sur cette question puisque son président, Henri services de contrôle pour lutter contre la fraude ; je cite- Emmanuelli, a « invité » les membres du Conseil de la rai, par exemple, le droit d’enquête et le mécanisme de la politique monétaire à venir expliquer prochainement leur déclaration d’échange de biens, qui est notamment utilisé décision devant elle. dans le cadre du contrôle des flux intra-communautaires. M. Didier Boulaud. Pour leur tirer les oreilles ! Mesdames, messieurs les députés, le projet de budget pour 1998 qui est proposé à votre examen est une pre- M. Pierre Forgues. Et après, qu’est-ce-qu’on fait ? mière étape, comme l’a dit M. Dominique Strauss-Kahn, M. Didier Migaud, rapporteur général. Certes, le débat pour vivifier la croissance, l’emploi et la justice sociale sur l’indépendance de la Banque de France est derrière tout en assumant pleinement nos engagements européens. nous, mais il est décisif que s’instaure un dialogue au Ce projet de budget veut accompagner la reprise de l’acti- niveau européen entre les autorités monétaires et les auto- vité économique. Il veut redonner confiance à tous ceux rités gouvernementales, responsables, elles, devant le suf- qui consomment, qui investissent, qui embauchent, qui frage universel, afin que les politiques monétaires et bud- créent des richesses dans notre pays. Ce projet de budget gétaires ne se contrarient pas. est clairement tourné vers la jeunesse et vers l’avenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du M. Didier Boulaud. Très bien ! Je le dis pour vous, groupe Radical, Citoyen et Vert, et sur quelques bancs du monsieur le président ! groupe communiste.) M. le président. Je n’interviens guère, mon cher col- M. le président. La parole est à M. Didier Migaud, lègue ! rapporteur général de la commission des finances, de M. Didier Migaud, rapporteur général. Aujourd’hui, les l’économie générale et du Plan. conditions sont réunies pour soutenir la croissance et M. Didier Migaud, rapporteur général. Monsieur le pré- l’emploi. L’environnement international est en effet por- sident, messieurs les ministres, mes chers collègues, j’ai eu teur. L’Amérique du Nord, particulièrement les Etats- l’occasion de m’exprimer longuement par écrit ; permet- Unis, devrait connaître encore une expansion solide. tez-moi d’insister oralement sur quelques points à l’ouver- Autour de nous, l’Union européenne devrait connaître ture de notre discussion budgétaire. un raffermissement et une convergence de la croissance. Une France en panne ! Tel est le diagnostic que cha- Malgré des difficultés persistantes au Japon, notre pays cun pouvait faire au milieu de cette année 1997. J’en devrait bénéficier encore du dynamisme contagieux des prendrai pour preuve le slogan de la précédente majorité économies émergentes d’Asie, en dépit des difficultés liées lors de la campagne des élections législatives, qui prônait à la récente crise financière. un nouvel élan. Au-delà des prévisions conjoncturelles concernant nos De fait, la France était engagée dans une sorte de spi- principaux partenaires, on peut légitimement espérer, en rale dépressive. 1998, une poursuite de l’expansion mondiale et une forte Un trop haut niveau des taux d’intérêt a aggravé, au croissance du commerce international, dans un envi- début des années 90, les conséquences de la fin d’un ronnement monétaire et financier caractérisé par la modé- cycle de croissance. Il en est résulté des difficultés au ration de l’inflation et par un cours plus réaliste du dol- niveau des comptes budgétaires et sociaux, et les gouver- lar, ce qui rend d’ailleurs d’autant moins compréhensible nements précédents se sont lancés dans une fuite en avant la récente décision que j’ai évoquée. dans la hausse des impôts et des cotisations sociales. Dans ce contexte favorable, la croissance française Ajoutant le frein budgétaire au frein monétaire, qu’il ne devrait continuer d’être tirée par les exportations. Nos faudrait pas remettre aujourd’hui en action, la précédente échanges de marchandises connaissent des excédents

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croissants et les chiffres du premier semestre de 1997 S’agissant du pouvoir d’achat, après la stagnation de révèlent un solde de 80 milliards de francs, le taux de 1996, la croissance devrait être plus soutenue. L’aug- couverture de nos échanges étant maintenant supérieur à mentation du SMIC dès juillet, la majoration excep- 110 %. De même, notre balance de transactions cou- tionnelle de l’allocation de rentrée scolaire ont constitué rantes enregistre, pour la cinquième année consécutive, une première étape. Le basculement des cotisations mala- un fort excédent : 105 milliards de francs en 1996 et, die sur la CSG devrait accroître encore le pouvoir d’achat sans doute, 130 milliards de francs en 1997. des salariés et alimenter la consommation. Il convient, naturellement, de se féliciter de ces Il conviendrait d’ailleurs, s’agissant de la répartition du chiffres, sans se dissimuler cependant que ces perfor- revenu entre l’épargne et la consommation, de s’interro- mances ne sont pas dénuées d’ambiguïté. La compétitivité ger sur cette spécificité française qui fait que notre pays de nos entreprises est certes satisfaisante, mais les bons est l’un de ceux où le taux d’épargne des ménages est résultats de nos échanges extérieurs sont également impu- parmi les plus élevés dans l’ensemble des grands pays tables à la faiblesse relative des importations ; notre industrialisés. excédent est ainsi le signe préoccupant de l’atonie de la M. Charles de Courson. Il ne faut pas s’en plaindre ! conjoncture française. M. Didier Migaud, rapporteur général. Enfin, il convient Les résultats de notre commerce extérieur constituent de ne pas oublier les effets de la précarité et de l’exclusion le reflet du décalage conjoncturel entre la France et ses sur la consommation des ménages. Dans notre pays, plus partenaires. Cette situation n’est pas sans lien avec la de 10 % de la population se situent en dessous du seuil politique menée par les précédents gouvernements : les de pauvreté et l’on observe des phénomènes préoc- ponctions fiscales opérées sur les ménages ont pesé sur la cupants, notamment une certaine paupérisation des consommation intérieure et, partant, sur les investisse- jeunes. ments, d’où une faiblesse de la demande interne qui a contenu les importations. Cette situation doit nous conduire à replacer l’impéra- tif de justice sociale et fiscale au cœur de nos préoccupa- Ainsi, notre taux de croissance moyen n’aura guère tions. dépassé 1 % depuis le début de la décennie et l’écart par La justice sociale commence d’abord par la lutte pour rapport au potentiel de croissance, que le consensus des l’emploi. Si les créations d’emplois constatées restent économistes situe aux environs de 3 %, est d’une ampleur insuffisantes pour faire baisser le chômage, on observe et d’une pérennité incomparables. que, depuis quelques années, la croissance est plus riche Du côté des entreprises, en dépit d’une légère dégrada- en emplois. La réduction du temps de travail, vers tion récente des résultats d’exploitation, on notera leur laquelle une avancée historique a été réalisée vendredi bonne santé financière : l’excédent brut d’exploitation se dernier, devrait contribuer à redresser une situation fran- maintient à une fraction élevée de la valeur ajoutée... çaise particulièrement préoccupante. M. Charles de Courson. Il est stable depuis dix ans ! En 1992, l’écart entre notre taux de chômage et le taux de chômage moyen des pays de l’OCDE était de M. Didier Migaud, rapporteur général. ... alors que la l’ordre de deux points ; il dépasse maintenant cinq points part des salaires reste contractée. En dépit de ce que l’on − depuis 1992, seuls des gouvernements de droite ont entend ici ou là, plutôt à droite qu’à gauche, la France se dirigé notre pays − ... situe en deçà de ses principaux partenaires pour la part M. Didier Boulaud. Bravo ! des frais de personnel dans la valeur ajoutée. Le taux d’autofinancement des entreprises est supérieur à 100 % M. Didier Migaud, rapporteur général. ... et si l’on s’en depuis quatre ans, ce qui traduit la faiblesse de l’inves- tient aux pays de l’Union européenne, le taux français de tissement et condamne sans appel l’analyse de la pré- chômage est de deux points plus élevé que la moyenne cédente majorité, qui localisait du côté de l’offre la cause européenne. de la faible croissance française. Dans un contexte de croissance économique plus sou- tenu, le Gouvernement et sa majorité plurielle entendent M. Charles de Courson. Grave erreur ! mener une politique novatrice, en favorisant la création de nouveaux emplois d’utilité sociale, culturelle, sportive, M. Didier Migaud, rapporteur général. En fait, les allé- d’environnement et de proximité et en réduisant le temps gements de charge des entreprises, que la précédente de travail. majorité a multipliés, ont été sans effet. La seule nuance que j’apporterai à ce propos peut tenir au coût du travail Pour conclure cette brève présentation du contexte du de la main-d’œuvre non qualifiée. Les entreprises sont projet de loi de finances pour 1998, j’ajouterai un mot donc à l’aise, mais elles n’investiront que si les perspec- sur l’état des finances publiques à la mi-1997. tives de commandes leur permettent d’espérer une profi- Le projet de loi de finances pour 1997, présenté par tabilité de leurs investissements. C’est donc du côté de la mon prédécesseur, affichait trois priorités : la maîtrise demande, en particulier de la consommation des accrue des dépenses publiques, la diminution du déficit ménages, que la nouvelle majorité recherche une stimula- budgétaire et de la réforme de la fiscalité directe. tion de la croissance. C’est, selon nous, le facteur de la L’échec a été patent sur les deux premiers objectifs demande globale qui peut exercer la plus forte influence puisque, selon l’audit des finances publiques réalisé mi- sur la croissance en raison, d’une part, de l’effet de masse, juillet par deux magistrats indépendants, audit que per- d’autre part, de son rôle sur les anticipations des entre- sonne n’a contesté et qui a d’ailleurs été confirmé par prises. l’ancien Premier ministre, les dépenses ont augmenté plus Si l’année 1996 a été marquée par une progression qu’il n’était prévu et le déficit budgétaire dérapait sensi- relative, les ménages ayant tiré sur leur épargne pour blement par rapport à la loi de finances initiale. consommer, l’année 1997 s’annonçait comme une année Des mesures de redressement ont été annoncées. Elles de stagnation, comme l’indiquent les chiffres du premier sont en passe d’être concrétisées par le vote du projet de semestre. loi portant mesures urgentes à caractère fiscal et financier.

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Le dispositif est bien connu. Il comporte une action équi- Sans préjuger des débats nourris que nous aurons sur librée sur la dépense et sur les recettes, en prélevant sur les fascicules, je souhaite, messieurs les ministres, évoquer les agents économiques dont la capacité contributive n’est deux sujets sur lesquels nous attendons des avancées pas contestable, à savoir les entreprises, par le biais d’une significatives. majoration temporaire de l’impôt sur les sociétés. Les anciens combattants d’abord, avec la mise en Les pendules étant ainsi remises à l’heure, il apparte- œuvre des mesures spécifiques pour les anciens d’Afrique nait au projet de loi de finances pour 1998 de concrétiser du Nord,... les engagements pris par la nouvelle majorité devant les M. Félix Leyzour. Très bien ! Français. Le projet qui nous est aujourd’hui présenté est d’abord M. Didier Migaud, rapporteur général. ... en particulier marqué par la préoccupation de la vérité des comptes ; la retraite anticipée pour ceux d’entre eux qui, chômeurs vous y avez insisté, messieurs les ministres. en fin de droits, réunissent le nombre de trimestres de cotisation nécessaire pour une retraite à taux plein. Au cours des années précédentes, la sincérité des bud- gets pouvait légitimement être mise en doute, en France M. Didier Boulaud. Bravo, monsieur Migaud ! comme à l’étranger. M. Philippe Auberger. Nous l’avions fait ! Le Gouvernement a aujourd’hui renoncé à ces facilités et, alors même que sur les bancs de l’opposition on se M. Didier Migaud, rapporteur général. Non, cela reste à déclarait prêt à traquer les astuces budgétaires, nous faire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et n’avons entendu personne contester sérieusement la véra- du groupe communiste.) cité de ce budget qui a fait le choix d’hypothèses réalistes Les retraites agricoles ensuite, ... et d’évaluations sincères. M. Philippe Auberger et M. Charles de Courson. Ah ! M. Philippe Auberger. Vous ne perdez rien pour M. Didier Migaud, rapporteur général. ... avec la néces- attendre ! sité d’engager un processus de revalorisation dont la justi- M. Jean-Louis Idiart. C’est dur, le rôle du perdant, fication tient en un seul chiffre : la prestation moyenne monsieur Auberger ! vieillesse du régime agricole se situe en effet à 1 800 francs par mois. M. Didier Migaud, rapporteur général. Trois grandes orientations sont à l’œuvre. Première orientation : des M. Charles de Courson. C’est vrai ! dépenses maîtrisées faisant place à des priorités vraiment M. Didier Boulaud. Très juste ! financées ; deuxième orientation : un rééquilibrage pro- gressif de notre fiscalité, dont le poids devra aller en M. Didier Migaud, rapporteur général. Merci, monsieur s’amenuisant ; troisième orientation : un déficit réduit et le ministre, monsieur le secrétaire d’Etat, de prendre conforme à nos engagements européens. d’ores et déjà en considération ces deux demandes. Nul ne contestera la nécessité de maîtriser la dépense M. Philippe Auberger. Merci ! publique. On assiste, dans ce projet de budget, à une sta- M. Didier Migaud, rapporteur général. S’agissant des bilisation, en francs constants, des dépenses de l’Etat, grandes catégories de dépenses, j’observe d’abord que avec la préoccupation de rendre celles-ci plus efficaces. l’embellie du côté du service de la dette est plus En dépit de la rigidité de la dépense publique et du comptable que réelle... poids considérable des dépenses contraintes, le Gouverne- M. Charles de Courson. Hélas ! ment, au sein de l’enveloppe strictement mesurée des pla- fonds fixés pour 1998, a procédé à des redéploiements M. Didier Migaud, rapporteur général. ... et seul un très significatifs. Ils le sont de deux façons. abaissement significatif et durable du déficit pourra inver- Par leurs montants d’abord : les masses déplacées qui ser la tendance. Rappelons à cet égard que la précédente ont modifié les services votés représentent au total majorité, qui s’octroie facilement − à tort − les palmes de 118 milliards de francs ; ce sont des redéploiements d’une la bonne gestion financière (Exclamations sur les bancs du ampleur sans précédent. groupe socialiste), aura alourdi la dette publique de 1 400 milliards de francs en quatre ans ! Nous ne le répé- Par leur objet ensuite : économies et moyens nouveaux terons jamais assez. (Protestations sur les bancs du groupe tendent à réorienter l’outil budgétaire de façon à accom- du Rassemblement pour la République et du groupe de pagner la reprise de l’activité et à développer l’emploi, l’Union pour la démocratie française.) tout en renforçant les moyens mis au service des priorités de solidarité et de justice sociale. Il faut à cet égard félici- M. Alain Barrau. Eh, oui ! ter le Gouvernement pour le travail accompli. M. Didier Boulaud. Tous les records sont battus ! Les priorités apparaissent clairement dans ce budget. M. André Billardon. Zéro ! Le Gouvernement, renonçant aux pudeurs habituelles, assume ses choix et n’hésite pas à montrer que près de la M. Didier Migaud, rapporteur général. D’aucuns pointe- moitié des budgets seront réduits. En contrepartie, les ront du doigt la croissance des charges de personnel qui budgets prioritaires connaissent des évolutions positives. − il est vrai − marquent une progression de 3,3 %. Ils En particulier, les crédits de l’emploi croîtront de 9,3 %, n’ignorent pourtant pas le dynamisme spontané des avec notamment une provision de 3 milliards de francs charges salariales, dont l’aspect subi d’une telle évolution. au budget des charges communes pour faire face aux pre- Le projet de budget se caractérise en outre par une mières conséquences de la conférence nationale sur évolution modérée des effectifs de la fonction publique. l’emploi, les salaires et le temps de travail. L’éducation Les effectifs civils font l’objet d’un solde net de 490 créa- nationale, la recherche, la justice sont également priori- tions d’emplois, avec une réallocation au profit des sec- taires et les chiffres l’attestent. De même, l’effort public teurs prioritaires de l’action gouvernementale : en faveur du logement, en faveur des investissements 1 500 postes supplémentaires pour l’éducation nationale, publics toutes actions confondues, progressera de 5,8 %. 762 pour la justice et 328 pour l’emploi et la solidarité.

