PUBLICATION

DE

LA SOCIÉTÉ DES ÉTUDES RABELAISIENNES

LETTRES ÉCRITES D’ITALIE

PAR FRANÇOIS RABELAIS

(Décembre 1535-Février 1536)

NOUVELLE ÉDITION CRITIQUE, AVEC UNE INTRODUCTION,

DES NOTES ET UN APPENDICE

PAR

V.-L. BOURRILLY

PARIS HONORÉ CHAMPION

LIBRAIRE DE LA SOCIÉTÉ DES ETUDES RABELAISIENNES 5, QUAI MALAQUAIS

1910

LETTRES ÉCRITES D’ITALIE

PAR FRANÇOIS RABELAIS

(Décembre 1535-Février 1536)

PUBLICATION

DE LA SOCIÉTÉ DES ÉTUDES RABELAISIENNES

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LETTRES ÉCRITES D’ITALIE

PAR FRANÇOIS RABELAIS

(Décembre 1535-F évrier- 1 536)

NOUVELLE ÉDITION CRITIQUE, AVEC UNE INTRODUCTION,

DES NOTES ET UN APPENDICE

PAR

V.-L. BOURRILLY

PARIS HONORÉ CHAMPION L1BRAIRE DE LA SOCIÉTÉ DES ÉTUDES RABELAISIENNES 5, QUAI MALAQUAIS I9IO CETTE ÉDITION A ÉTÉ PUBLIÉE

AUX FRAIS DE LA DONATION PEYRAT

FAITE AU COLLÈGE DE FRANCE

PAR MADAME LA MARQUISE ARCONATI VISCONTI INTRODUCTION

I.

C’est en compagnie de Jean du Bellay que Rabelais est allé en Italie et qu’à trois reprises il a séjourné à . Il n’entre pas dans notre sujet de rechercher les origines, d’ailleurs obs­ cures et, semble-t-il, assez lointaines des relations de Rabe­ lais avec l’évêque de Paris. Nous nous contenterons d’observer que très probablement ces relations avaient déjà commencé lorsque Rabelais vint au printemps de 15 3 2 se fixer à Lyon et qu’il fut nommé, le 1er novembre de cette même année, médecin à l’hôpital de cette ville, aux appointements de 40 livres par an. Dans le courant de l’année 15 3 3 , Jean du Bellay et notre médecin purent se rencontrer plusieurs fois, car le premier fit à Lyon trois séjours d’inégale durée. Nous l’y trouvons au mois de juin1, lorsque le roi et la reine, en route pour le Midi, viennent y faire leur entrée. Il y revient dans la seconde quinzaine de juillet pour accompagner le duc de Norfolk, ambassadeur du roi d’Angleterre2. Enfin, dans les derniers jours de novembre et au début de décembre, il y repasse, lorsque François 1 e r l’envoie à Londres pour exposer à son allié Henry VIII les résultats de l’entrevue de Marseille et combiner

1. François 1er et la cour sont à Lyon dans les derniers jours de mai et durant tout le mois de juin. Voir le P. Hamy, L ’entrevue de Boulogne, pièce n°95. Voir aussi L ’entrée de monseigneur le Daul- phin faicte en l’antique et noble cité de Lyon, l'an mil cinq cens trente et troys, le x x v j de may. S. 1. n. d. In-4°. L ’entrée de la Royne faicte en l'antique et noble cité de Lyon, l'an mil cinq cens trente et troys, le xxvij de may. S. 1. n. d. In-4”. Cf. Catalogue des actes de François 1er, VIII, p. 482. 2. Voir le P. Hamy, op. cit., pièce n° 100. Le duc de Norfolk et sa compagnie arrivèrent à Lyon le 20 juillet et y restèrent au moins une quinzaine de jours. Ils rejoignirent François 1er à Montpellier entre le 18 et le 24 août. I les démarches à faire en cour de Rome en vue d’obtenir le divorce avec Catherine d’Aragon1. Pour Rabelais, ce furent, sans doute, autant d’occasions de reprendre contact avec son « patron » et de s'assurer une pro­ tection contre les ennemis que ses premières publications venaient de lui créer. Le Pantagruel avait mis en mouvement Parlement et Sorbonne, et Rabelais était certain de rencontrer en la personne de Jean du Bellay un appui contre des adver­ saires qui, — coïncidence curieuse, — se trouvaient en ce moment même chercher noise à l’évêque de Paris et à son vicaire2. Peut-être même, lorsque l’ambassadeur quitta Lyon pour gagner l’Angleterre, prévoyait-il que sa mission à Londres aurait comme suite une mission à Rome, et Rabelais laissa-t-il entrevoir, s’il ne l’avait déjà fait, car c’était alors le rêve de tout humaniste, son vif désir de visiter l’Italie, terre d’origine de l’humanisme, et la Ville Éternelle3. Peut-être l’évèque de Paris se décida-t-il seulement au milieu de janvier 1534, lors­ qu’il repassa par Lyon, à prendre avec lui le médecin de l’hô­ pital, dont il avait besoin, car il souffrait d’une sciatique et le voyage lui était pénible, particulièrement en cette saison. Quoi qu’il en soit, ce qui est sûr, c’est que lorsqu’il franchit les Alpes en plein hiver et pour la première fois entra dans Rome, il était accompagné par François Rabelais, dont c’était aussi le premier voyage outre-mont-4. Jean du Bellay avait fait un séjour très bref en Angleterre : arrivé à Londres le 17 décembre, il en repartait le 29 et, le 10 janvier 1534, il rejoignait François 1er à Fontaine-Française.

1. Jean du Bellay quitta la Côte-Saint-André (Isère) le 29 no­ vembre. Bibl. nat., Clairambault 1215, fol. 72. Voir dans le P. Hamy, op. cit., pièce 11° 115, les instructions qu’emportait Jean du Bellay. Il était à Paris le 8 décembre. Voir V.-L. Bourrilly et N. Weiss, Jean du Bellay, les protestants et la Sorbonne, p. 57. 2. Sur ces démêlés, voir V.-L. Bourrilly et N. Weiss, Jean du Bellay, les protestants et la Sorbonne, p. 5i-62. 3. C’est ce que suppose notamment M. Léon Dorez, Rabelaesiana, " maistre Jehan Lunel" (extrait de la Revue des bibliothèques, 1905), p. 2-3. 4. Les voyages et les séjours de Rabelais en Italie en compagnie soit de Jean du Bellay, soit de Guillaume du Bellay, sieur de Lan- gey, ont été étudiés en détail pour la première fois par M. Arthur Heulhard, Rabelais, ses voyages en Italie, son exil à Metz, Paris, 1891, in-4°. Le 12, à Langres, il recevait ses nouvelles instructions pour sa mission à Rome1. Il dut passer quelques jours à Lyon, car il semble bien que Rabelais ait touché lui-même une partie de son traitement, le samedi 27 janvier2. Ce serait ce jour-là seulement qu’on se serait mis en route. Le voyage fut pénible, mais encore rapide, puisque dans les premiers jours de février, peut-être dès le 2, nos Français arrivaient à Rome3. « J’ay tant faict avec l’ayde de Dieu, écrit Jean du Bellay au sieur de Castillon, ambassadeur de France à Londres, que je suis icy, et afin que vous ne pensiez que ce ayt esté sans peyne, j’en ay esté jusques à ne pouvoir endurer que hommes me portassent en une chaire. Pour le mieux, j’en eschapperay pour un peu de sciatique4... » Les documents susceptibles de nous renseigner sur le pre­ mier séjour de Rabelais à Rome sont rares. La correspon­ dance de Jean du Bellay, quelques épaves seulement, ne traite que des questions politiques pour lesquelles il avait été dépê­ ché auprès du Pape5. On peut glaner quelques détails rétros­ pectifs dans plusieurs lettres que des amis et des « clients » lui adressèrent de Rome dans les mois qui suivirent son départ, et où d’ailleurs, à aucun moment, il n’est fait la

1. « A M. Jehan du Bellay, evesque de Paris, 2,25ol. t. par lettres à Langres, 12 janvier 1533 [a. s.], sur et tant moins et en déduction de ce qui luy sera taxé des voyages qu’il a ja faits et encore présen­ tement fait de l’ordonnance du Roy, partant de la Coste St André le 29 novembre 1533, allant en diligence en Angleterre porter lettres de creance au roy dudit pays et luy exposer certaines choses et dont il a apporté response au lieu de Fontaine Françoise le 10 jan­ vier 1533 et, ce fait, estre venu avec le Roy jusques à Langres le 12 janvier, où le Roy l’a expédié pour aller en semblable diligence en la ville de Rome devers N. S. Pere, luy porter autres lettres de creance et pareillement luy exposer les instructions que à ceste fin led. Seigneur a baillé aud. du Bellay, qui touchent et concernent le bien de toute la chrestienté... » Bibl. nat., Clairambault 1215, fol. 72; ms. fr. 15629, n° 572. C f. Catalogue des actes de François 1er, II, n° 6696. 2. A . H eulhard, op. cit., p. 27, n. 1. 3. P. Friedmann, Anna Boleyn, Londres, 1884, t. I, p. 275-276. 4. Jean du Bellay au sieur de Castillon, Rome, 8 février [1534]. Bibl. nat., ms. fr. 5499, fol. 191. 5. Voir V.-L. Bourrilly, Le cardinal du Bellay en Italie (juin 1535-mars 1 536), Paris, 1907 (extrait de la Revue des Études rabe­ laisiennes), p. 1-5. moindre allusion à Rabelais. Mais des relations et des occu­ pations de l’évêque de Paris, on peut conclure, dans une cer­ taine mesure et sans craindre de trop s’aventurer, à celles de son médecin. Le texte le plus important, pour ne pas dire unique, est la lettre adressée à Jean du Bellay, le 3 1 août 1534, par laquelle Rabelais lui fait hommage de l’édition que Sébastien Gryphe allait publier de la Topographia romana de Marliani1 : à la suite d’éloges hyperboliques (et peu justifiés par les résultats) des qualités oratoires et diplomatiques de son protecteur, il y a là des détails précis et précieux sur la manière dont il utilisa lui-même les quelques semaines qu’il passa à Rome. Rabelais avait préparé son voyage, — qu’on supposait devoir être plus bref qu’il ne fut en réalité, — de façon à en tirer le meilleur parti possible. Il s’était dressé une sorte de programme, ce qui tendrait à faire croire que le départ ne fut pas impro­ visé. « Ante autem multo quam Romae essemus, ideam mihi quandam mente et cogitatione firmaveram earum rerum qua- rum me desiderium eo pertraxerat. Statueram enim primum qui- dem viros doctos, qui iis in locis jactationem haberent per quae nobis via esset, convenire, conferreque cum eis familiariter et audire de ambiguis aliquot problematibus, quae me anxium jamdiu habebant; deinde, quod artis erat meae, plantas, ani- rnantia et pharmaca nonnulla contueri, quibus Gallia carere, illic abundare dicebantur; postremo, sic Urbis faciem calamo perinde ac penicillo depingere ut ne quid esset quod non peregre reversus municipibus meis de libris in promptu depro- mere possem. Eaque de re farraginem annotationum ex variis utriusque linguae autoribus collectam mecum ipse detuleram. » Ce programme paraît avoir été suivi fidèlement, mais avec un succès inégal pour les différents points. La récolte de plantes et d’animaux fut des plus médiocres, et à cet égard les espoirs de Rabelais furent déçus : « Plantas... nullas, sed nec animantia ulla habet Italia quae non ante nobis et visa essent et nota; unicam platanum vidimus ad spéculum Dianae Ari- cin ae. »

1. Epistola nuncupatoria Topograpliiae antiquae Romae Joanne Bartholomaeo Marliatio auctore, Lugduni, apud Seb. Gryphium, 1534, in-8°. Franc. Rabelaesus, m edicus, clariss. doctissimoque viro D. Joanni Bellaio, parisiensi episcopo, regisque in sanction con- sessu consiliario, S. P. D. Sur le chapitre des relations avec les personnages notables, il fut plus heureux, bien qu’il eût attendu mieux : « Illud, etsi non usquequaque pro voto, haud male tamen successit. » Il est naturel de chercher ces relations dans le cercle des amis et des obligés de Jean du Bellay et parmi ceux qui fréquen­ taient à l’ambassade de France. L’ambassadeur était alors un prélat humaniste, Charles Hémard de Denonville, évêque de Mâcon, désigné pour ce poste à la suite de l’entrevue de Mar­ seille1. Arrivé depuis quelques semaines à peine, l’évêque de Mâcon n’avait pas encore pu acquérir une bien grande expé­ rience de la cour de Rome et de la ville elle-même. Mais il avait à côté de lui un secrétaire qui pouvait remédier à cette inexpérience : c’était Nicolas Raince, attaché à l’ambassade de France depuis 1516 2. Intrigant, subtil et curieux, bien vu du pape Clément VII dont il avait la confiance, « client » de Jean du Bellay qui venait de lui faire obtenir l’abbaye de Saint-Calais, Raince était l’homme le plus capable de guider à travers les arcanes de la cour pontificale et c’était le meil­ leu r cicerone pour visiter la ville et faire la chasse aux « anti­ cailles »3. Parmi les autres Français, plus ou moins italiani­ sés, que Rabelais put voir dans le même milieu, il convient de mentionner Jean Sevin, qui probablement était aussi secrétaire à l’ambassade de France et dont le nom est cité dans la lettre latine du 3 1 août 1534 4; André Cave, « scripteur apostolique »s,

1. Le 25 novem bre 1533. Catalogue des actes, II, n° 6516. 2. Sur Nicolas Raince, voir la notice détaillée de M. Emile Picot, L es Français italianisants au X V I ° siècle, t. I, p. 79-94, 356. 3. Marliani, op. cit., p. 188, le cite avec éloge parmi ceux en com­ pagnie desquels il visitait Rome : « Munificentissimus vir Nicolaus Rens (sic) prot. apost., qui rerum experientia et singulari fide Gal- lorum regis a secretis existit... ». 4. Voir E. Picot, op. cit., t. I, p. 95, n. 2. 5. « Il y a icy ung monsieur Cave, enfant de Paris, que aultres- fois vous ay présenté en cestc ville,... qui a pour deux mil escuz d’offices... Il est homme de bon crédit et réputation, à l’adveu duquel pour ung affaire souldain on trouveroit argent souflisam- ment. Entre aultres plusieurs offices, il est scripteur apostolique... » Marrette à Jean du Bellay, Rome, 1er juin 1535. Bibl. nat., Dupuy 264, fol. 152. C’était un parent sans doute du Jean Cave qui a écrit une relation du sac de Rome publiée par M. Léon Dorez, Le sac de Home (1527), Relation inédite de Jean Cave, Orléanais, dans les Mélanges de l’E cole française de Rome, 1896. et enfin Jehan Lunel, abbé de Saint-Sébastien-hors-les-Murs et futur évêque in partibus de Sébaste, ce Jehan Lunel dont Rabelais avait facétieusement inscrit le nom au frontispice de son Pantagruel1 . Quant aux Italiens, il est peu probable que Rabelais ait frayé avec les cardinaux, même ceux de la « part françoise » : il était un trop mince personnage et sans doute confondu aux yeux de ces princes de l’Église dans la « famille » et les « domestiques » de l’évêque de Paris. A tout le moins lui fut-il possible de voir et peut-être d’approcher quelques- uns de ces m onsignori qui étaient fréquemment auprès de Jean du Bellay, l’applaudissaient avec force superlatifs, les plus exquis et, je croirais volontiers, quelque peu ironiques, en consistoire et dans les réceptions solennelles, et qui entou­ raient les Français d’attentions trop zélées pour n’être pas intéressées. Rappelons par exemple les cardinaux Grimani, Pisani, Gaddi, et l’évêque de Faenza, Rodolfo Pio, neveu du fameux Alberto Pio, comte de Carpi avec lequel Guillaume du Bellay avait, en 1527, défendu Rome contre les hordes de Bourbon. La comtesse de Carpi vivait retirée à Rome avec ses deux filles, toujours en relations avec les du Bellay et les ambassadeurs de France. Rodolfo Pio devait être récompensé de ses bons offices par la nonciature de France au début de 1535. D’autres étaient d’un accès plus aisé : tel ce Modesti, poète famélique, toujours en quête d’un protecteur et d’une pension, qui, par l’intermédiaire de l’évêque de Paris et de Jacques Colin, « l’anagnoste » du Roi, tâchait d’obtenir quelque faveur de François 1er2; o u encore ce Valerio, secrétaire du cardinal Hippolyte de Médicis, moins affamé peut-être, mais plus utile aussi pour qui voulait être renseigné sur « les affaires les plus secrets », car on n’avait rien de caché pour son maître, et surtout si l’on voulait mettre la main et subrep­ ticement emporter quelque « testa di donne » ou quelque autre « anticaille » de prix3. Les « anticailles », c’était la grande affaire de Rabelais et

1. Voir sur ce personnage d’origine mancelle l’étude très détaillée de M. Léon Dorez déjà citée. 2. Voir les lettres de F. Modesti à Jean du Bellay, Rome, 12 mai i 534; à Jacques C olin , 17 juillet 1534. Bibl. nat., Dupuy 699, fol. 12-13, 14. 3. Valerio à Jean du Bellay, Rom e, 2 juillet 1534, 17 août 1534. B ibl. nat., Dupuy 264, fol. 37-38, 39-40. aussi, mais à un degré moindre et dans un autre sens, celle de Jean du Bellay. L’évêque de Paris, pour lui-même et pour ceux qui, à la cour de France, s’intéressaient à ces choses et pouvaient lui prêter un appui précieux, tel le grand maître Anne de Montmorency ou le secrétaire d’État Jean Breton, sieur de Villandry, l’évêque de Paris recherchait surtout les débris d’art antique presque quotidiennement mis au jour. Il avait même dans ce but acheté un jardin, une « vigne » assez considérable et y faisait pratiquer des fouilles. « Neque non tu quod temporis vacuum erat in celebri illa tua et negotiosa lega- tione, id lubens collustrandis Urbis monumentis dabas, nec tibi fuit satis exposita vidisse, eruenda etiam curasti, coempto in eam rem vineto non contemnendo. » C’était la topographie de Rome qui intéressait plus particulièrement Rabelais. Il employa les huit ou dix semaines dont il disposa à parcourir en tous sens la ville, à tel point qu’il arriva à s’y retrouver comme chez lui et à la connaître jusque dans le moindre coin. Il était accompagné dans ses explorations par deux autres « domes­ tiques » de Jean du Bellay, jeunes gens très curieux d’anti­ quité comme lui, Nicolas Leroy1 et Claude Chapuis, ce der­ nier bien connu, ancien sommelier de la chapelle royale et maintenant chargé de la « librairie » du Roi2. Il n’est pas interdit de penser que Nicolas Raince participait à ces expé­ ditions et mettait à la disposition de ces étrangers sa connais­ sance approfondie de la Ville Éternelle. Rabelais cependant ne retira pas de ses recherches le fruit qu’il avait projeté. Tandis qu’il accumulait les éléments de son livre, un Ferrarais, Bartolomeo Marliani, livrait aux presses une Topographie de Rome. Rabelais ne paraît pas avoir éprouvé trop de dépit de se voir ainsi devancé. Au con­ traire, la publication de Marliani lui apporta un certain sou­ lagement. Il était embarrassé pour disposer selon le meilleur

1. Voir A. Heulhard, op. cit., p. 32 et n. 1. 2. y avait remplacé en qualité de bibliothécaire Jehan Verdier ou Verdurier, au début de 1533. Voir Catalogue des actes, II, n° 5575, et Bibl. nat., ms. fr. 7853, fol. 349 v°. Ce Claude Chapuis ou Chap- puis était peut-être un parent du capitaine Michel Chappuis que l’on a proposé d’identifier avec le « capitaine Chappuys » dont il est question dans Gargantua, I, ch. VIII. Voir H. Clouzot, Le capitaine Chappuys et maître Alcofribas, dans la Revue des Études rabelai­ siennes, t. VII (1909), p. 475-478. plan la masse énorme de matériaux qu’il avait entassés. Il avait songé à décrire la ville par quartiers distribués selon les points cardinaux. Marliani avait adopté la description colline par colline. Jugeant qu’il ne pouvait mieux faire, Rabelais s’ef­ faça devant Marliani qui devait dédier son livre à Jean du Bel­ lay. Mais la Topographie n’était pas encore achevée d’imprimer lorsque l’évèque de Paris et son médecin repartirent pour la France. Aussitôt qu’elle eut paru, Jean Sevin en fit parvenir un exemplaire à Lyon, où l’ancien médecin de l’hôpital avait repris ses fonctions. Et comme Marliani, contrairement à sa promesse, avait négligé de dédier l’ouvrage à Jean du Bellay, Rabelais répara cette négligence dans la réimpression que Sébastien Gryphe publia de la Topographia romana en août 1534. Le premier séjour de Rabelais à Rome dura deux bons mois, février et mars 1534. Au début d’avril, Jean du Bellay et son médecin quittèrent la ville1. Au retour, le voyage fut beaucoup moins rapide qu’à l’aller : c’est seulement le 18 mai que Jean du Bellay rentra à Paris2. Peut-être est-ce à ce moment que Rabelais put s’arrêter à Florence et y voir et ouïr ce qu’il a raconté au chapitre XI du Quart Livre3. La plupart des biographes4 placent cet arrêt lors du second voyage de Rabelais en 1535- 1 536. Ils se fondent pour cela sur ce que le texte de l’édition parue en 1548 porte : il y a environ douze ans. Mais outre que cette affirmation est déjà assez vague, il convient de noter que le texte de l’édition de 1552 porte : il y a environ vingt ans, ce qui n’est guère plus précis, mais ne concorde pas avec la première affirmation. L’argument tiré de ces textes en faveur de la date généralement adoptée ne nous paraît pas bien solide. De plus, nous le verrons, dans le voyage de 1535- 1536, l’itinéraire et les circonstances ne permettent guère d’insérer un arrêt à Florence. A l’aller, Jean du Bellay,

1. Jean du Bellay à François Ier, R om e, 1er avril [ 1534], “ au moment de monter à cheval ». Bibl. nat., ms. fr. 5499, fol. 201 -202. 2. Bibl. nat., Clairambault 1215, fol. 72. 3. Éd. Burgaud des Marets et Rathery, t. II, p. 86. Dans l’édition de 1548, le passage est au chapitre v. Voir Le Quart Livre de Pan­ tagruel, éd. J. Plattard, Paris, 1910, p. 86-87. 4. Voir notamment A. Heulhard, op. cit., p. 61-66; A. Tilley, François Rabelais, p. 62-63. M. Jean Plattard (éd. du Quart Livre citée, p. 32) est moins affirmatif. pressé d’arriver à Rome, dut passer directement de Ferrare par les Romagnes; au retour, la « famille » du cardinal, privée de son chef, prit sans doute le même chemin, car, à cette date, Florence n’était guère une étape indiquée pour une mis­ sion française, alors que le duc Alexandre s’était ouvertement engagé dans le parti de l’Empereur, dont il épousait la fille naturelle, et que Philippe Strozzi, désigné nommément dans le susdit chapitre, était en exil et voyait ses biens menacés. Telle n’était pas la situation en 1534. Clément VII vivant, le duc Alexandre gardait entre Charles-Quint et François Ier une neutralité que lui commandait son intérêt. Quant à Phi­ lippe Strozzi, qui avait accompagné en France sa nièce Cathe­ rine de Médicis, la jeune duchesse d’Orléans, il était au comble de la faveur et sa maison en pleine prospérité. On s’explique donc qu’en avril 1534 Jean du Bellay, moins pressé d’arriver que trois mois auparavant, se soit laissé aller au plaisir de visiter Florence avec sa suite. Que l’on considère encore les termes dont use Rabelais et l’on y percevra comme un écho de la lettre latine du mois d’août 1534. « Vrayement vous me rédui­ sez en mémoire ce que je vis et ouy en Florence il y a envi­ ron vingt ans. Nous estions bien bonne compaignie de gens studieux, amateurs de peregrinité et convoiteux de visiter les gens doctes, antiquités et singularités d’Italie. Et lors curieu­ sement contemplions l’assiette et beauté de Florence, la struc­ ture du Dôme, la sumptuosité des temples et palais magni- ficques. » Il y a là dans l’accent une sorte de ferveur et d’enthousiasme, un joyeux étonnement devant « les lions et africanes », « ours bistides » ou « tigres », « près le beffroy,... les porcz espicz et austruches ou palais du seigneur Philippe Strozzi. » On y sent comme l’impression toute vive du pre­ mier contact avec l’Italie.

* * *

Rentré à Lyon, Rabelais y reprit le cours de ses occupations antérieures. Il retrouva sa place de médecin à l’hôpital. Au mois d’août, il surveilla la réimpression que Sébastien Gryphe donna de la Topographia romana de Marliani dont nous avons déjà parlé1. Très probablement il mit aussi au point une

1. Voir J. Plattard, Les publications savantes de Rabelais, dans la Revue des Études rabelaisiennes, t. II (1904), p. 75-76. nouvelle rédaction du Gargantua et publia l’Almanach pour 15351. Puis brusquement on perd sa trace: Rabelais quitte Lyon à la fin de 1534 ou dans les premiers jours de 1535 et l’on ne sait au juste ce qu’il devient jusqu’en juillet 1535. Le 14 février 1535, Rabelais est absent de Lyon depuis quelque temps déjà puisque deux candidats, « maistres Canape et Du Castel », se présentent « pour avoir la charge de mede- cin de l’ospital au lieu de maistre Rabellaix qui s’est absenté », « sans advis ne prendre congé », ajoute-t-on le 16 février2. La raison de cette brusque disparition? Plusieurs historiens ont voulu la mettre en rapport avec les mesures de rigueur qui suivirent l’affaire des Placards3. On connaît les persécu­ tions qui furent déchaînées par la manifestation du 17 octobre 15344 : pendant plusieurs mois, les arrestations et les supplices se multiplièrent. Une véritable terreur régna parmi tous ceux qui, de près ou de loin, adhéraient aux idées nouvelles ou paraissaient y incliner, au gré de la Sorbonne ou du Parle­ ment, gardiens farouches de l’orthodoxie. Le 23 janvier 1535, soixante-treize suspects de luthéranisme, parmi lesquels Marot et Lyon Jamet, que nous retrouverons plus loin, avaient été ajournés à comparaître. Il se peut très bien que Rabelais, à Lyon, se soit cru menacé. Il avait déjà contre lui la Sor­ bonne. Sa situation, au point de vue ecclésiastique, n’était pas régulière. Il était à la merci de la dénonciation d’un ennemi ou d’un envieux. On comprend qu’il ait jugé prudent de se mettre à l’abri et qu’il se soit évanoui, sans laisser d’adresse. Il est bien malaisé en effet de savoir où il se réfugia. A Lyon, le bruit courut qu’il était à Grenoble. Le 23 février, lors d’une discussion relative à l’emploi de médecin laissé vacant par Rabelais, un des conseillers échevins, Pierre Durand, proposa de différer la nomination jusqu’après Pâques, « car il a entendu que ledict Rabellays est à Grenoble et pourra revenir »s. Ce bruit était-il fondé? A la vérification fut-il trouvé inexact? Toujours est-il que, le 5 mars, Pierre Du Castel fut agréé à la

1. Voir A. Tilley, François Rabelais, p. 58-6o. 2. Lyon, Arch. m unicipales, BB 55, fol. 16, 17. 3. A . T illey , op. cit., p. 60-61. ; 4. Voir V.-L. Bourrilly et N. Weiss, op. cit., p. 78-101. 5. Lyon, Arch. municipales, BB 55, fol. 18. Cf. Revue des Etudes rabelaisiennes, t. IV (1906), p. 173. place de Rabelais, avec des gages réduits à 3o livres par an1. Rabelais s’était-il réellement réfugié à Grenoble? Dans l’affir­ mative, y est-il demeuré longtemps? Autant de questions aux­ quelles, pour l’instant, nous ne sommes pas en état de répondre. Nous croirions plutôt que Rabelais, se sentant ou se croyant menacé, surtout en raison de sa situation irrégulière de moine échappé de son monastère, alla chercher un refuge auprès de Geoffroy d’Estissac, l’évêque de Maillezais, de l’autorité duquel il relevait normalement. C’est là, aux côtés de son protecteur d’autrefois, qu’il aurait attendu la fin de l’orage dont Guillaume et Jean du Bellay s’efforçaient de conjurer les désastreux effets ; c’est là qu’il aurait appris l’élévation de l’évêque de Paris au cardinalat et, comme Jean du Bellay s’apprêtait à retourner à Rome, chargé d’une nouvelle mission auprès du successeur de Clément VII, le pape Paul III, c’est de là que Rabelais serait parti pour rejoindre le nouveau cardinal et se faire comprendre, pour la seconde fois, dans la « famille » que celui-ci emme­ nait avec lui au delà des Alpes. Ce séjour de Rabelais à Mail­ lezais au printemps de 1535 expliquerait certaines particularités des lettres écrites d’Italie. Comme on l’a remarqué2, Rabelais paraît bien avoir été chargé pour Geoffroy d’Estissac de diverses commissions qui témoignent d’entretiens récents et de recom­ mandations verbales. Il a mis à satisfaire son protecteur et à le renseigner un zèle et une régularité qui, selon nous, révèlent des obligations plus prochaines que celles que Rabelais avait contractées au temps déjà lointain de son « moinage » à Fon- tenay-le-Comte.

