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RÉGIE DE L’ÉNERGIE

PROVINCE DE QUÉBEC DISTRICT DE MONTRÉAL

NO. R-3677-2008 HYDRO-QUÉBEC

(Ci-après le « DISTRIBUTEUR»)

Demanderesse

Et

CONSEIL DE LA NATION MATIMEKUSH-LAC JOHN, un Conseil de bande reconnu en vertu de la Loi sur les Indiens, ayant son siège dans la réserve de Matimekush, Case postale 1390 à (Québec), G0G 2T0

(Ci-après le «CNIMLJ»)

Intervenant

MÉMOIRE DU CONSEIL DE LA NATION INNU MATIMEKUSH-LAC JOHN

MÉMOIRE DU CONSEIL DE LA NATION INNU MATIMEKUSH-LAC JOHN

Présenté à la Régie de l’Énergie

Dans le cadre de la DEMANDE DU DISTRIBUTEUR RELATIVE À L’ÉTABLISSEMENT DES TARIFS D’ÉLECTRICITÉ POUR L’ANNÉE 2009-2010

DOSSIER : R-3677-2008

30 octobre 2008

Mémoire du CNIMLJ, 30 octobre 2008 No dossier : R-3677-2008

AVANT-PROPOS

Ce mémoire est présenté par le CNIMLJ à la Régie de l’Énergie dans le cadre de la demande du Distributeur relative à l’établissement des tarifs d’électricité pour l’année 2009-2010. Par conséquent, ce mémoire s’inscrit uniquement dans ce processus et ne limite en aucun cas les droits et recours reconnus par les gouvernements et les tribunaux à la communauté de Matimekush-Lac John. De plus, ce document ne peut

être considéré comme le seul et unique moyen pour la communauté d’exprimer son opinion et de faire valoir ses droits et ne constitue pas un appui formel audit projet ni conditionnel au contenu du présent mémoire.

Finalement, le contenu et les termes du présent document ne doivent en aucune façon être interprétés de manière à porter atteinte au titre aborigène de la communauté et à ses droits ancestraux ou de porter préjudice aux négociations territoriales en cours.

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Mémoire du CNIMLJ, 30 octobre 2008 No dossier : R-3677-2008

Table des matières

Table des matières ...... 4

1. Contexte ...... 5

1.1 Rappel historique ...... 5

1.2 Convention de la Baie-James et du Nord-Est québécois ...... 7

1.3 Relations avec le gouvernement du Québec ...... 7

1.4 La centrale hydroélectrique Menihek ...... 8

1.5 Profil de la communauté...... 11

1.6 Position politique ...... 12

1.7 Contexte particulier de la présente demande ...... 13

1.8 Relations avec Hydro-Québec ...... 16

2. Un cas exceptionnel ...... 18

2.1 Droits constitutionnels ...... 18

2.2 Obligation de consulter ...... 19

2.3 Négociation territoriale...... 20

2.4 Obligation de fiduciaire de la Couronne ...... 21

3. Capacité de payer ...... 22

3.1 Coût de la vie à Matimekush Lac-John ...... 22

3.2 Impacts sur la population ...... 25

3.3 La main-d’œuvre ...... 25

3.4 Efficacité énergétique et les logements ...... 26

3.5 Perspectives économiques ...... 26

4. Conclusion ...... 29

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Mémoire du CNIMLJ, 30 octobre 2008 No dossier : R-3677-2008

1. Contexte

Le Conseil de la Nation Innu Matimekush–Lac John (CNIMLJ) est l’organe politique qui représente l’ensemble des individus vivant sur les territoires de Matimekush et du Lac John, soit un total de 751 personnes habitant un territoire dont la superficie totale atteint 88,9 hectares. De ce nombre, 31 personnes sont considérées « hors communauté », c’est-à-dire dont le lieu de résidence n’est pas situé sur le territoire de la communauté.

Le CNIMLJ juge essentiel d’intervenir dans le débat entourant la tarification spécifique pour les clients du réseau autonome de Schefferville. Les enjeux relatifs à la gestion de l’électricité, à son approvisionnement continu ainsi qu’aux coûts qui y sont rattachés sont tels qu’ils influencent significativement le niveau et la qualité de vie de l’ensemble des citoyens de la communauté innue de Matimekush–Lac John. Les conséquences encourues par une importante augmentation tarifaire ont un potentiel perturbateur et dommageable tant au niveau social, économique qu’au niveau de la santé.

Ces conséquences ont des effets autant sur les membres de la communauté que sur le CNIMLJ lui-même et ses différentes entités affiliées et partenaires.

A cet effet, le CNIMLJ cible quatre (4) aspects propres à sa situation qui doivent, à son avis, être pris en compte dans la demande du Distributeur et qui n’ont pas été respectés ou considérés adéquatement par celui-ci et par le gouvernement du Québec, soit :

- le contexte particulier de la communauté ; - sa situation socioéconomique ; - les devoirs et obligations qui incombent au gouvernement et à ses mandataires envers la communauté ; - la capacité de payer des membres et utilisateurs du service.

Le CNIMLJ insiste sur le contexte exceptionnel de la situation socioéconomique de la communauté innue de Matimekush–Lac John. Il souhaite, par l’entremise de ce mémoire, démontrer les bienfaits, autant pour le Distributeur que pour les clients de Matimekush–Lac John, d’un moratoire d’une durée limitée quant à l’imposition, sur une période de cinq ans, d’un rabais dégressif sur les tarifs en vigueur au sud du 53e parallèle tel que proposé. Si ce moratoire n’est pas possible, le CNIMLJ souhaite obtenir de la Régie la reconnaissance du statut exceptionnel de la communauté et de la nécessité d’instaurer une tarification ou rabais particulier, beaucoup plus fidèle à la réalité économique de la Première Nation.

1.1 Rappel historique

Située dans la région administrative de la Côte-Nord, à 510 kilomètres au nord de Sept-Îles, la communauté de Matimekush–Lac John est l’une des neuf composantes de la nation innue au Québec et fait partie des onze communautés qui forment la

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Mémoire du CNIMLJ, 30 octobre 2008 No dossier : R-3677-2008 nation innue au Canada, deux communautés étant situées au . Le contexte particulier de la communauté provient de son histoire : aucune autre communauté autochtone du Canada n’a eu à vivre autant d’injustices et de souffrances que celles qui ont marqué l’histoire de la communauté Matimekush–Lac John au cours du dernier siècle. Entre toutes les communautés, il s’agit là d’un cas bien particulier.

Les de Matimekush–Lac John sont associés depuis des temps immémoriaux aux territoires nordiques du Québec. Pendant des siècles, les ancêtres innus ont parcouru le Nord du Québec et le Labrador pour pratiquer les activités traditionnelles de chasse, de pêche, de piégeage et de cueillette de fruits sauvages. Nomades, ils assuraient leur subsistance en suivant les troupeaux.

Les premiers non-autochtones à circuler à l’intérieur des terres le faisaient avec l’aide des trappeurs innus. Ces derniers guidaient et assistaient les missionnaires, géologues et autres spécialistes dans les expéditions entreprises dans les territoires du Nord du Québec. Ce sont ces mêmes ancêtres qui ont permis le développement et la reconnaissance, entre 1955 et 1961, de la ville de Schefferville à titre de capitale mondiale du fer, en guidant le missionnaire Louis Babel dans ses recherches et en mettant les prospecteurs sur la piste des gisements. Il y a 60 ans, ce sont encore les Innus qui ont agit à titre de postiers pour la Compagnie de la Baie- d’Hudson, traversant en raquettes la péninsule du Québec-Labrador du nord au sud pour livrer, à la fin de mai, le courrier recueilli d’un poste de traite à l’autre.

Attirés par le développement minier prospère, Schefferville représentait un terrain fertile pour les non-autochtones qui ont immigré massivement dans la région et qui ont rapidement imposé leur vision et leur façon de faire aux Innus qui y vivaient depuis déjà plusieurs siècles. Soucieux de maintenir de bonnes relations, les Innus se sont néanmoins accommodés de leur culture et ont enduré la discrimination dont ils ont été victimes en matière d’emploi, d’éducation, d’accès aux loisirs et aux transports.

En 1956, le ministère des Affaires indiennes a unilatéralement décidé de relocaliser à Schefferville les quelque 150 vivant alors à Fort Chimo (aujourd’hui Kuujjuaq). À leur arrivée à Schefferville, les Naskapis se sont installés au Lac John aux côtés des Innus.

En 1959, constatant que les Innus ont peu d’accès au marché du travail, le ministère des Affaires indiennes les incite à déménager dans leur communauté sœur Mani- Utenam (Sept-Îles). Bon nombre d’Innus acceptent de déménager à contrecœur. Environ 300 décident toutefois de demeurer à Schefferville, ce qui oblige le gouvernement fédéral à créer officiellement la réserve indienne de Lac John en 1960. La population de Schefferville connaîtra alors une croissance importante, atteignant 3 200 personnes en 1961.

En 1973, les Innus de la région de Schefferville, jusqu'alors considérés comme faisant partie de la bande de Sept-Îles, au sens de la Loi sur les Indiens, sont reconnus comme une bande autonome par le ministère des Affaires indiennes. Quelques années auparavant, soit en 1968, le gouvernement fédéral avait décidé de relocaliser les Innus et les Naskapis plus près de Schefferville et a établi à cette fin la réserve indienne de Matimekush. Des maisons en rangées sont construites à leur

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Mémoire du CNIMLJ, 30 octobre 2008 No dossier : R-3677-2008 intention et la majorité d'entre eux s'y installent en 1972. Quelques familles innues refusent toutefois de quitter Lac John et elles obtiennent, en 1975, la construction de maisons individuelles au Lac John.

1.2 Convention de la Baie-James et du Nord-Est québécois

En 1975, les gouvernements du Québec et du Canada signaient la Convention de la Baie-James et du Nord-est québécois avec les Nations crie et inuit. Trois ans plus tard, en 1978, c’était au tour de la nation Naskapie de signer la Convention du Nord- Est québécois. Ces deux conventions sont considérées comme des traités modernes et bénéficient d’une protection constitutionnelle en vertu de l’Article 35.1 de la Loi Constitutionnelle de 1982. Les Innus de Matimekush–Lac John ont été invités à négocier une entente du même type mais ceux-ci ont refusé par solidarité avec les autres communautés innues qui étaient unilatéralement exclues du processus de négociation. Donc, même si les Innus de Matimekush–Lac John possèdent de toute évidence des droits ancestraux aussi importants que ceux de la nation Naskapie, ils n’ont pas fait l’objet d’une reconnaissance formelle des gouvernements et sont prétendument éteints sur le territoire dit « conventionné ».

