L'internement En France 1940-1946
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PROJET ÉDUCATION DES ROMS | HISTOIRE ENFANTS ROMS COUNCIL CONSEIL OF EUROPE DE L´EUROPE EN EUROPE L’INTERNEMENT 5.3 EN FRANCE 1940-1946 l’internement en France 1940-1946 Marie-Christine Hubert Identifier les « Tsiganes » et suivre leurs mouvements | Ordres d’assignation à résidence des « nomades » vivant sur le territoire du troisième Reich | Internement dans la zone libre | Internement dans la zone occupée | Après la Libération | Vie quotidienne dans les camps | Cas de déportation depuis les camps d’internement français En France, deux approches différentes mais parallèles coexistent concernant ce qu’il est convenu d’appeler « la question tsigane ». L’approche française consistant à recourir à l’internement afin d’intégrer les « Tsiganes » à la société majoritaire prévaut sur l’approche allemande de l’internement en tant que première phase de l’assassinat collectif. De sorte que les Roms de France, à la différence de leurs homologues des autres pays occupés par les Allemands, ne seront pas exterminés dans le camp d’Auschwitz. Toutefois, ils n’échappent pas à la persécution : des familles entières sont internées dans des camps spéciaux à travers tout le pays pendant et après l’occupation. CAMPS D’INTERNEMENT POUR « TSIGANES » INTRODUCTION EN FRANCE DURANT LA SECONDE GUERRE MONDIALE Ill. 1 Alors que dans les années 1930, en Allemagne, (par Jo Saville et Marie-Christine Hubert, extrait du Bulletin la « question tsigane » est considérée comme de l’Association des Enfants cachés, n° 8, mars 1998) 4 ZONE GOUVERNÉE DEPUIS LE QUARTIER GÉNÉRAL compliquée, dans la mesure où elle englobe des NB. Les autres camps d’internement (ceux destinés ALLEMAND DE BRUXELLES aspects raciaux, sociaux et culturels, les auto- aux Juifs) ne figurent pas sur cette carte. rités françaises — bien que s’appuyant sur une * Départements de l’époque 4 3 ZONE tradition solidement ancrée de ressentiment con- ANNEXÉE PAR tre les « Tsiganes » — appliquent une approche L’ALLEMAGNE plus ou moins sociale pour tenter de résoudre 1 ZONE INTERDITE 1 le « problème tsigane ». Évitant d’utiliser en 3 LOUVIERS 5 ZONE SOUS public des critères raciaux, ils définissent très OCCUPATION 2 ZONE D’ACCÈS clairement en 1912 une catégorie de population MONTLHERY RESTREINT dite « nomade », laquelle sans les nommer en- PLENÉE JUGON CORAY RENNES ST-MAURICE globe uniquement « les Tsiganes ». À partir de PONTIVY 2 MONTSÛRS 5 AUX-RICHES cette date, la vie des Roms en France devient GREZ-EN-BOUËRE COUDRECIEUX HOMMES PEIGNEY de plus en plus difficile. En 1940, les premiers CHOISEL MULSANNE JARGEAU MOISDON-LE-RIVIÈRE « Tsiganes » sont internés dans des camps à la MOTREUIL-BELLAY MOLOY fois en zone occupée et en zone libre. LA MORELIERIE ARC-ET-SENANS Près de la moitié de la population « tsi- POITIERS LIGNE DE DÉMARCATION MONSIREIGNE JUSQU’AU 11 NOVEMBRE 1942 gane » d’avant-guerre, soit près de 13 000 per- sonnes, est internée dans des camps spéciaux 6 ZONE « LIBRE » JUSQU’AU répartis dans l’ensemble du pays. En dehors de 11 NOVEMBRE 1942 l’internement proprement dit, ils souffrent aus- LES ALLIERS si de maladies et de la faim et sont souvent con- 6 7 ZONE OCCUpéE PAR LES ITALIENS DU 11 NOVEMBRE 1942* AU 8 SEPTEMBRE 1943, traints à des travaux forcés. Malgré l’absence PUIS PAR LES ALLEMANDS (CORSE COMPRISE) de documents faisant état de déportations mas- MÉRIGNAC sives à motivation raciale pendant la guerre, 7 même dans la partie occupée de la France, au Principaux camps d’internement français pour « nomades » moins 200 « Tsiganes » d’origine française ont Camps d’internement où des « Tsiganes » et des Juifs ont été assassinés à Sachsenhausen, Buchenwald et été détenus en même temps ou à des époques différentes SALIERS Auschwitz-Birkenau. LANNEMEZAN RIVESALTES LA BARCARÈS ARGELÈS Identifier les « Tsiganes » et suivre leurs mouvements Ordres d’assignation à résidence des « nomades » vivant sur le territoire du troisième Reich Internement dans la zone libre Internement dans la zone occupée Ill. 2 Ill. 3 « Nomades » dans le camp de Montreuil-Bellay (département Décret-loi du 6 avril 1940. L’article 1 se lit comme suit : « La circula- de Maine-et-Loire), 1944. Ce camp était le plus important cen- tion des nomades est interdite sur la totalité du territoire métropolitain tre de détention de « nomades » en France et a abrité jusqu’à pour la durée de la guerre. ». 