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Jean du Bellay avait été nommé cardinal le 21 mai 15353. Aussitôt sa mission à Rome fut décidée : sous couleur d’aller

1. Ibid., fol. 23. Le successeur de Rabelais suivit son exemple. La déchéance fut par la suite prononcée contre lui, parce qu’ayant obtenu un congé de six semaines pour se rendre à Paris, il n’avait point reparu. Arch. municipales, BB 56, fol. 27. 2. A. Heulhard, op. cit., p. 69. 3. Voir sur ce point notre étude sur le Cardinal Jean du Bellay en Italie. Nous y renvoyons une fois pour toutes pour l’exposé des négociations diplomatiques et de la portée politique de l’ambassade. chercher en personne le chapeau, il tâcherait d’amener le pape Paul III à l’alliance française. Le 27 juin, il quittait Guise, où il avait reçu ses instructions; le 3 juillet, à Paris, il donnait quittance des sommes qu’il devait emporter. Le 1 5 juillet, il était depuis quelques jours à Lyon, où une indisposition l’avait contraint de s’arrêter. Cette fois encore, Jean du Bellay avait besoin de son médecin. Nous ignorons si Rabelais avait rejoint son protecteur à Paris ou s’il l’accompagna seulement à partir de Lyon. Nous ignorons également de qui se composait au juste la « maison » du nouveau cardinal : nous n’avons trouvé mentionnés que les noms de Jacques d’Angennes, sieur de Rambouillet, qui devança d’ailleurs son maître à Ferrare, et de Charles Juvenal des Ursins, abbé de Saint-Nicaise et aumô­ nier du roi, un des plus remuants parmi les protonotaires qui s’agitaient à la suite de l’évêque de Paris. En tout cas, ni Leroy, ni Chapuis ne participaient à ce second voyage. Ce dernier notamment était resté à la cour, qu’il suivait dans ses déplacements, pour surveiller les intérêts de Jean du Bel­ lay, transmettre ses lettres et l’informer à temps et de tout. Par contre, le cortège s’accrut d’un compagnon de marque, assez inattendu, mais que Rabelais connaissait peut-être déjà pour l’avoir vu à Montpellier, je veux parler de Guillaume Pellicier, évêque de Maguelonne, qui se rendait à Rome pour hâter le transfert du siège épiscopal de Maguelonne à Mont­ p e llie r1. Le départ de Lyon dut s’effectuer le 15 ou le 16 juillet. L e 18, toute la troupe était à Carmagnolla, dans le marquisat de Saluces. Longeant ensuite les dernières pentes de l’Apennin, on passa par la Mirandole. La première halte importante fut à Ferrare, où Jean du Bellay avait pour mission d’accorder le duc et la duchesse et de calmer l’animosité du duc Hercule contre Mme de Soubise, la gouvernante de la duchesse Renée. On s’arrêta quatre ou cinq jours à Ferrare (22-26 juillet) et c’est de là, à la date du 26 très probablement, que Rabelais

1. Voir A. Tausserat-Radel, Correspondance politique de Guil­ laume Pellicier, introduction, p. xxx. Guillaume Pellicier, indépen­ damment de ses séjours à' la cour, avait pu voir Jean du Bellay à Montpellier et à Marseille, d’août à novembre 1533. Voir encore L. Guiraud, Le procès de Guillaume Pellicier, évêque de Mague- lonne-Montpellier de 1527 à 1567, Paris, 1907, p. 21-22. écrivit une première lettre, aujourd’hui perdue, à l’évêque de Maillezais1. La cour de Ferrare était à ce moment l’une des cours les plus cultivées d’Italie. Rabelais put y rencontrer plusieurs humanistes réputés, tels que le médecin G. Manardi, dont il s’était fait l’éditeur en 1 5322, Celio Calcagnini et le poète Lilio Gregorio Giraldi3. Mais il y rencontrait surtout des compatriotes4 . Je ne parle pas des dames, Michelle de Saubonne, dame de Soubise, et ses deux filles, Anne de Par- thenay, dame de Pons, et Renée de Parthenay; mais l’ambas­ sadeur de France était l’évêque de Limoges, Jean de Langeac, caractère un peu aventureux et esprit pointu, dont le duc sup­ portait assez mal la présence, car il voyait en lui plutôt un espion qu’un diplomate5. Enfin, depuis le mois de mai, deux Français, pour échapper aux mêmes persécutions qui, selon notre hypothèse, avaient contraint Rabelais à se « terrer », s’étaient réfugiés à la cour de Ferrare : Clément Marot, valet de chambre du roi, et Lyon Jamet, « clerc des finances ». A tous deux la bonne Renée, qui ne pouvait voir un Français mal­ heureux sans être attendrie, avait donné un vague emploi de secrétaire, aux appointements de deux cents livres6. Et tandis que Marot, non sans une pointe de scandale, faisait les délices de la petite cour ferraraise, Lyon Jamet réussissait à s’insinuer dans les bonnes grâces du duc sans perdre celles de la

1. Nous avons du 26 juillet deux lettres de Jean du Bellay, l’une à François Ier(Bibl. nat., ms. fr. 5499, fol. 204 v°-207 r°), et l’autre à Jean Breton, sieur de Villandry (Bibl. nat., ms. fr. 3ooo, fol. 20). C’est le même courrier qui dut emporter les lettres de Rabelais. 2. Sur cette édition des Epistolae medicinales Manardi, Séb. Gryphe, 1532, in-8°, voir J. Plattard, Les publications savantes de R abelais, dans la Revue des É tu des rabelaisiennes, t. II (1904), p. 67-70. 3. A. Tilley, François Rabelais, p. 62. Voir encore A. Heulhard, op. cit., p. 60; O. Douen, Clément Marot et le psautier huguenot, t. I, ch. vi ; B. Fontana, Renata di Francia, Rome, 1889, t. I, ch. v et vi. 4. Voir dans E. Rodocanachi, Renée de France, duchesse de Fer­ rare, p. 84, n. I, la com position de la maison de Renée en 1535. 5 . Jean de Langeac avait été envoyé à Ferrare le 27 février 15 3 5 . Bibl. nat., ms. fr. 15 6 3 2 , n° 5 6 ; B. Fontana, op. cit., t. I, p. 209. Cf. Catalogue des actes, III, n° 7566. 6. E. Rodocanachi, op. cit., p. 97, note 3. duchesse. Au début de janvier 1536, il sera envoyé à Rome, investi d’une mission de confiance1. De Ferrare, Jean du Bellay tira droit sur Rome, où il arri­ vait avec sa suite le 31 juillet ou le 1er août. Dès le 2, il parlait en consistoire2. Il retrouvait, ainsi que Rabelais, des figures de connaissance parmi ceux qui, depuis plus de deux mois, attendaient impatiemment le nouveau cardinal. L’ambassadeur était toujours l’évêque de Mâcon; il était toujours flanqué du secrétaire Raince, aussi prolixe qu’autrefois, bien que depuis l’avènement de Paul III il eût perdu une partie de son ancien crédit et qu’il inspirât moins de confiance3. Étaient encore là aussi Marrette, un homme de confiance de Jean du Bellay qui l’enverra en septembre auprès du duc d’Urbin régler une affaire délicate4, et André Cave, le scripteur apostolique, qui en juin s’était offert pour aller porter le chapeau à l’évêque de Paris5. Un nouveau venu s’était joint à la clientèle expectante de l’envoyé du roi de France, le protonotaire Jean de Monluc, qui avait pris un petit emploi pour subsister, en attendant mieux de son futur protecteur6.

1. Voir la lettre de Rabelais du 15 février 1536; B. Fontana, op. cit., t. I, p. 379-380. Tandis que Clément Marot, vers le milieu de 1536, revint en France par Venise, Jamet demeura à Ferrare. B. Fontana, op. cit., t. I, p. 401. 2. Carlo Capasso, La politica di papa Paolo III e l’I talia, t. I, p. 13o. 3. L’évêque de Mâcon à Jean du Bellay, Rome, 9 novembre 1534; Jean du Bellay au cardinal de Lorraine et à Montmorency, 3 et 11 septembre 1535. Bibl. nat., Dupuy 265, fol. 182-183; ms. fr. 5499, fol. 219 v°-224 r°. 4. On trouvera dans le fonds Dupuy plusieurs lettres de ce per­ sonnage à Jean du Bellay, Rome, 15 avril [1534], 14 mai [1535J, 1er juin [1535], vol. 264, fol. 152, 155-156, 153-154. Les instructions qui lui furent données lorsqu’il fut envoyé auprès du duc d’Urbin, le 17 septembre 1535, sont à la Bibl. nat., ms. fr. 5499, fol. 227 v°- 23o r°. 5. Marrette à Jean du Bellay, 1er juin [1535]. Bibl. nat., Dupuy 264, fol. 153-154. 6. « Sur le bruit de vostre venue, le pauvre M. de Montluc s’est arresté, qui ne ose prendre hardiesse de vous escripre, mais il me prie bien fort que j’entende s’il vous plaira l’accepter en vostre ser­ vice... Il a prins une lecture en ceste ville dont lesdictz seigneurs d’icelle luy donnent cent escuz bien payez par quartiers et ainsi il attendra ce qu’il vous plaira respondre... » Lettre de Marrette, du C’est dans ce milieu que Rabelais allait passer plusieurs mois. Pendant toute la durée de son ambassade, Jean du Bel­ lay ne s’absenta de Rome que quelques semaines, du 3 sep ­ tembre au 8 octobre, pour suivre, en compagnie de l’évêque de Mâcon, le Pape qui se rendit à Pérouse afin de pacifier le pays. Rabelais accompagnait-il son protecteur? Nous ne sau­ rions le dire, mais il est probable que les ambassadeurs lais­ sèrent la plus grande partie de leur train à Rome et que Rabe­ lais n’eut pas à se déplacer. Il n’avait à pourveoir qu’à son logement et à son entretien, « louage de meubles de chambre et entretenement de habillement », car il mangeait soit chez le cardinal du Bellay, soit chez l’évêque de Mâcon. Vivant à l’ambassade, il était là au centre des nouvelles et pouvait transmettre à l’évêque de Maillezais des renseignements cir­ constanciés sur ce qui parvenait aux représentants du roi de France. Ses informations, parfois très détaillées, sont généra­ lement exactes : les erreurs ou les confusions portent sur des faits peu importants et qui se sont passés à distance. Ses lettres concordent presque toujours avec celles de Jean du Bellay et de l’évêque de Mâcon et aussi avec celles des agents étran­ gers qui se trouvaient également à Rome à la même date. Et les courriers ordinaires ou exprès, comme les sieurs de Montreuil, de Baugy, d’Espercieu, emportaient ses lettres, en même temps que celles des ambassadeurs : le port ne lui en coûtait rien et était bien plus sûr que par l’intermédiaire des banques, au moins jusqu’à Lyon. Double avantage pour

1er juin. Cf. Raince à Jean du Bellay, 22 mai 1535. Bibl. nat., Dupuy 265, fol. 312. Jean de Monluc fut en effet chargé d’un cours de théologie à la Sapienza de Rome : son nom se trouve sur un rôle des professeurs pour l’année 1535. É. Picot, Les Français ita­ lianisants au X V I ° siècle, t. I, p. 251-269; t. II, p. 357. — Jean du Bellay le trouva « gentil personnaige » et, sur la recommandation de la reine de Navarre, essaya de le faire adjoindre à messer Ambro- gio di Recalcatis, secrétaire du Pape, « pour compaignon ès charges d’affaires », « et estoit chose conclutte; ce paillard Raince l’a sceu et l’a rompu et persuadé qu’il estoit luthérien et serviteur de ladicte royne. Ce sont de ses tours. » Jean du Bellay à Chabot de Brion, 26 décembre 1535. Bibl. nat., ms. fr. 5499, fol. 263 v°. — C’est éga­ lement à cette époque que, d’après la plupart des biographes, Jean du Bellay et Rabelais auraient noué des relations avec Philibert Delorme, le futur architecte de Saint-Maur. Voir A. Heulhard, op. cit., p. 79-80, et H. Clouzot, Saint-Maur, etc., dans la Revue des Etudes rabelaisiennes, t. VII (1909), p. 274-275. Rabelais qui était désireux de satisfaire Geoffroy d’Estissac et de débourser peu, car il paraît avoir été plutôt mal pourvu de deniers. Il profita de son retour à Rome pour renouer des relations avec ceux qu’il avait connus en 1534 et pour s’en créer de nouvelles. Beaucoup de cardinaux formaient autour de l’en­ voyé extraordinaire du roi de France comme une clientèle dans laquelle Rabelais avait sa place. L’évêque de Faenza, Rodolfo Pio de Carpi, avait été au début de l’année envoyé comme nonce en France. Mais « la part françoise » comprenait encore de nombreux représentants : Agostino Trivulzio, ancien légat en France, , « un grant serviteur du Roy et des plus advisez et utiles » dans le Sacré-Collège, Palmieri, à qui Jean du Bellay avait apporté 1,000 écus, Giovani Saraceni, évêque et cardinal de Matera, Domenico Cupi, cardinal de Trani, Grimani, qui fut désigné comme légat à Pérouse, le cardinal de Pistoia. Rabelais, dans ses lettres, en nomme deux, dont il put apprécier personnellement les bons offices, Ghi- nucci, juge du palais, et Simonetta, auditeur de la Chambre : grâce à eux, il put obtenir plus aisément et à moins de frais le bref d’absolution qu’il sollicitait1. Plus encore que ces princes de l’Église, peu fiers d’ailleurs lorsqu’il s’agissait d’obtenir les bonnes grâces des agents du roi de France, Rabelais dut fréquenter les humanistes de la cour palatine, qu’avaient attirés chez Jean du Bellay « sa répu­ tation méritée de fin lettré, sa libéralité envers les artistes et les poètes et le beau renom que s’était fait le roi, son maître »2. Nous avons déjà cité Francesco Modesti. Une lettre de Guil­ laume Pellicier au cardinal du Bellay, du 7 août 15363, nous fournit d’autres noms : Christophe Conteleon, de la « famille » du cardinal Niccolô Ridolfi, Nicolas Petros, de la « famille » du cardinal Francesco Pisani, Agostino Steuco, de Gubbio, qui fut plus tard bibliothécaire de la Vaticane4, enfin Fausto

1. Lettre du 3o décembre 1535. 2. Léon Dorez, Une lettre de Guillaume Pellicier, évêque de Maguelonne, au cardinal Jean du Bellay, dans la Revue des biblio­ thèques, t. IV (1894), p. 233-234. 3. Reproduite dans l’article de M. Dorez cité à la note précédente (loc. cit., p. 232-240) et, d’après cet auteur, par M. Tausserat-Radel, Correspondance de Guillaume Pellicier, introduction, p. xxvii, n. 4. 4. Steuco devint bibliothécaire de la Vaticane le 24 octobre 1538. Sabeo, custode de la Vaticane depuis Adrien VI, « poète de talent, mais quémandeur plus insigne encore »1. Ce dernier, évêque de Kisamos(?), ne serait-il pas cet « evesque de Cara- mith, celuy qui en Rome feut » le « précepteur en langue arabique » de Rabelais? A cette liste, il convient d’ajouter encore Antonio Tebaldeo2, une célébrité poétique, dont l’œuvre sera imitée par les poètes de la Pléiade, en particulier, et que sa haine contre l’Empereur rendait ardent partisan de la France; et Paul Sadolet, le neveu de l’évêque Carpentras, que celui-ci envoya à Rome en décembre 1535 pour se disculper d’une accusation d’hérésie portée contre lui à propos de son Commentaire de l’Épître de saint Paul aux R o m ain s3. Ces rapports avec les humanistes et l’étude de la « langue arabique » n’absorbèrent pas tous les instants de Rabelais. Il était venu à Rome afin de poursuivre la solution d’une affaire personnelle et que les circonstances rendaient plus urgente. Rabelais était loin d’être dans une situation régulière au point

Voir E. Müntz, La bibliothèque du Vatican au XVI° siècle, p. 92. Voir deux lettres de lui à Jean du Bellay, 31 octobre et 18 novembre 1536. Bibl. nat., Dupuy 264, fol. 41 et 43. 1. E. Müntz, op. cit., p. 31-33, 64, 99. 2. Voir Léon Dorez, Antonio Tebaldeo, les Sadolet et le cardinal Jean du Bellay, dans le Giornale storico della letteratura italiana, t. XXVI (18g5), p. 384-389. Voici deux textes tirés des Lettere di Principi, t. III, fol. 37-38, intéressants sur cet écrivain, lettres de Nigri à M. A. Micheli, Rome, 8 décembre 1535 : « Il Tebaldeo ha una indispositione di difficolta d’urina, et dice che hora può esser caval- liere di San Giovanni perche può giurare et servar castita; si dubita della pietra, ma non vuol chiarirsi per manco molestia. » Rome, 17 janvier 1536 : « Il Thebaldeo vi si raccomanda : sta in letto ne ha altro male che non aver gusto del vino; fa Epigrammi più che mai ne gli manca a tutte l’hore compagnia di letterati. È fatto gran francese, inimico dell’ Imperatore implacabile. » Tebaldeo mourut le 4 décembre 1538. Pour son influence sur les poètes de la Pléiade, et Joachim du Bellay en particulier, voir J. Vianey, Le pétrarquisme en France au X V I° siècle, 1909, p. 21-25, 37-41, 46-48, 81-83, 189-191, 201-2o3, 220-221, 23o-231, 257-258, 266. 3. Paul Sadolet arriva à Rome vers la fin de novembre ou le début de décembre. Nigri annonce sa présence dans sa lettre du 6 décembre. Le 17 janvier 1536, il écrit que Paul Sadolet est parti depuis quatre jours. L’évêque de Carpentras remercia peu après le cardinal du Bellay de ce qu’il avait fait pour son neveu. J. Sadoleti... Opera quae exstant omnia... Vérone, 1737, t. I, p. 126. de vue ecclésiastique. Il s’était rendu coupable d’apostasie par rapport à la règle de l’Église, puisqu’il avait, sans la permis­ sion de son supérieur, quitté sa robe de moine, erré par le monde en habit de prêtre séculier et pris ses grades de méde­ cin. Il est possible qu’il eût déjà demandé l’absolution de sa faute au pape Clément VII; mais il n’avait encore rien obtenu et depuis il s’était produit des faits qui avaient éclairé Rabe­ lais sur les inconvénients de cette position fausse. Par ce temps de réaction et de persécution religieuse, il pouvait tout craindre d’un ennemi ou simplement d’un envieux. Il était donc indispensable de se mettre en règle. C’est dans ce but qu’il présenta à la chancellerie pontificale une Supplicatio pro apostasia et demanda son absolution1. Dans sa lettre du 3o d é ­ cem bre 1535, il donne quelques détails sur ses démarches et les appuis qu’il a rencontrés. « Mon affaire a esté concédé et expedié beauçoup mieux et plus seurement que je ne l’eusse souhaitté, et y ay eu ayde et conseil de gens de bien, mesme- ment du cardinal de Genutiis, qui est juge du Palais, et du cardinal Simoneta, qui est auditeur de la Chambre et bien sçavant et entendant telles matières. Le Pape estoit d’avis que je passasse mondict affaire per Cameram. Les susdictz ont esté d’advis que ce fust par la cour des contredicts, pour ce que in foro contentioso elle est irrefragable en France, et quae per contradictoria transiguntur transeunt in rem judicatam, quae autem per Cameram et impugnari possunt et in judicium veniunt. En tout cas, il ne me reste que lever les bulles sub plumbo. Monseigneur le cardinal du Bellay ensemble monsei­ gneur de Mascon m’ont asseuré que la composition me sera faicte gratis, combien que le Pape, par usance ordinaire, ne donne gratis fors ce qui est expedié per Cameram. Restera seulement à payer le referendaire, procureurs et aultres tels barbouilleurs de parchemin... » L e 17 janvier 1536, Rabelais obtint le bref d’absolution qu’il sollicitait. Il pouvait rentrer dans un couvent de l’ordre de saint Benoît, à son gré. Ce couvent, il l’avait déjà choisi : c’était celui de Saint-Maur, dont Jean du Bellay avait été pourvu en 1532. C’est à ce moment que se produit un véritable tour de

1. Voir à ce sujet l’excellent article de M. Jacques Boulenger, La supplicatio pro apostasia et le bref de 15 36 , dans la Revue des Études rabelaisiennes, t. II (1904), p. 110- 134, et tirage à part. passe-passe1 qui devait entraîner plus tard une nouvelle Sup- plicatio à Paul III. Clément VII avait accordé, le 13 juin i532, une bulle de sécularisation de l’abbaye de Saint-Maur créant, outre un doyenné, une chantrerie et huit canonicats. Cette bulle n’était pas encore exécutée lorsque fut rendu le bref du 17 janvier 1536. « Jean du Bellay, abbé de Saint-Maur, mit aussitôt son médecin au nombre de ses moines. » Il dut obte­ nir ensuite une nouvelle bulle de Paul III confirmant celle de Clément VII et créant non plus huit, mais neuf canonicats, le neuvième étant pour Rabelais. On trouve en effet son nom lors de l’installation du chapitre de Saint-Maur, le 17 août 1536. Ce jour-là, « l’évêque Jean du Bellay conféra la chan­ trerie de cette nouvelle collégiale à Catherin Deniau, avec une prébende, les huit autres prébendes à Denis Camus, Jean Chandelou, Jean Lucas, Louis Mazallon, Philibert Friant, Jacques du Fou, Louis de Venoy et François Rabelais, doc­ teur en médecine... Ces neuf personnes étaient les religieux même de la maison ». Pendant que son affaire suivait son cours à la chancellerie pontificale, et mieux encore lorsqu’elle fut résolue, Rabelais songeait à être agréable aux amis qu’il avait laissés en France. Au libraire Parmentier et à sa femme, il adressait de menues curiosités en même temps que les « nouvelletez de par deçà »2. A l’intention de l’évêque de Maillezais, il recueillait non seu­ lement les nouvelles, les brochures intéressantes, les gravures curieuses et les amusants pasquils par où se manifestait l’es­ prit satirique du peuple romain, mais encore, car Geoffroy d'Estissac était grand amateur de jardins, des graines de plantes utiles ou curieuses, salades de Naples, nasitord ou arouses, cardes, melons et citrouilles, ou encore œillets d’Alexandrie, violes matronales, herbe à tenir les chambres fraîches que les Italiens appelaient belveder3. A Mmc d’Estis- sac, la jeune nièce de l’évêque, il destinait certaines médecines et « mille petites mirelificques à bon marché » qu’on appor­ tait de Chypre, de Candie et de Constantinople4. Ces bons

1. L’expression est de M. Henri Clouzot. Voir son article sur Saint- Maur, paradis de salubrité, aménité... et délices, dans la Revue des Études rabelaisiennes, t. VII (1909), p. 262-267. 2. Lettre du 28 janvier 1536. 3. Lettres du 3o décembre 1535 et du 13 février 1536. 4. Lettre du 15 février 1536. souvenirs et ces petits cadeaux entretenaient l’amitié et sollicitaient les « aulmosnes » de ses protecteurs, dont il avait par ailleurs grand besoin. La recherche des « anticailles » lui prit aussi une partie de son temps. Jean du Bellay employait à recueillir les débris d’art antique les loisirs que lui laissaient les négociations dont il était chargé1. Il collectionnait non seulement pour lui, mais aussi, comme dans sa première mission, pour le grand maître Anne de Montmorency2, pour le secrétaire Jean Breton, sieur de Villandry3. Nul doute que Rabelais ait été associé à ces investigations. Les promenades à travers Rome offraient en outre à sa curiosité amusée des spectacles nouveaux et du plus haut intérêt. Il assista aux préparatifs que faisaient le Pape et les Romains en vue de la réception prochaine de l’Empereur. Il a noté l’inquiétude de tout ce peuple chez qui était encore vivant le souvenir des ravages commis huit ans auparavant par les bandes du connétable de Bourbon, la mauvaise volonté des habitants, les maisons et les monuments abattus pour ouvrir à Charles-Quint une route plus pompeuse à travers la Ville Éternelle. « C’est pityé de veoir la ruine des maisons qui ont

1. C’était une passion dont l’ambassadeur de Venise était égale­ ment atteint. « Il clarissimo Bragadino diventa il maggior antiqua- rio di Roma; tutto il tempo que gli sovravanza lo spende per queste rovine, perscrutando ogni cosa minutamente col libro del Fulvio in mano. Sta molto splendidamente et fa grande honor all’ off icio suo. » H. Nigri à M. A. Micheli, Rome, 6 décembre 1535. Lettere di Principi, t. III, fol. 36. 2. Montmorency lui écrivait de Villers-Cotterets, le 26 juillet 1535 : « Je ne veulx oublier à vous advenir que j’ay faict aranger toutes mes testes et médaillés à Chantilly qu’il fait merveilleusement bon veoir; mais il reste des places vuydes. Vous sçavez que c’est à dire et que vous me ferez grant plaisir si cependant que vous estes par delà vous me vueillez ayder à les remplir. » Bibl. nat., Dupuy 265, fol. 236. Voir encore un texte intéressant cité dans E. Müntz, Les antiquités de la ville de Rome aux XI°, V°, X V° et XVI° siècles, Paris, 1886, p. 57 : il s’agit d’une statue de Vénus et de bustes des­ tinés à Montmorency. 3. Dans une lettre à Jean du Bellay du 26 janvier 1536, Breton accuse réception d’une lettre du 10 et le remercie « de la bonne souvenance que avez eue et avez encore de moy en matiere d’anti­ quailles, dont je me sens merveilleusement tenu à vous, oultre les aultres obligations que je vous ay de longtemps ». Bibl. nat., Dupuy 265, fol. 263. esté demolliez, et n’est faict payement ny recompense aulcune ès seigneurs d’ycelles1. » Ici la question se pose de savoir si Rabelais a vu, de ses yeux vu, l’entrée à Rome de Charles-Quint, pour qui la ville était en tel émoi. Cette entrée ayant eu lieu le 5 avril, cela revient à se demander à quelle date Rabelais repartit pour la France ? Nous avons prouvé ailleurs2 que Jean du Bellay quitta préci­ pitamment son poste le 29 février 1536. Sans avoir mis personne dans la confidence, que le Pape très probablement, il partit en compagnie de quelques hommes de guerre qu’il avait gagnés au parti français, San Pietro Corso, Jean de Turin, Stefano Colonna, en tout douze chevaux. A l’ambassade, la consigne fut de déclarer que le cardinal était malade et gardait la chambre. Autant de raisons, croyons-nous, qui excluent l’idée que Rabelais, dans ces circonstances, ait accompagné son protecteur3. Il est infiniment probable qu’il demeura à Rome encore quelque temps avec la « famille » de Jean du Bellay. D’ailleurs, l’évèque de Paris n’était pas parti sans espoir de retour : il avait promis au Pape, — et nous ne voyons pas pourquoi il n’aurait pas été sincère, — de revenir bientôt. C’est seulement à Lyon que François Ier décida de le garder près de lui et d’envoyer comme ambassadeur extraordinaire, pour négocier avec Charles-Quint et Paul III, le cardinal de Lorraine. Le 2 avril, l’évêque de Mâcon et Raince, d’ordre de François 1er, informèrent le Pape que la mission de Jean du Bellay était terminée et n’aurait pas de suite. Alors la « famille » du cardinal n’eut plus de raison de rester à Rome. Tandis que les bagages prenaient la voie de mer, les serviteurs obtenaient de Paul III un sauf-conduit et le 11 avril se mettaient en route pour la France4. Rabelais était sans doute du nombre. Il avait donc pu assister aux manifestations et aux cérémonies qui marquèrent les premiers jours de l’entrevue de l’Empereur avec le Pape.

1. Lettre du 28 janvier 1536. 2. Le cardinal Jean du Bellay en Italie, p. 79-84. 3. M. Heulhard croit au départ de Rabelais en même temps que Jean du Bellay. « Rabelais, son complice, l’accompagnait certaine­ ment ». Op. cit., p. 88. Tilley, op. cit., p. 67, est du même avis. 4. Voir, à l’appendice II, le texte du sauf-conduit tiré des Archives du Vatican et la lettre de Charles Juvénal des Ursins du 12 avril [ 1536]. Rabelais rejoignit son patron à Lyon, où la cour était depuis quelque temps déjà. Le 21 juillet, Jean du Bellay fut nommé gouverneur de Paris et de l’Ile-de-France; il est à peu près sûr que Rabelais l’accompagna dans ce nouveau poste. Nous avons vu qu’il fut installé comme chanoine de Saint-Maur le 17 août 1536. On le trouve encore à Paris en février 1537, puisqu’il est cité parmi les convives du banquet donné en l’honneur de Dolet1. Après cette date, Rabelais s’en va à Mont­ pellier. Nous n’avons pas à le suivre dans ses nouvelles péré­ grinations. Notre but était seulement de rassembler tous les renseignements relatifs à ses deux premiers séjours en Italie et d’examiner tout ce qui pouvait éclairer l’origine et l’impor­ tance des trois lettres qui nous sont restées de la correspon­ dance envoyée de Rome à l’évêque de Maillezais.

II.

Les trois lettres du 3o décembre 1535, du 28 janvier et du 15 février 1536 ne représentent qu’une faible partie de la cor­ respondance échangée entre Rabelais et Geoffroy d’Estissac. Elles avaient été précédées de plusieurs autres qui sont mention­ nées dans celles qui nous ont été conservées. En rassemblant ces mentions, MM. Heulhard et Boulenger2 ont pu en dresser la liste, et si l’on considère que Rabelais usait pour ses lettres des mêmes courriers qui emportaient celles de Jean du Bellay et de l’évêque de Mâcon, il est possible d’en donner les dates avec quelque précision, pour celles où Rabelais ne l’a pas fait. On aurait ainsi la liste suivante : 1° une lettre envoyée de Fer-

1. R. Copley Christie, Étienne Dolet, trad. Stryienski, p. 29g. — Le même biographe déclare un peu plus loin, p. 366 : « Ce fut pro­ bablement en 1537, au retour du second voyage que Rabelais fit à Rome avec le cardinal du Bellay, que Rabelais envoya à Dolet la recette du mystérieux Garum des anciens, sorte de sauce dont la composition avait été inconnue jusque-là. Cet envoi était accompa­ gné d’un court poème en vers élégiaques; c’est l’une des rares pièces de vers latins que nous ayons de Rabelais. » La réponse de Dolet se trouve dans ses Carmina de 1538. 2. A. Heulhard, op. cit., p. 52-53; Jacques Boulenger, Etude cri­ tique sur les lettres écrites d’Italie par François Rabelais, dans la Revue des Études rabelaisiennes, t. I (1903), p. 97-121, notamment à la p. 100. rare (le 26 juillet 1535) ; 2° une lettre écrite de Rome avec un chiffre (probablement vers le 18 août 1535) ; à ces deux lettres, Geoffroy d’Estissac répondit avant décembre; 3° et 4° deux lettres des 18 et 22 octobre 1535, contenant « les quatre signa­ tures concernantes les benefices de frere dom Philippes », avec réponse du 2 décembre ; 5° une lettre du 29 novembre, avec réponse du 10 janvier 1536 ; 6° une lettre du 3o décembre 1535; 7° une lettre du 28 janvier 1536; 8° une lettre du 15 fé­ vrier 1536. Nous n’avons plus que les trois dernières de ces lettres. Dans l’examen critique de ces lettres, une question primor­ diale se pose : sont-elles authentiques ? Il convient de remar­ quer tout d’abord que nous n’avons pas les originaux. Deux manuscrits nous ont conservé le texte, l’un des trois lettres, l’autre d’une seule, celle du 28 janvier 1536. Le premier de ces manuscrits, le vol. 606 de la collection Dupuy, fol. 63-8o, se donne comme une copie faite d’après les originaux, et l’écri­ ture en est de la première moitié du xvne siècle1 ; le second est une pièce faisant partie de la collection Morrison2, qui porte en tète, d’une écriture qui paraît être de la fin du xviie siècle ou du début du xviiie : Original à l’evesque de Maillerais à Rome. Elle est imprimée. En dépit de cette indication, d’ail­ leurs très postérieure, il s’en faut que cette lettre soit vérita­ blement originale. Elle n’est certainement pas de l’écriture de Rabelais; la signature ne ressemble à aucune de celles que nous connaissons de lui. Avec M. Jacques Boulenger, qui a examiné minutieusement la question et dont l’argumentation nous paraît péremptoire3, nous croyons que c’est « une copie

1. Trois lettres de M. François Rabelais transcriptes sur les ori­ ginaux. Escriptes à Rome, 1536. C’est le texte qu’a reproduit Marty-Laveaux. 2. Le fac-similé en a été donné au tome I (19o3) de la Revue des Etudes rabelaisiennes, avec un article de M. Abel Lefranc : Les lettres de Rabelais dans les collections Fillon et Morrison et notre fac-similé, id., p. 93-96. On le trouvera reproduit plus loin. 3. Jacques Boulenger, Etude critique, etc. Nous renvoyons une fois pour toutes à cette excellente étude, qui nous a permis d’abord de laisser de côté la discussion sur la question des dates et sur les divisions des lettres introduites par les frères de Sainte-Marthe et d’abréger l’examen des variantes. Notre travail est complémentaire de celui de M. Boulenger. contemporaine » ; peut-être avons-nous affaire à un déchiffre­ m ent. Dans ces conditions, on est fondé à rechercher si l’on n’a pas affaire à un document apocryphe. La forme ne laisse pas que d’inspirer quelques soupçons. Le texte en est terne, par­ fois embrouillé et confus. Mais Rabelais ne serait pas le pre­ mier écrivain dont l’œuvre, travaillée et destinée au public, présenterait de notables différences et une supériorité marquée sur des lettres écrites au courant de la plume et sans arrière- pensée de publicité1. On a relevé encore l’absence de toute for­ mule protocolaire et le ton dégagé avec lequel l’auteur désigne les cardinaux et le Pape lui-même. Il est vrai qu’il « ne paraît rien moins qu’aveuglé par le respect ». Mais il ne faut pas oublier qu’il s’agit avant tout d’une correspondance familière, et dans les correspondances de l’époque, celles qui ne sont pas officielles, on ne s’y exprime guère autrement. D’ailleurs, il est possible que les lettres, telles que nous les avons, ne reproduisent pas, avec une fidélité littérale, constante et absolue, le texte même de Rabelais. Les critiques de forme ne prendraient une valeur probante que si elles étaient corrobo­ rées par des critiques de fond; si l’on saisissait des erreurs de faits évidentes, des inexactitudes flagrantes, notamment à propos des personnages, quelques-uns fort secondaires, et des événements, plusieurs bien peu importants, dont il est ques­ tion dans ces lettres. Ce contrôle est facile, car les termes de comparaison ne manquent pas. Pour les quelques mois entre lesquels s’éche­ lonnent nos trois lettres, nous avons d’abord les correspon­ dances des ambassadeurs de France à Rome, l’évêque de Màcon et Jean du Bellay, complétées par celle de leur col­ lègue auprès de Charles-Quint, Claude Dodieu, sieur de V ély2.

