Version Finale 5 Oct 2010
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UNIVERSITÉ DE LA RÉUNION FACULTÉ DES LETTRES ET DES SCIENCES HUMAINES CENTRE DE RECHERCHES LITTÉRAIRES ET HISTORIQUES DE L’OCÉAN INDIEN ENGAGEMENT LITTÉRAIRE ET CRÉATION ROMANESQUE DANS L’ŒUVRE DE MONGO BETI THÈSE DE DOCTORAT LITTÉRATURES FRANCOPHONES PRÉSENTÉE PAR MOHAMED AÏT-AARAB SOUS LA DIRECTION DE M. LE PROFESSEUR GWENHAËL PONNAU ANNÉE UNIVERSITAIRE 2010-2011 VOLUME 1 REMERCIEMENTS Je remercie tout particulièrement le professeur Gwenhaël Ponnau pour sa grande disponibilité, son attention, son aide, ses conseils et sa patience. Qu'il trouve ici l'expression de toute ma gratitude. Merci aux professeurs Jean-Philippe Watbled et Jacques Tual qui, en tant que directeurs du C.R.L.H.O.I., m’ont toujours activement soutenu tout au long de la préparation de cette thèse. Merci à tous les collègues de la Faculté des Lettres dont les remarques et les conseils ont enrichi ce travail, sans parler de leur soutien moral durant les moments de doute. Merci enfin au Conseil Scientifique de l’Université de La Réunion qui m’a permis de travailler dans les meilleures conditions matérielles possibles. À MES PARENTS, À SAÏDA, YANNIS ET ADAM. NOTE LIMINAIRE En 1988, nous avons soutenu à l’Université de Lille III, sous la direction du professeur Bernard Mouralis, une thèse de IIIe cycle intitulée « Évolution des personnages dans l’œuvre romanesque de Mongo Beti ». La présente étude s’appuie, en partie, sur ce premier travail, mais dans une perspective différente qui prend, notamment, en compte deux éléments importants. Primo, entre 1988 et 2001, le corpus betien s’est enrichi de nouveaux écrits. Secundo, le nombre d’articles et d’ouvrages critiques consacrés à Mongo Beti et publiés depuis 1988 – ainsi qu’en témoigne la bibliographie de cette étude – impliquait un regard nouveau sur l’œuvre betienne. Ce double constat nous a amené à étendre sensiblement le spectre de nos nouvelles recherches. INTRODUCTION Actualité de Mongo Beti Le 7 octobre 2001, disparaissait, à l’âge de soixante-neuf ans, Alexandre Biyidi-Awala, dit Mongo Beti. Il laissait, en guise d’héritage, une œuvre littéraire conséquente : douze romans publiés entre 1954 (Ville cruelle) et 2001 (Branle-bas en noir et blanc), quatre essais, un dictionnaire et une quantité non négligeable d’articles et de textes divers. C’est dire si la vie de Mongo Beti est indissociablement liée à l’écriture sous toutes ses formes, fictionnelle, journalistique, pamphlétaire, didactique, polémique… Son œuvre est placée sous un double signe : celui de l’engagement, en premier lieu, et ce de manière viscérale, indéfectible, comme nous tenterons de le montrer tout au long de cette étude. Mais l’œuvre betienne a également souffert d’un réel ostracisme, certains souhaitant même prononcer l’excommunication. Considéré tantôt comme un agitateur marxiste à surveiller de près, tantôt comme un anarchiste incontrôlable, toujours comme un extrémiste, Mongo Beti a souvent vu son œuvre mise à l’index ou superbement ignorée. Elle n’a pas eu, notamment à Paris où se concentrent les instances francophones de légitimation littéraires, l’audience qu’elle méritait1. Or, il semble aujourd’hui, si l’on se fie aux publications récentes, que la parole betienne trouve, de manière posthume, une réel écho et une audience plus favorable. En 2005, les éditions Homnisphères publient, sous le titre Africains, si vous parliez, une sélection des articles que Beti avait rédigés, entre 1978 et 1991, pour sa revue Peuples noirs-Peuples africains2. La même année, Philippe Bissek compile, dans Mongo Beti à 1 Actuellement, une universitaire américaine étudie la réception critique des œuvres de Mongo Beti. Ses travaux montrent que la presse française a, dans sa très grande majorité, ignoré les romans de Beti, au moment même où elle rendait abondamment compte des ouvrages de Ferdinand Oyono ou de Camara Laye. Voir Vivian Steemers, « Les enjeux du message anticolonialiste en métropole pendant les années 1950 », communication au 24e Congrès du Conseil International des Études Francophones, Montréal, 27 juin-4 juillet 2010. 2 Mongo Beti, Africains, si vous parliez (préface de Mintounga Ota Benga ; postface de Odile Biyidi-Awala- Tobner). Paris : Éditions Homnisphères, 2005. 7 Yaoundé. 1991-20013, les écrits journalistiques que le romancier avait donnés à la presse camerounaise. En 2007, André Djiffack présente en trois volumes un autre florilège des textes betiens4. Outre cette volonté de redonner vie à une production abondante mais méconnue, se manifeste également le désir d’une (re)lecture, d’un (ré)examen critique de l’œuvre romanesque. Dès 2003, Ambroise Kom édite un ouvrage à la mémoire de l’écrivain disparu dans lequel les contributions d’amis et de proches de Beti côtoient celles d’universitaires5. En 2008, Auguste Owono-Kouma, publie Mongo Beti et la confrontation. Rôle et importance des personnages auxiliaires6, version remaniée de sa thèse de doctorat. La même année, sous la direction de Frédéric Mambenga paraît un numéro de la revue Interculturel