0123 JEUDI 30 MARS 2017 DÉBATS & ANALYSES | 25 « Pour un soutien exigeant à Benoît Hamon »

Pour le sénateur (PS) Jean- Pierre Sueur, le candidat doit aussi aux « progressistes » – et donc au de François Hollande jugent positive- Je sais que mon propos heurtera « IL FAUT ŒUVRER pouvoir compter sur l’appui mouvement En marche !, qui apporte ment sa démarche. ceux qui, de part et d’autre, prédisent de nouvelles propositions. Sur celle-ci, je veux aussi être clair. J’ai et provoquent la « cassure en deux » du POUR UNE MAJORITÉ de son camp. Les socialistes Je lui demandais d’œuvrer pour ras- eu l’occasion de parler avec Emmanuel Parti socialiste. J’en vois les raisons. sembler sans exclusive. Je le demande Macron avant qu’il déclare sa candida- Cela a souvent été dit : le PS n’a jamais À L’ASSEMBLÉE, doivent l’inciter à modérer toujours. Ma position est exactement ture. Par fidélité à , fait ni assumé explicitement son « Bad ses critiques envers celle de Bernard Cazeneuve, celle d’un auquel il se réfère souvent, et qui fut Godesberg » – pour faire référence à un UNISSANT soutien exigeant. Je vois que, notam- toujours ancré à gauche – une gauche congrès historique du SPD allemand. LES SOCIALISTES , car seule ment lors de son discours de Bercy, moderne et novatrice ! –, je lui ai dit En fait, cette mutation vers la social- l’union permettra de lutter Benoît Hamon a « infléchi » son propos. mes réserves sur sa démarche, qui me démocratie – œuvrer pour la justice ET LE MOUVEMENT Je pense qu’il peut et doit aller au-delà. paraissait contraire à notre histoire dans une société de marché, d’initia- contre le Front national Et, en particulier – pour être tout à fait politique. Encore aujourd’hui, je me tive et d’entreprise –, nous l’avons faite EN MARCHE ! » clair –, je pense qu’il est inutile et pose des questions sur la majorité sur à force de gouverner et de rectifier cer- contre-productif qu’il critique à ce laquelle il pourrait s’appuyer s’il était tains choix initiaux pour tenir compte Par JEAN-PIERRE SUEUR point Emmanuel Macron et son élu président de la République. des réalités – de 1981 à 1983 et de 2012 à nos concitoyens veulent voir « bouger mouvement En marche !. 2013 par exemple. les lignes » dans notre paysage politi- Pourquoi ? D’abord, parce qu’il a déjà DES PROPOSITIONS RÉALISTES Mais, pour ma part, je ne me résous que. Cette aspiration est sans doute plus ès le soir de la primaire de la bien à faire – et si légitimement – pour Cela étant dit, je pense que nombre de pas à cette « cassure en deux ». J’ai profonde que certains ne l’imaginent. gauche, j’ai dit que Benoît combattre , dont le pro- ses propositions sont réalistes et nova- connu le temps de la SFIO déclinante, Le scrutin d’arrondissement pour les Hamon était le candidat lé- gramme serait dangereux pour le deve- trices – même si je ne les partage pas tou- de l’Union de la gauche socialiste, du élections législatives, joint à l’élection D gitime du Parti socialiste. nir de notre pays et de son économie, et tes ! – et que, comme l’a bien dit Ber- PSA (Parti socialiste autonome), du présidentielle au suffrage universel, a Quelques jours après, j’ai signé un texte François Fillon, dont le programme trand Delanoë, il « crée les conditions PSU (Parti socialiste unifié) et des abouti à une alternance claire entre de soutien à Benoît Hamon avec de reste puissamment conservateur, économiques pour pouvoir mettre en clubs. Je sais combien les ruptures peu- deux blocs – majorité et opposition – nombreux élus de notre région. Pour- même si sa candidature est devenue œuvre une politique de la solidarité » – ce vent être rapides et combien la réunifi- qui a assuré la permanence et la quoi ai-je pris cette position ? Essen- pathétique. Ensuite, parce que je ne qui, pour le coup, est authentiquement cation demande ensuite de patience et solidité des institutions de la Ve Répu- tiellement parce que je souhaite être vois pas l’intérêt qu’il y a pour Benoît rocardien. Et pour être tout à fait clair, je de temps ! Donc, je plaiderai encore et blique. Ce système a toutefois l’incon- fidèle à un parti – le PS – dont je suis Hamon à dire qu’Emmanuel Macron pense qu’il ne faut pas injurier l’avenir et toujours pour le rassemblement. A vénient d’empêcher en des coa- l’élu depuis longtemps, dont j’ai beau- est le « marchepied du Front national » qu’il faut œuvrer pour qu’il y ait une ma- temps et à contretemps. Aucune litions fondées sur des « contrats de lé- coup reçu et au sein