En effet, en ratifiant la Convention, les gouvernements ne se sont pas contentés d’éteindre les droits des signataires consentants ; ils ont aussi voulu abolir unilatéralement les droits des autres Premières Nations non signataires, dont ceux des Innus de Matimekush–Lac John. Pourtant, ces derniers ont toujours contesté cette extinction et ils n’en ont jamais reconnu la validité. De façon concrète, celle-ci a tout de même des effets négatifs importants sur la Première Nation, la plus évidente étant celle d’empêcher l’exercice des activités traditionnelles sur le territoire ancestral.

En 1980, le Tribunal international Russel a condamné le Canada pour cette extinction unilatérale des droits et en est venu à la conclusion que la Loi C-9 de mise en œuvre contredisait le droit international. En 1999, l’Organisation des Nations Unies en arrivait au même constat et demandait au Canada de revoir sa politique visant l’extinction unilatérale des droits ancestraux.

1.3 Relations avec le gouvernement du Québec

Les relations entre le CNIMLJ et le gouvernement du Québec sont depuis toujours très difficiles. Cette situation s’explique principalement par la méconnaissance générale à la fois des fonctionnaires de l’État québécois et de la population québécoise en général quant à la réalité des Premières Nations et de celle de Matimekush–Lac John en particulier.

Cette méconnaissance se manifeste quotidiennement dans les rapports avec les représentants du gouvernement, y compris les employés d’Hydro-Québec Distribution (HQD), qui ont une connaissance très limitée de la communauté et des conditions dans lesquelles vivent les habitants de Matimekush–Lac John. Les gouvernements et HQD tentent continuellement d’imposer à Matimekush–Lac John des règles et des pratiques sans tenir compte du caractère socioéconomique

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Mémoire du CNIMLJ, 30 octobre 2008 No dossier : R-3677-2008 particulier de la communauté. Cette attitude qui nie la réalité des Innus de Matimekush–Lac John a pour effet de tendre les relations entre le CNIMLJ et le gouvernement du Québec.

Néanmoins, les Innus de Matimekush–Lac John ont réussi à bâtir une communauté bien organisée qui possède sa vie propre ainsi qu’une certaine autonomie. Les habitants ont hérité et conservé leur langue ainsi que leurs activités ancestrales. Si la langue française est parlée par l’ensemble des membres de la communauté, l’Innu demeure néanmoins la langue d’usage quotidien. Par ailleurs, les Innus de Matimekush–Lac John ont contribué à donner une signature internationale à une région isolée et peu connue.

1.4 La centrale hydroélectrique Menihek

La centrale de Menihek, située en territoire terre-neuvien, a été construite entre 1950 et 1954 pour répondre aux besoins énergétiques des installations minières de la Compagnie minière IOC à Schefferville. Elle était équipée de trois génératrices d'une capacité combinée de 11 mégawatts (deux de 4 MW et une de 3 MW). L'électricité produite servait spécifiquement aux besoins de la Compagnie IOC dont les opérations visaient à exploiter les gisements de fer découverts près du lac Knob, à proximité de ce qui deviendra la Ville de Schefferville.

Après les débuts de la construction de la centrale, la Compagnie IOC a également procédé à la construction, sur les territoires traditionnels innus (que les Innus appellent, dans leur langue, le « Nitassinan ») entre Schefferville et Sept-Iles, d'une voie ferrée permettant le transport des matières. En 1953, commence l'aménagement de la ville attenante aux installations minières. Les premiers wagons de minerais quittent Schefferville à l'été de 1954.

Les Innus de Matimekush-Lac John ont toujours été sous l’impression que Schefferville allait demeurer un centre important de l’industrie minière, de façon continue, pour de nombreuses années. Les pourparlers avec les représentants du gouvernement du Québec et de la Compagnie IOC pendant les années 1960 et 1970 confirmaient cette impression et permettait à la communauté de croire à un avenir prometteur en vertu d’un développement économique généré par l’industrie minière.1 Pourtant, en 1982, IOC annonce la fermeture de ses mines de Schefferville et, du même coup, la fin de l’activité économique de la région. Il s'ensuit un exode des non- autochtones et la démolition d'une grande partie de la ville.

Au lendemain de la fermeture de la mine, tout a été fait pour rendre Schefferville invivable même si on y comptait quelques milliers d’autochtones n’ayant aucun désir de quitter. Innus et Naskapis se sont alors tournés vers le gouvernement fédéral pour

1 Cette impression est également partagée par les Naskapis, comme le confirme l’historique présenté sur le site web de cette communauté: “ The NEQA had been negotiated under the assumption that Schefferville would continue to be an active centre of mining, outfitting, and exploration for the foreseeable future. Enquiries by the Government of Québec to the Iron Ore Company of Canada ("IOCC") in the late 1970s had apparently confirmed that assumption. Nevertheless, IOCC announced in 1982 its intention to close the mines at Schefferville immediately.”

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Mémoire du CNIMLJ, 30 octobre 2008 No dossier : R-3677-2008 demander assistance financière et sociale. Le gouvernement du Canada a accepté d’entamer des négociations qui permettront notamment la création, en 1984, d’un village propre aux Naskapis : Kawawachikamach. Après plusieurs autres années de négociations, les Innus obtiennent en 1998 l'agrandissement de la réserve de Matimekush à même une partie du territoire de la municipalité de Schefferville.

Depuis la fin de ses activités minières en 1982 et jusqu’en 2002, IOC a maintenu en exploitation, à ses propres frais, la centrale de Menihek, de même que ses installations de transport et de distribution pour répondre aux seuls besoins des communautés innue et naskapie, puisqu’elle-même n’a plus de charge à alimenter dans la région. IOC cherche néanmoins à se départir de ces installations et, après maintes tentatives de négociation avec les autorités gouvernementales, elle provoquera le transfert de propriété en menaçant de stopper unilatéralement la centrale et de l’abandonner.

Il est utile de préciser à cette étape-ci que la tarification a toujours été minimale et uniforme pour tous, autochtones et non-autochtones, incluant les employés de la compagnie minière. IOC considérait cet élément comme étant un bénéfice aux employés et, d’ailleurs, toute augmentation des tarifs d'électricité aurait fait l'objet d'une demande lors des négociations des conventions collectives des employés2. De plus, lors de la fermeture des installations au début des années 80, la Compagnie minière IOC, ne voulant pas ajouter au fardeau des citoyens et des autochtones demeurant à Schefferville – déjà affectés par la fermeture des mines –, a décidé de ne rien changer à la politique tarifaire pour ce service. Les Innus, pour qui le barrage était un outil à l’avantage des compagnies minières et qui étaient persuadés que celui-ci allait être utile pour une très longue période, assurant le développement de l’industrie minière de la région et, du même coup, le développement économique de la communauté, n’ont jamais craint d’augmentation de tarif. Ce tarif était et est toujours considéré comme un « droit acquis ».

Ce maintien d’un tarif, qui pourrait être qualifié de « préférentiel », était assuré même si IOC accumule un déficit d’opération récurrent. La compagnie perdait environ un demi-million de dollars par année avec les opérations de la centrale.

Lorsqu’ils sont informés de la fermeture des mines et du désir de la Compagnie IOC de se départir de la centrale, les Innus et les Naskapis se montrent intéressés à l’acquérir. Pour eux, l’ensemble des installations qui ont été construites sur leurs terres ancestrales leur reviennent de plein droit. Les gouvernements ont accepté d’entamer des négociations mais elles n’ont pas permis d’en arriver à un accord, principalement en raison des coûts exigés pour l’acquisition ainsi que du fardeau que représente la mise à niveau de la centrale. L’état des installations, les réparations majeures requises et coûteuses, de même que sa localisation dans la province de Terre-Neuve sont des éléments qui rendaient difficile et complexe un projet d’entente entre les Premières Nations concernées et les gouvernements. Le manque de main- d’œuvre qualifiée constituait un autre facteur ne facilitant pas une prise en charge par les communautés locales.

2 Voir le document de l’annexe 1 intitulé La centrale hydroélectrique Ménihek. 9

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À titre indicatif, en 2001, lors des négociations avec les communautés, le montant des investissements pour la rénovation et la modernisation des installations était évalué à 12 millions de dollars, tandis qu’en 2007, à l’annonce de l’entente avec Newfondland and Labrador Hydro (NL Hydro) et Hydro-Québec, il était de 30 millions.

Le 6 août 2002, la ministre déléguée à l’Énergie mandatait Hydro-Québec pour assumer la responsabilité de l’alimentation électrique de Schefferville et notamment «négocier un contrat d’achat d’électricité de long terme produite à la centrale de Menihek au Labrador par l’entreprise qui en fera l’acquisition».

Le 1er novembre 2002, vu la décision irrévocable d’IOC de mettre immédiatement fin à ses activités reliées à l’électricité, HQD prenait en charge les coûts d’exploitation et les dépenses de nature capitale assumés par IOC, à partir de cette date et jusqu’à ce qu’une solution permanente soit mise en œuvre. Le même jour, HQD avisait le gouvernement de cette entente. Depuis, HQD assume la totalité des coûts relatifs à l’alimentation électrique de Schefferville.

En décembre 2005, Newfoundland and Labrador Hydro (NLH), une société d’État du gouvernement de Terre-Neuve et Labrador, d’une part, et le Distributeur, d’autre part, concluaient un contrat. Ce contrat est la pierre angulaire de la prise en charge par HQD de l'alimentation électrique de la région de Schefferville. Par ce contrat, HQD s'assure de disposer d'un approvisionnement en électricité fiable et de longue durée à un coût raisonnable, nettement inférieur à toutes les autres options possibles pour assurer l’alimentation en électricité de la région de Schefferville. De plus, par sa structure, ce contrat permet à HQD de contrôler les coûts liés à l'exploitation ainsi que les investissements nécessaires pour assurer le fonctionnement de la centrale de Menihek et des équipements de transport situés au Labrador.

Ce court résumé de l’histoire de Matimekush-Lac John, des relations avec Hydro- Québec et de la centrale Menihek illustre le contexte historique particulier d’un peuple qui s’est vu imposer, en peu de temps, la domination d’une autre nation pour des raisons de développement économique. Dans leur vision paternaliste de l’avenir des Innus, comme celui de toutes les Premières Nations, les gouvernements ont imposé de façon radicale et extrêmement rapide un nouveau mode de vie contre- nature pour un peuple semi-nomade dont l’émancipation passait, jusqu’à l’arrivée des compagnies minières, par un mode traditionnel d’existence. Pour bien comprendre le contexte du présent mémoire, il faut donc comprendre que l’électricité est perçue comme un mal nécessaire, comme un instrument qui, malgré ses qualités indéniables, constitue un symbole de la domination « blanche » et des politiques d’assimilation.

