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Eugène Onéguine Piotr Ilyitch TCHAÏKOVSKI Scènes lyriques en 3 actes (7 tableaux) Livret de Constantin Chilovsky, d’après le roman éponyme d’Alexandre Pouchkine Créé à Moscou le 29 mars 1879 au Petit Théâtre du Collège Impérial de musique (Théâtre Maly)

Orchestre national Montpellier Languedoc-Roussillon Chœur national Montpellier Languedoc-Roussillon

Vendredi 17 janvier 20h00 Dimanche 19 janvier 15h00 Mardi 21 janvier 20h00 Opéra Berlioz / Le Corum Durée : 3h avec entracte

Cahier pédagogique Saison 2013-2014 Réalisé par Bénédicte Auriol-Prunaret, professeur missionné au service éducatif Service Jeune Public et Actions Culturelles – 04 67 600 281 - www.opera-orchestre-montpellier.fr

Eugène Onéguine Piotr Ilyitch Tchaïkovski

Scènes lyriques en 3 actes (7 tableaux) Livret de Constantin Chilovsky, d’après le roman éponyme d’Alexandre Pouchkine Créé à Moscou le 29 mars 1879 au Petit Théâtre du Collège Impérial de musique (Théâtre Maly)

Ari Rasilainen direction musicale Marie-Ève Signeyrole mise en scène et décors

Lucas Meachem Eugène Onéguine Dina Kuznetsova Tatiana Anna Destraël Olga Dovlet Nurgeldiyev Lenski Mischa Schelomianski Le Prince Grémine Svetlana Lifar Madame Larina Olga Tichina Filippievna Loïc Félix Monsieur Triquet

Yashi Tabassomi costumes Philippe Berthomé lumières Noëlle Gény chef des chœurs Nino Pavlenichvili chef de chant Marc Salmon assistant à la mise en scène

Nouvelle production

Chœur de l’Opéra national Montpellier LanguedocLanguedoc----RoussillonRoussillon Orchestre national Montpellier LanguedocLanguedoc----RoussillonRoussillon

Des mots autour de l’œuvre

« Eugène Onéguine est l’un des opéras les plus bouleversants du romantisme. L’indifférence du dandy Eugène, la fragilité de Tatiana, la douceur d’Olga et de Lenski n’ont jamais cessé d’émouvoir. Adaptée par Piotr Ilitch Tchaïkovski (dont la musique accompagne notre saison), cette œuvre essentielle de la littérature russe écrite par Alexandre Pouchkine en 1832, conserve toute sa cruauté. Après Janàček et La Petite renarde rusée en 2012, Marie-Eve Signeyrole propose sa lecture des émois amoureux de la jeune Tatiana. » Orchestre national Montpellier Languedoc-Roussillon

« Ces scènes lyriques, qui refusent jusqu’au nom d’opéra, sont un des plus purs chefs d’œuvre du genre, car elles incarnent l’idéal suprême des Florentins, pères fondateurs de l’opéra : chanter comme on parle. » Piotr Kaminksi, Mille et un opéras

« Beau doublé d'amis – hélas, bientôt duellistes […]. Le premier, prêt à mourir pour l'amour d'Olga, est aussi idéalement poète et exalté que le second recèle de morgue morbide et de superbe dédaigneuse. Tombé amoureux de Tatiana au moment où elle lui échappe, il sera "tué" à son tour, non d'un coup de feu, comme il a occis son ami Lenski, mais du vengeur "baiser de Salomé" que la jeune femme, jadis humiliée, lui donne avant de le quitter pour retourner à son mari, le falot mais généreux prince Grémine d'Alexei Tanovitski. »

Marie Aude Roux, in Le Monde, 30 septembre 2013

« La semaine dernière, j’étais chez Lavroskaïa. La conversation porta sur les sujets d’opéra. Son imbécile de mari disait les pires inepties et proposait les sujets les plus invraisemblables. Lavroskaïa ne disait rien, se contentant de sourire avec indulgence. Soudain elle dit « Et si vous preniez Eugène Onéguine ? » L’idée me parut invraisemblable et je ne répondis rien. Puis, étant allé dîner tout seul dans une auberge, je repensai à Onéguine et, en y réfléchissant, je commençai à trouver l’idée de Lavroskaïa acceptable. Elle commença même à m’enthousiasmer et, vers la fin du repas, ma décision était prise. Je courus chercher le livre de Pouchkine. Je le trouvai non sans mal, rentrai à la maison, le relus avec émerveillement, et passai une nuit sans sommeil, dont le résultat fut un charmant scénario sur un texte de Pouchkine. Le lendemain, j’allai chez Chilovski, qui est en train d’adapter mon scénario à toute allure. [...] Tu auras du mal à croire à quel point je suis enthousiasmé par ce sujet. Je suis tellement heureux de me débarrasser de toutes ces princesses éthiopiennes, de ces pharaons, de ces empoisonnements, de toute cette emphase. Eugène Onéguine est d’une poésie infinie. Je reste cependant lucide, je sais qu’il y aura peu d’effets scéniques et peu d’action dans cet opéra. Mais la poésie de l’ensemble, l’aspect humain et la simplicité du sujet, servis par un texte génial, compensent largement ces défauts. »

Tchaïkovski à son frère Modest, 18 mai 1877

« Peu importe que mon opéra soit peu scénique et manque d’action. Je suis amoureux de l’image de Tatiana, je suis émerveillé par les vers de Pouchkine. Il est vrai que l’on ne peut imaginer conditions plus favorables à la composition que celles dont je jouis ici. J’ai à ma disposition une maison entière, parfaitement meublée, et lorsque je travaille, je ne vois personne, excepté Aliocha. [...] J’ai déjà écrit le deuxième tableau du premier acte (Tatiana avec la nourrice) et j’en suis fort satisfait. L’essentiel du premier tableau est prêt également. »

Tchaïkovski à son frère Modest, Glebovo, le 9 juin 1877

« Voilà ce qu’il me faut pour Onéguine : 1) des chanteurs de moyenne force mais bien préparés et sûrs d’eux-mêmes ; 2) des chanteurs qui sachent jouer tout simplement tout en jouant bien ; 3) il me faut une mise en scène sans luxe, mais qui corresponde rigoureusement à l’époque à laquelle se passe l’action (c’est-à-dire les années 1820) ; 4) les chœurs ne doivent pas être un troupeau de brebis comme sur la scène impériale, mais des humains qui prennent part à l’action de l’opéra. »

Tchaïkovski à Karl Albrecht, inspecteur de la musique des théâtres impériaux, 15 décembre 1877

Un compositeur russe et international...

Né le 7 mai 1840 au village de Votkinsk, dans le district de Viatka, fils d’un inspecteur de mines, il déménage à l’âge de dix ans à Petersburg, où il fera du droit, sans jamais abandonner la musique à laquelle, au départ, il ne semblait guère destiné. C’est après avoir obtenu son diplôme, et une fois entré dans la très hiérarchisée fonction publique, qu’il commence des études musicales plus approfondies à l’institut musical de Petersburg, bientôt Conservatoire, créé par Anton Rubinstein dont il sera l’élève dans sa classe de composition.

Un des premiers compositeurs russes à pouvoir se vanter d’une formation aussi profonde et complète, il devient très vite (1866) professeur au Conservatoire de Moscou, tout en produisant ses premières œuvres symphoniques ( 1e symphonie , 1868) qu’il révisera infatigablement, jamais satisfait du résultat. Il en ira de même de sa première création lyrique ( Le Voïevode , 1869), partition qu’il détruira de ses propres mains. Il ne sera pas davantage content de son deuxième opéra ( Opritchnik , 1874), dont la création est suivie par celle d’une des œuvres les plus célèbres de l’histoire de la musique : son 1er Concerto pour piano (Boston, 1875).

Très rapidement, sa gloire traverse les frontières ouvrant une série de voyages à l’étranger (26 au total). Mais l’opéra lui échappe encore, comme en témoigne sa troisième partition ( Vakoula le Forgeron , 1876) qui subit un échec retentissant, avant d’être retirée, révisée (sous le titre Tcherevitchki – Les Souliers ), et donnée à nouveau en 1887.

La même année 1876, il triomphe pourtant avec le ballet Le Lac des Cygnes . Son premier succès lyrique suit de près la création moscovite de la 4e symphonie (1878) : c’est l’adaptation d’Eugène Onéguine de Pouchkine (1879). Deux années plus tôt, dans un geste insensé, eu égard à son homosexualité ouvertement pratiquée, il avait épousé une élève du Conservatoire, Antonina Milioukova ; l’erreur lui coutera la plus profonde de ses nombreuses dépressions. L’unique femme de sa vie mais d’une importance capitale, aura été la riche veuve Nadiejda von Meck avec laquelle il entretiendra une correspondance de treize ans (1876-1890), sans jamais la rencontrer, et qui le soutiendra financièrement avec une formidable générosité, lui permettant une vie libre de soucis.

L’année 1881 apporte la création viennoise du Concerto pour violon (rageusement assassiné par le critique Eduard Hanslick, témoin de la profonde controverse esthétique qui entoure sa musique) ainsi qu’une nouvelle déception lyrique, La Pucelle d’Orléans. Mazeppa (1884) s’affirme avec plus de succès, davantage que l’Enchanteresse (1887), un succès d’estime suivi d’un nouveau triomphe chorégraphique, La Belle au bois dormant (1890) et du second chef d’œuvre lyrique tant attendu : La Dame de Pique (1890).

L’heureuse année 1890 est cependant marquée par une rupture avec Mme von Meck. De retour d’une tournée américaine triomphale, il produit un double spectacle composé d’un ballet, Casse-noisette , et d’un opéra, Iolantha (1892) ; une fois de plus, le succès n’est pas au rendez-vous. L’année 1893 est consacrée à la composition de sa dernière symphonie, la Pathétique , créée à Moscou le 28 octobre 1893, une dizaine de jours avant sa mort (6 novembre). Cette dernière, dont les circonstances restent obscures, fut l’objet des légendes les plus fantaisistes. Admirable technicien ; orchestrateur de génie, doté d’une invention mélodique exceptionnelle, et d’un sens de la forme que démontrent les audaces, enfin reconnue, de son ultime symphonie, Tchaïkovski était né pour triompher à l’opéra, domaine qu’il conquit de haute lutte, ayant subi l’impitoyable loi des mauvais livrets. Il n’est pas fortuit que ses deux chefs-d’œuvre lyriques (dont la Dame de pique écrite en collaboration avec son frère Modeste) brillent aussi pas leur excellence littéraire. Son style, alliage parfait du génie national et de l’inspiration classique (Mozart était on idéal), n’a cessé d’être accusé de facilitée de sentimentalisme, reproches non dénués d’arrière-pensées, et fort heureusement ignorés par le public qui voue à ses œuvres les plus célèbres (trois dernières symphonies, ballets, deux concertos et deux opéras) un amour que rien n’altère. En Russie, il reste vénéré comme une des plus hautes incarnations de l’art national.

