Forces spéciales : opérations selon le droit de la guerre

Les forces spéciales remplissent, en uniforme, des missions que l’Etat peut revendiquer. Effectuées en toute discrétion pour des raisons opérationnelles et de sécurité, ces dernières ne sont pas « secrètes ».

Leur commandant, le vice-amiral Laurent Isnard, l’a souligné devant la presse, le 22 juin 2017 à Paris, à l’occasion de leur 25ème anniversaire.

Evolution des missions. Intégrateur de forces, le Commandement des opérations spéciales (COS) compte une centaine de personnes. Mais son vivier totalise près de 4.000 opérateurs et 400 réservistes, répartis dans 13 unités spéciales dépendant des armées (Terre, Air et Marine nationale), directions et services. Ces composantes se chargent du recrutement, de la formation et de la mise à disposition du matériel adapté. Le COS y prélève des effectifs en fonction de la mission et des objectifs à atteindre. Des actions commandos dans les Balkans au début, le COS est passé aux opérations plus longues, en interarmées et interalliées, en Afghanistan. Puis, dans les pays d’Afrique, il lui a fallu comprendre la situation sur place, en vue d’une appréciation nationale, lancer un engagement avec un partenaire local et l’accompagner jusqu’à ce qu’il puisse réaliser la mission seul. Pendant l’opération « Barkhane » (Sahel), le COS lutte contre le terrorisme et partage les moyens (hélicoptères notamment) avec les troupes conventionnelles, dans le cadre d’un dialogue permanent avec le Centre de planification et de conduite des opérations à Paris. Pour l’opération « Chammal » (Irak), les forces spéciales françaises ne pratiquent pas le « ciblage » de combattants, précise l’amiral Isnard. Elles trouvent des partenaires désireux de reconquérir leur territoire national, les forment à la lutte contre les engins explosifs improvisés et les accompagnent pour l’appréciation de la situation tactique, afin de mieux exploiter les renseignements qu’ils peuvent obtenir. Avec le retour des « Etats puissances » (Russie et Chine), il s’agit d’anticiper des engagements plus durs, de la guerre hybride au combat de haute intensité. Le COS, qui ne dispose pas de gros moyens de renseignement, surveillance et reconnaissance, fait appel à ceux des armées via les états-majors.

Partenariats structurels. En vue de proposer une solution au chef d’Etat-major des armées, le COS entretient des relations avec les services de renseignement français et étrangers et travaille avec les ministères de l’Intérieur (RAID et GIGN) et des Affaires étrangères. Ses réservistes lui fournissent de l’expertise technique et d’appréciation de situation. Souvent engagé avec les forces spéciales américaines avec qui il échange des renseignements, le COS s’entraîne aussi avec les unités britanniques et allemandes présentes sur les mêmes théâtres. Par ailleurs, il entretient un réseau de startups dans le cadre du salon « SOFINS » (Special Operations Forces Innovation Network Seminar), organisé par le Cercle de l’arbalète, qui regroupe les entreprises industrielles coopérant avec les forces spéciales. Le COS s’intéresse aux matériels innovants susceptibles d’obtenir la suprématie sur le terrain : drones tactiques au niveau individuel ; tueurs de drones ; systèmes de cryptage ; intelligence artificielle par laquelle un capteur peut appréhender un événement. Ce dialogue avec les industriels lui permet de voir évoluer la menace et donc d’orienter les angles de recherche. Une fois acquis les matériels les plus performants, le COS poursuit sa logique de programme : formation et entraînement des personnels.

Loïc Salmon

Forces spéciales : outil complémentaire des forces conventionnelles

Forces spéciales : ET «Poitou»/CPA10, binôme avions/commandos

Forces spéciales : création du commando Ponchardier de la Marine nationale Cyberdéfense : soutien pour le renseignement, la protection, la prévention et l’action

Rattachée directement au chef d’Etat-major des armées, la cyberdéfense militaire implique les armées de Terre et de l’Air, la Marine nationale et la Direction générale de l’armement pour analyser, planifier et intervenir aux niveaux défensif et offensif.

Elle a fait l’objet d’une communication à la presse, le 16 mars 2017 à Paris, par le vice-amiral Arnaud Coustillière, officier général cyberdéfense. De son côté, le lieutenant-colonel Victor Le Bihan a présenté l’exercice DEF NET 2017, qui s’est déroulé dans toute la du 20 au 31 mars. Enfin, le capitaine de vaisseau Vincent Grégoire a expliqué la cyberdéfense dans la Marine au cours d’une conférence-débat organisée, le 22 mars 2017 à Paris, par le Centre d’études stratégiques de la marine.

COMCYBER. Commencée en 2011 avec quelques centaines de personnes, la « cyberdéfense » est devenue, en décembre 2016, le Commandement de cyberdéfense (COMCYBER), dont l’effectif devrait atteindre 3.200 militaires et civils en 2019, indique l’amiral Coustillière. Un échelon de préfiguration, créé en janvier 2017, met en place les textes juridiques et les processus nécessaires à la création du COMCYBER, qui sera structuré en 4 pôles : sécurisation des réseaux ; « défensif » avec l’intégration du CALID (Centre d’analyse de lutte informatique défensive) et ses relais au sein du ministère ; « action numérique » couvrant les différentes missions de combat ; la réserve. Pour recueillir les compétences destinées à développer les capacités techniques et tactiques, une campagne de recrutement vise les jeunes de moins de 30 ans, passionnés de numérique et désireux de servir leur pays. Tout juste diplômés d’écoles d’ingénieurs (bac + 5) ou travaillant déjà dans des petites et moyennes entreprises innovantes, ils bénéficieront de contrats de 3 à 6 ans, dont ils pourront valoriser l’expérience dans civil ensuite. L’informatique irrigue tous les équipements des armées, systèmes d’armes et bureaux d’état-major. L’amiral a énuméré les menaces possibles : terrorisme basique sur internet ; grandes mafias ; espionnage ; retour des grandes puissances, notamment la Russie. Dans ce domaine « gris », tous les maillons faibles d’un pays sont visés, en vue d’une déstabilisation et de son exploitation médiatique. Enfin, conformément à la doctrine de l’OTAN, le COMCYBER entretiendra des échanges selon les accords privilégiés avec quelques pays alliés, dont les Etats-Unis, l’Allemagne, la Grande- Bretagne, l’Estonie (pays d’accueil d’un centre de la cyberdéfense de l’OTAN) et les Pays-Bas.

Exercice DEFNET 2017. Pour entraîner à la lutte informatique défensive, l’exercice DEFNET 2017 s’est déroulé sur 11 sites pendant 2 semaines avec 5 plates-formes pour simuler 40 incidents. Il a mobilisé : 155 spécialistes militaires et 240 étudiants de 12 établissements de l’enseignement supérieur ; 3 industriels ; 1 unité de l’armée de Terre, 2 bâtiments de la Marine nationale et 2 bases de l’armée de l’Air. Pour la 1ère fois, des réservistes de la cyberdéfense ont été déployés sur la base aérienne de Rochefort. Dorénavant DEFNET sera organisé chaque année dans les armées.

