Hommay G. & Bichain J.-M. 2021. Sur la présence en Alsace de deux espèces de limaces introduites : Deroceras invadens Reise, Hutchinson, Schunack & Schlitt, 2011 et valentianus (Férussac, 1821) (, , ). Bulletin de la Société d'Histoire naturelle et d'Ethnographie de Colmar, 77 (7) : 64-69.

Sur la présence en Alsace de deux espèces de limaces introduites : Deroceras invadens Reise, Hutchinson, Schunack & Schlitt, 2011 et (Férussac, 1821) (Gastropoda, Stylommatophora, Limacoidea)

Gérard HOMMAY Université de Strasbourg, Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE) Unité mixte de recherche Santé de la Vigne et Qualité du Vin (SVQV) [email protected]

Jean-Michel BICHAIN Société d'Histoire naturelle et d'Ethnographie de Colmar 11 rue Turenne, 68000 Colmar [email protected]

Résumé ̶ Les deux espèces de limaces Deroceras invadens et Ambigolimax valentianus ont été récemment identifiées en Alsace à partir de critères morphologiques et anatomiques. Leur présence semble largement liée à des introductions involontaires par le biais de plantes exogènes dans les serres, les jardins et les parterres de fleurs ou par le dépôt de déchets végétaux ou inertes, dans la nature. Cependant, la présence de ces deux espèces semble très largement sous-documentée dans la région. C'est pourquoi, nous donnons ici les éléments diagnostiques nécessaires pour leur identification. Ces caractères peuvent également permettre de détecter la présence d'Ambigolimax nyctelius, une autre espèce exogène considérée comme un ravageur des cultures. Mots-clés ̶ Agriolimacidae, , Ambigolimax nyctelius, espèce introduite, ravageur de culture, science collaborative.

Abstract ̶ On the presence in Alsace (France) of two introduced species: Deroceras invadens Reise, Hutchinson, Schunack & Schlitt, 2011 and Ambigolimax valentianus (Férussac, 1821) (Gastropoda, Stylommatophora, Limacoidea) The two slug species Deroceras invadens and Ambigolimax valentianus were recently identified in Alsace on the basis of morphological and anatomical criteria. Their presence seems to be largely linked to unintentional introductions through exogenous plants in greenhouses, gardens and flower beds or the deposit of vegetal or inert waste in natural environments. However, the presence of these two species seems to be largely under-documented in the region. For this reason, we provide here the diagnostic characters required for their identification. These characters can also be used to detect the presence of Ambigolimax nyctelius, another exogenous species considered as a crop pest. Keywords ̶ Agriolimacidae, Limacidae, Ambigolimax nyctelius, introduced species, crop pest, citizen science.

INTRODUCTION

Deroceras invadens Reise, Hutchinson, Schunack & Schlitt, spécimens trouvés par Abeloos (1945) aux environs de Poitiers 2011 et Ambigolimax valentianus (Férussac, 1821) à l’instar de dès 1945 seraient attribuables à Deroceras meridionale. Boettgerilla pallens Simroth, 1912 font partie des espèces de D. invadens est originaire d’Italie continentale et des îles de limaces introduites involontairement par l’homme en Alsace suite Sardaigne, de Sicile et de Lipari (Reise et al. 2011) et a été au transport de matériels végétaux exogènes avec leurs introduite dans de nombreux pays en Europe (Kappes 2017), en substrats. L’observation relativement récente des deux premières Afrique, en Amérique et en Océanie (Hutchinson et al. 2014). En espèces dans la région nécessite que des précisions soient dehors des serres et des cultures horticoles, elle affectionne les apportées sur leur statut actuel et leurs habitats. milieux humides, herbacés, rudéraux et semi-marécageux, même La Loche conquérante, Deroceras invadens, a été citée des rivages maritimes. Jusqu’à récemment D. invadens était précédemment en France sous différents noms : Deroceras confondue avec D. panormitanum s.s., une espèce commune en panormitanum (Lessona & Pollonera, 1882) (Hameury Sicile et à Malte (Reise et al. 2011). En se basant sur des 1958), Deroceras caruanae Pollonera, 1891 (Quick 1960 ; différences anatomiques, génétiques et comportementales, Reise Chevalier 1970, 1973) et Deroceras meridionale Reygrobellet, et al. (2011) montrent que D. invadens et D. panormitanum sont 1963 (Reygrobellet 1963). Le premier signalement en France, bien deux espèces distinctes. Par conséquent, cette nouvelle sous le nom de Deroceras caruanae, date de 1948 à Marseille donne taxonomique questionne sur l’appartenance exacte de (Chevalier 1973). Cependant, d'après Reygrobellet (1963), des