Piotr Kaminski, Mille et un opéras Tous droits réservés, diffusion gratuite à usage pédagogique

Argument d’d’d’ Eugène Onéguine

Acte I Premier ttableauableau : Dans les jardins de la famille Larine vers 1820 Tatiana et Olga chantent des chansons pendant que Madame Larina et la nourrice font des confitures. Les deux vieilles dames se remémorent la beauté de leur jeunesse en écoutant les voix des jeunes femmes. Les paysans rentrent du travail et entonnent des airs mélancoliques dont se moque la jeune Olga. Tatiana raconte à sa mère comme le roman qu’elle lit la bouleverse tandis que cette dernière sourit en lui disant que les héros n’existent pas dans le monde réel. Arrivent alors l’amoureux d’Olga, Vladimir Lenski accompagné d’un ami, Eugène Onéguine. Tatiana voit en cet homme le héros de ses rêves sous l’œil bienveillant de sa nourrice. On passe à table.

Deuxième ttableauableau : Dans la chambre de Tatiana Pendant la nuit Tatiana ne trouve pas le sommeil et se confie à Filipievna. Elle décide d’écrire une lettre d’amour à Onéguine qu’elle lui fait envoyer au petit matin.

Troisième ttableauableau : Dans les jardins des Larine Eugène Onéguine éconduit Tatiana prétextant qu’il ne la mérite pas.

Acte II Premier ttableauableau : Dans la salle de bal chez la famille Larine Eugène Onéguine danse avec Tatiana mais agacé par les rumeurs sur sa relation avec elle, il décide de courtiser Olga pour se venger. Arrive alors le personnage de Triquet, un homme français qui réside chez les voisins et qui chante ses vœux à Tatiana. Onéguine poursuite sa provocation, mais Lenski ne le supporte plus et le provoque en duel.

Deuxième ttableauableau : Au bord d’un ruisseau, dans les bois Au petit matin Lenski attend Onéguine en pensant à son avenir incertain et à son amour avec Olga. Mais Onéguine arrive et remporte le duel, Lenski tombe mort.

Acte III Premier ttableauableau : Une salle de bal chez le Prince Grémine Deux années plus tard, lors d’un bal à Saint Pétersbourg, Onéguine rencontre une magnifique beauté. Sous les traits de la Princesse Grémine, il reconnaît en fait le regard ému de Tatiana. Tandis que le Prince Grémine confie son immense amour à Onéguine, Tatiana se retire discrètement un moment.

Deuxième ttableauableau : Une salle de réception chez le Prince Grémine Tatiana vient de recevoir une autre lettre d’Onéguine qui la bouleverse tandis qu’il la rejoint et lui avoue tout son amour. Il reprend les passages de sa lettre d’amour et Tatiana comprend qu’elle aime encore Onéguine. Mais désormais cet amour est impossible, ils pleurent ensemble et Tatiana s’en va tandis qu’Onéguine se lamente sur son sort.

Les perpersonnagessonnages et l’orchestre

Eugène Onéguine - baryton Tatiana, la fille aînée de Mme Larina - soprano Olga, sœur de Tatiana - contralto Vladimir Lenski, poète ami d’Onéguine et fiancé d'Olga - ténor Le Prince Grémine, général à la retraite - basse Madame Larina, propriétaire terrienne - mezzo-soprano Filipievna, nourrice - mezzo-soprano Monsieur Triquet, un français - ténor Le Capitaine - basse Zaretski - basse M. Guillot, valet d'Onéguine - muet Paysans, invités, officiers, servants - chœur

Les instrumeinstrumentsnts à cordes Les cordes frottées : violons I, violons II, altos, violoncelles, contrebasses Les cordes pincées : harpe

Les instruments à vent Les bois: 3 flûtes traversières dont 1 piccolo, 2 hautbois, 2 clarinettes, 2 bassons Les cuivres : 4 cors, 2 trompettes, 3 trombones

Les instruments à percussions Timbales

« On prétend qu’ Onéguine n’est pas scénique... Moi, je me contrefiche des effets de théâtre ! Si vous en trouvez d’authentiques dans Aïda , par exemple, je vous jure que tout l’or du monde ne pourrait me tenter de composer un opéra sur un sujet pareil ! Je veux des êtres humains et non pas des marionnettes... », écrivait Tchaïkovski.

Dès la création, on a fait à Eugène Onéguine le reproche de manquer d’action théâtrale, de reposer sur une intrigue quasi inexistante. Le sous-titre de l’œuvre – « scènes lyriques en trois actes et sept tableaux » – témoigne d’une écriture théâtrale par fragments scéniques, par esquisses, par croquis. Il y a peu d’action peut-être dans Eugène Onéguine , mais il y a la vie même, la vie des âmes, la vie des cœurs et des sentiments. Une vie intense et dramatique, comme dans le théâtre de Tchékhov : sous les apparences de la banalité du quotidien, le tragique.

Les protagonistes d’ Eugène Onéguine sortent à peine de l’adolescence. Ils ont autour de vingt ans et leur jeunesse marque leurs actions.

LENSKI est « ce jeune homme de dix-huit ans à l’abondante chevelure et aux réactions impulsives et originales d’un jeune poète à la Schiller », selon la description du compositeur. En toute chose, il met de la poésie – un jour sans voir OLGA sa fiancée devient l’Éternité ; il revendique une intransigeante pureté dans ses rapports avec la vie, avec les autres, avec OLGA. Il ne peut donc supporter qu’ONÉGUINE fasse la cour à celle qu’il aime. « Jeune poète à la Schiller » certes, mais aussi à la Goethe : c’est à que LENSKI fait penser, dans sa fascination vertigineuse pour la mort, pour sa propre mort et pour l’image de sa bien- aimée venant pleurer sur son urne funéraire. Son parcours est presque suicidaire.

Son ami ONÉGUINE est à peu près son opposé : il vit sa vie au jour le jour, non sans ennui et non sans cynisme. Il tient à distance les sentiments dans lesquels LENSKI se complaît. Il sent seulement que TATIANA est une âme poétique, ce qu’il dit à son ami, s’étonnant qu’il ne l’ait pas choisie elle, plutôt que la blonde OLGA. Devant la déclaration d’amour de TATIANA, il s’esquive en lui reprochant sa franchise et sa candeur. Son narcissisme ne lui permet pas d’envisager une vie de couple. Et faire la cour à OLGA n’est pour lui qu’un jeu, une revanche un peu provocatrice et sans conséquences. Le duel que lui propose LENSKI, il l’accepte presque malgré lui, entrant dans le jeu mortifère de son ami jusqu’à tenir un rôle de meurtrier. Rôle qui l’amènera ensuite à une errance conduite par un fort sentiment de culpabilité. ONÉGUINE ne sort de son cynisme qu’en revoyant TATIANA quelques années après. Il devient alors aussi « amoureux qu’un gamin », passionné et, significativement, il l’exprime sur un thème musical que chantait TATIANA alors qu’elle écrivait sa lettre d’amour ; il devient un amoureux désespéré, sa conversion s’étant opérée bien trop tard : TATIANA est mariée, TATIANA est fidèle.

TATIANA LARINA : pour paraphraser Dostoïevski, cela aurait pu être le titre de l’opéra, tant son personnage est le centre de l’œuvre. Tchaïkovski « aime Tatiana comme Pouchkine l’avait aimée – et nous la fait aimer à son tour » (Michel R. Hofmann). Avec ONÉGUINE, TATIANA est le personnage dynamique de l’œuvre ; on y suit son évolution, de la jeune fille qui se réfugie dans ses lectures et dans ses rêves, à la femme mariée, élégante et parfaitement maîtresse d’elle-même. Dans son parcours, TATIANA, malgré ses doutes, malgré ses peurs, est sincère avec elle-même. Elle se jette dans son destin comme à la mer. Brisée par ONÉGUINE, on la retrouve quelques années après, épouse fidèle sinon aimante, épouse loyale, archétype de la femme russe selon Dostoïevski. C’est elle qui décide du destin du héros, elle est le véritable pivot de l’œuvre.

« Les chœurs ne doivent pas être un troupeau de brebis comme sur la scène impériale, mais des humains qui prennent part à l’action de l’opéra », demandait Tchaïkovski. Les CHOEURS d’Eugène Onéguine représentent la vieille Russie rurale et populaire, avec ses chants de paysans et ses chansons de jeunes filles. Ils incarnent aussi la société somme toute médiocre qui entoure les protagonistes, et dont les ragots mettent le feu aux poudres et appellent la provocation vengeresse d’ONÉGUINE.

Dans ces scènes lyriques, Tchaïkovski dessine également une série de personnages touchants ou pittoresques, qui ont tous leur place dans la dramaturgie de l’œuvre.

Il y a la fiancée de LENSKI, OLGA, une jeune fille toute blonde et toute simple, heureuse de vivre. On pourrait se demander ce qu’elle va devenir après la mort de LENSKI : dépressive ou veuve joyeuse ?

Il y a le prince GRÉMINE, l’époux de TATIANA, beaucoup plus âgé qu’elle. Il n’intervient au troisième acte que pour présenter son ami ONÉGUINE à TATIANA et pour chanter, avec grande noblesse, l’amour qui illumine la vie et qui touche à tout âge. GRÉMINE, dont les « glorieuses blessures » lui valent les faveurs de la cour impériale, est comme un Mazeppa qui aurait bien tourné : homme de guerre valeureux, touché tardivement par l’amour, il forme avec TATIANA un couple marqué par un amour adulte et loyal.

Il y a Monsieur TRIQUET, le Français qui séjourne en Russie et qui chante, en hommage à TATIANA, une romance belle et banale, en français, souvenir d’une Europe volontiers francophone.

Il y a ZARETSKI, qui apporte un soin méticuleux – et presque comique – à l’organisation du duel, et qui est bien contrarié qu’ONÉGUINE ait choisi comme témoin son valet de chambre, Monsieur GUILLOT, encore un Français.

Et puis il y a les vieilles femmes : MADAME LARINA, mère d’OLGA et de TATIANA et FILIPIEVNA, leur vieille nourrice. Elles représentent le passé et le souvenir. Elles racontent, au fil des scènes, la vie d’autrefois, les mariages arrangés ou forcés, leur résignation et leur consolation : « L’habitude nous tient lieu de bonheur. » Les souvenirs de FILIPIEVNA s’estompent dans sa mémoire – c’est une très vieille dame – et, de toute façon, personne n’écoute vraiment ce qu’elle raconte. Même si TATIANA la questionne sur sa vie amoureuse, la jeune femme, obsédée par son propre amour tout neuf, ne l’écoute qu’à moitié, et ne ménage pas sa vieille tête. Évoquant sa jeunesse, l’homme qu’elle aimait et puis celui qu’elle épousa, MADAME LARINA dessine, dès la première scène, ce que sera le destin de TATIANA : l’histoire des femmes, toujours recommencée.

J.S. pour le livret de l’Opéra de Lyon Tous droits réservés, diffusion gratuite à usage pédagogique

Programme

Acte I Premier tableau 1. Duo et quatuor 2. Chœur et danse des paysans 3. Scène et arioso d'Olga 4. Scène 5. Scène et quatuor 6. Scène - Arioso de Lenski 7. Scène finale

Deuxième tableau 8. Introduction et scène avec la vieille gouvernante 9. Scène de la lettre 10. Scène et duo

Troisième tableau 11. Chœur des jeunes filles 12. Scène - Air d'Onéguine

Acte II Premier tableau 13. Entracte et valse 14. Scène et couplets de Triquet 15. Mazurka et scène 16. Final

Deuxième tableau 17. Scène - Air de Lenski 18. Scène du duel

Acte III Premier tableau 19. Polonaise 20. Scène et écossaise - Air du Prince Grémine

Deuxième tableau 21. Scène - Arioso d'Onéguine 22. Scène finale

Du roman…

« Eugène Onéguine est un jeune dandy pétersbourgeois. Oisif, blasé, il a le sentiment d'avoir fait le tour des choses et éprouve un profond spleen. Profitant d'un héritage, il se retire à la campagne. Pour tromper l'ennui qu'il ressent au bout de quelques jours, il s'y lie d'amitié avec un jeune poète, Vladimir Lenski. Celui-ci traîne Onéguine chez les Larine, des nobles campagnards dont Lenski compte épouser la fille cadette, Olga.

