Les Manuscrits Et Les Dessins De La Bibliothèque Municipale De Nevers
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Le Nivernais était très riche en manuscrits, mais en 1790-1793 lors de la création de la Bibliothèque nationale de Nevers , on compta très peu de manuscrits (en dehors des Comptes des bâtiments du Roi qui provenaient de la bibliothèque du chapitre) : les manuscrits des grandes abbayes semblent avoir été ou détruits ou soustraits. En septembre 1793 Fouché décidé « sur la proposition du citoyen Chaumette » qu’ « il sera fait une recherche dans toutes les bibliothèques de cette ville (Nevers) et que l’on extraira les livres les plus rares et les plus précieux pour en composer la bibliothèque nationale, attendu que la plupart de ces livres rares ont été enlevés des bibliothèques des ci-devant maisons religieuses, et de celles des émigrés » : il devait en être de même pour les manuscrits. Il faut ajouter les destructions massives de tout ce qui concerne la religion, et les mesures liées à la guerre : le 16 germinal an II il est décidé que « tous les citoyens qui ont chez eux des parchemins, des livres manuscrits sont invités à les apporter pour être déposés dans un local désigné et employés à faire des gargousses » : il est impossible de savoir quels ravages provoqua une telle mesure. Ceci explique assurément que dans un pays aussi « révolutionné » que le Nivernais, les destructions aient été considérables. Quand Mérimée visite la bibliothèque de Nevers en 1834, il ne trouve pas grand-chose : « j’ai vu 3 ou 4 manuscrits dont deux du XIIIe siècle au moins. Il y en a un qui contient de la musique d’Eglise notée à la manière du temps » ; il remarque le manuscrit des Archives de Nevers de Parmentier : « le bibliothécaire de la ville est un jeune homme de bonne volonté, assez instruit. Je l’ai engagé à faire un extrait de cet inventaire et à le publier. Je crois qu’on pourrait en tirer cent pages intéressantes » : Fabre et Duclos veulent le publier, finalement Antony Duvivier en donna l’édition en 1842. Le bibliothécaire Fabre note dans son rapport en 1842 : « Les manuscrits que possèdent les bibliothèques ont éveillé avec raison la sollicitude de votre Excellence. Notre établissement possède à peine dix manuscrits très peu importants, tant pour le fonds que sous le rapport de l’art. Je n’ai rien trouvé en les compulsant qui fut digne d’un rapport particulier. Il en est un seul, les Archives de Nevers par Parmentier, que j’ai signalé et qui est maintenant imprimé… ». L’archiviste départemental, Eysenbach, régent d’histoire au collège, signale au ministère, en juin 1842 , que « le seul cartulaire dont j’ai pu constater l’existence dans l’enquête que j’avais ouverte à cet égard est celui du prieuré de La Charité. Le cartulaire est la propriété d’un habitant ce cette ville…. Frédéric Girerd en 1842 essaie bien Ŕ avec l’aide du préfet Ŕ de faire revenir à Nevers les manuscrits de Parmentier, que j’ai signalé et qui est maintenant imprimé… » (8). L’archiviste départemental, Eysenbach, régent d’histoire au collège, signale au ministère, en juin 1842, que « le seul cartulaire dont j’ai pu constater l’existence dans l’enquête que j’avais ouverte à cet égard est celui du prieuré de la Charité. Le cartulaire est la propriété d’un habitant de cette ville… (9). Frédéric Girerd en 1842 essaie bien avec l’aide du préfet de faire revenir à Nevers les manuscrits de Parmentier que possédait à Paris son héritier, Bourdereau, mais la négociation échoua (10) : ce fut une perte considérable pour le Nivernais. De même les collections de documents rassemblés par l’ennemi de Parmentier, Guyot Sainte-Hélène (11), furent dispersés à sa mort en 1821 : cependant un magistrat, Baille de Beauregard, donna en 1841 à la bibliothèque deux cartons de « pièces relatives à l’histoire de la ville ou de la province (…) recueillies ou copiées par M. Guyot de Sainte-Hélène, antiquaire nivernais, dans les papiers duquel on en a trouvé un grand nombre d’autres. Celles-ci sont tombées par hasard entre mes mains » (12). Des deux grandes collections d’antiquaires qui avaient pu copier les chartes et documents anciens, la bibliothèque ne put recueillir que des débris (13). Le successeur du bibliothécaire Fabre, le régent Delaroche (14), s’intéressait beaucoup aux manuscrits, il s’efforce même de créer une collection d’autographes (15), il pousse le député Manuel (16) à demander des autographes à certaines personnalités (Manuel obtint ainsi un manuscrit de Lamartine, un autographe de Garnier-Pagès) (17), mais les résultats restent maigres (18). Un Nivernais, Grasset (19), avait réuni une collection d’autographes remarquable, plus de 6 000 pièces, mais la ville de Nevers ne s’entend pas avec lui sur l’acquisition de l’ensemble des ses collections (20), si bien que cette précieuse collection dont le Catalogue fut publié en 1853 par Noël Lefèvre (21) sous le titre d’Esquisses autographiques