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M. Didier Boulaud. Très bien ! n’ont pour seul objectif que de faire peur. Je vous renvoie sur ce point à mon rapport écrit qui permet de rétablir la M. Didier Migaud, rapporteur général. Ainsi, le Gouver- vérité sur le montant des prélèvements supplémentaires nement se donne les moyens d’une modération à moyen qui seront réellement supportés en 1998 par les ménages terme des dépenses de personnels civils. et les entreprises ! Quant au personnel militaire, le projet de budget On est loin du matraquage fiscal dénoncé à grands assure le respect de la loi de programmation, s’agissant en coups de matraquage médiatique par l’opposition. Il est particulier de la professionnalisation. vrai que ses membres sont experts en la matière, eux qui Des dépenses contenues, réorientées, ciblées, le même ont assené aux Français, en 1995, 120 milliards de francs effort est accompli en ce qui concerne les recettes. Cha- d’impôts supplémentaires, asphyxiant ainsi la croissance. cun est bien d’accord, le niveau des prélèvements obliga- M. Charles de Courson. Pour payer vos trous ! toires auquel la France est parvenue est trop élevé et devient insupportable pour la très grande majorité des M. Didier Migaud, rapporteur général. Il faut le répéter Français. parce qu’ils ont tendance à l’oublier. M. Charles de Courson. Et vous l’aggravez ! Nous avions un souci en ce qui concerne la fiscalité : la rééquilibrer et la rendre plus juste, et vous avez égale- M. Didier Migaud, rapporteur général. Pompier pyro- ment insisté sur ce point, monsieur le ministre, monsieur mane, le précédent gouvernement le proclamait, après le secrétaire d’Etat. avoir pourtant élevé ce niveau à un record historique. Le Gouvernement a décidé de mettre fin à la réforme Plusieurs députés du groupe socialiste. Eh oui ! de l’impôt sur le revenu engagée par son prédécesseur. M. Augustin Bonrepaux. Il a bien fait ! M. Charles de Courson. Grâce à vous ! M. Didier Boulaud. Très bonne nouvelle ! M. Didier Boulaud. Mais non ! M. Didier Migaud, rapporteur général. Cette réforme M. Didier Migaud, rapporteur général. C’est, mal- coûteuse, non financée, était conçue pour privilégier les heureusement, un record historique. Tout à l’heure, le hauts revenus. ministre avait un échange avec quelques collègues de l’op- position à propos d’un dixième de point. M. Didier Boulaud. Comme d’habitude ! M. Charles de Courson. Les familles ! M. Charles de Courson. 0,3 ! M. Didier Migaud, rapporteur général. Il était nécessaire M. Didier Migaud, rapporteur général. Ce débat est de l’abroger. quelque peu surréaliste lorsque l’on sait que la précédente majorité a augmenté de plus de deux points en quatre Parallèlement, un processus bienvenu de rééquilibrage ans le niveau des prélèvements obligatoires que subissent entre la taxation des revenus du travail et celle des pro- nos concitoyens. (Protestations sur les bancs du groupe du duits du capital est engagé. Celui entre la fiscalité directe rassemblement pour la République et du groupe de l’Union et la fiscalité indirecte, modeste, il est vrai, dans ce projet pour la démocratie française.) Il faut le répéter chaque fois de loi de finances, devra à l’avenir s’amplifier. Un certain que nous le pouvons. nombre d’avantages, voire de privilèges fiscaux, pour les particuliers les plus aisés ou les entreprises sont réduits, M. Philippe Auberger. Vous l’avez déjà augmenté d’un voire supprimés. demi-point en six mois ! M. Didier Boulaud. Très bien ! M. Didier Migaud, rapporteur général. Le présent projet M. Didier Migaud, rapporteur général. Le chemin de loi de finances permet, lui − cela vous embête peut- emprunté est le bon. Il conviendra de poursuivre dans être −, de stabiliser ces prélèvements,... cette voie dans les années à venir. Ainsi, en 1998, pour M. Philippe Auberger. Ce n’est pas vrai. Personne ne le une très grande majorité de Français − mais il est vrai croit ! que le débat fera apparaître que nous ne défendons pas tout à fait les mêmes Français − ... M. Didier Migaud, rapporteur général. ... étape néces- M. Didier Boulaud. saire avant d’amorcer leur décrue. Pas du tout les mêmes ! Que n’a-t-on entendu s’agissant des hausses d’impôts ! M. Didier Migaud. rapporteur général. ... les prélève- Un ancien ministre du budget les évaluait à 37 milliards ments ne progresseront pas au-delà de l’inflation et, glo- de francs. Un ancien président de la commission des balement, le poids de l’impôt sur le revenu et de la TVA finances avançait, lui, le chiffre de 55 à 60 milliards de dans le produit intérieur brut devrait se réduire. francs. Un ancien secrétaire d’Etat au budget puis à la J’observe d’ailleurs que le seul reproche que nous recherche a trouvé, lui, 72 milliards de francs. adresse l’opposition en matière fiscale, ... M. Alain Barrau. Surenchère ! M. Charles de Courson et M. Marc Laffineur. Ils sont nombreux ! M. Didier Migaud, rapporteur général. Les violons méri- teraient d’être accordés. M. Didier Migaud. rapporteur général. ... est celui de ne pas faire assez vite le contraire de ce qu’elle a fait lors- Même s’ils l’étaient, la symphonie obtenue ne corres- qu’elle était aux affaires. pondrait pas pour autant à une bonne partition. M. Jean-Louis Idiart. Très bien ! M. Didier Boulaud. Une cacophonie ! M. Didier Migaud. rapporteur général. Il en est ainsi de M. Didier Migaud, rapporteur général. De fait, les la TVA. Non, c’est vrai, nous ne pouvons pas d’un coup hausses d’impôts découlant du présent projet de loi de de baguette magique supprimer les deux points supplé- finances se situeront aux alentours de 12 milliards de mentaires qui ont alourdi le taux normal de la TVA à francs. On est loin des prévisions de l’opposition qui l’été 1995.

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M. Philippe Auberger. Vous vous y étiez engagé. tablement l’économie des DOM en retire un quelconque C’était une fausse promesse, alors ! bénéfice. Enfin, nous proposerons des dispositions allé- geant le poids de la taxe d’habitation pour les personnes M. Didier Migaud, rapporteur général. Nous l’avions aux revenus modestes. (« Très bien ! » Sur les bancs du promis parce que, d’une certaine façon, nous avions la groupe socialiste). naïveté de croire ce que vous disiez sur la profondeur du déficit, à savoir 3 % du PIB. S’agissant de la provision pour fluctuation des cours, il nous apparaît également indispensable d’adapter le dispo- M. Philippe Auberger. Vous avez fait campagne là- sitif proposé par le Gouvernement. dessus ! La commission des finances a également voté la sup- M. le président. Monsieur Auberger ! pression des abattements bénéficiant à quelque 104 profes- sions. M. Philippe Auberger. Il oublie qu’il a fait des pro- messes, monsieur le président ! M. Charles de Courson. C’est la justice ! M. le président. Laissez le rapporteur général s’expri- M. Didier Migaud, rapporteur général. C’est le seul mer ! Vous pourrez le faire longuement, tout à l’heure, à moment où votre rapporteur général n’a pas été suivi. Il l’occasion d’une motion de procédure. m’apparait indispensable que, dans l’hypothèse où cette suppression serait maintenue, le Gouvernement nous pro- M. Didier Migaud, rapporteur général. ... alors même pose un dispositif d’accompagnement de cette mesure, que M. Juppé, juste après les élections législatives, notamment pour les salariés moyens qui connaîtraient de reconnaissait que la situation budgétaire était beaucoup ce fait une perte sensible de pouvoir d’achat. plus difficile qu’il n’avait pu le dire au moment de la S’agissant de l’impôt sur le revenu, l’opposition a campagne. assené un certain nombre de contre-vérités qui méritent M. Didier Boulaud. Eh oui ! quelques mises au point. M. Didier Migaud. rapporteur général. Avec l’institution Tout d’abord, on met en avant le taux marginal de du taux réduit sur les travaux d’amélioration des loge- l’impôt sur le revenu, c’est-à-dire 54 %, en se gardant ments locatifs sociaux, nous amorçons cependant un pro- bien de dire que, pour les contribuables concernés par ce cessus de baisse ciblée, que les contraintes communau- taux, l’imposition réelle est très inférieure à 54 %... taires rendent d’ailleurs malaisé. M. Jean Tardito. C’est vrai ! M. Gilbert Mitterrand. Ils voteront contre ! M. Didier Migaud, rapporteur général. ... puisqu’elle est M. Didier Migaud, la moyenne pondérée des sept tranches imposées à sept rapporteur général. On trouvera, taux différents, s’échelonnant de 0 à 54 %. certes, toujours en matière fiscale, des sujets d’insatis- faction, et la commission des finances s’est efforcée de M. Jean Tardito. Evidemment ! corriger certaines dispositions qui, selon elle, pouvaient frapper trop lourdement des personnes ayant des revenus M. Marc Laffineur. Chez Tony Blair, c’est 40 %. modestes. M. Didier Migaud, rapporteur général. Nous en sommes loin ! M. Charles de Courson. Les familles ! M. Didier Boulaud. C’est bien la preuve qu’ils ne s’oc- M. Didier Migaud, rapporteur général. C’est ainsi que cupent que des hauts revenus ! nous proposons de relever de 3 000 à 5 000 francs... M. le président. Mes chers collègues, la discussion est M. Charles de Courson. Ce n’est pas assez ! très longue. N’interrompez donc pas l’orateur ! M. Didier Migaud, rapporteur général. ... le plafond de M. Didier Migaud, rapporteur général. Ainsi, le taux l’avantage procuré par la demi-part supplémentaire béné- moyen d’imposition ne s’approche de 54 % que lorsque ficiant aux personnes seules ayant élevé un enfant majeur. le revenu imposable annuel dépasse, pour un couple J’aurai l’occasion de présenter de façon plus détaillée marié, 12 millions de francs. Excusez du peu ! Que ceux les propositions de la commission des finances dans le qui veulent effrayer les Français n’oublient pas que le cadre de l’examen des articles. J’ai bien entendu, mon- salaire moyen net s’établit actuellement à 10 700 francs sieur le ministre, que vous étiez ouvert à nos proposi- par mois ! tions. M. Didier Boulaud. Bien sûr ! Je soulignerai seulement les motivations qui nous ont guidés. Il s’agit de contribuer au rééquilibrage proposé M. Didier Migaud, rapporteur général. Même contre- par le Gouvernement entre la taxation des revenus du tra- vérité, qui relève de l’escroquerie intellectuelle, lorsque, vail et la taxation des revenus du capital. Il s’agit aussi de s’agissant de la diminution du plafond de la réduction favoriser la justice fiscale en mettant fin à certains avan- d’impôt au titre de l’emploi d’un salarié à domicile, on tages indus. met en avant les classes moyennes et on fait le procès de Parmi les principales mesures proposées, il y a la non- la politique familiale du Gouvernement. déductibilité des provisions pour indemnités de licencie- M. Marc Laffineur. Eh ! oui ! ment, la moralisation de la loi Pons relative aux inves- tissement outre-mer. M. Didier Migaud, rapporteur général. En fait, la mesure proposée par le Gouvernement concernerait M. Alain Barrau. Très bien ! 70 000 familles, soit à peine 0,25 % des familles fran- M. Didier Migaud, çaises, et les familles, dans leur très grande majorité, tire- rapporteur général. A cet égard, il ront profit des mesures prévues. s’agit, sans remettre en cause l’essentiel du dispositif, d’éviter que certaines personnes très fortunées ne retirent M. Marc Laffineur. C’est toujours les familles que vous des avantages indus de ces dispositions, sans que véri- attaquez !

