Buika Vocals Dani De Morón Guitar Ramón Porrina Cajon Jose Manuel «Popo» Posada Oviedo Double Bass
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Autour du monde Lundi / Montag / Monday 23.03.2015 20:00 Grand Auditorium Buika vocals Dani de Morón guitar Ramón Porrina cajon Jose Manuel «Popo» Posada Oviedo double bass ~90’ sans entracte / ohne Pause Dans le cadre du «Printemps musical – Festival de Luxembourg» Coopération avec Luxembourg City Tourist Office, Events & Culture (LCTO) Buika & Band Richard Robert En 2008, sur la pochette de son album «Niña de fuego», Concha Buika, née María Concepción Balboa Buika, pose nue, assise de trois quarts dos, sa chevelure de jais tombant en éclaboussures sur la roche noire de ses épaules, telle une Vénus africaine sor- tant du bain. Aux journalistes qui viennent alors l’interviewer, l’Espagnole originaire de Guinée équatoriale, dans l’un de ces rires carnassiers qui, à intervalles réguliers, dévorent la fin de ses phrases, a coutume d’expliquer qu’elle a préféré se rhabiller pour partir à leur rencontre. Avant d’ajouter que c’est dans l’art du chant qu’elle aime avant tout s’exhiber dans le plus simple appa- reil. «La musique est le dernier endroit où j’ai envie de me travestir et de mentir, déclare-t-elle ainsi. Dans la vie, il existe plein de circonstances dans lesquelles je ne trouve pas nécessaire de dire la vérité. Mais quand je chante, je n’ai pas d’autre choix que de me dévoiler. La musique me per- met d’accéder à une certaine forme de liberté intérieure, que je chéris par- dessus tout et que je ne pourrais pas atteindre par le biais du mensonge.» Dans d’autres bouches, ces propos pourraient aisément passer pour une banale profession de foi, entonnée sur l’air mille fois rebattu de «Je suis forcément une grande chanteuse, puisque je vous ouvre mon cœur.» Mais il n’y a pas de chantage à la sincérité chez Buika, dont la voix granuleuse et perforante s’est forgée loin des scènes et des projecteurs, au contact brûlant du flamenco des gitans de Palma de Majorque, la ville où elle est née et a grandi, avant de s’acérer encore un peu plus à la flamme du blues, du funk ou de la soul. Il n’y a jamais eu chez elle que la féroce envie de retranscrire, sans retenue ni tiédeur, la flamboyante grandeur d’une vie consumée dans la juste mesure de l’excès. Pour Buika, 2 Buika le chant n’est pas plus une profession qu’une thérapie. C’est un usage du monde, dont la nécessité s’est très vite imposée à elle. «J’ai vécu toute mon enfance à Majorque. Mais de mes parents, qui avaient fui avant ma naissance le régime dictatorial de Macías Nguema, j’ai reçu une éducation très africaine. Ce qui veut dire que, pour moi, la musique a toujours fait intimement partie de l’existence. En Afrique, l’essentiel n’est pas de chanter bien ou mal, tristement ou joyeusement, mais de pouvoir chanter: car cela signifie simplement que vous êtes en vie. Le chant est aussi un bon moyen d’exprimer ce que les mots de tous les jours ont du mal à cerner. Quand ma grand-mère ne savait pas com- ment nous dire quelque chose, elle nous le chantait.» De cette intuition que la musique pouvait l’aider à franchir les frontières de l’indicible, Buika, dès son plus jeune âge, a sans doute tiré son aspiration à déborder les cadres du langage cou- rant. Sans se le formuler clairement, elle a très tôt voulu chanter 3 la joie et la brûlure d’aimer, la jouissance et la douleur d’exister, apprises en fréquentant la population marginale, poétique et dé- classée du Barrio Chino de Palma de Majorque. «Quand j’avais 16 ans, je chantais et je clappais des mains dans les rues, racontera- t-elle en 2006 dans un entretien avec Mondomix. En rentrant de l’école, on entendait de la musique qui s’échappait des fenêtres; mais au- jourd’hui, qui ose jouer dans la rue? J’ai le sentiment qu’au fil de la vie et de l’histoire, on perd cette force juvénile qui fait que, même ignorant, on se sent fort.» Cette force nue, orgueilleuse mais aussi névralgique, sans doute nourrie par le sentiment d’exil qu’elle aura reçu en héritage comme par le départ brutal de son père, fuyant le foyer conju- gal alors qu’elle est âgée de 9 ans, Buika cherchera à la convertir en chant, mots et sons. Le flamenco lui donnera les ailes vocales et expressives qu’elle rêvait de déployer. Mais comme l’immense Camarón de la Isla, dont elle pourrait être la petite sœur au teint d’ébène, elle ne se résignera pas à en respecter aveuglément les dogmes. De cette liberté de pensée et de mouvement forcément peu académique, elle paiera d’abord le prix fort. Plutôt caho- teux, le premier épisode de sa vie de chanteuse se jouera ainsi dans l’ombre des cafés et clubs pour touristes de son île natale, où elle enchaîne des standards comme «Stand by me» ou «Autumn