La sœur aînée d'Olga, Tatiana, tombe amoureuse d'Onéguine au premier regard. Brûlant de cet amour, elle lui écrit une lettre enflammée, mais Eugène l'éconduit au motif qu'il ne serait pas capable de la rendre heureuse.

Quelque temps plus tard, Vladimir insiste pour qu'Eugène assiste au bal donné à l'occasion de l'anniversaire de Tatiana. S'ennuyant, Eugène décide de se venger en jouant les séducteurs auprès d'Olga qui entre dans le jeu, au grand désespoir de Vladimir. Celui-ci, se sentant trahi, demande réparation.

Le duel au pistolet a lieu le lendemain à l'aurore. Onéguine tue Lenski ; regrettant aussitôt cette mort absurde. Il quitte ensuite la campagne, où il ne peut plus rester.

Tatiana se consume toujours d'amour pour Eugène. Elle visite la maison qu'il a abandonnée et y découvre ses livres et d'autres objets personnels. Finalement, sa mère décide de l'entraîner à Moscou pour lui trouver un mari. Mais c'est avec regret que Tatiana quitte la campagne.

Quelques années plus tard, Eugène, de retour de voyage, se rend à une réception. Il y retrouve Tatiana, qui a épousé un vieux général, et se rend compte qu'il a commis une énorme erreur en la repoussant. Il tombe malade d'amour, envoyant lettre sur lettre à sa bien-aimée, sans jamais recevoir de réponse. Eugène finit par se rendre chez Tatiana et la surprend en train de verser des larmes sur sa dernière missive. Elle lui dit alors qu'elle l'aime toujours, mais qu'elle restera fidèle à son mari. »

« Ce n’est pas à nous qu’il appartient de décider si Pouchkine imitant Byron est supérieur à Pouchkine imitant Shakespeare. Mais nous pouvons constater qu’en Russie le roman-poème appelé Ievguéni (Eugène) Onéguine passe généralement pour le chef-d’œuvre de son auteur.

Ce roman-poème fut composé à différentes époques et publié en divers fragments. Ainsi, le premier chapitre parut en 1823 et le dernier en 1831. Né au mois de mai 1799, Alexandre Pouchkine avait écrit, en 1820, une Ode à la Liberté . L’empereur Alexandre I er vit un crime d’État dans cette poésie de collège. Il en condamna le jeune auteur à être enfermé le reste de sa vie, comme un moine prévaricateur, dans le couvent disciplinaire de Solovetsk, situé sur un îlot de la mer Blanche, au-delà d’Archangel. L’historien Karamzine, à qui Pouchkine dédia plus tard son drame de Boris Godounoff , prit pitié du jeune poète et le sauva : il obtint que sa réclusion perpétuelle fût commuée en exil. Pouchkine fut d’abord envoyé à Kichenef, en Bessarabie, puis à Odessa, puis à son village de Mikhaïlovskoïé, dans le gouvernement de Pskof, où il resta jusqu’à l’amnistie accordée par l’empereur Nicolas, en 1826, à propos de son couronnement.

Le poème d’Onéguine se ressent de la diversité des lieux, des époques et des situations où furent composées les différentes parties de l’œuvre. Lorsque Pouchkine en écrit le premier chapitre, presque au sortir des bancs de l’école, il est encore imbu des poésies légères françaises du dix-huitième siècle, très à la mode en Russie depuis la grande Catherine et les petits soupers de l’Ermitage ; mais lorsque, plus tard et confiné dans son village, il étudie avec passion les Allemands et les Anglais, Goethe, Schiller, Shakespeare, Walter Scott et Byron, son poème prend un nouveau caractère, acquiert un nouveau souffle, en même temps que Pouchkine, prenant lui-même de la maturité, acquiert de la force et du goût. »

Note des traducteurs Ivan Tourgueniev et Louis Viardot, parue dans la Revue nationale et étrangère , t. 12 & 13, 1863. Tous droits réservés, diffusion gratuite à usage pédagogique

Le roman s’ouvre sur cette phrase notnotééééee en français dans le manuscrit original de Pouchkine :::

« Pétri de vanité, il avait encore plus de cette espèce d’orgueil qui fait avouer avec la même indifférence les bonnes comme les mauvaises actions, suite d’un sentiment de supériorité peut-être imaginaire. »

Chapitre II (extraits) --- lllorsquelorsque Tatiana tombe en amour pour OnéOnéguineguine :::

VII « L’attente s’accomplit. Ses yeux s’ouvrirent ; elle se dit : c’est lui ! Hélas ! Maintenant, les jours, les nuits, les veilles, le sommeil solitaire, tout est plein de lui. Tout ce qu’elle aperçoit semble lui répéter constamment et avec mystère le nom aimé. Le son des paroles caressantes de ses parents et le regard attentif des serviteurs lui sont également importuns. Elle n’écoute point les visiteurs ; Elle se borne à maudire leurs loisirs éternels, leur présence contrariante et leur séjour sans fin. »

XVI L’angoisse de l’amour poursuit Tatiana. Elle la chasse au jardin ; et tout à coup, fixant ses yeux immobiles, Tatiana se sent hors d’état de faire un pas de plus. Son sein s’élève, ses joues se couvrent d’un incarnat subit, la respiration s’arrête sur ses lèvres ; elle éprouve des tintements dans les oreilles, elle voit des lueurs devant ses yeux… La nuit vient ; la lune fait la ronde au plus haut des cieux et le rossignol prélude sous l’ombre des arbres. Tatiana ne dort point et cause à voix basse avec sa nourrice.

XVII « Je ne puis dormir, nourrice. On étouffe ici. Ouvre la fenêtre et assieds-toi près de moi. — Qu’as-tu, Tania ? — Je m’ennuie. Conte-moi quelque chose. — Que puis-je te conter, Tania ? Il fut un temps où je gardais dans ma mémoire toutes sortes de vieilles histoires, de contes sur les méchants esprits ou sur les jeunes filles. Mais maintenant en moi tout est devenu sombre, Tania ; j’ai oublié ce que j’ai su. Ah ! oui ; le mauvais temps est venu. Vois-tu, quand on devient vieux… — Parle-moi, nourrice, de tes jeunes années. As-tu été amoureuse ? »

XXXI J’ai là, devant mes yeux, la lettre de Tatiana ; je la conserve avec un saint respect ; je la lis avec une sainte angoisse, et je ne puis la lire assez. Qui lui a donné cette tendresse et cette charmante négligence des mots ? Qui lui a inspiré ces folies touchantes, cette conversation du coeur avec lui-même, entraînante et périlleuse ? je n’en sais rien. Mais voici une traduction incomplète et faible, comme une pâle copie d’un tableau plein d’éclat, ou bien comme l’ouverture du Freyschutz sous les doigts timides d’une pensionnaire.

Lettre de Tatiana

« Je vous écris. Que puis-je ajouter à cela ? Maintenant, je le sais, il est en votre pouvoir de me punir par votre mépris ; mais si vous conservez une goutte de pitié pour mon triste sort, vous ne me repousserez point. J’avais commencé par vouloir me taire. Croyez-moi, vous n’auriez jamais connu la honte de mon aveu, si j’avais eu l’espérance de vous voir dans notre maison de village, ne fût-ce que rarement, ne fût-ce qu’une fois par semaine, seulement pour vous entendre parler, vous dire un seul mot, et puis penser, toujours penser la même pensée, nuit et jour, jusqu’à une nouvelle rencontre ; mais on dit que vous vivez retiré. Dans cet obscur village rien ne peut vous plaire, et nous, nous ne brillons par rien, bien que nous soyons naïvement heureux de vous voir. Pourquoi êtes-vous venu ? Au fond de ma retraite ignorée, je ne vous aurais jamais connu ; je n’aurais jamais connu ces amers tourments. Ayant calmé avec le temps (en suis-je bien sûre ?) les agitations d’une âme inexpérimentée, j’aurais pu trouver un ami selon mon cœur, et je serais devenue une épouse fidèle, une mère vertueuse. Un autre ! non, à nul autre au monde je n’aurais donné mon cœur. C’est décidé dans les conseils d’en haut ; c’est la volonté du ciel : je suis à toi. Toute ma vie est une preuve certaine que je devais te rencontrer. Je le sais, c’est Dieu qui t’a envoyé à moi ; c’est toi qui seras mon gardien jusqu’au tombeau ; c’est toi qui m’apparaissais dans mes rêves ; inconnu, tu m’étais déjà cher ; ton regard me suivait ; ta voix résonnait dès longtemps dans mon âme. Non, ce n’était pas un rêve. À peine entré, je t’ai reconnu. Je me sentis frémir, je me sentis consumer. N’est-ce pas, je t’avais déjà entendu ? C’est toi qui me parlais dans le silence quand j’allais secourir des pauvres, ou calmer par la prière les angoisses d’une âme agitée. Et, dans cet instant même, n’est-ce pas toi, chère vision, qui as passé dans l’obscurité transparente, et qui est penchée lentement sur mon chevet ? N’est-ce pas toi qui me murmures d’une voix caressante des paroles d’espoir ? Qui es-tu ? Mon ange gardien ou un perfide tentateur ? Résous mes doutes. Peut-être que tout ceci n’est qu’une vaine illusion, l’erreur d’une âme qui ne se connaît plus. Peut-être qu’une tout autre destinée m’attend ; mais c’en est fait. Dès à présent je te remets ma vie ; je verse mes larmes devant toi ; j’implore ton secours….. Imagine-toi : je suis seule, personne ne me comprend ; ma raison succombe dans la lutte, et je suis condamnée à périr en silence. Je t’attends. Par un seul regard ranime les espérances de mon cœur, ou bien interromps ce rêve d’un lourd sommeil par un reproche, hélas ! trop mérité. « J’ai fini….. Je n’ose relire. Je me meurs de honte et d’effroi ; mais votre honneur est ma garantie. Je m’y confie hardiment. »

… A l’opéra

La réussite et le succès de ces scènes lyriques de Tchaïkovski tiennent en grande partie à la qualité du livret inspiré de la géniale littérature d’Alexandre Pouchkine.

Tchaïkovski, inspiré, y caractérise les traits des différents personnages habilement suivant une « fluidité rythmique » et une « souplesse de phrasé » hérité de Mozart qu’il admire particulièrement.

On retrouve dans Eugène Onéguine comme dans d’autres pièces pour la scène de Tchaïkovski l’idée en germe du Leitmotiv de Wagner : quelques motifs simples qu’il utilise pour personnifier des idées. C’est le cas notamment pour le motif thématique du prélude qui tient en quelques notes et qu’il va utiliser pour illustrer le lien entre Tatiana et Lenski, tous deux victimes d’Onéguine mais qui ne dialoguent jamais directement dans l’opéra. C’est l’orchestre qui tisse leur lien et leur douleur. On le retrouve dans les airs de Tatiana et Lenski.