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M. Didier Migaud, rapporteur général. Je conviens que M. Philippe Auberger. Monsieur le président, monsieur certaines familles peuvent avoir un problème en raison de le ministre, monsieur le secrétaire d’Etat, mes chers col- l’effet cumulatif de différentes mesures en discussion. Je lègues, voici le premier budget d’une nouvelle législature. souhaite, pour ma part, comme un grand nombre d’entre On attendait un exemple de sincérité, de rigueur et de vous, que le dialogue avec le Gouvernement se poursuive, justice. notamment sur la question de l’AGED. M. Michel Bouvard. Ce n’est pas le cas ! Au-delà donc des gesticulations politiciennes (Exclama- tions sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la M. Philippe Auberger. On a plutôt un monument République et du groupe de l’Union pour la démocratie d’autosatisfaction. (Exclamations sur les bancs du groupe française), il apparaît que ce projet de loi de finances est socialiste.) aussi, du point de vue des recettes, modéré. M. Christian Cabal. Béate ! Modération de la dépense, fiscalité paisible et équi- M. Philippe Auberger. table, ce projet de budget permet aussi à la France de Le pourcentage de 3 % du PIB s’inscrire dans un processus de véritable réduction du des déficits publics serait respecté, les prélèvements obli- déficit public. gatoires n’augmenteraient pas et ce budget soutiendrait la croissance et l’emploi. Tout en réorientant le budget de l’Etat vers l’accompa- gnement de la croissance, il parvient à proposer une M. Didier Migaud, rapporteur général. Cela vous gêne ! réduction du déficit à 27 milliards de francs, soit M. Philippe Auberger. Cela, c’est pour les apparences. 0,47 point de PIB, contribuant ainsi à ralentir la spirale du déficit et de la dette, ce que, messieurs de l’ancienne M. Francis Delattre. C’est un attrape-Migaud ! (Protes- majorité, vous n’étiez pas parvenus à faire dans la loi de tations sur les bancs du groupe socialiste.) finances de 1997. M. Philippe Auberger. Déjà, sur bien des points, ce Avec un solde ramené à 3,05 % du PIB, le budget de projet de budget n’applique pas les promesses de la cam- l’Etat permet donc à la France de parvenir à l’objectif de pagne électorale des socialistes. 3 % fixé pour le besoin total de financement des admi- nistrations publiques. M. Alain Barrau. Ah, un expert ! Avec les mesures de redressement prises pour 1997 et M. Philippe Auberger. Vous aviez promis, mesdames, cet équilibre prévisionnel pour 1998, la France sera ainsi messieurs de la majorité, la baisse des prélèvements obli- présente au rendez-vous de l’euro. gatoires, et notamment de la TVA, « l’impôt le plus Ce résultat doit être d’autant plus souligné qu’il sera injuste pour les familles ». (Rires et exclamations sur les obtenu sans recourir à aucun expédient, contrairement à bancs du groupe socialiste.) la loi de finances pour 1997. M. Didier Boulaud. Elle est très bonne celle-là. C’est M. Alain Barrau. Tout à fait ! un monument ! M. le président. M. Didier Migaud, rapporteur général. Ce projet de Mes chers collègues, laissez l’auteur de budget a été élaboré dans un contexte politique nouveau, la motion de procédure s’exprimer. Vous aurez l’occasion avec l’arrivée d’une majorité et d’un gouvernement de de le faire dans le débat qui suivra. gauche et pluriels. La situation économique et sociale de Poursuivez, monsieur Auberger ! notre pays, elle, n’a pas encore changé. Elle reste difficile M. Philippe Auberger. Vous aviez promis le rééquili- et vous avez eu raison, monsieur le ministre, de le sou- brage de la fiscalité des différents carburants en fonction ligner. de leur caractère plus ou moins polluant. Rien ! Notre pays est aujourd’hui à un tournant. Saura-t-il Vous aviez promis l’arrêt des mises sur le marché retrouver les chemins d’une croissance affermie et soli- d’entreprises publiques et l’intégrité du secteur public. daire ? Ce projet de loi de finances fait le choix d’ac- Pour France Télécom, Thomson, Air France, nous pro- compagner la reprise. Il fait le pari de soutenir la crois- posons l’arrêt des privatisations, aviez-vous déclaré. On sance. Il se veut à la fois plus efficace économiquement et voit ce qu’il en est ! plus juste socialement. Ce sont sûrement les deux condi- tions qu’il convient de remplir pour réussir. Vous aviez promis qu’il n’y aurait pas une application stricte et brutale des critères de Maastricht. Nous refuse- Compte tenu de ces considérations, la commission des rons le respect absolu du critère de 3 % des déficits finances a approuvé le projet de loi de finances pour 1998 publics imposé par Maastricht pour le passage à la mon- et, sous réserve des amendements qu’elle vous proposera, naie unique, annonciez-vous. elle invite l’Assemblée à se prononcer, comme elle, pour la croissance, pour l’emploi et la justice. (Applaudissements M. Didier Migaud, rapporteur général. Pour 1997 ! sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et M. Jean-Marie Le Guen. C’est vous qui nous faites un du groupe Radical, Citoyen et Vert.) monument ! M. Didier Boulaud. Très bien ! Voilà un excellent rap- M. Didier Boulaud. Oui, vous êtes un spécialiste ! port ! M. Philippe Auberger. La campagne électorale, on le voit, est passée. Vous avez gagné, alors foin des promesses Exception d’irrecevabilité passées ! M. Alain Barrau. Vous en savez quelque chose ! M. le président. J’ai reçu de M. Jean-Louis Debré et des membres du groupe du Rassemblement pour la M. Didier Boulaud. C’est un expert qui parle ! République une exception d’irrecevabilité, déposée en M. Philippe Auberger. Messieurs de la majorité, il ne application de l’article 91, alinéa 4, du règlement. suffit pas de ne pas respecter ses promesses et de faire La parole est à M. Philippe Auberger. délibérément le contraire pour établir un bon budget.

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M. Augustin Bonrepaux. Il est meilleur que les vôtres ! ment sous un gouvernement socialiste, sommes qui devraient de ce fait figurer dans le budget de l’Etat stricto M. Philippe Auberger. Votre budget n’est pas un bon sensu en tant que dépenses budgétaires et non comme budget, c’est même un très mauvais budget pour la une affectation du produit des privatisations. France, pour notre avenir et celui de nos enfants. Pour un grand nombre de nos concitoyens, c’est le budget des M. Emmanuelli, président de la commission. Vous faites illusions perdues. votre mea culpa ! M. Christian Cabal. Eh oui ! M. Philippe Auberger. ... la dotation à Réseau ferré de France, GIAT industrie, Charbonnages de France, l’EPFR M. Philippe Auberger. Le critère de 3 % des déficits du Crédit lyonnais ; le développement de la débud- publics par rapport au PIB est respecté, dites-vous. Nous gétisation, qui retire toute signification aux crédits corres- serons donc au rendez-vous de la monnaie unique. pondants du budget. Je pense particulièrement au fonds J’admire d’abord la puissance de la dialectique, puis- interministériel pour les transports terrestres et les voies qu’on nous avait annoncé que 3 % ne serait pas consi- navigables... déré comme un chiffre fétiche. Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour M. le ministre de l’économie, des finances et de l’in- la République et du groupe de l’Union pour la démocra- dustrie. Ce n’est pas la même année ! tie française. Tout à fait ! M. Philippe Auberger. Et on nous dit maintenant : M. Philippe Auberger. ... qui augmente d’une année c’est un bon budget parce qu’il le respecte. sur l’autre de près d’un milliard de francs, passant à plus J’admire surtout la ductilité des ministres communistes. de 5 milliards de francs. Ce fonds se voit désormais Lorsqu’ils étaient sur les bancs de l’Assemblée nationale et confier le gros entretien du réseau routier national et le du Sénat dans l’opposition, ils n’avaient de cesse de vitu- financement d’une part des contrats Etat-Région, ce qui pérer contre Maastricht et les critères pour parvenir à la ne correspond plus du tout à sa mission d’origine. monnaie unique, et, maintenant, ils se taisent dans un M. Jean-Louis Idiart. C’est une autocritique ! silence particulièrement éloquent. M. Philippe Auberger. Cela est d’autant plus grave que, M. Gilbert Mitterrand. M. Séguin aussi ! si je suis bien informé, le Gouvernement envisage aussi M. Philippe Auberger. J’admire encore plus la flexibi- de puiser pour le financement des routes dans Autoroutes lité du ministre de l’intérieur et de ses amis. Il fut un de France. combattant aussi énergique, qui n’avait pas de mots assez Au total, plus d’une trentaine de milliards de francs de durs pour fustiger ce traité et la prétendue domination de dépenses budgétaires ont été « extournés » du projet de la Bundesbank. Aujourd’hui, il est muet et docile sur loi de finances pour 1998, pour parvenir à la norme des toutes ces questions. Quel changement ! 3 %. Enfin, on nous dit qu’on est vraiment aux 3 %, mais M. Jean Marsaudon. La sincérité ! c’est en apparence seulement. Il faut, en effet, que les prévisions en matière de réduc- M. Henri Emmanuelli, président de la commission. Et tion des déficits soient respectées, tant pour le budget de France Télécom, c’était quoi ? l’Etat, près de 30 milliards de francs, que pour le budget M. Philippe Auberger. Eurostat − l’organisme de statis- de la protection sociale, plus de 20 milliards de francs, tiques européennes − est parfois indulgente, mais je doute soit une diminution totale des déficits publics de 50 mil- que, si elle était saisie, elle accepte sans broncher de telles liards de francs. Y arriverons-nous ? pratiques, même si celles-ci auraient, paraît-il, aussi cours Il faut ensuite que la reprise de la croissance annoncée, en Allemagne. 3 % ou 4,2 % avec les prix, soit également au rendez- Puis, il faut voir à quel prix ce taux de 3 % a été vous. Y serons-nous ? On va en discuter. obtenu. Nous aurons en particulier l’occasion de le voir Enfin, pour parvenir à cet objectif, le Gouvernement plus tard de façon approfondie dans le cadre de la dis- n’a pas hésité à utiliser quelques ficelles, dénoncées au cussion de la loi de financement de la protection sociale. mois de juillet dernier par une institution pourtant répu- Des économies très fortes, et à bien des égards aveugles tée proche du pouvoir (Protestations sur les bancs du et injustes, ont été faites − même les élus socialistes le groupe socialiste) , ... reconnaissent − aux dépens des familles, des veuves, des M. Didier Boulaud. Qu’est-ce que ça veut dire ? retraités, des épargnants... M. Philippe Auberger. ... la Cour des comptes. M. Henri Emmanuelli, président de la commission. Des orphelins ! M. Michel Bouvard. Tout à fait ! M. Philippe Auberger. ... bref, de toutes sortes de caté- M. Philippe Auberger. Sans être exhaustif, on peut gories sociales qui attendaient plus d’équité et surtout relever quelques-unes d’entre elles : la comptabilisation à plus d’humanité, voire plus de tempérance, de la part du hauteur de 12,5 milliards de francs du versement de la gouvernement socialiste. (Applaudissements sur les bancs du CADES alors que, pour la moitié, cette somme corres- groupe du Rassemblement pour la République et du groupe pond à un remboursement de dépenses en capital qui n’a de l’Union pour la démocratie française. - Protestations sur pas à figurer dans le budget, puisque les dépenses corres- les bancs du groupe socialiste.) pondantes n’y figurent pas ; la comptabilisation à hauteur Le Premier ministre ajoute : « Mon budget est d’autant d’une bonne vingtaine de milliards de francs au moins, plus remarquable que les déficits publics à 3 % du PIB sur le compte d’affectation spéciale du produit des priva- ont été obtenus sans alourdissement de la pression fis- tisations, de dotations en capital à des organismes publics, cale ». établissements ou entreprises publiques qui n’ont nulle vocation à être un jour ou l’autre privatisés, particulière- M. Pierre Forgues. Eh oui !