© 2021, the authors. Published by Société d'Histoire naturelle et d'Ethnographie de Colmar. 64 ▪ This in an open access article under the Creative Commons BY-NC-ND 4.0 international licence. https://museumcolmar/bulletin/ ▪ Hommay G & Bichain J.-M.

Figure 1 ̶ Morphologie externe de Deroceras invadens A. Spécimen récolté à Colmar (09.XII.1988, G. Hommay), taille réelle de 2,5 cm ; B. à D. Spécimens récoltés à Colmar (13.V.2021, G. Hommay), taille réelle de 2 à 2,5 cm. l’espèce signalée en Alsace par Hommay (2000) sous le nom de avec une apparence plus translucide et possède habituellement D. panormitanum. seulement deux bandes sur le manteau. Cependant, les bandes La Limace d’Espagne Ambigolimax valentianus a été décrite du manteau sont variables et insuffisantes pour différencier les sous le nom de valentianus Férussac, 1821 d’un jardin de deux espèces. Leur distinction repose uniquement sur la Valence en Espagne. Selon Van Regteren Altena (1950), morphologie de l’appareil génital et/ou sur la base de marqueurs Ambigolimax valentianus est originaire de la péninsule ibérique moléculaires (Vendetti et al. 2018). (Espagne, Portugal et îles Baléares). Une espèce d’apparence L'objectif de cet article est donc de fournir : (1) le réexamen similaire provenant de l’île de la Grande Canarie a été décrite d’un spécimen conservé en collection par Hommay (2000) et sous le nom de Limax poirieri par Mabille (1883). Cette espèce attribué à Deroceras panormitanum, (2) un état des lieux de la nominale est aujourd'hui considérée comme un synonyme plus présence de Deroceras invadens et de Ambigolimax valentianus récent de Ambigolimax valentianus (Waldén 1961). en Alsace à partir de spécimens récemment récoltés, et (3) les Au cours du siècle dernier, A. valentianus a été répandue par caractères diagnostiques qui permettent de les identifier. les activités humaines en Suisse dès 1918 (Turner 1991) jusqu’au nord de l’Europe (Waldén 1961), mais également en MATÉRIEL ET MÉTHODES Amérique du Nord (Vendetti et al. 2018), dans les îles de l’Atlantique et du Pacifique, en Asie, en Australie et en Afrique du L'ensemble des spécimens a été récolté sur la période de sud (Waldén 1961 ; Wiktor 1973). Cette limace synanthropique 1988 à 2021 principalement dans la région de Colmar depuis les est présente dans les habitats urbains, les jardins et les serres collines sous-vosgiennes, à l'ouest, jusqu’au bord du Rhin à l'est. (Waldén 1961 ; Chichester & Getz 1969 ; Moens & Fraselle Les recherches ont été réalisées dans divers milieux, anthropisés 1980) où elle peut commettre des dégâts. Elle s’abrite dans les ou non, en soulevant différents supports humides (souches, tas de compost, sous les souches, les pierres dans les lieux planches, tuiles, cartons, etc.) dont les limaces se servent pour humides et ombragés, avec une abondante végétation (Herbert s'abriter. Les spécimens sont photographiés in vivo puis 1997 ; Wiktor et al. 2000). En Europe septentrionale et orientale, euthanasiés et conservés dans de l’éthanol à 70°. Les A. valentianus s’observe principalement dans les serres. Les dissections ont été réalisées sous loupe binoculaire couplée à observations faites dans la région Grand Est sont rares avec une une caméra digitale pour les photographies de l'appareil observation par G. Hommay à Colmar en 2018 (Bichain et al. reproducteur. Les caractères diagnostiques utilisés pour 2019) et une autre possible par Ch. Garnier au sud de Nancy en l'application des noms d'espèces suivent Reise et al. (2011) et 2019 (cité à travers l'application mobile de l’Inventaire National Rowson et al. (2014). Certains spécimens ont été déposés dans du Patrimoine Naturel : "INPN espèces"). Dans le reste de la les collections du Musée d'Histoire naturelle et d'Ethnographie de France, l'INPN recense en 2021 la présence de l'espèce dans de Colmar (MHNEC dans la suite du texte). nombreux départements y compris la Corse. Ambigolimax valentianus est d’apparence très similaire à Ambigolimax Ces données d'occurrence ont été complétées par l'examen nyctelius (Bourguignat, 1861) qui est généralement plus pâle des photos accompagnant les observations de limaces saisies