Prélude du premier acte :

No 9. Scène de la lettre

TATIANA ( agitée mais déterminée ) N’aurait reçu mon cœur ! Même si je meurs, je dois d’abord C’est un décret du ciel, En un brûlant espoir, C’est la volonté d’en-haut : je suis à toi. Éprouver le bonheur inconnu, Toute ma vie fit le serment Goûter l’ivresse de la vie ! De cette rencontre inévitable ; Je bois le philtre magique du désir ! Je le sais : Dieu t’a envoyé à moi Je suis remplie de rêves ! Tu me protègeras jusqu’à la tombe ! Partout, partout se dresse devant moi Tu m’es apparu dans mes rêves, Mon funeste tentateur ! Même inconnu, je te chérissais, Partout, partout, Ton regard clair m’emplissait de désir, Je le vois. Ta voix résonnait dans mon cœur, (Elle s’assoit, écrit, puis s’interrompt .) Autrefois... Non ce n’était pas un rêve ! Non, ça ne va pas ! Je t’ai reconnu dès ta venue, Je recommence ! Foudroyée, je brûlais, (Elle déchire la page .) Et me disais : c’est lui ! C’est lui ! Ah, qu’est ce qui m’arrive, je brûle... Pas vrai ? Je t’ai entendu... Je ne sais comment commencer ! Ne m’as-tu point parlé dans le silence, (Elle écrit, s’arrête, relit. ) Alors que je visitais les pauvres, « Je vous écris, que dire d’autre ? Ou que, par la prière, je cherchais Que puis-je dire de plus ? L’apaisement de mon âme angoissée ? Je sais à présent qu’il est en votre pouvoir Et dans ce moment précis, De me punir de votre mépris ! N’était-ce pas toi, chère image, Mais si vous avez une once de pitié Qui éclaira la transparente nuit, Pour mon triste sort Se pencha doucement sur ma couche, Vous ne me repousserez point. Et avec joie et amour, J’ai d’abord voulu me taire ; ainsi, Me murmura des mots pleins d’espérance ? Croyez-le, vous n’auriez pas su ma honte (Elle se rassied et écrit. ) Jamais, jamais ! » « Qui es-tu : mon ange gardien (Elle s’interrompt .) Ou un tentateur malin ? Oh oui, je me jurai de cacher en mon âme Détruis mes doutes. L’aveu de cette passion Peut-être n’est-ce qu’un rêve vide, Folle et brûlante ! L’illusion d’un cœur sans expérience, Hélas, je ne puis soumettre mon cœur ! Et arrivera tout autre chose... » Advienne que pourra, je suis prête ! Qu’il en soit ainsi ! Mon destin Je dirai tout ! Courage ! Je le pose entre tes mains, Il saura tout ! En pleurs à tes pieds, (Elle reprend l’écriture .) J’implore ta protection, « Pourquoi, pourquoi êtes-vous venu ? J’implore. Penses-y : je suis seule ici ! Cachée dans ma campagne tranquille, Personne ne me comprend ! Je ne vous aurais jamais connu, Mes pensées se dérobent, Ni jamais connu cette torture. Je dois mourir en silence ! Le tourment d’un jeune cœur, Je t’attends, je t’attends ! Le temps, qui sait, l’aurait calmé ? Dis le mot qui fera renaître J’en aurais connu un autre Le plus bel espoir de mon cœur J’aurais été épouse fidèle Ou détruis ce rêve oppressant Et mère vertueuse... » Avec, hélas, le mépris, (Pensive, elle se lève. ) Avec, hélas, le mépris que je mérite ! Un autre ! Non, aucun autre Fini ! J’ai peur de me relire. (Elle signe et cachette la lettre. ) J’ai peur et j’ai honte, Mais son honneur est ma protection. Et je lui fais confiance !

Extrait du numéro 9 : Scène de la lettre On remarque à l’orchestre la reprise du motif mélodique présent dans le prélude du premier acte et qui symbolise le lien de douleur de Tatiana et Lenski dans leur rapport à Onéguine.

Notes sur Eugène Onéguine Marie-Eve Signeyrole, metteur en scène

Lorsque j’ai écouté pour la première fois l’opéra, j’ai ressenti une angoisse infinie que j’ai retrouvée encore plus vivace en lisant le roman de Pouchkine. Ces personnages terrassés par l’ennui et contaminés un à un par une oisiveté maladive transpirent le spleen et l’impossibilité d’être heureux de façon presque morbide.

« L’ennui est la sensation physique du chaos… L’homme en proie à l’ennui se sent prisonnier d’une vaine liberté, dans une cellule infinie. » Fernando Pessoa

Eugène Onéguine est la rencontre de deux solitudes dans un monde où l’ennui agit comme une maladie et que les menus plaisirs ne dupent que momentanément. Le sentiment de toute-puissance d’Oneguine et le désir d’aimer de Tatiana agissent sur eux comme une obsession, une assuétude. Ils décident de se nourrir de quelque chose d’extérieur à eux pour distraire leur spleen immense. Ils se servent de l’un et l’autre pour soigner leur vacuité et se sentir vivants.

Nous avons situé l’action entre 1999 et 2003 dans une Russie divisée entre opulence et pauvreté extrême. Le désordre économique et politique a plongé une grande partie de la population russe dans la difficulté, excepté une minorité de nouveaux riches, surnommés les nouveaux Russes. Pour nous, Oneguine fait partie de cette classe-là. Un oligarque russe qui s’est enrichi pendant la Perestroïka sous la présidence de Boris Eltsine et qui a fait prospérer les richesses familiales.

De l’autre, les Larinas, petits propriétaires, habitent un immeuble vétuste de St-Petersburg, appelé « Kommunalka » que l’on peut traduire par « appartement communautaire ». Soviets locaux, aux conditions de vie dégradées, ils condamnent néanmoins les mœurs des occidentaux et s’émerveillent du retour en masse des régiments de cosaques ou des anciens combattants qui rêvent du passé. Les habitants de cette Kommunalka cohabitent, entassés à plusieurs dans un même appartement. Madame Larina, propriétaire du lieu, sous-loue chacune de ces pièces minuscules colorées et décorées au goût de chacun.

Notre décor est un sol nu de 150 m 2, où l’espace de chaque chambre est délimité par une matière et un coloris personnalisé. Un espace presque vide au bout du compte, réduit strictement à la sidération humaine. Le corps des locataires semble incrusté dans les murs qui ont disparus. Ils sont « mur ». Ils sont « souvenir ». Sans intimité, partageant à 20 les pièces communes, telles que la cuisine, la salle de bain ou les toilettes. La concentration de l’action sur un espace unique sans porte, empêche toute illusion réaliste. Pourtant, « servis sur un plateau », nos personnages y sont clairement exposés. Sans un recoin pour se cacher, ils sont livrés au public, dans leur solitude nue. Il était important pour moi de montrer que rien d’autre n’arrive que ce que l’on voit.

Quelques cadres de fenêtre ou de porte matérialisent l’espace. Un portrait de Lénine et d’Andropov trônent dans leur salon comme un musée fantôme. Le sol est usé par les va-et-vient des traîne-savates. Le mobilier suspendu par des fils rappelle le campement de fortune.

Au second plan : l’espace d’Onéguine. Jeune entrepreneur, il est le nouvel acquéreur de l’appartement mitoyen. L’espace est dans nos sociétés, l’un des symboles de richesse et de pouvoir. Plus la superficie est grande, plus l’homme est riche. Nous avons fait de ce lieu commun un principe scénographique et dramaturgique. Quand Onéguine possède à lui seul 150 m 2, eux se partagent à 20 la même superficie. Vaste, sombre et minimaliste, son espace surplombe la Kommunalka. Onéguine n’est pas l’invité surprise des Larinas. C’est le voisin omniprésent, inquiétant, menaçant dont on ne sait rien mais dont on parle tout le temps. Comme l’œil de Moscou, il visionne les images volées de ses voisins sur ses murs vides, pour combler ses heures d’oisiveté. L’appartement des Larinas est le dernier bien à acquérir de l’immeuble. Le Prince Gremin présent dès le premier acte, partage avec Onéguine le dessein de racheter les murs de la Kommunalka. A la mort de Lenski, la longue absence d’Onéguine l’exclut. Au 3 ème acte, un plan en noir et blanc, déplié au sol, matérialise la nouvelle acquisition du Prince, établi sur les vestiges de la Kommunalka.

Figures pâles, cheveux gris-blanc, manteaux vieillis, les Larinas semblent toutes générations confondues, coulés dans du marbre. Ils rappellent les personnages de Beckett en attente de ce qui va venir et ceux de Gogol qui se plaisait à peindre des fantômes vivants. Ils ont quelque chose de profondément triste et d’amusant. Souvenir « du petit père du peuple », au moindre bruit, ces âmes mortes parlent à voix basse, rient en silence de peur d’être surveillés et rangés au rang d’« ennemis du peuple ». Vieilles figures résistant à l’industrialisation, ont-ils décidés que rien ne changerait ou ignorent-ils encore sur leur écran à tube l’existence de la révolution internet. Les hommes et les femmes ressemblent à une collection de portraits délavés par la nostalgie à qui nous aurions caché la fin de l’ère soviétique et la chute du mur de Berlin.

Les deux jeunes filles rêvent chacune à leur façon d’un changement. Tatiana, semblent avoir un rapport inquiet au monde. D’abord extrêmement méfiante et sauvage, elle accède à la compréhension d’une situation par le toucher et l’observation. Olga, quant à elle, a soif de modernité et la vitesse du monde permissif et festif qui les entoure l’appelle. S’offrir à Lenski, c’est risquer de ne jamais partir, c’est accepter que rien ne change. Ce qui prime chez les Larinas, c’est le parti. Les deux sœurs appartiennent à une généalogie de femmes mariées par patriotisme où l’amour est un sentiment bourgeois. Elles tombent pourtant toutes deux amoureuses d’Onéguine. Olga voit en lui un moyen de partir, un vent de liberté, une apparente légèreté. Quant à Tatiana, elle ne connaît l'amour qu'au travers des romans. La lecture est une façon de rompre avec l’ennui du quotidien et la mort du monde auquel elle appartient. La rencontre avec Onéguine agit sur elle comme une rupture avec le néant, une fin en soi. Onéguine, lui reçoit d’un coup, d’un seul l’attente intolérable d’une jeune femme qui ignore ce qu’elle attend. Lui ou un autre, qu’importe.

L’arrivée d’Onéguine fait figure d’événement. C’est la rencontre de deux mondes que tout oppose. Lui a l’impression de visiter un musée archéologique ou un cabinet des curiosités tandis que les Larinas proches de la fascination semblent selon le sexe avoir vu l’enfer ou le paradis. Ces deux sociétés ont un point commun : l’ennui et l’attente d’un idéal. Onéguine est le personnage éponyme de l’opéra et du roman à qui Pouchkine consacre plus de 40 pages d’introduction. Nous le souhaitions en scène dès les premières notes : gommer le mystère de son arrivée tardive qui trompe selon moi l’objet du drame. Il est important d’observer sa noirceur solitaire avant de l’exposer aux mondanités pour comprendre que Tatiana tombe amoureuse d’un homme banal. Collectionneur de femmes, il vit le sexe comme une accoutumance et une provocation qui ne suffit plus à le distraire. On dit de lui « le premier des hommes inutiles de la littérature russe ». Je dirai qu’Onéguine est le produit d’une société malade. Rien ne rassasie cette âme devenue sèche : « Plus rien ne pouvait l’émouvoir, il regardait sans plus rien voir » Pouchkine.