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M. Philippe Auberger. D’abord, on constate que les M. Philippe Auberger. Eh bien, mes chers collègues, il promesses solennelles qui avaient été faites de diminuer le le fait en procédant à quatre manipulations. (Exclamations poids de la TVA, en particulier sur les produits de pre- sur les bancs du groupe socialiste.) mière nécessité, et de revoir la fiscalité sur les carburants M. Michel Meylan. Ce sont des manipulateurs ! n’ont pas reçu le moindre commencement d’exécution. M. Philippe Auberger. Premièrement, il prétexte que M. Pierre Forgues. Pour la TVA, ce n’est pas vrai ! l’augmentation de 18 milliards de francs incombe au gou- M. Philippe Auberger. Envolée aussi la promesse de vernement Juppé et non au gouvernement Jospin. On a revoir la fiscalité locale, en particulier la taxe d’habitation déjà fait justice de cette affirmation, notamment la et la taxe professionnelle. semaine dernière. Comment une majoration de l’impôt sur les sociétés, décidée au mois de juillet et non encore Qu’il est doux de faire des promesses pendant les cam- entrée en application, pourrait-elle être imputée au Gou- pagnes électorales si on pense qu’on n’aura pas à les vernement Juppé alors que celui-ci n’est plus en fonctions tenir ! depuis cinq mois ? M. Henri Emmanuelli, président de la commission. Il n’y Comment, d’ailleurs, peut-on qualifier cette majoration aura pas de 26 octobre ! Çela vous a coûté trop cher. de « temporaire », alors qu’elle pourrait, au mieux, dispa- M. Philippe Auberger. Ensuite, il est faux et archifaux raître en l’an 2000 et que, pour la même année, vous de prétendre que les prélèvements obligatoires n’aug- avez annoncé des baisses massives de TVA ? Que de menteront pas en 1998. Il faudrait vraiment être victime traites vous tirez bien imprudemment sur l’avenir ! d’une illusion pour le croire. M. Henri Emmanuelli, président de la commission. L’ave- nir le dira ! M. Pierre Forgues. Vous, vous l’êtes ! M. Jean-Louis Idiart. L’avenir nous appartient ! M. Philippe Auberger. D’abord, il y aura le fameux prélèvement supplémentaire sur les entreprises, majora- M. Philippe Auberger. La deuxième manipulation tion dite temporaire de l’impôt sur les sociétés, que la consiste à oublier de compter les prélèvements supplé- majorité de l’Assemblée vient de voter : 21 milliards de mentaires inscrits dans la loi de financement de la protec- francs pour 1997, 18 milliards de francs pour 1998. tion sociale dans l’estimation de l’alourdissement des pré- lèvements obligatoires en 1998, comme si, notamment, M. Raymond Douyère. La majoration de Juppé était une augmentation de la CSG de 18 milliards de francs définitive ! n’allait pas toucher très lourdement les contribuables. M. Philippe Auberger. Il y aura ensuite les majorations M. Augustin Bonrepaux. Vous n’avez rien compris ! fiscales prévues dans la présente loi de finances pour M. Philippe Auberger. Je sais, monsieur le ministre de 1998 : 5 milliards de francs sur les ménages, 9 milliards l’économie, que vous avez été battu en arbitrage sur ce de francs sur les entreprises, soit, au total, 14 milliards de point... francs. Il y aura également l’alourdissement net de la cotisa- M. Didier Boulaud. Et vous, vous avez été battus aux tion sociale généralisée, prévu dans la loi de financement élections ! de la protection sociale. M. Philippe Auberger. ... mais comment admettre que les Français, eux, ne seront pas victimes d’une telle ponc- M. Jean-Marie Le Guen. Pas pour les salariés, en tout tion ? cas ! La troisième manipulation consiste à oublier les effets M. Philippe Auberger. J’ai parlé de l’alourdissement rétroactifs de la non-compensation totale de la substitu- net, mon cher collègue. Si vous vouliez bien m’écouter, tion des cotisations maladie par la CSG. On nous a dit vous pourriez comprendre ! que cette opération allait dégager une augmentation de Aux 4,5 milliards de francs d’alourdissement de la pouvoir d’achat des salariés, mais on oublie de nous dire C.S.G., s’ajoutent les cotisations supplémentaires récla- que cela va entraîner aussi une augmentation du produit mées à certaines formes d’épargne, pour 4,5 milliards de de l’impôt sur le revenu, puisque cette augmentation de francs également, la majoration de la taxe sur les carbu- pouvoir d’achat sera imposable à l’impôt sur le revenu. rants, pour 5 milliards de francs, la majoration de la taxe M. Henri Emmanuelli, président de la commission. Si je sur le tabac, les prélèvements sur les laboratoires pharma- comprends bien, vous conseillez de ne pas avoir de reve- ceutiques, pour 5 milliards de francs encore, et, enfin, la nus pour éviter toute imposition ! suppression des allégements de charges sociales sur les bas salaires pour près de 9 milliards de francs. M. Philippe Auberger. Cette augmentation de l’impôt sur le revenu peut être estimée à trois milliards de francs. C’est donc, au total, plus de 50 milliards de francs, ou plutôt près de 60 milliards de francs de charges fiscales et Enfin, la quatrième manipulation consiste à faire repo- sociales supplémentaires qui s’abattront en 1998, pour les ser la prétendue baisse, purement optique, d’un dixième deux tiers sur les entreprises et pour un tiers sur les de point des prélèvements obligatoires sur une baisse ménages. attendue, supposée, espérée de la fiscalité locale. Qui peut croire que cette fiscalité pourra baisser M. Pierre Forgues. C’est un expert qui parle ! en 1998, alors qu’elle a connu une hausse continue ces M. Philippe Auberger. On le voit, la promesse de ne dernières années... pas alourdir les prélèvements obligatoires en 1998 est très M. Augustin Bonrepaux. A qui la faute ? scrupuleusement respectée ! Alors, comment le gouverne- ment Jospin ose-t-il affirmer que les prélèvements obliga- M. Philippe Auberger. ... et que la dotation globale de toires n’augmenteront pas en 1998, mais, au contraire, fonctionnement ne progressera, en 1998, que de 1,36 %, diminueront ? c’est-à-dire à peine comme l’inflation, tandis que les salaires et traitements dans la fonction publique territo- M. Pierre Forgues. Parce qu’il sait calculer ! riale augmenteront de plus de 2 % ?

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M. Augustin Bonrepaux. C’est vous qui avez fixé ce M. Philippe Auberger. ... et que, dans certains cas − je chiffre ! C’est votre pacte de stabilité ! pense en particulier à la loi Pons − les parades qui ont été imaginées sous les différents gouvernements, y compris M. Philippe Auberger. C’est un rêve ! Non seulement sous un gouvernement socialiste, monsieur le président de les prélèvements obligatoires augmenteront lourdement en la commission des finances, ... 1998, mais, de plus, cela aura des effets déflationnistes désastreux sur l’économie, la croissance, l’investissement M. Henri Emmanuelli, président de la commission. Il ne et l’emploi. (Applaudissements sur les bancs du groupe du s’agissait pas de cela ! Rassemblement pour la République et du groupe de l’Union M. Philippe Auberger. ... ont été loin d’avoir l’efficacité pour la démocratie française.) qu’on leur prêtait. On l’a déjà dit en ce qui concerne les entreprises, c’est Alors, cette chasse aux niches fiscales apparaît finale- naturellement encore plus vrai lorsque les prélèvements ment quelque peu vaine. Toute réduction des avantages augmentent non de 20 milliards, mais de 40 milliards de d’une niche fiscale ne fait que donner plus d’avantages et francs, ce qui correspond en moyenne à une aug- d’attraits à celles qui subsistent en l’état. C’est un jeu à mentation de 20 % du produit de l’impôt sur les sociétés. somme nulle. Estime-t-on vraiment qu’avec l’impôt sur les sociétés, D’ailleurs, cette chasse, telle qu’elle est exercée par le la taxe professionnelle, la part de la TVA non répercutée gouvernement socialiste, est bien sélective. sur les consommateurs, les entreprises ne contribuent pas suffisamment au financement de l’ensemble des charges M. Henri Emmanuelli, président de la commission. C’est publiques ? le gouvernement de la France ! Il n’y a pas de gouverne- Cet alourdissement sera-t-il supportable pour les entre- ment socialiste comme il n’y a pas de gouvernement prises, alors qu’on va leur imposer par ailleurs la charge RPR ! de passer de 39 à 35 heures et l’embauche de M. Philippe Auberger. On s’attaque à la loi Pons, aux 350 000 jeunes ? quirats de navires, aux emplois à domicile, mais pas un Quant aux particuliers, la liste des personnes qui sont mot n’est dit sur les SOFICA, cette niche fiscale pourtant touchées par les mesures fiscales nouvelles proposées est créée à l’initiative d’un de nos collègues socialistes,... éloquente : les veuves, les familles, ... M. Henri Emmanuelli, rapporteur de la commission. M. Henri Emmanuelli, président de la commission. Les Socialistes, nous sommes fiers de l’être ! orphelins ! M. Philippe Auberger. ... alors ministre de la culture, M. Philippe Auberger. ... les emplois domestiques, les et dont on sait qu’elle ne profite qu’à des poignées de épargnants moyens qui ont cru les gouvernements et ont privilégiés qui se recrutent pour l’essentiel dans le mileu mis leur patrimoine dans l’épargne contractuelle, qui ont du cinéma − les copains (Vives protestations sur les bancs cru en particulier les gouvernements socialistes quands ils du groupe socialiste)... ont créé le PEP et le PEA ! M. Michel Meylan. C’est important, les copains ! Qui peut affirmer qu’une veuve dont la demi-part sup- M. Philippe Auberger. plémentaire est plafonnée à 16 000 francs jouit de reve- ... pour des montants de plu- nus importants, qu’une famille qui a 25 000 francs de sieurs centaines de milliers de francs, c’est-à-dire des revenus par mois est riche, qu’un détenteur d’un plan sommes loin d’être négligeables pour des personnes dont d’épargne logement ou d’un plan d’épargne populaire est les revenus moyens ne peuvent être considérés comme un nanti ? particulièrement modestes. Pas un mot non plus pour les privilégiés de la loi Mal- M. Jean-Claude Lefort. Ça, c’est votre vocabulaire ! raux,... M. Philippe Auberger. D’ailleurs, le Gouvernement et M. Henri Emmanuelli, président de la commission. Mal- la majorité socialiste ont commencé à comprendre qu’ils raux était socialiste ? avaient accumulé les erreurs de ciblage puisqu’ils sont en passe de revenir sur plusieurs de ces mesures, comme si le M. Philippe Auberger. ... et, pourtant, Dieu sait si projet de loi de finances que nous discutons était une celle-ci a pu donner lieu à des abus et est apparue à beau- sorte de brouillon. coup comme un miroir aux alouettes. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) On le voit, le souci de justice fiscale, maintes fois invo- qué, est loin de s’appliquer dans les faits. M. le président. Mes chers collègues, je vous en prie ! Laissez parler l’orateur. M. Michel Bouvard. Très juste ! M. Philippe Auberger. Alors pourquoi, cette justice fis- M. Philippe Auberger. Que dire aussi de la prétendue cale sélective ? chasse aux niches fiscales que devrait révéler ce projet de N’aurait-il pas mieux valu, comme l’avait fait le gou- loi de finances ? (Exclamations sur les bancs du groupe vernement Juppé, aller vers un allégement général de socialiste.) Certes, il y a eu incontestablement des abus l’impôt sur le revenu qui rendait ces niches fiscales plus dans le passé sur certaines déductions fiscales. risquées et moins attrayantes ? M. René Dosière. Quel aveu ! Pourquoi fallait-il alourdir ainsi l’impôt sur le revenu, M. Philippe Auberger. Personne ne peut le nier. (Excla- alors que tous les grands pays modernes, y compris bien mations sur les bancs du groupe socialiste.) Mais personne des pays à majorité socialiste... ne peut nier non plus que le mieux est l’ennemi du M. Henri Emmanuelli. président de la commission. Socia- bien... liste, socialiste ! On se croirait aux Guignols de l’info ! M. Henri Emmanuelli, président de la commission. On M. Philippe Auberger. ... ont, au contraire, diminué le connaît ce genre de casuistique ! taux de cet impôt ? Pour des raisons idéologiques ?

