le magazine de l’actualité musicale en Fédération Wallonie-Bruxelles n° 12 - mars / avril 2015

Roscoe Mont & merveilles

Vincent Liben | PAON | Akro | José Van Dam | 75 ans de Jeunesses Musicales | Arsonic

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Conseil de la Musique Quai au Bois de Construc- édito tion, 10 - 1000 Bruxelles www.conseildelamusique.be L’ouverture de nouvelles salles de concert, Contact par mail : [email protected] c’est toujours un événement et une bonne Contactez la rédaction : nouvelle ! Fait assez rare que pour être souli- première lettre du gné, trois lieux ouvrent leurs portes en Wallo- prénom.nom@conseil- delamusique.be nie en ce début 2015. Tout d’abord, l’ajout d’une aile à la presti- RéDACTION gieuse Chapelle Musicale Reine Élisabeth Directrice de la rédaction à Waterloo. Cette extension ajoute vingt Claire Monville logements de résidence d’artistes, des lieux Comité de rédaction Nicolas Alsteen 25 20 de formation et trois studios de diffusion Julien Chanet et d’enregistrement. Ce nouveau bâtiment François-Xavier Descamps Christophe Hars conforte donc la vocation de cet endroit Claire Monville mythique, entouré de nature, à être un écrin Coordinateur pour la formation musicale de haut niveau. de la rédaction François-Xavier Descamps Succédant à la Soundstation qui avait mis Rédacteur la clé sous le paillasson en 2008, le Reflek- Nicolas Alsteen tor ouvre ses portes en ce début de mois Collaborateurs de mars, en plein cœur de la cité ardente. Ayrton Desimpelaere Véronique Laurent Située au pied de l’ancienne piscine de La Luc Lorfèvre Sauvenière, cette salle de 600 places et dé- Catherine Makereel Rafal Naczyk diée au musiques actuelles a pour vocation Jacques Prouvost 38 35 d’accueillir découvertes et artistes confirmés. Didier Stiers Benjamin Tollet Tant désirée, Arsonic ouvrira enfin ses portes Correcteurs début avril. Cette ancienne caserne des Christine Lafontaine 08 pompiers abandonne définitivement les si- Nicolas Lommers rènes pour faire place à un projet unique en Photographe Cover © Gilles Dewalke Fédération Wallonie-Bruxelles : une Maison de l’écoute. PROMOTION Ces trois lieux aux ambitions très différentes & DIFFUSION ont cependant la même finalité : soutenir les François-Xavier Descamps artistes qu’il s’agisse de création, de forma- tion ou de diffusion. Preuve si l’en est que, ABONNEMENT si l’artiste doit être au centre des politiques Vous pouvez vous abonner gratuitement à Larsen. culturelles, il ne peut se passer de la filière [email protected] musicale et inversément… Tél. : 02 550 13 20 Bonne lecture Conception graphique Claire Monville supersimple.be Impression Paperland Prochain numéro ARTICLES Mai 2015 Sommaire Aperçu European Blues Challenge p.25 OUVERTURE Le.com Un album "en attendant" l’album p.26 J’ai acheté des disques avec Slang P.4 Décryptage Candidats à résidence p.28 04 En vrac p.5 In situ Arsonic p.30

RENCONTRES LES SORTIES Entretien Roscoe p.8 En Fédération Wallonie-Bruxelles p.32 Rencontre Vincent Liben p.11 Listing des sorties p.34 Rencontre Paon p.12 Rencontre Azerty p.13 VUES D’AILLEURS Rencontre Akro p.14 Échos d’Ailleurs p.34 Rencontre Pauline Claes p.15 Vue de Flandre Mec Yek p.35 Rencontre José Van Dam p.16 Vue d’Allemagne & de belgique Trajectoire Steve Houben p.18 Yellow Lounge p.36

ZOOM BONUS 16 75 ans de Jeunesses Musicales p.20 L’interview indiscrète Jali p.38 La nation alternative p.22 C’était le… 19 octobre 1940 p.39

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j’ai acheté des disques avec… J’ai acheté des disques avec… Slang Pascal Ducourant ©

Manuel Hermia : Il n’y a pas de secret, je suis dingue de musique indienne. En seize ans de carrière, la fusion Je l’ai découverte il y a quinze ans en voyage en Inde et je ne m’en lasse pas. entre musiques du monde, jazz J’ai commencé à jouer la flûte bansuri et à étudier les ragas, ce qui a nourri mon jeu de jazz. Cette compilation n’est pas le regard classique indien mais la et rock est devenue la spécialité musique folklorique du Rajasthan qui a une influence soufie assez marquée. de Slang. Sur leur cinquième L’Inde du nord et le Rajasthan ont été fort influencés par le monde arabe. Lors de l’invasion arabe, il y a eu une scission musicale entre le nord et le sud. album Pace of Mind qui vient J’ai été dix fois en Inde pour la musique hindoustani du nord et carnatique de sortir, le saxophoniste (classique) du sud, mais jamais au Rajasthan, je me le garde. Avec Slang, on cherche à rencontrer des musiciens et à s’ouvrir vers autre chose, mais compilation Manuel Hermia, le bassiste De Kulture Music l’ouverture vient toujours des deux côtés : chacun fait la moitié du chemin François Garny et le batteur Glimpse of Rajasthani pour créer un langage qui s’inspire des deux matières. Sur notre nouvel Music album, Purbayan apporte ses harmonies et joue du sitar avec distorsion et Michel Seba ont un invité spécial De Kulture Music autres effets de guitare électrique. Nous rentrons dans ses ragas, ses gammes et rythmes tout en laissant de l’espace entre les notes. Et l’improvisation venu d’Inde : le chanteur et joueur apporte le côté jazz. de sitar Purbayan Chatterjee. Michel Seba : En fait c’est un second choix, je voulais le nouvel album de Larsen a rencontré les trois James Farm, un quartet de jazz supra-moderne. C’est vraiment le jazz musiciens à la Fnac Toison d’Or moderne par excellence de 2014, en écoutant ça je m’éclate à fond ! En plus c’est un vrai quartet, sans leader. The Köln Concert est un grand classique pour que chacun choisisse du jazz, un album culte. Improvisation totale et liberté, voilà l’essence du jazz. un album. Cet album est une grosse référence, un blockbuster du jazz. La musique est en changement permanent, les liens se tissent au moment même. C’est Benjamin Tollet ce qui me plaît dans le jazz : tu réagis par rapport à ce qu’il y a autour de toi, c’est-à-dire le public et en premier lieu tes potes musiciens. C’est aussi ce qu’on essaie de faire avec Slang. Le gros fil conducteur c’est la musique organique Keith Jarret et le partage de l’improvisation, beaucoup de communication. The Köln Concert Avec une porte ouverte pour tout le monde, le soliste et les autres peuvent Ecm Records mettre leur grain de sel. En tournée on se fait découvrir ce qu’on écoute. Jeff Buckley, Coltrane, Red Hot Chili Peppers, Radiohead… Tiens, écoute ça ! On se nourrit.