1. Voir au sujet de cette différence entre les deux styles de Rabe­ lais les observations judicieuses de M. Plattard, Le Quart Livre de Pantagruel, p. 15, 22-23. M. Abel Lefranc a insisté, dans ses cours du Collège de France, sur les différents styles employés par Rabe­ lais, dans les lettres, discours, récits et dialogues de son roman. 2. La correspondance de l’évêque de Mâcon avec le chancelier Dubourg est en original à la Bibl. nat., Dupuy 3o3; celle de Jean du Bellay avec le roi, Montmorency, etc., est en copie (sur minutes) ms. fr. 5499; quelques lettres de Dodieu à Jean du Bellay se trouvent en original, Dupuy 265. Rabelais mentionne à peu près les mêmes événements, il fait pour ainsi dire écho à ce qu’écrivent de leur côté ces person­ nages officiels. Nous n’avons constaté que quelques diver­ gences de détail très minimes1 et qui s’expliquent presque toujours, soit parce que les événements s’étant produits hors de Rome, quelquefois assez loin, l’information de Rabelais était insuffisante2, soit parce que Rabelais, à ce qu’il semble bien, écrivait sinon au jour le jour, du moins par tranches, au fur et à mesure que les nouvelles lui parvenaient3; une fois au moins, il s’agit même tout simplement d’un lapsus calami évi­ dent4. Mais, dira-t-on, ces similitudes peuvent provenir tout simplement de ce que le faussaire connaissait les correspon­ dances dont nous faisons état et qu’il en a su tirer parti. Pour réduire à néant cette objection, il suffira de comparer les lettres de Rabelais à d’autres documents, dont le prétendu faussaire n’avait guère les moyens de disposer, aux correspondances d’agents étrangers résidant à Rome à la même époque et con­ servées dans les dépôts d’archives où l’on a songé seulement de nos jours à les aller chercher. C’est ainsi que nous avons con­ fronté Rabelais avec l’ambassadeur de Venise à Rome, Lorenzo Bragadin5. On trouvera dans nos notes les textes mis en pré­ sence. Toujours l’opération a tourné à l’avantage de Rabelais. Pour un assez grand nombre de faits, sur lesquels les corres­ pondances des agents français étaient muettes, les dépêches vénitiennes confirment et corroborent les lettres adressées à

1. Ainsi Rabelais écrit que Doria, arrivé à Naples, n’y est demeuré que trois jours et est reparti avec 29 galères; d’après l’évêque de Mâcon, il serait arrivé avec 28 galères qui seraient reparties sans lui trois jours après; — Rabelais dit que le cardinal de Trente arriva le 5 février 1536, l’évêque de Mâcon dit le 4. 2. Ainsi pour le prince de Piémont qu’il fait mourir à Naples, alors qu’il mourut à Madrid : il confond avec le service funèbre. 3. C’est l’avis d’Arthur Tilley, François Rabelais, p. 63. On en trouvera des preuves dans les notes. 4. Lorsqu’il écrit « Messieurs les cardinaulx du Bellay et de Mas­ con »; l’évêque de Mâcon n’obtint le chapeau de cardinal que le 22 décembre 1536. 5. La correspondance de Bragadin est à l'Archivio de’ Frari à Venise. Nous avons eu déjà l’occasion de l’utiliser pour notre étude sur Le cardinal Jean du Bellay en Italie (juin 1535-mars 1536), dans la Revue des Etudes rabelaisiennes, t. V (1907). Geoffroy d’Estissac : ainsi pour la réception d’Alexandre de Médicis, pour l’arrivée des ambassadeurs de Venise ou de Sienne envoyés au Pape, pour la mort de Renzo da Ceri, etc. Il y a là tout un ensemble de concordances qui excluent l’idée d’une fabrication. Que l’on compare les lettres de Rabelais de 1535-1536 avec celles qu’on lui a fait écrire, d’Italie encore, en 15381 et du premier coup d’œil l’on sera frappé du contraste qui existe entre une falsification même éruditè et une corres­ pondance sans prétention, mais authentique. Nous pouvons donc utiliser sans inquiétude ces lettres. Mais quel texte en est le meilleur ? Nous possédons, avons-nous dit, deux textes manuscrits, le texte de la collection Morrison, que nous désignerons par la lettre M, et celui de la collection Dupuy, que nous désignerons par la lettre D. Il faut y ajouter deux éditions, publiées la première à Paris en 1651 par les soins des frères Sainte-Marthe2, la seconde à Bruxelles en 17103. Cette dernière est une simple reproduction de la pré­ cédente pour le texte de Rabelais, avec quelques corrections et compléments indiqués en marge par un indice pour les notes : elle est donc pratiquement négligeable. C’est par con­ séquent entre les deux textes manuscrits et celui de l’édition (désignée par E) qu’il nous faudra choisir. Voyons d’abord quels rapports existent entre les deux manuscrits. Le ms. D prétend reproduire l’original. Le ms. M n’est pas à proprement parler un original, mais peut à la

1. Ce sont les lettres datées de Rome 23 mars et 13 avril et de Plaisance 17 et 21 avril 1538. Voir A. Heulhard, op. cit., p. 104, n. 2. 2. « Les || Epistres || de maistre || François Rabelais || docteur en medecine || escrites pendant || son voyage d’Italie || nouvellement mises en lumière || avec des observations historiques || et l’abrégé de la vie de l’autheur. || A Paris || chez Charles de Sercy au Palais || en la gallerie Dauphiné à la || Bonne Foy couronnée || M DC Ll. || Avec privilège du Roy. » [Le privilège du roi est du 6 janvier 1651; achevé d’imprimer pour la première fois, le 11 mars 1651.] Cf. P.-P. Plan, Bibliographie rabelaisienne, p. 236-237- 3. << Les || Lettres || de || François Rabelais || escrites pendant || son voyage d’Italie, || nouvellement mises en lumière, || avec des obser­ vations historiques par || Mrs. de Sainte-Marthe, || Et un abrégé de la vie de l’autheur. || Edition nouvelle augmentée de plusieurs remarques. || A Brusselle, chez François Foppens, au S. Esprit. || M DCC X. » Cf. P.-P. Plan, op. cit., p. 238-239. rigueur et pratiquement en tenir lieu. Le ms. D reproduit-il le ms. M ou en reproduit-il un autre, qui serait l’original véri­ table ? A première vue, on constate de nombreuses différences entre les deux textes, mais on s’aperçoit vite que ce sont sur­ tout des différences d’orthographe dictées par le visible souci de mettre l’orthographe du texte primitif à la mode du jour. Telles les variantes suivantes, que nous n’avons pas jugé utile de multiplier :

M. D. repceu receu envoiray envoyeray m etz m ects messaigiers m essagers guaingner gaigner batelleurs bateleurs colliege, etc. college, etc.

D’autres variantes méritent qu’on s’y arrête davantage :

M. D. 1. estoit allé avecques estoit avec (allé manque) 2. N um etianus N um etian 3. grizon s qui vont grisons lesquels vont 4. lansquenetz, etc., et les lansquenetz, e tc., les (et manque) 5. dire à dire dire à Dieu 6. me doubte ne doubte 7. extreme furie grande furye 8. haulserent. haussoient.

La variante 5 s’explique par le désir de corriger un lapsus évident du copiste de M ; la variante 4, par la confusion que le copiste de D a sans doute faite de etc. et de e t; les variantes 6 et 8, à la rigueur, par des erreurs de lecture. Les variantes 3 et 7 sont plus difficilement explicables : on ne voit pas pour­ quoi, — serait-ce simplement inadvertance ? — le copiste de D a écrit lesquels pour qui et grande pour extreme. Faut-il sup­ poser que la copie D a été faite non pas sur M, mais sur un autre manuscrit qui aurait été le véritable original? Les variantes 1 et 2 semblent prouver, malgré ce qu’ont d’embarras­ sant les variantes 3 et 7, que M a bien été le prototype de D. Pour la première, allé manque dans D, mais si l’on se rap­ porte au ms. M, on voit que le mot y a été fortuitement barré par un des jambages descendants de l’X de X ainctes qui est immédiatement au-dessus : le copiste de D a dû croire que le mot avait été intentionnellement effacé, comme ç’a été le cas pour d’autres mots ou lettres dans M et que D n’a pas repro­ duits. D’autre part, D porte N um etian; mais dans M le mot est écrit avec abréviation du suffixe final ; seulement cette abréviation est à peine visible; on peut aisément confondre ce signe abréviatif avec un coup de plume quelconque, d’au­ tant plus que les formes Sébastian, Vespasian paraissent pré­ parer la forme N um etian. Il serait bien extraordinaire qu’un manuscrit autre que M présentât en ces deux endroits les mêmes caractères. Nous croyons donc que D a été copié sur M et en reproduit le texte, modifié seulement quant à l’ortho­ graphe. Sur quel texte a été faite la copie qu’ont utilisée pour leur édition les frères Sainte-Marthe ? Ils ne nous en ont absolu­ ment rien dit. L’idée la plus naturelle est, semble-t-il, qu’ils se soient servis de la copie D, puisque c’est, — du moins pour nous, — la seule qui contienne les trois lettres. Une compa­ raison des deux textes prouve qu’il n’en est rien.

L e t t r e I.

D. E. feu dom Ph. frere dom Ph. advis opinion en escript a escript matrats m atelas quelconque quicon ques cour romaine cour de Rome et que le Pape et le Pape (que manque) l’advenue. la venue.

Les différences, pour cette première lettre, sont assez sen­ sibles : elles ne peuvent pas toutes s’expliquer par le désir d’accommoder l’orthographe primitive à la mode du jour. Ainsi copier fr e r e là où il y a fe u dans D ne se conçoit guère; au contraire, on l’admet très bien si l’édition a été faite sur un autre texte que D et où le mot aurait été écrit en abrégé, si bien qu’on pouvait lire soit fe u , soit fr e r e . Cette hypothèse que l’édition dérive non pas de D, mais d’un autre texte manuscrit, se confirme d’une manière frappante si l’on com­ pare les variantes de la lettre 3.

L e t t r e III.

D. E. Salut, etc., en considération Saluz pour et en considération nasecord nasidord mengeue ordinairement m angeu (ordinairement m an­ que). cent cinquante mil quinze m il bailleray [vos lettres premieres Les mots placés entre crochets et quelques jours après bail­ m anquent. leray] vos secondes contraire [le duc de Florence] a esté Loys [Farneze] bastard du pape [Paul troise] Alexandre [la voyoit] doleances [audict pape Ale­ xandre VI].

Comment admettre que les frères Sainte-Marthe, qui étaient d’excellents érudits et des savants de premier ordre, aient ainsi maltraité le texte D, s’ils l’avaient eu sous les yeux? Que de ci de là ils aient oublié un etc. ou quelque adverbe, passe encore, mais qu’ils aient omis des membres de phrases, sur­ tout lorsque le texte en devenait parfaitement inintelligible, comme c’est le cas dans ce dont ils ont fait la lettre XV de leur édition, cela ne nous paraît guère soutenable. Il est donc de toute évidence qu’ils ne se sont pas servi de la copie D. Ont-ils utilisé pour la lettre du 28 janvier 1 536 le texte M, qu’ils pouvaient à la rigueur regarder comme un original? Ici encore, nous nous trouvons en présence de multiples dif­ férences qui portent généralement sur l’orthographe. Mais ces variantes, que nous avons également constatées dans la copie D, ne nous ont pas empêché de conclure à la filiation directe de D par rapport à M. M serait-il donc aussi le prototype de E ? Peut-être, mais pas directement. Sans doute on retrouve dans E un grand nombre de leçons de M, quelques-unes même de celles que ne reproduit pas D : ainsi on a estoit allé avec, quiconques, Numetianus, me doubte, extreme furie. Mais il y a quelques variantes qui, selon nous, prouvent que les frères Sainte-Marthe n’ont pas eu sous les yeux M, mais une copie de M.

M. E. Clement [leur allié et proche Clement, les mots entre cro­ parent] chets manquent. grizons qui vont grisons qui sont X IIc quinze cens mais et.

Ici encore, si l’on peut supposer que par inadvertance les mots leur allié et proche parent aient été sautés, que mais ait été pour la même raison remplacé par et, il est plus difficile d’admettre que les frères Sainte-Marthe aient lu, — le ms. M est très lisible et il n’y a pas d’hésitation à avoir, — sont au lieu de vont et surtout quinze cens au lieu de X IIe. Il nous faut donc recourir à l’hypothèse d’une copie intermédiaire où les chiffres (comme les dates d’ailleurs) auraient été transcrits en lettres et qui aurait été parfois assez défectueuse. C’est à ce copiste, et non aux frères Sainte-Marthe, que seraient impu­ tables les erreurs et les lacunes. Concluons : pour la lettre du 28 janvier 1536, M a été le prototype de D, qui en dérive immédiatement, et peut-être de E, qui n’en dérive en tout cas que par l’intermédiaire d’une copie dont l’orthographe est parfois plus archaïque que celle de D, mais qui est moins bonne dans l’ensemble. Pour les deux autres lettres, D et E sont indépendants l’un de l’autre ; D reproduit l’original (ou soi-disant tel) directement, tandis que E n’en dérive, ici encore, que par l’intermédiaire d’une copie d’une orthographe parfois plus proche de l’original, mais assez défectueuse au total. Le schéma suivant fera apparaître la filiation des trois textes :

Pour reconstituer, avec la plus grande approximation pos­ sible, le texte de Rabelais, en d’autres termes pour établir notre édition critique des lettres écrites d’Italie, nous avons reproduit la lettre du 28 janvier 1536 d’après le ms. M; pour les lettres du 3o décem bre 1535 et du 15 février 1536, nous avons pris pour base la copie D, en y introduisant les leçons de E lors­ qu’elles paraissent plus archaïques. Pour les trois lettres, nous avons soigneusement mentionné en notes toutes les variantes, celles de la seconde lettre servant pour ainsi dire de contre- épreuve aux variantes de la première et de la troisième, et toutes permettant de contrôler notre choix. Nous ne pouvons pas d’ailleurs nous flatter d’avoir reconstitué ces lettres dans la forme même que leur avait donnée Rabelais, puisque nous avons affaire à des copies et non à des originaux et que, comme on l’a très bien dit1, « il est très possible que ce copiste ait fait des changements à l’original qu’il avait sous les yeux, soit par inadvertance, soit volontairement, pour abré­ ger ou pour toute autre raison ». Sous cette réserve, qui touche surtout à la forme littéraire plutôt qu’au fond même de l’œuvre, nous pouvons affirmer que les lettres écrites d’Italie en 1535-1536 l’ont été réellement par Rabelais, et si elles n’ajoutent rien à sa gloire comme écrivain, elles constituent un document authentique, intéressant, curieux, et que les his­ toriens peuvent en toute sécurité les utiliser.

* * *

Tout travail d’érudition, si modeste soit-il, exige, surtout lorsqu’on est obligé de le poursuivre loin de Paris, des concours

1. Jacques Boulenger, art. cité. multiples et de nombreuses bonnes volontés, sans comp­ ter les encouragements, peut-être plus précieux encore. Qu’il nous soit permis, en terminant, de remercier tous ceux qui, de près ou de loin, ont bien voulu nous aider de leurs conseils ou de leurs communications, MM. Abel Lefranc, professeur au Collège de France, Julien Baudrier, le bibliophile lyonnais bien connu, Maurice Besnier et Pierre Bourdon, anciens membres de l’École française de Rome, H. Vaganay et Fleury Vindry, dont l’obligeance n’a d’égale que l’érudition. Nous voudrions que cette modeste édition fût digne de l’intérêt qu’ils n’ont cessé de nous témoigner. LETTRES ÉCRITES D’ITALIE

PAR RABELAIS

A GEOFFROY D’ESTISSAC, ÉVÊQUE DE MAILLEZAIS

(3o décem bre 1535, 28 janvier 1536, 15 février 1536).

I.

Monseigneur1, Je vous escrivy du xxixe jour de no­ vembre2 bien amplement et vous envoyay des graines de Naples pour vos salades de toutes les sortes que l’on mange de par deça, excepté de pimpinelle, de laquelle pour lors

[D. Lettres (sic) de Rabelais à monsieur de Maillezais escrite de Rome le 3o décembre 1536 (sic). — E. Epistre I.] i. D. monsr; E. escrivis; E. vingt-neufiesme. — 3. D. mangue. — 4. E. pimpernelle.

1. Geoffroy de Madaillan-Estissac, fils cadet de Jean de Madail- lan-Estissac et de Françoise-Jeanne de la Brousse. A la mort de son père (1482), il fut placé sous la tutelle de Jean de Caumont- Lauzun. Prieur de Ligugé en 15o3, doyen de Saint-Hilaire-le-Grand à Poitiers (6 juin 1604), il devint évêque de Maillezais le 24 mars 1518 (a. s.) et nous le trouvons inscrit sur la liste des aumôniers du Roi en 1523. Voir Gallia christiana, II, col. 1376; M. Campagne, His­ toire de la maison de Madaillan, Bergerac, 1900, in-40, p. 223 et suiv.; A. Hamon, Jean Bouchet, p. 76-77; A. Lefranc, Rabelais secrétaire de Geoffroy d'Estissac et maître des requêtes, dans la Revue des Études rabelaisiennes, t. VII (1909), p. 411-413. 2. Cette lettre de Rabelais fut probablement emportée par le courrier exprès que Jean du Bellay et l’évêque de Mâcon dépê­ chèrent à la fin de novembre avec les lettres qu’ils adressaient a François 1er, à Montmorency, à Chabot de Brion et au chancelier Dubourg les 27 et 28 novembre. Bibl. nat., ms. fr. 5499, fol. 247 v °- 251 ; Dupuy 3o3, fol. 18. 5 je ne peus recouvrir. Je vous en envoye présentement non en grande quantité, car pour une fois je n’en peux davan­ tage charger le courrier, mais si plus largement en vou­ lez, ou pour vos jardins, ou pour donner ailleurs, me l’escrivant, je vous l’envoiray. Je vous avois paravant 10 escript et envoyé les quatre signatures concernantes les benefices de feu dom Philippes' impetrez ou nom de ceux que couchiez par vostre memoire. Depuis n’ay receu de vos lettres qui fissent mention d’avoir receu lesdictes signatures. J’en ay bien receu unes dattées de l’Erme- 15 naud2, lorsque Madame d’Estissac3 y passa, par lesquelles m’escriviez de la reception de deux pacquets que vous avois envoyé, l’un de Ferrare4, l'aultre de ceste ville5

5. E. pûs. — 6. E. peus. — 9. D. envoyray. — 10. E. escrit. — 11. E. frere, au. — 13. E. lesdites. — 14. E. une dattée. — 15. E. laquelle. — 16. D. me escriviez. — 17. E. l’autre.

1. Sans doute un religieux de Maillezais, comme le conjecturent les frères de Sainte-Marthe. 2. L’Hermenault, canton de l’arrondissement de Fontenay-le- Comte (Vendée). Les évêques de Maillezais y possédaient un chât- teau de plaisance que Geoffroy d’Estissac fit embellir. Voir H. Clou- zot, Topographie rabelaisienne (Poitou), dans la Revue des Etudes rabelaisiennes, t. II (1904), p. 160-161. 3. Il ne saurait être question de Jeanne de la Brousse, première femme de Jean de Madaillan-Estissac et mère de l’évêque de Mail­ lezais (voir H. Glouzot, La B rosse en Xaintonge, Revue des Études rabelaisiennes, t. V (1907), p. 195-196), car Jeanne de la Brousse était déjà morte en 1482. Les frères Sainte-Marthe se trompent éga­ lement en identifiant Mme d’Estissac avec Catherine Chabot, femme de Bertrand de Madaillan-Estissac et belle-sœur de l’évéque de Maillezais, qui mourut avant février 1522. Il s’agit donc, sans doute possible, comme l’a supposé M. Heulhard, op. cit., p. 73, n. 1, d’Anne de Daillon, que Louis de Madaillan-Estissac, fils de Ber­ trand et neveu de l’évéque de Maillezais, avait épousée en 1527. Anne de Daillon testa en 1557 ett après sa mort Louis de Madaillan- Estissac épousa Louise de la Béraudière. Voir M. Campagne, op. Cit., p. 223-255. 4. Probablement le 26 juillet, avec les lettres adressées ce jour-là par Jean du Bellay à François Ier et à Breton, sieur de Villandry. Bibl. nat., ms. fr. 5499, fol. 204 v°-207 v°; 3ooo, fol. 20. Le séjour de Rabelais et de son maître à Ferrare fut de quatre ou cinq jours à peine, environ du 22 au 26 juillet. Voir l’introduction, p. 12-13. l'évêque deMâconàFrançoisI"etauchancelierDubourgqu’emportalesieurMontreuil.Bibl.Dupuy3o3,fol.2.nat.,ms.fr.5499,207-215;l'évêque fol. et 5. Peut-Être vers le 18 août, avec le paquet envoyé par Jean du Bellayet avecques le chiffre que vous escrivois. Mais à ce que j’en­ tends vous n’aviez encores receu le pacquet ouquel estoient lesdictes signatures. 20 Pour le present, je vous peux advertir que mon affaire1 a esté concédé et expedié beaucoup mieux et plus seure- ment que je ne l’eusse souhaité et y ay eu ayde et conseil de gens de bien, mesmement du cardinal de Genutiis2, qui est juge du Palais, et du cardinal Sim oneta3, qui estoit 25 auditeur de la Cham bre et bien sçavant et entendant telles matieres. Le Pape estoit d’advis que je passasse mondict

18. E. avec. — 19. E. encore; auquel. — 20. E. lesdites. — 21. E. puis avertir. — 23. D. souhaitté. — 25. E. Simonetta. — 27. E. mondit.

1. Il s’agit de la requête adressée par Rabelais au pape Paul III afin de régulariser sa situation et d’être lavé de la tache d’apostasie qu’il avait encourue pour avoir quitté sa robe de moine et erré par le monde en habit de prêtre séculier. Voir J. Boulenger, La sup- plicatio pro apostasia, Revue des Études rabelaisiennes, t. II (1904), p. 110-134. 2. Hieronimo Ghinucci, de Sienne, évêque d’Ascoli en 1512, envoyé en 1526 auprès du roi d’Angleterre Henry VIII qui le fit évêque de Worcester et son représentant auprès de Charles-Quint (1527), car­ dinal en mai 1535, dans la même promotion que Jean du Bellay, mort le 3 juin 1541. Il était l’homme de confiance de Paul III et bien disposé pour les Français. « Entendez, Sire, écrivait à Fran­ çois Ier Jean du Bellay, le 3 septembre, que oultre le lieu qu’il tient au Collège pour y avoir si peu de ses semblables, Nostre Sainct Pere l’appelle plus à son conseil tant en matieres d’Estat qu’aultres matieres que sans comparaison nul des aultres. L’Empereur et le roy d’Angleterre luy ont tout osté et sans ce que nostredict Sainct Pere luy mect de practiques pour le nourrir, je croy qu’il ne luy demoureroit que la chappe dessus la chemise. Les Imperiaulx cherchent merveilleusement de le rabiller et retirer à eulx sur ceste venue de leurs monstres; ce qu’il ne fera si extreme pouvreté ne le y contrainct, car sa volonté est toute vostre. » Bibl. nat., ms. fr. 5499, fol. 215. Dans une autre lettre, du 26 décembre, Jean du Bellay recommande à nouveau Ghinucci à François Ier. Ibid., fol. 263 v°. 3. Giacopo Simonetta, de Milan, évêque de Pesaro, de Pérouse et Je Lodi, auditeur du Sacré Palais (1528), cardinal en 1535, dans la promotion de Ghinucci et de Jean du Bellay, mort en 1539. affaire per Cam eram 1. L es susdicts ont esté d’opinion que ce fust par la cour des Contredicts2 pour ce que, in foro 3o contentioso, elle est irrefragable en France et quae per Contradictoria transiguntur transeunt in rem judicatam , quae autem per Cameram et impugnari possunt et in judi- cium veniunt. En tout cas, il ne me reste que lever les bulles sub plumbo. 35 Monsieur le cardinal du Bellay ensemble monsieur de Mascon 3 m’ont asseuré que la composition me sera faicte

28. E. susdits; D. d’advis. — 29. E. contredits. — 33. E. qu’à. — 35. E. monseigneur. — 36. E. faite.

1. Les lettres apostoliques (sub plumbo), communément appelées bulles, étaient expédiées selon la teneur des suppliques présentées par les impétrants après que celles-ci avaient été agréées par la signature du Pape. Cette expédition se faisait par deux voies prin­ cipales : 1° per cancellariam,, c’est-à-dire par les seuls bureaux de la chancellerie, avec enregistrement dans le registre de la chancel­ lerie, c'était l’usage le plus ordinaire; 2° per Cameram, par les soins d’un fonctionnaire spécial appelé sommiste, un cardinal à l’époque de Paul III, avec enregistrement de la Chambre apostolique (Camera apostólica). C’était à l’origine une procédure extraordinaire pour des affaires qui comportaient des clauses spéciales, inconnues du style ordinaire de la chancellerie. Voir Practica cancellariae apostolicae saeculi X V mi exeuntis, éd. von Schmitz-Kahlenberg, Munster, 1905, p. 36; et encore Octaviani Vestrii jurisconsulti Foro Corneliensis in Romanae aulae actionem et judiciorum mores εισαγωγημ Paris, 1552, in-12, p. 10. 2. Il s’agit de Vaudientia litterarum contradictarum, un des tribu­ naux de la curie romaine étroitement rattaché à la chancellerie et auquel étaient immédiatement déférées certaines des lettres expé­ diées par celles-ci. « Quod si res justitiam concernat et ad judices in provinciis rescribatur consueverunt etiam desuper litterae sub plumbo expediri. Quamobrem habet cancellaria alios expeditores istis rebus justitiae praepositos, quorum oflicium audientiam con­ tradictarum vocamus, ea, ut opinor, ratione quod si contra impe­ trantes de persona judiciis, de loco agendi judicii, aliave re impe- trationem concernente esset controversia, is qui se expeditioni opponit solet hac in audientia audiri. » Oct. Vestrii, op. cit., p. 7 v°. Le même ouvrage nous apprend que la compétence de Vaudientia contradictarum n’était pas réduite aux affaires d’un caractère pure­ ment litigieux : on pouvait faire expédier par ses soins un certain nombre de lettres apostoliques que Vestrius énumère, p. 10. 3. Charles Hémard de Denonville, né en 1493, évêque de Mâcon, gratis, combien que le Pape par usance ordinaire ne donne gratis fors ce qui est expedié per Cameram. Restera seu­ lement à payer le referendaire1 , procureurs et aultres tels barbouilleurs de parchemin. Si mon argent est court, je me recommanderay à vos aulmosnes, car je croy que je ne partiray point d’icy que l’Empereur ne s’en aille. Il est de present à Naples2 et en partira, selon qu’il a escript au Pape, le sixiesme de janvier. Ja toute ceste ville est pleine d’Espagnols et a envoyé par devers le Pape un ambassadeur exprez oultre le sien ordinaire3 pour l’advertir

39. E. les referendaires. — 41. E. aumosnes, crois. — 43. D. en. — 44. E. escrit. — 46. E. exprès outre. avait été nommé ambassadeur de France à Rome le 25 novembre 1533, la mission des cardinaux de Gramont et de Tournon ayant pris fin à l’entrevue de Marseille en octobre-novembre 1533. Il fut créé cardinal le 22 décembre 1536 et quitta Rome le 31 mai 1538. Nommé peu de temps après à l’évêché d’Amiens, il fut intronisé le 9 décembre 1538. Il mourut au Mans le 23 août 1540. Voir Marquis de Brisay, Un abbé de Saint-Aubin d’Angers, le cardinal de Denon- ville ( 1 493-1540), Vannes, 1891. 1. Assistant du Pape pour la signature des suppliques. Voir Prac- tica cancellariae, p. 16; Oct. Vestrii, op. cit., p. 3 v°. 2. L’entrée de Charles-Quint à Naples eut lieu le 25 novembre. Voir la lettre de l’évêque de Mâcon au chancelier Dubourg du 6 décembre, Bibl. nat., Dupuy 3o3, fol. 23, et celle de Bragadin à la Seigneurie, 28 novembre. L’Empereur devait demeurer ù Naples jusqu’au 22 mars 1536. 3. L’ambassadeur ordinaire de Charles-Quint auprès du Pape depuis 1533 était Fernand de Selva, comte de Cifuentès. Voir Gayangos, Calendar o f State Papers, Spanisli, V, part. I, p. ix, et part. II, p. xii-xiii. Nous n’avons pas réussi à déterminer quel fut cet ambas­ sadeur exprès envoyé par Charles-Quint. De nombreux agents impériaux allaient et venaient entre Naples et Rome. L’un de ceux qui paraissent avoir été chargés des commissions les plus délicates, et peut-être est-ce A lui que Rabelais fait allusion, fut le général des Franciscains Vincent Lunel, dont Bragadin signale la présence à Rome et les entrevues avec Paul III vers le milieu de décembre. Bragadin à la Seigneurie, lettres des 16 et 19 décembre. — Dans une lettre du 11 décembre, Bragadin annonce comme prochaine l’arrivée de l’Empereur. 0 La venuta de lo Imperator in questa città si reputa habbi ad esser molto presta et che expedite le cose del parlamento del Regno, quale è ordinato alli xx del présente, che suol durar pochi di, Sua Maesta se debbi transferir de qui... # Pier- de sa venue. Le Pape luy cede la moictyé du Palais et tout le bourg de Sainct Pierre pour ses gens et faict apprester trois mille licts à la mode romaine, sçavoir est 5o des matrats1, car la ville en est despourveue depuis le sac des lansquenets, et a faict provision de foing, de paille, d’avoine, spelte et orge, tant qu’il en a peu recouvrir, et de vin tout ce qui en est arrivé en Ripe3. Je pense qu’il luy coustera bon, dont il se passast bien en la pouvreté 55 où il est, qui est grande et apparente plus qu’en pape qui fust depuis trois cens ans en ça. Les Romains n’ont encores conclud comment ils s’y doivent gouverner et souvent a esté faicte assemblée de par le senateur3, con­ servateurs et gouverneur, mais ils ne peuvent accorder en 60 opinions4. L’Empereur par sondict ambassadeur leur a

47. E. moitié. — 48. D. gents; E. fait. — 5o. E. matelats. — 51. E. lanskenets, fait. — 52. E. pû.— 54. E. pauvreté. — 57. E. encore. — 58. E. faite. — 60. E. sondit.

