Protestation Contre Les Opérations Électorales De La Deuxième Circonscription Du Département De La Corse
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PROTESTATION CONTRE" LES OPÉRATIONS ÉLECTORALES DE LA DEUXIEME CIRCONSCRIPTION DU DÉPARTEMENT DE LA CORSE A 1) lt F, S S-E K A MESSIEURS LES MEMBRES DU CORPS LEGISLATIF U. LE BARON RAKIAVI Ancien Député. 1863 PARIS AD. DAINE B3T J. HAVARD RUE DES SAINTS-RÈRES , 19. SCDU DE CORSE lllllllllllllllllll D 079 146180 0 m \ PROTESTATION CONTRE LES OPÉRATIONS ÉLECTORALES DE LA. DEUXIÈME CIRCONSCRIPTION DU DÉPARTEMENT DE LA CORSE ADRESSÉE A MESSIEURS LES MEMBRES DU CORPS LÉGISLATIF PAR M. LE IMllOV Mlltl VAI Ancien Député. 1863 PARIS AJD. LAINÉ ET J. HAYARD RUE DES SAINTS-PÈRES, 19. PROTESTATION CONTRE LES OPÉRATIONS ÉLECTORALES OE LA DEUXIÈME CIRCONSCRIPTION OU DÉPARTEMENT DE LA CORSE Messieurs les Députés, Les élections ont eu lieu, vous le savez, pour le département de la Corse, les dimanche 7 et lundi 8 juin. Dès le 10 du même mois, un électeur de Bastia, M. le docteur Manfredi, adressait à la commission de recensement une protestation (1) dans laquelle il énonçait sommairement les ir- (1) Cette pièce est annexée au dossier déposé à la présidence du Corps législatif. a — 2 — régularités et les manœuvres qui lui semblaient devoir vicier, d'une manière radicale, les opé¬ rations électorales qui venaient de s'accomplir dans la deuxième circonscription de la Corse. Fidèle à ses engagements, M. Manfredi se disposait à développer devant vous une articu¬ lation qui n'avait pu être que fort succincte et fort incomplète. Plusieurs électeurs des arron¬ dissements de Bastia et de Corte étaient égale¬ ment à décidés s'associer à lui. — J'ai pensé, Messieurs, que je devais aux électeurs qui m'ont honoré de leurs sympathies, que je me devais à moi-même d'entrer personnellement en cause, et de ne point laisser à d'autres le soin d'appe¬ ler votre attention sur une élection qui ne me paraît pas être le résultat de la libre et entière volonté d'une circonscription que j'ai eu l'hon¬ neur de représenter pendant six ans. Ce devoir, si pénible qu'il soit, je l'ai jugé im¬ périeux et je viens le remplir aujourd'hui. Je tâcherai de le faire avec la modération qui, tout en respectant les personnes et n'enveni¬ mant pas les luttes, permet de donner aux faits leur véritable physionomie. I. — La commission de recensement a cons¬ taté par les chiffres suivants les résultats des lions électorales : — 3 — M. Gavini aurait obtenu. 12,602 suffrages, M. le baron Mariani 10,663 — Différence en faveur de M. Ga-vini. 1,939 — Toutefois il résulte immédiatement de l'exa¬ men des procès-verbaux : i°Que 183 électeurs, indûment inscrits sur la liste électorale après le 3i mars, ont pris part au vote. — Je dois faire remarquer ici que mes recherches personnelles m'autorisent à croire que le chiffre admis par la commission de recensement est erroné, et qu'il s'élève à plus , de 35o, ce qu'une enquête parlementaire éta¬ blirait au besoin. 2° Que les trois communes de Furiani (arron¬ dissement de Bastia), Moltifao et Pianello (ar¬ rondissement de Corte), présentant un total de 49Û électeurs, n'ont pas pris part aux opérations. Si, comme je ne saurais en douter, vous êtes dans l'intention d'appliquer à l'espèce les prin¬ cipes qui forment, en quelque sorte, la juris¬ prudence du Corps législatif en matière de vé¬ rification de pouvoirs, consistant, dans une élection contestée, à attribuer au plus faible des compétiteurs les suffrages non exprimés et à distraire du total attribué à son concurrent les suffrages illégalement exprimés, il y aurait lieu de retrancher i83 suffrages à M. Gavini, qui n'en aurait plus ainsi que 12,419, et de m'en attribuer 4g5, ce qui élèverait à 11,158 le nom¬ bre des votes émis en ma faveur. Dès lors, la différence, au lieu d'être de 1,989 suffrages, se trouverait réduite à 1,26 t. II. — Ce chiffre, si peu considérable qu'il soit, n'en constitue pas moins une majorité, et je me serais respectueusement incliné devant elle, si je n'avais la conviction profonde qu'elle n'est qu'apparente, et que le déplacement de 631 voix, suffisant pour modifier ce résultat, eût été facilement obtenu et largement dépassé sans les manœuvres nombreuses à l'aide des¬ quelles ma candidature a été combattue, — ma¬ nœuvres qui peuvent ainsi se résumer : i° Bruit mensongèrement répandu de mon, désistement; 20 Atteinte portée à la sincérité du vote par l'admission au scrutin d'électeurs frappés d'in¬ capacité légale; par l'élimination arbitraire de la liste d'individus ayant résisté aux sollicita¬ tions dont ils avaient été l'objet dans l'intérêt de mon compétiteur; enfin par l'addition ou le retranchement de bulletins dans l'urne; 3° Menaces ou promesses dans le but de capter la volonté des électeurs. III. — Et d'abord