François Garny : J’aime Leonard Cohen. J’ai commencé à l’écouter quand slang j’étais adolescent grâce à mes sœurs. C’est le moment où j’ai commencé à jouer de la musique, quelques accords sur guitare. Chez moi, entre potes, j’ai Slang fut crée en 1999 par le saxophoniste Manuel souvent joué et chanté sa fameuse version de Hallelujah. Cet album vient Hermia, le bassiste François Garny et le batteur de sortir et ce qui m’impressionne chez Cohen c’est sa voix, déjà basse Michel Seba avec comme idée de base de fusionner à la base, qui est devenue encore plus basse au cours des années. L’année leurs mondes musicaux, respectivement passée j’ai eu peur, je croyais qu’il arrivait à sa fin, mais quand j’ai entendu les musiques du monde, le rock et le jazz. Ces ce nouvel album à la radio, j’étais carrément impressionné ! C’est comme musiciens sans œillères n’ont jamais voulu s’il avait trouvé un nouveau souffle. s’enfermer dans un genre musical et avec ce trio En choisissant cet album, je ne savais pas trop quel était le lien avec Slang, ils brisent les frontières entre les styles. En seize Leonard Cohen mais quand Manu et Michel m’ont vu avec l’album en main, ils m’ont ans de carrière, le trio belge a sorti cinq albums. Popular Problems directement dit : tu me le passes après ! Voilà le lien avec Slang ! (rires) Les quatre premiers avaient un répertoire très libre Columbia avec des ingrédients mélangés. Chez les disquaires, chaque album est classé dans un genre différent, que ce soit world music, rock ou jazz, affirme Manuel Hermia. Notre son est une vraie aventure, c’est notre engagement pour la musique. Le nouvel album Pace of Mind a comme fil rouge l’Inde, sans perdre la sauce qui caractérise le trio.

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Les Octaves de la Musique Une nouvelle cuvée

Du 6 au 18 janvier 2015, les professionnels du secteur de la musique ont choisi les artistes à nommer. La liste aura été communiquée le 10 février, lors d’une confé- rence de presse (à l’heure d’écrire ses lignes les noms n’ont pas encore été tous dévoilés). La cérémonie des Octaves couronnera ainsi les artistes de la Fédéra- tion Wallonie-Bruxelles qui se sont illustrés tout au long de l’année 2014. La soirée se tiendra le 9 mars 2015, au Palais des Beaux- Arts de Charleroi et sera retransmise cette année sur Plug TV. LauréateJodie ICMA D evos2015 Renaud Lhoest et Sam Pierot Nouvelle aile nous ont quittés pour la Chapelle Le jury de l’International Classical Mu- sic Awards a annoncé le 20 janvier les lau- Nous avons tous appris avec regret les dé- Une nouvelle aile, réats pour l’année 2015 parmi lesquels nous cès du talentueux violoniste et arrangeur Re- baptisée aile de Lau- retrouvons notre talentueuse compatriote naud Lhoest, et du guitariste folk Sam Pie- noit en hommage au et soprano, Jodie Devos. Elle est désignée rot. Toutes nos pensées pour leurs familles défunt président de « Jeune artiste ICMA de l’année ». et leurs proches. la Chapelle musicale Reine élisabeth, a Glossaire du DJ Qui pour l’ONB ? été inaugurée fin du mois de janvier 2015. Ce glossaire du DJ ne se L’actuel intendant de l’Orchestre National Cette extension ac- contente pas de réperto- de Belgique, Albert Wastiaux, deviendra le cueille vingt nouveaux rier le jargon des Princes nouveau directeur chargé de la coordination studios de résidence de la nuit et d’en donner opérationnelle du Palais des Beaux-Arts en pour les jeunes ta- des définitions compré- avril 2015. Albert Wastiaux deviendra égale- lents, ils sont une hensibles par tous. Il s’agit ment membre du comité de direction du Pa- aussi de raconter, au tra- soixantaine à résider vers de termes considérés lais. sur place chaque an- comme autant de jalons, née. Un vrai défi tech- CombienTomorro de BPMw pourland l’ONB ? une histoire éclatée et nique a été relevé vu complexe, culturelle et so- les contraintes liées Le premier « artiste » annoncé à l’affiche du ciale, souvent accidentée et spontanée, mais parfois Concours au classement du bâ- célèbre festival pour cette édition 2015 a été, timent. aussi reprise en mains par à la surprise générale, l’Orchestre National les requins de l’industrie Reine de Belgique. Les quatre-vingts musiciens de du show-business, de la l’orchestre feront découvrir une symphonie musique, de la hi-fi et des spécialement écrite pour le festival, à l’oc- logiciels. Cette histoire LeÉlisabet violoncelle fera sesh joyeuses casion de la journée de clôture. Nous voulons nous conte l’avènement jeter des ponts en direction de la jeunesse. des nouveaux héros du entrées show-biz musical et la Tomorrowland a contribué à la renommée transformation profonde Le Concours Reine élisabeth accueillera de la Belgique ces dix dernières années et, de l’industrie des loisirs. donc une nouvelle discipline en 2017 : le vio- en tant qu’Orchestre National, nous voulons Serge Coosemans, loncelle. La dernière discipline introduite apporter notre pierre à l’édifice, expliquait Glossaire du DJ, était le chant qui avait pris place aux côtés le directeur musical de l’ONB, Stefaan Blu- Le Bord de l’Eau, du piano et du violon en 1988. nier au Soir. 144 pages.