Luigi Farnese, revenu de Naples le 19 décembre, annonça que le départ de l’Empereur serait retardé et on ne l’attendait plus que vers la fin de janvier. Bragadin à la Seigneurie, 23 décembre. Cf. Jean du Bellay à François I", 22 décembre; ù Dodieu de Vély, 25 décembre. Bibl. nat., ms. fr. 5499, fol. 275, 285. Ce passage aurait donc été écrit vers le milieu de décembre. 1. Matelas. Voir le Quart Livre, éd. Plattard, ch. iv, p. 82 (mate- ratz ); éd. Burgaud des Marets et Rathery, ch. ix, t. II, p. 79 (matraz ). 2. Le port de Rome, sur la rive gauche du Tibre, au pied de l’Aventin. Ce quartier s’appelait au moyen âge le quartier de Ripe. Aujourd’hui encore on trouve juste en face, de l’autre côté du Tibre, le Porto di Ripa Grande, l’église de S. Francesco a Ripa. C’est là que se trouvait l'Emporium de la Rome antique. 3. Le sénateur était le chef nominal de l’administration munici­ pale de Rome; créé au moyen âge pour tenir tête au Pape, au xvie siècle il était entièrement subordonné au pouvoir pontifical. Les conservateurs sont les membres du Conseil municipal élus par le peuple. Le gouverneur est un fonctionnaire nommé par le Pape. Voir E. Rodocanachi, Les institutions communales de Rome sous la Papauté, Paris, 1901. 4. Dans sa lettre à la Seigneurie du 5 décembre, Bragadin donne des détails qui corroborent l’information de Rabelais. « La Santità del Pontcfice ha fatto intender alli conservatori di questa cita che lo Imperator è per venir in brève de qui et perô che si debano pre- dénoncé qu’il n’entend point que ses gens vivent à discré­ tion, c’est à dire sans payer, mais à discrétion du Pape, qui est ce que plus griefve le Pape, car il entend bien que, par ceste parole, l’Empereur veult veoir comment et de quelle affection il le traictera luy et ses gens. 65 Le Sainct Pere, par élection du consistoire, a envoyé par devers luy deux légats1, sçavoir est le cardinal de

64. E. veut voir. — 65. E. traittera. parar per honorar Sua Maestà et cosi proceder anchora allo allo- giar delle genti sue. Questi per il loro consiglio generale hanno fatta elettion de altri 16 che habbino ilcarrico di proceder circa 20; et veramente questa republica è poverissima, ne si ritrova più de ducati 15oo de intrata, tutta però impegnata, et li cittadini sono molto pochi, molti poveri et con pochissima industria, sicché vedendo che per loro si potrà far molto piciola dimostratione verso Sua Maesta se non sono aiutati, il Pontefice parla de contribuir ad una parte et che li reverendissimi cardinali contribuiscono ad una altra; ma lo allogiamente delle genti sarà molto difficile per esser Roma tutta quasi habitata da forestieri che non hano le case for­ nite, massime dapoi il sacco [de 1527], salvo tanto quanto è il loro bisogno a pena. » 1. Les deux légats furent désignés le 26 novembre. « Lo ultimo consistoro che fu alti 26 del presente, finalmente furono publicati legati li reverendissimi Siena et Cesarino, et deliberato che andas­ sero a Napoli, li quali de more furono accompagnati a casa da tutti li reverendissimi cardinali. » Bragadin à la Seigneurie, 28 novembre. Le 4 décembre, ils furent officiellement investis de leur mission : « Sua Santità heri, dapoi finita la messa in cappella, fece congrega- tione et dete la croce con le solite cerimonie a sue reverendissime Signorie, qual furono accompagnate da tutti li altri reverendissimi cardinali fino alle porte della città secondo il consueto, et essi reve­ rendissimi legati se dieno ritrovar diman con il Papa per ragionar circa la commission loro, qual 6 de trattar lo accordo fra lo Impe- rator et il Christianissimo Re et delle cose del Concilio, al qual Concilio, per quanto dimostra esser avisata la Beatitudine del Pon­ tefice, li principi lutherani sono molto inclinati et circa le condicion de esso dimostrano andar a buon animo. » Bragadin à la Seigneu­ rie, 5 décembre. Cf. l’évêque de Mâcon au chancelier Dubourg, 6 décembre, Bibl. nat., ms. fr. 3o3, fol. 23; Jean du Bellay à Fran­ çois 6 décembre, Bibl. nat., fr. 5499, fol. 264. D’après les Fran­ çais, les deux cardinaux étaient seulement chargés de souhaiter la bienvenue à l’Empereur et le « congratuler de sa belle victoire de Thunis », « sans commission d’entrer aux choses particulières », Senes1 et le cardinal Cesarin2. Depuis y sont d’abon­ dant allez les cardinaux Salviati3 et Rodolphe4 et mon­ sieur de Xainctes5 avecques eulx. J’entends que c’est pour l’affaire de Florence et pour le differend qui est entre le duc Alexandre de M edicis6 et Philippes Strossi7, duquel vouloit ledict duc confisquer les biens qui ne sont petits,

68. D. Caesarin. — 69. E. Salviaty; D. monseigneur. — 70. E. Saintes avec eux. — 73. E. ledit.

Les deux cardinaux quittèrent Rome le 5 décembre. Nigri à M. An- tonio Micheli, Rome, 6 décembre. Lettere di Principi, t. IlI, p. 36-37. 1. Giovanni Piccolomini, archevêque de Sienne en 15o3, cardinal en 1517, doyen du Sacré-Collège en 1535; il mourut en 1537. 2. Alessandro Cesarini, cardinal en 1517, envoyé en Espagne après l’élection d’Adrien VI, évéque d’Albano, de Pampelune (1520-1537), de Cuença ( 1538-1542) ; il fut en relations avec Alde Manuce et Sadolet et mourut en 1542. Piccolomini et Cesarini appartenaient au parti impérial dans le Sacré-Collège. 3. Giovanni Salviati, né à Florence en 1490, cardinal en 1517, évêque de Fermo, Ferrare, Parme, Trani, Saint-Papoul, Oléron, etc.; envoyé auprès de Charles-Quint en 1526, il passa ensuite en France, où il fut légat du Pape de juin 1527 au mois d’août 1529. Il mourut le 28 octobre 1553. 4. Niccolò Ridolfi, cardinal, partisan de la France, mort en 155o. 5. Giuliano Soderini, évêque de Volterra (1 5o9), remplaça son oncle Francesco Soderini à l’évêché de Saintes en 1524; il mourut le 3o juillet 1544. — « Sabato [18 décembre] partirono per Napoli li reverendissimi Salviati e Redolphi con domino Philippo Strozzi et li altri forusciti de Fiorenza. » Bragadin à la Seigneurie, 19 dé­ cembre. 6. Alessandro de’ Medici, fils naturel de Laurent II. D’après le traité de Barcelone (juin 152g), il devait être établi à Florence et épouser la fille naturelle de Charles-Quint, Marguerite d’Autriche; et effectivement, après que la résistance de la ville eut été brisée A la suite d’un siège fameux, Alessandro fut créé duc de Florence en 1532. Il fut assassiné le 6 janvier 1537. Voir P. Gauthiez, Loren- zaccio, Paris, 1902. 7. Filippo Strozzi, marié à Clarissa de’ Medici, sœur de Lau­ rent II, était, par alliance, l’oncle du duc de Florence et de Cathe­ rine de Médicis qu’il avait accompagnée en France en 1533 et près de laquelle il était demeuré jusqu’en septembre 1534- Il avait un comptoir à Lyon, une banque à Venise qui faisait le commerce du Levant avec la protection de la France. — Filippo Strozzi avait rompu avec Alessandro après la mort de Louisa Strozzi. Voir Nic- colini, Vita di Filippo Strofi, Florence, 1847. car après les Fourques de Augsbourg1 en Almaigne, il est estimé le plus riche marchand de la chrestienté et 75 avoit mis gens en ceste ville pour l’emprisonner ou tuer; quoy que ce fust, de laquelle entreprise adverty, impetra du Pape de porter armes et alloit ordinairement accom­ pagné de trente souldars bien armez à poinct. Ledict duc de Florence, comme je pense, adverty que ledict Strossy 80 avecques les susdicts cardinaux s’estoit retiré par devers l'Empereur et qu’il offroit audict Empereur quatre cens mille ducats pour seulement commettre gens qui infor­ massent sur la tyrannie et meschanceté dudict duc, partist de Florence, constitua le cardinal Cibo2 son gouverneur 85 et arriva en ceste ville le lendemain de N oël3 sur les vingt trois heures4, entra par la porte S. Pierre, accompagné

74. E. Allemagne. — 76. E. l’empoisonner. — 77. D. E. tuer quoy que ce fust. De. — 79. E. soldats; point. Ledit. — 80. E. adverti; ledit.— 81. E. avec; susdit.— 82. E. audit; D. cents.— 84. E. dudit, partit. — 85. E. Cybo. — 86. D. cette. — 87. E. vingt et trois.

1. Les Fugger, les richissimes banquiers d’Augsbourg. Voir R. Ehrenberg, Das Zeitalter der Fugger, Iéna, 2 vol. in-8°, 1897. — Ils sont cités sous cette même forme au livre I, ch. vii . 2. Innocenzo Cibo, cardinal en 1513, régent de Florence après la mort d’Alessandro de’ Medici, son cousin germain. Il mourut en 155o. 3. « Nel ditto giorno (de Saint-Etienne, 26 décembre) verso sera entrò en questa città il duca Alessandro de Medici, molto ben incontrato da Romani, con compagnia de circa 400 cavali, fra li quali vi erano da 5o cavali leggieri alla borgognona et 5o archibu- sieri a cavalo, et con Sua Signoria gli sono delli primarii gentil’ homeni de Fiorenza. Quella avanti andasse allo alloggiamento andò a basciar il piede alla Santità del Pontefice ; et poi fu accompagnata a casa dallo illustre conte de Ciffuntes, qual al gionger di esso duca se ritrovava dalla Santità Sua, che havea audientia, et esso conte nel cavalcar era dalla parte destra. Ditto Duca parti la matina sequente avanti giorno ; et si affirma che esso Duca havera dallo Imperator et la figlia et tutte quelle altre cose che li sono sta pro­ messe, etiam cosi è sta concluso nel consiglio novamente. » Braga- din à la Seigneurie, 28 décembre. Cf. l’extrait d’une lettre de Paul Jove reproduit par Gauthiez, op. cit., p. 110-111. 4- Vers quatre heures ou quatre heures et demie de l’après-midi. Sur cette façon de compter des Romains depuis le coucher du soleil, voir Montaigne, Journal de voyage, éd. Lautrey, p. 152. de cinquante chevaux legers, armez en blanc, et la lance au poing, et environ de cent arquebusiers. Le reste de 90 son train estoit petit et mal en ordre et ne luy fut faict entrée quiconques, excepté que l’ambassadeur de l’Empe- reur alla au devant jusques à ladicte porte. Entré que fut, se transporta au Palais et eut audience du Pape, qui peu dura, et fut logé au palais S. George1. Le lendemain 95 matin partist, accompagné comme devant. Depuis huict jours en ça2 sont venues nouvelles en ceste ville et en a le S. Pere receu lettres de divers lieux comment le Sophy3, roy des Perses, a deffaict l’ar­ mée du Turc. Hier au soir arriva icy le neveu4 de mon-

90. E. faite. — 91. D. quelconque. — 92. E. ladite. — 94. E. Georges. — 95. E. partit. — 97. D. cette; E. Sainct Pere.— 98. E. deffait. — 99. D. Turcq.

1. Le palais Saint-Georges est le palais de la chancellerie, ainsi nommé du cardinal Riario, du titre de S. Giorgio in Velabro. 2. La nouvelle parvint au Pape vers le milieu de décembre. Le 16, il en faisait part à Jean du Bellay : « Jeudy dernier, moy du Bellay allay au devant de luy à son retour de la Macgneneraie [la Magliana, maison de campagne du Pape]. Incontinent il me salua de ceste roupte du Turc qu’il trouvoit merveilleusement grande, car il ne se y compte moins de perte que de quarante mil chevaulx et entre eulx sept sancjacz mors et deux prins, selon ce que la Seigneurye en escript icy à son ambassadeur accusant lettres de leur conseil qui dict ceste defaicte avoir esté le treiziesme d’octobre. Toutesfois, leurs lettres de Raguse les desmentent, dont nous vous envoyons le double. Vray est que les plus saiges imaginent que le Turc ayt envoyé exprès lesdictes lettres aux Ragusiens pour cacher ceste perte. Dieu veuille qu’il en soit ainsi. » Le lendemain, le Pape annonça officiellement la nouvelle en consistoire. Il en profita pour faire un énergique appel à l’union de toute la chrétienté en vue de vaincre définitivement les Infidèles. Jean du Bellay à François Ier, 22 décembre. Bibl. nat., ms. fr. 5499, fol. 267 V-275 v°. Bragadin à la Seigneurie, 19 décembre. 3. Thaamas Ier, fils d’Ismaël Ier, né en 15o8, roi de Perse en 1525, mort le 11 mai 1576. 4. Claude Dodieu, sieur d’Espercieux, cousin (alias neveu) du sieur de Vély. (C’est du moins ainsi que l’appelle le sieur de Vély dans une lettre qu’il adressait le 1e janvier 1536 à l’évêque de Mâcon, en réponse à une lettre de ce dernier du 26 décembre). Le sieur d’Es­ percieux arriva à Rome le 25 décembre. Jean du Bellay au sieur de Vély, le jour de Noël, Bibl. nat., ms. fr. 5499, fol. 285-287. Le 27, Jean du Bellay communiqua au Pape les nouvelles apportées de Naples. sieur de Vely1, ambassadeur pour le Roy par devers 100 l’Empereur, qui compta à monsieur le cardinal du Bellay que la chose est veritable et que ç’a esté la plus grande tue- rye qui fut faicte depuis quatre cens ans en ça. Car du costé du Turc ont esté occis plus de quarante mille chevaulx. Considérez quel nombre de gens de pied y est demouré 1o5 pareillement du costé dudict Sophy. Car entre gens qui ne fuyent pas volontiers, non solet esse incruenta Victoria2. La deffaicte principale fut près d’une petite ville nom­ mée C ony3, peu distante de la grande ville Tauris4, pour

101. E. conta. — 1o3. E. tuerie faite; D. cents. — 104. D. Turcq. — 104. E. chevaux. — 1o5. E. demeuré. — 106. E. dudit. — 108. E. deffaite. — 109. E. Coni.

Lettre à François Ier du 31 décembre, Bibl. nat., ms. fr. 5499, fol. 280-283 v°. Le sieur d’Espercieux ne fit que passer à Rome. Le 28 décembre, Bragadin écrit à la Seigneurie : « Terzo giorno passo de qui in posta uno nipote del orator della Christianissima Maestà presso lo Imperator, che va a quella Mestà in diligentia... » Nous avons conservé une copie des instructions dont il était chargé. Bibl. nat., ms. fr. 2846, fol. 57 v°-6o v°. Cf. les Mémoires de Martin du Bellay, éd. Bourrilly et Vindry, t. II, p. 3o6-3o7- — Ce passage de la lettre de Rabelais aurait donc été écrit le 26 décembre. 1. Claude Dodieu, sieur de Vély, conseiller clerc au Parlement de Paris, puis maître des requêtes, successivement chargé de mission à Londres (1527), puis à Florence (1527-1529). Depuis 1531, il était accrédité auprès de Charles-Quint qu’il avait suivi en Afrique et avec lequel il revenait par la Sicile et Naples. Après la rupture de 1536, il fut renvoyé auprès de l’Empereur en 1537 et en 1540. Évêque de Rennes en 1541, il mourut en 1558. 2. Les nouvelles rapportées par Rabelais sont assez confuses et n’étaient guère fondées. Le 25 août 1535, il y avait eu un engage­ ment entre les troupes du grand vizir et les Perses au nord de Tebriz. Voir Hammer, Histoire de l’Empire ottoman, t. V, p. 509. Hammer cite en note (p. 511) une brochure que nous n’avons pas retrouvée, mais qui pourrait bien être la source des renseignements que transmettaient Rabelais et Jean du Bellay. Verteutscher copie eines welschen Schreibens aus Constantinopel den 1 3 novembris, inhaltent des Sophi Victori wider den grossen Türken, seine Haup- leute und Volks Gefenkniss der Anzal wider des gewonenen türk. Geschütz, die eroberte Stat und Land, u. s. w. Marz 1536. 3. La vraie leçon doit être Coui, car il s’agit sans doute de Khoï, au nord du lac d’Ourmiah, non loin de Tebriz, où les Turcs cam­ paient le 31 août 1535. 4. Aujourd’hui Tebriz, au nord-ouest de la Perse. 110 laquelle sont en differend le Sophy et le Turc. L e demou- rant fut faict près d’une place nommée Betelis1. La maniere fut que ledict Turc avoit party son armée et part d’icelle envoyé pour prendre Cony. Le Sophy de ce adverty avecques toute son armée rua sus ceste partye 115 sans qu’ils se donnassent guarde. Voyla qu’il faict mauvais advis de partir son ost devant la victoire. Les François en sçauroient bien que dire quand de devant Pavye monsieur d’Albanie2 emmena la fleur et force du camp. Ceste roupte et deffaicte entendue, Barberousse3 s’ est retiré à 120 Constantinople pour donner seureté au pays et dict par ses bons Dieux que ce n’est rien en consideration de la grande puissance du Turc. Mais l’Empereur est hors celle peur qu’il avoit que ledict Turc ne vint en Sicile comme il avoit délibéré à la prime vere. Et se peult tenir

110 E. Turcq; E. demeurant. — 111. E. fait. — 112. E. ledit; D. Turcq. — 113. D. envoyée; E. Coni.,— 114. E. avec, sur, partie. — 115. E. garde; D. voila; E. fait. — 116. E. a v is.— 117. E. Pavie. — 118. D. cette. — 119. E. route, deffaite. — 120. E. dit. — 122. D. Turcq. — 123. E. ledit. — 124. E. ce peut.

1. Bitliz, au sud-ouest du lac de Van. l.es opérations qui s’y pro­ duisirent entre les Turcs et les Perses se placent entre le 20 et le 23 septembre. Cf. Hammer, op. cit., t. V, p. 509-510. 2. John Stuart, duc d’Albany, fut envoyé en janvier 1525 vers le royaume de Naples pour y faire une diversion. Il parvint jusqu’à Rome et réussit à grand’peine à opérer sa retraite après le désastre de Pavie. 3. Kheïr-ed-din, dit Barberousse, après la victoire de Charles- Quint à Tunis, s’était réfugié à Alger et avait repris ses incursions sur les côtes de la Méditerranée occidentale. Dans sa lettre à Fran­ çois Ier du 22 décembre, Jean du Bellay mentionne également le retour de Barberousse à Constantinople. « Aussi se prent bon signe que Barberousse ayt emmené quant et soy sa femme, filz et bagage, laissant seulement garnison en Argeres [Alger] et ceulx de la ville d’Aff ricque [Africa] en leur foy. Mais les aultres craignent qu’il ayt mené cest equipaige pour se monstrer et son mesnaige pour servir de seurté ou hostaiges aux futures entreprises. Tant y a que le vilain a esté fort accaressé en Constantinoble et a eu troys jours de feste... » Bibl. nat., ms. fr. 5499, fol. 267 v °-275 v°. Cf. Charrière, Négociations de la France dans le Levant, t. I, p. 282-283. la chrestienté en bon repos d’icy à longtemps et ceulx qui 125 mettent les decimes sur l’Eglise eo praetextu qu’ils se veulent fortiffier pour la venue du Turc, sont mal garnis d’argumens demonstratifs. Monseigneur, j’ay receu lettres de monsieur de S. Cer- dos1, dattées de Dijon, par lesquelles il m’advertist du 13o procez qu’il a pendant en ceste cour de Rome. Je ne luy oserois faire responce sans me hazarder d’encourir grande fascherie, mais j’entends qu’il a le meilleur droict du monde et qu’on luy faict tort manifeste et y devroit venir en personne. Car il n’y a procez tant equitable qui ne se 135 perde quand on ne le sollicite, mesmement ayant fortes partyes avec auctorité de menasser les solliciteurs s’ils en parlent. Faulte de chiffre m’en guarde vous en escrire davantage, mais il me desplaist veoir ce que je veoy, attendu la bonne amour que luy portez principalement et 140 aussi qu’il m’a de tout temps favorisé et aymé en mon advis. Monsieur de Basilac2, conseiller de Thoulouse, y est bien venu cet hyver pour moindre cas et est plus vieil et cassé que luy et a eu expedition bien tost à son proffit. 145

125. E. ceux. — 126. E. pretextu. — 127. E. fortifier; D. Turcq. — 129. E. Epistre II. — 13o. E. me advertit. — 131. D. romaine. — 132. D. response. — 134. E. fait, deveroit. — 137. E. parties, authorité, mena­ cer. — 138. E. Faute, chiffre, garde. — 139. E. deplaist voir, vois. — 142. D. Tholouse. — 143. D. hiver. — 145. E. profit.

1. Nous n’avons pas réussi à identifier avec certitude ce person­ nage, dont le nom d’ailleurs doit avoir été estropié par le copiste. — Dans son Histoire de la maison de Madaillan, p. 241, M. Cam­ pagne cite un certain Jean de Buade, écuyer, sieur de Saint-Cernin, qui, à cette époque, avait un procès avec l’évêque de Sarlat, Niccolô Gaddi. Serait-ce le correspondant de Rabelais ? 2. Sans doute Jean de Basillac, conseiller clerc au Parlement de Toulouse. Le 22 décembre i5i6, il avait été élu évêque de Carcas- sonne; mais cette élection fut contestée et finalement en mars 1522 ce fut Martin de Saint-André qui obtint l’évêché. Gallia christiana, VI, col. 918-919; Catalogue des actes de François Ier, t. V, n° 17228; Bibl. nat., Pièces originales, dossier Basillac. Monseigneur, aujourd’huy matin est retourné icy le duc de Ferrare1, qui estoit allé par devers l’Empereur à Naples. Je n’ay encores sceu comment il a appoincté tou­ chant l’investiture et recognoissance de ses terres, mais 15o j’entends qu’il n’est pas retourné fort content dudict Em pe­ reur2. Je me doubte qu’il sera contrainct mettre au vent les escus que son feu pere3 luy laissa et que le Pape et l’Empereur le plumeront à leur vouloir, mesmement qu’il a refusé le party du Roy, après avoir delayé d’entrer en

146. E. Epistre III. — 148. E. encore appointé. — 15o. E. dudit. — 151. E. que il, contraint. — 152. E. et le Pape. — 154. E. dilayé.

1. Hercule d’Este, duc de Ferrare, avait quitté Rome le 27 no­ vembre pour se rendre auprès de l’Empereur à Naples, où il fit son entrée le 4 décembre. C ’est dans la nuit du 28 décembre qu’il rentra dans Rome. « Il signor Duca de Ferrare entrò quella notte ¡stessa de 28 privatamente in questa città et ha alloggiato con il reverendissimo di Mantoa; fu a basciar la sera sequente il piede al Pontefice, et ha tanto operato con il mezo maxime dello illustre conte de Ciff uentes, che il suo orator ha havuto licentia di venir in capella heri al ves­ pro et questa matina è stato alla messa... Et questa matina partì sua Excellentia per retornar a casa. Et fà la via de Toscana... » Bragadin à la Seigneurie, 1er janvier 1536. Avant de quitter Rome, le duc de Ferrare eut une importante conversation avec Jean du Bellay. Voir la lettre de celui-ci à François Ier du dernier décembre 1535, Bibl. nat., ms. fr. 5499, fol. 280-283 V °. B. Fontana, Renata di Francia, t. I, p. 499-500, reproduit le sauf-conduit accordé par le Pape au duc de Ferrare et à ses gens, Rome, 3o décembre. 2. Ce n’est pas tout à fait ce que laisse entendre Bragadin, qui était mieux informé que Rabelais, — et cela se comprend, — sur toutes ces négociations. « Ditto signor Duca s’è partito benissimo satisfatto dalla Cesarea Maestà, laquai l’ha investito di Modena, Rczo (Reggio) et Carpi, et se ben oltra la investitura il ditto Duca è rimasto d’accordo con la Cesarea Maestà di esser in liga con quella, nientedimeno non se intende le conditioni anchor con fon­ damento; non é sta fatto scrittura alcuna, havendo de questo sua Excellentia pregato instantemente sua Cesarea Maestà, rispetto il Papa del qual è vassalo, del stato suo che a per la moglie in Franza. » Lettre du 1er janvier 1536. Rabelais se fait sans doute l’écho de ce qui se disait à l’ambassade de France et le duc de Ferrare lui-même avait intérêt à laisser croire aux Français que ses pourparlers avec l’Empereur n’avaient pas eu tout le succès qu’il en attendait. 3. Alfonse d’Este, duc de Ferrare, mort le 28 octobre 1534. la ligue de l’Empereur plus de six mois, quelques remons- 155 trances ou menasses qu’on luy ait faict de la part dudict Empereur. De faict, monsieur de Lim oges1, qui estoit à Ferrare ambassadeur pour le Roy, voyant que ledict duc, sans l’advertir de son entreprise, s’estoit retiré devers l’Empereur, est retourné en France. Il y a danger que 160 madame Renée en souffre fascherie. Ledict duc luy a osté madame de Soubize2, sa gouvernante, et la faict servir par Italiennes, qui n’est pas bon signe. Monseigneur, il y a trois jours qu’un des gens de monsr de Crissé3 est icy arrivé en poste et porte advertissement 165 que la bande du seigneur Rance4 qui estoit allé au secours

156. E. menaces, fait, dudit. — 157. E. fait. — 158. E. ledit. — 159. D. s’en estoit; E. vers. — 161. E. ledit. — 162. E. Soubise, fait. — 164. E. Epistre IV; Monsr de manque dans E.

1. Jean de Langeac, évêque de Limoges, avait été envoyé à Fer- rare le 23 février 1535. Il quitta Ferrare dans les premiers jours de décembre. B. Fontana, op. cit., t. I, p. 225; Catalogue des actes, t. III, n° 8255 (sa mission aurait duré 3o8 jours). 2. Michelle de Saubonne, dame de Soubise, avait accompagné Renée de France à Ferrare, en qualité de gouvernante de la duchesse. Elle avait été bientôt en désaccord avec le duc de Ferrare, Hercule, qui avait instamment prié François Ier de l’en débarrasser. Le rap­ pel de Mme de Soubise avait été décidé en principe dès le mois de juin 1535, mais remis après les couches de Renée. En fait, Mme de Soubise ne devait quitter Renée et Ferrare qu’en février ou mars 1536. 3. Probablement Jacques Turpin II, baron de Crissé, fils de Jacques Turpin Ier et de Louise de Blanchefort. C’est de lui qu’il s’agit dans le texte cité par Champollion-Figeac, Documents histo­ riques inédits, t. II, p. 481 (8 mai 1523). Il était allié à la famille du cardinal du Bellay par son mariage avec Catherine du Bellay, fille de René du Bellay, sieur de la Forest. Son fils, Charles Turpin, épousa en 1538 Simone de la Roche et fut maréchal des logis de la compagnie de Guillaume du Bellay, sieur de Langey. Voir A. Heulhard, op. cit., p. 1o3; 124, note 2; 159, note 2. 4. Lorenzo Orsini, dit Renzo da Ceri, était entré au service de François Ier au début du règne et avait notamment participé d’une façon brillante à la défense de Marseille assiégée par le connétable de Bourbon (1524). Chevalier de l’Ordre, il avait été gratifié en outre des seigneuries de Tarascon en Provence et de Pontoise (1525). Voir E. Picot, Les Italiens en France au X VIe siècle, dans le Bul- de Geneve a esté deffaicte par les gens du duc de Savoye1. Avecques luy venoit un courrier de Savoye qui en porte les nouvelles à l’Empereur. Ce pourroit bien estre semi- 170 narium futuri belli. Car volontiers ces petites noises tirent après soy grandes batailles, comme est facile à veoir par les antiques histoires tant grecques que romaines et fran- çoises aussi, ainsi que appert en la bataille qui fut à V ir e t o n 2. 175 Monseigneur, depuis quinze jours en ça André Doria, qui estoit allé pour avitailler ceux qui de par l’Empereur tiennent la Goleta3 près Tuniz, mesmement ;les fournir d’eaux, car les Arabes du pays leur font guerre continuel­ lement et ne osent sortir de leur fort, est arrivé à N aples4

167. E. deffaite. — 168. E. avec, courier. — 171. E. voir. — 175. E. Epistre V. — 177. E. Gouleta, Tunis. — 178. D. Arrabes. — 179. D. n’ ; E. ozent.

letin italien, 1901, p. 116-117. — Sur cette affaire qui se produisit vers le milieu de décembre et où une partie de la bande de Renzo, con­ duite par François de Montbel, sieur de Vérey, fut battue, voir A. Chagny, Études sur la première annexion de la Bresse à la France, Bourg, 1909, in-8°, p. 5o-51; A. Segre, Documenti di storia sabauda, p. 115, note 4. Le Pape fut averti de cette affaire le 26 dé­ cembre au soir par le comte de Cifuentès. Jean du Bellay à Fran­ çois Ier, 31 décembre. Bibl. nat., ms. fr. 5499, fol. 280-283. 1. Charles II, duc de Savoie (15o4-1553). 2. Virton, sur la Tonne, affluent du Chiers, à 15 kilom. au nord- est de Montmédy, dans le Luxembourg belge. Le siège de Virton par le sieur de Fleuranges, en mars 1521, fut le prélude du conflit entre François Ier et Charles-Quint. Voir les Mémoires de Martin et Guillaume du Bellay (éd. Bourrilly et Vindry), t. I, p. 112; F ra g ­ ments de la première Ogdoade (éd. Bourrilly), p. 39. 3. La Goulette. 4. André Doria était arrivé à Naples le 26 novembre avec 22 ga­ lères « retournant de la Goullette où il a mis l’eau et les vivres qu’il y portoit ». Le 28, les galères quittent Naples pour aller hiver­ ner à Gènes « et luy doit venir après par terre, puis retourner à Civita Vesche sur la fin de febvrier... ». L’évêque de Mâcon au chancelier Dubourg, 6 décembre. Bibl. nat., Dupuy 3o3, fol. 23. Voir à l’appendice I. De son côté, Jean du Bellay écrit le même jour (6 décembre) à François Ier que Doria est retourné « de son voyaige et n’a demouré que trois jours avecques l’Empereur, puis 180 est party avecques xxix galeres. On dict que c’est pour rencontrer le Judeo1 et Cacciadiavolo2 qui ont bruslé grand pais en Sardaine et Minorque. Le grand maistre de Rhodes3, Piedmontois, est mort ces jours derniers; en

180. E. demeuré, avec. — 181. E. avec vingt et neuf, dit. — 183. E. Sardaigne. — 184. E. piemontois. de Barbarie, ouquel il n’a sceu rencontrer le Judeo, comme il avoit envye de faire, pour nous rendre toutes ces mers paisibles, mais bien il a, ainsi que nous entendons, saccagé Bizerte pour quelque rebellion qui y avoit esté faicte au nouveau roy de Thunis [Mou- ley-Massan]. Mais il n’a esté mains bien venu et accaressé dudict Empereur que s’il eust faict quelque grand chose, et se trouve si favorisé de luy qu’il n’est possible de plus ». Bibl. nat., ms. fr. 5499, fol. 264-266. 1. Sinan Djoufoud, dit el Giudeo, le Juif, israélite renégat. Il s’était distingué à la défense de la Goulette. 2. Caccia-Diavolo (Chasse-Diable) était, avec le Judeo, le plus fameux des corsaires de Barberousse. — On trouve dans la corres­ pondance de l’évéque de Mâcon et de Jean du Bellay quelques détails sur ces opérations des Barbaresques. « Il nous a esté dict que icelluy Empereur avoit eu adviz que Barberousse avoit pris par force et saccaigé la ville de Magona [Mahon] en Minorque, où il avoit faict ung merveilleux meurtre et cruaulté, car il avoit ampallé mille chrestiens et emmené plus de quatre mil personnes prisonniers. » (L’évéque de Mâcon au chancelier Dubourg, 20 oc­ tobre, Bibl. nat., Dupuy 3o3, fol. 13.) — « Depuis quatre jours, ilz [les Barbaresques] estoient en Sardaigne sous la conduite du Judeo, menassans ung lieu où toutesfoys ilz ne sont encores allez et doubte l’on qu’ilz soient allez en ung aultre. Il a esté rapporté à Nostre Sainct Pere par ses gens et par ceulx qui s’enfuyrent de dessus les lieux qu’ilz ne sont ensemble moins de trente gallaires, sans les fustes et aultres vaisseaulx. » Jean du Bellay à François Ier, 5 no­ vembre 1535. Bibl. nat., ms. fr. 5499, fol. 238. Cf. la lettre du 6 no­ vembre de l’évéque de Mâcon au chancelier Dubourg. Bibl. nat., Dupuy 3o3, fol. 15-16; Charrière, op. cit., t. I, p. 279. 3. Pierre du Pont, d’origine piémontaise, bailli de Sainte-Euphé- mie en Calabre, avait remplacé en 1534 Philippe Villiers de l’Isle- Adam comme grand maître de l’ordre de Saint-Jean de Jérusalem. Il mourut le 18 novembre 1535, à l’âge de soixante-dix ans. Voir Villeneuve-Bargemont, Monumens des grands maîtres de Saint-Jean de Jérusalem, Paris, 1829, t. II, p. 39-44.