duquel je crois si d’aventure il devait nous demander jorité à l’Assemblée nationale unissant fracture n’est irrémédiable. gislature » – pour reprendre l’expres- avoir, là où je suis et là où j’étais, œuvré d’ici quelque temps de le soutenir pour les socialistes et le mouvement En mar- J’ajoute que cette campagne présiden- sion de Pierre Mendès France –, ce qui avec loyauté et conviction. J’ajoute que, barrer la route à ce même FN. Enfin, che ! et, bien sûr, d’autres encore… Préfé- tielle – et l’émergence du mouvement est possible dans la majorité des pays lorsqu’on le lit complètement, le pro- parce que nombre d’électeurs – hier – rons toujours l’ouverture à la fermeture ! En marche ! – montre que nombre de d’Europe. gramme de Benoît Hamon compte Il serait aujourd’hui souhaitable que nombre de mesures positives et néces- cela soit désormais possible dans saires, qu’il s’agisse de l’éducation, de la notre pays – ce serait cohérent avec la justice sociale, ou de nombre d’autres proposition que j’ai faite ci-dessus –, domaines. Mais je veux continuer de par serguei mais il aurait fallu, ou il faudrait, pour parler vrai. Exode | y parvenir, instaurer une représenta- Il existe aussi des divergences que je tion proportionnelle totale ou par- ne peux pas taire. Elles portent sur la tielle – ce que les derniers gouverne- conception du travail, sur l’énergie et ments ont eu le tort de ne pas faire. aussi sur la politique économique. François Mitterrand l’avait fait Dans la fidélité à Pierre Mendès France, en 1986. Michel Rocard s’y était op- à Michel Rocard et à Jacques Delors, j’ai posé. Et sur ce point, j’étais, et je reste, soutenu la politique économique de en accord avec François Mitterrand. François Hollande et de ses gouverne- Un dernier mot. Beaucoup des raison- ments. Je suis persuadé que l’histoire nements et des analyses que l’on en- réévaluera le bilan de François tend ou lit dans les médias reposent sur Hollande. En effet, contrairement à son les sondages. Soyons prudents à cet prédécesseur, celui-ci a mis en œuvre égard. Ceux-ci sont changeants et peu- une politique économique courageuse vent changer. Je regrette, de surcroît, afin de restaurer la compétitivité des que nombre d’instituts et de médias se entreprises, de réduire la dette et le refusent à appliquer les lois désormais déficit, en un mot de créer les condi- en vigueur, à la suite d’un long combat tions pour la croissance et l’emploi. que j’ai mené avec mon collègue séna- Ceux qui parlent de redressement ne teur Hugues Portelli à ce sujet. Si bien peuvent ignorer que ce redressement qu’il ne faut négliger aucune menace. est en cours. Et qu’en tout état de cause ce sera un Or chacun sait que Benoît Hamon devoir impérieux, pour tous ceux qui s’est opposé à cette politique. C’est sont attachés aux valeurs de notre pourquoi, dès le lendemain de son suc- République, de tout faire pour éviter cès à la primaire, j’ai publié un texte par que le FN ne s’installe à l’Elysée, ce qui, lequel, en même temps que je lui ap- en dépit des sondages, est un risque réel portais mon soutien, je demandais et ce qui serait une catastrophe pour qu’il devienne le candidat de tous les l’avenir de la France et de l’Europe. p socialistes, et aussi de tous les électeurs et sympathisants socialistes en prenant en compte les efforts, les apports, les ¶ réussites de ce quinquennat. Je lui ai Jean-Pierre Sueur est sénateur également demandé de s’adresser aux (PS) du Loiret et ancien secrétaire responsables des partis de gauche exis- d’Etat aux collectivités tant depuis longtemps, bien sûr, mais territoriales Aux dirigeants socialistes de respecter le résultat de la primaire Pour un collectif composé d’universitaires, de journalistes et d’artistes, le mépris que les responsables socialistes opposent l’alliance avec les écologistes, vous osez le qualifier ¶ de « dangereux » ? Parce que les sondages nourris- Premiers signataires : Olivier Abel, théologien ; au vote citoyen est intolérable. Ce manque de loyauté à l’égard sent encore tout vos calculs, bien qu’ils aient Marc Amfreville, professeur d’études anglophones ; de Benoît Hamon sape les fondements mêmes de la démocratie maintes fois, ces derniers temps, prouvé leur inca- Salah Amokrane, militant associatif ; pacité à décrypter les comportements électoraux, Lauren Bastide, journaliste ; Olivier Borraz, vous agitez le spectre de la menace du Front natio- sociologue ; William Bourdon, président de l’association nal pour justifier votre