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Le concertophile La journée des disquaires type est une femme Le Record Store Day (ou Journée des disquaires) est une de 61 ans… journée annuelle de promotion, organisée par les dis- Selon une étude du socio- quaires indépendants afin d’inciter le public à se rendre logue français Stéphane dans leurs boutiques. L’occasion également de propo- Dorin décortiquée par ser aux clients des disques inédits, parfois pressés pour Télérama, le mélomane l’occasion. Cette année, la journée se déroulera le samedi friand de concert de mu- Arrêtez- 18 avril. sique « classique » serait www.recordstoreday.be d’un âge plutôt bien mûr. Sa moyenne d’âge : 61 ans. Levous temps d’un! Celle-ci atteindrait même 67 ans pour la musique de Instant Star chambre, pour descendre Instant Star regroupe une à 55 ans pour la musique collection de portraits de contemporaine et à 56 ans musiciens pris avec un pour le public des festivals. appareil Polaroid entre Rappelons que selon une 2008 et 2014. Une vision précédente enquête, l’âge Chœur subjective d’une certaine moyen des amateurs de scène musicale indé- musique classique était pendante actuelle : celle de chambre de… 36 ans (en 1981) ! qu’on ne voit jamais. Des Son profil : le mélomane fragments de vie, 165 por- concertophile est majori- de Namur traits bruts d’artistes pop, Encore un Diapason d’Or ! tairement une mélomane, rock, hip hop ou electro dont les enfants seraient déterminant la vigueur Le Requiem de Rubino et Capuana, dernier majeurs (ben oui à 61 ans) d’une scène, faisant et disque du Chœur de Chambre de Namur et aux revenus, disons, défaisant les tendances sous la direction de Leonardo García Alar- confortables à très confor- au gré de leur créativité, tables… Il serait temps cón est Diapason d’Or Février 2015. « L’inter- bien loin des lumières et que les jeunes retrouvent prétation du Choeur de Chambre de Namur des photos glamour sur pa- la route des salles de est somptueuse ». « Un éblouissement et une pier glacé. La préface est concert « classique », non ? vraie découverte ». Décidément, la qualité signée par Michel Cloup. est à son plus haut niveau à Namur ! Sébastien Cuvelier, Instant Star, auto-édition, tiré à Zerkalo 500 exemplaires (dont [’tactus] 2015 The Future 25 en édition limitée où Sound Of l’auteur prend un pola de et Roland Rien ne sert Classical Music vous portant le masque de Bowie) de Lassus de poster Le Quatuor Zerkalo, Pour vous le procurer : La sixième édition de [’tactus] Young Com- résident de l’association www.sebweb.org posers’Forum aura lieu à Bruxelles et à Mons Chamber Music for Europe lors de deux sessions, en septembre et en beaucoup depuis février 2014, vient Il faut poster à point ! Jazz Day de remporter le concours novembre 2015. Le concours [’tactus] se Le magazine SocialBand nous livre chaque Supernova Classic. L’en- Le 30 avril a été décrété tiendra quant à lui à Mons en novembre, année son analyse sur les rapports qu’entre- semble lauréat jouera à la par l’Unesco Journée en collaboration avec l’ensemble Musiques Internationale du Jazz. tiennent les réseaux sociaux avec les festi- suite de ce prix en Flandre Nouvelles. Il a pour objet l’écriture pour en- et à Bruxelles et sera mis à L’organisation entend semble de musique de chambre. Cette an- vals, en France. On s’en doutait, les réseaux par là reconnaître le jazz l’honneur par les radios fla- née, [’tactus] s’inscrira dans le cadre de sociaux sont un des principaux vecteurs d’in- mandes Klara et Canvas. comme langage universel formation pour les festivals de musique. Ils de liberté et de créativité. Mons 2015 et une semaine d’hommage sera informent, fidélisent et permettent d’attirer À cette occasion, l’asso- consacrée en octobre 2015 au Montois Ro- de nouveaux amateurs. Les manifestations ciation Les Lundis d’Hor- land de Lassus. Les candidats de la session L’atelier tense s’apprête à célébrer musicales sont donc présentes en masse [’tactus] 2015 sont donc invités à s’inspirer cette quatrième édition, sur les réseaux sociaux. 100 % des festivals de la tout à fait librement de son motet à 6 voix notamment à travers Musica, Dei donum optimi, extrait des Can- sont présents sur Facebook, 95 % sur Twitter des activités organisées tiones sacrae sex vocum, pour écrire une alors que MySpace et Google + sont délais- Dolce à Bruxelles. Ces activités sés (peut-être à juste titre ?). Plus intéres- Vita seront autant d’occasions pièce en résonance avec l’esprit du « Prince sant, l’aspect quantitatif semble bien moins La clé sous de célébrer le jazz ainsi des Musiciens ». important que le moment de publication ou le paillasson que nos musiciens. Les candidatures peuvent être soumises que la qualité du contenu mis en avant. Plu- Infos : www.jazzday.be exclusivement en ligne via la plateforme Ulysses tôt que de poster “beaucoup” il s’agirait de C’est toujours avec tris- avant le 10 avril : http://ulysses-network.eu/web/ competitions/ poster bien ! tesse que l’on apprend la fermeture d’un lieu. Pour plus d’informations : www.tactus.be Découvrez l’infographie et l’étude complète Ouvert en 2000, l’asbl doit ou [email protected] sur www.socialband.fr aujourd’hui mettre fin à ses activités. Pour renaître de ses cendres un jour, espère-t-on.