Marine et cyberdéfense. La Marine s’adapter aux risques cyber selon trois axes, souligne le capitaine de vaisseau Grégoire : se structurer pour commander et agir ; protéger et défendre les systèmes d’information et systèmes d’armes ; agir dans le cyberespace au profit des opérations aéronavales. Elle protège ses unités et peut réagir à n’importe quel accident informatique pour conduire une opération en toute sécurité, notamment grâce à l’exercice DEFNET. Système complexe de capacités opérationnelles interconnectées, chaque navire est une plateforme de communication, d’information, de navigation et de combat. Ainsi, le maintien d’une eau réfrigérée à 6° C influe sur les conditions de vie à bord, la propulsion, les transformateurs électriques, le sonar remorqué, le radar multifonctions et les baies du système de combat. La cyberprotection va de « l’hygiène numérique » de base à l’homologation des systèmes sur les programmes navals. La cyberdéfense part des groupes d’intervention rapide en cas d’attaque, au renseignement, à l’entraînement des unités et à la coopération internationale avec les pays alliés. Pôles de référence, les centres de Toulon et Brest dépendent de l’amiral chargé des opérations et de la lutte informatique défensive et disposent d’experts pour les sous-marins, bâtiments de surface et infrastructures à terre. Ils vérifient les qualifications opérationnelles et développent des scénarios d’entraînement, à savoir des plates-formes de tests de simulation par des automates programmables et validés par le COMCYBER. Pour réagir efficacement, il convient d’établir une cartographie des systèmes d’information du navire, lesquels se montent à 3.000 sur une frégate multi- missions ou un bâtiment de projection et de commandement. D’ici à 2019, un centre de cybersurveillance sera mis en œuvre pour : recueillir les renseignements d’intérêt cyber ; détecter les incidents en amont ; anticiper les cyberattaques en se plaçant à la place de l’agresseur qui aura perçu les vulnérabilités des systèmes. Un bâtiment de combat, réalisé en 5-10 ans, doit connaître une vie opérationnelle de 30-40 ans avec une garantie de la sécurité de ses systèmes, rappelle le capitaine de vaisseau Grégoire. Cela implique un lien entre les industriels de défense, la Direction générale de l’armement et les organismes de soutien de la Marine. La sécurité intervient dès la conception du navire pour réduire les risques aux niveaux des codes, de l’architecture, des réseaux et de la réflexion sur le maintien en condition opérationnelle. Elle est prise en compte pour la future frégate de taille intermédiaire et la modernisation du système de combat du porte-avions Charles-De-Gaulle. Par ailleurs, la Marine va recruter 125 personnes dans les écoles spécialisées d’ici à 2019 : officiers en master cyber ; officiers mariniers ; ingénieurs et techniciens civils. Elle devra ensuite les fidéliser, car ces personnels sont très recherchés dans le monde civil. Enfin, au niveau de la réflexion, une chaire industrielle sur la cybersécurité des systèmes navals a vu le jour en 2014 et regroupe l’Ecole navale, Télécom Bretagne et les groupes DCNS et Thales. Elle repose sur des post-doctorats et doctorats universitaires et des stages à l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information.

Loïc Salmon

Cyberdéfense militaire : DEFNET 2015, exercice interarmées à tous les niveaux

Cyber : le combat numérique, nouvelle dimension militaire

Cyber : au cœur des enjeux de défense et de sécurité

Le ministère de la Défense a traité 24.000 actes malveillants de tous types en 2016. La loi de programmation militaire 2014-2019 prévoit un investissement global de 2 Mds€ pour la cyberdéfense et un effectif de 3.200 spécialistes, renforcés selon les besoins par 4.400 réservistes, dont 400 pour la réserve opérationnels et 4.000 pour la réserve citoyenne. Les missions des « combattants numériques » incluent : le durcissement des systèmes ; la recherche ; la veille et l’anticipation des menaces ; l’audit ; les tests d’intrusion ; la supervision et la protection des systèmes d’information ; la détection et la recherche des compromissions ; l’investigation numérique et la veille sur les réseaux sociaux ; la participation aux opérations.

CEMA : durcissement et aggravation des conflits, évolution des missions Les armées françaises, en guerre dans les faits, sont confrontées à la progression des menaces du non droit et celles engendrées par les rapports de force entre les États. Telle est l’opinion du général , leur chef d’état-major (CEMA), exprimée le 29 janvier 2016 à Paris, devant l’Association des journalistes de défense. Les attentats du 13 novembre 2015 à Paris, commandités par Daech (« État islamique ») depuis la Syrie, ont confirmé l’étroitesse des liens entre la « défense de l’avant » (les opérations extérieures, Opex) et la protection du territoire national. Les risques terroristes se superposent aux flux migratoires vers l’Europe.

Rupture stratégique. La sécurité à l’intérieur des frontières étatiques n’existe plus et cette dégradation sécuritaire s’inscrit dans la durée, souligne le général de Villiers. En 2015, Daech a poursuivi l’occupation du territoire qu’il contrôle en Syrie et en Irak. Avec d’autres groupes radicaux, il a étendu son influence vers l’Afrique : consolidation en Libye avec risque de contamination géographique ; persistance du terrorisme de Boko Haram dans la région du lac Tchad. Son islamisme radical se propage dans la bande sahélo-saharienne, au Sinaï, au Yémen et dans la Corne de l’Afrique. Daech exerce une véritable fascination par sa propagande violente. Selon le CEMA, 500 candidats au djihad partent pour la Syrie chaque mois. Sur les 37.000 combattants étrangers ayant rejoint Daech depuis la proclamation du nouveau califat (29 juin 2014), 27.000 seraient encore en Irak ou en Syrie. Les modes d’action de Daech sont peu coûteux, aisément accessibles et se combinent au fanatisme et à l’idéal de mort : cyberattaques, engins explosifs improvisés, tireurs embusqués et attaques suicides. En Syrie, en Irak et en Libye, la terreur djihadiste met en scène viols, décapitations, tortures, crucifixions publiques et esclavage des femmes, en vue d’un anéantissement soudain des fonctions vitales du « candidat au martyr » sous l’effet d’un choc émotionnel intense. Par ailleurs en 2015, des États aux capacités mondiales et régionales ont démontré leur puissance : gel de la situation en Ukraine et engagement militaire de la Russie en Syrie ; l’, redevenu fréquentable avec l’accord nucléaire de Vienne ; revendications de la Chine ; attitude provocatrice de la Corée du Nord.

Guerre « mondialisée ». Le mode opératoire et les armes utilisées lors des attentats sur le sol national en 2015 sont identiques à ceux des récentes Opex (Afghanistan, Mali et Irak). Pour gagner cette nouvelle guerre, estime le CEMA, il faut maintenir un modèle complet d’armée pour couvrir tout le spectre des menaces, avec un budget correspondant à 2 % du produit intérieur brut de la France. La volonté politique s’exprime à travers la chaîne décisionnelle, qui produit des effets sur le terrain en quelques heures. La stratégie d’action doit mettre en cohérence les objectifs militaires avec les visées politiques, car gagner la guerre ne suffit pas à gagner la paix, souligne le général. L’action doit s’inscrire dans le temps long, à savoir accepter d’attendre pour récolter les fruits de l’action. Parmi les 200.000 militaires français, près de 41.000 sont en posture opérationnelle : dissuasion nucléaire aérienne et océanique ; opération extérieure ou intérieure ; forces de présence ou de souveraineté ; protection des emprises militaires. Les autres assurent les formations, la surveillance et le contrôle de l’espace aérien et des approches maritimes, le renseignement et la cyberdéfense. Loïc Salmon

Attentats à Paris : plus grosse opération de secours de la BSPP depuis les années 1980

Géopolitique : le chaos d’aujourd’hui, dérive logique de la mondialisation

Défense : actualisation de la LPM 2014-2019

Opex : difficultés à caractériser l’ennemi et à circonscrire le cadre d’opérations

Le flou des menaces pesant sur la défense nationale et la sécurité mondiale déstabilise et fragilise en profondeur les modes d’action et marges de manœuvre des forces armées dans le respect du droit international, d’autant plus que les opinions publiques exigent plus de transparence dans la conduite des opérations.

