Editorial Wallonie-Bruxelles : Ma Patrie
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e N° d’agrément P 801338 104 année TRIMESTRIEL Septembre 2017 PB- PP BELGIE(N) - BELGIQUE Bureau postal de dépôt 1030 Schaerbeek–Rogier Périodique d’information et d’action de la Ligue Francophone et Wallonne de la Région de Bruxelles Diffusion de la Culture française/ promotion de la Francophonie internationale et de la communauté de destin entre la Wallonie et Bruxelles. Editorial Wallonie-Bruxelles : ma patrie En appelant le 19 juin dernier à constituer Wallonie-Bruxelles ». Il était suivi dans ce la scission de BHV, Daniel Ducarme préco- des gouvernements sans les socialistes, discours par des parlementaires (Christophe nisa la création d’une « Belgique française » Benoît Lutgen n’avait sans doute pas réfl échi Collignon, Pierre-Yves Dermagne et Nicolas unissant Bruxelles et Wallonie. aux risques institutionnels de sa manœuvre, Martin), par le secrétaire général de la FGTB et au cadeau qu’il faisait aux adversaires wallonne, Thierry Bodson, et bien sûr, par Toutefois, au MR, le vent semble tourner, de la Fédération Wallonie-Bruxelles tant ce grand régionaliste sous l’éternel qu’est à l’image des positions de ce parti envers la en Wallonie qu’à Bruxelles, mais aussi Jean-Claude Van Cauwenberghe. NVA. Fin 2015, on s’est surpris à entendre en Flandre. Didier Reynders rompre une lance en faveur … traditionnellement d’une approche régionaliste. Mais c’est Les développements de la crise qui s’en contesté par les libéraux surtout du MR wallon que sont venus les est suivie mettent à l’épreuve la solidarité plaidoyers les plus appuyés en faveur du entre Wallons et Bruxellois et risquent sacri- Les libéraux, en revanche, ont adopté déshabillage de la Communauté française. fi er leur communauté de destin à moins de longtemps des positions « communau- Après avoir annoncé, début juillet 2016, le deux ans d’un tournant dangereux dans taristes ». Un grand stratège, bien au fait schéma d’une Belgique à 4 régions, ce parti l’histoire de notre pays. En effet, la consti- du rapport des forces dans l’Etat belge, a fait une légère marche arrière, tout en ne tution de majorités différentes dans les Jean Gol, avait bien compris que face aux citant même pas la Fédération Wallonie- deux Régions risque de donner du com- 6 millions de Flamands, les Francophones Bruxelles. Jean-Luc Crucke, un porte-parole bustible aux tenants d’une disparition de la ne pouvaient se permettre de négocier en du courant régionaliste, expliquait dans La Fédération Wallonie-Bruxelles. Et le projet ordre dispersé. Il alla même jusqu’à évoquer Libre que ce n’était que partie remise et que, de suppression des provinces pourrait agir la « Nation francophone ». d’ailleurs, le schéma des 4 Régions proposé de même, compte tenu de la nécessité de par le MR était « ce qui sied le mieux à nos recycler les compétences provinciales en A sa suite, le parti libéral, sous ses succes- alliés fl amands». matières culturelles et d’enseignement. sifs avatars, réaffi rma à plus d’une reprise son scénario d’une Communauté française Vous avez dit Un discours essentiellement forte et unie. « Communauté Wallonie- socialiste et wallon… Bruxelles » ? En 1986, Louis Michel et Serge Kubla Le dénigrement de la Communauté fran- déposèrent au Conseil régional wallon une Malgré nombre d’éléments partagés en çaise, rebaptisée Fédération Wallonie- proposition de décret visant à « fusionner » commun, personne ne nie les identités spé- Bruxelles, n’est pas une nouveauté. C’est Région wallonne et Communauté fran- cifi ques des deux Régions. traditionnellement dans les rangs socia- çaise, en énumérant tous les avantages de listes wallons que les voix ont été les plus cette simplifi cation politique, administrative C’est d’ailleurs le FDF qui fut le premier nombreuses et les plus vibrantes en ce et budgétaire. En 2006 et en 2007, Didier à proposer de rebaptiser la Communauté sens. Sans remonter aux grandes grèves Reynders, président du MR, préconisa lui française en « Wallonie-Bruxelles » : dès sep- de l’hiver 60 et aux Manifestes pour la aussi la superposition Région wallonne- tembre 1981, le sénateur André Lagasse culture wallonne, on rappellera les sorties Communauté française comme un moyen déposait au Conseil de la Communauté plus récentes de Jean-Claude Marcourt, de simplifi er les institutions et de susciter française une proposition de décret intitulée alors ministre à la Région wallonne et à la des économies d’échelle. L’idée se heurta « Proposition de décret portant constitution Communauté française, qui affi rmait en au véto socialiste. En novembre 2007, suite des Régions au sein de la Communauté 2012 qu’il fallait « déconstruire la Fédération au coup de force fl amand au Parlement sur Wallonie-Bruxelles ». Le 1er article stipulait : POLITIQUE « La Communauté Wallonie-Bruxelles se des « ministères de la Culture », de 1958 à Wallonie-Bruxelles, il ne faudra pas attendre compose de deux Régions : la Wallonie 2017, sur les 27 titulaires