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Pour une Europe Bougerons-nous les lignes ? créative L’opération Bouger les lignes, à l’initiative de Onem vs. Le programme Eu- la Ministre de la Culture Joëlle Milquet, vise artistes Les « grands rope créative sou- à définir et à construire en Fédération Wal- La lutte tient les secteurs au- lonie-Bruxelles, la nouvelle offre culturelle du continue ! labels » diovisuel, culturel et XXIe siècle, pour une demande et des publics créatif en Europe qui e e Le tribunal du travail du XXI siècle, avec des institutions du XXI de Tournai a donné rai- et l’argent contribuent au dé- siècle. Elle aura été lancée le samedi 28 fé- son à un intermittent du veloppement de nos vrier à 10 heures sur le site de Tour et Taxis à spectacle qui avait vu du streaming sociétés et jouent Bruxelles, dans le cadre de la Foire du livre, suspendre ses droits aux Encore au centre un rôle important moment durant lequel la méthodologie du allocations de chômage de récriminations dans l’économie eu- processus de concertation prospective sera par l’Office national de ropéenne, générant expliquée ainsi que ses différents modes de l’emploi. L’artiste devrait Ces « grands » labels empocheraient notam- donc récupérer ses alloca- croissance et em- participation. ment la moitié des rémunérations de Spotify tions de chômage perdues, au détriment de tous les ayant-droits. Ces ploi. Europe créative À suivre donc sur : http://tracernospolitiquescul- le tribunal estimant qu’il y dispose d’un budget turelles.be avait eu discrimination « grands » arguent que les revenus distillés d’1,46 milliard d’euros suite à une interprétation par ces types de services sont très faibles et afin de renforcer les de certains articles d’ar- à la rentabilité très limitée. Mais pour un re- secteurs européens Pour ceux qui rêté royal, contraires aux présentant de certains labels indépendants, de la culture et de articles 10, 11 et 23 de la ces « grands » entretiendraient le flou autour la création pendant Constitution. Une affaire de ces revenus afin de conserver la majeure aiment le jazz qui pourrait faire jurispru- sept années. Décou- Une nouvelle plateforme web partie des revenus. Au total, ils finiraient pour les Bruxellois dence et qui devrait per- vrez les différents mettre à certains artistes avec par exemple 75 % de la part des re- programmes et ap- cettes d’un abonnement Premium chez Spo- Jazz Platform est une initiative de exclus de revendiquer à pels à projet : www. nouveau leurs droits. tify. Les « grands » labels assurent que tout Brosella, Brussels Jazz Orchestra, Flagey, europecreative.be. cela est parfaitement justifié car 95 % de Jazz Station et Jazztronaut, soutenue par Eins, zwei, drei ces revenus servent à couvrir les frais néces- visit.brussels et la Région de Bruxelles-Ca- saires à la production. Un argument très dis- pitale. L’objectif de la plateforme est de Wallonie-Bruxelles Mu- siques lance ce premier cutable puisque la musique numérique n’a mettre en valeur, de soutenir et de promou- pas de support physique et est commercia- voir l’offre jazz dans la capitale européenne. semestre 2015 la période- test de son nouveau pro- lisée en quelques simples clics ! To be conti- À cet effet, la Brussels Jazz Platform dé- gramme Expertise Locale– nued… veloppe plusieurs outils de communica- Allemagne . Ce programme tion et activités sous le dénominateur com- a pour but de mettre mun JAZZ.brussels. Le but ultime est – et ce à disposition une série Aline Blondiau en étroite collaboration avec la Région de d’expert(e)s du marché aux Victoires Bruxelles-Capitale – de contribuer au rayon- de la musique allemand Coopération de la Musique nement de Bruxelles et de la scène jazz et d’aider les artistes à classique développer leur projet culturelle bruxelloise à l’intérieur et à l’extérieur de pop, rock, hip-hop ou mu- Lors des toutes ré- nos frontières. sique électronique sur ce centes Victoires de la www.jazzbrussels.be territoire. Booking en Alle- avec Musique classique en magne, tournées, labels, France, les enregistre- distribution, … n’auront la Flandre plus de secrets pour vous. Les représentants ments de l’Ensemble Cool, non ? Chérie FM disponible en Belgique À destination de tous les francophones sont connus Pygmalion et de Jean projets dont les membres Rondeau ont été ré- Chérie FM, la radio « pop-love » propose dé- sont domiciliés sur le ter- L’accord de coopération culturelle entre les compensés dans les ritoire de la Fédération sormais une version 100 % belge en format deux Communautés, signé il y a quelques catégories « Enregis- Wallonie-Bruxelles et qui webradio. Lancée le 14 février en présence mois, se met doucement en ordre de trement de l’année » disposent d’un encadre- d’Axelle Red, la marraine de la radio, Ché- marche. La Fédération Wallonie-Bruxelles a et « Révélation » ins- ment professionnel (au rie FM sera disponible sur cheriefm.be, Apple moins) en Belgique. ainsi désigné ses quatre représentants : Ré- trumentale de l’an- store, Google Play et Windows Phone. Des gine Vandamme du festival Nest de Tournai, née. La Belge Aline Plus d’infos : discussions sont en cours pour proposer éga- Bernard Boon-Falleur, ex-directeur de Flagey Blondiau a assuré la http://checkthis.com/ lement Chérie FM sur la télévision digitale. expertiselocale et auteur du plan Culture/Bruxelles, André- direction artistique Marie Poncelet, administrateur général à la et était l’ingénieure Culture et Céline Renchon du Cabinet de la du son pour ces deux Ministre de la Culture. Une première réunion productions. est prévue en mars.

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entretien © Gilles Dewalque

pop Roscoe Mont et merveilles

Discrets, mais terriblement déterminés, les cinq garçons de Roscoe s’exposent au danger en escaladant les pentes accidentées de Mont Royal. Sur ce deuxième album, le groupe liégeois met du désordre dans sa zone de confort et maîtrise ses manies pour délivrer une œuvre décomplexée, ouverte aux changements et à l’évasion.

