Le Couple À L'étude
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n°557 | 11 octobre – 7 novembre 2010 ule mensueln de l’universitéis deco lausanne pe , 1899,© 2010 Kunsthaus Zürich. Tous droits réservés. La visiteLa Félix Vallotton (1865-1925) le couple à l’étude Deux thèses soutenues récemment explorent le couple et ses représentations. l’une en histoire de l’art, l’autre en psychologie. leurs réflexions se croisent autour d’une question : comment concilier romantisme et modernité ? (pages 2-3) Vous cherchez un job sur le Les films documentaires uniscoop | 2 campus ? Suivez le guide ! facilitent-ils l’accès page 4 du grand public aux planète UNIl | 6 sciences ? Réponse de l’anthropologue Yazid mémento | 9 Rencontre à Paris avec Ben Hounet. page 8 la romancière Pascale Kramer, invitée du cours planète UNIl | 13 public sur la francophonie. pages 6-7 la der | 20 p.p. ch-1015 lausanne ch-1015 p.p. > uniscoop reflets de couples hasard de la recherche, deux thèses universitaires explorent les représentations du couple. la première en histoire de l’art, la seconde en psychologie. Quand les universitaires parlent d’amour, l’idéal du mariage romantique passe à la moulinette. Décryptage. eux femmes, deux thèses. L’une compile des centaines de tests de D personnalité et interroge l’efficacité du speed dating. L’autre présente une sélec- tion d’œuvres picturales de grands maîtres et appelle à les scruter avec lenteur. Pourquoi en parler ? Parce que les deux études abordent le thème du couple. Ses figures idéales, les rela- © bpk / Nationalgalerie, SMB / Jörg Anders P. tions de pouvoir qui s’y jouent, la difficulté des amants à se comprendre, l’évolution du rapport entre les sexes... Présentation en mi- roir, entre psychologie contemporaine et his- toire de l’art. Des peintres inquiets Nicole Gaillard est enseignante au gymnase Auguste Piccard. Pour sa thèse en histoire de l’art, elle s’est posé deux questions : comment la peinture traite-t-elle du couple ? et quels mouvements interprétatifs appelle-t-elle chez le spectateur ? Son étude débute avec des œuvres de la fin du XIXe siècle, lorsque le lien conjugal fait l’objet d’un nouvel investissement affectif. Lorsque le mariage d’amour devient un idéal. Au premier regard, Dans la serre (1879) d’Edouard Manet montre une scène de séduction telle que la décrivent Maupassant et Zola. La main dégantée de la femme, proche de celle de l’homme, suggère un jeu amoureux, mais s’oppose à l’expression détachée de son visage, signe de retrait mental. Un deuxième La littérature, comme la peinture, s’empare regard prolongé sur les mains, qui portent des alliances, ne résout pas le paradoxe : s’agit-il d’un couple d’époux ou d’un relation doublement adultère ? alors de ce modèle. L’historienne de l’art consacre le premier chapitre de son travail à ce qui relie les peintres aux romanciers L’émancipation progressive des femmes force superpose à celle de la femme-rassurante. » Il avec comme exemple Dans la serre (1879) de les partenaires à modifier leurs représenta- en va de même pour L’attente (1900) de Louis Manet, qui montre une scène de séduction tions du couple. Le travail chronologique Beraud, qui se joue de la tendance de l’obser- telle que la décrivent Maupassant et Zola. de Nicole Gaillard montre que les peintres vateur à imaginer des amants là où il n’y en « Les couples peints racontent des histoires. transposent ce bouleversement. Parfois avec a probablement pas. « Les représentations du Et un spectateur est toujours aussi un lecteur, inquiétude : « Cette redéfinition du couple couple en peinture, peut-être plus que toute explique Nicole Gaillard. Il regarde une toile pousse les peintres à revisiter la thématique autre scène de genre, vont chercher le specta- avec les histoires qu’il a vécues, même par d’Adam et Eve. C’est le cas de La Haine de teur. Elles lui demandent une interprétation, procuration dans la fiction. » Vallotton (1908), où l’artiste donne à voir ont le pouvoir de l’impliquer », souligne l’his- l’incompatibilité entre l’homme et la femme. torienne de l’art. Pour mettre à jour cette dimension narrative, De même pour Beckmann, qui peint en 1932 la chercheuse invite à prendre le temps de une représentation du couple mythique où les regarder une toile. Et à laisser son imagination personnages se tournent le dos, comme pour les clichés perdurent reconstituer une scène de vie. « La durée est souligner qu’ils sont devenus deux individus un aspect déterminant du rapport à l’œuvre. Il autonomes, qu’ils ont des préoccupations di- L’observation attentive et la durée, deux faudrait toujours attendre que la rencontre se vergentes », note l’historienne de l’art. thèmes chers à Nicole Gaillard, constituent fasse, qu’il se passe quelque chose. C’est ce que également le socle de la thèse de Pamela Cap- j’essaie d’apprendre à mes élèves », remarque Au-delà du rapport hommes-femmes, la