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sur le site participatif de Faune-Alsace (https://www.faune- 48°04'57.2"N/7°22'42.7"E ; 12.XII.2020 ; 3 spécimens*. (8) alsace.org/). La nomenclature et la classification ici utilisées L’Orangerie, dépôt sauvage au bord d’un jardin ; suivent le référentiel taxinomique fourni par MolluscaBase 48°04'56.0"N/7°22'48.4"E ; 13.V.2021 ; 13 spécimens*. (9) Rue (www.molluscabase.org). du Ladhof, dépôt de gravats sur une bande herbeuse ; 48°06'07.7"N/7°22'53.3"E ; 13.V.2021 ; 1 spécimen*. (10) Stade SNCF, dépôt de terre et de déchets ; 48°04'08.4"N /7°20'30.7"E ; RÉSULTATS ET SYSTÉMATIQUE 27.VI.2021 ; 3 spécimens*. (11) Specklesmatt Weg, maïs 48°03'19.4"N 7°21'27.0"E ; 29.VI.2021 ; 3 spécimens* ● France Classe Gastropoda Cuvier, 1795 ; Haut-Rhin, Eguisheim, Lieu-dit Buhl ; dépôt sauvage dans un Ordre Stylommatophora A. Schmidt, 1855 bosquet au bord de la D1 bis ; 48°02'18.6"N/7°18'39.7"E ; Famille Agriolimacidae H. Wagner, 1935 5.VI.2016, 27.XII.2017 ; G. Hommay ; 3 spécimens*. ● France ; Genre Deroceras Rafinesque, 1820 Haut-Rhin, Sigolsheim, Lieu-dit Diebweg, rive herbeuse de la Deroceras invadens Reise, Hutchinson, Schunack & Schlitt, Fecht ; 48°07'22.7"N/7°20'03.0"E ; 28.VIII.2016 ; G. Hommay ; 1 2011 spécimen*. ● France ; Haut-Rhin, Turckheim, Lieu-dit Sandweg ; dépôt sauvage en forêt de feuillus ; 48°04'55.3"N/7°14'52.4"E ; Synonymes : Deroceras panormitanum (nec. sensu Lessona et 7.I.2018 ; G. Hommay ; 1 spécimen*. ● France ; Bas-Rhin, Pollonera, 1882) : Kerney & Cameron (1999), Hommay (2000) ; Orschwiller, prairie humide ; 48°14'39.3"N/7°23'26.8"E ; 1.I.2021 Deroceras caruanae (nec. sensu Pollonera, 1891) : Quick (1960), ; G. Hommay ; 2 spécimens*. Les spécimens marqués d'un Chevalier (1970, 1973) ; Deroceras pollonerae (nec. sensu * sont déposés en collection au MHNEC. Simroth, 1889) : Likharev & Wiktor (1980) ; Deroceras meridionale Reygrobellet, 1963, nom indisponible, homonyme de Description : D. invadens est une limace de petite à moyenne Agriolimax meridionalis Doering, 1874 ; Agriolimax scharffi taille atteignant 20-35 mm en extension, produisant un mucus Simroth, 1910 : nomen dubium. incolore et fluide. Son corps est faiblement translucide, gris clair (Figures 1B et 1D) à brun chocolat (Figures 1A et 1C), parfois Matériel examiné : ● France ; Haut-Rhin, Colmar, G. Hommay : grisâtre à noir, souvent avec des taches plus sombres. Son (1) Lieu-dit Rufacher Huben, serre ; 48°3'34.29"N/7°20'7.67"E ; manteau recouvre environ un tiers de la longueur du corps, avec 09.XII.1988 ; 1 spécimen*. (2) Lieu-dit Beim Steinern, quartier un pneumostome au bord un peu plus clair. Sa carène est courte, maraîcher ; 48°03'17.9"N/7°21'09.1"E ; 2.V.2001 ; 2 spécimens. aplatie latéralement et tronquée et sa sole est grisâtre. C’est une (3) 88 rue du Logelbach, jardin ; 48°05'01.1"N/7°20'22.5"E ; espèce particulièrement active et agressive, qui réagit au 7.VIII.2016 ; 2 spécimens. (4) Rue de la Luss, phragmitaie ; dérangement en agitant la queue. 48°04'07.7"N/7°22'53.1"E ; 5.X.2016 ; 5 spécimens*. (5) 5 rue de D. invadens possède un diverticule pénien bilobé avec un la Bagatelle, jardin ; 48°04'59.8"N/7°20'48.3"E ; 13-V-2017, lobe pénien (lp) et un cæcum (cp) bien développés et de largeurs 29.III.2020 ; 4 spécimens*. (6) Chemin du Schoenenwerd, comparables dont l’extrémité est brusquement arrondie (Figure phragmitaie ; 48°04'23.2"N/7°22'52.3"E ; 4.X.2020 ; 1 spécimen*. 2). Entre le lobe pénien et le cæcum sont insérées en touffe 3 à 7 (7) Chemin du Dornig, bande herbeuse ; glandes péniales (gp) - 4 à 6 en général- non ramifiées et non