nicolas alsteen

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entretien

isséminés entre les boucles en somme. C’est toujours une expérience froid, qu’il ne rêvait pas de produire les de Spa et les hauteurs lié- puissante de revenir chez soi après avoir chansons de Roscoe. Bref, l’ambiance entre geoises, cinq musiciens aux vu comment les gens vivaient ailleurs. Re- nous était plutôt glaciale. Sur un plan stra- idées larges s’activent depuis mettre son mode de vie en perspective, ça tégique, je reste quand même convaincu 2005 sous l’étendard de Ros- ne peut être que positif. d’avoir opté pour un choix contestable… coe, un nom de scène chipé Les médias vont forcément nous assimiler à un morceau emblématique de Midlake. Après les excellents retours suscités en à ses travaux précédents. Reste que, sur En 2012, les garçons signent un deal avec Belgique avec l’album Cracks, avez-vous le plan artistique, il s’est réellement passé D[PIAS] Recordings (Oscar & The Wolf, dû faire face à la pression à l’heure de quelque chose. Balthazar), port d’attache d’un premier composer les nouveaux morceaux ? album (Cracks) traversé par quelques fê- Depuis que le premier album est sorti, Comment cette situation s’est-elle déblo- lures émotionnelles. Les mélodies de Ros- notre entourage nous parle du deuxième. quée ? coe s’abreuvent alors à la source d’un post- Dans des discussions, on nous a souvent D’abord, j’ai considéré la donnée géogra- rock contemplatif, accrochant au passage glissé les notions “d’attendu au tournant” phique. Je cherchais un producteur sou- des chœurs solennels sur les cordes de gui- ou “de ne pas décevoir les gens”. On a rapi- haitant s’investir à 100 % dans le projet. tares ténébreuses, orageuses et électriques. dement pris du recul par rapport à ces at- Quand tu travailles avec un Islandais ou Après une tournée canadienne, des dates tentes. L’enregistrement de Cracks s’est fi- un Américain, tu l’invites deux semaines françaises aux côtés de Balthazar et une nalisé au terme de quatre longues années. en Belgique ou tu pars deux semaines là- présence remarquée sur les scènes de À l’époque, on a passé tellement de temps bas. Le prix est conséquent et il n’y a au- nombreux tremplins européens, le groupe à pinailler sur des détails qu’on est deve- cun suivi, en amont ou en aval, de la pé- débranche ses amplis et envisage d’autres nu de véritables maniaques. On bossait riode d’enregistrement. Tout se joue en manières de faire sa musique. Composé en en vase clos. On n’acceptait aucune incur- deux semaines. Partant de ce constat, on un temps record en compagnie du produc- sion du monde extérieur. Pour imaginer le s’est dit que notre bagage technique res- teur Luuk Cox (Girls In Hawaii, Stromae), nouvel album, on s’est fixé une contrainte tait quand même assez limité et que notre leur deuxième album s’est dessiné sous les majeure : écourter les échéances au maxi- expérience en studio était encore trop ap- voûtes de La Chapelle, studio d’enregis- mum. Avec Mont Royal, on a considérable- proximative pour prendre le risque d’aller trement blotti en contrebas du Signal de ment accéléré le processus créatif. Il y a un se frotter à un gros poisson international. Botrange. C’est dans cet endroit fréquen- an, jour pour jour, nous n’avions pas com- Entretemps, Luuk Cox avait vu une ses- té par DAAN et Stephen Malkmus (Pave- posé un seul nouveau morceau. On a aussi sion vidéo de Roscoe sur Internet. Ça lui ment) que s’est érigé Mont Royal. Guitares profité de ce nouveau disque pour exploser a donné envie de renouer le contact. L’idée et synthés y convergent dans un même la bulle dans laquelle on avait tendance à d’avoir quelqu’un de compétent, prêt à s’in- mouvement pour donner vie à des hymnes s’enfermer et on a donc décidé de s’entou- vestir directement dès le début du proces- magnétiques : des chansons toujours res- rer d’un producteur. sus d’enregistrement a alors commencé à pectueuses de Midlake (Rule), mais bien faire son chemin. enracinées dans la modernité. Des mor- Vous avez choisi de bosser en compagnie ceaux comme Side Secrets ou Nights, no- de Luuk Cox, un nom dans l’air du temps. Réaliser un album par vos propres moyens, tamment, font ainsi des appels du pied à Il a en effet produit les derniers albums de ce n’était plus une option ? Alt-J, là où Hands Off imagine une ren- Girls In Hawaïï et My Little Cheap Dicta- Après le premier album, on a mis le doigt contre au sommet entre The National et phone. Partant de là, c’était clairement sur nos défauts. La composition d’un mor- Coldplay. Proche de ses contemporains, le l’homme de la situation ? ceau, cohérent de bout en bout, consti- groupe marque également son territoire À la base, pas du tout… Je l’ai croisé pour la tuait clairement un de nos points faibles. avec Fresh Start, single singulier et irré- première fois de ma vie, l’année dernière, Sur Cracks, on trouvait bien sûr quelques sistible dont le titre dissipe d’emblée toute dans le cadre des [PIAS] Nites. Ce soir-là, chansons, mais on se retranchait trop sou- ambiguïté : avec ce nouvel album, Roscoe j’avais bu quelques verres et n’avais pas ma vent derrière des ambiances. En fait, on prend bel et bien un nouveau départ. langue en poche. Au cours de la conversa- n’avait aucune méthode de travail. On a tion, j’ai annoncé à Luuk Cox : S’il y a bien donc ressenti le besoin de s’épauler de Avec l’expérience acquise ces dernières une personne avec laquelle je n’ai pas envie de quelqu’un capable de métamorphoser nos années, Roscoe est-il encore le même faire un disque, c’est bien toi ! Je me voyais maquettes en chansons. Luuk Cox nous a groupe en 2015 ? mal assumer les rapprochements inévi- montré comment mettre le collectif au ser- Pierre Dumoulin : L’âme du projet demeure tables avec My Little Cheap Dictaphone vice d’un morceau. Aujourd’hui, on forme identique. Mais on a essayé d’aller voir ail- et Girls In Hawaii, deux groupes avec les- une équipe. On interagit davantage les uns leurs, de se mettre en difficulté, de rema- quels on nous compare souvent… Là-des- avec les autres. nier nos habitudes. Tout cela correspond sus, il m’a tout de suite rembarré en me ré- à l’envie d’élargir notre ligne d’horizon, pondant que ça ne lui faisait ni chaud ni

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entretien © Gilles Dewalque

Sur Mont Royal, la composante électronique contre. On sait qu’une demande existe en Votre vie a-t-elle changé depuis la sortie fait son apparition. C’est une transition ? Suisse aussi. Et puis, on a déjà eu l’occasion du premier album ? C’est une évolution naturelle. Les nou- de jouer quelques dates au Canada. J’ai eu deux révélations : Montréal et l’Asie. veaux morceaux se prêtaient bien aux Je suis parti à deux reprises en Asie avec nappes synthétiques. Luuk Cox nous a Quand le premier album est sorti, vous mon sac sur le dos, au Cambodge et en Bir- proposé des arrangements différents, des aviez signé un deal avec la chaîne de vête- manie. Chaque semaine, je rêve de décou- choses auxquelles on n’avait jamais son- ments Bellerose. Allez-vous remettre ça à vrir une autre partie de ce continent. Pa- gé. Il nous a ouvert l’esprit et confronté à l’occasion de la sortie de Mont Royal ? rallèlement à tout ça, j’ai eu l’occasion de d’autres styles musicaux. Aujourd’hui, on L’envie d’avoir une identité visuelle est tou- jouer dans The Feather dans lequel j’ai se retrouve plutôt bien derrière des trucs jours là. Maintenant, il convient aussi de tenu la basse le temps d’une tournée au new wave et cold wave, par exemple. C’est remettre les choses en contexte. À l’époque Canada. On a notamment joué une date à sans conteste grâce à la culture musicale de Cracks, on sortait de nulle part. Chaque Montréal. Ça a été le coup de foudre immé- de Luuk. Il connaît tout sur tout. C’était su- musicien avait un look différent et l’image diat. Trois semaines après cette tournée, je per utile en studio dès qu’on se retrouvait du groupe n’était absolument pas cohé- me suis procuré un ticket d’avion pour y dans une impasse. rente. Je ne suis pas un grand fan de mar- retourner. Pendant un moment, j’ai même keting mais il ne fallait pas trois secondes songé à m’installer là-bas… J’ai l’impres- Quels échos espérez-vous rencontrer pour piger que nos fringues ne collaient ab- sion que cette ville est le symbole de tous à l’international avec ce nouvel album ? solument pas à la musique qu’on proposait. les possibles. J’ai composé une bonne par- C’est assez difficile d’anticiper. En France, Quand on se met en scène, il faut quand tie des nouveaux morceaux à Montréal. on peut dire qu’on a bien préparé le terrain même faire gaffe à l’un ou l’autre détail. Cette ville m’inspire. Plus que tout. Ça me avec Cracks. On a joué plusieurs concerts, Celui-là me semblait important. Pour cer- semblait évident d’y faire référence dans le partagé une tournée avec Balthazar et on a tains d’entre nous, le deal avec Bellerose a titre du nouvel album. obtenu de bons retours dans la presse. Pour été un déclencheur. Aujourd’hui, on a tous l’Angleterre, je ne me fais aucune illusion. trouvé notre rythme à ce niveau-là. Cha- Les Anglais ne nous attendent pas. Pour cun à son style et ça n’altère en rien notre s’imposer là-bas, faut vraiment cravacher. image. Mais avec du recul, organiser la sor- Des groupes anglais qui font le même genre tie du premier album de Roscoe dans un

