Mariza Vocals António Neto Portuguese Guitar Pedro Jóia Acoustic Guitar Nando Araújo Double Bass Vicky Marques Drums, Percussion
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Autour du monde Vendredi / Freitag / Friday 11.10.2013 20:00 Grand Auditorium Mariza vocals António Neto Portuguese guitar Pedro Jóia acoustic guitar Nando Araújo double bass Vicky Marques drums, percussion ~90’ sans entracte / ohne Pause Backstage 18:45 Salle de Musique de Chambre Film: Mariza and the Story of Fado by Simon Broughton (2006) (VO E, P / ST E) – 58’ «Uma estranha forma de vida» Mariza Agnès Pellerin Mariza est très vite devenue au Portugal et dans le monde glo- balisé de la world music, un véritable phénomène, dont les pres- tations sur scène ont tout de suite dépassé le simple concert de fado. Sa carrière fulgurante l’a hissée en l’espace de quelques an- nées seulement au sommet des records de ventes et de succès. Son premier album Fado em mim lancé en 2001, sera édité dans 32 pays par la firme hollandaise World Connection alors qu’il était initialement prévu en autoédition. Au Portugal, il est ven- du en quelques semaines à plus de dix mille exemplaires. Deux ans plus tard, son deuxième album, Fado curvo, produit par Carlos Maria Trindade, musicien du groupe Madredeus, devient Disque d’or au Portugal et donne lieu à une tournée mondiale d’une ampleur rarement égalée par un artiste portugais. En 2003 toujours, la BBC Radio 3 consacre Mariza meilleure artiste eu- ropéenne de l’année, dans la catégorie world music. L’année sui- vante, Pedro Santana Lopes, alors maire de Lisbonne, fera écho à cette aura internationale en la nommant ambassadrice de la candidature du fado au patrimoine culturel oral et immatériel de l’humanité de l’Unesco aux côtés de Carlos do Carmo. En 2005, Jacques Morelenbaum, producteur de Caetano Veloso, signe la production et les arrangements de son troisième album, Transparente, qu’elle présente dans les plus prestigieuses salles, notamment anglo-saxonnes. Et en septembre de la même année, Jacques Morenlenbaum présente devant vingt-cinq mille per- sonnes, dans les jardins de Belém, l’orchestration qu’il a réalisée pour elle du Concerto em Lisboa, avec l’orchestre Sinfonietta de Lisboa, concert qui sera édité en CD et DVD. Elle collabore ensuite au film du cinéaste espagnol Carlos Saura Fados (2007), 2 Mariza notamment à travers un duo avec le chanteur flamenco Miguel Poveda. Et son album Terra (2008), produit par Javier Limón, gui- tariste de flamenco, repose sur la fusion de collaborations musi- cales «exotiques» autour du fado: Dominic Miller (Angleterre), Tito Paris (Cap Vert), Chucho Valdés et Iván «Melon» Lewis (Cuba), Ivan Lins (Brésil), Concha Buika (Espagne). 3 À travers ses albums, Mariza explore ainsi, au gré de ses diffé- rents producteurs, des arrangements qui font éclater les fron- tières du fado. Mais plus récemment, en 2010, Mariza en revient aux incontournables, avec son album «Fado tradicional», remet- tant à l’honneur les fameux tradicionais, qui constituent l’épine dorsale de l’art poétique du fado le plus ancien et le plus popu- laire, véritable performance ouverte à l’improvisation, par oppo- sition au fado-chanson (combinaison fixe d’une musique et d’un poème), plus tardif, aux mélodies plus dessinées et caractérisé par un refrain. La promotion de cet album, par exemple à la salle Pleyel de Paris, sera l’occasion pour Mariza de rappeler, grâce à une mise en scène particulière, l’ambiance intimiste tradition- nelle des casas de fado. Facétieuse, jouant de son physique magnétique, elle met en scène son désir d’individualité tout en se faisant l’ambassadrice d’un répertoire et d’un patrimoine collectifs. Dotée d’une voix aux grandes capacités, Mariza interprète avec naturel les reliefs caractéristiques du chant de fado, ses attaques, ses suspensions, ses roulements de r, ses langueurs. En bénéficiant souvent d’un accompagnement musical plus fourni et appuyé que l’accom- pagnement traditionnellement minimal, strictement acoustique et non amplifié, du fado. À savoir: une guitare portugaise* qui, dans le fado, fournit le contrepoint mélodique à la voix – une viola, guitare classique, et une guitare basse, qui fournissent la base harmonique et marquent la régularité du tempo. Les pro- ductions musicales de Mariza associent souvent aux guitaristes, le violoncelle, la batterie, l’accordéon, la trompette, le cavaquin- ho… Elle propose ainsi un fado «courbe», selon le titre de son deuxième album, revendiqué comme un pied de nez à la recti- tude du fatum (origine latine du mot fado). En matière poétique, à l’instar de nombreux jeunes artistes du fado contemporain, Mariza intègre à son répertoire des textes de poètes renommés, Fernando Pessoa pour le plus connu, mais aussi Florbela Espanca, Alexandre O’Neil ou encore Eugénio de Andrade, et bien * Guitare arrondie, héritée du cistre anglais introduit à Porto à la fin du 18e siècle, caractérisée par ses douze cordes métalliques. 