Jeune Fille. Anne Wiazemsky, Paris, Éditions Gallimard, 2007, 217 P. Robert Daudelin

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Jeune Fille. Anne Wiazemsky, Paris, Éditions Gallimard, 2007, 217 P. Robert Daudelin Document généré le 26 sept. 2021 17:56 24 images Jeune fille. Anne Wiazemsky, Paris, Éditions Gallimard, 2007, 217 p. Robert Daudelin Le pays d’Arthur Lamothe Numéro 132, juin–juillet 2007 URI : https://id.erudit.org/iderudit/13261ac Aller au sommaire du numéro Éditeur(s) 24/30 I/S ISSN 0707-9389 (imprimé) 1923-5097 (numérique) Découvrir la revue Citer ce compte rendu Daudelin, R. (2007). Compte rendu de [Jeune fille. Anne Wiazemsky, Paris, Éditions Gallimard, 2007, 217 p.] 24 images, (132), 59–59. Tous droits réservés © 24/30 I/S, 2007 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des services d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d’utilisation que vous pouvez consulter en ligne. https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Cet article est diffusé et préservé par Érudit. Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. https://www.erudit.org/fr/ CIN-ECRITS Lecteur : Robert Daudelin JEUNE FILLE Anne Wiazemsky, Paris, Éditions Gallimard, 2007, 217 p. Au hasard Balthazar 'est un «roman». Du moins, c'est ce « drôle de zigoto ». Anne n'est donc pas ce qu'annonce la page titre du plus comédienne - un mot et un métier dont s'ac­ C récent livre d'Anne Wiazemsky. commode très mal le cinéaste - mais modèle Pourtant les personnages sont bien réels : pour un cinéaste qui, c'est le moins qu'on Robert Bresson est bien le grand cinéaste puisse dire, sait très bien où il veut aller. en train de tourner Au hasard Balthazar avec une jeune étudiante de dix-sept ans qui Un acleur tire de lui Emouvoir non pas avec des images ce qui n'y esl pas vraiment. émouvantes, mais avec des rapports se prénomme Anne Wiazemsky et qui a un d'images qui les rendent grand-père célèbre, François Mauriac. Et Jeune fille est donc le récit de cet appren­ à la fois vivantes et émouvantes. c'est bien Ghislain Cloquet qui éclaire. tissage, exigeant autant qu'enrichissant, tel Alors, pourquoi roman? Pour bien mar­ que veut bien s'en souvenir sa protagoniste, Captive du cinéaste qui l'installe dans une quer que le texte appartient à la littérature, à quarante ans de distance. Peut-être déjà chambre immédiatement voisine de la sienne pas au reportage ou à l'enquête journalisti­ écrivain, Anne Wiazemsky, à la suggestion et qui veut tout contrôler de son emploi du que ? Mais nous savons depuis belle lurette de son grand-père, a vraisemblablement tenu temps, Anne ne se défait jamais de son admi­ qu'Anne Wiazemsky est écrivain - après son journal durant les trois mois de cette ration pour lui et la révolte qui gronde en avoir été, il est vrai, la Marie bouleversante aventure dont elle sortira transformée. De elle est aussi douloureuse que nécessaire. Et d'Au hasard Balthazar, puis la Véronique ce fait le livre se présente aussi comme un l'écrivain qu'elle est devenue sait aussi créer de La Chinoise et la révolutionnaire de roman d'initiation, à la vie beaucoup plus des «rapports d'images», faire alterner le Vent d'Est de Godard. Alors, pour per­ qu'au cinéma. Dans ces mois éprouvants, privé menaçant (la possessivité de Bresson) mettre à l'auteur de prendre ses distances Anne a appris à tirer d'elle sa vraie personna­ et le public excitant (le tournage et la cama­ par rapport à une expérience qui a pro­ lité; et, parallèlement, Marie en est née. raderie de l'équipe), nous entraînant dans un fondément marqué sa vie ? Ou, plus vrai­ récit qui nous émeut tout en nous apprenant semblablement, pour protéger le véritable Intonations juBes quand ton modèle des choses essentielles sur le travail de l'un héros du livre, Robert Bresson, en créant n'exerce sur elles aucun contrôle. des plus grands créateurs du cinéma. cet écran protecteur, ce roman, qui garde Se soumettant avec humilité à la volonté Quant à ceux qui se satisferont des confi­ intact le mystère Bresson. (Un mystère qui du maître, Anne trouve rapidement, mieux dences de la jeune fille sur les velléités amou­ pourtant change de nature à mesure que que ses collègues, le ton faussement neutre reuses du cinéaste, ils seront tout bonnement progresse le texte : «saint» Robert Bresson que privilégie le cinéaste : «égaliser les syl­ passés à côté d'un très beau livre dans lequel s'humanise et affiche ses défauts comme labes», «gommer toute intention person­ deux regards se croisent magnifiquement : tout un chacun). nelle», comme il aime le répéter. Et tout à celui d'Anne Wiazemsky regardant vers coup, au-delà de l'anecdote, nous touchons la vie à venir, et celui d'Anne Wiazemsky Choisis bien tes modèles afin qu'ils te à l'art même de Bresson. Ce ton si particu­ regardant vers la vie passée. mènent où tu veux aller. lier qui, de film en film, provoque nos émo­ - Robert Bresson1 tions les plus vives, naît d'un long travail P.-S. Est-il besoin d'ajouter que la lecture Au moment où Bresson la choisit pour sur les voix, à la recherche maniaque des de Jeune fille provoque le besoin violent de devenir l'héroïne de son nouveau film, « intonations justes». Et ici l'art de l'écrivain revoir Au hasard Balthazar qui n'a pas pris Anne Wiazemsky est une petite lycéenne Wiazemsky reprend tous ses droits : c'est une ride, au contraire : c'est le film d'un parisienne, élevée bourgeoisement dans la justesse de l'écriture qui nous permet de jeune cinéaste! 5. une famille où le grand-père célèbre repré­ comprendre la transformation qui s'opère, sente l'autorité. C'est pourtant lui, contre d'éclairer ce chemin mystérieux par lequel 1. Les citations de Bresson sont tirées de son livre Notes sur l'avis de la mère d'Anne, qui va dire oui à passe l'émotion. le cinématographe, Paris, Éditions Gallimard, 1975. N°1 32 24 IMAGES 59 .
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