Irréalisme Et Art Moderne ,
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Irréalisme et Art Moderne , . ....................- a ___•......________________I ! i t ... UNIVERSITE LIBRE DE BRUXELLES SIECLES 000584515 Mélanges Philippe Roberts-Jonés Irréalisme et Art Moderne Ê J ^ 'mmmt BBL Ouvrage publié avec le soutien de la Communauté française de Belgique et de la BBL. Section d’Histoire de l’Art et d’Archéologie de l’Université Libre de Bruxelles Irréalisme et Art Moderne LES VOIES DE L’IMAGINAIRE DANS L’ART DES XVIIIe, XIXe et XXe SIECLES Mélanges Philippe Roberts-Jones Edité par Michel Draguet Certains jours il ne faut pas craindre de nommer les choses impos sibles à décrire. Base et sommet, pour peu que les hommes remuent et divergent, rapidement s’effritent. Mais il y a la tension de la recherche, la répu gnance du sablier, l’itinéraire nonpareil, jusqu’à la folle faveur, une exigence de la conscience enfin à laquelle nous ne pouvons nous soustraire, avant de tomber au gouffre. René Char, Recherche de la base et du sommet, in: Œuvres complètes, introduction de Jean Roudaut, Paris, Gallimard (Bibliothèque de la Pléiade), 1983, p. 631. Aujourd’hui des racines ont poussé dans l’absence; le vent me prend aussi, j’aime, j’ai peur et quelquefois j’assume. Philippe Jones, Il y a vingt-cinq ans la mort, in: Graver au vif, repris in: Racine ouverte, Bruxelles, Le Cormier, 1976, p. 93. 5 P lanchel: G. Bertrand, Portrait de Philippe Roberts- Jones, 1974, huile sur toile, 81 x 65, collection privée. 6 A PROPOS DE PORTRAITS Rien n’est, ni ne doit être gratuit en art si ce n’est la joie ou la douleur de s’ac complir. Il me semble que Gaston Bertrand pourrait marquer son accord sur ce point. L ’homme est toujours présent dans son œuvre, dans sa volonté comme dans sa foi, dans son intelligence comme dans sa chair. Chaque tableau est une vue humaine. D ’ailleurs, Bertrand est l’un des rares artistes de sa génération à se pen cher non seulement sur la silhouette des hommes, mais encore sur le visage et l’atti tude de l’individu. Le portrait, chez lui, est aussi un paysage de l’autre. A nouveau, il s’agit de faire un tableau dont l’autre est l’objet; l’essentiel n’est pas la ressem blance d’un nez, d’une bouche, d’une oreille, mais un agencement nécessaire, et qui ne peut être modifié, de traits et de couleurs. Tel est l’art de peindre lorsqu’il s’ac complit et que Gaston Bertrand honore dans le présent. L’exigence, lorsqu’elle s’exhausse, porte en elle la durée et, pourquoi pas, une joie profonde. 1975 Ph. Roberts-Jones, Gaston Bertrand, in: Terre d ’Europe, n° 52, avril 1976, repris in: L ’alphabet des circonstances. Essais sur l’art des X IX e et X X e siècles, Bruxelles, Académie royale de Belgique (Mémoires de la Classe des Beaux-Arts), 1981, p. 30. 7 PRÉFACE Rendre hommage est bien souvent l’occasion dissimulée de tourner une page. Ce constat cruel nous guette tous. Nous vivons ce que vivent les choses et notre pou voir ne conserve ses couleurs que l’espace d’un matin. N ’y voyez rien de désobli geant car à feuilleter ce volume d’hommage qui vous est aujourd’hui offert, chacun remarquera que l’empreinte de Philippe Roberts-Jones est vivace au sein de 1’ Uni versité Libre de Bruxelles. Vous y avez créé la principale section d’art contempo rain que comptent nos universités en Communauté française. Elle est votre œuvre et je sais ce qu’il vous en coûta. L ’art est votre vie, le monde contemporain votre espace. Vous me savez attaché à cette culture qui, loin des vagissements médiatiques, repose sur la réflexion et sur la recherche. Sur ce promontoire escarpé, la découverte est risquée. Elle nécessite des qualités qui dépassent largement la seule intelligence. De la pensée à l’action, vous avez décliné chaque étape qui conduit de l’écriture solitaire à la direction des Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique. Aujour d’hui, l’Académie royale vous compte pour Perpétuel. Je sais que, lentement, vous y changez l’immuable. Je m’en réjouis. Au grand commis de l’Etat répond l’homme qui se dévoile sur le blanc du papier. C ’est aussi à lui qu’il convient de rendre hommage. Car la carrière n’est pas tout, il y a ce qui vit, qui vibre, qui doute aussi parfois sous l’habit vert de l’académicien. Nous sommes d’une génération qui a connu le drame de la guerre. Vous l’avez vécue dans votre chair. Qu’il me soit permis de saluer ici le résistant qui a sacrifié à un idéal qui nous est cher. Nous savons ce que nous lui devons: la reconnaissance de l’amitié