1 000 internés. (d’après Hubert 1999, p. 76) (d’après les archives du département des Bouches-du-Rhône) (Détail) des gens, alors que les lois censées com- Cette nouvelle catégorie admini- IDENTifiER LES « TSIGANES » battre le vagabondage et la mendicité strative est soumise à de multiples con- ET SUIVRE LEURS MOUVEMENTS se révèlent inefficaces pour réfréner le traintes. Chaque personne âgée de 13 ans mode de vie itinérant. ou plus doit être munie d’un « carnet Les premiers Roms arrivent en France En 1895, le gouvernement anthropométrique d’identité » précisant dès le XVe siècle, mais il faudra attendre procède à un dénombrement général sa situation de famille et contenant deux la fin du XIXe siècle pour que les auto- de tous les « nomades, bohémiens, va- photographies (de face et de profil), ses rités s’intéressent à eux. C’est à cette gabonds ». Il recense plus de 400 000 empreintes digitales et des informations époque que les Roms des principautés personnes entrant dans cette catégorie, sur ses caractéristiques physiques. À cha- de Roumanie, enfin libérés du joug de dont 25 000 « nomades » voyageant en que arrêt dans une localité, le titulaire doit l’esclavage, arrivent en France et dans les bandes dans des roulottes. Face à la pres- faire viser son carnet par un fonctionnaire autres pays de l’Europe de l’Ouest. Beau- sion de l’opinion publique, le législateur à l’arrivée et au départ. Le chef de famille coup d’entre eux rejoignent les cohortes élabore, de 1907 à 1912, de nouvelles est muni en plus d’une carte de groupe déjà nombreuses de personnes itiné- lois visant à identifier les itinérants et à indiquant la situation de famille de toutes rantes (autres Roms, travailleurs saison- suivre leurs mouvements. les personnes voyageant avec lui. Les niers, vagabonds, marchands ambulants, Le 16 juillet 1912, le gouverne- véhicules portent une plaque de contrôle mendiants, clochards) qui errent dans ment promulgue une loi visant tout par- spéciale. Les préfectures et le ministère les campagnes françaises à la recherche ticulièrement les Roms, même si elle de l’Intérieur tiennent désormais à jour d’une vie meilleure pendant cette période s’applique à tous les itinérants. La Loi des registres de « nomades ». Les auto- de difficultés économiques. sur l’exercice des professions ambulantes rités connaissent les intéressés et peuvent Les « Tsiganes » (souvent ap- et la réglementation de la circulation suivre leurs déplacements. [Ill. 5] pelés « Romanichels », « Bohémiens » des nomades établit trois catégories de ou « Gitans ») sont particulièrement personnes itinérantes : « les marchands stigmatisés. On leur reproche tous les ambulants », « les forains » et les « no- ORDRES D’ASSIGNATION crimes possibles et imaginables : vol, mades ». L’article 3 de la loi définit la À RÉSIDENCE DES « NOMADES » chapardage, braconnage, escroquerie, catégorie des « nomades » et vise di- VIVANT SUR LE TERRITOIRE enlèvement d’enfant et même propagati- rectement les Roms. À compter de cette DU TROISIÈME REICH on de maladies. La presse fait ses choux date, les autorités françaises utiliseront gras de ces infractions supposées ou un seul terme (celui de « nomades ») pour Avec la guerre, l’étau se resserre autour réelles et contribue à insuffler un senti- désigner indifféremment les Roms et les des Roms, lesquels — avec les commu- ment exagéré d’insécurité dans l’esprit « Tsiganes » de toutes sortes. [Ill. 4] nistes et les étrangers — seront en fait les 2 3 CONSEIL DE L´EUROPE ROMS | HISTOIRE PROJET ÉDUCATION DES ENFANTS ROMS EN EUROPE L’INTERNEMENT 5.3 EN FRANCE 1940-1946 Ill. 4 « Loi sur l’exercice des professions ambulantes et la réglementation de la circulation des nomades » « Sont réputés nomades pour l’application de la présente loi, quelle que soit leur nationalité, tous individus circulant en France sans domicile ni résidence fixe et ne rentrant dans aucune des catégories ci-dessus spécifiées, même s’ils ont des ressources ou prétendent exercer une profession. Ces nomades devront être munis d’un carnet anthro- Ill. 5 pométrique d’identité. » Carnet anthropométrique d’identité (Journal officiel du 19 juillet 1912) (archives du département des Bouches-du-Rhône) premières victimes françaises du conflit. aux intéressés de résider dans la localité de sont habilités à interner tous « les no- Soupçonnés d’espionnage, ils sont pro- son département désignée à cet effet. Au- mades » qu’ils jugent indésirables. Ainsi, gressivement exclus de la société et effi- cun budget n’ayant été affecté à la mise en en avril 1941, le préfet des Hautes-Pyré- cacement bannis. œuvre du décret, les « nomades » sont au- nées rassemble tous les « nomades » du Le 22 octobre 1939, un arrêté du torisés à se déplacer dans un certain rayon département sur le plateau de Lanneme- commandant de la 9e région militaire leur afin de trouver du travail et de gagner leur zan, puis les enferme dans un hôpital en interdit de voyager dans huit départe- vie. L’invasion par les troupes allemandes ruine gardé par la gendarmerie. ments de l’Ouest de la France et d’établir en mai 1940 empêche l’application du dé- Entre octobre 1940 et août 1944, des campements dans deux départe- cret à l’ensemble du pays. quelque 1 400 « nomades » sont internés ments (l’Indre-et-Loire et le Maine-et- dans les deux camps de la zone libre sur Loire). Les autorités militaires invoquent seule décision du Gouvernement de Vi- l’article 5 de la Loi sur l’état de siège, da- INTERNEMENT DANS chy.