fausse nouvelle de mon dé¬ sistement. Vous n'ignorez pas, Messieurs, que les com¬ munes de la Corse sont malheureusement divi¬ sées en deux partis. Il est arrivé, il y a six ans, que les dissensions locales se sont effacées devant l'expression d'une auguste volonté; et l'unanimité des suffrages a pu se produire au profit d'un candidat désigné personnellement par Sa Majesté l'Empereur. Que la lutte qui s'est engagée à propos des dernières élections eu ait pour conséquence funeste de raviver l'antagonisme des partis dans chaque localité, il faut bien l'admettre; mais il est hors de doute aussi que chaque parti a conservé son importance numérique, et, si un déplacement avait dû se produire dans leurs forces respectives, cela n'aurait pu avoir lieu que dans mon intérêt, car il n'est pas- douteux que, dans un pays comme le nôtre, bien des personnes n'eussent, au besoin, fait taire leurs sympathies personnelles, en vue de répondre à l'appel du Gouvernement. Cependant il est advenu que, dans certaines communes, relativement populeuses, divisées, d'ailleurs comme les autres en deux partis, il ne m'a été attribué que i, 3, 6 ou io suffrages. C'est donc que, dans ces communes, le parti nu¬ mériquement le plus faible, si l'on veut, s'est complètement annihilé, et cela précisément au moment où il devait donner preuve d'existence en venant en aide au candidat du Gouverne¬ ment. Un pareil résultat peut être du, mais en par¬ tie seulement, à des manipulations plus ou moins habiles dans l'urne électorale. D'autres causes cependant ont dû l'amener, et l'ont en réalité amené. Parmi ces causes, je dois signaler le bruit mensongèrement répandu de mon désistement. Si vous pensiez devoir recourir à une en¬ quête, vous pourriez vous convaincre que, de longue main, des hommes, dans l'exagération de leur zèle, cherchaient à accréditer le bruit que je renonçais à représenter mon pays au Corps législatif. Ma santé altérée, insinuait-on, me condamnait à un repos absolu ; et l'on ex¬ ploitait ainsi contre moi une grave maladie, sinon amenée, tout au moins développée par les fatigues d'une session pendant laquelle mes collègues m'avaient appelé à l'honneur de faire partie de commissions importantes, telles que celles de l'adresse et du budget! Une pareille manœuvre, dont les effets ne sont jamais stériles, bien que la constatation matérielle n'en soit pas toujours saisissable, a surtout été employée dans la province de Cap- Corse, et plus spécialement dans les cantons cle Brando et Rogliano (Annexe A). Des plaintes, déposées en justice, contiennent l'enonciation de ces faits, sur lesquels une in¬ formation judiciaire serait ouverte à Bastia. Je dois ajouter que, pour mieux tromper la bonne foi des électeurs, la fausse nouvelle de mon désistement a été répandue même au-delà des limites de ma circonscription ; et j'ai pu en retrouver les traces dans l'arrondissement d'A- jaccio, auquel j'étais politiquement étranger. Je ne saurais trop, Messieurs, appeler votre attention sur des faits de cette nature, en pré¬ sence surtout d'un résultat qu'un déplacement de 631 voix aurait si facilement pu modifier. N'y voyez-vous pas l'indication évidente d'un véritable abandon de ma candidature; etpour- riez-vous croire qu'un candidat du Gouverne¬ ment de l'Empereur, abstraction faite de sa personnalité, en exit été réduit, sans ces bruits, à d'aussi infimes minorités, dans des communes où le dévouement à la dynastie impériale est aussi prononcé que partout ailleurs en Corse? IV. — Quelques précautions que l'on ait pri¬ ses, et malgré la constatation du procès-verbal de la commission de recensement, la sincérité du vote n'a pas été cependant assurée en Corse. Des électeurs frappés d'incapacité à la suite de condamnations judiciaires, des étrangers non naturalisés (et ils sont fort nombreux dans ce département), n'en ont pas moins été admis à voter, malgré les réclamations auxquelles a donné lieu leur présence au sein des assemblées électorales (i).Par des circonstances sur lesquel¬ les je ne crois pas devoir arrêter votre atten¬ tion, il ne m'a pas été possible de déterminer exactement, par moi-même ou par mes amis, le chiffre réel des incapables admis illégalement à l'exercice du droit de vote. Je reste bien au- dessous de la vérité, et de sérieuses investiga¬ tions l'établiraient sans nul doute, en affirmant (1) Tous les ans, 12 à 15,000 Italiens, désignés sous la dénomina¬ tion de Lucquois, se rendent en Corse pour s'y livrer à des travaux agricoles. Plusieurs d'entre eux finissent par s'y fixer; et comme leur nom a, en général, la même terminaison que celui des habitants du pays, ils ne tardent pas, sans l'accomplissement d'aucune forma¬ lité, à devenir des citoyens français, au point de vue électoral, s'ils sont, bien entendu, dans les bonnes grâces des Maires.