et bibliographiques (22) échappe à la bibliothèque… (23) La ville fut plus heureuse avec un collectionneur, Gallois (24 qui avait recueilli faïences, monnaies, gravures, livres, manuscrits : mais il semble bien que la collection Gallois ne fut cédée qu’en partie à la ville (25), par exemple elle n’obtint pas le manuscrit des poésies de l’abbé Cassier (26), le Compilateur ou recherches philosophiques, morales et politiques par Gallot, républicain français et citoyen du globe (an II) (27), et il aurait donné à la ville 60 autographes des ducs de Nevers, qui ne se trouvent plus aujourd’hui (28). Les collections s’accrurent : mais Delaroche eut la faiblesse de laisser partir les quatre volumes des Comptes des bâtiments du Roi (1639-1642) (29). Le premier inventaire des manuscrits fut établi par Bornet en 1869 (30) mais Bornet, un ingénieur de la Marine, polytechnicien, ne s’intéressait pas aux manuscrits ; en 1862 la ville de Nevers achète pour la bibliothèque cinquante chartes du XIIIè et du XIVè siècles concernant Nevers et le Nivernais, à la vente de Clerc de Landresse, bibliothècaire de l’Institut (31), mais Bornet aurait voulu que la Société Nivernaise « prît à son compte les chartes achetées pour la bibliothèque de la Ville » (32) : de fait, ces chartes ne furent pas incorporées dans les collections de la bibliothèque. En 1875 le régent de philosophie du lycée, d’Asis-Gaillissans (33), donne quelques notices sur les manuscrits dans son Catalogue méthodique des livres et manuscrits… Sciences et Arts (1875) (34). Il était lui-même amateur d’autographes et de manuscrits (35), et quand il prit la direction de la bibliothèque en 1884, il s’intéressa à cette partie fort négligée. L’inspecteur général Ulysse Robert, qui appréciait fort cet ancien élève de l’Ecole normale, lui demande de rédiger la catalogue des manuscrits pour le Catalogue général des manuscrits des bibliothèques de France (36), et l’archiviste départemental, de Flamare (37), lui apporte son concours ; le catalogue qui distingue avec soin manuscrits généraux et manuscrits du fonds nivernais est établi avec beaucoup de conscience (38). On découvrait ainsi la pauvreté de la bibliothèque (39). Or les collections nivernaises de trois grands amateurs échappaient à la bibliothèque de Nevers : celle de l’ancien député et préfet Grangier de la Marinière fut dispersée en 1883 (40) : « dès sa jeunesse, écrit Chavaray, il eut la passion des livres et des autographes (…) Il rechercha tout ce qui concernait le Nivernais, et la collection qu’il a formée est certainement unique en son genre (…). Le dossier capital est la réunion de documents sur le Nivernais depuis le XIIè siècle jusqu’à nos jours. C’est là un recueil des plus précieux et il serait à désirer qu’un de nos dépôts publics, soit dans la Nièvre, soit à Paris s’en rendît acquéreur. M. Grangier a mis 40 ans à colliger toutes ces pièces, et j’espère que ce fonds ne sera pas dispersé (41). Une préoccupation de M. Grangier était la maison de Gonzague. Aussi trouvera t’on dans le catalogue de nombreuses et intéressantes lettres de Marie-Louise de Gonzague, reine de Pologne, et Anne sa sœur… » Malheureusement la collection apparemment la dernière des grandes collections nivernaises fut dispersée au enchères, la ville de Nevers acheta le manuscrit important disparurent (45). D’autres fonds échappèrent à la bibliothèque : à la mort de l’abbé Boutillier (46), bon érudit et amateur passionné, ses collections furent vendues (47) ; la collection de Soultrait fut donnée à la Société Nivernaise (48) ; aucune collection d’autographes importante (49) ne fut acquise par la bibliothèque (50). Le successeur d’Asis-Gaillissans, Edouard Duminy (51) était un bon érudit, un collectionneur de document (52), mais il ne se souciait guère d’accroître ses collections, son budget était fort maigre, et la situation matérielle était déplorable : en 1920 le conservateur-adjoint déclare que « les manuscrits et incunables (200 à 300) de tous les formats, depuis la lettre autographe de l’in-32 au format in-f° sont réunis sur une surface de 35 cm2 et dans toutes les positions, les uns sur les autres, jusqu’à 0 m 75 de hauteur »… (53), et aucun fichier n’existait. Mais duminy eut un mérite : celui d’attirer une des principales collections nivernaises, celle du conseiller à la Cour d’Appel de Bourges, Albert Morlon (54). Morlon était un amateur sérieux, il avait de la fortune (55), savait acheter chez les grands marchands à Paris (56), mais à l’évidence Morlon aimait plus les livres que les manuscrits : sans être négligeable, sa collection de manuscrits et d’autographes demeure limitée ; il nous a également transmis les papiers de son père, André Morlon, qui était passionnément fouriériste (57), mais il avait pris soin dans son testament de demander que toute sa correspondance personnelle fût détruite (58) ce qui est bien dommage pour notre connaissance de la politique locale.