Un Abdomen Étroit Dès Sa Base, Sans Que, Pour Autant, Le P12 Femelle Soit
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RETROPLUMOIDEA : SYSTÉMATIQUE, AFFINITÉS, ÉVOLUTION 159 un abdomen étroit dès sa base, sans que, pour thoracique ne correspond pas à notre avis à une autant, le P12 femelle soit modifié. division phylétique fondamentale ; il est vraisem- Les traits communs aux Retroplumidae et aux blable en effet qu'une radiation précoce des Hexapodidae sont-ils fortuits, ou, au contraire, Eubrachyura a donné naissance à différentes dénotent-ils une parenté phylétique ? Une réponse lignées avant que ne se manifeste, chez l'une ou affirmative à cette question ne peut être formulée plusieurs d'entre elles, la tendance à la migration ici qu'avec la plus grande réserve. Dans un des orifices mâles de la coxa sur le sternum (DE groupe comme celui des Brachyoures, où des SAINT LAURENT, 1980 b). Nous pensons, par convergences adaptatives innombrables ont con- exemple, en accord avec les conclusions de RICE duit à de graves erreurs dans l'appréciation des (1980, 1981), fondées sur la morphologie des parentés, un phénomène inverse peut être invo- stades larvaires, que les Dorippoidea d'une part, qué : des faciès très différents peuvent résulter les Majoidea d'autre part, représentent sans d'adaptations à des modes de vie diversement doute deux branches indépendantes, individua- spécialisés et masquent sans doute fréquemment lisées antérieurement à une ramification qui des affinités réelles. La morphologie singulière aurait, éventuellement, donné naissance à la des Hexapodidae est, manifestement, en rapport majorité des Thoracotremata. avec un habitat particulier, dans des cavités Le groupement des Retroplumoidea peut cor- tubulaires d'Annélides tubicoles par exemple. Il respondre à l'émergence dès la base du Crétacé s'agit d'autre part d'un groupe ancien, incluant d'une petite lignée caractérisée par deux ten- des fossiles éocènes qui ont exactement le faciès dances principales : transformation de la région des formes modernes (COLLINS & MORRIS, 1978 ; fronto-orbitaire, avec modification du plan d'inser- GLAESSNER & SECRETAN, 1988), et qui ne pour- tion des pédoncules oculaires, antennulaires et rait avoir, en tout état de cause, qu'une parenté antennaires, et régression du dernier somite éloignée avec celui des Retroplumidae. thoracique. La signification adaptative de ces Les stades larvaires des uns et des autres, transformations morphologiques nous échappe. encore inconnus, fourniraient sans aucun doute Les données dont nous disposons pour appré- des éléments appréciables pour la recherche de cier l'évolution de ce groupe sont très frag- leurs affinités respectives 6. mentaires : le nombre des fossiles connus est faible, et les formes actuelles, réduites à un petit Au terme de cette étude, l'élévation au statut nombre d'espèces localisées sur des fonds vaseux de superfamille du petit groupe taxonomique de la région indo-ouest-pacifique, présentent une réprésenté dans la faune moderne par la famille grande homogénéité dans leurs caractères mor- des Retroplumidae, dont aucune affinité particu- phologiques et dans leur habitat. lière avec d'autres Eubrachyoures n'a pu être Dans le chapitre relatif aux Retroplumoidea mise en évidence, apparaît comme une nécessité. fossiles, nous avons montré l'existence de deux L'évaluation de leur position systématique au types morphologiques, qui se distinguent par sein du grand ensemble des Brachyoures pose l'épaisseur du céphalothorax et le relief de cependant des problèmes, et ceci en raison la carapace. Au premier groupe se rattachent de l'absence d'une classification phylogénétique les trois formes fossiles Costacopluma concava, satisfaisante de cet infra-ordre. Nous les situons C. senegalensis et Retrocypoda almelai. Les modi- quant à nous dans le groupe majeur des Eubra- fications de la région fronto-orbitaire sont chez chyura de Saint Laurent, 1980, qui réunit les eux moins prononcées que chez les formes sections des Heterotremata et des Thoracotre- actuelles et ces fossiles se rapprochent davantage mata de GUINOT, 1977 et représente pour nous à cet égard des Brachyoures normaux. La mor- un ensemble monophylétique au sens strict, phologie du sternum thoracique et de l'abdomen ayant évolué indépendamment des autres lignées permet de rattacher avec certitude ces formes brachyouriennes, péditrèmes (DE SAINT LAURENT, massives à la lignée rétroplumienne, mais la 1980 a). La division en deux catégories établies région postérieure du corps n'est assez bien par GUINOT d'après la position des orifices mâles conservée chez aucun spécimen pour que les sur la coxa ou sur le sternite du dernier somite dimensions relatives du dernier sternite thora- 6. Cf. addenda, p. 161. 