de musique que nous, il y en a un paquet… magasin Bellerose, ça me paraît complète- Roscoe, Mont Royal, [PIAS] Recordings L’Allemagne reste un véritable objectif, par ment « too much ». www.roscoeband.com

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rencontre

rencontre chanson les œuvres de Marc Lavoine, Serge Gains- bourg et Yves Simon. Face à l’engouement, une version revue et corrigée de son pre- mier disque s’apprête à accoster le mar- Vincent ché français. Toutes les conditions pour briller au-delà des frontières du Royaume semblent alors réunies. Mais trois jours Liben avant la sortie, mon médecin généraliste m’a décelé une hépatite C. J’ai dû commencer un Le règne Animalé traitement. Ça a duré un an. C’était une tri- thérapie, un truc assez lourd avec des pilules La vie tient à peu de choses. à avaler à intervalles réguliers, une piqure à Sain et sauf, Vincent Liben s’auto-administrer dans le ventre et quelques éléments de chimiothérapie. L’action com- vient témoigner d’une existence binée de ces médicaments permet au- bousculée sur Animalé, troisième jourd’hui d’éradiquer le virus dans 80 % des cas. En attendant, ça te fout en l’air. Tu album singulier et intransigeant, deviens anémique, tu ne supportes plus les conçu à l’écart des sentiers gens, tu te traînes. Pour voir le jour, Anima- battus et des impératifs lé s’est ainsi frayé un chemin à travers les brumes médicamenteuses… J’étais totale- marchands. Sur ce disque, ment sous l’emprise des drogues. Je suis de- le futur-ex leader de Mud Flow venu insomniaque. Du coup, j’avais du temps © Pierre Debroux panse ses plaies avec des mots libre pour jouer de la musique. Je n’ai rien Vincent Liben fait d’autre pendant cette période. L’album est Animalé français et retrouve la santé en aussi marqué par la coexistence de deux re- Team4Action chantant. Animalé ou comment lations amoureuses. L’une est partie en caca- reprendre du poil de la bête. houète pendant mon traitement, l’autre m’a vraiment aidé à terminer les chansons. De Nicolas Alsteen sa première note à ses dernières secondes, Animalé se dévoile en toute fragilité. Point d’orgue du disque, le morceau Sur le Fil souligne d’ailleurs cette sensation d’ex- trême vulnérabilité. Quand j’ai écrit cet al- endant quinze ans, Vincent ça reste de l’histoire ancienne. J’envisage les bum, j’étais conscient que tout pouvait s’ar- Liben s’est débattu dans un cos- prestations de Mud Flow comme les reprises rêter du jour au lendemain. Les chansons tume beaucoup trop large pour lui. d’un spectacle. Rien de plus. C’est comme si je découlent de véritables pulsions. Partant de Pour gérer un groupe, il faut un lea- me glissais dans la peau d’un personnage pour là, je n’ai fait aucune concession. J’ai pris des der autoritaire ou partager une vi- jouer un rôle. Aujourd’hui, je cherche à être le risques. Enregistré en six jours dans l’en- sion commune. Il n’y a pas d’autre plus sincère possible en adoptant le langage ceinte bruxelloise des studios ICP, entière- alternative, affirme-t-il en grignotant méti- qui va me permettre de défendre au mieux ment produit par Vincent Liben, Animalé culeusement son sandwich. En 2010, sous le fond de ma pensée. Ainsi, Vincent Liben laisse affleurer dix chansons délicates, in- Ple soleil de juin, c’est la fin. Mud Flow se sé- s’est construit un rôle sur-mesure. Dandy times et, paradoxalement, ouvertes sur le pare, écartelé par d’insolubles dissensions à la voix de velours, crooner aux inflexions monde. À mi-parcours, la mélodie de La internes. Le processus était devenu trop dé- nicotinées, l’homme s’est métamorphosé Rivière s’écoule paisiblement, s’enlaçant mocratique. On voulait que le projet contente au contact de la chanson française. Après langoureusement autour de chœurs bul- tout le monde. Au final, plus personne ne s’y quatre ans de silence radio, il se porte au gares chinés sur Internet. En amont, sur retrouvait. Pourtant, en juillet dernier, coup chevet d’Animalé, son troisième effort solo. Le Refuge, Vincent Liben se retire dans de théâtre : Mud Flow remonte sur scène J’ai conçu cet album en songeant directement les Balkans le temps d’une ritournelle mé- pour un concert à Louvain-la-Neuve. Fi- à Animalé. Ça ne veut rien dire. C’est juste un lancolique : un petit air francophile qui nancièrement, on ne pouvait pas refuser. mot inventé. Pour moi, c’est une forme mys- marche sur les traces de quelques anglo- Quand on joue dans un groupe de rock, on tique, une créature spirituelle. Il s’agit d’un es- saxons illuminés (Beirut, A Hawk and a travaille des mois sur un disque. Quand il prit, une sorte de force vaudou. C’est assez abs- Hacksaw ou DeVotchka). À la différence de sort, on en vend mille exemplaires. Pour le trait, mais ça résume bien le processus qui a Tout Doit Disparaître où je me sentais obligé reste, tout le monde pirate les chansons ou les donné naissance à l’album. de passer par la case “chanson française”, j’ai écoute en streaming. Là, on nous proposait de abordé Animalé avec beaucoup plus de liber- travailler deux jours sur la préparation d’une Hépatite et chœurs bulgares té. Ici, je me suis laissé porter par des chan- date et de gagner cent fois plus qu’en enregis- Pour le chanteur, Animalé résonne tel un sons de Beirut, mais aussi par la musique de trant un album… Là-dessus, Mud Flow re- nouveau départ. Avant cela, il s’est fait Pink Floyd, des rengaines traditionnelles aca- met ça quelques mois plus tard sur les un nom avec l’album Tout doit disparaître. diennes ou des airs de La Nouvelle-Orléans. planches du Botanique : un deuxième Fin 2011, plusieurs médias français suc- Soit tout un monde d’émerveillement. concert de reformation joué à guichets fer- combent aux charmes de Vincent Liben, més. Un véritable succès. Pour moi, tout voyant chez lui un médiateur parfait entre www.vincentliben.net

