Hobal, Allah Et Ses Filles
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HOBAL, ALLAH ET SES FILLES Un petit dictionnaire des 360 dieux de la Jahiliyya Viens me conter fleurette ! me dit-elle. -Non, lui répondis-je ; ni Allah ni l'islam ne te le permettent. N'as-tu pas vu Muhammad et ses gens, lors de la conquête, le jour où les idoles étaient brisées ? On voyait alors resplendir la lumière d’Allah, alors que le polythéisme se couvrait de ténèbres. Radhid ibn Abdallah as Sulami. Autrefois, et durant des siècles, une quantité innombrable et prodigieuse de puissances divines a été vénérée en Arabie1, sans provoquer aucun trouble, sans générer aucune 1 in al Kalbi, Livre des Idoles 27b (ed. W. Atallah, Paris, 1966); R. Klinke-Rosenberger, Das Götzenbuch Kitab al-Aqnam of Ibn al-Kalbi, Leipzig, 1941; F. Stummer, "Bemerkungen zum Götzenbuch des Ibn al-Kalti," Zeitschrift der Deutschen morgenländischen Gesellschaft 98 1944; M. S. Marmadji, "Les dieux du paganisme arabe d'après Ibn al-Kalbi," RB 35 1926; H. S. Nyberg, “Bemerkungen Zum "Buch der Götzenbilder" von Ibn al-Kalbi”, in APARMA, Mel. Martin P. Nilsson, Lund, 1939; A. Jepsen, "Ibn al-Kalbis Buch der Götzenbilder. Aufbau und Bedeutung," Theo Litera-tur-Zeitung, 72, 1947 ; F. Zayadine, "The Pantheon of the Nabataean Inscriptions in Egypt and the Sinai", ARAM 2, 1990, Mitchell J. Dahood, “Ancient Semitic Deities in Syria and Palestine”, in Sabatino Moscati, ed., Le Antiche Divinità Semitiche, Roma, 1958; F. Zayadine, “Les dieux nabatéens” , Les Dossiers d'Archéologie 163/1991 ;J. F. Healey, The Religion Of Nabataeans: A Conspectus, Leiden 2001;Estelle Villeneuve, “Les grands dieux de la Syrie ancienne”, Les religions de la Syrie antique , Le Monde de la Bible , 149/2003 ; Maurice Sartre “Panthéons de la Syrie hellénistique”, Les religions de la Syrie 1 catastrophe, tant pour l’Arabie que pour les régions voisines et pour le reste de l'humanité. En vérité, elles n’exhortaient pas à la guerre, et aucune tête ne fut jamais tranchée en leurs noms, et par les soins de leurs sectateurs. 2 Les 360 idoles qui s’empressent autour de la seule Ka’ba mecquoise donnent une première idée de la taille de ce panthéon méconnu. Il suffit de se rappeler qu’il existe en outre d’autres Ka’ba sur le territoire arabique.3 Et partout, des roches, des vallées, des sources, des montagnes, qui sont autant de sanctuaires potentiels. L’Arabie centrale, celle des étendues désertiques, a suscité une telle foule : les bédouins confronté à la solitude et à l’immensité avait besoin de peupler son monde quotidien. Le système entendait répondre aux questions et aux angoisses de gens assoifés et inquiets du lendemain: il était appuyé sur la classique confrontation des puissances de la terre et du 4 ciel , et combinait l'existence -et la confusion - entre la multiplicité et l'unité du divin, l'aspect topique et physique des puissances et leur universalité abstraite. Mais c’est au nord et au sud, au sein de sociétés arabes plus organisées et matériellement plus avancées que le monde des dieux est connu dans son exubérance : les dieux urbains de Palmyre et Pétra, les sanctuaires monumentaux de Saba et d’Himyar. Et ceux de tel ou tel sanctuaire, de tel ou tel groupe humain. 5 Il a structuré la vie des êtres humains durant des siècles , leur a donné espoir et morale, jusqu’à la destruction radicale opérée par Muhammad et ses troupes. Constituer un début de dictionnaire constitue la première et la meilleure manière aborder le polythéisme arabe. Ce système ne propose en effet aucune cohérence, et si les recherches en découvrent, c’est grâce à des méthodes qui s’éloignent du discours religieux, par des comparaisons avec d’autres systèmes, et avec l’apport de sciences annexes. Remarquons qu’il y a jamais eu de tentative de constituer un dictionnaire sur le sujet. J. Wellhausen, dans son “Reste arabischen Heidentums” (Vestiges du Paganisme Arabe), en avait constitué les prodromes.6 antique , Le Monde de la Bible , 149/2003 ; Pierre Bordreuil, “Les dieux de Jordanie”, in "Pétra et l'étonnante Jordanie ", Le Monde de la Bible ,158/2004; M. Gawlikowski, "Les Dieux des Nabatéens." Aufstieg und Niedergang der Römischen Welt 18/ 1990; J. Starcky, "Les Figures Divines à Petra." Le Monde de la Bible 14/1980 R. M., Helmut Wenning, "The Gods of the Nabataeans: A New Research Project." Newsletter of the German Protestant Institute of Archaeology in Amman 1(2.8)/1996; id., “Die Götter in der Welt der Nabatäer”, Petra: Antike Felsstadt zwischen Arabischer Tradition und Griechischer Norm, Mayence 1997; id. Die Gotter der Nabataer: Eine archaeologish-religionsgeschichtliche Untersuchung, Amman 1997; W. Caskel, “Die alten semitischen Gottheiten in Arabien”, in S. Moscati (ed.), Antiche divinita semitiche, Rome 1958; D. Sourdel, Les cultes du Hauran à l’époque romaine, Paris 1952. 