Les questions juridiques soulevées par les opérations extérieures (Opex) ont fait l’objet d’un colloque organisé, les 2 et 3 novembre 2015 à Paris, par le ministère de la Défense. Y sont notamment intervenus : Pierre Boussaroque, jurisconsulte adjoint au ministère des Affaires étrangères ; le général Pierre de Villiers, chef d’État-major des armées ; Claire Landais, directrice des affaires juridiques au ministère de la Défense ; le général de brigade Thierry Burkhard, chef conduite au Centre de planification et de conduite des opérations.

Légitimité internationale. En cas de menace de la part d’un État, le recours à la force armée est licite s’il s’appuie sur une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU qui la légitime (chapitre VII), rappelle Pierre Boussaroque. Le déploiement d’une force française dans le cadre d’une Opex, comme « Serval » au Mali, a nécessité une invitation de l’État menacé, afin de respecter sa souveraineté. Par ailleurs, l’article 51 de l’ONU définit le droit naturel à la légitime défense. Il a été invoqué contre Daech, organisation non-étatique qui se revendique comme « État islamique », et à la demande du gouvernement irakien, acceptée par la France. Actuellement, le droit humanitaire du temps de guerre et les droits de l’homme du temps de paix coexistent et les règles fondamentales s’appliquent en Opex, indique Pierre Boussaroque : faire la différence entre civils et militaires ; principe de proportionnalité de l’emploi de la force.

Garantir le succès de la mission. Loin de contrarier l’action militaire, le droit l’encadre et protège celui qui la conduit, estime le général de Villiers. Aujourd’hui, la radicalisation djihadiste, incarnée par Daech et ses affiliés au Levant et au Sahel, correspond à une stratégie délibérée, en vue d’imploser la société et d’imposer leurs normes. Les mouvements terroristes recrutent, se financent et se forment en réseau. Ils désignent leurs cibles et transmettent leurs ordres par les connections internet, hors des frontières et de tout cadre juridique. Les armées françaises inscrivent leur action dans une stricte conformité au droit, qui leur assure légitimité et succès, souligne leur chef d’État-major. Le respect de la charte de l’ONU se complète par une légitimité politique qui prend en compte le contexte et l’opinion publique. Lors d’une intervention en coalition avec d‘autres nations et quel que soit le format de l’intervention, les principes de discrimination et de proportionnalité restent la base de l’emploi de la force. Cette responsabilité collective est régulièrement rappelée aux pays partenaires. Les coopérations n’affranchissent pas du respect du droit, du regard de la Cour pénale internationale (CPI, encadré) ou des obligations humanitaires envers les prisonniers. Cependant, le cyber et l’emploi de drones ou d’automates armés conduisent à s’interroger. Le droit, en perpétuelle construction, se complète par l’éthique, qui entre dans la formation des jeunes militaires comme guide du comportement. En outre, l’action militaire s’inscrit dans le temps long. La résolution d’une crise demande en moyenne une quinzaine d’années d’endurance, de constance et de persévérance, alors que la pression s’exerce sur tous pour une réponse immédiate partout. Selon le général, céder à la violence, à la discrimination, à la non-distinction des moyens ou à toute déviance entraîne l’échec de la mission et de la conscience collective.

Cadre juridique des Opex. L’article 35 de la Constitution prévoit une information au Parlement dans les 3 jours d’une Opex et une autorisation dans les 4 mois, rappelle Claire Landais. Les Opex « Serval » au Mali, « Sangaris » en Centrafrique et « Barkhane » dans la bande sahélo-saharienne se déroulent en situation de conflit armé non-international, où s’applique le Droit international des droits de l’homme. En conséquence, l’usage de la force ne peut aller au-delà de la légitime défense : pour soi-même ou si des forces alliées sont attaquées ; pour autrui, par exemple pour libérer des otages ou protéger des victimes d’exaction. Dans ces conflits, toute personne civile bénéficie d’une protection, sauf quand elle participe directement aux hostilités. Pour l’opération « Chammal » au Levant, la France a répondu à la demande irakienne d’agir en Syrie contre Daech pour des raisons de sécurité nationale et au nom de la défense collective, explique Claire Landais. Elle l’a justifié par les caractéristiques de Daech : ampleur du territoire contrôlé ; capacités militaires ; degré d’organisation ; intentions. La Syrie se trouvant en état de guerre, le droit des conflits armés régit notamment le choix des cibles. Ainsi, lors d’une frappe contre un camp d’entraînement, les forces françaises sont amenées à « neutraliser » des combattants, même de nationalité française, précise Claire Landais.

Poursuivre l’ennemi. Les armées disposent de conseillers juridiques à tous les niveaux, explique le général Burkhard. En liaison avec la Direction des affaires juridiques, ils sont affectés auprès des chefs tactiques, qui prennent leurs décisions en toute connaissance de cause. Présents sur le théâtre d’opérations, ils comprennent les difficultés des militaires sur le terrain. Ainsi, dans l’océan Indien, il s’agit de capturer des pirates, recueillir des preuves et remonter la filière jusqu’aux commanditaires pour désorganiser leur modèle économique. Lors d’une Opex, l’action judiciaire est évaluée dès la planification. Ainsi, pour « Serval », un accord a prévu le transfert de prisonniers aux autorités maliennes, en présence du Comité international de la croix rouge. Mais, en Centrafrique, par suite à la défaillance des administrations pénitentiaires et judicaires, les prisonniers ont été relâchés après avoir été désarmés. Face à des djihadistes décidés à tuer, la sécurité des soldats et la réussite de la mission priment. La justice ne peut agir que lorsque les combats et l’insécurité diminuent. Les forces déployées coopèrent avec la CPI en liaison avec le ministère des Affaires étrangères, précise le général.

Loïc Salmon

Moyen-Orient : crises, Daech et flux de migrants en Europe

Armée de Terre : retour d’expérience de l’opération « Serval » au Mali

Centrafrique : l’opération « Sangaris » au niveau « opératif »

La Cour pénale internationale (CPI) est une institution permanente chargée de promouvoir le droit international et de juger les individus ayant commis un génocide, des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité ou des crimes d’agressions. A l’issue de la Conférence diplomatique de plénipotentiaires de l’ONU, le Statut de Rome, signé le 17 juillet 1998, a créé la CPI le 1er juillet 2002 avec son siège à La Haye (Pays-Bas). Toutefois, les procès peuvent se dérouler en tous lieux. Parmi les 121 États signataires du Statut de Rome, 32 ne l’ont pas ratifié, dont la Russie, les États-Unis, Monaco et Israël. A part la Jordanie et la Tunisie, aucun pays arabe n’a ratifié le Statut de Rome. La Chine, l’Inde et presque tous les États d’Asie n’ont même pas signé le Statut de Rome. Seule la Cour internationale de justice, dont le siège est aussi à La Haye, est compétente pour juger les États. État-major des armées : un chef, une mission et… au-delà

L’outil militaire doit conserver les moyens des ambitions de la France dans la durée. Ses succès sur le terrain doivent se compléter par des avancées en matière de développement, de gouvernance, d’éducation ou de justice.