Leaves», avant de lui offrir un surprenant détour par Las Vegas, où elle se produira un an durant comme sosie physique et vocal de Tina Turner dans un casino de seconde zone. Mais de son fa- rouche esprit d’indépendance, porté par un tempérament de feu, elle finira par toucher la juste rançon. En 2006, elle attire ainsi l’attention du producteur Javier Limón, révélé par le succès artis- tique et public des albums «Lágrimas Negras» du duo Diego El Cigala-Bebo Valdés et «Cositas Buenas» de Paco de Lucía. Fin li- mier et mélomane, le Madrilène discerne le diamant brut de sa voix et les arêtes tranchantes de sa personnalité dans les contours encore imparfaits de ses deux premiers disques, le piano-voix «Mestizüo» et «Buika», respectivement sortis en 2000 et 2004. Il lui propose aussitôt de l’accueillir sur son label fraîchement créé, Casa Limón. 5 Trop sauvageonne pour se laisser piéger sous l’aile étouffante d’un mentor, Buika va trouver en Javier Limón une oreille atten- tive et sensible, soucieuse d’offrir à son ramage vocal un enro- bage instrumental à sa mesure. Autour d’elle, le producteur ré- unit ainsi des experts en nuances comme le guitariste flamen- co Niño Josele, le pianiste José Reinoso, le bassiste cubain Alain Perez, le percussionniste Ramón Porrina ou encore le trompet- tiste Jerry Gonzalez et le batteur Horacio «El Negro» Hernandez, piliers du New York latino. Comme dans sa chanson-titre, une composition des années 30 ici élevée au rang de classique intem- porel, l’album «Mi Niña Lola» (2006) love la voix craquelée de Buika dans un écrin de sonorités acoustiques et de cordes. Aussi ouvert et palpitant que son cœur de chanteuse sans frontières, il gomme toute distance entre ses différentes sources d’inspira- tion: flamenco, jazz, soul, musiques africaines ou encore copla – ce style de chanson populaire florissant pendant l’entre-deux- guerres qui, avec des interprètes comme Lola Flores, Concha Piquer ou Sara Montiel, aura connu en Espagne son heure de gloire jusque dans les années 1960. Toujours sous la houlette de Javier Limón, qui officie même à la guitare flamenca, le bien nommé «Niña de fuego» (2008) voit Buika poursuivre et étendre son papillonnage. Avec une égale voracité, on l’entend ainsi goû- ter aux nectars du répertoire cubain, de la ranchera mexicaine, mais aussi de la chanson française («La Bohème» de Charles Az- navour, adaptée en espagnol) – un domaine qu’elle reviendra ex- plorer en 2013, et en version originale cette fois, avec une auda- cieuse relecture flamenca du «Ne me quitte pas» de Jacques Brel. Fille du feu, mais aussi fille de l’air, Buika montre alors ce que devrait toujours être une vraie chanteuse de variété, au sens le plus noble du terme: une femme sans ancrage, contournant na- turellement la contrainte des genres. «Je n’ai pas l’impression d’être enracinée dans une tradition particulière, déclare-t-elle alors. J’habite nulle part. Mais pour moi, nulle part est aussi un pays, où je me sens chez moi.» La grande chanteuse cubaine Omara Portuondo a un jour affir- mé qu’elle ne cesserait jamais de priser les ballades sentimen- tales, se sachant au plus profond d’elle-même et pour toujours 6 La culture une femme «amoureuse de l’amour». Une même passion pour les a de l’avenir sentiments, poussée jusqu’à son paroxysme, anime Concha Buika; et c’est ce désir irrépressible de rendre compte de toute forme d’expérience émotionnelle et sensuelle qui, bien plus qu’un quelconque calcul ou un souhait de transgresser les règles, l’a amenée à franchir les barrières entre les genres. Un désir qui ex- plique aussi pourquoi elle ne cache jamais son ennui lorsqu’on l’invite à définir ou à analyser son identité musicale et vocale. «Pour moi, la qualité de la musique ne dépend pas de la voix, a-t-elle Nora, ainsi asséné dans un entretien avec Mondomix, mais de l’histoire future premier violon dans un orchestre symphonique qu’elle véhicule, car la voix fluctue avec les circonstances. Ma voix n’est pas spéciale, je ne l’ai pas travaillée, car personne ne peut m’apprendre comment chanter. Toutes les voix sont belles si elles disent des sentiments.» Cette conviction, Buika l’aura exprimée avec davantage de vi- gueur encore en 2009, dans un album, «El Último Trago», enre- gistré en tête-à-tête avec le pianiste cubain Chucho Valdés. Soit la rencontre entre deux phénomènes pétris de musique(s) et de fierté, s’étreignant sans rien abdiquer de leurs forces ni de leurs héritages respectifs, comme en écho à un autre projet également chapeauté quelques années plus tôt par Javier Limón: le fameux pas de deux entre le jeune chien fou andalou Diego El Cigala et le vénérable pianiste (et père de Chucho) Bebo Valdés, où le chant flamenco se frottait sans retenue à la tradition du boléro.