» 185 son lieu a esté esleu le commandeur de Forton1 entre Montauban et Thoulouse. Monseigneur, je vous envoye un livre de prognosticqs duquel toute ceste ville est embesoignée, intitulé De ever­ sione Europae. De ma part, je n’y adjouste foy aucune, 190 mais on ne veit oncques Rome tant adonnée à ces vanitez et divinations comme elle est de present2. Je croy que la cause est car mobile mutatur semper cum principe vulgus. Je vous envoye aussi un almanach pour l’an qui vient 1536. Davantage je vous envoye le double d’un brief que 195 le Sainct Pere a décrété nagueres pour la venue de l’Em- pereur. Je vous envoye aussi l’Entrée de l’Empereur à Messine et à Naples et l’oraison funebre qui fut faicte à l’enterrement du feu duc de M ilan3. Monseigneur, tant humblement que faire je puis à

185. E. eleu. — 187. E. Epistre VI; prognostics. — 188. D. cette, embesongnée. — 190. E. veid; D. onques; E. addonnée. — 191. E. crois. — 194. E. M D XXXVI, bref. — 195. D. decretté, l’advenue. — 196. D. envoie. — 197. E. faite.

1. Didier de Saint-Jaille, grand prieur de Toulouse, succéda à Pierre du Pont le 22 novembre 1535. Il mourut le 26 septembre 1536 à Montpellier. Villeneuve-Bargemont, op. cit., t. II, p. 45-48. Dans sa lettre à la Seigneurie du 1er janvier 1536, Bragadin donne les mêmes nouvelles. « È mancato di questa vita il reverendissimo gran maestro de Rhodi, in loco del qual hanno elletto il prior di Tollosa, qual è francese. » 2. Nous n’avons pas pu retrouver le libelle dont Rabelais donne le titre. Sur l’abondance des prophéties et « pronnostications » à la fin de 1535 et au début de 1536, voir les Mémoires de Martin et Guillaume du Bellay, éd. Bourrilly et Vindry, t. II, p. 325-326. 3. Le 6 décembre, l’évêque de Mâcon envoyait au chancelier Dubourg et Jean du Bellay à l’amiral Chabot un exemplaire de l’entrée de l’empereur à Naples. Bibl. nat., Dupuy 3o3, fol. 23; ms. fr. 5499, fol. 260. D’autre part, en lui annonçant que Francesco Sforza avait été mis en terre le 19 novembre, l’évêque de Mâcon envoyait également au chancelier Dubourg « la pompe des funé­ railles ». L’oraison funèbre à laquelle fait allusion Rabelais est peut-être la suivante : Gualterii Corbetae jureconsulti et senatoris mediolan. oratio habita in funere divi Francisci II Sfortiae Viceco- mitis mediol. ducis. Bibl. nat. imprimés, K 3097. vostre bonne grâce me recommande, priant Nostre Sei- 200 gneur vous donner en santé bonne et longue vie. A Rome, ce xxxe jour de décembre1. Vostre très humble serviteur, François Rabelais.

201. D. vye.

1. Cette lettre dut être emportée avec le paquet qui contenait les lettres de Jean du Bellay à François Ier et à l’amiral Chabot de Brion, du 31 décembre 1535. Bibl. nat., ms. fr. 5499, fol. 280-285 v° II.

Monseigneur, J’ay repceu les letres que vous a pleu m’escryre datées du second jour de décembre, par les­ quelles ay congneu que aviez repceu mes deux pacquetz, l'ung du xviiie, l’aultre du xxiie d’octobre1 avecques les quatre signatures que vous envoioys. Depuys vous ay escript bien amplement du xxix° de novembre et du xxxe de décembre. Je croy que à ceste heure aiez eu lesdictz pac­ quetz, car le syre Michel Parmentier2, librayre demou-

[M. 1536. L. de Rabelais. Original à l’evesque de Maillezais à Rome. Elle est imprimée. — D. Lettre de Rabelais à monsr l’evesque de Maillezais, de Rome, le xxviiie janvier 1536. — E. Epistre VII.]

1. D. Monsr; D. E. receu, lettres; E. plû. — 2. D. E. escrire, dat- tées. — 3. E. cognu, avez; D. E. receu; D. pacquets; E. paquets. — 4. D. E. un; E. dix-huictiesme, l’autre, vingt et deuxiesme, avec. — 5. D. E. envoyois; E. Depuis. — 6. E. escrit, vingt et neufiesme, trentiesme. — 7. E. crois; D. cette; D. E. ayez; D. lesdicts; E. les- dits, D. E. pacquets. — 8. D. E. sire, libraire, demeurant.

1. Ces lettres durent être emportées dans le paquet qui contenait les lettres de Jean du Bellay et de l’évêque de Mâcon à François Ier et au chancelier Dubourg du 20 octobre. Bibl. nat., ms. fr. 5499, fol. 242; Dupuy 3o3, fol. 13-14. (Nous n’avons plus la lettre de Jean du Bellay, mais il y est fait nommément allusion dans une lettre du 5 novembre suivant.) 2. D’une très obligeante communication que M. Julien Baudrier a bien voulu nous faire et dont nous ne saurions trop le remercier, nous extrayons les lignes suivantes sur ce personnage : « Michel Par­ mentier est un libraire fort intéressant qui a joué un rôle très important dans la librairie au xvie siècle, dont je compte publier la notice dans le 10° volume [de la Bibliographie lyonnaise]... Tous les libraires qui suivaient les foires étaient en même temps des commissionnaires, c’est-à-dire des gens qui se chargeaient de trans­ porter non seulement des correspondances, mais aussi de l’argent et de petits objets, linge ou autre... Parmentier a peu édité pour son propre compte, mais il était le représentant à Lyon de plusieurs grandes maisons de librairie de Suisse et d’Allemagne. » Parmi les rant à l’Escu de Basle, m’a escript du Ve de ce moys pré­ sent qu’il les avoit repceuz et envoyé à Poictiers. Vous 10 povez estre asseuré que les pacquetz que je vous envoiray seront fidelement tenuz d’ycy à Lyon, car je les metz dedans le grand pacquet ciré qui est pour les affaires du Roy, et quand le courrier arrive à Lyon, il est desployé par monsieur le gouverneur Lors son secretaire, qui est 15 bien de mes amys, prent le pacquet que j’addresse au des­ sus de la premiere couverture audict Michel Parmentier. Pourtant n’y a difficulté sy non depuys Lyon jusques à Poictiers. C ’est la cause pourquoy je me suys advizé de le taxer pour plus sceurement estre tenu à Poictiers par les 20 messaigiers soubz espoir de y guaingner quelque teston. De ma part j’entretiens tousjours ledict Parmentier par petitz dons que luy envoye des nouvelletez de par decza, ou à sa femme, affin qu'il soyt plus diligent à chercher marchans ou messaigiers de Poictiers qui vous rendent 25 les pacquetz. Et suys bien de cest advys que m’escrivez, qui est de ne les livrer entre les mains des banquiers de peur que ne feussent crochetez et ouvers. Je seroys d’opinion

9. E. escrit, cinquiesme, mois. — 10. D. E. receus; E. Poitiers. — 11. D. E. pouvez, pacquets; D. envoyeray; E. envoyray. — 12. D. E. tenus, icy; D. mects; E. mets. — 15. D. Monsr. — 16. D. E. amis, prend. — 17. E. audit. — 18. D. E. sinon; E. depuis; D. Lion. — 19. E. Poitiers, suis; D. advisé; E. avisé. — 20. D. E. seu- rement; E. Poitiers. — 21. D. E. messagers; D. soubs; E. sous l’es­ poir; D. d’y; D. E. gaigner. — 22. E. ledit. — 23. D. E. petits; nou- velletés, deçà. — 24. D. E. afin, soit. — 25. D. E. marchands, mes­ sagers; E. Poitiers. — 26. D. E. pacquets, suis, cet; D. advis; E. avis; E. escriviez. — 28. D. E. fussent, ouverts, serois. auteurs édités par Michel Parmentier, on peut citer Voulté, Joannis Vulteii remensis epigrammatum libri IIII, ejusdem Xenia. Lugduni, sub scuto basiliensi apud Michaelem Parmentarium. M D XXXVII. — Oratio funebris a Jo. Vulteio de Jac. Minutio Tholosae habita. Lugduni, apud Parmentarium, M D X X X VII (cité par Copley Chris- tie, , trad. C. Stryienski, p. 3o3, note 1.) 1. Pomponio Trivulzio, qui avait remplacé son oncle Teodoro Trivulzio, mort à Lyon en septembre 1532. Il mourut en septembre ou octobre 1539 et fut remplacé par Jean d’Albon, sieur de Saint- André. Sur Pomponio Trivulzio, gouverneur de Lyon, voir Copley Christie, op. cit., p. 228-229. que la premiere foys que m’escrirez, mesmement sy 3o c’est affaire de importance, que vous escriviez ung mot audict Parmentier, et dedans vostre letre mettre ung escu pour luy en considération des diligences qu’il faict de m’envoyer vos pacquetz et vous envoyer les miens. Peu de chose oblige aulcunesfoys beaucoup les gens de bien 35 et les rend plus fervent à l’advenir, quand le cas importe- royt urgente depesche. Monseigneur, je n’ay encores baillé vos letres à mon­ sieur de Xainctes, car il n’est retourné de Naples où il estoyt allé avecques les cardinaulx Salviati et Rodolphe. 40 Dedans deux jours doibt ycy arriver : je luy bailleray vos- dictes letres et solliciteray pour la responce, puys vous l’envoiray par le premier courrier qui sera depesché. J’en­ tends que leurs affaires ne ont eu expédition de l’Empe- reur telle comme ilz esperoient1 , et que l’Empereur leurs

29. D. E. fois, si. — 3o. D. E. d’importance, un. — 31. E. audit; D. E. lettre, un. — 32. E. fait. — 33. D. E. pacquets. — 34. D. aulcu- nesfois; E. aucunefois. — 35. D. fervens; E. fervents. — 36. D. E. importeroit. — 37. E. Epistre VIII; D. Monsr; E. encores; D. E. lettre. — 38. D. Xaintes; E. Saintes. — 39. D. E. estoit; allé manque dans D; E. avec, cardinaux, Rodolfe. — 40. E. doit; D. E. icy. — 41. E. vosdites; D. E. lettres, response. — 42. D. envoyeray. — 43. D. E. n’ont. — 44. D. E. ils, leur.

1. La correspondance de Bragadin fournit quelques renseigne­ ments sur les négociations des Florentins avec l’Empereur. « Li reverendissimi Salviati et Redolphi con li altri Fiorentini, havendoli fatto intender la Maestà Cesarea che volea lei tuor il carrico di concordar le cose loro con il duca Alessandro dapoi il gionger della Excellentia del ditto duca, li hanno risposto che loro non hanno differentia alcuna particular con esso Duca, ma che sono li per la libertà della patria loro, et che essendo successo quel è successo, il primo giorno del entrar del ditto Duca Sua Maestà fusse contenta che potessero andar a basciarli la mano et prender buona licentia da Lei; li quali ad aviso di Vostra Serenità haveano offerto a Sua Maestà in caso che li fusse sta restituita la libertà, scudi 5oo mila, in cinque anni, et comprar etiam al Duca Alessandro uno ducato et stato que li desse scudi 3o mila de entrata l’anno, oltra lo exbursar delli ditti 5oo mila a Sua Maestà. » (Lettre du 7 janvier.) — Le 25 janvier, il analyse une lettre écrite de Naples le 21 par l’évéque de Saintes, d’après laquelle « se entende la risolution delle differentie fra il a dict peremptoirement que à leur requeste et instance 45 ensemble du feu pape Clement, leur allié et proche parent, il avoyt constitué Alexandre de Medicis duc sur les terres de Florence et Pise, ce que jamays n’avoyt pensé faire et ne l’eust faict. Maintenant le deposer ce seroyt acte de batelleurs qui font le faict et le deffaict. Pourtant que ilz 5o se deliberassent le recongnoistre comme leur duc et sei­ gneur et luy obeissent comme vassaulx et subjectz, et qu’ilz ne y feissent faulte. Au reguard des plainctes qu’ilz faisoient contre ledict duc, qu’il en congnoistroyt sus le lieu, car il delibere après avoir quelque temps sejourné à 55 Rome passer par Senes1 et de là à Florence, à Bouloigne, à Milan et Genes. Ainsy s’en retournent lesdictz cardi- naulx, ensemble monsieur de Xainctes, Strossy et quelques aultres, re infecta2. Le xiii° de ce moys furent ycy de retour les cardinaulx de Senes et Cesarin, lesquelz avoient 60

45. E. dit, qu’à .— 46. leur allié et proche parent manque dans E. — 47. D. E. avoit. — 48. D. E. jamais n’avoit. — 49. E. fait; D. E. seroit. — 5o. D. bateleurs; E. bastelleurs; E. fait, deffait. — 51. D. E. recognoistre. — 52. D. obeyssent; E. vassaux; D. subjects; E. sujets. — 53. D. E. qu’ils n’y fissent; E. faute, regard, plaintes qu’ils. — 54. E. ledit; D. congnoistroit; E. recognoistroit sur. — 56. D. E. Bologne. — 57. E. Gennes ; D. E. Ainsi; D. lesdicts; E. lesdits. — E. cardinaux. — 58. D. E. Xaintes; D. Strossi. — 59. E. autres; E. 13, mois; D. E. icy. — 60. D. E. cardinaux, lesquels.

il duca Alessandro et li forusciti va encor molto alla longa, et lo Imperator ha chiamato a se separatamente D"° Fran­ cesco Guicciardini, Baccio Valori et Roberto Acciagioli, che sonno andati a Napoli ad accompagnar il ditto Duca, et narrato alli ditti le grande offerte li fanni li forusciti et il bisogno nel qual Sua Maestà si trova, li quali prima excusando la povertà del duca et della sua città, hanno tolto tempo di esser insieme, et usa nelle ditte lettere sue queste parole: Sumus inter spem et metum ». Voir aussi « la copia di una lettera di Napoli di uno delli forusciti, de dì 29 di gennero », dans Letters and Papers, X, n° 2o5; et les lettres de l’évéque de Mâcon au chancelier Dubourg des 10 et 19 janvier 1536. Voir à l’appendice I. 1. Sienne. 2. Les cardinaux et les bannis florentins ne devaient quitter Naples que quelques semaines plus tard, le 18 février, pour rentrer à Rome le 25. esté esleuz par le Pape et tout le colliege pour legatz par devers l'Empereur. Ilz ont tant faict que ledict Empereur a remys sa venue en Rome jusques à la fin de febvrier1. Sy j’avoys autant d’escus comme le Pape vouldroyt don- 65 ner de jours de pardon, proprio motu, de plenitudine potes- tatis et aultres telles circonstances favorables, à quiconques la remettroyt jusques à cinq ou six ans d’ycy, je seroys plus riche que Jacques Cueur2 ne feut oncques. On a com­ mencé en ceste ville gros apparat pour le recepvoir3. E t a 70 l’on faict par le commendement du Pape ung chemin nouveau par lequel il doibt entrer, sçavoir est de la porte Sainct Sébastian4 tirant au Camp Doly5, Templum

61. D. esleus; E. eslus; D. E. college, legats. — 62. D. E. ils; E. fait, ledit. — 63. D. E. remis; D. Romme. — 64. D. E. si j’avois; D. vouldroit; E. voudroit. — 66. E. autres; D. quiconque. — 67. D. remettro it; E. remetteroit; D. E. d’icy, serois. — 68. D. E. Cœur; D. fust; E. fut. — 69. D. cette, aparat; D. E. recevoir. — 70. E. fait; D. E. commandement, un. — 71. D. E. doit. — 72. E. Sebas­ tien, Champ.

1. La venue de l’Empereur fut encore différée, puisqu’il ne fit son entrée à Rome que le 5 avril; 2. Jacques Cœur, de Bourges, le célèbre argentier de Charles VII (1438-1451), dont la fortune fut proverbiale aux xv° et xvi° siècles. Arrêté en 1451 et condamné en 1453, il s’évada et mourut au service du Pape en 1456. 3. Dès le 22 décembre, Jean du Bellay écrivait à François Ier. « On besogne desja aux logis et va l’on à la fin mectre la main aux triumphes. » Dans une lettre à la Seigneurie du 7 janvier, Bragadin fait part d’un curieux projet de Paul III pour honorer Charles-Quint. « La Santità del Pontefice insieme con questi Romani vedendo non poter far cosa honorevol a tempo de la entrata del Cesare, se ha risolto di far uno archo di marmo, come sonno li antiqui, a perpet- tua memoria delle vittorie et gloriose operation di Sua Maestà, cosa che andera molto a longo. » 4. La porte Saint-Sébastien, autrefois porta Appia, « laquelle con­ siste en une très belle et haulte arcade toute de marbre assez antique, dont le portail est fort enrichy de corniches et graveures, et y a mesmes parmy quelques peintures que l’on ne peult plus recongnoistre ». Müntz, Les antiquités de la ville de Rome aux X IV °, X V ° et X V I° siècles, 1886, p. 96-97. 5. Au Campidoglio, au Capitole. Paris1 et l’Amphiteatre2, et le faict on passer soubs les antiques arcs triumphaulx de Constantin3, de Vespasian et Titus4, de Numetianus5 et aultres, puys à cousté du 75 palays Sainct M arc6 et de là par Camp de Flour7 et davant le palays Farnese8, où souloyt demourer le Pape, puys

73. E. Amphi-theatre, fait, sous. — 74. D. E. triumphaux; D. Ves- pasien. — 75. D. Numetian; E. autres, puis; D. E. costé. — 76. D. E. palais; E. S.; D. E. devant. — 77. D. E. palais, souloit, demeu­ rer, puis.

1. Le Temple de la paix « cujus... pars prope divae Mariae Novae aedem exstare videmus », Topographia antiquae Romae Joanne Bartholomaeo Marliano auctorc, Lugduni, apud Seb. Gryphium, 1534, p. 97-98. Il s’agit très probablement de la basilique de Cons­ tantin, située près de l’église Sainte-Marie Nouvelle (aujourd’hui Sainte-Françoise Romaine) et près du Forum pacis de Vespasien. Cet édifice paraît placé plus directement sur le trajet du cortège indiqué par Rabelais que le templum Sacrae Urbis, auquel on pour­ rait songer aussi. Le templum Sacrae Urbis (église des SS. Cosme et Damien) était adossé au temple de Romulus, mais orienté vers le Forum pacis de Vespasien, tandis que le temple de Romulus est en fqçade sur le Forum romain. 2. Le Colisée. 3. L’arc de Constantin, à l’angle du mont Palatin et du Colisée. Voir Topographia, etc., p. 162-164. 4. L’arc de Titus et Vespasien, entre le Colisée et le Forum, à l’entrée de la Voie Sacrée et près du temple de Vénus et de Rome. Topographia, etc., p. 129-130. 5. L’arc de Scptime-Sevère sur le Forum, au pied du Capitole, « omnium pulcherrimus et parum mutilatus. Sequitur statim recta nunc divini Hadriani, olim Saturni templum a Numatio Planco conditum vel instauratum, quia constat antiquissimum esse ». Topographia, etc., p. 108-110. 6. Palais commencé en 1455 sous Paul II et bâti avec les pierres du Colisée. Il tirait son nom d’une église de Saint-Marc fondée, dit-on, à l’époque de Constantin et enclavée dans la nouvelle cons­ truction. Donné en 156o à la république de Venise, depuis 1797 il sert de résidence à l’ambassadeur d’Autriche auprès du Pape. A la fin du xvi° siècle, il renfermait beaucoup d’antiques. Voir Müntz, op. cit., p. 15-16. 7. Campo di Fiore, place près du palais de la Chancellerie et du palais Farnese. 8. Palais construit pour le cardinal Alexandre Farnese (Paul III) sur les plans d’Antonio da San Gallo, par Michel-Ange, entre 1534 et par les banques1 et dessoubs le chasteau Sainct Ange2; pour lequel chemin droisser et equaler on a demolly et 80 abastu plus de deux cens maisons et troys ou quatre eglises ras terre, ce que plusieurs interpretent en maulvays pré­ sagé. Le jour de la Conversion Sainct Paoul3, nostre

78. E. dessous, S. — 79. D. E. dresser; E. egasler; D. E. demoly. — 80. D. abattu; E. abbatu; D. E. trois. — 81. D. interprettent ; D. E. mauvais. — 82. E. S.; D. E. Paul.

1545. C’est aujourd’hui la résidence de l’ambassade de France. Voir Müntz, loc. cit., et F. de Navenne, Les origines du palais Farnese, dans la Revue des Deux-Mondes, 15 septembre 1895. 1. Aujourd'hui encore on va du palais Farnese au pont Saint- Ange par la via del Monserrato, la via dei Banchi Vecchi, la via Banco S. Spirito. C’était le quartier où résidaient les banquiers de l’époque. 2. Ancien mausolée d’Hadrien, fortifié au moyen Age. Voir E. Ro- docanachi, Le château Saint-Ange, Paris, 1908. — L’itinéraire indi­ qué par Rabelais fut bien celui que suivit l’Empereur. Le 5 avril, les cardinaux envoyés au-devant de Charles-Quint « l'alerent prendre à Saint Paul [hors-les-murs], là où il avoit dormi la nuyt devant, et le firent passer par la porte Saint Sebastien et fut amené par devant Saint Sixto, et puys par devant Saint Gregoire, et puys le passerent par soubz l’arc qui est devant le Colisée [arc de Cons­ tantin] et l’autre arc à Sainte Marie Nove [arc de Titus], et puys par l’aultre arc qui est soubz Campdolio [arc de Septime-Sévère], et puys à Saint Marc, là où avoit esté faict un aultre arc de boys bien beau, et puys fut mené par devant la maison de Cezarin [palais Cesarini], et puys à la maison de Maximo et demorerent en Campo de Fleur [Campo di Fiore], puys allèrent tout droit au Palais [Vatican]. Et nota que sur le pont Saint Ange avoient mis saintes statues des Prophetes et les quatre Evangelistes, et le pape Paul III° l’attendoit sous l’escalle de Saint Pierre, soubz le lieu où le Pape a coustume de donner la bénédiction ». Journal d'un habi­ tant français de Rome, publié par L. Madelin dans les Mélanges d'archéologie et d'histoire de l’École française de Rome, t. XXII (1902), p. 297. 3. Le 25 janvier. « La Beatitudine pontificia è stata in Castello 4 giorni, et andò heri sera a dormir a S. Paulo [Saint-Paul-hors- les-Murs], dove havendo udito questa matina messa se ne è ritor­ nata in Roma et ha voluto veder la strada che Sua Santità fa accon­ ciar per la venuta della Maestà Caesarea, per adreciar della qual non solamente se ruinano case, ma etiam chiese. Dorme questa notte nel palazzo fu del Revmo San Giorgio et dimane ritorna al suo solito palazzo a San Pietro. » Bragadin à la Seigneurie, 25 janvier 1536. Sainct Pere alla ouyr messe à Sainct Paoul et feist ban­ quet à tous les cardinaulx; après disner retourna passant par le chemin susdict et logea au palays Sainct George. 85 Mays c’est pityé de veoir la ruine des maisons qui ont esté dem ollyez, et n’est faict payement ny recompense aul- cune ès seigneurs d’ycelles. Aujourd’huy sont ycy arrivez les ambassadeurs de Venize, quatre bons vieillards tous grizons qui vont par devers l’Empereur à Naples1. Le 90 Pape a envoyé toute sa famille au davant d’eulx, cubicu- laires2, chambriers3, genissaires4, lansquenetz, etc., et

83. E. ouir; D. E. Paul; D. fist; E. fit. — 84. E. cardinaux. — 85. E. susdit; D. E. palais, Georges. — 86. D. E. mais; E. pitié, voir. — 87. D. E. demolies; E. fait; D. rescompense; D. E. aucune. — 88. D. E. icelles, icy. — 89. D. E. Venise. — 90. D. E. grisons; D. lesquels; E. sont. — 91. E. devant, eux. — 92. E. janissaires, lanskenets; etc. manque dans E; et manque dans D.

1. Les quatre ambassadeurs vénitiens étaient Marco Minio, Fede­ rico Renier, Tomaso Mocenigo et Nicolo Tiepolo. Voir une analyse des instructions qui leur furent données le 12 janvier, dans R. Brown, Calendar of State Papers, Venetian, V, n° 89. Ces ambassadeurs firent leur entrée à Rome le 27 janvier. Voir la lettre de Bragadin à la Seigneurie, 31 janvier. Contrairement à ce que dit Rabelais, ils n'allèrent pas et ne devaient pas aller à Naples : ils quittèrent Rome le 11 février suivant pour revenir à Venise (Bragadin, lettre du 12 février). Rabelais confond peut-être avec une autre ambassade composée également de quatre personnages, Tomaso Contarini, Giovanni Delfino, Vincentio Grimnani et Giovan-Antonio Venier, que la Seigneurie envoya le 26 novembre 1535 à l’Empereur et qui d’ailleurs, à l’aller ne passa pas par Rome, au grand mécontente­ ment de Paul III. C’est au retour seulement que ces ambassadeurs virent le Pape (8 janvier). 2. Sur les cubicularii, voir la Practica cancellariae, p. 69. 3. On ne voit pas bien quels personnages de la suite du Pape sont désignés par cette appellation toute française; peut-être s’agit-il des cubicularii secreti que l’on distinguait des cubicularii extra cameram. Voir la Practica cancellariae, p. 69. 4. On appelait ainsi les « solliciteurs des lettres apostoliques », officiers auxquels les impétrants devaient avoir recours pour faire mettre en forme et présenter à la signature leurs suppliques. Voir la Practica cancellariae, p. 66 : « Sollicitatores litterarum apostoli- carum sunt c et vocantur genniceri »; — Oct. Vestrii, op. cit., p. 28 : « ... quos sollicitatores litterarum apostolicarum seu jan- nizzeros vocant ». Voir encore L. Sainéan, Rabclaesiana, Revue des Études rabelaisiennes, t. VII (1909), p. 345-346. les cardinaulx ont envoyé leurs mules en pontifical. Au septiesme de ce moys furent pareillement repceuz les 95 ambassadeurs de Senes bien en ordre1, et après avoir faict leur harangue en consistoyre ouvert, et que le Pape leurs eut respondu en beau latin et briefvement, sont departiz pour aller à Naples. Je croy bien que de toutes les Itales iront ambassadeurs par devers ledici Em pereur; 100 et sçayt bien jouer son rolle pour en tirer denares2, comme il a esté descouvert depuys dix jours encza, mais je ne suys encores bien à poinct adverty de la finesse qu’on dict qu’il a usée à Naples. Par cy après je vous en escriray. Le prince de Piedmons, filz aisné du duc de 1o5 Savoye, est mort à Naples depuys xv jours encza3; l’Em- pereur lu y a faict faire exeques fort honorables et y a personnellement

93. D. E. cardinaux; D. mulles, pontificat. — 94. D. E. mois, receus. — 96. E. fait; D. E. consistoire. — 97. D. E. leur eust. — 98. D. E. départis; E. crois. — 99. E. ledit. — 100. D. E. sçait; D. roolle. — 101. E. découvert; D. E. depuis, en ça. — 102. D. E. suis; E. encore, point. — io3. E. dit, usé. — 104. D. Piedmont; E. Pié­ mont; D. E. fils. — 1o5. D. E. depuis quinze, en ça.— 106. E. fait; D. exceques, honnorables.

1. « Alli 4 entrarono in questa città quatro oratori di Siena assai honoratamente accompagnati et vestiti per dar la obedientia al Pontefice, et cosi hoggi (7 janvier) in publico consistoro con le ceri­ monie solite hanno exequita la commission loro et data la obe­ dientia preditta. » Bragadin à la Seigneurie, 7 janvier 1536. 2. Argent (danari). Voir Gargantua, 1. I, ch. xxvi (le duc Raque- denare, par analogie au surnom donné par les Italiens à l’empereur Maximilien Ier, Pochi danari). 3. L’information de Rabelais est inexacte ou tout au moins con­ fuse. C’est à Madrid et non à Naples, et le 25 décembre 1535, que mourut Louis de Savoie, prince de Piémont, fils aîné du duc de Savoie, Charles II, et de Béatrix de Portugal. Lorsque Charles- Quint apprit la nouvelle, il fit faire à Naples un service funèbre en l’honneur du défunt et envoya don Luis d’Avila auprès du duc et de la duchesse de Savoie, en mission de condoléances. « Doi giorni dapoi (le 13 janvier) passarno de qui corrieri de Spagna che andavano alla Cesarea Maestà, li quali portarono la nova della morte del Principe de Savoglia, fiol primo genito di quel Duca, quel era in Spagna appresso la Imperatrice. » Bragadin à la Sei­ gneurie, 16 janvier. Voir aussi la lettre de l’évêque de Mâcon au chancelier Dubourg du 19 janvier. Appendice I, 3. assisté. Le Roy de Portugal1 depuys six jours encza a mandé à son ambassadeur qu’il avoyt en Rome que subitement ses letres repceues il se retirast par devers luy en Portugal, ce qu’il feist sus l’heure, et tout 110 botté et espronné vint dire à dieu à monsieur le reveren- dissime cardinal du Bellay. Deux jours après a esté tué en plain jour près le pont Sainct Ange ung gentilhomme por- tugaloys quy sollicitoyt en ceste ville pour la communité des Juifz qui furent baptizez soubs le roy Emanuel et 115 depuys estoient molestez par le Roy de Portugal moderne pour succeder à leurs biens quand ilz mouroient et quelques aultres exactions qu’il faisoyt sus eulx oultre l’edict et ordonnance dudict feu roy Emanuel2. Je me doubte que en Portugal y ayt quelque sedition. 120 Monseigneur, par le dernier pacquet que vous avoys envoyé, je vous advertissoys comment quelque partye de l’armée du Turc avoyt esté defaicte par le Sophy auprès de Betelis. Ledict Turc n’a gueres tardé d’avoir sa revanche, car deux moys après il a couru sus ledict Sophy en la plus 125 extreme furie qu’on veit oncques, et après avoir mys à feu et sang ung grand pays de Mesopotamie, a rechassé ledict Sophy par delà la montaigne de Taurus3. Maintenant

107. D. E. depuis. — 108. D. E. en ça, avoit; D. à. — 109. D. E. lettres, receues. — 110. D. E. fist sur. — 111. D. E. esperonné; M. dire à dire. — 113. E. plein; D. prez; D. E. un. — 114. D. E. portu- galois qui sollicitoit; D. cette. — 115. D. E. Juifs, baptisés; E. sous, Emmanuel. — 116. D. E. depuis.— 117. D. E. ils. — 118. E. autres, faisoit sur eux outre. — 119. E. l’edit, dudit, Emmanuel; D. Je ne. — 120. D. E. ait. — 121. E. Epistre IX; D. E. avois. — 122. D. adver- tissois; E. avertissois, partie. — 123. D. E. avoit; D. deffaicte; E. deffaite. — 124. E. Ledit. — 125. D. E. mois; E. ledit. — 126. D. grande furye; D. E. mis. — 127. E. et à; D. E. un; E. pais. — 128. E. ledit; D. E. montagne.

1. Jean III de Portugal, né en 15o2, avait succédé à son père Em ­ manuel en 1521. 2. Emmanuel le Fortuné, né en 1469, roi de Portugal en 1495, mort en 1521. 3. Il faut entendre le massif montagneux qui sépare la Mésopo­ tamie du plateau de l’Iran et du nord de la Perse. faict faire force galeres sus le fleuve de Tanais1 , par 3o lequel pourront descendre en Constantinople. Barberousse n’est encores party dudict Constantinople pour tenir le pays en sceureté; et a laissé quelques guarnisons à Bona et Algiery2, sy d’adventure l’Empereur le vouloyt assail­ lir. Je vous envoye son protraict tiré sus le vif3, et aussy 35 l’assiete de Tunis et des villes maritimes d’environ. Les lansquenetz que l’Empereur mandoyt en la duché de Millan pour tenir les places fortes sont tous naiez et periz par mer jusques au nombre de xiic en une des plus grandes et belles navires des Genefvoys. Et ce feut près 40 ung port des Luquoys nommé Lerze4. L’occasion feut par ce qu’ilz s’ennuyoient sus la mer et voulans prandre terre, mais ne povans, à cause des tempestes et difficulté

129. E. fait; D. galleres; E. sur. — 131. E. encore, dudit. — 132. E. pais; D. E. seureté, garnisons. — 133. D. E. si; E. d’aventure; D. E. vouloit. — 134. E. portraict, sur, aussi. — 135. D. E. assiette. — 1 36. D. lansquenets; E. lanskenets; D. E. mandoit. — 137. D. E. Milan; D. E. noyez. — 137. D. E. péris; D. douze cens; E. quinze cens. — 139. D. E. Genevois, fut; D. prez. — 140. D. un; E. d’un; D. E. Lucquois, fut. — 141. D. E. qu’ils, sur, prendre. — 142. E. et; D. E. pouvans.