Depuis ce temps, les Innus de Matimekush-Lac John continuent de prétendre à leurs droits sur ces installations et les terres sur lesquelles on les retrouve. Ils soutiennent qu’en vertu de leurs droits ancestraux, ils devraient pouvoir cogérer les ressources hydriques ainsi que les outils permettant l’alimentation en électricité. L’électricité qui est produite par la centrale Menihek appartient aux Innus et elle ne peut faire l’objet de règlementation sans leur consentement. Cette exigence des Innus était d’ailleurs un des critères soumis par HQD lors de la première présentation de ce dossier à la Régie de l’énergie. Or, il appert que ce critère n’a pas été respecté dans le cas des

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Innus qui n’ont jamais donné leur accord et qui ont, tout au contraire, toujours manifesté leur opposition à toute augmentation non négociée des tarifs d’électricité. Aujourd’hui, ils affirment non seulement avoir le droit de refuser cette augmentation mais qu’ils n’ont aucunement les moyens financiers de l’assumer.

1.5 Profil de la communauté

La communauté de Matimekush-Lac John se trouve à environ 510 kilomètres au nord de Sept-Îles et se divise en deux territoires : la réserve de Matimekush, située au bord du Lac Pearce, d’une superficie de 68 hectares; la réserve de Lac-John, sise à 3,5 kilomètres de Matimekush et du centre de Schefferville, d’une superficie de 23,3 hectares. Elle est accessible par avion et par train.

La croissance démographique des Innus de Matimekush-Lac John est très importante. La population est aussi très jeune, 60 % ayant moins de 30 ans et 31 % ayant moins de 18 ans. Cette réalité contribue à la pérennité de la communauté mais constitue un défi majeur à relever en matière d’éducation, de santé, d’emploi et d’habitation. Dans le contexte particulier de la présente demande, le nombre important de jeunes qui ne sont pas encore sur le marché du travail renforce l’argument d’une capacité de payer grandement défavorable qui ne pourra, par ailleurs, que s’améliorer avec le temps.

Tel que démontré précédemment, le mode de vie des Innus de Matimekush-Lac John a radicalement changé au cours des dernières décennies. Lorsque IOC construisait la centrale et débutait ses opérations minières dans la région, les Innus vivaient exclusivement d’activités traditionnelles de chasse, de trappe, de pêche et de cueillette de fruits sauvage. L’arrivée de la compagnie IOC a profondément bouleversé ce mode de vie, en forçant –avec l’aide des gouvernements- une sédentarisation non voulue a priori par la population innue. La facilité de trouver sur place l’essentiel du quotidien en matière de biens et de services, la disponibilité de loisirs et de divertissements auxquels les ancêtres innus n’auraient même jamais pensé ont grandement affecté les activités des Innus et favorisé une acculturation extrêmement rapide. Faisant miroiter un monde meilleur, la compagnie IOC ne pourra toutefois jamais remplir ses promesses d’offrir aux Innus un développement économique qui leur assurerait l’autonomie financière et la possibilité de construire une société moderne et confortable. Les enjeux culturels, particulièrement la langue, et les habitudes de travail n’ont pas permis aux Innus d’occuper les emplois qui leur étaient promis, limitant du même coup le développement économique souhaité. Les activités économiques sont concentrées essentiellement dans les secteurs de l’art et de l’artisanat, du commerce et des services ainsi que de la construction.

Aujourd’hui, la sédentarisation forcée doublée d’un faible développement économique a créé une situation dramatique où les jeunes se retrouvent devant peu d’espoir pour leur avenir. Ils sont déchirés entre le goût de maintien des traditions ancestrales et la vie facile des non-autochtones du Sud qui leur est agressivement imposée par les outils modernes de communication. Mais, isolés du reste du monde, cette situation ne fait qu’aggraver le sentiment de frustration qui en entraîne plusieurs dans la consommation de drogue et d’alcool. À ce problème s’ajoute l’absence d’infrastructures de loisirs, la plupart ayant été détruites lors de la fermeture de la

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Mémoire du CNIMLJ, 30 octobre 2008 No dossier : R-3677-2008 mine. Certains, plus déterminés que d’autres, se rendent étudier à l’extérieur dans des milieux qui ne facilitent pas toujours leur intégration. D’un isolement géographique, ils passent à un isolement social. La plupart de ceux qui réussissent à compléter des études postsecondaires ne reviennent pas dans la communauté, faute d’emploi.

Cette situation pourrait toutefois changer au cours des prochaines années si le potentiel de développement minier annoncé depuis quelques temps se concrétise et si, surtout, les Innus en sont partie prenante. Afin de s’assurer que les projets de développement économique reflètent les valeurs et aspirations des Innus de Matimekush-Lac John, le Conseil a d’ailleurs mis sur pied une société de développement économique responsable d’établir les stratégies de développement et d’encadrer la réalisation des projets en cette matière. C’est cette société qui a notamment permis la conclusion d’une entente avec le gouvernement du Québec pour faciliter la réalisation de projets de développement économique et d’infrastructures communautaires.

1.6 Position politique

Depuis de nombreuses générations, les pouvoirs politiques innus ont contesté avec un succès relatif les événements et les décisions qui ont modifié en profondeur leurs conditions sociale, environnementale, économique ainsi que le cours de leur cheminement collectif. Le présent dossier fait partie de ces décisions.

Rappelons que la centrale Menihek et les installations de la Compagnie minière IOC sont situées sur le Nitassinan (territoire ancestral) des Innus de Matimekush-Lac John. D’autre part, dans le but de permettre la construction du méga-projet de la Baie-James, les gouvernements ont entrepris l’extinction des droits ancestraux existants sur le territoire de la Convention de la Baie-James et du Nord québécois et la Convention du Nord Est Québécois. Ces Conventions, bien que signées avec les Cris, les Inuits et les Naskapis, ont amené les gouvernements à adopter des lois permettant d’éteindre les droits de tous les peuples autochtones, y compris ceux des Innus. Ainsi, les Innus de Matimekush-Lac John auraient vu leurs droits ancestraux éteints, sans leur consentement, sur plus du tiers de leur territoire traditionnel. Est-il besoin d’ajouter que les Innus de Matimekush-Lac John n’ont pas été consultés et n’ont bénéficié d’aucune compensation pour la construction de la centrale et des lignes de transport et pour les activités minières en territoire québécois?

Contrairement à la perception populaire, les Innus de Matimekush-Lac John n’ont pas été privilégiés par ces projets.

Même si le CNIMLJ a participé à quelques rencontres de discussion avec les gouvernements, même s’il a accepté de négocier, sans succès, des arrangements avec HQD lors de la décision unilatérale des gouvernements de transférer la responsabilité du service d’alimentation en électricité à Hydro-Québec, il n’a jamais consenti à ce transfert et s’est toujours opposé à toute augmentation tarifaire sans son consentement et la conclusion d’une entente formelle. La décision prise par HQD, le gouvernement du Québec et la Régie de l’énergie, l’a été en niant le droit des Innus à une participation juste, pleine et entière aux débats.

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Il est important de ne pas confondre, ni même comparer, la position des Naskapis à celle des Innus. Les deux situations sont extrêmement différentes, ne serait-ce que par les ressources financières, humaines et matérielles dont dispose le Conseil de la Nation Kawawachikamach. Celui-ci a bénéficié dans ce dossier d’un avantage considérable par rapport au CNIMLJ, particulièrement à l’égard de l’information et des relations avec HQD et le gouvernement du Québec.

Lorsqu’il a été informé de la tenue des audiences de la Régie sur la demande d’HQD, le CNIMLJ n’avait aucune raison de croire qu’elles auraient des conséquences directes et irréversibles sur les membres de la communauté. Le CNIMLJ a toujours cru que les tarifs d’électricité allaient être fixés à la suite d’une entente entre lui et Hydro-Québec (ou le gouvernement du Québec). De plus, le CNIMLJ contestait la légitimité d’une décision d’une tierce autorité (la Régie de l’énergie) qui aurait un impact sur les droits des Innus. Pour le CNIMLJ, pour les aînés et pour tous les membres de la communauté, il ne fait aucun sens que les coûts du service d’électricité produit à même les ressources naturelles se trouvant sur leur territoire ancestral (sur lequel ils possèdent des droits ancestraux et un titre aborigène), puissent leur être dictés et imposés par un tiers. Il ne fait également aucun sens pour le CNIMLJ, pour les aînés et pour tous les membres de la communauté que les tarifs qui sont les mêmes depuis la construction de la ville, subissent subitement une augmentation exponentielle. Tous les principaux acteurs ont, depuis l’origine du projet minier d’IOC, expliqué aux Innus que le service d’électricité leur serait toujours fourni à un coût raisonnable.

Le CNIMLJ a décidé de soumettre ce mémoire et de se présenter à la Régie de l’énergie parce que le présent débat est fort important pour l’avenir non seulement des ressources mais aussi de l’avenir de la région, celui de la communauté et, surtout, des relations entre tous les peuples qui cohabitent sur le territoire. Le CNIMLJ continue de croire qu’une large part de responsabilité incombe au milieu politique et que, considérant les questions de droits ancestraux, la question soulève également des enjeux juridiques importants. Le CNIMLJ accepte néanmoins de jouer le jeu en vertu des règles actuelles, en étant confiant que sa position pourra trouver un accueil favorable par la Régie qui, selon toute vraisemblance, peut jouer un rôle important à l’intérieur des limites de sa compétence.

1.7 Contexte particulier de la présente demande

C’est en 1982, qu’Électricité de Schefferville Inc. filiale de la Compagnie minière IOC Canada (IOC) a pour la première fois annoncé son intention de vendre la centrale Menihek et toutes ses installations nécessaires à la production, le transport, la distribution ainsi que la commercialisation de l’électricité pour la région de Schefferville. Malgré de nombreux efforts pour vendre ses installations, IOC a toutefois continué d’assumer l’alimentation en électricité de Schefferville pendant plusieurs années après cette annonce.

En 1993, IOC a perdu irrévocablement les droits hydriques nécessaires à l’exploitation de la centrale, ce qui a obligé les autorités politiques à trouver rapidement une solution. Plusieurs scénarios ont été envisagés. Le plus prometteur

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était la possibilité d’acquisition par les communautés innue et naskapie. Pendant près de 10 ans, soit de 1993 à 2002, la Nation Naskapie de Kawawachikamach, le CNIMLJ ainsi qu’Hydro-Québec ont tenté sans succès d’acquérir conjointement la propriété des installations énergétiques ou le droit de les exploiter. N’eût été du refus politique du gouvernement de Terre-Neuve, il est juste de croire que les Innus auraient participé à l’acquisition de la centrale3.