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Pourquoi fallait-il abandonner la réforme Juppé ? Parce M. Marc Laffineur. Vous avez raison ! qu’elle n’émanait pas d’un gouvernement socialiste ? M. Philippe Auberger. Pourtant, cette réforme comportait − j’y avais personnelle- Oh, je sais bien − on nous l’a ment veillé − un aspect de justice fiscale étroitement encore répété tout à l’heure − que le Gouvernement pré- familial dont le gouvernement actuel n’a pas l’air de se tend, en compensation, avoir quadruplé l’allocation de soucier. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) rentrée scolaire ; je dis bien quadruplé. Cette allocation de rentrée scolaire, qui était de M. Marc Laffineur. Les socialistes sont contre la 400 francs sous les précédents gouvernements socialistes, famille ! a été portée à 1200 francs sous le gouvernement Balladur M. Philippe Auberger. Cette réforme visait, en effet, à en 1993 et 1994,... supprimer en cinq ans les effets nocifs du mécanisme de M. Didier Migaud, rapporteur général. Elle est retombée la décote fiscale, mécanisme inventé par un gouvernement à combien sous Juppé ? socialiste en 1982 et qui conduisait à ce paradoxe inouï qu’un couple marié avec deux enfants devait payer beau- M. Philippe Auberger. ... puis a été fixée à 1 000 francs coup plus d’impôts qu’un couple non marié avec chacun sous le gouvernement Juppé, ce qui donne une moyenne un enfant. de 1 100 francs sous la précédente législature. (Exclama- tions et rires sur les bancs du groupe socialiste.) M. René Couanau. C’est exact ! M. Didier Migaud, rapporteur général. Vous en riez M. Philippe Auberger. La suppression de cette situation vous-même ! était coûteuse, puisqu’elle coûtait environ 25 milliards de francs, soit le tiers du coût de la réforme totale, mais M. Philippe Auberger. C’est vrai que cette allocation a c’était une mesure de justice fiscale tout à fait souhai- été portée à 1 600 francs. (Rires et exclamations sur les table, indispensable même à l’égard des familles. Au point bancs du groupe socialiste.) qu’on s’étonne qu’un gouvernement qui se prétend M. le président. Mes chers collègues, laissez parler authentiquement socialiste... l’orateur. M. Jean-Louis Idiart. Pluriel ! Monsieur Auberger, vous avez seul la parole. Poursui- vez. M. Philippe Auberger. ... et préoccupé par la famille ait pu l’abandonner purement et simplement sans présenter M. Philippe Auberger. Cette allocation de rentrée sco- aucune explication valable. laire a été portée à 1 600 francs, disais-je. Il s’agit, per- La politique de la famille, le souci de la famille, ce ne sonne ne peut le contester, d’une augmentation de sont pas seulement des mots, ce sont des actes. La sup- 500 francs. Mais on est très loin du quadruplement pression progressive du mécanisme de la décote en est un annoncé. Il aurait fallu pour cela, la porter à 4 400 francs. que le gouvernement n’aurait pas dû manquer. On en est loin ! Il y a tout de même paradoxe à entendre le ministre de l’économie parler de quadruplement, lui M. Henri Emmanuelli, président de la commission. Que qui est chargé de réprimer la publicité mensongère. (Pro- ne l’avez-vous fait ! testations et rires sur les bancs du groupe socialiste.) Pour- M. Philippe Auberger. D’ailleurs, pourquoi cette chasse tant, il s’agit bien là d’une propagande mensongère ! à la famille et à ses prétendus avantages dans ce projet de («Très juste !» sur les bancs du groupe du Rassemblement budget et dans la loi de financement de la protection pour la République.) sociale qui l’accompagne ? Que dire aussi du fait que le Gouvernement se glorifie L’accumulation de certaines mesures − suppression des de rétablir la réduction d’impôt sur le revenu pour frais allocations familiales à partir d’un certain niveau de de scolarité, alors que celle-ci devait disparaître en revenu, diminution de moitié avec effet rétroactif de la deux ans, en 1998 et en 1999 ? Il oublie simplement de réduction d’impôt pour l’emploi domestique, baisse de rappeler que cette disparition était la contrepartie bien moitié de l’allocation de la garde d’enfants à domicile − modeste de l’avantage beaucoup plus important donné entraînant pour certaines familles une réduction du aux familles par l’allégement de l’impôt sur le revenu et revenu de 17 % va conduire certains conjoints à renoncer la suppression progressive de la décote. Au total, ces allé- à travailler (Oh ! sur les bancs du groupe socialiste), (Excla- gements représentaient plus de 10 milliards de francs mations sur les mêmes bancs), provoquant pour toutes les pour les familles concernées, somme qui est à mettre en familles touchées un profond déséquilibre du budget regard des 3 milliards de francs de réductions d’impôts. familial. Donc, contrairement à ce qui est affirmé, les familles M. Henri Emmanuelli, auraient largement été gagnantes si la réforme de l’impôt président de la commission. sur le revenu préparée par M. Juppé avait été poursuivie. Neuilly est sinistrée ! D’ailleurs, si le Gouvernement actuel était de parfaite M. Philippe Auberger. D’ailleurs certains de nos col- bonne foi... lègues de la majorité − des députés socialistes et des députés communistes − s’en sont émus. M. Marc Laffineur. C’est impossible ! Que veut-on ? Rendre la vie de ces familles plus diffi- M. Philippe Auberger. ... il ne rétablirait pas une cile, voire impossible ? Ne constate-t-on pas qu’elle est réduction d’impôt, il octroierait un crédit d’impôt ouvert déjà suffisamment difficile pour ne pas les perturber par à toutes les familles, imposables ou non, ce qu’il ne fait de tels soucis financiers. pas. M. Pierre Forgues. Il ne manque que les mouchoirs ! M. Henri Emmanuelli, président de la commission. Vous n’allez pas nous faire le budget ! M. Philippe Auberger. Il y a même − et je pèse mes mots − une sorte d’indécence à proposer de telles mesures M. Philippe Auberger. Que dire aussi de la chasse à et à se prétendre les défenseurs de la famille, car rien ne l’épargnant qui est faite dans ce budget où sont revus à la peut justifier ce qui est fait. baisse non seulement le régime des quirats − il est même

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supprimé − la loi Pons, mais aussi l’assurance vie, le rem- M. Jean Tardito. Il ne croit pas ce qu’il dit ! boursement de l’avoir fiscal, sans compter l’alourdisse- M. le président. Mes chers collègues, je vous prie de ment considérable des prélèvements sur les produits de bien vouloir vous calmer, de façon que M. Auberger l’épargne contractuelle prévu dans la loi de financement puisse terminer. de la protection sociale ? Pourquoi un tel acharnement sur de l’épargne M. Pierre Forgues. Il nous provoque, monsieur le pré- moyenne ou modeste (Exclamations sur les bancs du sident ! groupe socialiste, du groupe Radical, Citoyen et Vert et du M. Henri Emmanuelli, président de la commission. Il fait groupe communiste), ... un numéro de cirque, mais trop tardif ! M. Augustin Bonrepaux. Les épargnants de la loi M. Philippe Auberger. Si ce projet de budget est Pons ! injuste et discriminatoire dans sa partie fiscale, il n’est pas M. Philippe Auberger. ... qui est souvent un meilleur dans sa partie dépenses. complément de revenus programmé pour la retraite, qui On prétend que c’est un budget rigoureux qui soutient constitue le fruit de l’effort, du travail et qui a déjà fait la croissance. D’abord, il y a quelque paradoxe à entendre l’objet d’une imposition lorsque cet argent a été gagné ? le gouvernement socialiste, qui déclarait il y a peu qu’il Croit-on vraiment que l’épargne est suffisamment fallait réhabiliter la dépense publique, qu’il y avait en abondante en France, ... France une insuffisance de la demande, nous présenter ce budget comme un bon budget, où la dépense publique M. Henri Emmanuelli, président de la commission. Oui ! n’augmenterait que de 1,36 %. Ainsi, en quelques mois, M. Philippe Auberger. ... qu’il sera si facile de financer que dis-je, en quelques semaines, on aurait complètement le déficit budgétaire, la dette de la sécurité sociale, les changé d’analyse économique ? C’est dire que ce budget besoins du secteur public et des entreprises privées, pour est fondé davantage sur l’opportunisme que sur des décourager l’effort d’épargne, réduire sa rémunération convictions et sur une politique. alors que celle-ci a déjà beaucoup diminué avec la baisse Qu’en est-il au juste de cette prétendue rigueur ? des taux d’intérêt ? C’est une vue de l’esprit. C’est sacri- fier l’investissement futur au présent immédiat. D’abord, se glorifier parce que, pour la première fois depuis vingt ans − les socialistes n’ont-ils pas été au pou- Que dire aussi du fait que le Gouvernement, qui pré- voir dix ans au cours de ces seize dernières années ? − ... tend chasser, pourchasser les niches fiscales, ait pensé rétablir une disposition inique de notre droit fiscal qui M. Henri Emmanuelli, président de la commission. Ils permet à certaines catégories socio-professionnelles parti- sont revenus ! Les Français les ont regrettés ! culières de disposer, sans aucune justification que l’appar- M. Philippe Auberger. ... le budget n’augmente pas tenance à ces catégories, de déductions forfaitaires supplé- plus que l’inflation est une grossière contrevérité. La loi mentaires au titre des frais professionnels ? de finances pour 1997 voyait les dépenses augmenter de Ni la liste de ces professions ni le taux de ces déduc- 0,8 %, soit nettement moins que l’inflation. tions ne reposent sur des critères sérieux, impartiaux, De plus, il faut examiner la façon dont le chiffre affi- indiscutables et objectifs. Aucune justification, ni écono- ché de 1,36 % est obtenu. En réalité, les dépenses de mique, ni sociale, ni fiscale, ne peut être invoquée pour fonctionnement, c’est-à-dire le train de vie de l’Etat, vont maintenir de telles dispositions dont la régularité juri- augmenter l’année prochaine de 3,15 %, soit plus de dique est d’ailleurs souvent douteuse. Le gouvernement deux fois plus vite que l’inflation, et nettement plus vite d’Alain Juppé avait eu le courage de s’attaquer à ce pro- que la hausse prévisionnelle des rémunérations de la fonc- blème, maintes fois dénoncé, y compris par des ministres tion publique, estimée à 2 %. socialistes du budget, et jamais résolu. Voilà que le nou- veau gouvernement, après maintes hésitations, décide de Où est alors la rigueur affichée ? rétablir ces privilèges. M. Henri Emmanuelli, président de la commission. Par- Où est la logique, mes chers collègues ? tout ! M. Francis Delattre. Aucune logique ! M. Philippe Auberger. Pas dans les moyens courants de M. Philippe Auberger. Où est l’équité ? l’administration, qui est, comme toute administration sous gouvernement socialiste, fort dépensière. Non ! Heureusement, certaines voix se sont élevées dans la L’effort est obtenu en comprimant fortement trois sec- majorité pour appuyer un amendement, que Charles de teurs : la dette publique, les investissements civils, les Courson et moi avons déposé, visant à supprimer cette équipements militaires. disposition. Souhaitons pour l’honneur de notre démocratie ... M. Marc Laffineur. Exactement ! C’est l’investissement qui est sacrifié ! M. Henri Emmanuelli, président de la commission. Pas de grands mots ! M. Philippe Auberger. La dette publique n’augmentera pas de plus de 0,96 %. Cela ne résulte pas d’un effort M. Philippe Auberger. ... qu’il en soit de même en particulier dans ce domaine, car le stock de dettes à séance publique cette semaine. Quelle considération pour- financer va continuer à augmenter sensiblement, mais rions-nous garder aux yeux de l’opinion publique si, pour simplement du fait que le gouvernement d’Alain Juppé la majorité de cette assemblée, la justice fiscale se résu- avait été beaucoup plus précautionneux que le gouverne- mait à rétablir des privilèges ? ment Jospin... M. Francis Delattre. Tout à fait ! M. Jean-Pierre Balligand. De Lionel Jospin ! M. Pierre Forgues. Il est atteint d’amnésie ! M. Philippe Auberger. ... dans le calcul des charges de M. Henri Emmanuelli, président de la commission. la dette. On peut prévoir de ce fait un gain sur les Quand on a créé les déductions au titre des quirats, on dépenses de 6 à 8 milliards de francs, ce qui permet d’af- ne donne pas de leçons ! ficher un taux de progression très raisonnable pour 1998.