1. Tanaïs est le nom du Don dans l’antiquité. Il ne saurait être ici question de ce fleuve. Il s’agit sans doute de l’Aassi ou Nahr-el- Asi (l’ancien Oronte), le fleuve qui passe à Antiocbe et se jette dans la Méditerranée, non loin du golfe d’Alexandrette. L’armée turque, revenant de la campagne de Perse, se trouvait sur les bords du Nahr-el-Asi le 4 décembre, à Antioche le 5 et, contrairement à ce qu’indique Rabelais, elle traversa l’Asie Mineure par Adana, Eski- chehr, Nicée et Nicomédie, pour rentrer à Constantinople le 8 jan­ vier 1536. Voir Hammer, op. cit., t. V, p. 51 o-511. 3. Bône et Alger. 3. Ce portrait est probablement, comme le suppose M. Dorez, celui qu’avait gravé en 1535 le Vénitien Agostino Musi et dont on trouvera une excellente reproduction en tête de l'Itinéraire de Jérôme Maurand d'Antibes à Constantinople (1544), éd. Léon Dorez, Paris, 1901. Voir Introduction, p. xxxi, note 2. Il est en effet extrê­ mement vivant. 4. Lerici, sur la côte de Toscane, au sud-est de l’entrée du golfe de la Spezzia. du temps, penserent que le pillot de la nave les voulust tousjours delayer sans abourder. Pour ceste cause le tuerent et quelques aultres des principaulx de ladicte 145 nauf, lesquelz occys, la nauf demoura sans gouverneur et en lieu de caller la voille, les lansquenetz la haulsoient1 comme gens non practifz en la marine, et en tel desarroy perirent à ung gect de pierre près ledict port. Monseigneur, j’ay entendu que monsieur de Lavaur2, 15o qui estoyt ambassadeur pour le Roy à Venize, a eu son congié et s’en retourne en France. En son lieu va mon­ sieur de Rodès3 et ja tient à Lyon son train prest quand le Roy luy aura baillé ses advertissemens.

143. D. pilotte; E. pilote. — 144. E. dilayer; D. E. aborder; D. cette. — 145. E. autres, principaux, ladite. — 146. D. E. nef, lesquels occis, nef demeura. — 147. E. voile; D. lansquenets; E. lanskenets; D. E. haussoient. — 148. D. pratifs; E. pratics. — 149. D. E. un; D. get; E. jet, ledit. — 151. D. E. estoit, Venise. — 152. D. E. congé. — 153. E. Rhodez; D. Lion.

1. Et non haulserent, comme nous l’avons écrit par erreur, supra, p. 27, ligne 26. Les variantes de D et E étant purement orthogra­ phiques, il convient donc de supprimer l’exemple 8, ou plutôt de l’ajouter à la première série d’exemples. 2. Georges de Selve, fils de Jean de Selve, évêque de Lavaur (1526), avait remplacé Lazare de Bayf comme ambassadeur de France à Venise, le 12 décembre 1533. Contrairement au bruit dont Rabe­ lais se fait l’écho, l’évêque de Lavaur ne quitta pas Venise au début de 1536; il y demeura jusqu’au 27 avril 1537 et vint alors à Rome, où il résida jusqu’en juin 1538. Il fut envoyé ensuite auprès de l’Empereur (octobre 153g-novembre 1540). Il mourut le 12 avril 1542. Il a subsisté quelques débris de sa correspondance diplomatique. Bibl. nat., Dupuy 265 (lettres adressées à Jean du Bellay); Archives du ministère des Affaires étrangères, Correspondance politique, Rome, vol. 4. Voir A. Tausserat-Radel, Correspondance politique de Guillaume Pellicier, p. 634-658. 3. Georges d’Armagnac, né vers 15oo, évêque de Rodez (152g), ne fut officiellement désigné à l’ambassade de France à Venise qu’en juin 1536. Il géra cette ambassade d’abord conjointement avec Georges de Selve jusqu’en avril 1537, puis tout seul jusqu’en février 153g. Il passa ensuite à Rome. Cardinal en 1544, archevêque de Toulouse en 1562, d’Avignon en 1576, il mourut en 1585. Voir P. Maruéjouls, Etude biographique sur le cardinal d’Armagnac (15oo-1585), dans les 155 Monseigneur, tant comme je puys humblement à vostre bonne grace me recommande, pryant Nostre Seigneur vous donner en santé bonne vie et longue. A Rome, ce xxviii° de janvier 1536. Vostre très humble serviteur, François Rabelais.

155. D. E. puis. — 156. D. E. priant. — 158. D. vingt huictiesme.

Positions des thèses des élèves de ¡’Ecole des chartes, 1896, p. 23-28 ; Ch. Samaran, Lettres inédites du cardinal Georges d'Armagnac, dans les Mélanges d'archéologie et d'histoire de l'École française de Rome, t. XXII (1902), p. 99-134. III.

Monseigneur, Je vous escrivy du vingt huictiesme jour du mois de janvier dernier passé bien amplement de tout ce que je sçavois de nouveau par un gentilhomme servi­ teur de monsieur de Montreul1, nommé Tremeliere2, lequel retournoit de Naples où avoit achapté quelques 5 coursiers du royaume pour sondict maistre et s’en retour­ noit à Lyon vers luy en diligence. Ledict jour, je receus le pacquet qu’il vous a pieu m’envoyer de Legugé3, datté

[D. Lettre de Rabelais à monsr l’evesque de Maillezais, de Rome, le xv° febvrier 1536 ; E. Epistre X.]

1. E. escrivis. — 4. E. Montreuil. — 5. E. acheté. — 6. E. sondit. — 7. E. ledit. — 8. E. que vous.

1. Il s’agit très probablement d’Adrien Vernon, sieur de Montreuil- Bonnin, gentilhomme de la Chambre, capitaine et garde des eaux et forêts de Civray et Usson. C’est lui qui avait été chargé de por­ ter le rapport et les lettres que Jean du Bellay et l’évêque de Mâcon adressèrent, le 18 août 1535, à François Ier, à Montmorency et au chancelier Dubourg. Bibl. nat., Dupuy 3o3, fol. 2. 2. Il s’agit, je crois, de René du Bellay, sieur de la Turmeliere (fief angevin situé près de Liré, arr. de Cholet, Maine-et-Loire), frère de Joachim du Bellay. Voir L. Séché, Les origines de Joachim du Bellay, dans la Revue de la Renaissance, t. I (1901), p. 26. — Il est question de ce personnage dans deux lettres adressées par Dodieu de Vély à Jean du Bellay les 4 et 15 février 1536 (Bibl. nat., Dupuy 265, fol. 47 et 48) qui mentionnent son passage à Rome le « penultiesme de janvier ». Il emportait, outre les chevaux destinés au sieur de Montreuil, le courrier des ambassadeurs de France à Naples et à Rome. 3. Ligugé, commune du canton sud de Poitiers (Vienne). Le prieuré de Ligugé « appartenait depuis le milieu du x° siècle à l’ab­ baye de Maillezais ». Geoffroy d’Estissac s’occupa surtout de la reconstruction totale des bâtiments conventuels dont il fit une habi­ tation de grand seigneur... « Tout autour... à la mode des prélats italiens, il avait créé des jardins superbes où il cultivait les fleurs et les plantes rares ». H. Clouzot, Topographie rabelaisienne [Poi­ tou), Revue des Études rabelaisiennes, t. II (1904), p. 162-164. 5 du xe dudict mois, en quoy pouvez congnoistre l’ordre que 10 j’ay donné à Lyon, touchant le bail de vos lettres, com­ ment elles me sont icy rendues seurement et soudain. Vosdictes lettres et pacquet furent baillées à l’Escu de Basle au xxic dudict mois, le xxviii° me ont esté icy ren­ dues. Et pour entretenir à Lyon, car c’est le poinct et lieu 15 principal, la diligence que faict le libraire dudict Escu de Basle en cest affaire, je vous reitere ce que je vous escri- vois par mon susdict pacquet, si d’adventure survenoient cas d’importance par cy après, c’est que je suis d’advis que à la premiere fois que m’escrirez luy escriviez quelque 20 mot de lettre et dedans icelles mettez quelque escu sol, ou quelque piece de vieil or comme royau, angelot ou salut1, etc., en considération de la peyne et diligence qu’il y prend. Ce peu de chose luy accroistra l’affection de mieux en mieux vous servir. 25 Pour respondre à vos lettres de poinct en poinct, j’ay faict diligentement chercher ez registres du Palais depuis le temps que me mandiez, sçavoir est l’an 152q, 153o et 1531, pour entendre sy on trouveroit l’acte de la résigna­ tion que fist feu dom Philippes à son nepveu, et ay baillé 3o aux clercs du registre deux escus sol, qui est bien peu, attendu le grand et fascheux labeur qu’ils y ont mis. En somme, ils n’en ont rien trouvé et n’ay oncques sceu entendre nouvelles de ses procurations. Parquoy me doubte

9. E. dixiesme, dudit, cognoistre. — 12. E. Vosdites. — 13. E. vingt et uniesme, dudit. — 15. E. fait, dudit. — 16. D. cet. — 17. E. susdit, d’aventure. — 18. E. pour, avis. — 19. E. prime. — 20. E. icelle. — 21. E. quelque autre piece, viel. — 22. E. saluz; etc. manque dans E. — E. pour et en c., peine. — 26. E. fait. — 27. D. mil cinq cens vingt neuf, trente et trente et un. — 28. E. si. — 29. E. fit, frerc, neveu. — 3o. E. clers, sols. — 32. D. onques.

1. Les royaux étaient une ancienne monnaie française datant de Jean le Bon, Charles V et Charles VII; les angelots et les saluts étaient des monnaies d’or anglaises. Voir à ce sujet E. Levasseur, Mémoire sur les monnaies du règne de François Ier, en tête du tome Ier des Ordonnances des rois de France, règne de Fran­ çois p. xxii-xxiii (écus au soleil), x lix (royaux, angelots, saluts). qu’il y a de la fourbe en son cas, ou les memoires que m’escriviez n’estoient suffisans à les trouver. Et fauldra 35 pour plus en estre acertainé que me mandiez cujus dioce- sis estoit ledict feu dom Philippes et si rien avez entendu pour plus esclaircir le cas et la matiere, comme si c’estoit pure et simpliciter ou causa permutationis, etc. Monseigneur, touchant l’article ouquel vous escrivois 40 la responce de monsieur le cardinal du Bellay, laquelle il me fist lorsque, je luy presentay vos lettres, il n’est besoing que vous en faschiez. Monsieur de Mascon vous en a escript ce qui en est. Et ne sommes pas prests d’avoir legat en France. Bien vray est il que le Roy a presenté 45 audict Pape le cardinal de Lorraine1; mais je croy que le cardinal du Bellay taschera par tous moyens de l’avoir pour soy. Le proverbe est vieux qui dict nemo sibi secundus et veoy certaines menées qu’on y faict, par lesquelles ledict cardinal du Bellay pour soy employera le Pape et le fera 50

35. E. faudra. — 36. D. mandez. — 37. E. ledit, frere; D. domp. — 39. etc. manque dans E. — 40. E. Epistre XII, auquel. — 41. D. response. — 42. E. besoin. — 43. D. faschez. — 44. E. escrit ce que. — 46. E. audit, crois. — 47. D. Beslay tachera. — 49. E. vois, fait, ledit. — 5o. D. Beslay; E. emploira.

1. A la mort de Duprat, François Ier demanda au Pape la légation de France pour le cardinal Jean de Lorraine, qui pria Jean du Bellay d’agir en sa faveur auprès de Paul III. (Le cardinal de Lor­ raine à Jean du Bellay, Coucy, 12 juillet; Bibl. nat., Dupuy 263, fol. 27.) Le 3 septembre, Jean du Bellay répondit « qu’il fault lais­ ser escoller ceste venue de l’Empereur » (Bibl. nat., ms. fr. 5499, fol. 219 v°). Nouvelle lettre du cardinal de Lorraine le 10 sep­ tembre, avec prière d’insister (Bibl. nat., Dupuy 263, fol. 31). Le 23 septembre, Jean du Bellay lui écrit : « Quant à vostre affaire, je vous suis trop devot et dedié pour le vous dissimuler, il (le Pape) n’a veine qui y tende et l’a trop juré, trop reffusé et trop s’en est tourmenté. » Jean du Bellay ne peut réclamer énergiquement, de peur d’incliner le Pape vers l’Empereur, au moment où celui-ci arrive en Sicile et s’avance vers Rome (Bibl. nat., ms. fr. 5499, fol. 231 v”). Malgré ses protestations, il parait bien que Jean du Bellay ne mettait pas beaucoup d’empressement à appuyer auprès du Pape la demande du cardinal de Lorraine et préférait intriguer pour son propre compte. trouver bon au Roy. Pourtant ne vous faschez si sa res- ponce a esté quelque peu ambigue en vostre endroict. M onseigneur, touchant les graines que vous ay envoyées, je vous puis bien asseurer que ce sont des meilleures de 55 Naples et desquelles le Sainct Pere faict semer en son jar­ din secret de Belveder1. D’aultres sortes de salades ne ont ils par deça, fors de Nasidord2 et d’Arrousse. Mais celles de Ligugé me semblent bien aussi bonnes et quelque peu plus doulces et amiables à l’estomach, mesmement 60 de vostre personne, car celles de Naples me semblent trop ardentes et trop dures. Au regard de la saison et semailles, il faudra advertir vos jardiniers qu’ils ne les sement du tout si tost comme on faict de par deçà, car le climat ne y est pas tant advancé en chaleur comme icy. Ils ne pour- 65 ront faillir de semer vos salades deux fois l’an, sçavoir est en caresme et en novembre, et les cardes ils pourront semer en aoust et septembre; les melons, citrouilles et aultres en mars et les armer certains jours de joncs et fumier leger et non du tout pourry, quand ils se doubte- 70 roient de gelée. On vend bien icy encores d’aultres graines comme d’œillets d’Alexandrie, de violes matronales, d’une herbe dont ils tiennent en esté leurs chambres fraisches3,

52. E. endroit. — 53. E. Epistre XII ; D. granes. — 55. E. fait. — 56. E. d’autres; D. sallades. — 57. D. nasecord, arousse. — 59. E. douces. — 63. E. fait; D. n’y. — 64. E. avancé. — 67. D. citrulles. — 68. E. autres, D. jong. — 69. E. douteroient. — 70. E. autres; D. granes. — 71. E. des œillets, des violes.

1. Le Belvédère est une partie du Palais du Vatican comprenant un pavillon construit vers 1490, sous Innocent VIII, et une cour bâtie par Bramante sous Jules II pour relier le pavillon au Palais. C’est de cette cour, jardin secret du palais pontifical, qu’il s’agit ici. Ce jardin était à l’époque assez étendu; c’est seulement sous Sixte-Quint que la cour de Bramante fut scindée en deux parties par la construction de la Bibliothèque et que l’on eut la cour du Belvédère et le jardin de la Pigna. 2. Nasitord, cresson alenois. 3. Cette habitude n’était pas particulière à l’Italie : on la trouvait également en France. A propos d’une aventure galante, dont Bony- vet fut le héros peu glorieux, Brantôme dit : « C'estoit en esté, où qu’ils appellent Belvedere, et aultres de medecine, mais ce seroit plus pour madame d’Estissac. S’il vous plaist, de tout je vous envoiray et n’y feray faulte. 75 Mais je suis contrainct de recourir encores à vos aul- mosnes, car les trente escus qu’il vous pleust me faire icy livrer sont quasi venus à leur fin et si n’en ay rien des­ pendu en meschanceté ny pour ma bouche, car je bois et mange ordinairement chez monsieur le cardinal du Bel- 80 lay ou monsieur de Mascon. Mais en ces petites barbouil- leryes de depesches et louage de meubles de chambre et entretenement d’habillemens s’en va beaucoup d’argent, encores que je m’y gouverne tant chichement qu’il m’est possible. Sy vostre plaisir est me envoyer quelque lettre 85 de change, j’espere n’en user que à vostre service et n’en estre ingrat. Au reste, je veoy en ceste ville mille petites mirelificques à bon marché qu’on apporte de Cypre, de Candie et Constantinople. Sy bon vous semble, je vous en envoiray ce que mieux je verray duisible, tant à vous 90 que à madicte dame d’Estissac. Le port d’icy à Lyon n’en coustera rien.

73. E. autres,.— 75. D. envoyeray; E. faute. — 76. E. contraint, aumosnes. — 77. E. plût. — 79. D. par. — 80. D. mengue; ordinai­ rement manque dans E. — 81. E. barbouilleries. — 84. E. encore. — 85. E. de me. — 87. E. vois; D. cette— 88. E. mirolifiques, Chypre. — 89. E. si. — 90. D. envoyeray; E. mieux que je. — 91. D. qu’à; E. madite. l’on avoit mis des branches et feuilles en la cheminée, ainsi qu’est la coustume de France » (Œ uvres, éd. Lalanne, t. IX, p. 712). Et Gaillard, qui fait allusion à l’anecdote, ajoute : « I.e grand cham­ bellan, dit du Tillet, étoit chargé de tenir les appartemens des maisons où alloit le Roi, garnis de roseaux, de joncs et de feuilles en esté, et de pailles et nattes en hiver. » On voit parmi les manus­ crits de Béthune un paiement de jonchées, feuilles et ramées fait aux fourriers du Roi le 14 novembre 1516 [Bibl. nat., Fontanieu, t. 165-166]. On trouve encore un reste de cet usage dans ces deux vers du Menteur de Corneille : « Le cinquième étoit grand, tapissé tout exprès De rameaux enlacés pour conserver le frais. » Gaillard, Histoire de François 1er, éd. 1819, t. V, p. 260. J’ay Dieu mercy expedié tout mon affaire et ne m’a cousté que l’expedition des bulles1. Le Sainct Pere m’a 95 donné de son propre gré la composition et croy que trou­ verez le moyen assez bon et n’ay rien par icelles impetré qui ne soit civil et juridicque. Mais il y a fallu bien user de bon conseil pour la formalité. Et vous ose bien dire que je n’y ay quasi en rien employé monsieur le cardinal du 100 Bellay ny monsieur l’Ambassadeur, combien que de leur grace s’y fussent offerts à y employer non seulement leurs paroles et faveur, mais entierement le nom du Roy. Monseigneur, je n’ay encores baillé vos prem ieres lettres à monsieur de Xainctes, car il n’est encores retourné de 1o5 Naples, où il estoit allé, comme vous ay escript. Il doibt estre icy dedans trois jours2. Lors je luy bailleray vos lettres premieres et quelques jours après bailleray vos secondes et solliciteray pour la response. J’entends que ny luy ny les cardinaux Salviati et Rodolphe, ni Philippe 110 Strossy avecques ses escus n’ont rien faict envers l’Empe- reur de leur entreprise, combien qu’ils luy ayent voulu livrer ou nom de tous les forestiers et bannis de Florence un million d’or du contant, parachever la Rocqua3 com­ mencée en Florence et l’entretenir à perpétuité avecques 115 garnisons competentes ou nom dudit Empereur et par chacun an luy payer cent mille ducats pourveu et en con­ dition qu’il les remist en leurs biens, terres et libertés

95. E. crois, trouverrez. — 97. D. civile; E. juridique. — 98. E. oze. — 100. E. leurs. — 101- E. graces, se y. —, 1o3. E. Epistre XIII. — 104. E. Saintes. — 1o5. E. je vous, escrit, doit. — 106-107. vos lettres... bailleray manquent dans E. — 109. E. Salviaty. — 110. E. Strozzy, avec, fait. — 112. E. au nom. — 113. E. content; D. Rocca. — 114. E. aux garnisons. — 115. E. au, dudit. — 116. E. mil.

1. Il s’agit non d’une bulle, mais du bref du 17 janvier 1536. Voir J. Boulenger, La supplicatio pro apostasia et le bref de 1536, dans la Revue, des Études rabelaisiennes, t. II (1904), p. 110-134. 2. Voir p. 55, note 2. Effectivement, l’évéque de Saintes quitta Naples le 18 février. 3. Forteresse destinée à tenir en respect les Florentins. premieres. Au contraire, le duc de Florence a esté de luy receu très honnorablement1 et à sa prime venue l’Empe­ reur sortist au devant de luy et post manus oscula le fist 120 conduire au Chasteau Capouan2 en ladicte ville, ouquel est logé sa bastarde3 et fiancée audict duc de Florence, par le prince de Salerne4, vice roy de Naples5, marquis de Vast6, duc d’Albe7 et aultres principaulx de sa court et là parlementa tant qu’il voulust avec elle, la baisa et 125 souppa avecques elle. Depuis les susdicts cardinaulx, evesque de Xainctes et Strossy n’ont cessé de solliciter. L’Empereur les a remis pour resolution finale à sa venue en ceste ville. En la Rocqua, qui est une place forte à mer­ veilles que ledict duc de Florence a basty en Florence, au i3o devant du portail il a faict peindre un aigle qui a les aisles

118. le duc de Florence manque dans E. — 120. E. sortit, fit. — — 121. E. ladite, auquel. — 122. E. audit. — 124. E. autres prin­ cipaux; D. cour. — 125. E. qu’il fut avec. — 126. E. avec, susdits cardinaux. — 127. E. Xaintes, Strozzy. — 129. D. cette. — 13o. E. ledit. — 131. E. fait, une.

1. Le duc de Florence entra à Naples le 3 janvier. Voir la lettre de l’évêque de Mâcon au chancelier Dubourg, 10 janvier 1536. Appen­ dice I. 2. Le Castel Capuano, aujourd’hui le Palais de Justice. 3. Marguerite d’Autriche, fille de Charles-Quint et de Jeanne van der Gheynst, née à Audenarde en 1522. Devenue veuve d’Alessandro de’ Medici, elle épousa, le 4 novembre 1538, Ottavio Farnese. Gou­ vernante des Pays-Bas au début du règne de Philippe II, elle mou­ rut en 1586. 4. Ferrante di Sanseverino, prince de Salerne, né en 15o8, fut fait prisonnier au combat de Salerne (avril 1528); il prit part aux expédi­ tions de Tunis, de Provence, d’Alger, de Cerisoles et de Champagne (1544). En 1552, il passa au service du roi de France et mourut en 1568. 5. Pedro-Alvarez de Toledo, marquis de Villafranca, vice-roi de Naples, 1532-1552. 6. Alfonso II de Avalos y Aquino, marquis del Vasto, né en 1504, devint capitaine général des armées de Charles-Quint après la mort d’Antonio de Leyva (septembre 1536), gouverneur général du Mila­ nais en 1538. Il mourut en 1546. 7. Fernando-Alvarez de Toledo, duc d’Albe (15o8-1582). aussi grandes que les moulins à vent de Mirebalais1, comme protestant et donnant à entendre qu’il ne tient que de l’Empereur. Et a tant finement procedé en sa tyrannie 135 que les Florentins ont attesté nomine communitatis par devant l’Empereur qu’ils ne veulent aultre seigneur que luy. Vray est qu’il a bien chastié les forestiers et bannis. Pasquil2 a faict depuis nagueres un chantonnet ouquel il dist à Strossi : Pugna pro patria; à Alexandre, duc de 140 Florence : datum serva; à l’Empereur : quae nocitura tenes, quamvis sint char a, relinque; au Roy : quod potes, id tenta; aux deux cardinaux Salviati et Rodolphe : hos brevitas sensus fecit conjungere binos. Monseigneur, au regard du duc de Ferrare, je vous ay 145 escript comment il estoit retourné de Naples et retiré à

136. E. autre. — 138. E. fait, chantonet auquel. — 139. E. dit, Strozzy. — 144. E. Epistre XIV. — 145. E. escrit.

1. Mirebalais, pays de Mirebeau (Vienne). Voir H. Clouzot, Topo­ graphie rabelaisienne (Poitou), Revue des Études rabelaisiennes, t. II (1904), p. 227-228. L’expression se retrouve dans Gargantua, ch. xi, et Pantagruel, III, ch. xx. 2. On connaît l'habitude prise par les satiriques romains de coller sur le torse d’une statue mutilée, surnommée Pasquino, des épi- grammes et des plaisanteries mordantes contre les personnages ou les événements du jour. Voici une de ces pièces, à peu près con­ temporaine de la lettre de Rabelais : « Nos Pasquillus, generalis praefectus populi Romani, consideratis actis et laudabilibus gestis Caroli Qui [nti, regis] Neapolitani, maxime erga rem publicam roma- nam, e[i damus et con]cedimus liberum ac securum salvum con- ductum eu[ndi et] transeundi per civitatem nostram, ejusque comi- tatu... rebus et personis, duraturum per totum mensem martii [proxime sequentem) non obstantibus quibuscunque latrociniis, rubariis..., ...mentis, adulteriis, incestis, luteranismis commissis [in hac] Urbe per se et ejus ministros, tam erga Christum [et ejus] Sanctos, quam generaliter contra universam civitatem... aliis. « Datum Romae in solita nostra residentia, di[e 28] Februarii 1536. « Paulus tkrtius, canc[ellarius]. » (Letters and Papers, X, n° 367.) — Voir encore Pasquillus roma- nus ad rectores civesque Galliae, M D X X X V I. Ex aedibus nostris Romae, pridie idus maii, vester ut suus. Pasquillus romanus. Bibl. nat., Lb30,1 55. Ferrare1. Madame Renée est accouchée d’une fille2; elle avoit ja une aultre belle fille aagée de six à sept ans et un petit fils aagé de trois ans. Il n’a peu accorder avecques le Pape, parce qu’il luy demandoit excessive somme d’ar­ gent pour l’investiture de ses terres, nonobstant qu’il 15o avoit rabattu cinquante mille escus pour l’am our de ladicte dame, et ce par la poursuitte de messieurs les cardinaulx du Bellay et de M ascon3, pour tousjours accroistre l’af­ fection conjugale dudict duc de Ferrare envers elle. Et ce estoit la cause pourquoy Lyon Jamet estoit venu en ceste 155 ville4 et ne restoit plus que cent cinquante mil escus. Mais ils ne peurent accorder, parce que le Pape vouloit qu’il recogneust entièrement tenir et posséder toutes ses terres en feode du siege apostolique. Ce que l’aultre ne voulut et n’en vouloit recognoistre, sinon celles que son 160 feu pere avoit recogneu et ce que l’Empereur en avoit adjugé à Boulogne par arrest, du temps du feu pape Clé­ ment. Ainsi départit re infecta et s’en alla vers l’Empe­ reur, lequel luy promist que à sa venue il feroit bien consentir le Pape venir au poinct contenu en sondict 165 arrest et qu’il se retirast en sa maison, luy laissant ambas­ sade pour solliciter l’affaire quand il seroit de par deça et

147. E. autre, âgée. — 148. E. âgé, pû, avec. — 151. rabatu, mil, ladite. — 152. E. poursuite, cardinaux. — 154. E. conjugal, dudit. — 155. D. Lion, cette. — 156. E. quinze mil. — 157. E. purent. — 158. E. recognust. — 159. D. ou siege, autre. — 161. E. recognu. — 162. E. Boloigne. — 164. E. qu’à. — 165. E. et venir, point, sondit.

1. Le duc rentra à Ferrare le 15 janvier 1536. Voir B. Fontana, op. cit., t. I, p. 227. 2. Renée avait mis au monde le 16 décembre précédent une fille, Lucrezia; elle avait eu déjà une autre fille, Anna, le 16 novembre 1531, et un fils, Alfonso, le 22 novembre 1533. 3. Il y a ici un lapsus calami évident, car l’évêque de Mâcon ne fut promu cardinal que le 22 décembre 1536. Voir la lettre au chan­ celier Dubourg, en date de ce jour. Bibl. nat., Dupuy 3o3, fol. 54. 4. Lyon Jamet, l’ami de Clément Marot. Sur cette mission de Jamet à Rome pour le compte du duc de Ferrare, voir B. Fontana, op. cit., t. I, p. 356, 379-381. qu’il ne payast la somme ja convenue sans qu’il fust de luy entierement adverty. La finesse est en ce que l’Empe- 170 reur a faulte d’argent et en cherche de tous costez et taille tout le monde qu’il peult et en emprunte de tous endroicts. Luy estant icy arrivé, en demandera au Pape, c’est chose bien evidente, car il luy remonstrera qu’il a faict toutes ces guerres contre le Turc et Barberousse pour mettre en 175 seureté l’Italie et le Pape et que force est qu’il y contribue. Ledict Pape respondra qu’il n’a point d’argent et luy fera preuve manifeste de sa pauvreté. Lors l’Empereur, sans qu’il desbourse rien, luy demandera celuy du duc de Fer- rare, lequel ne tient qu’à un Fiat. Et voyla comment les 180 choses se jouent par mysteres. Toutesfois, ce n’est chose a sse u ré e . Monseigneur, vous demandez si le sr Pierre Loys Far- neze1 est legitim fils ou bastard du Pape. Sçachez que le Pape jamais ne fust marié, c’est à dire que le susdict est 185 veritablement bastard. Et avoit le Pape une sœur belle à merveilles2. On monstre encores de present ou Palais,

168. D. sans ce qu’il. — 169. E. averty. — 170. E. faute. — 171. E. peut. — 173. E. fait. — 176. E. ledit. — 178. E. débourse. — 179. D. voila. — 182. E. Epistre XV. Farneze manque dans E. — 183. D. pape Paul troise, sachez. — 184. E. susdit. — 186. E. merveille, encore, au.