désaveu ? Sherpa ; Geneviève Brisac, écrivaine et éditrice ; Collectif notre avenir et celui de nos enfants. Bref, une Notons qu’il est franchement paradoxal qu’au Julia Cagé, économiste ; Roberto Casati, philosophe ; gauche de la modernité et du changement. Et le nom de grands principes démocratiques vous Véronique Chatenay-Dolto, directrice régionale des soir de sa désignation, ils ont cru un instant que choisissiez aujourd’hui de fouler aux pieds le prin- affaires culturelles d’Ile-de-France ; Marie Desplechin, es 22 et 29 janvier, les citoyens de gauche les ego et les calculs s’effaceraient face au choix cipe même du vote démocratique qui a formelle- écrivaine ; Valérie Donzelli, actrice, scénariste sont allés voter aux primaires citoyennes démocratique d’un peuple. ment désigné Benoît Hamon comme le candidat et réalisatrice ; Pierre Favier, journaliste-essayiste ; L visant à désigner un candidat unique de la Nous avons toutes et tous cru – que nous ayons de toute la gauche et des écologistes. Michel de Fornel, linguiste ; Jean-Michel Ganteau, gauche et des écologistes pour l’élection présiden- voté ou non à la primaire, que nous ayons soutenu « Un tel comportement contrevient gravement au professeur de littérature ; François Gemenne, politiste ; tielle. Ils se sont pliés à l’exercice démocratique ou non Benoît Hamon – que le jeu démocratique principe de loyauté, et à l’esprit même des primaires Alice Girard, productrice de cinéma ; Mathias Girel, dûment organisé par la – bien mal nommée – serait respecté. Naïfs que nous étions ! dont l’engagement principal consiste à soutenir sans philosophe ; Bertrand Guillarme, politiste ; « Belle Alliance populaire » pour désigner, par leur Aujourd’hui, vous opposez au choix des urnes au réserve le candidat sorti vainqueur. » C’est ce qu’a Caroline Ibos, sociologue ; Axel Kahn, scientifique ; vote, un candidat supposé représenter les valeurs mieux un silence assourdissant ou une moue cir- souligné la Haute Autorité des primaires citoyennes Bruno Karsenti, philosophe ; Camille Kouchner, majoritaires parmi le peuple de gauche. Ils sont conspecte, au pire un soutien à un autre candidat. dans un communiqué mercredi 22 mars. Nous maître de conférences en droit privé ; Sandra Laugier, allés voter, confiants, deux dimanches d’affilée Ce mépris total que vous opposez au vote citoyen n’aurions pas mieux dit. Il est aujourd’hui de votre philosophe ; Cyril Lemieux, sociologue ; Emily Loizeau, – pourtant il faisait froid ! – en partant du principe est intolérable. devoir de soutenir Benoît Hamon et de le porter auteure-compositrice-interprète ; Michel Lussault, que la règle de base de toute primaire serait res- vers une victoire d’une gauche authentique et qui géographe ; Bruno Masure, journaliste ; pectée : le candidat issu de ce scrutin allait béné- ENDIGUER LE SPECTRE DE LA HAINE ET DU REPLI s’assume, celle que nous sommes des centaines de Dominique Méda, sociologue ; Elisabeth Motsch, ficier du soutien du Parti socialiste, qui mobilise- Parce que Benoît Hamon n’incarne pas le « réfor- milliers à appeler de nos vœux et la seule capable écrivaine ; Albert Ogien, sociologue ; Aurélia Petit, rait son appareil pour le porter vers une possible misme » que vous prônez, vous seriez en droit d’endiguer le spectre de la haine et du repli qui actrice ; Emmanuel Pierrat, avocat et écrivain ; victoire. d’écarter d’une pichenette l’opinion exprimée par menace de s’abattre sur notre société. Thomas Piketty, économiste ; Denis Podalydès, Ils ont désigné, très largement – à près de 59 % –, près de 1,2 million d’électeurs de gauche ? Parce Soutenir Benoît Hamon, c’est avant toute chose acteur, metteur en scène, scénariste et écrivain ; Michèle Benoît Hamon. Ils l’ont choisi parce qu’ils souhai- que la gauche de Benoît Hamon est celle des respecter les électeurs et le sens même de la Ray-Gavras, productrice ; Myriam Revault d’Allonnes, taient une gauche verte, une gauche de l’empathie espoirs les plus grands, vous le qualifiez de doux démocratie. C’est ce qu’on appelle la loyauté. Et la philosophe ; Alfred Spira, professeur honoraire et de la tolérance, une gauche féministe, une gau- rêveur, vous infantilisez ses électeurs ? Parce qu’il loyauté en politique, c’est le dernier rempart de médecine ; Elise Thiébaut, journaliste et auteure ; che qui propose des solutions nouvelles pour propose des réformes audacieuses, parce qu’il ose contre le populisme. p Philippe Torreton, acteur ; Elsa Wolinski, journaliste