Au milieu de ces êtres de cire qui égrènent le passé, la rencontre avec Tatiana agit sur lui comme une résistance au néant. Puisque le corps n’est vécu que comme un objet de distraction, un mensonge, ne pas s’offrir à elle ressemble à une marque d’amour ultime : « Je vous porte l‘amour d’un frère, voire un amour plus grand encore ». Onéguine et Tatiana, c’est la rencontre de deux monologues amoureux. Leur amour ne dialogue pas sauf pour se dire l’impossible. L’empêchement ne vient pas de l’extérieur. Personne ne leur dicte de conduite à tenir. Toute impossibilité est invention de leur propre cœur. Que rien ne bouge, que rien ne dérange la douceur du quotidien, là est la nature du drame à fuir. Tatiana, Onéguine et Olga sont tous résolus à ne pas souffrir l’angoisse insupportable de la prospérité quotidienne. Comme si l’amour partagé ressemblait déjà à la promesse d’un mortel ennui. Comme si nos héros s’étaient fait le serment silencieux de ne jamais aimer celui qui les aime. Aimer sans retour, c’est vivre. Pour Lensky, c’est mourir. Il est le point de rupture. Seul à faire le lien entre l’avant et l’après, entre le monde extérieur et celui des Larinas, il tue en se donnant la mort, tout espoir de félicité.

Souvent définie comme le drame « d’un amour mal synchronisé » ou « d’un ratage amoureux », cette œuvre me semble au contraire raconter le constat tragique d’une impossibilité à être heureux. Eugène Onéguine c’est préférer mourir d’amour plutôt que de mourir d’ennui.

Images extraites du documentaire de Françoise Huguier, « Kommunalka », 2008 Tous droits réservés, diffusion gratuite à usage pédagogique

Quelques maquettes des décors

Tous droits réservés, diffusion gratuite à usage pédagogique

Les duellistes

Au deuxième acte de l’opéra, Eugène Onéguine a consenti, de mauvaise grâce, à suivre son ami, Lenski, à une réception. Par jeu, il courtise Olga, dont Lenski est amoureux. Ce dernier, exaspéré par ce manège, lui lance : « Vous m’avez offensé, j’exige réparation ». Olga ajoute, plus loin : « Il faut toujours que les hommes se disputent. Controverses, querelles, et les voilà déjà prêts à se battre ! ». Tchaïkovski consacre, plus loin, une scène entière au duel qui s’achève par la mort de Lenski. Tout s’y déroule selon les règles : rendez-vous à l’aube, un témoin pour chacun chargé de vérifier l’état des armes, la distance entre les deux participants et le résultat : « Tué ? » demande Onéguine ; « Tué » répond le témoin de Lenski.

Le duel d'Eugène Onéguine et Vladimir Lenskyi par Ilya Repine

Cette étrange coutume, qui a soustrait à la vie des êtres, parfois fort jeunes, existe depuis des siècles. Durant le haut Moyen-Age, l’affrontement armé entre deux nobles pouvait être considéré comme le jugement de Dieu : c’est Dieu qui désigne le vainqueur, le vaincu est considéré comme coupable. Au fil du temps, le duel ne subsiste que si les voies ordinaires de la justice n’ont pas pu prouver la culpabilité ou l’innocence de quelqu’un. A partir du XVIe siècle, c’est le duel pour l’honneur qui l’emporte. On se bat sous n’importe quel prétexte. Les maîtres d’escrime italiens généralisent l’usage de l’épée. C’est aussi une façon pour la noblesse de résister à la monarchie dont le pouvoir s’affirme, en conservant ce règlement des conflits en marge de la justice de l’Etat. Cette mode entraîne entre 1588 et 1608 la mort de presque 10000 nobles. Plusieurs édits royaux en interdisent la pratique, sans effet. Sous Louis XIII, l’édit de 1626 condamne à mort les contrevenants et est appliqué avec rigueur. Mais, en fait durant tout l’Ancien Régime, les gentilshommes continuent à se battre. Le siècle des Lumières ne voit pas cette coutume décliner. On aurait pu penser que le XIXe siècle, celui de la Révolution industrielle, de la foi dans le progrès et la raison aurait tourné la page. Il n’en est rien. Le duel se démocratise : la bourgeoisie imite la noblesse. Tous les prétextes sont bons et les provocations, souvent à la limite du ridicule. Les hommes politiques, journalistes, écrivains, peuvent se retrouver face à un adversaire, sans oublier les maris bafoués. Les militaires se battent au sabre, les civils à l’épée, au pistolet. Guy de Maupassant préconisait : « [qu’] il faut préférer le pistolet à l’épée, car il laisse plus de place au sort aveugle ». En effet, l’épée avantage trop le meilleur ; au pistolet même une personne moins jeune, maladroite peut l’emporter. La provocation en duel est souvent à la limite du ridicule ainsi que le souligne Onéguine à Lenski: « Ecoute, c’est absurde. On fait cercle autour de nous ».

Aux Etats-Unis, jusque vers 1850, on comptait de très nombreux affrontements, extrêmement brutaux, avec la volonté de tuer. En Europe, on se bat pour dire qu’on a répondu à une offense. Bien sûr, il peut y avoir une issue fatale, mais pas forcément. Les deux pays qui s’illustrent le plus dans cette pratique au XIXe siècle sont la France et l’Italie. En Allemagne, dans le monde étudiant, le duel est conçu comme un rite d’initiation : on porte un masque de cuir sur le visage. Seuls le front et les joues ne sont pas couverts. Le nombre des balafres permet de tirer gloire de sa bravoure. Une multitude de personnes se sont livrée à cette pratique au XIXe siècle. Certains avec délectation, comme Georges Clemenceau, fine lame, qui s’est affronté 12 fois sans une égratignure.

Le député boulangiste Déroulède et le député radical Clemenceau.

D’autres, contraints pour répondre à une attaque écrite malveillante. C’est ainsi que le jeune Marcel Proust ne tolère pas une critique très mauvaise de sa première publication où il est qualifié de « chochotte » et « d’écrivain précieux »; d’autant plus que le journaliste laisse passer une insinuation à ses relation homosexuelles avec le fils d’Alphonse Daudet. Les deux protagonistes ont, malgré tout, la sagesse de décider qu’ils tireront leur balle vers le sol. Hélas, cette sage précaution n’a pas toujours été prise, surtout dans des affaires d’honneur marital. C’est ainsi que le jeune Evariste Gallois, mathématicien français de génie, est mort à 20 ans, pour une histoire d’amour, en 1832. Il avait passé toute la nuit à écrire des équations et tout son héritage mathématique.

Pouchkine, l’écrivain russe du roman E. Onéguine, dont Tchaïkovski s’est inspiré, meurt à 38 ans, comme son personnage Lenski. Irrité par les rumeurs qui circulent sur la cour assidue d’un Français, le baron d’Anthès, auprès de sa femme, Pouchkine le provoque en duel en 1837. Le poète décède des suites de ses blessures.

La mort à 37 ans de Pouchkine par A. Volkoff.

Après la guerre de 1914- 18, cette néfaste coutume tombe dans l’oubli.

Quelques originaux se sont, malgré tout, affronté au XXe siècle. Le dernier duel connu en France remonte à 1967. Le député Gaston Defferre ayant traité d’ « abruti » René Ribière dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale, ce dernier demanda réparation. Le combat de 4 mn cessa après deux blessures (légères) de l’offensé.

René Ribière (à gauche), Jean de Lipkowski, le témoin (de dos) et Gaston Deferre (à droite).

Monique Morestin Des Français en Russie

Dans l’opéra Eugène Onéguine, deux Français apparaissent. D’abord monsieur Triquet dans la 2e scène du 2e acte. Celui-ci est sollicité pour chanter : « Monsieur Triquet, chantez-nous de grâce un couplet ». On nous dit de lui qu’«il habite chez Kharlikov ». Il entonne une chanson composée, dit-il, en l’honneur de Tatiana. En réalité, le livret propose soit une romance française, soit l’équivalent en russe émaillé de nombreuses fautes. Tchaïkovski a, d’ailleurs, utilisé la musique d’une mélodie d’Amédée de Beauplan (1790- 1853), intitulée à l’origine, Le Repos. Dans la scène du duel, Onéguine arrive avec son domestique, Guillot: « Mon témoin ? Le voici : monsieur Guillot !...Peut-être est-il inconnu dans le monde, mais il n’en est pas moins homme d’honneur ». Dans le roman de Pouchkine (dont s’est inspiré Tchaïkovski), Onéguine est élevé par une gouvernante française, et son précepteur « monsieur l’abbé » est, lui aussi, français. Tatiana est présentée dévorant des romans occidentaux. Elle maîtrise mal le russe. Aussi, voilà comment le poète parle de la lettre qu’elle écrit à Onéguine: « Elle écrivait en français. Que faire ? Je vous le redis encore, jusqu’à nos jours, l’amour féminin ne s’exprimait pas en russe : jusqu’à nos jours, notre langue fière ne s’était pas pliée à la prose épistolaire. Je sais : on veut obliger les dames à lire le russe. Quelle horreur ! » Donc, il a écrit la lettre en français, puis l’a traduite en russe. Tchaïkovski reprend mot pour mot le texte dans le livret de l’opéra. Pourquoi cette place de la langue française et de la présence physique de Français dans l’empire russe ? Il faut remonter au règne de Pierre le Grand qui devient tsar à 10 ans en 1682. Dès sa jeunesse, il côtoie des occidentaux et porte un grand intérêt à leur supériorité technique. Pour mieux connaître les pays d’Europe, il les visite incognito en 1697. Il veut arracher son pays à « la barbarie asiatique ». La fondation de Saint Pétersbourg en 1703 en est l’illustration : la ville ne reçoit pas un nom russe, mais allemand. Cette nouvelle capitale est érigée par des architectes venus essentiellement d’Italie, mais allemands, français participent aussi à son embellissement. Dans la ville, on s’habille « à la française », on se rase (porter la barbe est une habitude traditionnelle russe). Lors de son voyage en France, en 1717, le tsar se laisse imprégner par la culture, les sciences et les technologies pour en faire bénéficier son pays et l'européaniser. Le rayonnement de la culture française sous Louis XIV, puis au siècle des Lumières est conforté par l’invitation de Français dans l’Empire. Le philosophe, Diderot, s’y rend, en 1773-74, sollicité par Catherine II. La langue française devient celle de l’élite qui s’exprime avec beaucoup de difficultés en russe De nombreux écrivains russes parsèment leurs œuvres de mots et parfois de passages entiers en français (Tolstoï, Tchekhov, etc.). Pendant l’invasion de la Russie par Napoléon, en 1812, l’aristocratie s’efforce de parler russe par patriotisme. Mais un jour une dame laisse échapper « Elle est tombée amoureuse de ce jeune homme ». Comme on la critique, elle rétorque : « Mais comment peut-on dire des choses pareilles en russe ? » On retrouve donc, dans ces propos, les réflexions de Pouchkine à propos de la lettre de Tatiana. Pouchkine, né en 1799, est élevé presque seulement en français. Il est imprégné de littérature française (Molière, Voltaire…). Au lycée, on le surnomme « le Français ». Mais c’est lui qui a créé la littérature russe en imposant son talent dans cette langue. Quant à Tchaïkovski, sa mère, Alexandra d’Assier, descend d’une famille française émigrée. Sa gouvernante est suisse. Lors de ses voyages en France, il est séduit par la musique de de Bizet. Il admire aussi Saint-Saëns, Berlioz, Gounod, Massenet. Un bouleversement politique a renforcé l’influence française en Russie, c’est le phénomène de l’émigration sous la Révolution et l’Empire. Durant cette période troublée, des aristocrates, des membres du clergé qui se sentaient menacés, ont fui la France et se sont réfugiés dans divers pays d’Europe dont la Russie. On estime leur nombre à 10 000 dans cet Empire. Il ne s’agit donc plus seulement d’une influence culturelle, mais d’une présence physique. Certains obtiennent un emploi à la cour ou dans l’armée russe qui manque beaucoup d’expérience : on y apprécie la compétence des officiers français. Des émigrés de moins grande naissance sont engagés en masse par les familles de l’aristocratie comme précepteurs. La noblesse peut ainsi transmettre à ses enfants cette culture prestigieuse. Le frère du révolutionnaire Marat enseigne au lycée de la noblesse où étudie Pouchkine. De nombreuses écoles privées s’ouvrent, tenues par des Français lettrés, de naissance plus modeste. Ainsi, le prestige de la France des Lumières continue à rayonner. Des émigrés développent le commerce entre la Russie et la France. Ils y introduisent des goûts et des habitudes nouvelles, comme la dégustation de vins pendant les repas. Certains reviennent en France lorsque l’atmosphère politique leur devient favorable. Examinons quelques exemples. Le duc de Richelieu arrive en Russie en 1790 et y reste jusqu’en 1814. Il participe à plusieurs campagnes militaires. Nommé par le tsar gouverneur d’Odessa, il transforme ce village en capitale de province. Pendant la peste qui ravage la ville, il y reste et parvient à vaincre l’épidémie. Une statue, située en haut de l’escalier qui domine le port rappelle son souvenir.