Figure 2 ̶ Appareil reproducteur de Deroceras invadens A. Partie distale de l'appareil génital d'un spécimen récolté à l'Orangerie à Colmar (13.V.2021, G. Hommay) ; B. Dessin d'interprétation ; C. Dessin de la partie dorsale du pénis, du même spécimen, avec le détail du lobe pénien et du cæcum. Abréviations utilisées : at atrium, bc bourse copulatrice, cbc canal de la bourse copulatrice, cp cæcum pénien, gp glandes péniales, lp lobe pénien, mrp muscle rétracteur du pénis, ov oviducte, p pénis, spov spermoviducte, vd vas deferens.

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lobées (Figure 2). Le muscle rétracteur du pénis (mrp) s’insère fluide. Son corps est gris jaunâtre ou jaune violacé, généralement presque au milieu des lobes avec des branches latérales avec une bande sombre de chaque côté du corps, près de la rejoignant le lobe pénien et la base du cæcum. Le dard se ligne médiane (Figures 3A et 3B ; Figure 4A) et parfois une présente comme un cône simple, sans crochet au sommet. seconde en dessous. Son manteau est orné d’une ligne médiane Chez D. panormitanum, les deux lobes du pénis diffèrent sombre et d’une paire de bandes latérales en forme de lyre notablement l’un de l’autre (Reise et al. 2011 ; Rowson et al. (Figure 3B). La carène est courte et la sole est grisâtre (Kerney & 2014) avec un cæcum nettement plus fuselé et pointu que chez Cameron 1999 ; Rowson et al. 2014). D. invadens. Par ailleurs, le lobe pénien est considérablement Chez A. valentianus, le pénis possède un appendice court, plus épais que le cæcum, bien que sa taille et sa forme soient cylindrique, arrondi à son extrémité (Figures 4B à 4D), alors que variables. Les glandes péniales apparaissent souvent plus celui-ci est absent chez A. nyctelius (Van Goethem 1976 ; ramifiées que chez D. invadens. Chez D. panormitanum le Herbert 1997 ; Rowson et al. 2014 ; Vendetti et al. 2018). muscle rétracteur se rattache d’abord au lobe pénien, tandis que L’appendice pénien peut sembler absent chez certains individus chez D. invadens il s’insère directement entre le cæcum et le adultes de A. valentianus en étant entièrement invaginé à lobe pénien. Sur la paroi interne du pénis, un petit rabat est l'intérieur du pénis. Enfin, marginata (O.F. Müller, présent entre la partie distale et proximale, qui est absent chez 1774) se distingue d'A. valentianus par un appendice pénien qui D. invadens. L'asymétrie entre le lobe pénien et le cæcum est le se rétrécit très nettement en pointe. caractère le plus évident pour différencier les deux espèces ainsi que le rabat sur la paroi interne du pénis. Enfin, Deroceras leave Habitats : Plusieurs individus d’A. valentianus ont été découverts (O.F. Müller, 1774), plus petite (1 à 2,5 cm en extension) mais à Colmar le 7 mai 2018, sous de vieilles planches dans une friche morphologiquement similaire