Telle est l’opinion du général Pierre de Villiers, chef d’État-major des armées (CEMA), exprimée le 30 janvier 2015 à Paris, lors d’une rencontre avec l’Association des journalistes de défense.

Opérations rapidement évolutives. « L’accélération du temps, conjuguée à l’extension de l’espace, est un facteur essentiel pour gagner au combat », déclare le CEMA. Guerre, combat et victoire sont des notions à réactualiser en permanence aujourd’hui et probablement plus vite qu’auparavant. Les crises se sont mondialisées dans les domaines du recrutement des combattants et de leur formation, du financement des actions et de la propagande. « L’internationalisation du djihadisme est la plus récente illustration de cette contagion des crises avec ses répercussions sur les théâtres nationaux». Par ailleurs, la violence ne s’exprime plus uniquement dans les institutions étatiques et ne se confine plus à l’intérieur des frontières. « Aujourd’hui, certains États se comportent parfois comme des bandes armées et des bandes armées comme des États ». C’est notamment les cas de l’organisation djihadiste Daech, autoproclamée « État islamique de l’Irak et du Levant » ou simplement « État islamique » et qui a conquis une partie des territoires syrien et irakien. Le lien entre les sécurités intérieure et extérieure se renforce : « La violence s’exporte, le terrorisme se franchise ». Le retour en France de ressortissants français et européens, partis faire la guerre en Syrie et en Irak, est une composante des menaces terroristes au Sahel et au Proche-Orient. Les opérations extérieures constituent la « défense de l’avant ». Les moyens militaires sont affectés en priorité au Sahel, où l’autorité des forces françaises est reconnue par les unités des pays africains et occidentaux sur zone. L’opération « Barkhane » y déploie : 3.000 militaires ; 20 hélicoptères ; 6 avions de chasse ; 4 drones ; 200 véhicules blindés ; 200 véhicules logistiques ; 7 avions de transport tactique et stratégique. Le CEMA entretient des liens étroits avec ses homologues du G5 du Sahel pour le développement et la sécurité, créé en février 2014 : Mauritanie, Mali, Burkina Faso, Niger et Tchad. En revanche, la France est équipière dans la coalition menée par les États-Unis contre Daech. Lancée le 19 septembre 2014, l’opération « Chammal », conduite en coordination avec les Alliés, fournit un appui aérien aux forces armées irakiennes au sol par des missions de renseignement, reconnaissance armée et contrôle aérien. Placées sous contrôle opérationnel de l’amiral commandant la zone océan Indien et son état-major interarmées, les forces françaises de « Chammal » regroupent : 600 militaires ; 15 avions de chasse ; 1 avion de ravitaillement en vol C135-FR ; 1 avion de patrouille maritime Atlantique 2. L’objectif de « Barkhane » et de « Chammal » est d’empêcher toute connexion entre les organisations terroristes de Daech, d’Al Qaïda, d’Aqmi (Maghreb), de Boko Haram (Nigeria) et de leurs affiliés. La base avancée de Manama (Nord Niger) a été installée pour gêner leur liberté d’action par des actions transfrontalières et de cloisonnement. Sur le territoire national, l’opération « Sentinelle » déploie 10.500 militaires contre le terrorisme dans le cadre du plan « Vigipirate renforcé attentat ». Au niveau mondial, le général de Villiers observe une banalisation de l’usage de la force avec ses limites et les difficultés à la maîtriser. Il constate que le recours à la force militaire redevient un moyen politique en soi et non plus le simple prolongement d’une politique par d’autres moyens. En outre, l’avance technologique, facteur d’ascendant, ne dissuade plus les groupes terroristes. Fanatisés par leur idéal de mort, ceux-ci emploient des moyens bon marché et facilement accessibles : tireurs embusqués ; engins explosifs improvisés ; attaques suicides ; cyber-attaques. Le CEMA indique que les interventions françaises dans les Balkans, en Afghanistan, en Afrique ou ailleurs durent en moyenne 15 ans. Outre une approche globale, la guerre nécessite une adaptation continuelle des moyens à mettre en œuvre et une compréhension rapide de ses nouveautés.

Armées en pleine transformation. Composantes de la résilience de la nation, les forces armées protègent la population, les valeurs et les intérêts vitaux de la France et lui permettent d’assumer ses responsabilités sur la scène internationale, rappelle le général de Villiers. En outre, la menace du terrorisme sur le territoire national est redevenue une réalité, mais elle n’est pas la seule. Les crises récentes renforcent la pertinence du choix d’un modèle complet d’armée, conformément au Livre blanc 2013 sur la défense et la sécurité nationale, et excluent de baisser la garde. Or, les capacités militaires (armement, formation et entraînement des personnels) demandent du temps sur les plans technologique et opérationnel, pour passer de la conception à l’emploi sur le terrain. Chef des opérations et conseiller du gouvernement, le CEMA assume aussi les responsabilités de la programmation militaire, de la transformation des armées et des relations militaires internationales. L’opération « Sentinelle » rappelle la nécessité de disposer de suffisamment de personnels militaires. En conséquence, le président de la République, chef des armées, a décidé de réduire de 7.500 postes les déflations d’effectifs prévus par la Loi de programmation militaire 2014-2019 (LPM) et ce à partir de 2015. Cette loi prévoit des ressources financières, y compris celles dites « exceptionnelles » par la vente de fréquences notamment. Le CEMA entend garder une cohérence entre missions et moyens et entre ressources et besoins, en accord avec les autorités politiques (président de la République et ministre de la Défense). La LPM sera donc actualisée, mais non pas révisée, précise-t-il. Le modèle d’armée sera mis à jour à partir du cadre stratégique actuel et des principaux enseignements des engagements récents.

Loïc Salmon

« Serval » : manœuvre aéroterrestre en profondeur et durcissement de l’engagement

Libye : retour d’expérience de l’opération Harmattan

Résilience : la survie de la collectivité nationale Le chef d’État-major des armées (CEMA) est secondé par le major général des armées, dont dépendent notamment les sous-chefs d’état-major. Parmi ces derniers, celui chargé des opérations dirige l’action des forces françaises à l’extérieur et à l’intérieur des frontières sous l’autorité du CEMA, définit les objectifs de préparation opérationnelle et rédige les textes réglementaires d’organisation opérationnelle et du retour d’expérience. Le sous-chef « plans » est chargé de la définition du format des armées et leur cohérence capacitaire ainsi que la planification et la programmation. Le sous-chef « performance » est responsable du pilotage, de la transformation et de l’appui « métiers ». Par ailleurs, le CEMA dispose du Centre de planification et de conduite des opérations (CPCO) pour la gestion des crises en amont (veille stratégique et planification) et en aval (conduite). Lorsqu’une opération est déclenchée, une cellule de crise est créée pour en assurer la conduite.

État-major des armées : bilan de l’amiral Édouard Guillaud Chaque fois que le gouvernement les a sollicitées, les armées ont réagi avec un préavis très court, comme pour les opérations aéroterrestres au Mali et aéromaritime en Libye. En outre, le cyberespace est devenu un nouveau théâtre d’affrontement international et l’espace fournit des renseignements.

C’est ce qu’a déclaré l’amiral Édouard Guillaud, le 27 janvier 2014 à Paris, devant l’Association des journalistes de défense à l’issue de son mandat de chef d’État- major des armées (CEMA).