Statue du duc de Richelieu à Odessa, réalisée par Ivan Martos, en 1828 Tous droits réservés, diffusion gratuite à usage pédagogique

La célèbre peintre, portraitiste de l’aristocratie française, Elisabeth Vigée-Lebrun, fuit la France dès 1791. Elle séjourne en Italie, à Vienne. L’ambassadeur de Russie la convie dans son pays. Elle y reçoit de nombreuses commandes de la haute société. De très nombreux portraits en résultent. Elle rentre en F en 1802

Grande Duchesse Elisaveta Alexeievna , par E. Vigée- Lebrun, 1801 Tous droits réservés, diffusion gratuite à usage pédagogique

Certains Français s’installent définitivement en Russie. C’est ainsi que Gabriel- François Doyen, peintre du roi Louis XVI, s’installe en Russie en 1792. Il devient peintre et amant de Catherine II de Russie puis peintre de Paul Ier : il est nommé directeur de l'Académie des beaux-arts, décore plusieurs palais impériaux et forme des peintres russes. Il meurt à Saint- Petersbourg en 1806. D’autres émigrés, après des années d'exil ont appris à vivre en Russie et y restent, (par exemple les ancêtres de la mère de Tchaikovski). Messieurs Triquet et Guillot, les deux Français visibles dans Eugène Onéguine, font partie de ce groupe. Et le fait que dans l’argument d’un opéra russe, on en croise deux, incite à penser que dans la haute société russe, c’était assez fréquent. Les coutumes de la noblesse française ont inspiré à Tchaikovski un autre opéra, La Dame de Pique, dans lequel, le jeu du Pharaon, très en vogue à Versailles et connu en Russie grâce aux émigrés, est un pivot de l’action.

Monique Morestin

Références

Bibliographie

POUCHKINE Alexandre, Eugène Onéguine , roman en vers traduit du russe par André Markovicz, Folio classique, 1996, 336 p.

TCHAÏKOVSKI Piotr Ilyitch, Eugène Onéguine , Opéra de Marseille, Actes Sud, 2004, 146 p.

Eugène Onéguine , l’Avant-Scène opéra, n°43, Paris, 2002, 127 p.

LISCHKE André, Piotr Ilyitch Tchaïkovski , Paris, Fayard, 1993, 1132 p.

LISCHKE André & collectif, Tchaïkovski au miroir de ses écrits , Paris, Fayard, 1996, 434 p.

KAMINSKI Piotr, Mille et un opéras , Fayard, Paris 2003.

SABY Pierre, Vocabulaire de l’opéra , Minerve, Paris, 1999.

Enregistrements

CD audio , Sofia National Opera Chorus & Festival Orchestra, dirig par Emil Tchakarov, double CD Sony Classical, 2009. Eugene Onegin , Staatkapelle Dresden, dirigé par James Levine, double CD Deutsche Grammophon, 1989. Eugene Onegin, Chorus and Orchestra of the Bolshoi Opera, Alexander Melik-Pash aev et Alexander Orlov, enregistrement historique de 1937, Great Opera Recordings, Naxos, 2006.

DVD (captations d’opéra) Eugene Onegin, dir. Valery Gergiev, , Decca, 2008. Eugene Onegin , dir. , mise en scène : Andrea Breth, Festival de Salzbourg, 2007, Ed. Deutsche Grammophon. Eugene Onegin , The Bolshoi Theatre Soloists, Orchestra and Chorus, dirigés par Alexander Vedernikov, mise en scène de Dimitri Tcherniakov, BelAir classiques, 2009.

Sites Internet http://www.tchaikovsky-research.net/ > L’un des sites les plus documentés sur le compositeur (chronologie, oeuvres, biographie). http://imslp.org/wiki/Eugene_Onegin,_Op.24_(Tchaikovsky,_ > Partition complète de l’œuvre http://www.opera-lille.fr/fichier/o_media/9219/media_fichier_fr_euga.ne.pdf > Cahier pédagogique de l’Opéra National de Lille http://www.operalyon.com/fileadmin/user_upload/Documents/opera_0910/Eugene_Oneguine/Texte_O nguine.pdf > Livret de l’opéra de Lyon

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Ari Rasilainen, direction Ari Rasilainen a étudié dans la classe de direction de Jorma Panula à l'Académie Sibelius à Helsinki et était à Berlin élève d'Arvid Jansons pour la direction et d’Aleksander Lobko pour le violon. Avant d’entamer une carrière de chef d'orchestre, Ari Rasilainen a joué du violon avec l'Orchestre symphonique de la Radio finlandaise et, de 1980 à 1986, était second violon soliste dans l'Orchestre Philharmonique de Helsinki. De 1985 à 1989, il était Directeur musical du Lappeenranta City Orchestra et le principal chef d'orchestre invité de l'Orchestre Philharmonique Tampere jusqu'en 1994. Il devient alors le Directeur musical du Norwegian Radio Symphony Oslo jusqu'en 2002. Simultanément il était en poste au Jyväskylä Sinfonia jusqu'à 1998 et, de 1999 à 2004, avec le Sinfonietta Pori (Finlande). En 2002, il est nommé Directeur musical de la Deutsche Staatsphilharmonie Rheinland-Pfalz (Ludwigshafen), poste qu'il garde jusqu'à 2009. Depuis la saison 2002/03, il occupe un poste de chef invité permanent de l'Aalborg Symfoniorkester (Danemark). En Finlande, il participe aux productions de Lohengrin , La Flûte enchantée et Tosca, au Festival d'Opéra de Savonlinna en 2005, il dirige l'opéra finlandais Ratsumies de Aulis Sallinen. Directeur musical à Ludwigshafen, Ari Rasilainen a dirigé les principaux orchestres de radio, ainsi que le Gewandhausorchester de Leipzig, l'Orchestre d'état de Hanovre, de Hambourg, la Philharmonie de Brême, Stuttgarter Philharmoniker Orchestra, Orchestre Philharmonique de Strasbourg, la Philharmonie Slovène, Orquestra Simfonica de Barcelone et Nacional de Catalunya, Orquestra d'Euskadi, Orchestre de la Suisse Romande, l'Orchestre Symphonique de Berne et leTonkünstler Orchester Niederösterreich. Il a travaillé avec des solistes tels que Lucia Aliberti, Juliane Banse, Claudio Bohorquez, Montserrat Caballé, José Carreras, Julia Fischer, Andrej Gavrilov, Hilary Hahn, Nigel Kennedy, Shlomo Mintz, Daniel Müller-Schott, Johannes Moser, Olli Mustonen, Grigory Sokolov, Christian Tetzlaff, Arcadi Volodos, Frank Peter Zimmermann et Nikolaj Znaider. De nombreux enregistrements CD démontrent la portée du travail artistique d'Ari Rasilainen et de son large répertoire. Plus de 50 enregistrements pour des labels différents incluent toutes les symphonies et les concertos de Kurt Atterberg, aussi bien qu'une majeure partie de la production symphonique de son compatriote Aulis Sallinen. Des sorties récentes incluent la Symphonie de la Nature de Siegmund von Hausegger avec l'Orchestre WDR Cologne. L’académie de musique de Würzburg l’a nommé, en 2011, professeur de direction d’orchestre.

MarieMarie----EveEve Signeyrole, mise en scène Elle s’initie d'abord à la photographie et au théâtre. Elle écrit et met en scène ses premières pièces puis comédies musicales jeune public au sein de l’Association musicale Divertimento. Licenciée des Lettres Modernes à la Sorbonne, et diplômée d’un master audiovisuel à l’Institut International de l’Image et du son, elle conclut ses études par un mémoire sur le travail de Patrice Chéreau: « Opéra et Cinéma, des territoires en circulation », et signe un parcours à deux voies. En 2003, elle fait ses premiers pas à l’Opéra de Paris sur les productions de Willy Decker Eugène Onéguine , Peter Sellars Tristan et Iseult , Laurent Pelly Ariane à Naxos et L’Elixir d’amour , Krzysztof Warlikowski L’Affaire Makropoulos …Travailler régulièrement dans cette institution, lui permet d’assister un grand nombre de metteurs en scène et d’aborder un large répertoire allant du baroque Les Indes galantes avec Andreï Serban aux créations contemporaines Melancholia avec Stanislas Nordey. En 2004, elle participe à la création d ’Ellios Production , société de production audiovisuelle en qualité de directrice artistique et de réalisatrice. Depuis 2006, elle est collaboratrice à la mise en scène de Christoph Marthaler sur Les Noces de Figaro et sur la création Sale en 2012 à l’opéra de Zurich. En 2007, elle collabore avec Emir Kusturica sur Le Temps des gitans à l’Opéra de Paris et réalise la captation TV multi-caméras du spectacle. Cette rencontre est suivie de son deuxième moyen métrage Alice au pays s’émerveille qu’elle réalise en 2009, en Serbie et dans lequel Emir Kusturica est interprète. Le film est sélectionné dans les festivals internationaux (France, Suisse, Pologne, Roumanie, Allemagne…). Elle achève actuellement l’écriture de son premier long métrage et poursuit son activité de réalisatrice. A l’opéra, elle assiste des metteurs en scène tels que Stanislas Nordey, Pet Halmen, Gilbert Deflo, Andreï Serban, Jean-Paul Scarpitta, David Mc Vicar, Jean-Louis Martinoty, Marco Arturo Marellli, Urs Schönebaum Jean-Claude Auvray sur La Force du destin, La Flûte enchantée, Le Bal masqué, , Macbeth, Les Maîtres chanteurs, La Somnambule, Jetzt, What next !… En mai 2012, elle en met scène "La Petite Renarde Rusée" de Leoš Janáček, à l’Opéra National de Montpellier. Elle participe à l’Académie européenne de musique en tant que jeune metteur en scène sous la direction de Manfred Trojann en juin 2013 au Festival d’Aix-en-Provence. Projets en 2014 Juin : Mise en scène pour 10 mois d’école et d’opéra une création autour de 14-18 en juin pour l’Opéra de Paris, Nancy, et Metz. Octobre : Owen Wingrave de Britten à l’Opéra National de Lorraine. Novembre : Les quatre opéras bouffes de Germaine Tailleferre à Limoges.