1. Pier Luigi Farnese, fils du pape Paul III et d’une dame romaine et noble que l’on a supposé s’appeler Lola et appartenir la famille Feruffini, était né le 19 novembre 15o3; duc de Parme et Plaisance en 1545, il fut assassiné le 10 septembre 1547. Il avait été légitimé, ainsi que son frère Paolo, par une bulle du 8 juillet 15o5. Voir F. de Navenne, Pier Luigi Farnese, Revue historique, t. LXXVII, p. 241. 278; t. LXXVIII, p. 8-44. 2. Giulia Farnese. Voir F. de Navenne, Les origines du palais Farnese, dans la Revue des Deux - Mondes, 15 septembre 18g5, p. 387. Sur son portrait, voir L. Pastor, Geschiclite der Pâpste, t. III, p. 320, n. 3; p. 537. — Suivant une tradition dont Vasari s’est fait l’écho, dans l’une des salles de la partie du Vatican appelée appartements Borgia, au-dessus d’une porte, Pinturichio aurait peint une Notre-Dame sous les traits de Giulia Farnèse et la tête du pape Alexandre VI l'adorant. D’après l’enquête à laquelle s’est livré le P. Ehrlé, avant la restauration de l’appartement Borgia, la en ce corps de maison ouquel sont les sommistes1, lequel fist faire le pape Alexandre, une ymage de Nostre Dame, laquelle on dict avoir esté faicte à son portraict et sem- blance. Elle fut mariée à un gentilhom m e2, cousin du sei- 190 gneur Rance, lequel estant en la guerre pour l’expedition de Naples, ledict pape Alexandre la voyoit. Ledict seigneur Rance, du cas acertainé, en advertist sondict cousin, luy remonstrant qu’il ne devoit permettre telle injure estre faicte en leur famille par un espagnol pape, et ou cas qu’il 195 l’endurast, que luy mesmes ne l’endureroit point. Somme toute, il la tua. Duquel forfaict le pape Paul troisiesme fist ses doleances audict pape Alexandre VI. Lequel pour appaiser son grief et deuil le fist cardinal, estant encores bien jeune3, et luy fist quelques aultres biens. Ouquel 200 temps entretint le Pape une dame romaine de la case

187. E. auquel. — 188. E. fit, image. — 189. E. dit, faite, ressem­ blance. — 192. E. ledit, la voyait manque dans E.; E. ledit; D. sieur. — 193. E. advertit, sondit. — 195. E. faite, en cas. — 196. E. mesme. — 197. E. forfait. — 197-198. Paul troisiesme; audict pape Alexandre VI manquent dans E. — 200. E. autres, auquel. seule peinture qui corresponde au signalement donné par Vasari est celle qui se trouve dans la salle III (sala dei Santi) au-dessus de la porte qui mène à la salle II : elle représente dans un cadre cir­ culaire la Madone et l’Enfant Jésus entourés de chérubins. La tête du pape Alexandre VI n’y a jamais figuré et n’a pas pu y figurer. Voir F. Ehrlé et E. Stevenson, Gli affreschi del Pinturrichio nell' appartamento Borgia, Rome, 1897, gr. in-fol., Introduction, p. 68, et les planches LXXVI (pagination corrigée L XXIV), LXXXVIII (p. c. LXXXVII), vues de la salle III, et la planche LXXXVI (p. c. LXXV), reproduction de la Madone. 1. D’après Vestrius, op. cit., p. 11, 12, 15, le sommiste (car, con­ trairement à ce que parait indiquer Rabelais, c’était un fonction­ naire unique) était le fonctionnaire de la curie romaine chargé de procéder à l’expédition des lettres per cameram et notamment de distinguer celles qui devaient suivre cette voie et celles qui devaient être expédiées per cancellariam. Voir, supra, p. 36, n. 1. 2. Giulia Farnese avait épousé Orsino Orsini. 3. Alessandro Farnese reçut le chapeau de cardinal le 21 sep­ tembre 1493. Il avait alors vingt-cinq ans. Ruffine, de laquelle il eut une fille1 qui fut mariée au seigneur Bauge, comte de Santa Fiore, qui est mort en ceste ville depuis que je y suis, de laquelle il a eu l’un des 2o5 deux petits cardinaux qu’on appelle le cardinal de Saincte Flour2. Item eust un fils qui est ledict Pierre Louys que demandiez, qui a espousé la fille du comte de Servelle3, dont il a tout plein foyer d’enfans et entre aultres le petit cardinalicule Farnese, qui a esté faict vice chancellier par 210 la mort du feu cardinal de M edicis4. Par les propos sus- dicts pouvez entendre la cause pourquoy le Pape n’ai- moit gueres le seigneur Rance et vice versa ledict Rance

204. E. j’y. — 206. E. eut, ledit, Louis. — 207. E. Cervelle. — 208. E. autres. — 209. E. fait, chancelier. — 210. E. ces, susdits. — 211. E. n’aymoit. — 212. E. ledit.

1. Costanza Farnese était probablement l’aînée des enfants de Paul III. Elle épousa Bosio Sforza, comte de Santa-Fiore, qui mou­ rut à Rome dans les derniers jours d’août 1535. Jean du Bellay à François Ier, 3 septembre 1535. Bibl. nat., ms. fr. 5499, fol. 216. Costanza Farnese épousa ensuite Stefano Colonna, prince de Pales- trina. 2. Costanza eut de Bosio Sforza deux fils, Guid’ Ascanio et Ales­ sandro. Guid’ Ascanio fut nommé cardinal en novembre 1534 et c’est lui qui était appelé le cardinal de Santa Fiore. Alessandro Sforza ne reçut le chapeau qu’en 1563. Le second cardinal auquel Rabelais fait allusion, et qui était également un petit-fils de Paul III, est Alessandro Farnese, fils aîné de Pier Luigi, né le 7 octobre 152o, et promu au cardinalat en même temps que son cousin en novembre 1534. 3. Pier Luigi avait épousé Girolama Orsini, fille de Lodovico Orsini, comte de Pitigliano. De cette union naquirent Alessandro, le « cardinalicule Farnese »; Ottavio, duc de Camerino; Orazio, duc de Castro, qui épousa Diane, fille naturelle de Henri II ; Ranuc­ cio, qui fut cardinal et archevêque de Ravenne; et Vittoria, qui épousa Guidobaldo, duc d’Urbin. 4. Le cardinal Hippolyte de Médicis était mort au début du mois d’août 1535, « lequel l’on dit qu’il a esté empoisonné à Noles, près de Naples, par son senescalco secreto ». Il fut enterré à Saint-Lau- rent in Damaso le 13 août, et, le 23, Alessandro Farnese fut fait vice-chancelier de l’Église avec le palais et la maison qu'avait le cardinal de Médicis. Voir L. Madelin, Journal d'un habitant français de Rome, dans les Mélanges d’archéologie et d'histoire de l'Ecole de Rome, t. XXII (1902), p. 262, 296. ne se fioit en luy, pourquoy aussi est grosse querelle entre le seigneur Jean Paule de Cere1, fils dudict seigneur Rance, et le susdict Pierre Loys, car il veult vanger la 215 mort de sa tante. Mais quant à la part dudict seigneur Rance, il en est quitte, car il mourut le xie jour de ce mois, estant allé à la chasse, en laquelle il s’esbattoit volontiers, tout vieillard qu’il estoit2. L’occasion fust qu’il avoit recouvert quelques chevaulx turcs des foires de 220 Racana3, desquels en mena un à la chasse qui avoit la bouche tendre, de sorte qu’il se renversa sur luy et de l’arson de la selle l’estouffa, en maniere que depuis le cas ne vesquist point plus de demye heure. Ce a esté une grande perte pour les François, et y a le Roy perdu un 225 bon serviteur pour l’Italye. Bien dict on que ledict sei­ gneur Jean Paule, son fils, ne le sera pas moins à l’adve- nir, mais de long temps n’aura telles experiences en faicts d’armes, ny telle réputation entre les capitaines et soldars comme avoit le feu bon homme. Je vouldrois de bon 23o cœur que monsieur d’Estissac4 de ses despouilles eust la

214. E. dudit. — 215. E. susdit, Louis, veut. — 216. D. son ante; E. quand, dudit. — 217. E. unziesme. — 218. E. s’esbatoit. — 220. E. chevaux. — 223. E. arçon. — 224. E. vesquit, demie. — 226. E. Italie, dit, ledit.— 227. E. avenir. — 228. E. ne aura, fait. — 229. D. soldats. — 23o. E. voudrois. — 231. E. eut.

1. Gian-Paolo Orsini, fils de Renzo. Voir E. Picot, Les Italiens en France au X V Ie siècle, dans le Bulletin italien, t. I, p. 117. — Recommandé à François 1er par Jean du Bellay, il venait d’être pourvu d’une charge de gentilhomme de la Chambre du Roi et d’une pension et il avait la promesse d’une « charge honneste » s’il survenait quelque guerre. Jean du Bellay à Montmorency, 18 août 1535, et Montmorency à Jean du Bellay, 23 septembre 1535. Bibl. nat., ms. fr. 5499, fol. 207-215, et Dupuy 265, fol. 238-240. 2. « Heri il povero sgr Enzo da Ceri, andando da Ceri per visitar il conte dell’ Anguillara, che e suocero del signor Juan Paulo, suo figliolo, passando per certo loco paludoso, se tirò un cavallo adosso et subito morite, all’ anima del qual il nostro signor Dio doni ripose. » Bragadin ù la Seigneurie, 12 février 1536. 3. Recanati, dans la province de Macerata. 4. Louis d’Estissac, fils de Bertrand d’Estissac et de Catherine Chabot, né en 15o6, gentilhomme de la Chambre du Roi, neveu de

V comté de Pontoise, car on dict qu’elle est de beau revenu. Pour assister aux exeques et consoler la marquise, sa femme, monsieur le cardinal a envoyé jusques à Ceres1, 235 qui est distant de ceste ville prez xx milles, monsieur de Rambouillet2 et l’abbé de Sainct Nicaise3, qui estoit proche parent du deffunct. Je croy que l’ayez veu en court, c’est un petit homme tout esveillé qu’on appelloit l’archi­ diacre des Ursins, et quelques aultres de ses protenotaires. 240 Aussi a faict monsieur de Mascon. Monseigneur, je me remets à l’aultre fois que vous escriray pour vous advenir des nouvelles de l’Empereur plus au long, car son entreprise n’est encores bien des­ couverte. Il est encores à Naples; on l'attend icy pour la 245 fin de ce mois et faict on gros apprests pour sa venue et

232. E. dit. — 233. D. et pour. — 235. D. cette, par; E. vingt. — 237. E. deffunt, crois. — 239. E. autres, prothenotaires. — 240. E. fait. — 241. E. Epistre XVI, autre.— 243. E. encore. — 245. E. fait, apprest.

l’évêque de Maillezais. La châtellenie de Pontoise, dont Rabelais parle ici, et qui avait été donnée à Renzo da Ceri le 15 octobre 1525, passa à son fils Gian-Paolo, par lettres de François Ier du 21 mars 1536. Catalogue des actes, t. III, n° 8370. Gian-Paolo était arrivé à Lyon, pour solliciter la succession de son père, vers le 26 février. Bonvisi à Cromwell, 28 février, Letters and Papers, t. X, n° 368. 1. Ceri, aujourd’hui Cerveteri, province de Rome, district de Cività-Vecchia. 2. Jacques d’Angennes, sieur de Rambouillet, fils aîné de Charles d’Angennes et de Marguerite de Coesmes; il avait épousé en 1526 Isabeau Cottereau. En juillet 1535, il avait été envoyé de Lyon Ferrare, devançant Jean du Bellay. Il faisait partie de la maison du cardinal, dont il était d’ailleurs un parent éloigné : le grand-père de Jacques, Jean d’Angennes, avait épousé Philippes du Bellay. Il mourut en 1562. Son petit-fils, Charles d’Angennes, fut le mari de Catherine de Vivonne, la fameuse marquise de Rambouillet. 3. Charles Juvénal des Ursins (Orsini), abbé de Saint-Nicaise, archidiacre en l’église de Reims, aumônier du Roi en 1528. Voir Gallia christiana, IX, col. 220. Il faisait partie, comme le sieur de Rambouillet, de la maison de Jean du Bellay. Voir une lettre de lui au cardinal, Rome, 12 avril 1536. Bibl. nat., Dupuy 263, fol. 102, et à l’Appendice, III. force arcs triumphaux. Les quatre mareschaux de ses logis sont ja pieça en ceste ville1 : deux espagnols, un bourguignon et un flamand. C ’est pitié d e veoir les ruines des eglises, palais et maisons que le Pape a faict demolir et abattre pour luy dresser et applaner le chemin. Et 25o pour les frais du reste a taxé et levé argent sur le college de messieurs les cardinaulx, les officiers courtisans, les artisans de la ville jusques aux aquarols2. Ja toute ceste ville est pleine de gens estrangers. Le cinquiesme3 de ce moys arriva icy, par le comman- 255 dement de l’Empereur, le cardinal de Trente4, Triden- tinus, en Alemagne, en gros train et plus sumptueux que n’est celuy du Pape. En sa compagnie estoient plus de cent Alemans vestus d’une parure, sçavoir est de robbes rouges avec une bande jaulne et avoient en la manche 260 droicte en broderie figuré une gerbe de bled liée, alentour

246. E. triomphaux. — 248. E. voir. — 249. D. esglises, fait. — 25o. E. abbattre, complaner.— 251. E. taxé pour leur argent.— 252. E. cardinaux des. — 253. D. cette. — 255. E. mois. — 257. E. Alle­ magne, somptueux. — 259. E. Allemans, robes. — 260. E. jaune. — 261. E. droite; D. jarbe.

1. Le maréchal des logis et les autres fourriers de l’Empereur étaient arrivés à Rome le 3o janvier. Bragadin à la Seigneurie, 31 janvier; Cifuentès à Charles-Quint, 1er février, Calendar of State Papers, Spanish, V, part. II, n° 14. 2. « Dapoi molte mutation di opinion del Pontefice, lo taglion imposto si alli offitiali come alli altri, se scuode con mala conten- tezza di cadauno. » Bragadin à la Seigneurie, 25 janvier. 3. Le 4, d’après l’évêque de Mâcon. Lettre au chancelier Dubourg, 15 février. Bibl. nat., Dupuy 3o3, fol. 44. Voir Appendice I, 4. 4. Bernard de Closs, ou Clesius, évêque de Trente (1514), cardinal en 153o; nommé évêque de Brixen en janvier 153g, il mourut le 28 juillet de la même année. Il fit construire à Trente une église et un palais que Montaigne devait, en 158o, visiter avec admiration. Journal de voyage, éd. Lautrey, p. 149-152. — Le cardinal de Trente avait pour mission non seulement de réclamer le concile et pour­ suivre « la paix et appoinctement par toute la chrestienté », mais encore de régler le différend pendant entre le roi Ferdinand et Jean Zapolya. Voir le texte des instructions du cardinal dans Bucholtz, Geschichte der Regierung Ferdinands, t. IX, p. 128-135. de laquelle estoit escript Unitas. J’entends qu’il cherche fort la paix et appoinctement pour toute la chrestienté et le concile en tout cas. J’estois present quand il dist à 265 monsieur le cardinal du Bellay : « Le Sainct Pere, les car- dinaulx, evesques et prelats de l’Eglise recullent au Con­ cile et n’en veulent oyr parler, quoy que ils en soient semons du bras seculier, mais je voy le temps prez et prochain que les prélats d’Eglise seront contraincts le 270 demander et les seculiers n’y voudront entendre. Ce sera quand ils auront tollu de l’Eglise tout le bien et patri­ moine, lequel ils avoient donné du temps que par fre- quens conciles les ecclesiastiques entretenoient paix et union entre les seculiers. » 275 André Doria arriva en ceste ville le troisiesme de cedict mois assez mal en poinct1. Il ne luy fut faict honneur quiconques à son arrivée, sinon que le seigneur Pierre Louys le conduit jusques au palais du cardinal camerlin, qui est genefvois de la famille et maison de Spinola2. Au 280 lendemain, il salua le Pape et partist le jour suivant et s’en alloit à Genes de par l’Empereur pour sentir du vent qui court en France touchant la guerre. On a eu icy

262. E. escrit. — 263. E. appointement; D. par. — 264. D. tous; E. dit. — 266. E. cardinaux; reculent. — 267. E. ouir; E. qu’ils. — 268. E. semonds, vois, près. — 269. E. contraints. — 275. D. cette; E. cedit. — 276. E. point, fait; D. honneurs. — 277. E. quiconque. — 278. D. Loys. — 279. E. genevois. — 280. E. partit. — 281. D. Gennes.

1. Voir la lettre de l’èvêque de Mâcon au chancelier Dubourg du 15 février. Bibl. nat., Dupuy 3o3, fol. 44, et Appendice I, 4. « Il prin­ cipe Doria... passò a queste giorni de qui... In un lungo discorso fatto con la Santità del Pontefice, per quanto per bona via ho inteso, ha ditto ch’ el crede que lo Imperator darà finalmente la ducea di Milano allo infante de Portogallo con darli per moglie la nezza rimasta vedova per la morte del Duca ultimamente defunto, et che lo Imperator sarà necessitato a far questo per trovar per quella via denari, delli quali ne ha grandissimo bisogno... » Bra- gadin à la Seigneurie, 12 février. 2. Agostino Spinola, évêque de Savone et de Pérouse, cardinal en 1527, mort le 17 octobre 1537. certain advertissement de la mort de la vieille royne d’An­ gleterre1 et dict on davantage que sa fille est fort m alade2. Quoy que ce soit, la bulle qu’on forgeoit contre le roy 285 d’Angleterre pour l’excommunier, interdire et proscrire son royaume, comme je vous escrivois3, n’a esté passée par le Consistoire à cause des articles de commeatibus externorum et commerciis mutuis, ausquels se sont oppo­ sez monsieur le cardinal du Bellay et monsieur de Mas- 290 con de la part du Roy pour les interests qu’il y pretendoit. On l’a remise à la venue de l’Em pereur4. Monseigneur, très humblement à vostre bonne grace me recommande, priant Nostre Seigneur vous donner en santé bonne vie et longue. A Rome, ce xve de febvrier 1536. 295 Vostre très humble serviteur, François Rabelais.

283. E. reyne. — 284. E. dit. — 286. E. proscrire. — 290. D. Beslay. — 291. D. Mascon, pour les interest du Roy qu’il. — 295. E. quin- ziesme, février.

1. Catherine d’Aragon, femme répudiée du roi d’Angleterre Henry VIII, était morte le 7 janvier précédent. 2. Marie Tudor, fille de Catherine d'Aragon et de Henry VIII, née en 1516, reine d’Angleterre de 1553 à 1558. Le bruit dont Rabelais se fait l’écho d’une grave maladie de Marie Tudor n’était pas fondé. 3. Probablement dans la lettre du 29 novembre. Le 11 novembre, en effet, l’évêque de Mâcon envoyait au chancelier Dubourg « la coppie d’une bulle, par laquelle congnoistrez la rigueur que l’on veult tenir contre le roy d’Angleterre. » Bibl. nat., Dupuy 3o3, fol. 17. 4. La bulle d’excommunication préparée contre Henry VIII avait été discutée dans un consistoire du 10 décembre 1535 et Jean du Bellay avait fait une opposition véhémente. Voir sa lettre aux car­ dinaux de Tournon et de Lorraine, 22 décembre 1535, Bibl. nat., ms. fr. 5499, fol. 275 ve-28o r°, et la lettre de Francesco Casale à Gardiner, Rome, 20 décembre, State Papers, t. VII, p. 637-638. — Il fut décidé que le Pape pourrait publier la bulle sans la soumettre à un nouveau consistoire. Mais Paul III ne se pressa pas de mettre ses menaces à exécution et la publication n’était pas encore faite lorsque parvint à Rome la nouvelle de la mort de la reine Cathe­ rine. Voir la lettre de Cifuentès à Charles-Quint, Rome, 1er février, Calendar o f State Papers, Spanish, t. V, part. II, n° 14. APPENDICE.

I.

L e t t r e s de C harles H émard de D e n o n ville, évêq u e de M â co n , ambassadeur ordinaire de F rance à R ome, au

chancelier de F r an ce, A ntoine D u bo u rg .

I.

Lettre du 6 décembre 1535.

Monseigneur, Par le courrier que nous depeschasmes exprès le xxviiie du passé1, vous ay assez au long adverty des occur­ rences de ceste court, depuys le partement duquel sont venues nouvelles comment l’Empereur fist son entrée à Naples le xxve dudict moys, qui a esté imprimée en ceste ville, laquelle je vous envoye2. Le lendemain y arriva André Dorye avecques vingt deux galleres retournant de la Goullette où il a mys l’eau et les vivres qu’il y portoit. Et ledict xxviii en partirent ses- dictes galleres pour aller yverner à Gennes et luy doibt venir après par terre, puys retourner à Civita Vesche3 sur la fin de febvrier, auquel temps l’Empereur doibt estre icy et non plus tost, ainsi qu’on dict ; toutesfois ce n’est chose asseurée. Le duc Sforce fut mys en terre le xixe dudict passé, ainsi que verrez par la pompe de ses funerailles que vous envoye. L’on tient pour certain que le duc Alexandre est mandé de l’Empe- reur deliberé de luy bailler sa fille naturelle, de quoy les

1. Bibl. nat., Dupuy 3o3, fol. 18. 2. Voir un récit de cette entrée, Bibl. nat., ms. ital. 3oo, « Rela­ tions fort curieuses des soulevements arivés à Naples soubs le regne de l’Empereur Charles-Quint, » fol. 14-21. 3. Civita-Vecchia. povres Florentins sont desesperez. Qui est tout ce que je vous puys dire pour ceste heure... Monseigneur, je oublioys vous dire que au consistoire qui fut vendredi derrenier, messieurs les reverendissimes de Siene et Cesarin furent creez legatz pour aller vers l’Empereur se congratuler de sa belle victoire de Thuniz. (Bibl. nat., Dupuy 3o3, fol. 23.)

II.

Lettre du 10 janvier 1 536.

Monseigneur, Vous verrez par ce que monseigneur reveren- dissime du Bellay et moy escripvons au Roy en quelle dévo­ tion nostre Sainct Pere actend l’Empereur pour l’esperance que a Sa Saincteté, pour les propoz que ledict Empereur a tenuz en plusieurs endroitz, qu’ilz prandront estans ensemble quelque bonne resolution pour la paix de la chrestiente; vous advisant au surplus, monseigneur, qu’il y a icy lettres de Naples du Ve de ce moys contenans que le iiie y arriva le duc Alexandre, où l’Empereur le feist honnorablement recevoir et envoya au devant de luy le sr de Pratz1 avecques toute sa maison, et à son arrivée luy fist grant recueil et le caressa merveilleusement, luy disant qu’il avoit sa venue très agreable et encores l’auroit plus sa femme2, vers laquelle le feist mener au partir de luy. De quoy messieurs reverendissimes Salviati et Ridolphy, le seigneur Strozzy et povres forussiz de Flo­ rence advertiz furent bien estonnez ayans eu doulce et benigne audience dudict Empereur, mesmement qu’il avoit envoyé vers eulx troys jours durans, c’est assavoir le premier, IIe et IIIe de cedict moys, les sieurs de Cosves3 et Granvelle4, avec lesquelz ilz estoient en termes de traicter, et premierement leur dirent qu’il estoit besoing, avant que pouvoir venir à ce

1. Louis de Flandre, sieur de Praet. 2. Marguerite d’Autriche, fille naturelle de Charles-Quint et fian­ cée au duc Alexandre. 3. Francesco de los Covos, grand commandeur de Léon, principal secrétaire de l’Empereur. 4. Nicolas Perrenot, sieur de Granvelle, grand chancelier de l’Empereur. qu’ilz pretendoient, qu’ilz achaptassent au duc Alexandre ung estat de bonne et grosse intrade, aussi qu’ilz baillassent à l’Empereur une bonne somme d’argent pour le rembourser des mises et coustz qu’il avoit portez et souffertz à la guerre de Florence1 et ainsi qu’il luy estoit promys par le feu pape Clement, aussi qu’ilz missent ès mains de l’Empereur le chas- teau de Florence et les forteresses de Pise, Ligorne2 et autres places dudict estat de Florence, et que ce voulans faire ilz3 mectroient peine envers ledict Empereur qu’il remectroit sus leur commune. Quant au premier respondirent resoluement après plusieurs propoz qu’ilz estoient contentz achapter estat audict duc Alexandre de trente mille escuz d’entrée; quant au IIe, qu’ilz payeroient à l’Empereur en cinq ans cinq cens mil escuz, dont le premier payement se feroit dans ung an ; quant au tiers, dirent qu’il n’y avoit propoz ny raison que l’Empereur eust entre ses mains lesdictes forteresses, car si ainsi estoit, ils seroient en semblable captivité qu’ilz estoient, mais qu’ilz estoient contentz que l’Empereur eust en leur ville ung bon et grant personnaige qui fust gouverneur de ladicte ville avecques garde qui seroit par eulx souldoyée, lequel seroit tousjours present en toutes les assemblées qui se feroient pour les affaires de la communité. Surquoy lesdicts Cosves et Gran- velle leur dirent qu’ilz le feroient entendre à l’Empereur et promirent leur faire sçavoir sur ce l’intention dudict seigneur. Et veoyans que le lendemain ne leur en fut parlé, la vigille des Roys requirent audience deliberez demander leur congié où ledict Empereur ne vouldroit accepter leursdictes offres. Lesdictes offres disoient en oultre que l’intention d’icelluy Empereur estoit de les accorder avecques ledict duc Alexandre et où ilz ne le vouldroient faire par amour, les y contraindre par force. Il y a icy lettres dudict ve contenans que l’Empereur a oy en public les ambassadeurs de la seigneurie de Venise4, les- quelz après l’avoir congratulé de sa belle victoire de Thuniz

1. Le siège de Florence (1529-153o). 2. Livourne. 3. Covos et Granvelle. 4. Il s’agit de l’ambassade composée de Tomaso Contarini, Gio­ vanni Delfino, Vincentio Grimani et Giovan-Antonio Venier. Voir supra, p. 59, note 1. luy remonstrerent que à sa premiere venue en Italye il y avoit mys repoz et abstinence de guerre, chose qui avoit duré jusques à son retour, par lequel ilz esperoient ladicte tranquil­ lité estre asseurée, le suppliant ainsi le vouloir faire, disans qu’ilz estoient deliberez exposer leurs personnes et biens contre ceulx qui y mectroient ou seroient cause d’y mectre trouble et question. De quoy l’Empereur les remercya seule­ ment sans leur faire autre responce en public, mais les retira en sa chambre. Le viroy de Naples1 a faict ung festin fort magnificque à l’Empereur où estoient toutes les principales princesses et dames et mesmement la femme du marquis du Guast2 auprès de laquelle s’estoit assiz domp Anthoine d’Arragon, son frere, et devisant avecques elles en actendant l’Empereur, ledit Viroy luy commanda se lever, ce qu’il reffusa de faire. Quoy veoyant ledict Viroy le feist mectre dehors par force par ceulx de la garde dudict Empereur. A quoy survint ledict marquis, lequel eut grosses parolles avecques ledit Viroy et furent jusques à mectre la main aux espées. Dont adverty ledict Empereur, et mesmement que ja les princes du royaume s’es- toient rengez à la part dudict marquis, et le duc d’Albe3 et comte de Benevent et autres Espaignolz à la part dudict Viroy, soubdain les appaisa, mais non toutesfoys si bien qu’il n’y soit demouré haynne perpetuelle4. De quoy pourra sortir quelque feu si ledict Viroy demoure audict royaume...... Monseigneur, en me recommandant tousjours très hum­ blement à vostre bonne grace, je supplye le Createur vous donner en santé longue vie. A Rome, le xe jour de janvier 1535. Vostre très humble et très obeissant serviteur, Charles, e[vesque] de Mascon. (Bibl. nat., Dupuy 3o3, fol. 98-99.)

1. Pedro Alvarez de Toledo, marquis de Villafranca. 2. Maria de Aragon, fille de Ferdinando de Aragon, duc de Mon- talto et femme d’Alfonso de Avalos y Aquino, marquis del Vasto. 3. Fernando Alvarez de Toledo. 4. Sur cette scène, voir Bibl. nat., ms. ital. 3oo, fol. 22. D’après Bragadin, lettre à la Seigneurie du 3 janvier, l’incident se serait produit le 28 décembre 1535. III.

Lettre du 19 janvier 1536.

Monseigneur, depuys mes premieres lettres escriptes, j’ay sceu que l’Empereur a retenu messire Anthoine Contarin, ancyen ambassadeur de Venise, avec le nouveau, son succes­ seur, deliberé de ne le renvoyer jusques après ce qu’il ayt veu nostre Sainct Pere. Je n’ay encores peu entendre la raison pourquoy c’est. Cejourdhuy ay receu lettres de monsieur de Veilly1 , du xiiii de ce moys, contenans que ledict Empereur tenoit tous- jours aux abboys le duc Alexandre et les forussiz jusques à ce qu’il vint par deça et ne les vouloit laisser aller de peur qu’ilz feissent quelque novité. Ledict Empereur a eu nouvelles que le prince de Pyemont est mort en la court de l’Imperatrice. Il a envoyé domp Loys d’Avilie2, gentilhomme de sa chambre, vers la duchesse de Savoye pour la reconforter. De quoy les courtisannes de ceste court auroient bon besoing, car Nostredict Sainct Pere a def- fendu les masques, et aussi qu’elles craignent fort la venue des Espaignolz, saichans qu’ilz ne portent que faulse mon- noye. Monseigneur, en me recommandant très humblement à vostre bonne grace, je supplye le Createur vous donner en santé longue vie. A Rome, le xixe janvier 1535. Vostre très humble et très obéissant serviteur, Charles, ejvesque] de Mascon.

(Bibl. nat., Dupuy 3o3, fol. 3.)

IV.

Lettre du 15 février 1536.

Monseigneur, Par le chevaucheur d’escurye que nous ren-

1. Claude Dodieu, sieur de Vély. 2. Don Luis d’Avila, premier chambellan de Charles-Quint. voyasmes au Roy la nuict du premier de ce moys vous escrip- viz amplement des occurrences de ceste court. Depuis André Dorye a passé par cy et n’y a séjourné que ung jour et deux nuictz et s’en va à grandes journées à Gennes, craignant que le Roy y face quelque surprise. La venue de l’Empereur en ceste ville est fort reff roydie, car l’on tient pour certain qu’il ne partira de Naples jusques après Caresme prenant, d’autant que la compaignie de ladicte ville luy plaist assez et d’autre part il n’a pas encores tous des gens de pié et de cheval qui le doivent accompaigner apprestez. Les forussiz de Florence estoient en desespoir le IIIIe de cedict moys pour avoir eu, ce leur sembloit, responce absolue dudict Empereur qui estoit deliberé le Xe de cedict moys faire les fiansailles de sa fille avec le duc Alexandre leur offrant les accorder avec luy et leur faire restituer leurs biens immeubles, pourveu qu’ilz payassent les meliorations et impenses hon- nestes, utiles et necessaires et qu’ils fussent tenuz, c’est assa­ voir ceulx qui sont hors d’Italye dans quatre moys et ceulx qui sont presens dans autre plus brief temps, rentrer dans ladicte ville. A quoy ilz avoient faict responce telle que verrez par la coppie que je vous envoye et estoient deliberez le len­ demain demander congié pour s’en retourner et Philippes Strozzy, comme desesperé, la nuict dudict IIIIIe fist partir son fils aisné pour s’en retourner icy, craignant qu’on luy feist quelque oultraige. Toutesfoys arrivant sur l’heure ung gentil­ homme envoyé du duc de Savoye, après avoir faict entendre audict Empereur la sommation qui luy avoit esté faicte par monsieur le président Poyet2, ledict Empereur renvoya devers lesdictz forussiz les aduler et blandir de doulces parolles, de sorte qu’ilz sont mainctenant en quelque esperance et meil­ leure qu’ilz n’ont esté et ledict duc d’autre part en desespoir. Le cardinal de Trente arriva icy dès ledict IIIIe et a envoyé vers ledict Empereur pour sçavoir s'il luy plaist qu’il le voise trouver ou qu’il l’actende icy, où doibvent bientost arriver

1. Le mariage fut célébré le 29 février suivant. Voir Calendar of State Papers, Spanish, V, II, n° 36. 2. Le président Poyet avait été envoyé au duc de Savoie vers le milieu de janvier pour exposer les droits de François Ier sur cer­ taines parties des domaines du duc. Voir A. Segre, Documenti di Storia Sabauda, p. 120, 249; Porée, Guillaume Poyet, p. 54. deux evesques de Hongrye1 qui y viennent pour le mesme effect que ledict cardinal, qui est pour le differend d’entre Fer­ dinand2 et le roy Jehan3. Monseigneur, en me recommandant tousjours très humble­ ment à vostre bonne grâce, je supplye le Créateur vous don­ ner en santé longue vie. A Rome, le xve jour de febvrier 1535. Monseigneur, depuys ce que dessus escript, j’ay veu lettres du xie disans que l’Empereur donne plus grant esperance que jamais ausdicts forussiz de Florence de leur rendre leur liberté, mais je croy que c’est pour les endormyr. Je vous envoye des follyes de Pasquin. Le Turc arriva à Constantinoble le xxiiie du moys de décembre4, et est chose certayne, car de ce y a icy plusieurs lettres du xxiiii dudict moys dudict lieu. Vostre très humble et très obeissant serviteur, [Charles, e(vesque) de Mascon]5. (Bibl. nat., Dupuy 3o3, fol. 44.)

______I

\ II.

Sauf- conduit accordé par P aul III aux serviteurs de Jean du B ellay.

[11 avril 1536.]