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Les investissements civils, pour les crédits inscrits au revalorisation est déjà dépassée et rien ne permet de pen- budget vont régresser en 1998 de 0,48 %, ce qui montre ser que nous pourrons encore en bénéficier l’année pro- une fois de plus qu’ils vont être sacrifiés au détriment de chaine. l’effort nécessaire d’équipement de notre pays et de La consommation ne me paraît pas non plus devoir l’emploi. évoluer plus favorablement l’année prochaine. En effet, Quant aux équipements militaires, ils diminuent de les ponctions supplémentaires qui sont inscrites dans la 8 milliards de francs d’une année sur l’autre et sont net- loi de finances comme dans la loi de financement de la tement en retrait par rapport à la loi de programmation protection sociale vont peser sur le revenu disponible, militaire qui a été votée il y a quelques mois. donc sur la consommation. Tant que la situation de l’emploi ne s’améliorera pas significativement − qui pour- M. Guy-Michel Chauveau. Mais en crédits consommés, rait prévoir que ce sera le cas en 1998 ? −, il y a peu de cela fait plus qu’en 1995 et 1996 ! chances que la consommation progresse à un niveau plus M. Philippe Auberger. Une nouvelle fois, les engage- élevé. ments solennels qui ont été pris ne seront pas appliqués. M. Claude Lanfranca. Vous êtes pessimiste ! Est-ce vraiment raisonnable ? A-t-on correctement tenu compte des effets de cette chute des crédits sur l’emploi M. Philippe Auberger. Enfin, on fait tout reposer sur dans le secteur de l’armement ? une reprise de l’investissement. Mais cette reprise de l’in- Dans ces conditions, on peut avoir des doutes sérieux vestissement est devenue depuis plusieurs années l’Arlé- sur la réalisation des prévisions économiques associées à la sienne de notre conjoncture économique, et l’expérience a loi de finances, et en particulier sur l’obtention du taux montré qu’il ne suffisait pas de rendre publiques des pré- de croissance de 3 %. visions flatteuses, car celles-ci doivent ensuite être sans cesse revues à la baisse. Pourquoi en serait-il différem- Mes chers collègues, je ne veux pas jouer les Cassandre. ment en 1998 ? Pourquoi les investissements augmente- J’aime mon pays et je souhaite pour son avenir et pour raient-ils de 4 % et les investissements industriels de l’emploi qu’il connaisse en 1998 la croissance la plus 7 % ? Quelle confiance peut-on faire à un tel pronostic ? forte possible. Personnellement, je pense que ces prévisions sont exa- M. René Dosière. Comme c’est beau ! gérément optimistes, que les 40 milliards de francs de M. Henri Emmanuelli, président de la commission. Mais prélèvements supplémentaires imposés aux entreprises et vous n’aimez pas les socialistes ! la perspective de financer les trente-cinq heures payées trente-neuf vont peser lourdement sur les disponibilités M. Philippe Auberger. Je dois le reconnaître, le seul financières des entreprises, leurs possibilités comme leur fait que la plupart des économistes situent la croissance goût d’investir, et que le manque de lisibilité de la poli- probable entre 2,5 % et 3 % et que le Gouvernement ait tique économique du gouvernement socialiste à leur égard choisi la partie la plus haute de cette fourchette n’em- ne pourra que les renforcer dans la voie de la méfiance, porte pas ma conviction. de la frilosité et de l’attentisme. Dois-je rappeler que, pour le dernier budget présenté M. Henri Emmanuelli, président de la commission. Ce par un gouvernement socialiste, gouvernement auquel sont des mots d’ordre ! appartenait l’actuel ministre de l’économie, M. Strauss- Kahn, la prévision affichée par le gouvernement de Pierre M. Philippe Auberger. Naturellement, les résultats Bérégovoy était supérieure à 2 %, alors que nous avons économiques de 1998 seront largement conditionnés par malheureusement observé une régression de 1,3 % ? l’évolution de la situation de l’emploi, de même que la situation de l’emploi évoluera très directement en fonc- M. Pierre Forgues. Parce que vous avez gagné et que tion des résultats économiques. vous avez tout cassé ! Qui peut raisonnablement escompter aujourd’hui une M. Philippe Auberger. Je n’avais pas, je l’avoue, anti- amélioration sur ce point l’année prochaine ? cipé, à l’époque, une telle chute, mais j’étais dans cette Tout indique, au contraire, que nous sommes encore à assemblée l’un des rares à m’être élevé avec force contre l’heure actuelle nettement en dessous de notre potentiel une telle prévision, parfaitement exagérée. de croissance et que, dans ces conditions, les effets d’une M. Henri Emmanuelli, président de la commission. Et croissance qui atteindrait même 3 % l’an prochain met- par la suite, vous ne vous êtes jamais trompé ? traient des mois et des mois avant de se faire sentir dans le domaine de l’emploi. M. Jean-Pierre Balligand. Surtout quand vous étiez Le Gouvernement nous dit qu’il attend une améliora- rapporteur général ! tion grâce à l’engagement de la procédure des emplois- M. Alain Barrau. Cassandre ! jeunes, puisqu’il annonce la création de 150 000 emplois de ce type avant la fin de 1998. M. Jean-Pierre Balligand. Vous vous êtes trompé régu- lièrement ! Compte tenu des caractéristiques de ces emplois et du profil des candidatures observé dans le secteur de l’ensei- M. Philippe Auberger. Sans croire aujourd’hui à un tel gnement, par exemple, il est hautement probable que ces aveuglement, je n’aperçois pas pour l’année prochaine les emplois créeront un phénomène de substitution et que raisons d’une amélioration significative de la conjoncture l’effet quantitatif sur le niveau du chômage sera très infé- et de la croissance. La récente décision prise simultané- rieur au nombre d’emplois ouverts. ment par la Bundesbank et la Banque de France jeudi En revanche, les modalités retenues pour le finance- dernier d’augmenter les taux d’intérêt ne peut que renfor- ment sont particulièrement discutables. En effet, les 8 mil- cer mes craintes dans ce domaine. liards de francs nécessaires au financement de ces emplois Certes, cette année, le commerce extérieur a évolué très dans le budget du ministère des affaires sociales ont été favorablement, mais ce fut largement dû à la revalorisa- pris sur les crédits destinés à financer l’allégement des tion du dollar et d’autres monnaies comme la livre. Cette charges sociales sur les bas salaires,...

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M. Francis Delattre. Tout à fait ! Or il n’est pas douteux que le projet de loi de finances a été distribué le 6 octobre seulement, à vingt heures, et M. Philippe Auberger. ... puisque ceux-ci ont diminué que certaines annexes explicatives ont été distribuées avec de 2 milliards de francs pour tenir compte de l’abaisse- beaucoup de retard. On pourra, bien sûr, objecter qu’un ment à 1,3 au lieu de 1,33 du plafond en dessous tel retard a été assez fréquent dans le passé. duquel les charges sociales sont réduites, de 6 milliards de francs pour la proratisation des allégements lorsqu’il s’agit M. Henri Emmanuelli, président de la commission. Il y a de travailleurs à temps partiel et de 2 milliards de francs tout de même eu une dissolution au mois de mai ! pour le plan textiles et assimilés. C’est très grave pour M. Philippe Auberger. Il entache néanmoins l’examen l’emploi. En effet, on met en place des emplois quasi du projet de loi de finances. On a souligné tout à l’heure publics au détriment d’emplois privés, on privilégie l’effet que nous devions disposer de délais plus longs pour l’exa- d’affichage au détriment d’un besoin reconnu comme miner ; l’opposition, notamment, n’a pas les mêmes celui d’alléger les charges sur les bas salaires et on crée un moyens que la majorité pour obtenir des informations et effet d’éviction puisque les bénéficiaires des emplois des explications de la part du Gouvernement et des admi- jeunes seront a priori plus qualifiés que ceux qui gagnent nistrations. un salaire réduit dans le secteur privé. M. Pierre Forgues. Oh ! Vous avez encore des amis Cette substitution est en fait une véritable régression. bien placés ! Elle tourne le dos à la politique, définie en 1993 et M. Philippe Auberger. Au début d’une législature nou- amplifiée en 1995 et 1996, consistant à diminuer les velle, alors que M. le Premier ministre s’est montré à charges trop élevées sur les bas salaires, et cela de façon juste titre soucieux des droits du Parlement dans son dis- particulièrement brutale puisque ce sont pratiquement un cours de politique générale, que M. le secrétaire d’Etat au cinquième des crédits prévus à ce titre qui disparaissent. budget a déclaré, il n’y a pas si longtemps, vouloir faire Voilà certainement une mesure qui jouera à terme contre un effort particulier dans ce domaine, que le président de l’emploi tant il est vrai que l’effort entrepris a permis de l’Assemblée nationale a souhaité revoir la procédure de la maintenir ou de créer plusieurs centaines de milliers discussion budgétaire et demandé à M. le président de la d’emplois au cours de ces dernières années, tous les obser- commission des finances de diriger un groupe de travail à vateurs impartiaux, y compris le commissariat au Plan, le cet effet, il importe que les droits du Parlement soient reconnaissent. respectés. Or les dispositions concernant le délai du dépôt Quant aux 490 emplois créés dans la fonction de l’ensemble des documents du projet de loi de finances publique par ce budget, ils seront très loin de compenser n’ont pas été scrupuleusement respectées cette année. Le les pertes prévisibles d’emplois que ce budget va entraîner retard doit donc être sanctionné. dans le secteur des travaux publics en raison de la régres- M. Henri Emmanuelli, président de la commission. Le sion des crédits d’équipement, surtout dans le secteur de délai est le même que l’année dernière, avec la dissolution l’armement. en plus ! Au total, ce budget est très loin, contrairement à ce M. Philippe Auberger. Ensuite, certaines dépenses ne que prétend M. le Premier ministre, d’être un budget figurent pas dans le projet de budget comme elles le favorisant l’emploi. C’est au contraire un budget qui va, devraient, aux termes de l’article 6 de l’ordonnance de hélas ! contribuer un peu plus à aggraver la situation de 1959, et une recette y figure alors qu’elle n’y a pas sa l’emploi dans notre pays, déjà si détériorée. place, ainsi que l’a rappelé la Cour des comptes dans son En définitive, ce budget comporte un certain nombre analyse de la gestion de 1996, analyse rendue publique au d’habiletés qui lui donnent une apparence à première vue mois de juillet dernier et que le Gouvernement ne pou- quelque peu flatteuse. Mais, à l’analyse,... vait donc ignorer lorsqu’il a préparé le présent projet de loi de finances. M. Henri Emmanuelli, président de la commission. Vous appelez cela une analyse ? Ces opérations altèrent l’équilibre du budget de plus d’une vingtaine de milliards de francs et sont par M. Philippe Auberger. ... il annonce une forte aug- conséquent de nature à modifier sensiblement le juge- mentation des prélèvements fiscaux et sociaux, des ment que l’on peut porter sur les conditions de réalisa- mesures discriminatoires et injustes au regard de l’équité tion de l’équilibre. fiscale, il ne soutient pas la croissance et va encore aggra- De plus, M. le Premier ministre a annoncé vendredi ver la situation de l’emploi. dernier des mesures financières importantes pour les Au terme de cette démonstration,... entreprises de plus de dix salariés qui décideraient de réduire de 10 % la durée du travail sans attendre la date M. Claude Lanfranca. Laquelle ? butoir de l’an 2000 prévue dans la loi. On parle d’une aide dégressive de 9 000 francs par salarié la première M. Philippe Auberger. ... c’est donc un budget qui année. Il s’agit d’une dépense très importante qui peut, si n’est bon ni pour notre pays ni pour notre avenir. la mesure est efficace, concerner plusieurs millions de Mais ce constat ne peut, à lui seul, justifier le vote salariés et donc porter sur plusieurs milliards voire plu- d’une motion d’irrecevabilité. Cinq raisons motivent sieurs dizaines de milliards de francs, mais rien n’a été l’adoption d’une telle motion. prévu à ce titre dans le projet de budget. D’abord, une raison de forme. L’article 38 de l’ordon- Comment peut-on annoncer une dépense aussi impor- nance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative tante, non financée, alors que nous sommes en train de aux lois de finances a prévu que « le projet de loi de discuter de la loi de finances ? Manifestement, les règles finances de l’année, y compris le rapport et les annexes élémentaires d’examen par le Parlement de la loi de explicatives prévus à l’article 32, est déposé et distribué finances ne sont pas respectées. au plus tard le premier mardi d’octobre de l’année qui En troisième lieu, il est évident que certains documents précède l’année d’exécution du budget », c’est-à-dire, cette annexés à la loi de finances et prévus explicitement à année, le 7 octobre à zéro heure. l’article 32 de l’ordonnance de 1959 ont été élaborés de

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façon tendancieuse, inexacte et incomplète, de façon à De la sorte, il a manifestement violé la volonté du fausser le jugement des parlementaires sur cette loi de pouvoir constitutionnel, qui a souhaité, par la forme des finances. lois de finances et des lois de financement de la protec- Prenons l’exemple du rapport économique et financier, tion sociale, comme par l’imbrication des calendriers qui constitue la première annexe citée dans l’article 32 et d’examen, assurer une parfaite coordination de ces deux est donc tout à fait fondamental, en ce qui concerne tant lois. Le fait que ce souhait ne soit pas respecté cette les résultats connus que les perspectives d’avenir. Dans ce année alors que rien ne s’opposait à cette coordination document, il est fait état de chiffres quant aux prélève- doit entraîner la censure constitutionnelle de cette loi de ments obligatoires − 46 % pour 1997 et 45,9 % pour finances. 1998 − sans que les modalités de calcul utilisées soient Enfin, il est une disposition fiscale du projet de loi de davantage explicitées. Or il est manifeste que ces chiffres finances, qui a déjà été relevée comme étant particulière- sont inexacts et entachent profondément l’analyse que ment choquante au regard de l’équité : je veux parler du l’on peut faire de l’évolution de ces prélèvements depuis rétablissement des déducations forfaitaires supplémen- l’entrée en fonction du gouvernement Jospin. Outre taires pour frais professionnels au bénéfice de certaines l’évolution spontanée des prélèvements passés, on arrive à professions. une augmentation de ces prélèvements de plus de 50 mil- M. Charles de Courson et M. Marc Laffineur. Exacte- liards de francs. ment ! Dans ces conditions, le recul annoncé est purement M. Philippe Auberger. Il n’est pas douteux, et le imaginaire et l’analyse économique des effets de cette loi Conseil d’Etat l’a, semble-t-il, déjà relevé lors de l’examen de finances gravement erronée. S’agissant d’un point aussi du projet de loi de finances, que le rétablissement de ces important et aussi sensible de la politique budgétaire et déductions, s’il était adopté, serait non seulement une fiscale, cela justifie une sanction. faute grave, mais aussi une rupture manifeste de l’égalité M. Didier Migaud, rapporteur général. Vous l’avez déjà devant les charges publiques justifiant amplement la cen- eue en ce qui vous concerne ! sure au regard de nos règles constitutionnelles et de la Déclaration universelle des droits de l’homme et du M. Henri Emmanuelli, président de la commission. Vous citoyen. pourriez peut-être demander qu’on dissolve à nouveau C’est pour ces cinq raisons que j’ai l’honneur, mes l’Assemblée ! chers collègues, au nom du groupe du RPR, de vous demander d’adopter l’exception d’irrecevabilité et donc de M. Philippe Auberger. En quatrième lieu, nous avons refuser d’examiner en l’état le projet de loi de finances. procédé en 1996 à une importante réforme constitu- (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement tionnelle et nous avons adopté une loi organique qui fait pour la République et du groupe de l’Union pour la démo- obligation au Gouvernement de nous présenter au mois cratie française.) d’octobre une loi sur le financement de la protection sociale, loi qui doit être étudiée pendant l’examen de la M. le président. La parole est à M. le ministre de loi de finances et dont le contenu doit être non seule- l’économie, des finances et de l’industrie. ment coordonné mais plus encore compatible avec celui M. le ministre de l’économie, des finances et de l’in- de la loi de finances. dustrie. Je ne voudrais pas laisser M. Auberger sans M. Francis Delattre. Très juste ! réponse, même si le discours fleuve qu’il a prononcé ne me permettra pas de reprendre l’ensemble des arguments M. Philippe Auberger. Cela n’a pas échappé à la Cour qu’il a avancés. Si je le faisais, nous serions encore ici très des comptes, qui déclare dans son dernier rapport sur la tard. sécurité sociale, à la page 30 : « Le calendrier de prépara- Je voudrais d’abord corriger quelques points. tion de la loi de financement est lui-même un peu décalé Avant tout, j’entends défendre les fonctionnaires de la par rapport à celui du projet de loi de finances. L’essen- Cour des comptes injustement traités par M. Auberger, tiel du travail de préparation de la loi de financement qui s’en sert au gré de ses besoins, ce qui n’est pas très pour 1997 s’est fait en juillet 1996. Néanmoins, les correct. calendriers sont suffisamment proches pour que les deux M. Auberger, vous les louez aujourd’hui pour certains projets puissent être établis sur les mêmes hypothèses de leurs commentaires alors que, lors de la réunion de la économiques et comporter les mêmes évaluations pour commission des finances au mois de juillet, lorsque leur toutes les données communes ». audit a été présenté, vous n’aviez pas de mots assez Or cette procédure n’a manifestement pas été rigou- sévères pour faire valoir que les fonctionnaires de la Cour reusement suivie en 1997. Les données annexées à la pré- des comptes n’étaient pas faits pour procéder à des sentation de la loi de finances indiquent explicitement audits, qu’ils étaient du reste incapables de réaliser. que ni l’opération de transfert des cotisations sociales d’assurance maladie sur la CSG, ni l’augmentation de la M. Francis Delattre. On n’a jamais dit qu’ils étaient CSG sur l’épargne, ni la diminution des prestations fami- incapables ! liales n’ont été prises en compte pour la préparation de la M. le ministre de l’économie, des finances et de l’in- loi de finances alors que ces éléments ont une incidence dustrie. Mais laissons ce point de côté ! sur le revenu disponible, sur le revenu imposable à l’im- Par ailleurs, les chiffres que vous avez cités sur ce que pôt sur le revenu, sur le niveau de l’épargne et des pré- vous appelez le train de vie de l’Etat sont inexacts. Je vais lèvements obligatoires. vous donner les chiffres réels, mes services se tenant bien On voit bien d’ailleurs pourquoi le Gouvernement a sûr à la disposition de vos assistants et de la vôtre pour procédé ainsi : il a entendu de la sorte masquer l’aug- plus de détails. mentation globale des prélèvements et la diminution des La baisse est de 0,5 % et, si l’on ne tient pas compte prestations, et atténuer ainsi les effets particulièrement des dépenses exceptionnelles, telles que celles qui sont néfastes de ces mesures. relatives aux élections, elle s’établit à 3,7 %.