du poste, 9 ont des instances de la Francophonie qu’elles et Bruxelles ». Mais aucune majorité ne se été bruxellois. Quant au poste de ministre accordent le même statut à la Wallonie et à dégagea au Conseil pour voter cette pro- de l’Education, depuis 1968, date de la la Commission communautaire française. position. séparation de fonctions autonomes par Le choix sera tout tracé : retour de toutes Communauté, 25 Wallons l’occupèrent, les compétences à la représentation de Le socle et les fantasmes pour seulement 2 Bruxellois ! l’autorité fédérale. Le consensus majoritaire considère que Quant au sentiment prétendument uni- les Wallons non germanophones et les tariste des Bruxellois, on rappellera que Dans la Fédération Bruxellois partagent un patrimoine com- le FDF, porté sur les fonts baptismaux par Wallonie-Bruxelles, les mun, qui s’illustre par un socle de trois com- les 4 mouvements wallons, devint rapide- Wallons sont chez eux pétences majeures exercées de concert au ment le principal parti bruxellois, et fut le sein de la Fédération Wallonie-Bruxelles : la premier à défendre à Bruxelles le schéma Non seulement les Wallons détiennent la culture, l’enseignement et l’audiovisuel. Et fédéral. S’il n’occupe plus la première place majorité de contrôle au sein de la Fédération c’est ce socle que certains, principalement aujourd’hui, ses principaux concurrents Wallonie-Bruxelles, mais l’autonomie en Wallonie, mais aussi, minoritairement à sont devenus fédéralistes. constitutive permet une composition du Bruxelles, voudraient dynamiter au nom gouvernement qui reflète et associe les de mobiles qui ressortissent davantage du On ajoutera que Bruxelles est la ville au sensibilités régionales. fantasme que de l’analyse rationnelle, voire monde qui compte le plus grand nombre historique ou politique. de Wallons d’origine ; une osmose naturelle Comme Daniel Ducarme et Didier existe, renforcée par le courant permanent Reynders (dans sa période « communau- Passons en revue les principaux de de Bruxellois qui choisissent de s’installer tariste ») le préconisaient, le gouvernement ces fantasmes. en Wallonie. de la Fédération Wallonie-Bruxelles peut être composé de tous les ministres fran- « Bruxelles a décidé » Bruxelles, porte ouverte cophones des deux Régions. sur l’Europe et le monde Malgré une présence wallonne historique L’avis des experts et et significative à Bruxelles, de nombreux Les Flamands ont bien compris l’impor- des politiques Wallons de toutes orientations politiques tance de Bruxelles comme vitrine et porte ont nourri et continuent à nourrir envers d’accès à l’Europe et au monde. De leur Les arguments rationnels visant à contrer Bruxelles un sentiment de circonspection, côté, les Francophones avaient toutes les les tendances régionalistes ont émané des voire d’allergie qui n’est pas sans rappeler raisons du monde pour faire de Bruxelles la économistes comme des juristes. Faute celui de nombreux citoyens des pays de capitale de la Communauté française. Les de place on ne mentionnera ici que les l’Union européenne envers « Bruxelles », 3 millions et demi de Wallons ont ainsi un conclusions de feu le Pr. Deschamps, de entendue au sens d’un lieu de pouvoir lointain accès au monde que beaucoup de régions l’Université de Namur, économiste reconnu, et bureaucratique. Il fut même des époques européennes leur envient, tout en tâchant de l’économiste Jean-François Thisse, des où aucun Bruxellois ne figurait dans le gou- d’y ouvrir des représentations. constitutionnalistes Francis Delperée et vernement belge et où les décisions étaient Hugues Dumont et de bien d’autres. prises exclusivement par des ministres fla- Vraiment, l’intérêt de la Wallonie n’est pas mands et wallons, navetteurs quotidiens, de se recroqueviller sur elle-même, sorte Du côté des politiques, on rappellera la mais imputées à « Bruxelles », origine de tous de Mongolie extérieure, coincée entre le réaction de Joëlle Milquet, alors ministre de les maux. Les Bruxellois ont aussi été accu- monde français et le monde germanique. l’Enseignement, aux sorties régionalistes sés de conservatisme unitariste, et d’être des députés wallons du MR, et pour qui la par ailleurs méprisants envers les Wallons. La Fédération Wallonie- scission de la Fédération Wallonie-Bruxelles Bruxelles, accès royal était « un suicide de l’unité francophone Les faits contredisent cette lubie. et un cadeau dangereux à la N-VA » (2). à la Francophonie On observera avec attention l’attitude du La Fédération Wallonie-Bruxelles dis- CDH devant les prurits régionalistes de son pose d’un Parlement composé de 75 élus Songeons également à la scène inter- nouvel allié au sein de l’attelage gouverne- wallons et de 19 élus bruxellois, soit un nationale : depuis 1987, la Francophonie a mental wallon. rapport de 80/20. En d’autres termes, les accordé à la Fédération Wallonie-Bruxelles Wallons sont largement dominants et l’on un statut à part entière, distinct de l’Etat Culture : les acteurs du comprend mal qu’ils se sentent mal servis belge.