Universis et singulis presentes litteras inspecturis salutem, etc. Cum familiares ac servitores dilecti filii nostri Joannis, cardinalis de Bellay seu Parisiensis nuncupati, in Galliam ex

1. Les deux envoyés de Zapolya étaient Francesco Francapani, archevêque de Colocza, et Stefano Broderico, évéque de Syrmium. 2. Ferdinand Ier, le frère de Charles-Quint, roi des Romains, souverain de Bohême et de Hongrie. 3. Jean Zapolya, voïvode de Transylvanie et rival de Ferdinand pour la possession de la Hongrie. 4. En réalité, le sultan ne rentra à Constantinople que le 8 jan­ vier 1536. Voir supra, p. 62, note 1. 5. La signature a été coupée. Le dernier paragraphe de la lettre est autographe. alma Urbe nostra revertantur, nos eisdem tutum, liberum ac expeditum iter ubique patere cupientes, omnes et singulos duces, principes, marchiones, barones necnon respublicas, communitates ac eorum officiales, armorum ductores et capi- taneos ceterosque nobis non subditos hortamur et requirimus in Domino; subditis vero nostris mediate vel immediate sub­ jectis districte precipiendo mandamus quatenus eosdem fami- liares et servitores dicti cardinalis tam pedestres quam eques- tres quotquot fuerint, per loca vestra et nostra cum caruagiis, mulis, equis, sarcinis ac rebus eorum et dicti cardinalis uni- versis, etiam absque ulla datii, gabelle, pontis, portus, passus fundinavis aut alterius indicti seu indicendi oneris solutione libere, secure et absque ullo impedimento tam terra quam mari ire, stare, transire ac morari non solum permittatis verum etiam eis de idonea scorta et oportuno salvoconductu si vos ducerint vel aliquis eorum ducerit requirendum prompte provideatis, eosque nostro et dicti cardinalis intuitu benigne ac hospitaliter tractetis, facturi in hoc rem nobis valde gra- tam. Datum Rome, etc., die xi aprilis 1536, anno 2°. B lo siu s. (Arch. Vatic, Pauli III Brev. min. an. 1536. Vol. 2, fol. 200, ep. 204.)

III.

C harles Juvénal des U rsins à [Jean du B ellay],

[12 avril 1536.]

Monseigneur, Je me recommande très humblement à vostre bonne grace et ce jourd’huy tout vostre train est party. Reste moy et suis demeuré à Rome où j’ay esperance que par moy serez mieulx adverty et plus seurement que d’un autre des choses qui toucheront le Roy. Parquoy, monseigneur, vous prye avoir ma retarde pour excuse ligitime. Je partiray à la fin de may ou de juing; en quelque part que soyez vous iray trouvé, comme celluy que je tiens pour mon seigneur et maistre auquel ay désir toute ma vye d’obeyr. Touchant le seigneur Iheronimo1 dont vous m’escripviés, le jour mesme que je receu voz lettres par monsieur de Mague- lonne2 auroit pris charge de l’Empereur. Je pence qu’il ne sera pas longtemps sans se fasché, car s’est le tout à ses despens. Quant j’ay veu cella, je ne luy en ay poinct parlé; mais quant je verré que sera le proffict du Roy et vostre plaisir, j’ay espe- rance soubz umbre de parenté de luy faire faire une partye de vostre vouloir. Touchant le seigneur Jehan Anthoine que je trouve saige et discrete personne, l’Empereur party de Rome, je vous feray entendre de ses nouvelles, car je l’ay trouvé bon cristien. Et aussy, monseigneur, puisque vous estes par dela et que savez qui peult servir, je vous supplye avoir le comte de Petilienne3 pour recommandé, car je vous promectz qu’il est homme de consequence. Monseigneur, pour ce qu’il me semble que je seray advoué de vous, j’ay baillé au seigneur Camille Sermonnette et à son filz en vostre nom deulx de voz levriers; et aussi la contesse de Carpi4 m’a pryé d’avoir vostre epinette pour la filliolle de monsieur de Langé5, Marguerite; la mere et les deux filles se recommandent très humblement à vostre bonne grâce. Fran­ çois6, vostre serviteur, vous dira le surplus de bouche. Priant

1. Hieronimo Orsini avait déjà à plusieurs reprises été au service de l’Empereur. Un de ses frères, l’abbé de Farfa, avait offert à Jean du Bellay de le ramener du côté de la France. (Jean du Bellay à François Ier, 15 juillet 1535.) 2. Guillaume Pellicier. 3. Giovanni-Francesco Orsini, comte de Petigliano. Jean du Bellay était intervenu déjà en sa faveur auprès de François Ier (août 1535). Le comte de Petigliano devait passer au service du roi de France en 1537- Catalogue des actes, t. III, n° 9151. 4. Cécile Orsini, veuve d’Alberto Pio, comte de Carpi. Ses deux filles s’appelaient Catherine et Marguerite. Voir Catalogue des actes, t. II, n° 5717 (où elles sont désignées, par erreur, comme étant les sœurs et non les filles du comte de Carpi), et t. VII, n° 26615. 5. Guillaume du Bellay, sieur de Langey. En mai 1527, il avait, en compagnie du comte de Carpi, participé à la défense de Rome assiégée par le connétable de Bourbon. 6. La tentation est forte de voir dans ce serviteur François notre François Rabelais. C’était l’habitude de désigner par leur prénom ces « domestiques » de condition inférieure à la noblesse. C ’est ainsi que Claude Chappuis n’est jamais nommé autrement que nostre Seigneur, monseigneur, vous donner accomplissement de voz desirs. De Rome, ce xiie jour d’apvril Ve XXXVI, par le vostre très humble serviteur à jamais, Charles des Ursins.

(Bibl. nat., Dupuy 263, fol. 102.)

IV.

F ac-similé du manuscrit M orrison.

La collection Morrison contient les manuscrits de deux lettres de Rabelais qui tous les deux proviennent de la collec­ tion Benjamin Fillon. La première est la lettre adressée à Guillaume Budé et datée de Fontenay-le-Comte, 4 mars (s. a.) : le fac-similé en a été donné par Ét. Charavay dans son Inven­ taire des autographes et documents historiques réunis par M . B enjam in F illo n (II, n° 866). L a seconde, — la seule qui nous intéresse, — est la lettre adressée à Geoffroy d’Estissac et datée de Rome, le 28 janvier 1536. M. Abel Lefranc en a le premier obtenu et publié un fac-similé dans le tome I (1903) de la Revue des Études rabelaisiennes1. C’est ce fac-similé, qu’avec une obligeance dont nous lui sommes particulièrement reconnaissant, il a bien voulu nous autoriser à reproduire dans cette édition. Le lecteur pourra ainsi contrôler les observa­ tions que nous avons faites sur la valeur comparée de ce manuscrit et des deux autres textes qui nous ont conservé la lettre du 28 janvier 1536.

« Me Claude ». Cependant, pour que cette identification fût irréfu­ table, il faudrait être sûr qu’il n’y avait pas dans la « famille » du cardinal d’autre serviteur de ce prénom. Nous ne connaissons pas assez en détail la maison de Jean du Bellay pour apporter sur ce point les précisions nécessaires. 1. Voir supra, Introduction, p. 23 et n. 2. INDEX

1. Les chiffres en caractères grasrenvoientautextemêmedeRabelais.Leschiffresencaractères1. DES NOMS DE PERSONNES ET DE LIEUX1.

Acciagioli (Roberto), 55 n. Barberousse (Kheïr-ed-din, dit), Adrien VI, 17, 40 n. 4 4 , 49 n., 6 2 , 7 4 . Africa, 44 n. Basillac (Jean de), 4 5 . Albon (Jean d'), sieur de Saint- Baudrier (Julien), 32, 52 n. André, 53 n. Baugy, voir Venisse. Alexandre VI, 74 n., 7 5 . Bayf (Lazare de), 63 n. Alger, 44 n., 6 2 . Béatrix de Portugal, duchesse Alvarez de Toledo (Fernando), de Savoie, 60 n., 86. duc d’Albe, 7 1 , 85. Besnier (M.), 32. — (Pedro), vice-roi de Naples, 7 1 , Betelis (Bitliz), 44, 6 1 . 85. B iz erte, 49 n. Angennes (Charles d’), 78 n. Blanchefort (Louise de), 47 n. — (Charles d’), marquis de Ram­ Bologne, 5 5 , 7 3 . bouillet, 78 n. Bône, 6 2 . — (Jacques d’), 12, 7 8 . Bonvisi, 78 n. — (Jean d’), 78 n. Bonyvet, voir Gouffier. Boulenger (Jacques), 18 n., 22, Aragon (Antoine d’), 85. 23, 31 n., 35 n., 70 n. — (Catherine d’), reine d’Angle­ Bourbon (Charles de), conné­ terre, 2, 8 1 . table, 6, 20, 47 n., 90 n. — (Marie d’), 85. Bourdon (P.), 32. Armagnac (Georges d’), évêque Bourrilly (V.-L.), 2 n., 3 n., 10 n. de Rodez, 6 3 . Bragadino (Lorenzo), 20 n., 25, Augsbourg, 4 1 . 37 n., 38 n., 3g n., 40 n., 41 n., Autriche (Marguerite d’), fille 42 n., 43 n., 46 n., 5o n., 54 n., naturelle de Charles-Quint, 9, 56 n., 58 n., 59 n., 60 n., 77 n., 40 n., 7 1 , 82, 83, 87. 79 n., 85. Avalos y Aquino (Alfonso d’), Bramante, 68 n. marquis del Vasto, 7 1 , 85. Brantôme, 68 n. Avila (Luis d’), chambellan de Breton (Jean), sieur de Villan- Charles-Quint, 60 n., 86. dry, 7, 13 n., 20, 34 n. INDEX.

Brisay (marquis de), 37 n. 63 n., 67 n., 7 0 , 7 1 , 7 2 , 7 3 , Broderico (Stefano), 88. 7 4 , 7 8 , 7 9 , 8 0 , 8 1 , 82, 83, 84, Brown (R.), 59 n. 85, 86, 87, 88, 90. Bruxelles, 26 n. Charrière, 44 n., 49 n. Buade (Jean de), sieu r de St-Cer- Chypre, 19, 6 9 . nin, 45 n. Cibo (Innocenzo), 4 1 . Bucholtz, 79 n. Civita-Vecchia, 48 n., 82. Budé (G.), 91. Clément VII, 3, 5, 9, n , 18, 19, Burgaud des Marets, 8 n., 38 n. 5 5 , 7 3 , 84. Closs (Bernard de), cardinal de Cacciadiavolo, 4 9 . Trente, 25 n., 7 9 , 8 0 , 87, 88. Calcagnini (Celio), 13. Clouzot (H.), 7 n., 15 n., 19 n., Campagne (M.), 33 n., 34 n., 45 n. 34 n., 65 n., 72 n. Camus (Denis), chanoine de St- Coesmes (Marguerite de), 78 n. Maur, 19. Cœur (Jacques), 5 6 . Canapé, 10. Colin (Jacques), 6. Candie, 19, 6 9 . Colonna (Stefano), 21, 76 n. Capasso (Carlo), 14 n. Constantinople, 19, 4 4 , 6 2 , 6 9 , Carmagnola, 12. 88. Carpi, 46 n. Contarmi (Antonio), 86. Casale (Francesco), 81 n. — (Tomaso), 59 n., 84 n. Castillon, voir Perreau. Conteleon (Christophe), 16. Caumont-Lauzun (Jean de), 33 n. Cony (Khoi), 4 3 , 4 4 . Cave (André), 5, 14. Copley-Christie (R.), 22 n., 53 n. — (Jean), 5 n. Corbeta (G.), 5o n. Ceri (Cerevetri), 77, 7 8 . Côte-Saint-André (la), 2 n., 3 n. Cesarini (cardinal), 3 9 , 4 0 , 5 5 , Cottereau (Isabeau), 78 n. 5 6 , 83. Covos (Francesco de los), 83, 84. Chabot (Catherine), 34 n., 77 n. Crissé, voir Turpin. Chabot de Brion, 15 n., 33 n., Cromwell (Th.), 78 n. 5o n., 51 n. Cupi (Domenico), cardinal de Chagny (A.), 48 n. Trani, 16. Champollion-Figeac, 47 n. Chandelou (J.), chanoine de St- Daillon (Anne de), dame d’Es- Maur, 19. tissac, 19, 3 4 , 6 9 . Chantilly, 20 n. Delfino (Giovanni), 59 n., 84 n. Chappuis (Claude), 7, 12, 90, 91. Della Rovere (Francesco Maria), Chappuys (Michel), 7 n. duc d’Urbin, 14. Charavay (E.), 91. — (Guidobaldo), duc d’Urbin, Charles V, 66 n. 76 n. Charles VIl, 56 n., 66 n. Delorme (Philibert), 15 n. Charles-Quint, 9, 17, 20, 21, 24, Deniau (Catherin), chanoine de 35 n., 37 , 3 8 , 3 9 , 40 n., 4 1 , St-Maur, 19. 4 3 , 4 4 , 4 6 , 4 7 , 4 8 , 4 9 , 5 0 , Diane, fille naturelle de Henri II, 5 4 , 5 6 , 58 n., 5 9 , 6 0 , 6 2 , 76 n. INDEX.

Dijon, 4 5 . Emmanuel-le-Fortuné, roi de Dodieu (Claude), sieur d’Esper- Portugal, 6 1 . cieux, 15, 4 2 , 4 3 , 4 4 . Este (Alfonso d’), duc de Ferrare, — (Claude), sieur de Vély, 24, 4 6 . 38 n., 42 n., 4 3 , 65 n., 86. — (Alfonso d’), fils du duc Her­ Dolet (Étienne), 22. cule, 7 3 . Dorez (L.), 2 n., 5 n., 6 n., 16 n., — (Anna d’), 7 3 . 17 n., 62 n. — (Hercule d’), duc de Ferrare, 12, 13, 4 6 , 4 7 , 7 2 , 7 3 , 7 4 . Doria (André), 25 n., 4 8 , 4 9 , — {Lucrezia d’), 7 3 . 8 0 , 82, 87. Estissac, voir Madaillan-Estissac. Douen (O.), 13 n. — (Madame d’), voir Daillon Du Bellay (Catherine), 47 n. (Anne de). — (Guillaume), 2 n., 6, 11, 47 n. — (Jean), cardinal, 1, 2, 3, 4, 5, Farnese (Alessandro), voir 6, 7, 8, 9, 11, 12, 14, 15, 16, 17 Paul III. n., 18, 19, 20, 21, 22, 24, 25 n., — (Alessandro), fils de Pier 33 n., 34 n., 35 n., 3 6 , 38 n., Luigi, 7 6 . 39 n., 42 n., 4 3 , 44 n., 46 n., — (Costanza), 7 6 . 47 n., 48 n.,49 n., 5o n., 51 n., — (Giulia), 7 4 , 7 7 . 52 n., 56 n., 6 1 , 63 n., 65 n., — (Orazio), 76 n. 6 7 , 6 9 , 7 0 , 73 , 76 n., 77 n., — (Ottavio), 71 n., 76 n. 8 0 , 8 1 , 83, 88, 89, 90, 91. — (Pier Luigi), 38 n., 7 4 , 7 6 , — (Joachim), 17, 65 n. 7 7 , 8 0 . — (Philippes), 78 n. — (Ranuccio), 76 n. — (René), sieur de la Forest, 47 n. — (Vittoria), 76 n. — (René), sieur de la Turme- Ferdinand Ier, 79 n., 88. lière, 65 . Ferrare, 9, 12, 13, 14, 22, 3 4 , 47 Dubourg (Antoine), chancelier n., 7 3 , 78 n. de France, 24 n., 33 n., 35 n., — (duc de), voir Este. 37 n., 39 n.,48 n., 49 n., 5o n., — (duchesse de), voir Renée de 52 n., 55 n., 60 n.,65 n., 71 n., France. 73 n., 79 n., 80 n., 81 n., 82-88. Feruffini (Lola), 74 n., 7 6 . Du Castel, 10. F landre (Louis de), sieur de Du Fou (Jacques), chanoine de Praet, 83. St-Maur, 19. Florence, 8, 9, 40 n., 4 1 , 43 n., Du Pont (Pierre), 4 9 , 5o n. 5 5 , 7 0 , 7 1 , 8 4 . Duprat (Antoine), chancelier de — (La Rocqua), 7 0 , 7 1 . France, 67 n. Fontaine-Française, 2, 3 n. Durand (Pierre), échevin de Lyon, Fontana (B.), 13 n., 46 n., 47 n., 10. 73 n. Fontenay-le-Comte, 11, 91. Ehrenberg (R.), 41 n. Francapani (Francesco), 88. Ehrlé (le P.), 74 n., 75 n. François, serviteur de Jean du Éléonore, reine de France, 1. Bellay, 90-91. François, dauphin, 1 n. 3 6 , 37 n., 39 n., 42 n., 48 n., François Ier, 1, 2, 3 n., 5 n., 6, 49 n., 5o n., 52 n., 55 n., 60 n., 8 n., 9, 12 n., 14, 15, 16, 21, 65 n., 6 7 , 6 9 , 7 0 , 71 n., 73, 24 n., 33 n., 34 n., 35 n., 38 n., 7 8 , 79 n., 80 n., 8 1 , 82-88. 39 n., 42 n., 4 3 , 46 n., 4 7 , Henri II, 76 n. 48 n., 49 n., 51 n., 52 n., 56 n., Henry VIII, 1, 3 n., 35 n., 8 1 . 6 3 , 65 n., 6 7 , 68, 7 2 , 76 n., Hermenault (l’), 3 4 . 7 7 , 78 n., 83, 87. Heulhard (A.), 2 n., 3 n., 7 n., Friant (Philibert), chanoine de 8 n., 11 n., 13 n., 15 n., 22, St-Maur, 19. 26 n., 47 n. Friedmann (P.), 3 n. Fugger, 4 1 . Innocent VIII, 68 n. Fulvio, 20 n. Isabelle, femme de Charles- Quint, 86. Gaddi (Niccolo), cardinal, 6,45 n. Ismaël Ier, roi de Perse, 42 n. Gaillard (F.), 69 n. Gardiner (S.), 81 n. Jamet (Lyon), 10, 13, 7 3 . Gauthiez (P.), 40 n., 41 n. Jean II le Bon, 66 n. Gayangos (P.), 37 n. Jean III, roi de Portugal, 6 1 . Gênes, 48 n., 5 5 , 8 0 , 82, 87. Jove (Paul), 41 n. Genève, 4 8 . Judeo (Sinan Djoufoud, dit le), Gheynst (Jeanne van der), 71 n. 4 9 . Ghinucci (H.), cardinal, 16, 18, Jules II, 68 n. 3 5 . Juvenal des Ursins (Charles), 12, Giraldi (Lilio Gregorio), 13. 21 n., 7 8 , 89-91. Gonzaga (Ercolo di), cardinal de Mantoue, 46 n. La Béraudière (Louise de), 34 n. Gouffier (Guillaume), sieur de La Brousse (Jeanne de), 33 n., Bonyvet, 68 n. 34 n. Goulette (la), 4 8 , 49 n., 82. La Marck (Robert de), sieur de Gramont (cardinal de), 37 n. Fleuranges, 48 n. Grenoble, 10, 11. La Mirandole, 12. Grimani, cardinal, 6, 16. Langeac (Jean de), évêque de Grimani (Vincentio), 59 n., 84 n. Limoges, 13, 4 7 . Gryphe (Sébastien), 4, 8, 9, 13 n. Langres, 3. Giucciardini (Francesco), 55 n. La Roche (Simone de), 47 n. Guiraud (L.), 12 n. Lefranc (A.), 23 n., 32, 33 n.,91. Guise, 12. Le Mans, 37 n. Le Roy, 7, 12. Hammer, 43 n., 44 n. Lerzé (Lerici), 6 2 . Hamon (A.), 33 n. Levasseur (E.), 66 n. Hamy (le P.), 1 n., 2 n. Leyva (Antonio de), 71 n. Hémard (Charles) de Denonville, Ligugé, 6 5 , 68. évêque de Mâcon, 5, 14, 15, 18, Livourne, 84. 21, 22, 24, 25 n., 33 n., 35 n., Londres, 1, 2, 3, 43 n. Lorraine (Jean, cardinal de), — (Laurent II), 40 n. 14 n., 21, 67, 81 n. Messine, 50. Lucas (Jean), chanoine de St- Michel-Ange, 57 n. Maur, 19. Micheli (M.-A.), 17 n., 20 n., 40 n. Lunel (Jean), 2 n., 6. M ilan, 55. — (Vincenzo), 37 n. Minio (Marco), 59 n. Lyon, 1, 2, 3, 8, 9, 10, 12, 15, 21, Minorque, 49. 22, 40 n., 52 n., 5 3, 63, 65, Mirebalais, 72. 66, 69, 78 n. Mocenigo (Tomaso), 59 n. Modène, 46 n. Madaillan-Estissac (Bertrand de), Modesti (F.), 6, 16. 34 n., 77 n. Monluc (Jean de), 14, 15. — (Geoffroy de), évêque de Mail- Montaigne, 41 n., 79 n. lezais, 11, 13, 15, 16, 19, 22, 23, Montauban, 50. 26, 33, 34 n., 52, 65, 78 n., 91. Montbel (François de), sieur de — (Jean de), 33 n., 34 n. Vérey, 48 n. — (Louis de), 34 n., 7 7 . Montmorency (Anne de), 7, 14 n., Madelin (L.), 58 n., 76 n. 20, 24 n., 33 n., 65 n., 77 n. M adrid, 25 n., 60 n. Montpellier, 1 n., 12, 22, 5o n. Maguelonne, 12. Montreuil, voir Vernon. Malton (Port-), 49 n. Mouley-Hassan, 49 n. Manardi (G.), 13. Müntz (E.), 17 n., 20 n., 56 n., Mantoue (cardinal de), voir Gon­ 57 n., 58 n. zaga. Musi (Agostino), 62 n. Manuce (Aide), 40 n. Marguerite, reine de Navarre, Naples, 25 n., 33, 37, 38 n., 15 n. 39 n., 40 n., 42 n., 43 n., 46, Marliani (B.), 4, 5 n., 7, 8, 9, 48, 50, 54, 55 n., 59, 60, 65, 57 n. 68, 70, 71, 72, 78, 82, 83, Marot (Clément), 10, 13, 73 11. 87. Marrette (F.), 5 n., 14. — Castel Capuano, 7 1 . Marseille, 1, 5, 12 n., 37 n., 47 n. Navenne (F. de), 58 n., 74 n. Marty-Laveaux, 23 n. Niccolini, 40 n. Maruéjouls (P.), 63 n. Nigri, 17 n., 20 n., 40 n. Mazallon (Louis), chanoine de Noies (Noia), 76 n. St-Maur, 19. Norfolk (duc de), 1. Médicis (Alexandre de), duc de Florence, 9, 26, 40, 41, 42, Orsini (Cécile), comtesse de 54 n., 55, 71, 72, 82, 83, 84, Carpi, 6, 90. 86, 87. — (Gian-Paolo), da Ceri, 7 7 , — (Catherine de), duchesse d’Or­ 78 n. léans, 9, 40 n. — (Giovanni-Francesco), comte — (Clarisse de), 40 n. de Pitigliano, 90. — (Hippolyte de), cardinal, 6, — (Girolama), 76. 76. — (Hieronimo), 90. — (Lodovico), 7 6 . Plattard (J.), 8 n., 9 n., 13 n., — (Lorenzo), voir Renzo da Ceri. 24 n., 38 n. — (Orsino), 7 5 . Poitiers, 5 3 . Pontoise, 47 n., 7 8 . Palmieri, cardinal, 16. Poyet (G.), premier président au Paris, 2 n., 8, 12, 22, 26. Parlement de Paris, 87. Parlement, 2, 10. Pucci (Antonio), cardinal de Pis­ Parmentier (Michel), libraire, 19, toia, 16. 5 2 , 5 3 , 5 4 , 66. Parthenay (Anne de), dame de Raince (Nicolas), 5, 7, 14, 15 n., Pons, i 3. 21. — (Renée de), i 3. Rathery, 8 n., 38 n. Pasquil (ou Pasquin), 7 2 . Recalcatis (Ambrogio di), 15 n. Pastor (L.), 74 n. Recanati, 77. Paul II, 57 n. Reggio, 46 n. Paul III, 12, 14, 15, 18, 19, 20, Renée de France, duchesse de 31, 26, 35 , 36 n., 3 7 , 3 8 , 3 9 , Ferrare, 12, 13, 14, 46 n., 4 7 , 40 n., 4 1 , 4 2 , 4 6 , 48 n., 49 n., 7 8 . 5 0 , 5 6 , 5 7 , 58 n., 5 9 , 6 0 , 6 7 , Renier (Federico), 59 n. 68, 7 0 , 7 3 , 7 4 , 75 , 7 6 , 7 9 , Renzo da Ceri (Lorenzo Orsini), 8 0 , 83, 86, 88-89. 26, 4 7 , 48 n., 7 5 , 7 6 , 7 7 , 7 8 . Pavie, 4 4 . Riario, cardinal, 42 n. Pellicier (G.), 12, 16, 90. Ridolfi (Niccolò), cardinal, 16, Pérouse, 15, 16. 4 0 , 5 4 , 7 0 , 7 2 , 83. Perreau (L.), sieur de Castillon, 3. Rodocanachi (E.), 13 n., 38 nv Perrenot (Nicolas), sieur de Gran- 58 n. velie, 83, 84. Rome, 1, 2, 3, 4, 5, 7, 9> Petros (Nicolas), 16. 14, 15, 16, 17, 20, 21, 22 n., Philippe II, 71 n. 23, 25, 26 n., 3 4 , 3 7 , 39 n., Philippes (dom), 23, 3 4 , 66, 6 7 . 40 n., 43 n., 44 n., 46 n., 5 0 , Piccolomini, cardinal de Sienne, 5 1 , 5 5 , 5 6 , 6 1 , 63 n., 6 4 , 67 3 9 , 4 0 , 5 5 , 5 6 , 83. n., 76 n., 79 n., 8 1 , 85, 86, 89, Picot (E.), 5 n., 15 n., 47 n., 77 n. 90, 91. Pinturichio, 74 n. — amphithéâtre, 5 7 . Pio (Alberto), comte de Carpi, — arcs de Constantin, Numetia- 6, 90. nus, Titus et Vespasien, 5 7 , — (Catherine et Marguerite), filles 58 n. du précédent, 6, 90. — bourg St Pierre, 3 8 . — (Rodolfo), évêque de Faenza, — Campdoly (Capitole), 5 6 , 58 n. 6, 16. — Campo di Fiore, 5 7 , 58 n. Pisani (F.), cardinal, 6, 16. — château S t Ange, 5 8 . Pise, 5 5 , 84. — jardin du Belvedere, 68. Pistoia (cardinal de), voir Pueci. — palais Farnese, 5 7 , 58 n. Plaisance, 26 n. — palais St-George, 4 2 , 58 n., Plan (P.-P.), 26 n. 5 9 . Rome, palais St-Marc, 57. — (Jean de), 63 n. — palais Vatican, 38, 58 n., 68 Sevin (Jean), 5, 8. n., 74. Sermonetta (Camille), 90. — pont S t-Ange, 61. Sforza (Alessandro), 76 n. — porte S t-Pierre, 41. — (Bosio), comte de Santa-Fiore, — porte S t-Sébastien, 56, 58 n. 76. — Ripe, 3 8 . — (Francesco), duc de Milan, — S t-Paul-hors-les-murs, 58 n., 50, 82. 59. — (Guid’ Ascanio), cardinal de — Templum Pacis, 56, 57. Santa-Fiore, 76. Sicile, 42 n., 43, 67 n. Sabeo (Fausto), 16, 17. Sienne, 55, 60. Sadolet (Jacques), 17, 40 n. Simonetta, cardinal, 16, 18, 35. — (Paul), 17. Sixte-Quint, 68 n. Sainéan (L.), 59 n. Soderini (Francesco), 40 n. Saint-André (Martin de), 45 n. — (Giuliano), évêque de Saintes, Saint-Calais, 5. 40, 54, 55, 70, 71. Saint-Cerdos (M. de), 45. Saint-Jaille (Didier de), 50. Soliman, 42, 43, 44, 45, 61, Saint-Maur, 15 n., 18, 19. 74, 88. Sainte-Marthe (les frères), 23 n., Sophy (le), 42, 43, 44, 61. 26, 28, 2g, 3o, 34 n. Sorbonne, 2, 10. Salviati (J.), cardinal, 40, 54, Soubise (Madame de), voir Sau­ 70, 72, 83. bonne. Samaran (Ch.), 64 n. Spinola (Agostino), cardinal ca­ San Gallo (Antonio da), 57 n. merlingue, 80. San Pietro Corso, 21. Steuco (Agostino), 16. Sanseverino (Ferrante di), prince Stevenson (E.), 75 n. de Salerne, 71. Strozzi (Luisa), 40 n. Saraceni (G.), cardinal de Ma­ — (Philippe), 9, 40, 41, 55, 70, tera, 16. 71, 72, 83, 87. Sardaigne, 49. Stryienski (C.), 22 n., 53 n. Saubonne (Michelle de), dame Stuart (John), duc d’Albany, 44. de Soubise, 12, 13, 47. Savoie (Louis de), prince de Tandis, 62. Piémont, 25 n., 60, 86. Tarascon, 47 n. — (Charles II, duc de), 48,60, 87. Tauris (Tebriz), 43 — (duchesse de), voir Béatrix. Taurus, 61. Séché (L.), 65 n. Tausserat-Radel (A.), 12 n., 16 n., Segre (A.), 48 n., 87. 63 n. Selva (F. de), comte de Cifuen- Tebaldeo (A.), 17. tès, 37 n., 38, 41 n., 42, 46 n., Tiepolo (Niccolò), 59 n. 48 n., 79 n., 81 n. Tilley (A.), 8 n., 9 n., 10 n., 13 n., Selve (Georges de), évêque de 21 n., 25 n. Lavaur, 63. Toulouse, 50. Tournon (F., cardinal de), 37 n., 43 n., 46 n., 5o, 56 n., 58 n., 81 n. 5g n., 60 n., 77 n., 79 n., 84. T rivulzio (Agostino), cardinal, 16. Venisse (Jacques de), sieur de — (Pomponio), gouverneur de Baugy, 15. Lyon, 53. Venoy (Louis de), chanoine de — (Teodoro), 53 n. S'-Maur, 19. Tudor (Marie), 81. Verdier (ou Verdurier), 7 n. Tunis, 39 n., 44 n., 48, 62, 83, Vernon (Adrien), sieur de Mon- 84. treuil-Bonnin, 15, 35 n., 65. Turc (le), voir Soliman. Vestrius (0 .), 36 n., 59 n., 75 n. Turin (Jean de), 21. Vianey (J.), 17 n. Turpin (Charles), 47 n. Villeneuve-Bargemont,49 n.,50 n. — (Jacques), baron de Crissé, Villiers de l’Isle-Adam (Phi­ 47. lippe), 49 n. Vindry (Fleury), 32. Vaganay (H.), 32. Virton, 48. Valerio, 6. Vivonne (Catherine de), mar­ Valori (Baccio), 55 n. quise de Rambouillet, 78 n. Vasari, 74 n., 75 n. Voulté (J.), 53 n. Venier (Giovan-Antonio), 59 n., 84 n. Weiss (N.), 2 n., 10 n. Venise, 13 n., 40 n., 63 n. Venise (seigneurie de), 37 n., Zapolya (J.), voïvode de Tran­ 38 n., 39 n., 40 n., 41 n., 42 n., sylvanie, 79 n., 88. TABLE DES MATIÈRES.

Pages I n tro d u ctio n ...... 1-32 Lettre I (3o décembre 535)...... 33-51 Lettre II (28 janvier 153 6 ) ...... 52-64 Lettre III (15 février 15 3 6 )...... 65-81 Appendice I. Lettres de Charles Hémard de Denonville (décembre 1535-février 1536)...... 82-88 — II. Sauf-conduit accordé par Paul III aux servi­ teurs de Jean du Bellay...... 88-89 — III. Lettre de Charles Juvénal des Ursins à Jean du Bellay (12 avril 15 3 6 ) ...... 89-91 — IV. Fac-similé du manuscrit Morrison . . . . 91 Index des noms de personnes et de l i e u x ...... 92-99

Nogent-le-Rotrou, imprimerie D aupellb y -G ouve rneur.