Actes Des Journées La Grande Guerre Et Les Travaux Publics
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HIVER - 2015/2016 Actes des journées La Grande Guerre et les Travaux publics D’HISTOIRE COMITÉ D’HISTOIRE COMITÉ REVUE DES MINISTÈRES DE L’ENVIRONNEMENT, DE L’ÉNERGIE ET DE LA MER N°HS DU LOGEMENT ET DE L’HABITAT DURABLE COMITÉ D’HISTOIRE mémoire mémoire TOUR SÉQUOIA 92055 LA DÉFENSE CEDEX Pour www.developpement-durable.gouv.fr / www.logement.gouv.fr n° hors-série 2015/2016 Travaux publics de guerre et d’après- guerre : administration, politiques et expertises autour d’un ministère civil mobilisé pour la guerre de 1914-1918 et la reconstruction COMITÉ D’HISTOIRE REVUE DES MINISTÈRES DE L’ENVIRONNEMENT, DU DÉVELOPPEMENT DURABLE ET DE LA MER DU LOGEMENT ET DE L’HABITAT DURABLE 2 Éditorial epuis 1839, l’hôtel de Roquelaure à Paris a accueilli les ministres chargés des travaux publics, de l’équipement puis, aujourd’hui, de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. C’est dans ce lieu historique puis au sein de la grande arche de la Défense, que se tenait, le 19 et le 20 juin 2014, le colloque « Travaux publics de guerre et d’après-guerre ». Dans son introduction scientifique le professeur Antoine Prost, président du Conseil scientifique de la Mission du Centenaire, rappelle que, face à la question de savoir comment fut gagnée ou perdue la Grande Guerre, les rapports différents en France et en Allemagne entre le pouvoir civil et le pouvoir militaire représentent une question essentielle. En France, le Parlement et le gouvernement surent préserver leurs prérogatives, tout en transformant les administrations civiles pour assurer un soutien efficace à l’effort de guerre. La gouvernance de la France fut un facteur essentiel de la victoire, permettant au front intérieur de tenir dans la durée. Le ministère des Travaux publics participait de l’organisation institutionnelle de l’État en guerre. En 1914-1916, le socialiste Marcel Sembat dirigeait un ministère affaibli par rapport à l’état-major ou aux ministères du commerce ou de l’armement, avant que n’apparût le besoin d’un rééquilibrage des pouvoirs au profit des compétences techniques des ingénieurs afin de lutter plus efficacement contre la crise du ravitaillement en charbon et des capacités logistiques des ports et du transport ferroviaire. C’est surtout Albert Claveille, expert reconnu des questions ferroviaires, qui assura le renforcement du ministère (1917-1920). Le ministre mit en place en 1917 le Conseil supérieur des travaux publics pour assurer la cohérence territoriale avec le « plan d’action dans l’ordre économique » d’Étienne Clémentel. Ce Conseil définissait des choix techniques pour restructurer les installations et la gestion des ports engorgés, déployer de nouvelles ressources hydrauliques pour l’électrification du pays et moderniser la voie d’eau et les routes. Il joua un rôle important pour le programme de travaux publics de l’immédiat après-guerre. La Première Guerre mondiale mobilisait les ingénieurs, par exemple ceux des arts et métiers qui travaillaient dans les chemins de fer, le génie, la voirie et les usines. n° hors série - 2015/2016 l « pour mémoire » 3 La question énergétique était profondément bouleversée par la Première Guerre mondiale, avec la nécessité coûteuse d’importer du charbon et les pénuries d’électricité. Aussi les thèmes politiques nouveaux répondaient-ils à la nécessité d’amoindrir la dépendance de la France en trouvant du carburant national et en construisant un réseau électrique standardisé. La motorisation de la guerre faisait augmenter fortement les importations de produits pétroliers d’origine américaine. C’est à partir de 1917 que le sénateur Béranger fit adopter une politique pétrolière française : pour résister à la volonté des grands groupes anglo-saxons de pénétrer le marché français, le gouvernement créa une direction des essences et pétroles ainsi qu’un groupe national qui est à l’origine des sociétés actuelles. Malgré l’extraction accrue du charbon dans le centre et le sud-ouest, la France dépendait des prix élevés du charbon importé de Grande-Bretagne. La pression des coûts mettait en cause les tarifs pratiqués pour la consommation de charbon, de gaz et d’électricité. La querelle survenue à Bordeaux a été à l’origine de la célèbre jurisprudence de l’imprévision. Dans ce contexte, la houille blanche devenait une énergie nationale providentielle, avec un bond des aménagements hydro-électriques dans le Massif Central et les Pyrénées dès 1915. La Première Guerre mondiale vit naître les prémisses de l’énergie marémotrice, avec un inventaire des sites potentiels en 1916. Un seul projet, lancé en 1921, fut abandonné en 1930, l’Aber-Vrac’h. Les services de transports ferroviaires et maritimes étaient réquisitionnés. À cause des dysfonctionnements constatés en 1870-1871, la France avait encadré les réquisitions depuis 1877. Dès 1914, l’autorité militaire avait pris le contrôle des chemins de fer et de la