Les opérations. Les réformes ont accru la réactivité et la modularité des armées, qui ont dépassé les stades de l’interarmes et de l’interarmées. Ainsi en Libye, ont été mobilisés : 1 avion d’alerte avancée AWACS, des ravitailleurs en vol, l’aviation légère de l’armée de Terre, 1 sous-marin, les Forces spéciales ainsi que des Rafale, Mirage 2000 et Super-Étendards Modernisés, dont la trajectoire a été modifiée quand il le fallait. Dans l’ensemble, les relations avec les divers grands commandements américains sont « lucides », précise l’amiral. La coopération en matière de ravitaillement en vol et de renseignement est indispensable à la sécurité des opérations, car «la capacité intellectuelle d’analyse de nos adversaires est extrêmement puissante ». Le Sud de la Libye, où l’État doit se reconstruire, l’Algérie, le Tchad et le Niger sont conscients de la nécessité de sécuriser leurs frontières pour éviter qu’elles deviennent un centre de gravité du terrorisme. Au Sahel, à défaut d’éradiquer le terrorisme des mouvements djihadistes, précise le CEMA, il s’agit de le maintenir à un niveau contrôlable par les gouvernements locaux. Cela passe par l’entraînement de leurs armées, du ressort de la Mission de formation de l’Union européenne au Mali. Avant l’intervention française (2013), les troupes d’Al Qaïda, qui venaient auparavant se reposer au Mali, s’y étaient installées, vu le nombre de caches logistiques et d’armes découvertes. Désormais, «nous voulons empêcher le terrorisme international de reprendre le pays comme sanctuaire». En République Centrafricaine, pays grand comme la France et la Belgique et peuplé de 4,7 millions d’habitants, il n’y a plus d’État et il est donc facile de vivre de rapines, souligne le CEMA. Chaque jour, quelque 40.000 personnes (le double la nuit) se réfugient à proximité de l’aéroport de Bangui, sécurisé par les troupes françaises. Seuls des moyens militaires peuvent rétablir l’ordre, en raison des niveaux de violence et de l’armement utilisé : «On se fait tirer dessus au RPG(lance- roquettes anti-char) et à la mitrailleuse de 14,7 mm» ! La reconstruction du service public se fera avec les forces de police et de gendarmerie. Les 1.600 soldats français s’y emploient avec l’aide de 6.000 Africains de la Mission internationale de soutien à la Centrafrique, dont 1.500 sont déployés en province, en attendant l’arrivée d’un contingent européen de 500 hommes (autorisé le 28 janvier 2014 par le Conseil de sécurité de l’ONU). Au Liban où sévit le mouvement chiite Hezbollah qui dispose d’une branche armée, la France dans le cadre de la Force intérimaire des Nations unies au Liban, les États-Unis et certains pays arabes aident l’armée libanaise à réagir dans l’urgence opérationnelle. L’Arabie saoudite va lui fournir 3 Mds$ pour répondre à ses besoins. A la frontière Sud du Liban, Israël se satisfait de la situation face à la Syrie en pleine guerre civile. Par ailleurs, le plan prospectif à 30 ans de la Direction générale de l’armement oriente les recherches pour dégager les besoins futurs des forces. Toutefois, l’amiral Guillaud regrette l’insuffisance du nombre de « think tanks » en France par rapport aux pays anglo-saxons. Ces structures indépendantes de l’État, produisent des rapports d’experts, notamment sur la stratégie. De son côté, le CEMA anticipe des menaces potentielles : détroit de Malacca, où transitent 40 % des exportations européennes ; Yémen, devant lequel circule 40 % du pétrole destiné à l’Europe ; delta du Niger, théâtre de brigandage maritime.

L’évolution des forces. Au cours de son mandat, le CEMA a constaté un grande continuité dans la politique de défense de la France, quel que soit la majorité au pouvoir, le Premier ministre ou le ministre de la Défense. Il a cité deux présidents de la République : « Les armées sont le fer de lance de la politique étrangère » selon l’un ; « Sans armée forte, pas de diplomatie forte », selon l’autre. Interrogé sur l’utilité du porte-avions, il a rappelé que 80 % de la population mondiale se trouve à moins de 500 km de la mer, théâtre potentiel d’opérations. Les autorités politiques décident de l’emploi du Charles-de-Gaulle, à quai 165 jours/an pour entretien. Malgré les restrictions budgétaires, les Etats-Unis restent fidèles à leur stratégie « From the Sea » (à partir de la mer) en maintenant 10 groupes aéronavals en service. Le 18 janvier 2014, la Chine a annoncé la construction d’un 2ème porte-avions, moins de 2 ans après la mise en service du premier. Par ailleurs, la France est la seule nation occidentale, après les Etats-Unis, à disposer de satellites optiques. Toutefois, certains matériels (véhicules de l’avant blindés et Mirage 2000) vieillissent. Une quinzaine d’années s’écoulent entre le lancement d’un nouvel équipement et son entrée en service opérationnel. Trop d’achats à l’étranger conduisent à une dépendance envers les pays fabricants et « l’industrie de défense ne se délocalise pas», souligne le CEMA. La France coopère avec la Grande-Bretagne en matière de recherche et développement, pour le drone Watchkeeper de taille intermédiaire et pour la « force expéditionnaire commune ». Avec l’Allemagne, l’évolution de la classe politique permet de grandes avancées, notamment la participation d’instructeurs à la formation des troupes maliennes. Au terme de son mandat, l’amiral considère indispensable de préserver la sophistication capacitaire des armées (moyens, formation et entraînement). Il reconnaît la fragilité du moral des personnels, apparente après les ratées du logiciel de paie « Louvois », mis en œuvre en 2011 et qui sera remplacé en 2015. Enfin, malgré la limitation de leurs budgets, les armées renouvellent leurs ressources humaines par l’embauche de 18.000 jeunes par an, dont le CEMA a salué la qualité sur les théâtres d’opérations.

Loïc Salmon

Les armées, réforme, budgets et opérations État-major des armées : changement des deux principaux titulaires

Chef d’état-major des armées (CEMA) depuis le 25 février 2010, l’amiral Édouard Guillaud quitte ses fonctions le 14 février 2014.Conseiller militaire du gouvernement, le CEMA est responsable de l’emploi des forces et assure le commandement des opérations militaires sous l’autorité du président de la République et du gouvernement, sous réserve des dispositions relatives à la dissuasion nucléaire. Il a autorité sur : les chefs d’état-major des armées de Terre de l’Air et de la Marine nationale ; les commandants supérieurs dans les départements d’outre-mer, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie ; les commandants des forces françaises à l’étranger et leurs états-majors interarmées ; les officiers généraux de zone de défense. II est aussi chargé des relations avec les armées étrangères et les structures militaires de l’Union européenne et de l’OTAN.