En août 2002, le gouvernement du Québec a demandé à HQD d’initier seule des négociations pour l’obtention d’un contrat à long terme,qui rendrait possible l’achat de l’énergie électrique produite par la partie des installations énergétiques situées au Labrador. L’entente de principe issue de ces négociations prévoyait qu’HQD allait acquérir d’IOC la partie des installations énergétiques située au Québec et qu’elle achèterait de la Newfoundland and Labrador Hydro l’énergie électrique produite par la partie des installations énergétiques située au Labrador. Ce qui fut fait.

Le 8 août 2006, la Régie de l’énergie a autorisé le projet d’investissement d’HQD relatif à la prise en charge de l’alimentation électrique de la région de Schefferville (D-2006-123). HQD pouvait alors entreprendre les démarches nécessaires en vue de finaliser les transactions requises à la prise en charge officielle. Ce processus impliquait notamment l’acquisition de la centrale hydroélectrique de Menihek au Labrador, et de la ligne de transport au Labrador de la compagnie minière IOC par Newfoundland and Labrador Hydro, l’acquisition des réseaux de transport et de distribution en sol québécois de l’IOC ainsi que la réalisation de travaux destinés à la prise en charge des clients de la région de Schefferville.

Jusqu’à récemment, malgré toutes les rencontres et discussions tenues depuis plus de 10 ans, personne n’a évoqué une éventuelle augmentation des tarifs d’électricité dans une proportion aussi importante que celle proposée par HQD et, surtout, qu’une telle augmentation pourrait s’effectuer sans le consentement des Innus.

Le 21 novembre 2006, HQD a demandé à la Régie la permission de maintenir les tarifs qu’imposaient à cette date la compagnie d’électricité de Schefferville et ce, à partir de la date de l’acquisition des installations énergétiques situées au Québec, au cours du premier trimestre de 2007 jusqu’au début novembre 2008. Deux ensembles de considérations justifiaient la demande de HQD. D’une part, le besoin de rendre certains des compteurs et entrées électriques conformes aux normes de HQD qui est une condition préalable à la facturation exacte, et d’autre part, l’importance d’assurer une transition graduelle entre les tarifs imposés par la compagnie Électricité Schefferville Inc. et ceux, beaucoup plus élevés, exigés par HQD.

Le 8 août 2006, la Régie a autorisé HQD à réaliser le projet de prise en charge de l’alimentation de la région de Schefferville et deuxièmement, l’a autorisé à effectuer les investissements reliés à l’approvisionnement de la région de Schefferville qui découlent du contrat d’approvisionnement en électricité conclu entre le Distributeur et Newfoundland and Labrador Hydro (NLH). À cette occasion, le Conseil de la Nation Naskapi Kawawachikamach a manifesté son appui à la demande de HQD de

3 Le CNIMLJ avait conclu une entente avec le gouvernement du Québec pour l’acquisition de la centrale Menihek, ainsi qu’une entente entre Dereco Canada et la les Naskapis pour la création d’une compagnie appelée Alliages Menihek. 14

Mémoire du CNIMLJ, 30 octobre 2008 No dossier : R-3677-2008 prendre en charge l’alimentation de la région de Schefferville, justifiant sa position par le fait que ce projet assure le maintien des emplois des membres de la nation Naskapie qui participent déjà, par le biais de Kawawachikamach Energy Services Inc., à l’opération et l’entretien de certains équipements du Projet. Le CNNK a néanmoins fait état de ses préoccupations relativement à la tarification qui s’appliquera une fois que le réseau de la région de Schefferville ferait partie du réseau de distribution d’électricité d’HQD.

Le 13 novembre 2007, la Régie a fixé au 25 octobre 2007 l’entrée en vigueur des tarifs et des Conditions de services d’HQD, établi par la décision D-2007-30 du 28 mars 2007 pour la clientèle de la région de Schefferville. Dans sa décision du 28 mars 2007, la Régie constate que le revenu annuel estimé de 500 000 $ ne permet pas au Distributeur de couvrir le coût de service actuel pour la desserte de la région de Schefferville. Le Distributeur évalue ce coût à 3,5 M$ pour la période de novembre 2002 à décembre 2005 pour un coût moyen annuel historique de ESI de 1,16 M$, sans que ce coût de service ne soit représentatif des coûts futurs du Distributeur.

Le 26 février 2008, la Régie a accepté officiellement la proposition d’HQD concernant l’imposition sur une période de cinq ans d’un rabais dégressif sur les tarifs en vigueur au sud du 53e parallèle dans la décision D-2008-024 (60% en 2008, 45% en 2009, 30% en 2010, 15% en 2011 et 0% en 2012). Toutefois, la Régie ne s’est pas prononcée sur le choix du tarif à appliquer à ce réseau. Elle a plutôt demandé au Distributeur de déposer une étude des coûts du réseau de Schefferville afin d’examiner la possibilité d’introduire une tarification spécifique pour les clients de ce réseau.

De plus, il est utile de préciser que depuis toujours les mauvaises créances sont importantes. En février 2008, la Régie constatait que les créances à 90 jours et plus s’élevaient à 161 000 $ pour Kawawachikamach et à 180 000 $ pour Schefferville et Matimekush Lac-John. Globalement, 69 % des créances étaient échues depuis 90 jours et plus et 89 % depuis 30 jours et plus. La Régie manifestait son désir à ce que HQD traite de cette problématique dans le cadre de sa stratégie tarifaire pour la région de Schefferville. Le présent mémoire offre des explications ainsi que des solutions à cette problématique.

Le 1er août 2008, Hydro-Québec dans ses activités de distribution d’électricité, a déposé à la Régie , en vertu des articles 31(1o), 32, 48, 49, 50, 51, 52.1, 52.2, 52.3 et 73 de la Loi sur la Régie de l’énergie, une demande relative à l’établissement des tarifs d’électricité pour l’année tarifaire 2009-2010, débutant le 1er avril 2009.

Afin que le tarif d’électricité de Schefferville rejoigne celui du réseau intégré sans créer de choc tarifaire, le Distributeur a proposé d’y introduire, à compter du 1er avril 2008, un tarif de transition en appliquant, sur une période de cinq ans, un rabais dégressif sur les tarifs en vigueur au sud du 53e parallèle.

En plus de raisons politiques évoquées dans ce mémoire, si la communauté innue Matimekush–Lac John ne s’est pas manifestée préalablement dans le dossier concernant la demande du Distributeur relative à l'établissement des tarifs d'électricité, c’est qu’elle ne disposait pas alors des moyens financiers et techniques

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Mémoire du CNIMLJ, 30 octobre 2008 No dossier : R-3677-2008 nécessaires à une participation active dans cette affaire. La précarité financière l’empêchait de recourir aux services d’un d’expert-conseil ainsi qu’à un support juridique nécessaire. Le contexte légal entourant l’existence de la Régie, son mandat et ses responsabilités n’a pas pu être connu par le Conseil. Ce n’est que très récemment que le Conseil a décidé d’intervenir afin d’entreprendre des démarches auprès de la Régie de l’énergie. Deux raisons expliquent cette implication soudaine. D’abord, HQD a initié une démarche de rapprochement avec le CNIMLJ par le biais du directeur au service de recouvrement. Ensuite, l’Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador (APNQL) s’est portée garante, temporairement et partiellement, des frais encourus par l’embauche d’un expert-conseil dont les services assurent la liaison entre HQD et le Conseil tout en guidant et conseillant ce dernier dans la préparation du présent mémoire et dans toutes autres démarches connexes.

Dans sa demande, qui fait l’objet de la présente analyse, HQD maintient la proposition présentée au dossier tarifaire R-3644-2007 qui est d'exempter le réseau de Schefferville de l'application des tarifs et conditions de service au nord du 53e parallèle ou de toute tarification spécifique et de poursuivre la transition amorcée vers les tarifs applicables au sud du 53e parallèle.

Nous insistons sur le fait que la communauté Matimekush–Lac John vit une situation exceptionnelle qui nécessite que l’on pose sur elle un regard différent et que l’on adapte les politiques à la conjoncture singulière qui la façonne. Le contexte de vie difficile au sein de la communauté, la condition socioéconomique précaire, les enjeux démographiques auxquels elle est confrontée ainsi que sa situation géographique ne lui permettent pas pour l’instant d’assumer l’imposition d’un rabais dégressif sur les tarifs en vigueur au sud du 53e parallèle tel que proposé par le Distributeur. Les perspectives d’avenir en matière de développement minier sont excellentes et dans deux ans les projections économiques sont telles qu’elles confèreront aux citoyens de Matimekush–Lac John une plus grande capacité de payer.

1.8 Relations avec Hydro-Québec

Compte tenu de l’arrivée récente de la société d’État dans leur vie, les relations entre les Innus de Matimekush-Lac John et Hydro-Québec sont à peu près inexistantes. La perception d’Hydro-Québec dans la communauté est toutefois très mauvaise, la société étant étroitement associée aux politiques gouvernementales visant à nier les droits du peuple innu. En particulier, Hydro-Québec évoque la conclusion de la Convention de la Baie-James qui est venue, selon les dirigeants gouvernementaux, éteindre tous les droits et titres de la nation innue même si elle n’en est pas signataire. L’arrivée d’Hydro-Québec à Matimekush Lac-John témoigne aussi de l’échec des tentatives de la communauté de s’approprier les droits sur la centrale Menihek et de prendre en main son propre développement économique. Cette situation explique pourquoi le CNIMLJ a longtemps refusé d’engager des discussions sur la tarification avec HQD et qu’il a totalement ignoré, jusqu’à maintenant, les travaux de la Régie de l’énergie. Lorsque le Conseil a été informé pour la première fois des procédures de la Régie concernant la fixation des tarifs d’électricité pour la région de Schefferville, il a délibérément refusé de répondre. Cette position était

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Mémoire du CNIMLJ, 30 octobre 2008 No dossier : R-3677-2008 justifiée de deux façons : d’abord, le Conseil rejetait totalement la compétence de la Régie à l’égard du territoire sur lequel les Innus détiennent un titre aborigène et des droits ancestraux; aussi, le Conseil refusait d’abandonner l’idée selon laquelle la communauté pourrait s’approprier les droits sur la centrale Menihek ainsi que sur la gestion des ressources naturelles de ce territoire (voir la section sur les négociations territoriales). À ces deux éléments il faut en ajouter que les membres élus du Conseil et leurs employés ont une connaissance extrêmement limitée du cadre légal entourant la délivrance de l’électricité au Québec et, de façon plus particulière, du pouvoir et du mandat de la Régie de l’énergie.