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Autre chiffre inexact : en lisant le budget des investisse- M. le ministre de l’économie, des finances et de ments, vous vous êtes malheureusement arrêté une ligne l’industrie. J’espère que le chiffre sera encore plus bas trop tôt, vous en tenant à l’ensemble du budget. Vous en 1999. n’avez pas retiré ce qui est lié à la baisse des autorisations Concernant la CADES, je n’insisterai pas. Vous avez de programme ou des crédits de paiement des charges inventé ! En effet, nous ne faisons que conserver la façon communes, relatifs à des dépenses exceptionnelles. Je dont vous vous en êtes servi. Je ne dis pas que c’est parti- pense notamment à ce que nous versons à des fonds culièrement glorieux, mais il faut bien éponger les déficits internationaux pour l’année qui nous concerne, le FED passés. qui, si j’ai bonne mémoire, a été fortement alimenté à l’initiative du précédent Premier ministre. M. Henri Emmanuelli, président de la commission. C’est commode ! Si l’on ne tient pas compte des versements aux orga- nismes internationaux, l’investissement civil ne diminue M. le ministre de l’économie, des finances et de pas de 0,5 %, mais il augmente de 2,3 %. Je pense que l’industrie. Vous avez ensuite dressé un inventaire à la vous pourrez aisément corriger ce point dans vos notes. Prévert de tous les impôts qui augmentent. On peut tou- Entrons maintenant dans un domaine plus politique. jours le faire, monsieur Auberger : il est clair que, grâce à la croissance, les impôts augmentent chaque année. Mais Je n’ai pas bien compris si, parlant de la stabilisation le problème est de savoir s’ils augmentent moins ou plus des dépenses, vous nous en faisiez grief car nous, socia- que le PIB. Il ne vous a pas échappé que le taux des pré- listes, ne devrions pas être pour cette stabilisation, ou si lèvements obligatoires était le rapport entre les deux. Or vous vous en félicitiez parce que nous faisions ce que je les différents impôts que vous avez évoqués, dont la vous avais déjà entendu réclamer dans le passé sans tou- « sommation » vous a pris une dizaine de minutes, corres- jours l’obtenir. pondent à une augmentation des prélèvements en valeur Par exemple, vous dites : « Vous avez promis la baisse de 3 %. Comme le PIB augmente de 4,2 %, on peut de la TVA ». Outre le fait que chacun sait que ce que effectivement parler d’une baisse des prélèvements. nous avons annoncé doit s’étaler sur toute une législature, M. Charles de Courson et M. Michel Bouvard. En pré- vous auriez dû consulter quelques chiffres. vision ! En 1997, la TVA a rapporté 635 milliards de francs et elle en rapportera 635 milliards en 1998. Vous m’ob- M. le ministre de l’économie, des finances et de jecterez qu’il ne s’agira pas d’une baisse. Il s’agira pour- l’industrie. Vous avez raison. Mais, à l’occasion de tant d’une baisse en pourcentage : la TVA, qui représen- chaque loi de finances initiale, on fait bien évidemment tait 7,2 % du PIB, n’en représentera l’année prochaine état de prévisions. que 7,1 %. Vous avez fait sur la fiscalité locale une incidente que je n’ai pas comprise. Selon vous, nous escompterions une Cela ne va pas loin, et je l’ai reconnu moi-même tout baisse de la fiscalité locale pour parvenir aux fameux 3 %. à l’heure. Une baisse plus substantielle de la TVA ne pourra intervenir que lorsque nous disposerons de quel- M. Charles de Courson et M. Jean-Jacques Jegou. On ques marges de manœuvre. Mais cette année même, elle passerait de 7,2 à 7,1 % ! C’est dans vos propres dossiers ! commence, et je tiens les chiffres à votre disposition. M. le ministre de l’économie, des finances et de l’in- Malgré les difficultés qu’il y avait à boucler le budget, la dustrie. Encore cette confusion entre la volonté de baisser demande de la majorité, respectant en cela ses thèmes de ou d’augmenter un impôt, et le rapport de cet impôt au campagne électorale, de voir diminuer la part que repré- PIB. sente la TVA dans le PIB, est satisfaite − faiblement, j’en conviens... M. Henri Emmanuelli, président de la commission. Ils font semblant de ne pas comprendre ! M. Marc Laffineur. Allez expliquer cela aux ménages ! M. le ministre de l’économie, des finances et de l’in- M. le ministre de l’économie, des finances et de l’in- dustrie. Je vous avais mal compris, mais M. de Courson dustrie. ... puisqu’elle passe de 7,2 à 7,1 % du PIB. est heureusement venu à votre secours. J’avais en effet cru que vous aviez confondu l’excédent attendu des adminis- M. Charles de Courson. C’est peu ! trations publiques locales avec une baisse de la fiscalité M. Henri Emmanuelli, président de la commission. Oh ! locale. Mais penser une telle chose aurait été injurieux Je vous en prie, monsieur de Courson ! s’agissant d’un ancien rapporteur général ! (Sourires). M. le ministre de l’économie, des finances et de Vous dénoncez le terme de « quadruplement », concer- nant l’allocation de rentrée scolaire. A vrai dire, vous en l’industrie. Vous nous avez renvoyés au respect des cri- tères prévus par le traité de Maastricht. Mais il y avait, riiez vous-même à la tribune. me semble-t-il, une petite confusion dans votre esprit, et L’allocation avait été fixée à 400 francs. Quand vous je veux vous aider à la corriger. l’avez portée à 800 francs en 1996, vous l’avez doublée. Nous la portons quant à nous à 1 600 francs. Nous opé- Les critères du traité de Maastricht portent sur rons donc un quadruplement. Quelle analyse sémantique l’année 1997. Or le budget que nous examinons concerne pourrait conduire à une autre interprétation ? Le calcul l’année 1998. Lorsque vous rappelez, croyant sans doute me semble relativement simple. mettre le doigt sur une blessure politique majeure, que nous avons annoncé que le respect des 3 % ne nous M. Francis Delattre. C’est une prévision ! (Sourires.) paraissait pas sacro-saint, vous avez raison. Ainsi que vous M. le ministre de l’économie, des finances et de l’in- l’avez lu dans la presse aujourd’hui, la Commission pré- dustrie. Vous avez raison, monsieur le député, mais le voit pour la France 3,1 % en 1997. Cela ne signifie pas terme de « quadruplement » n’est en rien contestable. que la baisse ne se poursuivra pas. Comme je l’ai annoncé, nous en serons à 3 % en 1998. Monsieur Auberger, vous avez dressé une longue liste de ce qu’il faudrait faire. Vous avez pourtant eu à plu- M. Charles de Courson. Merci à France Télécom ! sieurs reprises l’occasion de dire au gouvernement que

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vous souteniez ce qu’il fallait faire. Je ne sais s’il vous a Si M. le président me le permet encore... beaucoup écouté. S’il a fait ce que vous vouliez qu’il M. le président. Rapidement, monsieur le ministre. fasse, vous avez dû vous réjouir. Reste qu’il n’y a qu’un seul bon moyen pour faire ce que l’on veut faire, mon- M. le ministre de l’économie, des finances et de sieur Auberger : gagner les élections. (Rires.) l’industrie. ... j’adresserai quelques mots à M. le rappor- teur général. M. Charles de Courson. Sans Le Pen ! J’ai bien entendu ses remarques, celles qui étaient M. Jean Ueberschlag. On vous rappellera ce que vous agréables et celles qui étaient plus critiques, ce qui est venez de dire, monsieur Strauss-Kahn ! bien normal. J’ai notamment noté les points sur lesquels, M. le ministre de l’économie, des finances et de l’in- exprimant l’avis de la commission, il souhaitait que des dustrie. Je n’en doute pas. amendements soient adoptés. J’ai dit tout à l’heure que J’en viens aux prévisions, sujet sur lequel nous sommes nous étions ouverts à la discussion. Lors de l’examen des revenus à plusieurs reprises. Vous avez dit, mot pour mot amendements, je pense que nous pourrons, sur nombre − des fonctionnaires de l’Assemblée consignent très scru- de points, rejoindre les propositions de la commission. puleusement les interventions − que vous n’aperceviez pas (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du les raisons d’une amélioration de la croissance. Certes, groupe Radical, Citoyen et Vert.) cette amélioration est une prévision. Mais je prendrai M. le président. La parole est à M. le rapporteur volontiers un pari avec vous : s’il n’y a pas d’amélioration général. de la croissance, c’est moi qui perdrai ; sinon, c’est vous M. Didier Migaud, rapporteur général. Le ministre s’est qui vous serez trompé. Je vous propose que nous distri- exprimé et a répondu sur le fond. buions à nos frais, chacun dans la circonscription de l’autre, un tract rappelant ce qui a été dit. Les habitants J’ai été surpris par la vigueur de ton de M. Auberger. de Joigny, qui pensent que vous avez quelque compé- En effet, la situation dont nous héritons et le résultat des tence en ce domaine, devront pouvoir faire le point dans toutes récentes élections législatives devraient appeler nos douze mois et comparer la situation à vos déclarations collègues de l’opposition à un peu plus de modestie, voire d’aujourd’hui. Tenez-vous le pari, monsieur Auberger ? de pudeur. M. Jean Ueberschlag. Etes-vous candidat à Joigny, M. Francis Delattre. Et pourquoi donc ? monsieur Strauss-Kahn ? M. Michel Bouvard. Nous avons été élus, comme M. le ministre de l’économie, des finances et de l’in- vous ! dustrie. Certes non. M. Didier Migaud, rapporteur général. Le présent bud- M. Philippe Auberger. Ça vaut mieux pour vous ! get était censé être impossible. Nous continuons de dire qu’il était difficile à établir compte tenu des problèmes de M. le ministre de l’économie, des finances et de l’in- grande ampleur auxquels nous sommes confrontés et dustrie. Réciproquement, les habitants de Sarcelles dont nous héritons, une fois de plus. seraient placés dans la même situation. J’ai entendu notre collègue Philippe Auberger parler du Acceptez-vous le pari, monsieur Auberger ? déficit de 3 % et chicaner sur 0,5 % ou 0,1 %. Il est Plusieurs députés du groupe socialiste. Oui ! Oui ! assis tout près de l’ancien Premier ministre, M. Alain Juppé, qui est présent cet après-midi et qui a eu l’honnê- M. le président. Monsieur le ministre, continuez votre teté, il faut le lui reconnaître, de dire en 1995, lorsqu’il a propos sans interpeller directement nos collègues ! accédé à la fonction de Premier ministre, qu’il héritait M. le ministre de l’économie, des finances et de l’in- d’une « situation calamiteuse » et, lorsqu’il a passé, invo- dustrie. Je vais finir d’un mot. lontairement, le flambeau à M. Jospin, nouveau Premier Monsieur Auberger, vous vous êtes livré − c’est le jeu, ministre, que la situation budgétaire n’était absolument et je ne vous le reproche pas − à quelques accusations pas celle qu’il avait pu dépeindre lors de la campagne des graves un peu inconsidérées. élections législatives, puisqu’il avait lui-même estimé le déficit à 3,5 %, compte non tenu, je le rappelle, de la Vous avez dit l’autre jour, reprenant la fameuse for- soulte de France Télécom. Nous avions en fait une situa- mule de Talleyrand : « Tout ce qui est excessif est insigni- tion budgétaire grevée d’un déficit de 4 %. fiant. » Cette formule s’applique assez bien à vos dernières paroles. Mais l’exercice de la défense d’une exception d’ir- M. Charles de Courson et M. Jean-Jacques Jegou. Il recevabilité le demandait, et personne ne peut donc vous s’agissait de 6,2 % en 1993 ! le reprocher. M. Didier Migaud, rapporteur général. Très franche- Vous avez laissé entendre que le document qui vous ment, monsieur Auberger, il serait nécessaire de faire avait été distribué n’était pas sincère, et vous avez pris preuve de plus de retenue. comme exemple le taux des prélèvements obligatoires. Quand vous avez évoqué certaines difficultés pour jus- C’est quand même formidable ! Que l’on affirme que le tifier l’exception d’irrecevabilité, vous n’avez rien démon- taux de 46 % pour 1997 n’est pas imputable à la pré- tré. Vous avez seulement procédé par affirmations. En sente majorité, c’est un débat que nous avons commencé réalité, vous avez très vite pris les habits de l’opposition. tout à l’heure, et chacun peut en penser ce qu’il veut. Je trouve d’ailleurs qu’ils vous vont très bien. Il vous est Pour ma part, je sais ce que j’en pense, tout en même arrivé de sourire en prononçant certains de vos reconnaissant que vous avez le droit d’en penser autre propos. Rarement, nous avions eu l’occasion de vous voir chose. Mais que vous laissiez entendre que le document sourire lorsque vous étiez rapporteur général,... n’est pas sincère est absolument inacceptable. Quelle a été la méthode de calcul retenue ? On a pris M. le président. Mon cher collègue, ne faites pas de comme numérateur les prélèvements obligatoires et semblables provocations, je vous en prie ! comme dénominateur le PIB. Le résultat obtenu est 46 %, M. Didier Migaud, rapporteur général. ... et je trouve et il vous sera loisible de le vérifier. que cela va bien à celui qui fut mon prédécesseur.