à ces deux espèces, se distingue enclavée entre deux immeubles, où l’espèce s’y maintenait par un unique appendice pénien en forme de doigt. encore en juin 2021. En janvier 2020, elle a été trouvée dans la cour du Musée d’Histoire Naturelle de Colmar dans une jardinière Habitats : Après réexamen du spécimen impliqué, la première et un parterre de fleurs couvert de paillage mêlé à du compost détection de la Loche conquérante en Alsace est une observation (mulch) en compagnie d’individus de Limacus flavus (Linnaeus, en 1988 dans une serre de Colmar (Hommay 2000) sous le nom 1758). Aucun autre signalement en Alsace n’apparaît en de D. panormitanum. Plus récemment, elle a été trouvée pour le consultant les photos saisies sur le site participatif de Faune- Haut-Rhin dans des décharges sauvages à Eguisheim et à Alsace. En revanche, l'espèce est citée par Ch. Garnier au sud Turckheim, dans des jardins, des bandes herbeuses, une culture de Nancy en 2019 dans l'application mobile "INPN espèces" de de maïs et des phragmitaies le long du ruisseau "la Luss" à l’Inventaire National du Patrimoine Naturel. Dans ce dernier cas, Colmar (onze sites différents) ainsi que sur une rive de la Fecht à le recours aux caractères anatomiques est nécessaire pour Sigolsheim. Pour le Bas-Rhin, l'espèce a été trouvée dans une confirmer l'identité des spécimens observés. prairie humide en périphérie du village d’Orschwiller. En dehors des espaces cultivés et de la serre, le point commun à tous les autres sites est la présence de détritus. Aucun autre signalement dans la région ne semble correspondre à l'espèce à travers les photos saisies sur le site participatif de Faune-Alsace.

Famille Limacidae Lamarck, 1801 Genre Ambigolimax Pollonera, 1887 Ambigolimax valentianus (A. Férussac, 1821)

Synonymes : Limax valentianus Férussac, 1821 : Waldén (1961) ; [Limax arborum] var. valentianus Simroth, 1888 ; Limax poirieri Mabille, 1883 : Van Regteren Altena (1950) ; Lehmannia poirieri : Quick, (1960) ; Lehmannia valentiana (Férussac, 1821) : Van Goethem (1976), Wiktor (1973), Kerney & Cameron (1999).

Matériel examiné : ● France ; Haut-Rhin, Colmar, cour du Musée d'Histoire naturelle et d'Ethnographie, 11 rue Turenne ; 48°04'25.2"N/7°21'32.4"E ; 10.I.2020 ; J.-M. Bichain & G. Hommay ; 13 spécimens ; collection MHNEC. ● France ; Haut- Rhin, Colmar, friche, 18 rue du Tir ; 48°04'29.4"N/7°20'48.2"E ; 30.III.2019, 6.X.2020, 21.V.2021 ; G. Hommay ; 6 spécimens ; collection MHNEC. Figure 3 ̶ Morphologie externe de Ambigolimax valentianus A. Spécimen récolté à Colmar (rue du tir, 1.VI.2021, G. Hommay), Description : A. valentianus est une limace de taille moyenne taille réelle de 5 cm ; B. Spécimen récolté dans le sud de la France atteignant 50-70 mm en extension, avec un mucus incolore et en juin 1988 (G. Hommay), taille réelle de 7 cm.