La méfiance des Innus de Matimekush à l’égard d’HQ s’est grandement accrue lorsqu’ils ont appris que les tarifs d’électricité allaient augmenter de façon extraordinaire, de plus de 350 % en cinq ans. Ayant déjà beaucoup de difficulté à assumer les tarifs en vigueur depuis toujours, les familles de Matimekush-Lac John n’acceptent aucunement l’augmentation proposée et menacent de ne tout simplement pas acquitter les factures d’Hydro-Québec. Devant cette situation, le CNIMLJ a adopté une position exigeant un moratoire de deux ans sur les tarifs d’électricité, une période permettant à la communauté de se préparer et d’engager des discussions avec les gouvernements du Québec et du Canada, ainsi qu’avec Hydro-Québec afin de limiter les impacts de l’augmentation tarifaire.

Ce n’est que très récemment, grâce à l’instauration d’une nouvelle relation plus positive avec HQD, que le Conseil a saisi le rôle de la Régie de l’énergie et a compris la nécessité d’y présenter sa position.

Cette nouvelle relation avec HQD est née de la volonté du directeur de la direction du recouvrement, informé de la position du Conseil contre l’augmentation tarifaire, d’engager des discussions permettant d’éviter les conflits et de bien présenter les conséquences des décisions de la Régie à l’égard du service d’électricité de la région de Schefferville. L’approche est toute récente (moins d’un an) mais elle a permis d’engager un véritable dialogue. Après une étape de démystification réciproque, les parties ont accepté récemment un plan d’action (voir l’annexe 2 des présentes) qui prévoit notamment l’inspection du réseau, la tenue d’une assemblée publique d’information ainsi qu’une rencontre entre le Conseil de Matimekush Lac- John et le président d’HQD.

Les discussions entre le CNIMLJ et HQD ont aussi pour objectif de faciliter l’intégration de la nouvelle tarification aux usagers de la communauté et accompagner ceux-ci dans la conclusion d’ententes particulières de paiement qui tiennent compte de leur capacité de payer et de leur situation particulière. Il est utile de préciser que le taux très élevé de comptes en souffrance s’explique non pas par une position politique ou de principe mais plutôt en raison de la capacité très limitée de payer. À cet égard, HQD a proposé de mettre en place un processus semblable à celui instauré pour la facturation des abonnés québécois à faible revenu. Ainsi, depuis quelques semaines, une table de concertation est proposée entre HQD, l’Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador et la Commission de la santé et des services sociaux des Premières Nations du Québec et du Labrador. Cette table doit permettre à HQD d’adapter les modalités de paiement de sa facturation en fonction du statut socioéconomique particulier des Premières Nations.

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2. Un cas exceptionnel

En raison de son statut juridique particulier et en raison des conditions socioéconomiques nettement désavantageuses que l’on y retrouve, Matimekush-Lac John constitue un cas exceptionnel exigeant un traitement exceptionnel par HQD.

2.1 Droits constitutionnels

Il existe beaucoup d’incompréhension à l’égard de la perspective des Premières Nations sur l’histoire du Québec et du Canada et en ce qui concerne la place qu’elles doivent prendre pour s’affranchir définitivement du sous-développement et contribuer, dans une pleine mesure et à leur propre manière, au monde contemporain. La Première Nation de Matimekush-Lac John est engagée dans un processus d’affirmation de sa dignité, de son identité et de ses droits, ce qui la sortira de la résignation et de la marginalité dans lesquelles les États canadien et québécois l’ont confinée pendant beaucoup trop longtemps.

Il existe une autre incompréhension très répandue, presque aussi fondamentale que la première : peu de gens connaissent la portée et les effets des jugements des dernières années de la Cour suprême du Canada en matière de droit autochtone. Ces jugements ont pourtant des implications considérables qui se précisent concrètement. La Cour suprême se range maintenant partiellement derrière l'idée que les Premières Nations ont toujours conservé leur relation avec leur territoire ancestral et que cette relation historique se traduit aujourd’hui par la reconnaissance de droits particuliers (sui generis).

Il ne fait aucun doute, en droit canadien, que l’antériorité de l’occupation historique du Nitassinan a produit d’importants effets juridiques. Les Innus détiennent un titre et des droits ancestraux sur l’ensemble de leur Nitassinan. Ces droits sont protégés par l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982.

Plusieurs jugements des tribunaux canadiens sont venus préciser ce qu’il est convenu d’appeler le régime des droits autochtones. En 1888, le Conseil privé, alors le plus haut tribunal de l’Empire britannique, a décidé que lorsque les provinces avaient reçu la propriété des terres publiques en 1867, ce droit de propriété était subordonné au titre autochtone4. La Cour suprême du Canada a réaffirmé cette règle de droit en 1997 dans l’affaire Delgamuukw5. Le Conseil privé avait également mis en doute dans l’affaire St. Catherine’s Milling6, la capacité des provinces de tirer des revenus des ressources naturelles sur les terres publiques là où le titre autochtone n’avait pas été éteint. La Cour suprême du Canada a repris cet énoncé dans l’affaire Nation Haïda7 en novembre 2004. Étant donné que le titre des Innus n’a jamais été éteint sur un vaste territoire du Québec et du Labrador, on peut s’interroger sur la

4 St. Catherine's Milling and Lumber Co. c. The Queen (1888), 14 A.C. 46 5 Delgamuukw c. Colombie-Britannique, [1997] 3 R.C.S. 1010. 6 Voir note 4. 7 Nation Haîda c. Colombie-Britannique Ministère des Forêts), 204 C.S.C. 73, voir par. 59. 18

Mémoire du CNIMLJ, 30 octobre 2008 No dossier : R-3677-2008 capacité juridique du gouvernement du Québec de prélever des revenus des ressources naturelles, hydro-électriques, forestières, minières ou éoliennes, tirées de l’exploitation du Nitassinan.

Dans l’affaire Delgamuukw8, la Cour suprême du Canada a affirmé que « le titre aborigène comprend le droit de choisir les utilisations qui peuvent être faites d’une parcelle de territoire ».9 Il est clair de son raisonnement qu’il ne s’agit pas seulement des utilisations traditionnelles mais aussi de toutes celles, telles que l’aménagement hydroélectrique, qui peuvent assurer le développement contemporain. Selon la Cour suprême, la province peut porter atteinte au titre autochtone pour les fins du développement de l’ensemble de la société, à condition que son obligation fiduciaire envers les Autochtones soit respectée.

La Cour suprême a également remis en question la compétence législative des provinces sur les terres publiques soumises à un titre autochtone. La Cour suprême a rappelé que la jurisprudence a depuis longtemps établi une distinction entre la propriété des terres publiques et la compétence sur ces terres. Le Parlement fédéral détient une compétence exclusive sur les terres réservées aux Indiens, ce qui, selon la Cour, ne vise pas seulement les réserves proprement dites mais aussi l’ensemble des terres publiques grevées d’un titre aborigène.

2.2 Obligation de consulter

La Cour suprême a plusieurs fois rappelé que les gouvernements ont, à l’égard des Premières Nations, une obligation constitutionnelle de consulter et d’accommoder, laquelle peut servir à certaines fins en l’absence d’un traité et peut mener à une forme de cogestion du territoire, y compris la co-élaboration de normes plus sévères en matière de protection de l’environnement et de développement des ressources naturelles.

Selon la jurisprudence qui a suivi l’arrêt Delgamuukw, particulièrement les causes Haïda10 et Taku River11, l’obligation de consulter comprendrait le droit à un dialogue véritable avec les autorités publiques, le droit à toute l’information pertinente et le droit à une justification écrite des décisions gouvernementales eu égard aux préoccupations autochtones.

Il ne fait plus aucun doute aujourd’hui que les gouvernements ont l’obligation constitutionnelle de consulter et d’accommoder les Premières Nations quant aux ressources naturelles qui font l’objet d’exploitation sur leur territoire ancestral faisant l’objet de revendications. Ce qui est le cas des Innus de Matimekush-Lac John.

La préoccupation du CNIMLJ est donc fort simple, à l’effet que le gouvernement du Québec et/ou son mandataire Hydro-Québec n’ont pas rempli leurs obligations

8 Voir note 5. 9 voir note 5, par 168. 10 Nation Haïda c. Colombie-Britannique (Ministre des Forêts), [2004] 3 R.C.S. 511 11 Première Nation Tlingit de Taku River c. Colombie-Britannique (Directeur d’évaluation des projets), [2004] 3 R.C.S. 550. 19

Mémoire du CNIMLJ, 30 octobre 2008 No dossier : R-3677-2008 légales de consultation et d’accommodement envers les Innus de Matimekush-Lac John telles que définies par les tribunaux.

2.3 Négociation territoriale

De nombreuses études anthropologiques et historiques ont été menées par les Innus au début des années 80. Elles ont été présentées au gouvernement fédéral qui, sur cette base et en sa qualité de fiduciaire, a accepté la revendication territoriale des Innus. C’est ainsi qu’a commencé la négociation territoriale (connue présentement sous le vocable « Approche commune »).

En avril 2002, les négociateurs du Québec et du Conseil tribal Mamuitun mak Nutashkuan ont paraphé une proposition d’Entente de principe d’ordre général qui propose entre autres de reconnaître les droits ancestraux, y compris le titre aborigène des Innus. Cette Entente de principe a été rendue publique en juillet 2002 et a fait l’objet d’une commission parlementaire spéciale à l’Assemblée nationale du Québec; elle a été finalement signée par toutes les parties à l’été 2004.

Cette entente augure un traité de nouvelle génération puisqu’elle s’appuie sur la reconnaissance des droits ancestraux, y compris le titre aborigène, au lieu de l’extinction, l’échange ou l’abandon des droits.

La signature d’un Traité avec les Innus aurait des répercussions positives importantes, particulièrement au niveau économique et de la gouvernance.

Actuellement, huit des neuf communautés innues du Québec sont engagées dans une négociation territoriale avec les gouvernements du Québec et du Canada. Elles se répartissent en trois tables de négociation : celle de Mamuitun, qui comprend les communautés de d’, de et de Nutashkuan; et celle de Mamit Innuat, qui comprend les communautés de Mingan, de La Romaine et de Pakua Shipi. Pour sa part, absente depuis plusieurs années du processus de négociation territoriale globale, la communauté de Matimekush-Lac John a formé, en partenariat avec la communauté de mak Mani-Utenam, la Corporation Ashuanipi au cours de l’année 2005. Cette corporation a, depuis 2006, le mandat de représenter les deux communautés aux fins des négociations territoriales globales à la Table Innu/Canada/Québec.