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Rencontre

rencontre Pop Paon En roue libre Une flûte de champagne à la main, des bulles dans le cerveau, Ben Baillieux- Beynon et Aurelio Mattern ont mis leurs matières grises en commun par une nuit de la Saint-Sylvestre. Imprégnés par © Simon Vanrie la culture pop, assoiffés de refrains épiques, aon prend le temps de grandir et les deux garçons se sont construits de s’accomplir. Après un premier un son sous les plumes de Paon. Devenu E.P. et une belle salve de dates européennes, vous n’avez pas quatuor, le groupe a picoré des idées spécialement précipité la sortie colorées dans le champ du rock indépendant de votre album. Accordez-vous pour signer Shine Over Me, un premier une attention particulière aux différentes étapes qui jalonnent l’histoire du groupe ? E.P. frais comme la rosée. Un an après PBen Baillieux-Beynon : À l’origine, on n’ima- la publication de cette carte de visite ginait pas donner vie à quelque chose de consistant. Dans notre esprit, Paon était exhibée en première partie d’Alt-J, Eels plutôt un projet récréatif, un exutoire cen- ou Editors, Paon fait la roue sur la longueur sé combler nos temps libres. Quand on a commencé, je marquais une pause avec d’un album éponyme : une parade The Tellers. De son côté, Aurelio venait de lumineuse et sexy, séduisante à souhait. boucler un chapitre avec le groupe Lucy Lucy! Le premier E.P. de Paon constituait Nicolas Alsteen déjà un aboutissement inespéré… Aurelio Mattern : Avec Paon, on n’a jamais rien planifié. Le projet a évolué sans véri- table objectif. Quand on s’est associé à Jé- rémy Mulders (guitare, Ndlr) et Léo Camp- bell (batterie, Ndlr), on a pigé que quelque chose se mettait en place. À partir de là, Tous les musiciens impliqués dans Paon ration. On s’est donc contenté de lui en- on a voulu laisser du temps au groupe pour sont issus de la culture alternative. Cu- voyer les morceaux pour, éventuellement, se construire. rieusement, vous avez confié la production obtenir un retour ou une proposition. de l’album à Nicolas Quéré, ingé son fran- Deux jours plus tard, Nicolas Quéré nous a Les sonorités du E.P. laissaient transpa- çais déjà croisé aux côtés de Zaz ou Char- envoyé deux pages de notes, remarques et raître une certaine uniformité. Sur l’al- lie Winston. Soit des noms assez éloignés commentaires. C’était précis et argumenté. bum, on est confronté à des chansons de votre constellation. Pourquoi s’être Il s’est réellement passionné pour le projet. beaucoup plus explosées et bigarrées. Ces tourné vers lui ? contrastes étaient-ils recherchés ? Jérémy Mulders : Déjà, on était certain L’album a été enregistré à La Frette, un BB : Pour l’E.P, on tenait à respecter l’état de vouloir bosser avec un producteur ex- studio situé dans la banlieue parisienne. d’esprit des premières maquettes. On s’est térieur. Dans le groupe, on a tous des in- C’était l’endroit idéal pour façonner vos réfugiés à Liège, dans le Studio 5. On s’est fluences musicales différentes, des envies nouveaux morceaux ? mis dans une petite pièce et on a enregis- diverses. Si on avait opté pour l’autopro- LC : C’est un endroit incroyable. Un ma- tré quatre morceaux dans les conditions duction, on se serait retrouvé dans un stu- noir planqué dans une agglomération à d’un concert. C’est l’énergie qu’on cher- dio à tergiverser pendant des mois… Nico- un quart d’heure de Paris. Les pièces sont chait à faire passer dans les chansons. las Quéré s’est fait un nom avec des artistes énormes, les plafonds hyper hauts. Les Léo Campbell : Pour l’album, on s’est fixé de variété. Mais c’est lui qui est venu vers chambres se situent à l’étage. Mais chaque de nouvelles règles de travail. On ne vou- nous. Il souhaitait bosser sur notre album. piaule est câblée. On peut donc se réveiller lait pas reproduire ce processus. Ici, pas Pour lui, Paon était une bulle d’air : une fa- au beau milieu de la nuit avec une idée gé- question de s’enfermer à quatre dans une çon de faire de la musique comme il l’en- niale et l’enregistrer. Cette maison possède boîte et d’enregistrer les morceaux au pied tendait, sans être soumis à des obligations une âme. On est loin de l’approche asepti- levé. La démarche était différente, plus soi- “commerciales”. sée qui caractérise habituellement les stu- gneuse et expérimentale. On a vraiment BB : Au début, on était dubitatifs, pas dios d’enregistrement. L’écho naturel des été dans les détails. convaincu du bien-fondé de cette collabo- lieux, notamment, dégage quelque chose