État-major des armées : changement des deux principaux titulaires Le Conseil des ministres du 15 janvier 2014 a nommé le général d’armée Pierre Le Jolis de Villiers de Saintignon chef d’État-major des armées et le général de corps aérien Gratien Maire major général des armées à compter du 15 février. Le général de Villiers (photo) succède à l’amiral Édouard Guillaud. Actuel major général des armées, il a conduit les travaux préparatoires à la transformation des armées, qu’il mettra en œuvre dans le cadre de la Loi de programmation militaire 2014-2019. Entré à l’École spéciale militaire de Saint-Cyr en 1975, il choisit l’arme blindée cavalerie. Breveté d’études militaires supérieures (1991), il est auditeur du Centre des hautes études militaires et de l’Institut des hautes études de défense nationale (2004). Il a notamment commandé le 501ème-503ème Régiment de chars de combat (1997), le bataillon d’infanterie mécanisée de la Brigade Leclerc, entrée en premier au Kosovo dans le cadre de la KFOR (5 mois en juin 1999), et la 2ème Brigade blindée (2006). Dans le cadre de la Force internationale d’assistance et de sécurité, il commande aussi le « Regional Command Capital » (2.500 personnels de 15 pays) en Afghanistan entre décembre 2006 et avril 2007. Chef du cabinet militaire du Premier ministre en 2008, il est nommé major général des armées le 11 mars 2010. Titulaire de la croix de la Valeur militaire, le général de Villiers est grand officier de la Légion d’Honneur et officier de l’Ordre national du Mérite. Le général Maire, promu général d’armée aérienne à sa prise de fonctions, succède donc au général de Villiers comme major général des armées. Entré en 1978 à l’École de l’air et breveté pilote de chasse en 1981, il totalise plus de 3.100 heures de vol sur Mirage III, Mirage F1 et Alpha-jet, dont 87 missions de guerre. Il a effectué plusieurs détachements opérationnels en Afrique et au Moyen-Orient. Désigné en 1996 pour l’École de guerre aérienne américaine de Montgomery, il est auditeur du Centre des hautes études militaires et de l’Institut des hautes études de défense nationale (2003). Il a notamment commandé une escadrille de la 33ème Escadre de reconnaissance (1986-1988), l’escadron de chasse Normandie-Niemen (1991-1993), l’École d’aviation de chasse à Tours (1995) et les Écoles d’officiers de l’armée de l’Air à Salon-de-Provence (2006-2008). Sur le plan international, il a été attaché de Défense aux ambassades de France au Canada en 2000-2003 et aux Etats-Unis en 2008-2011, avant d’exercer les fonctions de sous-chef d’état-major relations internationales à l’État-major des armées à partir de septembre 2012. Titulaire de la croix de la Valeur militaire, le général Maire est officier de la Légion d’Honneur et commandeur de l’Ordre national du Mérite.

Loïc Salmon Enseignement militaire supérieur : former les chefs d’aujourd’hui et de demain

Renseignement militaire : clé de l’autonomie stratégique et de l’efficacité opérationnelle

Le caractère interarmées des besoins exprimés et des réponses à fournir rend le renseignement militaire de plus en plus complexe. Outre l’évolution permanente de ses processus de mutualisation, il doit garantir une rapidité accrue de la boucle observation, analyse, décision et action.

Telle est l’impression qu’en retire le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian (photo), à l’issue de sa visite à la Direction du renseignement militaire à Creil (banlieue parisienne) le 13 septembre 2013, visite à laquelle la presse a été conviée.

La Direction du renseignement militaire (DRM), qui dépend directement du chef d’Etat-major des armées (CEMA), collecte tout ce qui concerne les forces et systèmes de combat d’adversaires potentiels au profit des autorités politiques et militaires. Elle échange des renseignements avec les services étrangers, surtout américains. Ses effectifs se montent à environ 1.700 personnes civiles et militaires (moyenne d’âge 38 ans), dont 24 % de femmes. Les militaires se répartissent entre les armées de Terre et de l’Air, la Marine et la Direction générale de l’armement. Près de 300 personnes sont réparties dans les 9 détachements avancés de transmission pour les interceptions de télécommunications : métropole (Giens), outre-mer (Guadeloupe, Mayotte, Nouvelle-Calédonie et Polynésie française), Sénégal, Gabon, Djibouti et Emirats arabes unis. Au sein du Centre de planification et de conduite des opérations (CPCO) du ministère de la Défense à Paris, la DRM dispose d’un bureau de renseignement interarmées dénommé J2 (appellation OTAN), résultant de la fusion des anciens 2èmes Bureaux Terre, Air et Marine et du Centre d’exploitation du renseignement militaire. La base aérienne 110 de Creil abrite les organismes techniques de la DRM : Centre de formation et d’emploi relatif aux émissions électromagnétiques ; Centre de formation et d’interprétation interarmées de l’imagerie (CF3I) ; Centre interarmées de recherche et de recueil de renseignement humain ; unité interarmées Helios (satellites de reconnaissance). Le ministre s’est fait expliquer le fonctionnement du CF3I à partir de consoles de visualisation d’images satellitaires précises, enrichies de cartes et de renseignements d’origines électromagnétiques et humaines et collectés par des moyens français et alliés. Ainsi, celles de la veille stratégique sur l’Iran montrent le centre spatial de Semnan, pour la prolifération d’armement, et la centrale nucléaire de Bushehr pour la prolifération nucléaire. Celles du suivi de crise en Syrie présentent les situations sécuritaires en plein cœur des villes de Damas et d’Alep. Celle de l’appui aux opérations au Mali étudie le terrain de l’aérodrome de Gao. Une autre expose la mission de reconnaissance en Guyane française pour la lutte contre l’orpaillage illégal. Le réseau du CF3I de Creil inclut de façon permanente : le J2 du CPCO (Paris) ; les états-majors interarmées de Guyane, Djibouti, N’Djamena (Tchad) et Naqura pour le détachement français de la Force intérimaire des Nations unies au Liban ; le Centre d’exploitation du renseignement terrestre de Lille ; le Centre de renseignement air de Lyon-Mont Verdun ; le porte-avions Charles-De-Gaulle. Les images, captées par les senseurs des nacelles de reconnaissance montées sur les Rafale, sont transmises en vol en temps ou en différé à des stations d’aide à l’interprétation des images connectées au CF3I. Ce dernier reçoit et diffuse les renseignements sur les théâtres d’opérations en cours.

Le renseignement de terrain. Système de renseignement complet, la DRM oriente les recherches, selon les besoins, vers le commandement d’un théâtre qui les répercute vers les équipes de recueil au sein des unités engagées. Les renseignements sont ensuite transmis et fusionnés avec ceux d’origine spatiale ou provenant de drones, notamment américains, en vue de leur analyse puis d’une synthèse finale réalisée sur place et qui sera diffusée vers la DRM. Spécialisé dans la recherche de renseignement d’origine humaine, le 13ème Régiment de dragons parachutistes (RDP) remplit des contrats opérationnels auprès de la DRM et du Commandement des opérations spéciales (COS), dépendant lui aussi directement du CEMA. Intégré à la Brigade des forces spéciales Terre comme le COS, le 13ème RDP projette en permanence 150 à 200 personnels sur 9 théâtres d’opérations pour la DRM et 7 théâtres pour le COS. Son nouveau chef de corps est un colonel (chuteur opérationnel) d’à peine 40 ans ! Certains sous-officiers y effectuent toute leur carrière. En effet, ce régiment pratique une logique de recherche et de développement interne pour améliorer les performances des capteurs, les intégrer à l’environnement et en concevoir de nouveaux. Ainsi, entre autres « gadgets », a été présentée une pierre en résine contenant une balise de géolocalisation… si bien imitée (poids compris) que l’informateur qui l’a déposée chez l’adversaire ne s’est rendu compte de rien ! Une équipe d’infiltration dispose d’un véhicule tout terrain (autonomie de 1.000 km pendant plusieurs jours), équipé d’une mitrailleuse, de capteurs optiques et électroniques et de moyens de transmissions autonomes. Le traitement, sur un ordinateur portable, d’interceptions de communications concentrées sur un destinataire permet de l’identifier comme chef.