Son mandat inclut notamment le devoir de négocier un Traité à la table Innu/Canada/Québec au nom des Conseils de Uashat mak Mani-Utenam et de Matimekush – Lac John et d’entreprendre les moyens pour faire valoir les droits ancestraux dont le titre aborigène des Innus sur le Nitassinan.

De telles négociations qui ont pour objectif la conclusion d’un traité au sens de la Loi constitutionnelle de 1982 permettront dans un premier temps, à court ou moyen terme, de conclure une entente de principe portant sur le territoire, l'autonomie gouvernementale, les indemnités, le financement du gouvernement Innu et la mise en œuvre de l'accord.

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Néanmoins, d’ici à ce qu’un tel Traité soit en vigueur, il est du devoir du CNIMLJ d’intervenir auprès des instances politiques et gouvernementales ainsi qu’auprès des intervenants du privé ou des mandataires des gouvernements afin d’assurer que le développement du territoire et le développement socioéconomique s’effectuent avec sa participation et dans le respect de sa réalité, sa vision, ses principes et de ses valeurs.

2.4 Obligation de fiduciaire de la Couronne

En droit, le terme « fiduciaire » a le sens général de personne responsable de la garde et de la gestion d’un bien appartenant à une autre personne ou qui occupe une situation de confiance par rapport à une autre personne. Il y a donc un « rapport de fiduciaire » lorsqu’une personne en situation de confiance a des droits et des pouvoirs qu’elle est tenue d’exercer pour le compte d’autrui. L’expression désigne les rapports entre les fiduciaires et leurs bénéficiaires, entre les avocats et leurs clients, etc.

La Cour suprême du Canada a adapté ce concept émanant du droit privé au contexte des relations entre la Couronne et les Autochtones. Dans les années 1950, la Cour a fait remarquer que la Loi sur les Indiens « renferme la notion admise que ces aborigènes sont […] des pupilles de l’État, dont la charge et le bien-être constituent un mandat politique comportant les plus hautes obligations ».

Dans l’arrêt R. c. Sparrow, le premier qui porte sur les droits visés par l’article 35, la Cour suprême du Canada étend considérablement la notion de rapport de fiduciaire en statuant que :

«le « principe directeur général » de l’article 35, c’est que « le gouvernement a la responsabilité d’agir en qualité de fiduciaire à l’égard des peuples autochtones. Les rapports entre le gouvernement et les autochtones sont de nature fiduciaire plutôt que contradictoire et la reconnaissance et la confirmation contemporaines des droits ancestraux doivent être définies en fonction de ces rapports historiques. »;

« l’honneur de Sa Majesté est en jeu lorsqu’Elle transige avec les peuples autochtones. Les rapports spéciaux de fiduciaire et la responsabilité du gouvernement envers les autochtones doivent être le premier facteur à examiner en déterminant si la mesure législative ou l’action en cause est justifiable. ».

L’obligation de fiduciaire est ainsi un concept de droit visant à faciliter le contrôle de l’exercice par la Couronne de l’autorité et des pouvoirs discrétionnaires considérables qu’elle a graduellement assumés à l’égard de divers aspects de la vie des peuples autochtones. Dans son rapport de 1996, la Commission royale sur les peuples autochtones explique que la Couronne agit comme protectrice de la souveraineté des autochtones à l’intérieur du Canada et comme garante de leurs droits ancestraux et issus de traités. Elle déclare que cette relation de fiduciaire est

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Mémoire du CNIMLJ, 30 octobre 2008 No dossier : R-3677-2008 un aspect fondamental de la Constitution du Canada. Elle précise que les provinces et les territoires sont liés eux aussi par des obligations fiduciaires, une position qui semble compatible avec la jurisprudence récente.

Le CNIMLJ est donc d’avis que le gouvernement du Québec a une obligation de fiduciaire de porter le moins possible atteinte aux droits des Innus par l’imposition d’une décision unilatérale de transférer l’alimentation en électricité à sa société d’État et d’en fixer, sans son consentement, les tarifs. Le CNIMLJ considère également que le gouvernement fédéral a, en vertu de son obligation de fiduciaire, le devoir de protéger les intérêts des Innus de Matimekush-Lac John contre toute décision du Québec (et de Terre-Neuve dans ce cas-ci) qui créerait un préjudice important.

3. Capacité de payer

Tel que mentionné plus haut, HQD est consciente que le taux actuel de recouvrement des clients de la communauté innue de Matimekush–Lac John est problématique. En juin 2007, au moment de la négociation pour la prise en charge du réseau par HQD, 81,73 % des comptes accusaient un retard de paiement d’au moins trente jours, soit 443 comptes en retard sur 542 clients. Depuis, la situation n’a fait que se détériorer.

Cette situation s’explique essentiellement par la faible capacité de payer des membres de la communauté innue. Déjà à 2 cents du kilowattheure, il était difficile pour les habitants de Matimekush-Lac John d’assumer leur compte d’électricité; il est impensable de croire qu’ils pourront assumer une augmentation de 350 % à moins d’un renversement majeur de la situation.

3.1 Coût de la vie à Matimekush Lac-John

Il ne fait plus aucun doute, sauf dans l’esprit de certaines personnes aux prises avec des préjugés discriminatoires, que la moitié des membres des Premières Nations du Québec n’ont pas de travail, qu’ils disposent d’un revenu médian annuel deux fois moins élevé que le reste de la population canadienne (15 000 dollars), qu’un ménage sur deux vit sous le seuil de la pauvreté et qu’un sur cinq vit dans un logement inadéquat (10 fois pire qu’ailleurs au pays)12.

De surcroît, la situation géographique de la communauté Matimekush–Lac John ajoute à son isolement et accroît la difficulté d’approvisionnement des produits de base. En effet, alors qu’une seule compagnie aérienne dessert la région de Schefferville et que ses habitants doivent attendre plusieurs jours avant de voir poindre un avion à l’horizon, un train de passagers ou de marchandises, quant à lui, met onze heures deux fois par semaine pour franchir les cinq cent kilomètres qui séparent Sept-Îles de Schefferville.

12 Etude longitudinale du CSSSPNQL. 22

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Ainsi, la précarité financière des habitants de la communauté innue de Matimekush– Lac John est exacerbée par un coût de la vie nettement supérieur à la moyenne québécoise et canadienne, comme le témoigne les données consignées dans le tableau ci-bas13. Les produits qui y figurent constituent un échantillon tiré de la liste officielle des biens et services, laquelle permet le calcul de l’Indice des prix à la consommation (IPC). Dix-neuf (19) produits ont été sélectionnés à des fins comparatives, dans le but d’illustrer le réel écart du coût de la vie entre la communauté de Matimekush–Lac John, la ville de Sept-Îles (ville de taille intermédiaire, où s’approvisionnent les Innus de Uashat Mak Mani Utenam) et de la ville Montréal (grand centre urbain). De toute évidence, les données recueillies révèlent que les habitants de la communauté de Matimekush–Lac John ont à débourser beaucoup plus pour leurs denrées alimentaires et leurs produits de base et ce, dans un contexte de faible emploi et de précarité économique.

L’IPC est un indicateur des prix à la consommation payés par l’ensemble des Canadiens. Il est obtenu en calculant, sur une base mensuelle, le coût d’un « panier » de provisions fixe composé de biens et services achetés par un consommateur canadien typique au cours d’un mois donné. Le panier contient des produits qui entrent dans diverses catégories, y compris le logement, les aliments, les divertissements, le combustible et le transport. La pertinence d’une telle démarche s’explique de deux manières. D’abord, comme le contenu du panier sélectionné reste constant sur les plans de la quantité et de la qualité, la variation des prix observée entre les régions ciblées permettra de juger, de façon assez juste, du pouvoir d’achat des membres de la communauté innue de Matimekush–Lac John. De plus, la variation des prix entraîne non seulement des répercussions sur le pouvoir d’achat, mais elle influe également sur les pensions de la Sécurité de la vieillesse, les prestations du Régime de pensions du Canada et d’autres prestations d’aide sociale qui sont rajustées périodiquement en fonction des variations obtenues via le calcul de L’IPC

Liste des prix des items tirés de la liste officielle de la liste de l’IPC pour la communauté de Matimekush Lac-John, la ville de Sept-Îles et la ville de Montréal, pour le mois d’octobre 2008

Matimekush Sept-Îles Montréal Lac-John Bifteck de 1 kg 15,29$ 14,53$ 11.00$ ronde (139%) (132%) (100%) Bacon 500 g 8,29$ 5,49$ 5,49$ (151%) (100%) (100%) Lait 1 L 2,75$ 2,09$ 1,59$ partiellement (172%) (131%) (100%) écrémé Beurre 454 g 5,49$ 4,29$ 3,99$ (137$) (107%) (100%) Œufs 1 dz 3,89$ 3,17$ 2,69$ (144%) (117%) (100%)

1313 Faire référence au tableau des indices recueillis par Serge et mettre en note en bas de page sa référence. 23

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Pain 675 g 2,99$ 2,79$ 2,69$ (111%) (103%) (100%) Bananes 1 kg 3,59$ 2,18$ 1,52$ (236%) (143%) (100%) Oranges 1 kg 3,79$ 3,51$ 3,28$ (115%) (107%) (100%) Oignons 1 kg 2,15$ 1,40$ 1,40$ (153%) (100%) (100%) Pommes de 4,54 kg 5,79$ 4,99$ 4,99$ terre (116%) (100%) (100%) Tomates en 796 ml 3,69$ 1,39$ 0,79$ conserve (467%) (175%) (100%) Ketchup 1 L 6,29$ 3,99$ 2,59$ (242%) (154%) (100%) Sucre blanc 2 kg 4,09$ 1,99$ 1,99$ (205%) (100%) (100%) Café 7,59$ 3,99$ 3,99$ instantané (190%) (100%) (100%) Huile à frire 1 L 6,75% 5,99$ 4,99$ ou à salade (135%) (120%) (100%) Beurre 500 g 3,65$ 1,99$ 1,99$ d’arachide (183%) (100%) (100%) Papier- 200 2,09$ 1,99$ 1,99$ mouchoirs (105%) (100%) (100%) Pâte 100 ml 2,29$ 0,99$ 0,99$ dentifrice (231%) (100%) (100%) Essence 1 litre 1,80$ 1,10$ 0,99$ régulière (182%) (111%) (100%) sans plomb aux stations libre service, prix de mai 2008 (en cent par litre) Moyenne 180% 116% 100%

Cette enquête maison, réalisée à défaut d’avoir une véritable étude comparative des coûts de la vie, démontre que le coût de la vie à Matimekush-Lac John est presque le double qu’à Montréal et encore très élevé comparativement à une autre région considérée comme désavantagée (Sept-Iles). Cette situation devrait être bientôt confirmée de façon scientifique et rigoureuse, puisqu’une telle étude a récemment été commandée par un comité technique mis sur pied, sous la gouverne du ministère des Transports du Québec afin de trouver des solutions pour réduire le coût de la vie des résidents de la région de Schefferville. Le comité a confié le mandat de l’Étude comparative à l’Université Laval. Suite à de nombreuses conversations téléphoniques avec les intervenants concernés, le comité attend présentement une offre de service.