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M. le président. Dépêchez-vous, monsieur Migaud ! Monsieur Auberger, vous nous avez dit qu’en 1993 M. Didier Migaud, rapporteur général. Aussi, je lui sou- vous aviez été l’un des seuls prévisionnistes de cet hémi- haite de rester très longtemps dans l’opposition, tant il cycle. Que ne l’avez-vous été quand vous étiez rapporteur semble y prendre plaisir. (Applaudissements sur les bancs général afin de dispenser les conseils nécessaires à votre du groupe socialiste.) majorité et de lui permettre d’être majorité encore aujourd’hui. M. Marc Laffineur. Propos scandaleux ! M. Henri Emmanuelli, président de la commission. M. Jean-Jacques Jegou. Provocateur ! Exact ! M. le président. Vous aussi, mon cher collègue M. Jean-Louis Idiart. Vos prévisions étaient telles et la Migaud, vous semblez prendre quelque plaisir à vos politique que vous avez défendue si catastrophique que digressions. (Sourires.) les Français eux-mêmes vous ont dit que vous n’étiez ni Dans les explications de vote, la parole est à M. Jean Mme Soleil ni Nostradamus. Tardito. Vous avez fait une remarque concernant la révision négative de la DGF. Vous nous avez plus ou moins M. Jean Tardito. Nous avons écouté attentivement imputé cette révision que vous trouviez quelque peu l’exposé en effet parfois souriant, ce qui est étonnant, de curieuse. Mais tous ceux qui siégeaient ici à l’époque se notre collègue Philippe Auberger qui, au moyen d’argu- souviennent que l’initiative de cette révision a résulté ties constitutionnelles et par une mise en cause de la sin- d’une proposition d’un parlementaire qui était de plus cérité du budget qui nous est présenté, nous a demandé rapporteur général du budget et qui s’appelait Philippe de voter une exception d’irrecevabilité. Auberger. Voyons un peu de quelle irrecevabilité et de quelle J’espère qu’au congrès des maires, qui se tiendra dans insincérité il s’agit. quelques jours, on vous renverra le message. L’ensemble Quand la majorité plurielle demande à mettre en des maires de France pourront vous remercier puisque, œuvre une progressivité de l’impôt, M. Auberger, qui grâce à vous, leur DGF sera diminuée. défend l’injustice fiscale, ne peut considérer notre budget De plus, vous avez tort aujourd’hui de compliquer la comme recevable. Le fait que nous voulions mettre un procédure, mais il est normal que vous jouiez votre rôle terme à nombre de débordements, voire de scandales d’opposant. concernant les privilèges fiscaux,... Dans le budget dont nous allons discuter, il y a plus M. Marc Laffineur. Vous les rétablissez ! d’équité et une plus grande redistribution. Il traduit une M. Jean Tardito. ... mettre un terme à l’alourdissement véritable chasse aux niches fiscales. C’est un bon budget à des valises fiscales qui ont été organisées depuis des la fois pour la justice, l’emploi, l’éducation et le transport années et des années ne peut être recevable à ses yeux qui nous est cher. puisqu’il défend ces privilèges en même temps que les Il est temps, monsieur Auberger, de passer aux choses plus hauts revenus, notamment ceux qui sont issus des sérieuses, de discuter de ce projet de loi de finances et de placements financiers, eux-mêmes issus des dividendes le voter le plus rapidement possible après en avoir bien versés aux actionnaires. débattu ici. Il faut donc rejeter cette exception d’irreceva- Si M. Auberger juge irrecevables les dépenses pour bilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, l’enseignement, les transports, la santé, la recherche, le du groupe Radical, Citoyen et Vert et du groupe commu- logement, les collectivités territoriales,... niste.) M. le président. La parole est à M. Pierre Méhaignerie. M. Marc Laffineur. Ce n’est pas ce qu’il a dit ! M. Pierre Méhaignerie. Nous voterons d’autant plus M. Jean Tardito. ... alors même que des améliorations l’exception d’irrecevabilité que M. le ministre n’a pas seront encore nécessaires dans la deuxième partie du pro- répondu à la question concernant l’irrecevabilité. Est-il jet de loi de finances, s’il juge irrecevables les aug- exact que l’avis du Conseil d’Etat a soulevé l’inconstitu- mentations de ces dépenses utiles pour le pays, pour tionnalité en ce qui concerne le rétablissement des déduc- l’emploi, pour notre population, c’est son droit. Mais, tions supplémentaires pour frais professionnels ? alors, il montre son véritable visage. Par ailleurs, monsieur Migaud, je me réjouis que vous M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue. soyez le rapporteur général, mais évitez de nous rappeler M. Jean Tardito. Je vais conclure, monsieur le pré- des arguments que nous avons déjà entendus douze, voire sident. quinze fois. Epargnez-nous cela ! Il en est un sur lequel il faut faire le point, c’est l’augmentation de deux points de Monsieur le président, messieurs les ministres, mes la TVA. Ces deux points n’ont pas été répercutés sur le chers collègues, nous n’avons pas le même sens de la consommateur. Ils ont été pris en charge, pour les deux recevabilité du budget. Nous voterons contre l’exception tiers, par les entreprises compte tenu de la concurrence d’irrecevabilité qu’a défendue M. Auberger. Nous vote- extrêmement sévère à laquelle elles sont soumises. Il faut rons contre ce qui représente plus de difficultés, plus de le dire ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) précarité, moins d’investissements et plus d’inégalités ! (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du M. Augustin Bonrepaux. On voit le résultat ! groupe socialiste.) M. Pierre Méhaignerie. Quant au derniers tiers, il a M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Idiart. servi pour une grande part à un effort exceptionnel d’al- légement des charges pesant sur les bas salaires. M. Jean-Louis Idiart. Nous avons tous écouté M. Auberger avec beaucoup d’attention. A certains M. Henri Emmanuelli, président de la commission. Tout moments, et les uns et les autres l’ont constaté avec un va bien ! peu d’amusement, il s’est transformé aujourd’hui, après M. Pierre Méhaignerie. Et cet allégement des charges avoir été lui-même rapporteur général pendant plusieurs sur les bas salaires explique que la croissance soit aujour- années, en procureur. d’hui plus riche en emplois que par le passé ; Mar-

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tine Aubry l’a rappelé cet après midi. Il faut le dire sinon Mardi 21 octobre 1997 : nous pourrions remonter à 1993, lorsque la croissance a Le matin, à 10h30: été négative de plus de 1 % alors que les prévisions Lecture définitive du projet de loi portant réforme du service étaient de 2,2 % ! (Applaudissements sur les bancs du national. groupe de l’Union pour la démocratie française et du groupe Discussion, soit sur rapport de la commission mixte paritaire, du Rassemblement pour la République.) soit en nouvelle lecture, du projet de loi relatif à l’inscription d’office des personnes âgées de dix-huit ans sur les listes électo- M. le président. Personne ne demande plus la rales. parole ?... L’après-midi, à 15 heures : Je mets aux voix l’exception d’irrecevabilité. Questions au Gouvernement. (L’exception d’irrecevabilité n’est pas adoptée.) A 18 heures et le soir, à 20h45: Explications de vote et vote de la première partie du projet de M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à loi de finances pour 1998 (nos 230, 305, 306 à 310). la prochaine séance. Discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 1998 (nos 230, 305, 306 à 310) : Légion d’honneur et ordre de la Libération. Justice. Mercredi 22 octobre 1997 : 5 Le matin, à 9 heures : Fonction publique, réforme de l’Etat et décentralisation. L’après-midi, à 15 heures, après les questions au Gouver- ORDRE DU JOUR nement, et le soir, à 20h45: Eventuellement, lecture définitive du projet de loi portant mesures urgentes à caractère fiscal et financier. M. le président. Ce soir, à vingt heures quarante-cinq, Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi deuxième séance publique : de finances pour 1998 (nos 230, 305, 306 à 310) : Suite de la discussion générale du projet de loi de Eventuellement, suite de l’ordre du jour du matin. finances pour 1998 (no 230) : Communication. Jeudi 23 octobre 1997, le matin, à 9 heures, l’après-midi, à M. Didier Migaud, rapporteur général au nom de la 15 heures, et le soir, à 20 h 45 : commission des finances, de l’économie générale et du o Services du Premier ministre : services généraux, SGDN, Plan (rapport n 305). Conseil économique et social, Plan, Journaux officiels. La séance est levée. Agriculture et pêche ; BAPSA. (La séance est levée à dix-neuf heures vingt-cinq.) Vendredi 24 octobre 1997, le matin, à 9 heures, l’après-midi, à 15 heures, et le soir, à 20 h 45 : Le Directeur du service du compte rendu intégral Equipement et transports. de l’Assemblée nationale, Anciens combattants. JEAN PINCHOT Lundi 27 octobre 1997, le matin, à 10 heures, l’après-midi, à 15 heures, et le soir, à 20 h 45, mardi 28 octobre 1997, le matin, à 9 heures, l’après-midi, à 15 heures, après les questions au Gouvernement, et le soir, à 20 h 45, et mercredi 29 octobre 1997, le matin, à 9 heures, l’après-midi, à 15 heures, après les ORDRE DU JOUR questions au Gouvernement, et le soir, à 20 h 45 : ÉTABLI EN CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS Discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1998 (no 303). (Réunion du mardi 14 octobre 1997) Jeudi 30 octobre 1997 : L’ordre du jour des séances que l’Assemblée tiendra jusqu’au Le matin, à 9 heures : vendredi 31 octobre 1997 inclus a été ainsi fixé : Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi Mardi 14 octobre 1997, l’après-midi, à 15 heures, après les de finances pour 1998 (nos 230, 305, 306 à 310) : questions au Gouvernement, et le soir, à 20 h 45, mercredi Jeunesse et sports ; 15 octobre 1997, le matin, à 9 heures, l’après-midi, à 15 heures, Intérieur. après les questions au Gouvernement, et le soir, à 20 h 45, jeudi 16 octobre 1997, le matin, à 9 heures, l’après-midi, à 15 heures, L’après-midi, à 15 heures, et le soir, à 20 h 45 : et le soir, à 20 h 45, et vendredi 17 octobre 1997, le matin, à Eventuellement, lecture définitive du projet de loi relatif à 9 heures, l’après-midi, à 15 heures, et le soir, à 20 h 45 : l’inscription d’office des personnes âgées de dix-huit ans sur les Discussion générale et discussion des articles de la première listes électorales. partie du projet de loi de finances pour 1998 (nos 230, 305, 306 Suite de l’ordre du jour du matin. à 310). Vendredi 31 octobre 1997, le matin, à 9 heures, l’après-midi, (Le débat sur l’article de la première partie sur le prélèvement au à 15 heures, et le soir, à 20 h 45 : bénéfice des Communautés européennes aura lieu le jeudi 16 octobre Outre-mer ; 1997, à 15 heures.) Tourisme.

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