au delà des ans et des générations. Les mots sont insuffi sants quand l’absence pèse de sa chape de plomb. Vos poèmes en diront plus que tout discours. Vos engagements, votre droiture, votre sensibilité, votre intelligence ont marqué la vie culturelle de notre Communauté. Créateur et entrepreneur, vous avez multi- 9 plié les talents. Votre rayonnement dépasse largement nos frontières. Je suis heu reux d’imaginer que loin d’ici, l’image de la Communauté française puisse se confondre avec celle de cet ambassadeur cultivé aussi à l’aise dans les lambris et les marbres des académies que dans la solitude de l’écriture. Vous prouvez, s’il en était besoin, que la Communauté française a sa propre personnalité, riche, diversifiée et, néanmoins, unique: celle d’une ouverture d’esprit qui, sans rien abdiquer de sa per sonnalité, tendra la main à l’autre comme à un ami. Valmy Féaux, Ministre-Président de l’Exécutif de la Communauté française. 10 AVERTISSEMENT En ouvrant cet ouvrage qui vous est consacré, vous y découvrirez, cher Philippe Roberts-Jones, sans trop d’exaspération j’espère, qu’il vous faudra le partager avec ce double qui vous suit ou que vous suivez depuis bien des années. En effet, Phi lippe Jones y sera tout aussi présent que vous-même. Le poète, pour une fois, l’emporterait-il sur l’homme du monde ? Celui qui, au fil du temps, s’est imposé comme-Fun des principaux acteurs de la vie intellectuelle belge, devrait-il le céder à celui qui lentement a bâti sa propre œuvre dans l’isolement d’une maison où tout retient le temps dans sa course folle ? Force est de reconnaître que l’homme public s’était déjà vu honoré d’un solide volume de mélanges publié par les Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique en 19881. Le lecteur soucieux de compléter un portrait aussi complexe s’y reportera. Y sont retracés les grandes étapes d’une carrière étonnante ainsi que les titres d’une bibliographie foisonnante. Ce qui fut fait avec tant de qualité n’a certes pas à être recommencé. Nous nous contenterons d’offrir au lecteur une sélection biblio graphique centrée sur le thème de notre hommage2. Celui-ci mérite quelque explication. L ’irréalisme, comme j’aurai l’occasion de l’exposer plus loin, constitue un des thèmes de prédilection de Philippe Roberts- Jones. Il permet de lier entre elles quelques-unes des principales études du critique. Peut-être livrera-t-il la quintessence d’une recherche qui s’étend sur près de trente ans. Le thème n’était toutefois pas unique en son genre. Le spécialiste de la carica ture, l’amateur de l’estampe, le défenseur de l’art belge pouvaient fournir matière à bien d’autres ouvrages captivants. Pourquoi l’irréalisme? Peut-être parce que cette traversée du miroir, chère à Lewis Carroll, devait nous délivrer d’une image par trop définitive et sans relief des choses qui peuplent la vie. Ce voyage dans l’imagi naire est avant tout une critique du présent. Alice n’avait-elle pas constaté qu’une fois de l’autre côté du miroir «tout ce qui pouvait être vu de l’ancienne chambre restait très ordinaire et, finalement, sans intérêt, mais que ce qui s’offrait mainte 11 nant à elle était aussi étrange que possible»3? Cette inversion des apparences remet les choses à leur réelle place: rien n’est hors de l’homme qui vit et pense. L ’irréa lisme ne s’étend pas au delà de ce miroir que l’on franchirait au hasard du rêve. L ’irréalisme réside au cœur même du réel. Il en serait la condition humaine essen tielle. Nous essaierons plus tard d’en esquisser la voie en nous appuyant sur les tex tes de Philippe Roberts-Jones. D ’entrée de jeu, nous avions signalé la présence d’un interlocuteur insolite qui placerait notre étude sur deux niveaux d’approche. L’historien d’art et le poète auraient à dialoguer; nous aurions à déceler au plus profond de l’individu une unité qui donne à l’idée le poids de la vie et à l’existence la densité de la réflexion. A ce titre, Albert Mingelgrün se penchera sur un cas précis de ce dialogue entre image poétique et poème plastique: Jaillir Saisir, publié en 1971. Au long de ces poèmes qui alternent regard sensible sur l’art et intuition poétique de la matière, Philippe Jones explore les sources de la créativité: l’homme sans qui rien ne serait et le monde des objets et des matières qui donne chair aux sensations. L’irréalisme est à la porte. Les contributions d’Ilya Prigogine, de Jean Staro- binski, de Philippe Minguet et de Georges Thinès apportent, chacune, un regard subtil sur la portée intuitive de la création.