Amplifier l’effort. Dans la prochaine programmation militaire, a indiqué le ministre, « le renseignement d’intérêt militaire bénéficiera ainsi de la livraison des satellites CSO du programme Musis, de la réalisation du système satellitaire d’écoute Ceres, mais également du renforcement des moyens techniques mutualisés avec la DGSE (Direction générale du renseignement extérieur) ainsi que du renforcement des ressources humaines de l’ensemble des services». En outre, la livraison des drones Male (moyenne altitude longue endurance) et tactiques se concrétisera. Enfin, seront également financés les nouveaux capteurs légers ISR (renseignement surveillance reconnaissance) et les programmes de capteurs électromagnétiques et optiques qui seront embarqués sur les frégates et les avions Rafale et A-400M.

Loïc Salmon

Renseignement militaire : cinq satellites français de plus

DGSE : le renseignement à l’étranger par des moyens clandestins

Le renseignement, clé pour la connaissance et l’anticipation

Un chuteur opérationnel du 13ème Régiment de dragons parachutistes (RDP) saute d’une altitude variant de 4.000 m à 10.000 m avec un inhalateur d’oxygène et emporte une charge lourde de 50 kg. En raison des missions du 13ème RDP, ses personnels effectuent des stages au Centre de formation interarmées au renseignement (CFIAR), situé à Strasbourg et dépendant de la Direction du renseignement militaire. Dans ce centre, sont notamment enseignées environ 40 langues étrangères, dont certaines rares : russe, polonais et tchèque avant la chute de l’URSS (1991), arabe depuis les années 1980, serbo-croate depuis 1990, pachtoune depuis l’engagement en Afghanistan (2001) et langues de la Corne de l’Afrique, utiles dans le cadre de la lutte contre la piraterie en océan Indien.

Etre militaire européen aujourd’hui : quel métier ! Un contexte géostratégique éclaté, l’abandon quasi généralisé de la conscription en Europe, l’idée de nation en crise, le poids de l’opinion publique et la toute- puissance du Conseil de sécurité de l’ONU quant à l’usage de la force font que beaucoup de militaires européens se sentent plus fonctionnaires de l’OTAN que « défenseurs de la cité ».

Le général (2S) Henri Bentégeat, ancien chef d’Etat-major des armées françaises et président du Comité militaire de l’Union européenne, s’est exprimé sur tout cela à Paris au cours d’une rencontre avec l’Association des journalistes de défense le 15 juin 2012, puis lors d’une conférence tenue le 18 juin à l’Institut des hautes études de défense nationale.

Le contexte géostratégique a explosé depuis vingt ans. La plupart des pays européens ont délégué leur défense à l’OTAN, c’est-à-dire aux Etats-Unis qui fournissent en effet 50 % du financement mais 80 % des moyens militaires. Ils ont donc de moins en moins la capacité de dire leur mot sur les choix militaires américains, d’autant plus que leurs budgets de défense diminuent. En Afghanistan, les responsables politiques européens n’osent pas dire non aux Etats-Unis mais, sous la pression de leurs Parlements, ils font faire de la figuration à leurs troupes, sauf en ce qui concerne la France, la Grande-Bretagne et le Danemark. La médiatisation du conflit suscite l’émotion et, par voie de conséquence, la tentation de remettre la stratégie en cause. Par ailleurs, le déroulement d’une opération extérieure peut devenir l’objet d’un débat de politique intérieure. En Libye, sous la pression de l’opinion publique quant au sort d’une population menacée, l’opération « Harmattan » a été décidée dans l’urgence, sans prendre le temps de définir le projet politique indispensable à la gestion de sortie de crise. Toutefois, son succès technique présente des avantages : pas de pertes pour la coalition et peu de victimes civiles grâce à la précision des armes ; l’absence de déploiement au sol a évité de passer pour une armée d’occupation ; les factions locales ont effectué le « sale boulot ». Mais, aucune opération ne ressemble à une autre pour servir de modèle aux suivantes. Par ailleurs, depuis 1990, presque tous les pays européens ont le sentiment que plus rien ne les menace, sauf dans les Balkans où leurs troupes sont présentes depuis 1992. La lutte contre le terrorisme relève plus de la police que des armées. Cependant, les Etats baltes, la Pologne et la Roumanie redoutent la puissance de la Russie. Celle-ci, qui a réussi sa contribution à l’indépendance de l’Ossétie du Sud par rapport à la Géorgie, reste attachée à l’ancien espace soviétique et à la grandeur attribuée à son ancienne puissance militaire. Par ailleurs, elle estime que le projet de défense anti-missiles de l’OTAN menace sa capacité de dissuasion nucléaire. Ce projet affecte également la France et la Grande-Bretagne, car leur dissuasion nucléaire leur assure la sécurité et aussi un statut de grande puissance.

Le vague-à-l’âme des militaires européens résulte du flou du retour de la guerre depuis 1945, à l’exception des conflits des Balkans, de la décolonisation, de l’Irak et de l’Afghanistan. S’y ajoute le flou des missions au niveau de l’OTAN et de l’Union européenne. Les documents de base existent, mais la stratégie de sortie de crise n’est pas définie et les règles d’ouverture du feu diffèrent. En effet, chaque pays se réserve le droit de les modifier pour ses troupes et peut exercer des interférences nationales dans la chaîne de commandement d’une coalition, sources de frustrations et de malentendus. Par ailleurs, l’ONU ne se connaît pas d’ennemi mais se découvre tout à coup un adversaire, car elle ne disposait pas de services de renseignement jusqu’à récemment. Ses troupes, tenues de respecter les lois internationales, se trouvent face à des civils qui prennent les armes au dernier moment, des attentats suicides, des embuscades et des miliciens qui tuent surtout des femmes et des enfants. En Afghanistan, la relève tous les six mois des troupes de l’OTAN entraîne la perte des liens avec la population… qu’il faut reconstruire ! La majorité des contingents européens font essentiellement de l’autoprotection. De plus, le retrait annoncé de ce théâtre donne aux militaires européens l’illusion, déstabilisante, qu’il n’y aura plus d’opérations extérieures par la suite. Par ailleurs, celles-ci consomment les crédits destinés à l’entraînement en Europe, devenu insuffisant. Enfin, la numérisation de l’espace de bataille, projet déjà lancé par quelques pays européens, favorise une guerre virtuelle et l’emprise croissante du commandement à tous les niveaux, qui déresponsabilise de fait les échelons subalternes.

Les valeurs militaires spécifiques,à savoir l’abnégation, le courage, la solidarité, la discipline, l’honneur et le patriotisme, ainsi que le droit de tuer avec le risque d’être tué apparaissent décalés par rapport à la société civile, pour qui la vie humaine est la valeur suprême. Le patriotisme se forge chez les jeunes recrues au cours des opérations et se cristallise autour des morts et des blessés. En outre, les armées, bien considérées par 80 % de la population française, constituent un facteur d’intégration pour les jeunes défavorisés. Toutefois, elles doivent faire face à un phénomène nouveau : la « judiciarisation », susceptible de conduire, chez les militaires, à l’abandon de l’idée de sacrifice personnel pour la sécurité de la communauté et au sentiment d’être « lâché par l’arrière ». Outre le risque d’arbitraire d’un juge, la condamnation d’un officier ou d’un sous-officier pour son action au combat pourrait avoir comme conséquences l’hésitation du combattant et l’inhibition du commandement, remettant ainsi en cause une opération.