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Figure 4 ̶ Morphologie externe et appareil reproducteur de Ambigolimax valentianus A. Morphologie externe d’un spécimen récolté à Colmar (rue du tir, 6.X.2020, G. Hommay), taille réelle de 5 cm ; B. Anatomie générale de l'appareil génital (photographie réalisée par C. Reinbold au macroscope Axiozoom de Zeiss) ; C. vue de la partie distale de l'appareil génital d'un spécimen récolté à Colmar (cour du MHNEC, 10.I.2020, J.M. Bichain) ; D. dessin d'interprétation. Abréviations utilisées : ap appendice pénien, at atrium, bc bourse copulatrice, ch canal hermaphrodite, mrp muscle rétracteur du pénis, ov oviducte, p pénis, pt paroi tégumentaire, spov spermoviducte, t talon, vd vas deferens.

DISCUSSION - CONCLUSION permettrait de découvrir d’autres sites possibles où l’espèce a pu être introduite. Les individus présentant le morphe invadens-panormitanum, Nous recommandons aux observateurs de documenter les trouvés dans les sites précédemment mentionnés, ont été spécimens pouvant se rapporter à ces deux espèces en systématiquement disséqués et appartiennent tous à l’espèce fournissant des photographies de bonne qualité sur les D. invadens. D'après l'état de nos connaissances, la Loche plateformes de données naturalistes (INPN, Faune-Alsace, conquérante apparaît peu fréquente en Alsace et semble se inaturalist par exemple) et de conserver/transmettre des limiter aux milieux humides, aux jardins et aux serres à Colmar et spécimens en alcool pour l'identification spécifique. Cette dans ses environs ainsi que dans une seule localité dans le Bas- démarche peut permettre de déterminer en première approche Rhin. Sa présence en milieu urbain semble être liée à des les zones possibles d'introduction et/ou de dispersion puis de apports anthropiques par les plantes légumières ou d’ornement, confirmer l'identité des spécimens impliqués. L'enjeu est aussi de les déchets végétaux, la terre, les gravats ou leurs contenants. détecter la présence d'A. nyctelius, espèce non différenciable La présence de l'espèce peut ainsi être supposée dans des types d'A. valentianus sur la seule base des caractères de milieux similaires sur l'ensemble de l’Alsace. Des recherches morphologiques et qui est également considérée comme un seraient à effectuer près de la frontière Suisse du côté du canton ravageur potentiel des cultures. de Bâle où la première observation a été faite en 1982 (Falkner En accord avec Vendetti et al. (2018), l'apport des sciences 1982). Cependant, en raison de la confusion possible avec des collaboratives est d'autant plus pertinent concernant les milieux espèces similaires comme D. panormitanum et D. laeve, un urbains ou péri-urbains où bon nombre des observations sont examen de l’appareil génital est absolument nécessaire pour réalisées sur des propriétés privées, inaccessibles pour les vérifier l’identité des individus rencontrés. relevés naturalistes. Par ailleurs, l'absence de suivi ou de Quant à A. valentianus, les deux observations à Colmar sont détection des espèces introduites peut avoir des conséquences actuellement les seules pour l’Alsace bien que cette espèce dommageables pour la flore indigène, l'agriculture ou l'élevage. anthropophile soit probablement présente dans d'autres localités. Ainsi, des enquêtes participatives sur les escargots et les limaces Retracer l’origine et les différentes destinations du mulch terrestres, indigènes et introduits, outre les aspects de provenant du service des espaces verts de la Ville de Colmar connaissance et de gestion des espaces naturels, devraient

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aussi permettre de réduire le temps de détection des espèces Mabille M.J. 1883. Sur quelques espèces de mollusques terrestres. envahissantes et d'améliorer leur suivi dans le cadre des Bulletin de la Société Philomathique de Paris, 7 (7) : 39-53. stratégies d'éradication et/ou de contrôle des populations. Moens R. & Fraselle J. 1980. La lutte contre les limaces en cultures d'orchidées. Mededelingen van de Faculteit Landbouwwetenschappen Rijksuniversiteit Gent, 45 (3) : 612- Remerciements ̶ Nous remercions Catherine Reinbold, de l’Institut 625. Quick H.E. 1960. British ( : Testacellidae, national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et Arionidae, Limacidae). Bulletin of the British Museum (Natural l’environnement de Colmar pour la photographie de la figure 4B, History), 6 (3) : 103-226. ainsi que Jacques Thiriet pour la relecture et Xavier Cucherat pour la Reise H., Hutchinson J.M.C., Schunack S. & Schlitt B. 2011. révision de cet article. 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