francophonies entièrement consacré à l’écrivain7. Et il serait aisé de prolonger cette liste tant sont nombreux les articles scientifiques qui, aujourd’hui, étudient tel ou tel aspect de l’œuvre betienne. En France et au Cameroun, bien sûr, mais également au Canada et aux États-Unis où une riche production critique voit le jour au sein des centres de recherche sur les sociétés postcoloniales. Incontestablement, les écrits de Mongo Beti suscitent un regain d’intérêt après une longue période de défiance due essentiellement à l’approche idéologique que l’on avait de l’œuvre et à la réticence que provoquaient les interventions souvent rudes de l’écrivain. Car, à notre connaissance, jamais la qualité littéraire des romans n’a été mise en débat. C’est donc 3 Philippe Bissek, Mongo Beti à Yaoundé. 1991-2001. Rouen : Éditions des peuples noirs, 2005. 4 André Djiffack, (textes réunis et présentés par), Mongo Beti. Le Rebelle (3 volumes). Paris : Gallimard, collection “Continents noirs”, 2007. 5 Ambroise Kom (sous la direction de), Remember Mongo Beti . Bayreuth African Studies, n° 67, 2003. 6 Auguste Owono-Kouma, Mongo Beti et la confrontation. Rôle et importance des personnages auxiliaires. Paris : L’Harmattan, collection “Études africaines”, 2008. 7 Frédéric Mambenga (textes réunis et présentés par), Mongo Beti : la pertinence réaliste et militante. Interculturel francophonies, n° 13, juin-juillet 2008. 8 bien l’engagement du romancier, ses prises de position politiques et idéologiques qui dérangeaient et contribuaient à marginaliser son œuvre littéraire. Le regard neuf que la critique, universitaire mais aussi journalistique, porte sur les romans de Mongo Beti signifie-t- il que nous assistons, en littérature, à un retour du politique, après une ère de soupçon envers tout ce qui pouvait ressembler à une œuvre engagée ? Le fait marquant de la dernière décennie du XXe siècle a été l’annonce officielle de la mort des idéologies. Le mois de novembre 1989 était, prophétisait-on, un moment charnière de notre histoire : une page se refermait, celle des affrontements idéologiques, et une autre s’ouvrait sur le triomphe du libéralisme, entendu dans ses acceptions politiques et économiques. En d’autres termes, l’humanité était parvenue à la fin de son histoire8. Il fallait donc se rendre à l’évidence, déposer les armes et accepter l’ordre du monde tel qu’il était proposé. Dans un tel contexte idéologique, les écrits betiens dénonçant les « protonations »9 africaines semblaient d’un autre âge, tout juste bons à être lus comme le témoignage folklorique d’une époque révolue. Or, l’actualité récente des dernières années prouve, si cela était nécessaire, que les sociétés ont plus que jamais besoin de vigies, d’intellectuels qui, comme Mongo Beti, ont cette capacité de nous alerter sur les dérives, les excès, les abus dont se rendent coupables les hommes au pouvoir. La mort annoncée des idéologies n’a-t-elle pas fonctionné comme un leurre destiné à anesthésier les populations, au moment même où triomphait une doctrine présentée comme un horizon indépassable, la seule perspective offerte à notre attente ? 8 Voir Francis Fukuyama, La Fin de l'histoire et le dernier homme [1992]. Paris : Flammarion, collection “Champs”, 1993. 9 Terme emprunté à Jean Ziegler (Main basse sur l’Afrique. La recolonisation. Paris : Éditions du Seuil, collection “Points actuels”, 1980) pour désigner un pays qui a tous les attributs symboliques d’un État indépendant, mais qui est, en réalité, sous la domination d’une puissance étrangère et dont les élites dirigeantes sont complices de cette situation de dépendance. 9 C’est pour toutes ces raisons qu’il importe aujourd’hui de (re)lire l’œuvre de Mongo Beti. Réhabilitation de l’engagement littéraire L’avènement, dans les années soixante-dix, de la critique formaliste et des thèses structuralistes avait jeté aux oubliettes de l’histoire littéraire la notion d’engagement, attitude jugée esthétiquement indécente par les promoteurs d’une écriture autotélique. Conception « périmée », affirmait ainsi Alain Robbe-Grillet10 qui, reprenant à son compte le thème de « la trahison des clercs »11, tirait à boulets rouges sur tout ce qui s’apparentait à une reprise ou à une actualisation des thèses sartriennes. Un écrivain engagé, c’est, martelait-on, quelqu’un qui “fait” de la politique, dont les écrits, par voie de conséquence, ne relèvent pas de la littérature. On ne pouvait être simultanément dans l’action citoyenne et dans la création. Or, “faire” de la politique – ce qui fut le cas de Mongo Beti tout au long de sa vie, sans que jamais cela ne fût un déshonneur – n’est-ce pas avant tout se préoccuper du sort de la cité ? Et être un écrivain engagé, n’est-ce pas répondre, comme l’écrit Alexandra Makowiak12, à une urgence à laquelle on se trouve confronté ? La colonisation, la marche chaotique vers une indépendance pervertie, l’absence de libertés démocratiques dans des régimes postcoloniaux inféodés à l’étranger, sont autant de situations d’urgence à l’égard desquelles Mongo Beti se sentait un devoir de parole.