Lucas MeachemMeachem,, Eugene Onegin Le baryton Lucas Meachem est un interprète internationalement reconnu. Sa voix et ses formidables interprétations l'ont conduit sur les plus grandes scènes d'opéra du monde. 2012-2013 est une saison très intense pour lui. Elle débute avec l’opéra Iolanta de Tchaikovsky avec la soprano Anna Netrebko, en tournée dans onze des plus importantes maisons d’opéra d’Europe incluant Vienne, Munich, Paris, Berlin et Amsterdam. Meachem a aussi chanté Marcello dans La Bohème à l'Opéra Lyrique de Chicago, suivi du rôle-titre dans Don Giovanni à l'Opéra de Cincinnati. Meachem a aussi interprété cette saison la Symphonie Lyrique opus 18 de Zemlinsky avec La symphonie de Saint-Louis et au cours de concerts de gala au Festival Natchez avec la San Antonio Symphony. Durant la saison 2011-12 Meachem est retourné à l'Opéra de San Francisco pour interpréter le rôle principal dans Don Giovanni de Mozart. Ensuite Meachem s’est rendu à Londres pour chanter le rôle du Comte Almaviva dans Le nozze di Figaro, production de l'Opéra Royal avant de retourner à l'Opéra de San Diego pour exécuter le rôle principal dans Il barbiere Di Siviglia , suivi par Wolfram dans Tannhäuser pour l'Opéra de Toulouse.

Dina Kuznetsova, Tatiana Mme Kuznetsova a été élève au Lyric Opera Center pour Artistes américains (Chicago). Elle a d’abord étudié le piano au Conservatoire Tchaïkovski de Moscou, ville où elle est née, et a suivi des cours de chant au Conservatoire de musique d’Oberlin. En même temps qu’elle étudie à l'Académie de Musique de Santa Barbara, elle est pressentie pour le rôle principal de Rodelinda d'Haendel et obtient le premier prix au concours de la Fondation Marilyn Horne, ce qui la conduit à donner son premier récital à New York. A la demande de Renata Scotto, elle donne un récital en duo à Savone en Italie, sous les auspices de l'Académie d'Opéra de Renata Scotto. Son succès international, obtenu dans un large répertoire lyrique, a commencé avec le rôle de Merab / Saul oratorio de Haendel à Bruxelles, suivi par Donna Anna / Don Giovanni et Adina / L'elisir d'amore (Berlin Sttatsoper), Giulietta/ I Capuleti e I Montecchi ( de Londres) et le rôle principal de Rodelinda (Staatsoper de Munich) Elle a chanté Musetta / La Bohème à San Francisco, Violetta / La Traviata à Mesa Costa (Opera Pacific) et à l’Opéra de Boston, Gilda / Rigoletto à l’Opéra de Boston, de Chicago et Cincinatti. Elle a chanté le rôle principal dans La petite Renarde rusée à l'Opéra Lyrique de Chicago. Elle y est ensuite retournée pour le rôle de Juliette / Roméo et Juliette . Parmi les temps forts de sa carrière : un retour à l'Opéra Lyrique de Chicago pour le rôle de Tatiana aux côtés de dans Eugène Onéguine dirigé par Andrew Davis, ses débuts au State Opera de Vienne dans le rôle de Juliette et sa prise de rôle pour Lauretta dans une nouvelle production de au Covent Garden. En 2009, Dina Kuznetsova fait ses débuts au Festival de Glyndebourne comme Alice Ford dans une nouvelle production de Falstaff de , dirigée par Vladimir Jurowski et en 2011, toujours au Festival de Glyndebourne, elle fera des débuts très remarqués, dans de Dvořák dirigé par Andrew Davis. Son profond intérêt pour le récital l’a conduite à s’associer avec le New York Festival of Song. Elle a aussi chanté au Weill Hall, au Lincoln Center, avec l'Orchestre national de France et avec les grands orchestres de Cliveland et Boston. Dina Kuznetsova a travaillé avec de nombreux grands chefs d’orchestre tels : Daniel Barenboim, Sir Andrew Davis, Gennady Rozhdestvensky, Mikhail Pletnev, Vladimir Jurowski, , Donald Runnicles, Jesus Lopez-Cobos et d’autres.

Anna Destraël, Olga D’origine tourangelle, Anna Destraël a reçu l’enseignement de Mireille Alcantara et de Chantal Mathias, et a suivi les master classes de José van Dam et Robert Massard. Elle a fait partie du Nouveau Studio de l’Opéra de Lyon. Dans les opéras de Tours, Reims, Metz ou encore à Angers-Nantes Opéra, Anna Destraël a tenu les rôles- titres de La Belle Hélène et de Carmen, les rôles de Bianca dans The Rape of Lucrecia , Isolier dans Le Comte Ory , la Deuxième Dame dans La Flûte Enchantée puis Mercedes dans Carmen . Par ailleurs, elle chante Mme Balendard dans Un festin imprévu , Croûte-au-Pot dans Mesdames de la Halle , le Komponist dans Ariadne auf Naxos , Sesto dans La Clemenza di Tito et Jenny-des-Lupanars dans l’Opéra de quat’sous . Elle a incarné Carmen dans la version de Marius Constant La Tragédie de Carmen , Chérubin dans Le Nozze di Figaro , Suzuki dans et Conception dans L'Heure espagnole . Remarquée par Eve Ruggieri, elle a chanté dans son émission « Musiques au cœur » sur France 2 ainsi que dans l’émission de Gaëlle Le Gallic « Dans la cour des grands » sur France Musique. Anna Destraël se produit en concert dans de nombreux récitals, accompagnée par Maciej Pikulski et propose des programmes comme Le Tour du Monde en 80 minutes , L’Art des Mots , L’Art d’Aimer , Frauenliebe und Leben , Le Poème de l’Amour et de la Mer… On a pu l’entendre dans des festivals tels « Les Journées Romantiques du Vaisseau Fantôme », « Les Automnales du Château de Compiègne et De Varsovie à Paris », « Les Promenades musicales du Pays d’Auge »... Elle chante également en concert le Magnificat de Karl-Philipp-Emmanuel Bach, le Requiem de Mozart et la Paukenmesse de Haydn. On l’a récemment entendue dans la IXe Symphonie de Beethoven à Dijon. En mai 2013, elle reprend au pied levé le rôle du Komponist dans Ariadne auf Naxos au Théâtre de l’Athénée de Paris avec l’ensemble Le Balcon. Cette saison, elle chante le rôle d’Angelina dans La Cenerentola à l'Opéra de Metz et chante le rôle d’Olga dans Eugène Onéguine à l’Opéra de Montpellier.

Dovlet Nurgeldiyev, Lenski Né à Ashgabat au Turkménistan, Dovlet Nurgeldiyev y commence ses études de chant en 1994. De 2001 à 2005, il étudie au Conservatoire de Tilburg (Pays-Bas). En 2006, il poursuit ses études au Conservatoire Royal de la Haye où il obtient son diplôme supérieur. En 2008, il rejoint l’ensemble de l’Opéra Studio de Hambourg où il fait des débuts très appréciés par la presse et le public dans le rôle de Fenton dans Falstaff de Verdi. Il y chante ensuite Le Chevalier dans Dialogues des Carmélites , Camille dans La Veuve joyeuse , Steuermann dans Der fliegende Holländer . Membre de l’Opéra de Hambourg depuis la saison 2010/2011, Dovlet Nurgeldiyev y a interprété les rôles de Alfredo dans La traviata , Lensky dans Eugène Onéguine, Vladimir Igorevich dans Le Prince Igor et Nemorino dans L’Elisir d’amore . Il a obtenu sur scène un grand succès pour son interprétation de Don Ottavio dans Don Giovanni , rôle qu’il reprendra dans une nouvelle production donnée à l’Opéra d’état de Budapest. Il a également incarné le rôle de Vladimir Igorevich dans Le Prince Igor à Hambourg.

Mischa Schelomianski, Gremine Après avoir chanté le rôle du Prince Gremin dans Eugène Onéguine au Festival de Glyndebourne en 2008, la basse russe Mischa Schelomianski y est réinvité la saison d’après pour chanter le rôle de Vodnik l’Esprit du Lac dans Rusalka , sous la baguette de Jiri Belohlavek. Dernièrement, il retourne à l’Opéra de Paris (Sam dans un Ballo in Maschera ), il chante à l’Opéra de Cologne (Sarastro dans la Flûte Enchantée , le Roi Marke dans Tristan et Isolde sous la direction de Kent Nagano, Tiresias dans Oedipus Rex ) et avec le MDR de Leipzig ( Michelangelo Suite de Chostakovitch). Il participe aussi à une série de concerts avec l’Orchestre Symphonique de Malmö dirigé par Mario Venzago. Cette saison, on retrouve Mischa Schelomianski dans les rôles de Frère Benedictin dans Les Fiançailles au Couvent de Prokofiev au Capitole de Toulouse et à l’Opéra Comique, Don Fernando dans Fidelio à Nice, L’Empereur Altoum dans Turandot de Busoni à Dijon, Osmin dans L’Enlèvement au Sérail à Prague. Ses projets comprennent Rusalka (Vodnik l’Esprit du lac) à Tokyo, à Glyndebourne, Montpellier, Charlotta dans La Cerisaie de Philippe Fénelon en création mondiale à l’Opéra national de Paris, le Prêtre et le Blaireau dans La Petite Renarde Rusée à Glyndebourne. Les saisons précédentes, on a pu l’entendre à l’Opéra national de Lyon pour une production d’ Eugène Onéguine (Gremin) et Mozart et Salieri (Salieri), à Berne, l’Opéra national de Paris (u n Ballo in Maschera, la Guerre et la Paix de Prokofiev), à l’Opéra du Rhin ( Oedipus Rex et Rossignol de Stravinksy), à l’Opéra de Lyon ( Eugène Onéguine ). Il a chanté au Bayerische Staatsoper de Munich (Eugène Onéguine ), à l’Opéra de Francfort ( la Fiancée du Tsar, un Ballo in Maschera ), au Staatsoper de Hambourg (Seneca dans l’Incoronazione di Poppea , Filippo dans Don Carlo ). En concert, il s’est produit avec l’Orchestre de Paris, Salle Pleyel ( Scènes de Faust de Schumann), l’Orchestre Philharmonique Royal de Stockholm et le Bamberger Symphoniker ( Requiem de Verdi), le MDR Leipzig ( Erste Walpurgisnacht de Mendelssohn, la Nelson-Mass de Haydn et Noces de Stravinsky), le Festival de Schleswig-Holstein (Osmin dans l’Enlèvement au Sérail en version de concert et l’Esprit du lac dans Rusalka ), l’Orchestre des Pays de la Loire ( Requiem de Mozart). Il a chanté au Rheingau Musikfestival, Musikhalle Hamburg, Glocke Bremen, Philharmonie Berlin, Tonhalle Düsseldorf, Tonhalle Zürich, Alte Oper Frankfurt, Philharmonie München, avec la Deutsche Kammerphilharmonie Bremen, ainsi qu’à Stuttgart, Maastricht, Hilversum, Göteborg, La Haye, Amsterdam et aux Etats Unis pour le Festival Bach en Oregon. Il a collaboré avec des chefs d’orchestre tels Marc Albrecht, Christoph Eschenbach, Arthur Fagen, Justus Frantz, Alan Gilbert, Gennady Rozhdestvensky, Renato Palumbo, Kirill Petrenko, Ingo Metzmacher, Bruno Weil, Lawrence Renes, Olaf Henzold, Stefan Soltesz, Alessandro de Marchi, Alexander Joel, Vladimir et Michael Jurowski, Helmut Rilling, Mario Venzago, Semyon Bychkov. Il a travaillé avec des metteurs en scène tels que Nikolaus Lehnhoff, Robert Carsen, Harry Kupfer, Christine Mielitz, Peter Konwitschny. Il s’est produit au Grand Théâtre de Genève, au Vlaamse Opera d’Anvers et Gand, au Deutsche Reiseopera, au Wiener Volksoper, au Théâtre des Champs Elysées à Paris, au Landestheater de Salzburg puis à Potsdam, au Festival Haendel de Halle, au Brüjler Schlossfestspiele, au Staatstheater de Mainz, au Nationaltheater de Mannheim, au Festspielhaus de Baden-Baden, au Komische Oper de Berlin. Mischa Schelomianski a grandi à Moscou. Après des études d’Ingénieur en télécommunications, il a intégré l’Ecole Supérieure pour la Culture de Moscou d’où il est sorti avec un diplôme de chant et direction chorale. Il est également diplômé de la Hochschule für Musik und Darstellende Kunst de Francfort grâce à l’enseignement de son professeur Berthold Possemeyer. Mischa Schelomianski possède désormais la nationalité allemande et réside à Francfort.