5 d’autres, qui côtoient aussi, au fil de ses albums, des textes pro- duits par ses propres musiciens (en particulier le guitariste Diogo Clemente). Démarche moins coutumière: Mariza fait fi de l’opposition classique, dominante dans l’opinion, entre fado et chanson en- gagée, et se fait réconciliatrice en reprenant, pour en faire un clin d’œil à ses propres origines, la ballade engagée du grand José Afonso (ex-étudiant de Coimbra, marqué par ses années d’en- fance passées en Angola et au Mozambique) Menino do bairro negro, écrite en 1963, en pleines guerres coloniales: «Quartier noir / Là où le pain manque / Il n’y a pas de repos. / Enfant de la maison pauvre / N’en déplaise à l’ogre qui rôde / Un jour tu chanteras cette chanson.» Dans le domaine très codifié du fado, Mariza créé dès ses débuts un personnage scénique fort, en rupture avec les codes tradi- tionnels. Passée par la soul et le funk, elle cultive depuis les dé- buts son image. En 1999, quand elle fait ses premières appari- tions sur scène lors des hommages à Amália, sa stature impres- sionnante, la coiffure de ses cheveux décolorés font mouche. Ses tenues de scène deviennent un ingrédient à part entière de ses concerts, très mis en scène. Contre les premières critiques, elle affirme que «les puristes du fado sont leurs propres enne- mis». Mais d’un autre côté, Mariza veut revendiquer de par son enfance, un ancrage dans le fado traditionnel, celui des aficiona- dos, des amateurs. Née en 1973 au Mozambique – deux ans avant la proclamation de l’indépendance – d’un père portugais et d’une mère mozam- bicaine, elle vient vivre à Lisbonne avec ses parents, à l’âge de trois ans, dans le quartier de Mouraria, où ils tiennent un restau- rant. Mouraria, qui, au pied du château Saint-Georges, avec ses ruelles tortueuses et son nom datant du temps des Maures, est considéré comme l’un des berceaux du fado, auquel il a d’ail- leurs donné le nom d’un traditionnel schéma d’accompagne- ment à la guitare, le «fado Mouraria». 6 C’est dans l’une de ses rues qu’on peut d’ailleurs voir, aujourd’hui encore, la maison de la fadista Maria Severa (1820–1846), pro- stituée et amante du comte de Vimioso, à laquelle Mariza fait parfois des clins d’œil explicites sur scène. Un siècle plus tard, Mouraria donnera aussi naissance à d’autres grands noms du fado comme Fernando Maurício (1933–2003), qu’elle a l’occa- sion, petite, d’entendre chanter, raconte-t-elle. Car à Mouraria, comme dans tous les quartiers populaires de Lisbonne et ses environs, le fado fait partie du paysage, et du quotidien; on y chante de manière informelle, spontanée, le dimanche ou à la nuit tombée, dans les tavernes et dans les salles des fêtes du quartier. Si la mère de Mariza lui a fait plutôt découvrir la chanteuse sud-africaine Myriam Makeba, son père est un amateur de fado. Ainsi, Mariza se plait à raconter que c’est à l’âge de cinq ans qu’elle a chanté, dans le restaurant de ses parents, son premier fado, Os putos (Les gamins), célèbre titre de Carlos do Carmo. Mariza raconte aussi comment, dans les années 1980, qui consti- tuent une période de crise pour le fado, associé à l’idéologie de la dictature de Salazar, ce chant était perçu à l’extérieur du quar- tier: «Au-delà des voisins, les gens n’étaient pas habitués à en- tendre du fado. Et pour eux, c’était particulièrement étrange de voir une petite fille chanter le fado. Ils me disaient: «Ne chante pas ça! Le fado, c’est pour les vieux…» Mariza se revendique aux débuts de sa carrière en opposition à cette image dépréciative, conservatrice du fado. «Si être fadista, c’est être lune / Si c’est perdre le soleil de vue / Si c’est devenir une statue / Alors, je ne suis pas fa- diste…», chante-telle dans Recusa (Refus, poème de Mário Rainho). Le fait d’avoir pu côtoyer le fado de quartier n’est pas si courant dans le parcours des chanteuses du nouveau fado d’envergure in- ternationale – très représenté par des femmes alors que le genre est absolument mixte. Celles-ci ont en général découvert et «ap- pris» le fado sur disque, avec dans un second temps seulement, une initiation «ao vivo». Le chanteur Camané, l’un des uniques représentants masculins, a quant à lui grandi, pourrait-on dire, 9 «les pieds dans le fado», directement pratiqué par son entourage familial proche dans la périphérie de Lisbonne. Familiarisée au fado durant son enfance, Mariza ne se l’appropriera, elle, que bien plus tard, et non pas «de l’intérieur», par les réseaux locaux, mais presque directement à grande échelle. Son succès survient au moment où, le Portugal cherchant no- tamment auprès de l’Unesco une reconnaissance du genre, elle peut permettre, outre une diffusion internationale du fado, une sorte d’«incarnation» des origines métissées de ce chant, en- core mal connues.