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Cette étude portera une attention particulière à la comparaison entre Matimekush- Lac John et Kawawachikamach. Elle devrait produire des résultats qui démontrent que la situation entre les deux communautés est très différente. Cette disparité est apparente à première vue. Une simple visite dans les deux communautés permet facilement de constater qu’il s’agit de deux mondes. Cela s’explique par la Convention du Nord-Est québécois signée par les Naskapis, qui leur procure un certain nombre d’avantages fiscaux, économiques et financiers par rapport à leurs voisins innus qui ne sont signataires d’aucune entente de revendications territoriales. De plus, en bénéficiant des infrastructures, d’une main-d’œuvre plus qualifiée et des ressources financières, humaines et techniques, les Naskapis sont mieux positionnés pour obtenir des contrats avec les compagnies privées de la région ainsi qu’avec Hydro-Québec. C’est d’ailleurs une entreprise naskapie, employant des Naskapis, qui possède le contrat d’entretien de la centrale Menihek et d’entretien du réseau de distribution.

3.2 Impacts sur la population

La population innue de Matimekush – Lac John croît rapidement. Le registre de bande dénombre actuellement 751 personnes réparties également entre hommes et femmes. La communauté connaît une poussée démographique très forte. Les moins de 18 ans représentent plus de 30 % des membres de la bande et 60 % de la population de moins de 30 ans. Bien que cette réalité contribue à la pérennité de la communauté, elle constitue néanmoins un défi majeur à relever en matière d’éducation, de santé, d’emploi et d’habitation. Les familles sont grandes et s’entassent souvent dans un même foyer. Cette croissance démographique pose une ambigüité : la population active constitue une minorité au sein de la communauté, ce qui engendre des coûts plus élevés pour les parents qui doivent assumer seuls les coûts inhérents au bien-être de leurs enfants. Combinée à la précarité financière qui sévit dans la communauté, la hausse du prix de l’électricité devient un enjeu sérieux qui risque de débalancer significativement le budget des familles.

3.3 La main-d’œuvre

En raison d’un climat particulièrement rude, les emplois sont, en bonne partie, saisonniers. Depuis la fermeture de la mine, la seule source d’emploi pour les membres de la communauté innue provient de projets initiés et réalisés par le Conseil dans les secteurs de la construction et des services.

Les projets du Conseil permettent au tiers de la main-d'œuvre disponible de travailler pendant une période approximative de 13 semaines.. Plus de 80 % de la population vivent des prestations d'aide sociale ou de chômage.

La construction de logements et la réfection des infrastructures procurent du travail saisonnier, ce qui est insuffisant. C’est la raison pour laquelle la communauté innue Matimekush–Lac John est si motivée à rechercher des solutions permanentes au chômage, source de désœuvrement et de problèmes sociaux.

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3.4 Efficacité énergétique et les logements

L’augmentation des coûts d’électricité ne peut être discutée sans tenir compte de l’efficacité énergétique des logements des Premières Nations. À l’heure actuelle, aucun programme particulier n’a été proposé au Conseil de Matimekush Lac-John. Des discussions très récentes entre HQD et le Conseil tendent à renverser cette situation. Il sera nécessaire et primordial qu’un plan d’action précis soit proposé afin de diminuer les impacts d’une hausse des coûts par l’amélioration des logements et infrastructures de la communauté.

3.5 Perspectives économiques

La région de Schefferville est présentement dans un boom d’exploration minière relié au minerai de fer. Trois compagnies développent des projets dans le secteur : New Millennium Capital Corp, Anglesey Mining et Adriana Resources.

New Millennium Capital Corp. désire développer le gisement de fer découvert le long de la rivière Howells (projet LabMag), au Labrador, dans les années 1960 par la compagnie minière IOC. En 2006, l'exploration effectuée par New Millennium sur une propriété adjacente, au lac Harris (projet KéMag), a confirmé le prolongement du gisement au Québec. Ce gisement, dont le centre se trouve à 40 kilomètres au nord- ouest de Schefferville, est désormais nommé « la chaîne ferrifère Millenniu » par la société. Selon New Millennium, il s’agirait de l’un des plus grands gisements de magnétite au monde qui ne soit pas encore développé. New Millennium détient 100 % des intérêts de la propriété KéMag, au Québec, et 80 % des intérêts de la propriété LabMag, au Labrador (les autres 20 % sont détenus par la Nation Naskapie de Kawawachikamach).

En juillet 2007, New Millenium a publié un rapport préliminaire décrivant les principaux paramètres du projet KéMag. Sous réserve de l’accomplissement des études de faisabilité (et de leurs résultats positifs), du financement du projet et de la construction de celui-ci, il est prévu de pomper le concentré du projet KéMag sur un trajet de 750 kilomètres dans un pipeline à boues reliant la propriété à Pointe-Noire, près du Port de Sept-Iles, où il serait en partie transformé en boulettes et en partie vendu comme concentré. De son côté, le concentré provenant du projet LabMag serait pompé depuis la propriété sur un trajet d’environ 230 kilomètres dans un pipeline reliant la propriété à Emeril, au Labrador, où il serait transformé en boulettes avant d’être acheminé sur un chemin de fer jusqu’au port de Sept-Îles, soit environ 390 kilomètres. Les investissements requis pour chacun des projets dépasseraient 1 milliard de dollars; de nombreuses étapes devront être franchies avant leur réalisation.

À court terme, New Millenium a décidé de miser sur l’exploitation des gisements de fer à forte teneur, abandonnés par la compagnie minière IOC dans les années 1980. New Millennium détient dans le secteur immédiat de Schefferville (au Québec et au Labrador), au-delà de 300 titres miniers qui contiennent, selon des données historiques d’IOC, plus de 100 millions de tonnes de minerai à enfournement direct (DSO pour Direct Shipping Ore), d’une teneur d’environ 60 % de fer. Les produits DSO seraient transportés par chemin de fer vers des installations de chargement de

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Mémoire du CNIMLJ, 30 octobre 2008 No dossier : R-3677-2008 navires au terminal de Pointe-Noire d’où ils seraient expédiés vers les marchés mondiaux. La production pourrait commencer autour de 2010.

En mai 2008, New Millennium a déposé un avis de projet d'exploitation des gisements de fer DSO aux gouvernements du Québec, de Terre-Neuve et Labrador ainsi qu'auprès du gouvernement du Canada. Cette déclaration déclenche le processus des approbations environnementales et le début des travaux préparatoires. Des travaux d’évaluation sont poursuivis depuis l’été dans 27 gisements, dont les deux tiers sont situés au Québec. L'étude de faisabilité devrait être prête vers juin 2009, soit un an avant la mise en exploitation prévue.

Le 1er octobre 2008, New Millennium a annoncé la signature d’un accord avec le sixième plus grand producteur mondial d’acier, Tata Steel Limited, de Jamshedpur en Inde, En vertu de cet accord, Tata Steel va acquérir 19.9 % des actions ordinaires de la société et aura l’option d’acquérir 80 % des intérêts du projet de minerai de fer à enfournement direct (DSO). L'accord fournit également à Tata Steel l'exclusivité d’approvisionnement en ce qui concerne tant le projet DSO que la propriété de fer LabMag, au Labrador. Ces produits seraient destinés aux opérations européennes du groupe Tata Steel.

Le responsable du projet, M. Dean Journeaux, indique que les études de préfaisabilité permettront de préciser, d'ici six mois, l'envergure de l'investissement estimé à environ 100 millions $. Si le projet est accepté, New Millennium construira une trentaine de kilomètres de voie ferrée et une usine de concassage, de lavage et de tamisage de minerai, en plus d'acquérir pelles et camions. Des discussions sont en cours avec l'entreprise innue de transport ferroviaire Tshiuetin, car il faudra rénover une partie du réseau pour transporter le minerai. La minière tente aussi de s'entendre avec les autochtones de Schefferville et du Labrador sur un partage des bénéfices.

ANGLESEY MINING

La compagnie britannique Anglesey Mining a acquis en 2005 plusieurs anciennes mines de fer abandonnées par la minière IOC dans la région de Schefferville, notamment les mines James, Knob Lake, Redmond, Huston, Astray, Sawyer, Howse et Kivivik. Ces gisements sont tous situés dans le territoire du Labrador. La compagnie prévoit redémarrer l’exploitation de certaines de ces anciennes mines en 2009. Les ressources combinées de ces huit dépôts ont été estimées antérieurement à 93 millions de tonnes, à des teneurs de 56 %-58 % en fer.

Anglesey a créé une filiale canadienne, Labrador Iron Mines, pour prendre charge de ce projet de plus de 50 millions $, appelé « Schefferville ». En avril 2008, Labrador Iron Mines a présenté une demande d'inscription pour la première phase de développement du projet « Schefferville » au ministère de l'Environnement et de la Conservation de la province de Terre-Neuve-et-Labrador et à l'Agence canadienne d'évaluation environnementale. Depuis le printemps 2008, la compagnie poursuit un programme de forage et d’échantillonnage en vrac afin d’établir l’état des ressources en fer de ses propriétés. Une partie de ce matériel sera utilisé pour des essais métallurgiques et pour tester le marché potentiel par les acheteurs de minerai de fer.

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Des études d’ingénierie et des études d’impact sur l’environnement sont également en cours; elles devraient être complétées au début de l’année 2009.

Le 24 juillet 2008, Labrador Iron Mines a annoncé la conclusion d’une entente sur les répercussions et les avantages (ERA) avec les communautés innues de et de , au Labrador. L'entreprise offre une participation aux bénéfices, des occasions d'affaires ainsi que de la formation et des emplois à ces Autochtones du Labrador. À court terme, 70 emplois seront offerts aux Innus et plus d'une centaine leur seront réservés lorsque le projet sera en marche. Labrador Iron Mines poursuit maintenant les négociations avec les communautés innues de Schefferville et de Sept-Îles ainsi qu'avec la communauté naskapie de Schefferville.