ma- pello. La docteure en psychologie s’est d’ail- l’enseignante. Ainsi pour l’œuvre d’Edouard jorité des toiles interrogent la représentation leurs déclarée d’emblée intéressée à lire le tra- Manet : une contemplation prolongée permet romantique de l’amour. Nicole Gaillard cite vail de l’historienne de l’art. de « mieux percevoir la tension latente qui l’exemple de Vampire de Munch (1894), qui naît du contraste entre distance et proximité semble montrer au premier abord un couple Pour sa recherche, la psychologue a souhaité dans les postures des deux personnages », note enlacé, la femme consolant l’homme : « Un mettre en évidence les facteurs qui assurent Nicole Gaillard. regard attentif et la lecture du titre amènent la durabilité d’un couple et favorisent le une réinterprétation de l’œuvre et donc une ré- bonheur conjugal. « Mon but était de procéder De 1880 à la fin du siècle dernier, les rapports flexion sur les différents visages de la relation à un tri dans les différentes théories dévelop- entre les partenaires ont beaucoup évolué. amoureuse. L’image de la femme-dévorante se pées au cours des dernières décennies », précise uniscoop uniscope | n° 557 | 11 octobre – 7 novembre 2010 2 | 3 la chercheuse, faisant référence aux approches génétique éloigné l’un de l’autre, plus l’attrac- sociologique, psychologique et biologique. tion sexuelle entre eux sera grande. À l’honneur… Surtout, son étude a adapté aux couples un Sur son échantillon, la psychologue a retrouvé doublement primé test de personnalité destiné initialement aux la tendance « d’homogamie professionnelle » individus. Ce test, élaboré par Roland Cappel décrite par les théories sociologiques. Près Le dr christian Wider, PD, MER ©DR de l’Institut de psychologie, demande de se de la moitié des couples étudiés avaient un UNIL, médecin associé au Ser- décrire par le biais de paires d’adjectifs. Une niveau de formation similaire. Un tiers, une vice de neurologie du Dépar- centaine de couples ensemble depuis vingt ans différence d’un seul niveau. La psychologue tement des neurosciences cli- en moyenne a passé l’épreuve individuelle- aurait toutefois souhaité pouvoir confirmer ce niques du CHUV, a reçu le 10 sep- ment, puis une seconde fois, en décrivant cette point sur un panel plus large que la centaine tembre 2010 le G. Shahin Award fois-ci son partenaire. de couples mis à sa disposition. for Medical Research. Verdict ? « Les résultats ont montré que les Les hypothèses biologiques se sont révélées, Ce Prix lui a été décerné par la Duval County Medi- couples tendent à projeter sur l’autre des attri- elles, plus compliquées à vérifier. « Les fac- cal Society (Floride, USA) pour son travail intitulé buts de conjoint idéal, même si ce dernier ne teurs biochimiques, à l’exemple des phéro- « Leukoencephalopathy with spheroids (HDLS) and se perçoit pas réellement ainsi », indique la mones, interviennent au tout début de la rela- pigmentary leukodystrophy (POLD) : A single enti- psychologue. Celle-ci relève que le modèle de tion, dans le processus d’attraction », explique ty ? », publié dans la revue Neurology. Cette étude perfection décrit par les couples se base sur la chercheuse. Pour vérifier cette théorie, une clinique et neuropathologique a été réalisée lors de les clichés largement exploités par les repré- équipe de généticiens de l’EPFZ a analysé un son séjour postgradué à la Mayo Clinic de Jackson- sentations picturales, cinématographiques et échantillon de salive d’une cinquantaine de ville, en Floride. Elle a permis au Dr Christian Wider de littéraires. En résumé, les testés perçoivent couples issus de l’étude de Pamela Cappello. démontrer que la leucoencéphalopathie héréditaire la femme idéale comme « empathique et so- avec sphéroïdes axonaux (HDLS) et la leucodystrophie ciable », et l’homme idéal comme « stable et Les résultats ont permis de mettre en évidence pigmentaire orthochromatique (POLD), deux maladies extraverti ». D’un point de vue clinique, la un lien entre dissemblance génétique et satis- rares mais très graves de la substance blanche, sont psychologue souligne l’utilité de ces tests pour faction conjugale. Des données confirmées en fait une seule et même entité. Ces recherches et identifier les désaccords, reproches et malen- par d’autres prélèvements récoltés lors de soi- les travaux qui en découlent ouvrent des perspec- tendus au sein d’un couple en crise. rées de speed dating organisées à Zurich et tives importantes notamment pour l’identification de Lausanne, où il est apparu que les personnes la cause ou des causes génétiques de ces affections les plus attirées l’une envers l’autre présen- souvent diagnostiquées à tort comme des accidents la sociologie et la génétique aussi taient des profils génétiques différents. Mais vasculaires cérébraux multiples ou des formes agres- la psychologue nuance ce bilan : « La réussite sives de sclérose en plaques.