2 Le nombre est sûrement ficitf: il se réfère au nombre de jour de l’année, et doit avoir un rapport avec le cyvle solaire. 3 Ajoutons qu’il existe toujours une ambiguité entre les puissances honorées et les lieux dans lesquelles elles sont vénérées. 360 veut dire beaucoup, énormément. 4 G. Ryckmans, “Heaven and earth in the south arabian inscriptions”, Journal of Semitic Studies 1958; Meindert Dijkstra, “The Weather-God on Two Mountains”, Ugarit-Forschungen 1991. 5 Les premières traces apparaissent au moins dans les chroniques assyriens, 1500 ans avant 622. 6 Ce chapitre ne prétend pas répertorier toutes les puissances, puisqu’on en découvre chaque mois, mais donner la mesure de la richesse de ce monde disparu, et la vitalité de la recherche le concernant. 2 Les sources documentaires permettant de reconstituer des pans entiers du panthéon arabe 7 sont à la fois nombreuses et variées, et négligées néanmoins. L’état des connaissances est 8 en constante amélioration, à la suite de découvertes archéologiques. Il y a d’abord les sanctuaires, de mieux en mieux connus, et qui font apparaître que le très célèbre site mecquois est pas un modèle isolé, et qu’il existe de nombreux autres lieux sacrés dans ce territoire. Il est inutile d’ajouter que ces recherches sont particulièrement délicates à mener, et que les autorités les surveillent avec une suspicion redoublée : qu’on en vienne à découvrir une idole nommée Allah… Il y a ensuite les inscriptions, des graffitis sur les rochers, rédigés par les mains maladroites des pasteurs, aux immenses textes sud-arabiques, à l’alphabet si spectaculaire et original. 9 Il y a enfin les textes musulmans (et chrétiens) , qui s’aventurent à mentionner, au détour de leur travail d’érudition, les dieux du paganisme, pour les dénigner, pour ridiculiser les cultes, et pour mépriser leurs fidèles. Mais cette littérature d’essence polémique a paradoxalement permis la survie des dieux dans les mémoires et dans la science. Il n’est pas exclu que les auteurs (et leurs publics) n’aient pas ressenti une inavouable attirance envers les puissances disparues, qu’on leur avait enlevées. C’est justement le cas d’Ibn al Kalbi, dont l’oeuvre capitale le “Livre des Idoles”, a n’été découvert qu’au XXème siècle. Même le Coran conserve des noms, et la Tradition de même. Nous avons ajouté, à propos et de plein gré, dans la liste des idoles, des puissances vénérées par les musulmans, arabes ou non, tirées du fond arabe et intégrées à la nouvelle mythologie. Du point de vue de la recherche sur les religions, ces données sont à mettre au même rang que les idoles précédentes, quoique d’aucuns prétendent qu’elles en sont distinctes. Mais le discours théologique et doctrinal n’a pas sa place ici, sinon sous sa forme disséquée. A A 10 Cette simple initiale désigne chez les Thamoudéens la divinité stellaire Attar. 7 On commence à constituer des dossiers sur ce monde divin disparu: A. Jamme,"D. Nielsen et le Panthéon sud-arabe préislamique." RB, 55 1948 8 Essentiellement en Jordanie-Syrie, dans les Etats du Golfe et au Yémen ; de timides tentatives d’exploration concernent l’Arabie Saoudite. Mais elles se heurtent à de massives forces obscurantistes. Rappelons qu’il est strictement interdit de fouiller sur les territoires de la Mecque et de Médine : ce serait sans doute pour retrouver une grande quantité d’idoles et de vestiges juifs … 9 C. Winckworth, “On heathen deities in the Doctrine of Addai”, Journal of Theological Studies 1924. 10 A. van Den Branden, Histoire de Thamoud, Beyrouth, 1966, p. 108 ; id., “La divinité thamoudéenne A”, Le Muséon 67, 1954. 3 AABIT Dieu de la ville de Qaryat al Faw, chez les Kinda. Un puits et un autel lui sont dédiés par des tribus.11 ABAB Le dieu peut être isolé à partir du nom d’un sanctuaire, appelé aussi Ghabghab, et dédié à 12 Manat. Il s’y trouve en effet un bétyle qui devait être originellement l’objet du culte. (Yaqut, Géographie III 772-3). … le lieu où on égorgeait les victimes des sacrifices à Mina ; c'est une petite montagne On a dit que les Banu Muattib ibn Qays avaient un sanctuaire appelé Ghabghab, auquel ils se rendaient en pèlerinage, comme ils rendaient à l'illustre sanctuaire. On a dit également al Ghaghab était l'endroit où on égorgeait les victimes des sacrifices à al Lat et à al Uzza à Ta’if et où l'on déposait les offrandes qui leur étaient faites. On a dit que c'était un sanctuaire à Manaf, l'idole qui était vis-à-vis de la Pierre Noire et qui avait deux Ghabghab noirs en pierres, entre lesquels étaient immolées les victimes. Le Ghabghab est une pierre que l'on dresse devant l'idole… semblable à la pierre milliaire dressée à une distance de trois parasanges de la ville… Au sanctuaire d’al Uzza, il y avait un endroit où l'on égorgeait les victimes qu'on lui offrait ; il s'appelait al-Ghabghab.