Loïc Salmon

Le général d’armée (2S) Henri Bentégeat a été chef de l’état-major particulier du président de la République (1999-2002) puis chef d’Etat-major des armées (2002-2006). Saint-Cyrien (1965), il choisit les Troupes de marine puis entre à l’Ecole d’application de l’arme blindée cavalerie. Licencié en Histoire et diplômé de l’Institut d’études politiques de Paris et de l’Ecole supérieure de guerre (1985), il est auditeur du Centre des hautes études militaires et de l’Institut de hautes études de défense nationale (1992). Au cours de sa carrière, il a effectué des missions opérationnelles au Tchad et en République Centrafricaine, commandé le Régiment d’infanterie de chars de marine et les Forces armées aux Antilles. Attaché de défense adjoint à l’ambassade de France à Washington (1990), il a été aussi directeur adjoint de la Délégation aux affaires stratégiques du ministère de la Défense (1992) et président du Comité militaire de l’Union européenne (2006-2009). Auteur du livre « Aimer l’armée, une passion à partager » (2011), il est aujourd’hui membre de l’Association nationale maréchal Lyautey (photo) et de l’association EuroDéfense-France. Titulaire de nombreuses décorations étrangères, le général Bentégeat est grand officier de la Légion d’Honneur et commandeur de l’Ordre national du Mérite.

Priorités stratégiques de la France en matière de défense

Face à une menace mettant en cause la survie de la Nation, les armées apportent une réponse de puissance en vue de faire plier la volonté de combattre de l’adversaire. Malgré leur profonde réforme interne en cours depuis 2009, elles déploient en moyenne 12.000 militaires sur au moins neuf théâtres différents. C’est ce qu’a expliqué leur chef d’Etat-major, l’amiral Edouard Guillaud, le 7 octobre 2011 à Paris, lors du séminaire d’ouverture des sessions nationales de l’Institut des hautes études de défense nationale et de l’Institut des hautes études de la sécurité et de la justice.

« Le monde réarme, l’Europe désarme», dit-il en citant les statistiques de l’Institut international de Stockholm de recherche sur la paix. Ainsi, entre 2001 et 2010, les dépenses militaires mondiales ont augmenté de 50 %, celles de l’Amérique du Nord de 80 %, celles de l’Asie de l’Est principalement tirée par la Chine de 70% et celles de l’Europe de l’Ouest… de 4 % ! Dans le même temps, la part des dépenses militaires de l’Europe de l’Ouest est passée de 29 % du total mondial à 20 %. La France a décidé de consacrer 377 Md€ à son outil de défense sur la période 2009-2020 et de supprimer 54.000 postes avant 2015 (17 % des effectifs). En octobre 2011, 10.000 militaires sont engagés dans 27 opérations nationales ou multinationales (ONU, OTAN et Union européenne). Depuis le début de l’année, 23 sont morts en opérations et une centaine d’autres ont été blessés. En outre, 9.000 personnels constituent les forces de souveraineté (Antilles, Guyane, Nouvelle Calédonie et Polynésie) et 5.500 les forces de présence (Emirats arabes unis, Gabon, Djibouti et Sénégal). S’y ajoutent ceux chargés de la protection des villes, gares et aéroports (plan Vigipirate) ou, ponctuellement, du soutien du service de l’Etat (catastrophes naturelles). Interrogé sur l’Europe de la défense, l’amiral Guillaud estime qu’elle est « en hibernation » et que « seule la lutte contre la piraterie fonctionne bien ». A titre de comparaison, il a indiqué que les dépenses liées à la défense de la Grande-Bretagne sont supérieures de 40 % à celles de la France et que l’engagement opérationnel des forces françaises en Libye est supérieur d’environ 20 % à celui des forces britanniques. Aujourd’hui, une opération militaire combine les moyens aéroterrestres et aéromaritimes, l’espace et le cyberespace. A titre d’exemple, l’amiral présente la complexité et la cohérence des composantes du raid sur la ville pétrolière de Bréga (Libye) : « des rebelles à terre avec lesquels nous sommes en liaison, un SNA(sous-marin nucléaire d’attaque) qui fait de l’interception, un avion de commandement qui fait aussi de l’interception, des chasseurs en patrouille prêts à intervenir, des ravitailleurs en vol, des navires en appui feu naval, un BPC(bâtiment de projection et de commandement) avec des hélicoptères de l’armée de l’Air pour la mission SAR (recherche et sauvetage), des hélicoptères de combat de l’ALAT (aviation légère de l’armée de Terre) avec un PC volant, le tout commandé par un état-major interarmées… dans un espace limité pour une durée maîtrisée »! Il ajoute : « Nous sommes les seuls en Europe à savoir encore le faire ! »

Fonctions des armées

Dans la politique de défense et de sécurité de la France, les armées mettent en œuvre cinq fonctions stratégiques : connaissance/anticipation ; dissuasion ; protection ; prévention ; intervention. L’autonomie de décision est garantie par la connaissance et l’anticipation au moyen d’observations spatiales, d’écoutes électromagnétiques et du renseignement, comme l’a démontré l’opération Harmattan au large de la Libye. L’ultime garantie de la sécurité et de l’indépendance de la France est assurée par la dissuasion nucléaire avec les quatre sous-marins nucléaires lanceurs d’engins M51 et les avions Rafale ou Mirage 2000 équipés du missile air-sol moyenne portée améliorée. La sauvegarde maritime, la sûreté aérienne et l’adaptation aux nouvelles menaces terroristes, informatiques et technologiques visent à protéger la population et le territoire. Enfin, les capacités militaires sont concentrées là où les intérêts stratégiques de la France sont les plus vulnérables et où il s’agit de prévenir des conflits potentiels ou éventuellement d’intervenir. Depuis 2008, cette zone qualifiée « d’arc de crise » s’étend du Maghreb à l’Iran et inclut le Sahel en Afrique subsaharienne.

Par ailleurs, le chef d’état-major des armées a regretté le peu d’intérêt du grand public et des élites, aujourd’hui aux affaires, pour les questions de défense, en raison de l’absence d’ennemi visible et intelligible, l’éloignement des interventions, « l’illusion persistante des dividendes de la paix et du tout technologique » et la « croyance erronée en l’imperméabilité géographique des frontières ». En outre, il a déploré l’absence d’universalité puis la suspension de la conscription : « quand le service national a été suspendu (en 2002), seul un étudiant sur cinq le faisait » ! S’y ajoute la réduction de l’empreinte militaire sur le territoire par suite de la diminution des implantations et des formats des armées. Tout cela crée une distance entre les mondes militaire et civil qui érode l’esprit de défense. Or, souligne l’amiral Guillaud, «l’esprit de défense est la garantie de la résilience (capacité à rebondir après une attaque)de notre nation ».

Loïc Salmon Depuis le 25 février 2010, l’amiral Edouard Guillaud(biographie à la rubrique « archives » 03/08/2011) est chef d’état-major des armées (CEMA), à savoir conseiller militaire du gouvernement et chef opérationnel sous l’autorité directe du président de la République, qui fixe les objectifs. « Le CEMA, précise l’amiral Guillaud, commande des opérations pour lesquelles il conseille le décideur politique, avant et pendant la crise, avec des forces qu’il a très directement contribué à constituer ». Da ns la gestion de crise, le président de la République dispose d’une large capacité d’action sous le contrôle parlementaire des engagements extérieurs de la France. En outre, le CEMA, responsable de la diplomatie de défense, entretient un réseau d’influence auprès des 92 missions militaires étrangères en poste à Paris et, à l’étranger, grâce aux représentations militaires françaises dans les ambassades et auprès des grandes organisations internationales. Enfin, il est responsable de la planification et de la programmation des moyens des forces armées pour préparer la défense de demain.