160 MICHÈLE DE SAINT LAURENT cique et de la dernière paire de pattes puissent s'opposent à R. quadrata et R. planiforma, être évaluées. Il n'est pas impossible que ces à carapace plus aplatie et à contour plus nette- dernières pattes aient été plus développées que ment quadrangulaire, qui pourraient représenter chez les Retropluma actuelles. des formes dérivées. Le genre Bathypluma marque Le deuxième groupe de fossiles inclut les apparemment une étape ultime dans l'évolution espèces éocène et pliocène Retropluma eocenica de la famille, en rapport, sans aucun doute, avec et R. craverii. Il s'agit de formes ayant subi, par une adaptation à la vie dans des eaux plus rapport aux précédentes, une compression dorso- profondes : le céphalothorax est plus plat encore ventrale importante, et dont la carapace devenue et la carapace a perdu presque tout son relief ; les moins convexe tend à devenir quadrangulaire, pédoncules oculaires ont subi une étape supplé- avec un relief atténué, tandis que ses carènes mentaire dans leur régression. Les saillies des s'orientent parallèlement au bord postérieur. bords de la carapace se sont par ailleurs trans- Une réduction des pédoncules oculaires et proba- formées en dents épineuses. blement aussi une atténuation des orbites accom- La présence simultanée de Retrocypoda almelai, pagne cette transformation, mais aucun change- forme massive descendant apparemment directe- ment significatif n'apparaît dans la structure ment d'un ancêtre voisin de la Costacopluma sternale thoracique et dans la morphologie de concava crétacée, et de Retropluma eocenica dans l'abdomen. les gisements du Lutétien pyrénéen montre que Les représentants modernes des Retroplumoi- l'évolution des Retroplumoidea a suivi deux dea semblent très proches du second groupe, et directions distinctes, mais aucun élément ne se répartissent en deux genres, Retropluma et permet d'affirmer que Costacopluma représente Bathypluma. L'on peut distinguer parmi les six leur forme ancestrale commune, ni de déterminer espèces du premier des formes à céphalothorax à quelle époque les deux lignées se sont indivi- relativement encore assez massif, à bords latéraux dualisées. L'on peut simplement supposer que le de la carapace convexes, cette dernière offrant faciès des Retropluma résulte d'une adaptation un relief encore accentué ; ce sont R. notopus, du groupe à la vie épibenthique dans des biotopes R. serenei et R. denticulata, qui représenteraient, vaseux, comme l'atteste l'habitat des formes peut-être, les formes les plus primitives. Elles actuelles. REMERCIEMENTS Nos remerciements s'adressent tout d'abord à J. recherche bibliographique et à la mise en forme du FOREST, chef de mission des expéditions MUSORSTOM manuscrit. aux Philippines, qui a bien voulu nous confier cette Nous remercions d'autre part les responsables des étude, entreprise dès 1979 à l'initiative du regretté musées mentionnés plus haut, qui nous ont donné Raoul SERÈNE. Le travail n'était qu'ébauché lorsque ce accès à leurs collections, ou communiqué des spéci- dernier disparut en 1980, au moment même où la mens. Miss Maya DEB, en particulier, du Zoological campagne MUSORSTOM 2 s'achevait. Qu'il nous soit Survey of India, Calcutta, a eu l'obligeance d'exami- permis d'exprimer ici notre gratitude posthume envers ner pour nous le type de Ptenoplax dentata, conservé ce fervent carcinologiste, auquel l'intérêt exceptionnel dans cette institution, et nous en fournir des illustra- de la collection étudiée ici n'avait pas échappé. tions photographiques. J. FOREST et A. CROSNIER ont bien voulu relire le Nous devons enfin au Dr S. F. MORRIS d'avoir pu manuscrit et nous faire part de leurs remarques consulter au British Muséum (Paléontologie) les types critiques et de leurs suggestions. de Costacopluma concava, et nous sommes redevables La plus grande partie des illustrations au trait sont au DR L. VIA BOADA des illustrations photographiques l'œuvre de M. GAILLARD, et de nombreuses photogra- de Retropluma eocenica et de Retrocypoda almelai, phies ont été exécutées par J. REBIÈRE. exécutées à notre demande lors d'un séjour au labora- Madame J. SEMBLÂT a largement participé à la toire de Géologie du Grand Séminaire de Barcelone. RETROPLUMOIDEA : SYSTÉMATIQUE, AFFINITÉS, ÉVOLUTION 161 ADDENDA Un spécimen du genre Retropluma, récolté en de l'Hexapodidae Siroplax spiralis (Barnard, avril 1988 à l'ouest de la Nouvelle-Calédonie, au 1950) vient d'être publiée [R. P. LAGO, 1988, cours d'une campagne du navire A lis, nous a Journal of Crustacean Biology, 8 (14) : 576-596]. tout récemment été communiqué par B. RICHER La morphologie des zoés confirme, selon l'auteur, DE FORGES. Il s'agit probablement d'une espèce la position systématique originale de la famille, nouvelle, très proche de Retropluma planiforma mais aussi certaines affinités avec les Gonepla- Kensley. cidae. Cette découverte, qui étend considérablement Il est intéressant de noter que le dernier vers le sud et vers l'est la distribution géogra- segment thoracique porte, chez la mégalope de phique de la famille des Retroplumidae, n'a pu Spiroplax, des appendices, certes réduits, mais être prise en compte dans notre analyse. composés d'un nombre normal d'articles. Ces P5 disparaîtraient complètement lors de la mue qui Par ailleurs, une description du développement donne naissance au premier stade crabe. RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES ALCOCK, A., 1899. — An Account of the Deep-Sea BARNES, R. S. K., 1967. — The Macrophthalminae of Brachyura collected by the Royal Indian Marine Australasia ; with a review of the évolution and Survey Ship "Investigator Calcutta, 85 p., pl.