Svetlana Lifar, Madame Larine La mezzo-soprano française, d'origine russe Svetlana Lifar étudie la musique au Conservatoire de Moscou et en Bulgarie puis en France au Conservatoire National de Paris. Elle est lauréate de nombreux concours et intègre en 1997 le Cnipal de Marseille. Elle chante la marchande de journaux/ Les Mamelles de Tirésias , le berger/ L'Enfant et les Sortilèges , Suzuki/ Madama Butterfly à Besançon, le Requiem de Mozart à Lyon et Saint-Etienne. Elle intègre la troupe de l'Opéra National de Lyon et interprète Clara/ Les Fiançailles au Couvent , Rosina/ Il Barbiere di Siviglia , Minerve/ Orphée aux Enfers , Flora/ La Traviata , la deuxième Nymphe/ Rusalka , Fiodor/ Boris Godounov , Pauline/ La Dame de Pique.. . Très vite l'Opéra National de Paris l'invite pour Flora/ La Traviata , une Dryade/ Ariadne auf Naxos dans la mise en scène de Laurent Pelly, la deuxième Nymphe/Ruslaka , (DVD)... Parallèlement, on la retrouve sur toutes les scènes lyriques françaises dans des rôles comme Mercedes/ Carmen à Avignon, Sélysette/ Ariane et Barbe Bleue à Nice , Rossweisse/ Die Walküre à Marseille... Parmi les éléments marquants de sa carrière citons en 2005, ses débuts à la Scala dans Pauline/ La Dame de Pique , Vava/ Cheremuschki à Lyon dans une mise en scène de Masha Makeïev, sa première Marguerite/ La Damnation de Faust pour l'ouverture du Festival International du Printemps à Shanghai. Suivant depuis peu les conseils de Viorica Cortez, Svetlana Lifar explore un nouveau répertoire. Elle reprend Suzuki/ Madama Butterfly et fait sa prise de rôle de Mrs Quickly/ Falstaff ainsi que Geneviève/ Pelléas et Mélisande à Tours puis chante le Requiem de Verdi à Nancy, la 9e Symphonie de Beethoven à Avignon et Toulon, Pauline/ La Dame de Pique à Monte Carlo, Madame Rosa/ Il Campanello de Donizetti à Tenerife, Neris/ Medea de Cherubini à Nancy... Au cours de sa carrière, Svetlana Lifar chante régulièrement aux côtés de Renée Fleming, Dmitri Hvorostovski, Natalie Dessay, Rolando Villazon, Susan Graham, Ludovic Tézier, Janice Baird, Vladimir Galouzine, Nadine Denize, Elena Obraztsova, et sous la direction de chefs tels que James Conlon, Yuri Temirkanov, Marc Minkovski, Ivan Fisher, Emmanuel Krivine, Pinchas Steinberg, Giuliano Carella, Jean-Yves Ossonce, Philippe Jordan, Louis Langrée, Dmitri Jurowski, Claude Schnitzler... En 2010, Svetlana Lifar a été Madame Larina/ Eugène Onéguine à Monte Carlo, en 2011, Bianca /Le viol de Lucrèce à Angers-Nantes Opéra, en 2012 Douniacha/ La Cerisaie en création mondiale à l'Opéra de Paris, et Smaragdi/ Francesca da Rimini à Monte Carlo... A Toulon, elle a chanté Fenena/ Nabucco .

Olga Tichina, Filippievna Née en Biélorussie, Olga Tichina achève en 1977 ses études au Conservatoire de Minsk et y obtient ses diplômes de cantatrice et de professeur de chant. Elle commence à travailler au Grand Opéra de Biélorussie et au cours des quinze années qui suivent y tient les rôles de : Ulrica dans Un ballo in maschera, Maddalena dans Rigoletto, Suzuki dans Madama Butterfly, Carmen (rôle-titre), Flora dans Le medium de Menotti, Marina dans Boris Godounov, La Comtesse dans La Dame de pique, Kontchakovna dans Le Prince Igor de Borodine, Hélène dans Guerre et paix de Prokofiev. Membre permanent du cadre des Chœurs de l’Opéra national Montpellier Languedoc-Roussillon, elle participe ainsi à plusieurs productions et interprète notamment les rôles de Dame Marthe (Faust). Mamma Lucia (Cavalleria rusticana), La Nourrice ( Boris Godounov ), Madame Larina ( Eugène Onéguine ), Wowkle (La fanciulla del West)…

Loïc Félix, Monsieur Triquet Loïc Félix commence très jeune le chant et devient membre du Chœur des Petits Chanteurs à la Croix de Bois jusqu’à l’âge de treize ans. Il fait son service militaire dans le Chœur de l’Armée Française. Il entre au CNSM de Paris dans la classe de Christiane Eda-Pierre, puis de Christiane Patard. Il est également diplômé de la classe d’art dramatique. Loïc Félix a également participé à des master-classes dirigées par Michel Sénéchal, Régine Crespin et Renata Scotto. Sur scène, on a pu l’entendre dans les rôles de Pedrillo de L’Enlèvement au Sérail à Angers et dans Monostatos dans Die Zauberflöte à Saint-Céré, dans Lacouf des Mamelles de Tirésias, dans le rôle-titre d’Albert Herring de Britten à l’Opéra de Rennes. Il est également apparu dans Doktor Faust de Busoni au Théâtre du Châtelet, Le Petit ramoneur de Britten à l’Opéra-Comique, Les Mamelles de Tirésias (Le Journaliste) à l’Esplanade de Saint-Etienne, Ubu Opéra, une création avec la Péniche Opéra et Monsieur Choufleuri (Petermann) à l’Opéra national de Montpellier. Il a chanté le rôle de Pedrillo dans L’Enlèvement au Sérail sous la direction de Marc Minkowski à Baden Baden, au Festival d’Aix-en-Provence et au Luxembourg. On a ensuite pu l’entendre dans La Grande Duchesse de Gérolstein (Prince Paul) et Le nozze di Figaro (Don Basilio) à l’Opéra national du Rhin, Il Turco in Italia (Albazar) à l’Opéra de Marseille, La Vie parisienne (Le Brésilien) à Toulouse, à Saint- Etienne et à Montpellier, Carmen (Remendado), Le Nègre des Lumières et La Chauve-Souris à Avignon, Salomé à Nice, L’Enlèvement au Sérail à Lacoste, Antibes, Marseille, Aix-en-Provence, Ancona et Cagliari, La Veuve joyeuse au Théâtre du Capitole à Toulouse, Die Zauberflöte (Monostatos) à Aix et Avignon, aux Wiener Festwochen et à Monte Carlo, Les Brigands (Le caissier) à Bordeaux, Toulon, à Paris et au Luxembourg, Roméo et Juliette de Berlioz à Varsovie, au Festival d’Edimbourg et à Toulouse, Orphée aux Enfers (Pluton) à Liège, Montpellier et Avignon, Falstaff à Montpellier, La Grande Duchesse de Gérolstein (Fritz) aux Folies Lyriques à Montpellier, La Vie parisienne à Nancy, Treemonisha de Scott Joplin au Théâtre du Châtelet, Carmen à Lille, Turandot de Busoni à Dijon, Les Mamelles de Tirésias à Lyon et à Paris… Il s’est également produit dans Carmen (Le Remendado) au Festival de Glyndebourne dans la production de D. McVicar. Loïc Félix affectionne également l’oratorio : il chante dans La Messe du Couronnement et le Requiem de Mozart, la Messe en sol et le Stabat Mater de Schubert, la Petite messe solennelle de Rossini et la Messa di gloria de Puccini. En décembre 2002, il est invité par l’Ensemble Orchestral de Paris pour interpréter L’Enfance du Christ. On a également pu l'entendre dans une version de concert de Benvenuto Cellini avec l’Orchestre de Paris, ainsi que dans Roméo et Juliette de Berlioz sous la direction de Marc Minkowski. Il a interprété la Missa brevis de Gouvy avec l'Orchestre Philharmonique de Lorraine et a participé à un gala d’opérettes au Capitole de Toulouse. Il a participé à l’enregistrement de Vert-Vert d’Offenbach, ainsi qu’a celui d’Ermione de Rossini et Maria di Rohan de Donizetti.

Laurent Sérou, un capitaine, Zaretski Né en Avignon, Laurent Sérou débute ses études de chant et de piano au Conservatoire de Carpentras qui le mène à poursuivre ses études à l’Université de Musicologie de Montpellier. En parallèle, il se perfectionne avec la soprano Françoise Garner. Il intègre par la suite le Chœur de l’Armée Française et poursuit son travail vocal avec le baryton Yves Bisson. Il participe à des émissions télévisées (Musiques au Cœur, La chance aux chansons), ainsi qu’à des enregistrements de disques et musiques de film. Sa carrière lyrique se poursuit à l’Opéra National de Paris, Opéra-Comique, Opéra de Nice, Opéra d’Avignon, Festival Eve Ruggieri, Festival Pierre Cardin (Lacoste), Chorégies d’Orange. Il est le Médecin dans Pelléas et Mélisande , le Loustic dans Le Jongleur de Notre Dame , le Capitaine dans La Fille du Régiment , le Héraut dans Otello , l’Officier dans Le Barbier de Séville , le Deuxième Philistin dans Samson et Dalila , Marullo dans Rigoletto, Le Capitaine dans Manon Lescaut. Il a été le baryton solo dans Via Crucis de Franz Liszt, ainsi que dans Le Requiem de Gabriel Fauré. Laurent Sérou est depuis 2004 membre permanent du Chœur de l’Opéra national Montpellier Languedoc-Roussillon.