La compagnie prévoit démarrer l’exploitation commerciale de son projet « Schefferville » dès l’été 2009 si elle obtient les autorisations et les permis requis. Le plan de développement initial prévoit la production d'environ 500 000 tonnes de minerai de fer de type DOC en 2009, en provenance des mines James Nord, James Sud et Redmond. La production pourrait passer à 1,5 millions de tonnes en 2010 et à 3 millions de tonnes en 2011 ou 2012.

ADRIANA RESOURCES

La société Adriana Resources, de Vancouver, a entrepris en 2006 l’exploration du gisement de fer du lac Otelnuk, au Nunavik, à 170 km au nord de Schefferville. Des travaux effectués dans les années 1970 laissent supposer que ce gisement pourrait contenir une ressource de plus de 1,7 milliard de tonnes à 33 % en fer, sur une longueur de 25 km.

Depuis l’été 2007, Adriana Resources a effectué plus de 6 000 mètres de forages afin de préciser la taille du gisement. Par ailleurs, la compagnie a signé, en janvier 2008, une lettre d’entente avec la Société Makivik au sujet de la création d’un comité conjoint pour faciliter les échanges à l’égard du projet.

Adriana Resources détient également 100 % des droits sur le prospect de fer « Bedford », au Labrador, à 27 km au nord-est de Schefferville. Ce projet, qui est au stade des travaux préliminaires d’évaluation, est situé sur la rive est de la rivière Howells, à moins de 3 km du dépôt LabMag de New Millennium Capital.

Tous ces projets et le potentiel encore non exploité,laissent présager des retombées économiques intéressantes pour la région de Schefferville et de Matimekush-Lac John au cours des prochaines années.

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4. Conclusion

L’initiative de HQD d’introduire un tarif de transition en appliquant, sur une période de cinq ans, un rabais dégressif sur les tarifs en vigueur au sud du 53e parallèle, est, pour l’instant, irréaliste et dommageable pour les habitants de Matimekush–Lac John. Les conditions socioéconomiques de la communauté ne permettent pas aux citoyens d’assumer une hausse du prix de l’électricité et ce, au risque d’une diminution substantielle de leur niveau de vie et éventuellement, d’une menace pour la santé.

L’absence d’étude et d’analyse socioéconomique du Distributeur dans le cadre de la présente demande ne permet pas d’établir une tarification et un calendrier réalistes et applicables au sein de la communauté de Matimekush-Lac John.

Au surplus, le CNIMLJ est d’avis que le gouvernement du Québec et son mandataire, le Distributeur, ont manqué à leurs obligations à l’égard de la communauté dans tout le processus et démarches suivis qui ont mené à la présente demande.

Le gouvernement du Québec et le Distributeur n’ont pas suffisamment consulté la communauté de Matimekush-Lac John ni pris en considération ou accommoder celle-ci compte tenu de ses intérêts, revendications, réalité et besoins.

Demande et propositions

Le CNIMLJ demande donc à la Régie de reconnaître à Matimekush-Lac John un statut d’exception et d’ordonner ce qui suit :

1. Geler les tarifs d’électricité présentement en vigueur à Matimekush-Lac John pour une période de 2 ans ;

2. Demander à HQD de mener, ou financer, une étude d’impact de la tarification sur l’économie des familles de Matimekush-Lac John ;

3. Contraindre HQD à choisir, pour le réseau autonome de Schefferville, un tarif de base différent de celui utilisé au sud du 53e parallèle, et qui devra être négocié avec les représentants de la communauté de Matimekush- Lac John;

Ou, subsidiairement,

4. Décréter un rabais dégressif sur 7 ans pour les membres de la communauté de Matimekush-Lac John ;

5. Développer un plan d’intervention précis et particulier d’efficacité énergétique à la région de Schefferville ;

6. Ordonner à HQD d’assumer les comptes à recevoir de tous les clients de Matimekush-Lac John jusqu’à la date de la décision de la Régie.

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ANNEXE 1

LA CENTRALE HYDROÉLECTRIQUE MENIHEK

La centrale de Menihek, située en territoire terre-neuvien, a été construite entre 1950 et 1954 pour répondre aux besoins énergétiques des installations minières de la Compagnie minière IOC, à Schefferville. Elle était équipée de trois génératrices d'une capacité combinée de 11 mégawatts (deux de 4 MW et une de 3 MW). L'électricité produite servait donc spécifiquement aux besoins de l’entreprise et à alimenter la Ville de Schefferville et sa population.

La tarification était minimale et uniforme pour tous, autochtones et non-autochtones, incluant les employés de la minière. C’est pourquoi IOC considérait cet élément comme étant un bénéfice aux employés; d’ailleurs toute augmentation des tarifs d'électricité aurait fait l'objet d'une demande lors des négociations des conventions collectives des employés d'IOC.

De plus, lors de la fermeture des installations au début des années 80, la Compagnie minière IOC, ne voulant pas ajouter au fardeau des citoyens et des autochtones demeurant à Schefferville – déjà affectés par la fermeture des mines –, a décidé de ne rien changer à la politique tarifaire pour ce service.

À l’automne 2001, IOC annonce qu’elle veut se départir de son barrage Menihek, qui alimente toujours la ville de Schefferville de même que les communautés autochtones naskapie et innue de Schefferville.

La compagnie perd un demi-million de dollars par année avec le barrage alors que les tarifs sont inférieurs à ceux d'Hydro-Québec. Depuis plusieurs années, une corporation autochtone est responsable de la collecte des comptes. On veut donc aller plus loin et remettre le barrage aux autochtones; les communautés et les gouvernements ont été avisés de cette position depuis plusieurs mois, selon le porte- parole de la compagnie, Jean-Pierre Maltais, qui fixe le 1er novembre 2001 comme date limite pour céder le barrage.

(Radio-Canada, 14 août 2001 - http://www.radio-canada.ca/regions/cote-nord/nouvelles/2002/archives/index.asp?val=24142)

Toutefois, l’état des installations, les réparations majeures requises et coûteuses, de même que sa localisation dans la province de Terre-Neuve sont des éléments qui rendaient difficile et complexe un projet d’entente avec les communautés autochtones. Le manque de main-d’œuvre qualifiée constituait un autre facteur ne facilitant pas une prise en charge par les communautés locales.

À titre indicatif, en 2001, lors des négociations avec les communautés, le montant des investissements pour la rénovation et la modernisation des installations était évalué à 12 millions de dollars, tandis qu’en 2007, à l’annonce de l’entente avec Newfondland and Labrador Hydro (NL Hydro) et Hydro-Québec, il était de 30 millions.

En pourparlers depuis plusieurs années, NL Hydro, Hydro-Québec et IOC ont finalement conclu une entente historique en octobre 2007. NL Hydro est désormais

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Mémoire du CNIMLJ, 30 octobre 2008 No dossier : R-3677-2008 propriétaire de la centrale hydroélectrique Menihek et de ses infrastructures situées au Labrador. De son côté, Hydro-Québec a acquis le réseau de transport et de distribution électrique à destination et en provenance des villes de Schefferville et de Kawawa chikamach, ainsi que les infrastructures situées au Québec s’y rattachant. Les deux sociétés hydroélectriques ont également convenu d’un contrat d'achat d'énergie pour les 40 prochaines années. (Communiqué IOC, 2007)

SOURCES : http://www.ironore.ca/main/index.php?sec=2&loc=117&page=det_article.php&lng=FR&id=95 http://www.ironore.ca/main/PDF/M2P_winter_07_FR.pdf http://www.radio-canada.ca/regions/est-quebec/2008/08/05/005-tarifs-elec-schefferville.asp?ref=rss http://www.regie-energie.qc.ca/audiences/3602-06/DDR3602/RepDDR3602/B-7_HQD-3Doc1-2-Annexe2_3602_07juil06.pdf - page 6 http://www.google.ca/search?hl=fr&cr=countryCA&q=menihek+%C3%A9lectricit%C3%A9&start=10&sa=N - http://consultation-minerale.gouv.qc.ca/aim-min/documents/Nation_Naskapi_de_Kawawachikamach_FR.pdf

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ANNEXE 2

PLAN D'ACTION RÉVISÉ ENTRE HQ DISTRIBUTION ET LE CONSEIL DE LA NATION INNU MATIMEKUSH-LAC JOHN

Actions Responsable Échéancier 1- Donner l'autorisation d'émettre Eric Tremblay Juin 2008 les factures pour la communauté de Complété Matimekush 2- Obtenir de la part du Conseil de Conseil Septembre bande de Matimekush la résolution Matimekush- 2008 permettant à H.Q. d'émettre un Lac John chèque de 50.000$ pour entente passé. 3- Autorisation d'émission du RAM Sur réception chèque de 50.000$ Nord Est de la résolution 4- Obtenir accès à la communauté RAM Septembre de Matimekush pour l'inspection du Nord Est. 2008 réseau DSR en support 5- Rencontre publique pour la Conseil Octobre 2008 population de Matimekush-Lac John et afin d'expliquer l’ensemble du HQD dossier (gestion de l’alimentation, l’entretien du réseau, la facturation et le recouvrement) 6- Ententes de paiements selon la Eric Tremblay Octobre 2008 capacité de payer des clients Denis Arseneau 7- Présentation et dépôt au conseil Stéphane Octobre 2008 de Matimekush-Lac John d'un plan Dumaresq. d'inspection du réseau 8- Présentation et dépôt au conseil Stéphane Décembre Matimekush-Lac John d'un plan des Dumaresq. 2008 travaux à effectuer sur le réseau 9-Dépôt au conseil de Matimekush- Stéphane Septembre

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Lac John d'un plan global Dumaresq 2008 d'intervention en efficacité Collaborateur énergétique pour la communauté Serge A. Goupil 10- Poursuivre la négociation pour Eric Tremblay En continu l'embauche d'un agent de liaison Denis Arseneau entre la communauté de Matimekush et HQD. 11- Audiences de la Régie de Conseil Décembre l’énergie sur les tarifs d’électricité 2008 12-Rencontre entre le Président Éric Cardinal Décembre d’HQD et le Conseil Matimekush- Daniel 2008 Lac John Simoneau 13-Obtenir l'autorisation du conseil RAM Janvier 2009 de bande de Matimekush pour le Nord Est changement des compteurs DSR en support 14- Présentation et dépôt au conseil Stéphane février 2009 Matimekush-Lac John d'un plan Dumaresq. d'intervention dans le milieu pour le changement des compteurs

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