navigation intérieure. Il est intéressant de comparer la façon dont la France et l’Allemagne avaient préparé leurs voies ferrées et leurs canaux à la guerre et les difficultés qu’elles rencontraient pendant les combats. Les ingénieurs et les militaires en tirèrent de nombreuses leçons à partir de 1918. L’envoi sur le front français d’un million de soldats américains en 1917-1918 nécessitait « pour mémoire » l n° hors série - 2015/2016 4 un important système logistique concernant les bateaux, les ports français et le chemin de fer. Les navires marchands subissaient de fortes pertes à cause de la guerre sous-marine. Le gouvernement décida de créer une flotte d’État mais les goélettes commandées aux Etats-Unis ne furent disponibles qu’à partir de juin 1918. La guerre suscitait le développement accéléré de nouveaux modes de mobilité. Très faible en 1914, le transport motorisé dans les armées fut un élément vital de la bataille de Verdun, le long de la Voie sacrée, avec une régulation de la circulation pour gérer le trafic ininterrompu de camions, dont Berliet était le principal producteur français. En 1914, l’armée allemande sous-estimait l’intérêt technologique des avions. Si elle rattrapa son retard à partir de 1915 puis innova dans le programme Hindenburg en 1917-1918, elle dépendait beaucoup des matériaux de substitution. La guerre amplifiait l’industrialisation des usines Renault, provoquant un changement d’échelle de l’entreprise et la métamorphose personnelle de son dirigeant. Renault et Berliet coopéraient. La guerre suscita la production en série de camions, de tracteurs, de voitures, de chars, d’avions et de pneus. La poste aérienne militaire, créée dans les deux camps en 1917 ; a été à l’origine de la poste aérienne civile. S’il n’y avait pas de transport aérien commercial en 1914, ce service se développa dès l’immédiat après-guerre où il était perçu dans l’opinion comme une épopée. L’une des conséquences de la Première Guerre mondiale était l’accélération des progrès technologiques dans de nombreux domaines pendant l’entre-deux guerres. La guerre a été à l’origine de la régulation de la circulation en ville, du goudronnage des routes, de l’urbanisme souterrain, de l’essor important des usages de l’aluminium et du béton armé. La recherche au service de la guerre et de l’industrie de guerre avait suscité la mobilisation scientifique en faveur de l’innovation, autour de la direction des inventions dès 1915. Ce moment fut important pour la formation de l’élite scientifique de l’entre- deux-guerres et le renforcement de ses liens avec l’État et l’industrie, par exemple en matière d’aéronautique et de météorologie. n° hors série - 2015/2016 l « pour mémoire » 5 Devenue une industrie de transport après la guerre, l’aviation avait besoin d’un service de la navigation aérienne. Le plan Saconney de 1920 est à l’origine de l’organisation des lignes aériennes, des aérodromes et des règles applicables aux compagnies aériennes. La longueur de la guerre de position obligea, dans les deux camps, à organiser l’habitat militaire dans les tranchées et l’industrialisation de la production de baraques destinées aux troupes. Après la guerre, cet habitat léger fut réutilisé au moment du retour des réfugiés. Après 1918, on constatait que la guerre avait un impact important sur les politiques publiques de développement des infrastructures de transport, de l’hydro-électricité, de l’usage du pétrole, de la radiodiffusion et de la messagerie postale. Il faut aussi rappeler l’importance des réseaux pour réintégrer dans la nation l’Alsace-Moselle, limiter la désertion des campagnes du fait de l’exode rural et réguler les nouveaux flux internationaux dans l’Europe recomposée lors des traités de paix. Le contexte de la guerre industrielle engendrait un immense effort d’équipement hydro-électrique pendant et surtout après la guerre, dans le cadre des lois de 1919 et de 1922 qui continuent d’exercer leurs effets près d’un siècle plus tard. Ces lois ont favorisé l’emprise de l’État sur les cours d’eau, l’équipement en centrales électriques et l’interconnexion des réseaux de distribution. Dans ce contexte, il est intéressant de rappeler comment les Conseils Généraux s’impliquaient dans le financement de ces réseaux de distribution et dans l’électrification du territoire national au cours des années 1920-1930, selon quatre modalités principales. Ce rôle d’aménageur infrastructurel du territoire mérite d’être mieux connu. Un autre exemple est fourni par la construction en Aquitaine du poste de télégraphie sans fil le plus puissant du monde en 1920, à l’initiative de la Marine américaine, en déployant le sens de l’innovation des ingénieurs français pour la construction d’ouvrages d’art. Plus globalement, si la télégraphie sans fil s’était bien développée avant 1914, la guerre avait provoqué la multiplication d’innovations scientifiques et techniques qui permettaient à la radio de devenir un loisir de plus en plus répandu pendant l’entre-deux-guerres.