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Rencontre d’unique. Et puis, surtout, quand tu bosses rencontre folk là-bas, tu as l’impression d’être chez toi. Le premier single de l’album s’intitule Te- Azerty veee. Est-ce un clin d’œil à votre label 62TV Records (maison de disques de Girls In Hawaii, Dez Mona, Alpha Whale ou Mu- Le miracle de Jalhay jeres) qui fête cette année ses 20 ans ? BB : C’est involontaire. Mais ça tombe bien ! Deux amoureux de la nature aban- (Sourire) Teveee, c’est l’histoire d’une chan- donnent leurs chœurs sur un premier son écrite en un temps record. Un jour, en zappant devant la télé, j’ai songé que ça essai baptisé Jalhay. Réconfortantes pourrait être intéressant de composer un comme un feu ouvert au creux morceau sur la base de ces transitions fré- nétiques. J’ai attrapé ma guitare et asso- de l’hiver, les chansons d’Azerty cié chaque image à une phrase : un exer- ravivent la flamme du folk avec un cice spontané et assez lapidaire. Au final, sens raffiné du détail. Arrangements le texte de cette chanson n’est pas du tout linéaire. Il relève même de l’inexplicable. divins, harmonies aux charmes C’est davantage de l’ordre du collage que de mystiques, envolées de trompette l’histoire. Mais quelqu’un, quelque part, se Ha + Øku Design

© et refrains sacrés relancent tout chargera sans doute de donner une signifi- cation à tout ça. (Rires) Azerty l’intérêt du pèlerinage de Jalhay. Jalhay Autoproduction Nicolas Alsteen En 2008, le groupe américain Fleet Foxes avait décoré la pochette de son premier album par un détail du tableau Proverbes e jour où Arnaud Clément a ren- et désacralisent ce phénomène surnatu- flamands de Pieter Breughel l’Ancien. contré Pierre Leroy sur les bancs rel. Mais on a débarqué dans ce hameau des Dans le même ordre d’idées, vous optez de l’université, ce dernier avait Hautes Fagnes pour une toute autre raison, aujourd’hui pour un fragment du Jardin déjà tapoté le nom d’Azerty sur confesse Arnaud Clément. C’est mon goût des délices, un triptyque esquissé en 1503 son clavier. Je regroupais mes pre- pour la bonne bouffe qui nous a amené là- par le peintre néerlandais Jérôme Bosch. mières démos sous cet enchaînement bas. J’ai été invité par un pote à déguster du Quelle(s) signification(s) accordez-vous à de lettres afin de les retrouver facilement sur cerf aux airelles dans un chalet. C’est comme cet ouvrage ? l’ordinateur, indique-t-il. C’est donc sur ça que j’ai rencontré le propriétaire des lieux : LC : J’ai découvert ce tableau récemment. Lla base de ces maquettes brodées sur le un mec génial qui aide les jeunes à financer Il m’a véritablement tapé dans l’œil. C’était manche d’une guitare acoustique que le des projets à l’étranger. Chaque année, il ras- comme une révélation. J’ai commencé à le duo rassemble ses voix : des chœurs apai- semble tous les voyageurs chez lui le temps contempler chaque jour, toujours à l’affût sants, chantonnés à la croisée des temps. d’une bringue dans la forêt de Jalhay. Convié de nouveaux détails, d’autres personnages. Azerty recycle en effet les vignettes mu- à la fête, Azerty joue un concert sous le toit Ça tournait à l’obsession. Quand la ques- sicales du passé (celles de John Martyn, en bois de cette bicoque bucolique. On est tion de la pochette s’est posée, j’ai instinc- Jackson C. Franck, Crosby, Stills & Nash) tombé amoureux de l’endroit, explique Pierre tivement proposé Le jardin des délices. Au avec un charme Déjà Vu dans les disques Leroy. En mai 2014, le duo revient ainsi à départ, on était parti sur l’idée d’une pho- d’autres collectionneurs de mélodies in- Jalhay en compagnie du multi-instrumen- to. Mais ma proposition a tout de suite sus- temporelles (des Kings of Convenience à tiste Boris Gronemberger, leader méti- cité l’enthousiasme du groupe. Beirut en passant par Syd Matters).Mais culeux de V.O. et batteur pointilleux de BB : Cette pochette prend la signification à l’origine, je suis un fan de metal, désamorce Girls In Hawaii. On cherchait quelqu’un ca- que chacun veut lui donner. La fresque se Pierre Leroy du haut d’un rictus totale- pable de nous guider dans nos choix et d’in- situe au carrefour du Paradis, de l’Enfer ment renversant. System Of A Down ou suffler un supplément d’âme au projet. Les et de la vie sur Terre. Visuellement, c’est Alice In Chains sont des noms qui me parlent talents d’arrangeur de Boris nous ont tout de puissant. Avec une telle œuvre d’art, on depuis toujours. Ces groupes peuvent sembler suite séduits. Dans ses valises, le produc- touche quasiment à une forme (con)sacrée à des années lumières de notre musique mais, teur emporte les chants célestes de Blondy de la beauté. On appréciait la dimension dans mon esprit, des similitudes existent. No- Brownie (Aurélie Muller et Catherine De ludique de ce visuel aussi : en écoutant le tamment au niveau des harmonies vocales. Biasio) et la trompette de Ludovic Bouteli- disque, on peut répertorier tous les person- Vertigineuses, celles-ci s’immiscent dans gier (Major Deluxe, V.O.). En six morceaux nages. C’est une pochette assez délirante et les moindres recoins de Jalhay, premier artisanaux, Azerty plante le décor de Jal- remarquablement colorée. essai enregistré dans le village du même hay : un espace enchanté, mystérieux et nom. Un lieu curieux où quelques supers- crépusculaire. La pochette du disque dé- www.paonband.com titieux ont, un moment, voulu croire au voile d’ailleurs ses détails en clair-obscur : miracle de la vierge illuminée. L’histoire une esthétique lunaire, rêveuse et mali- d’une statuette qui s’éclairait à la nuit tom- cieuse, totalement raccord avec cette mu- Paon bée. Sauf que le pèlerinage n’a jamais eu sique contemplative. Paon lieu. En mars 2014, des experts grattent 62TV Records/[PIAS] une couche de vernis phosphorescent azertymusic.bandcamp.com

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Rencontre

rencontre Musiques urbaines Akro Plus que jamais Si Starflam a renoué avec la scène, les membres du crew n’en pour- suivent pas moins aussi leur parcours en solo. À commencer par Akro, avec trois albums à ce jour. Quadrifolies, le quatrième, annoncé par Mon coca et mes Nike, ne sortira pas avant octobre, question de planning et de stratégie.

Didier Stiers © Sabri Duhem

’année commence bien pour le management de Leki et qui connaissait mon développement sur deux ans au ni- rappeur bruxellois : son nouvel quelqu’un chez Sony. Un jour, il est pas- veau live, mais je propose des singles qui album est non seulement bouclé sé au studio et il a été surpris. D’après lui, sont peut-être un peu plus catchy que la mais en plus, il a signé chez Sony ! il y avait vraiment quelque chose à jouer à démarche d’un groupe de rap pur et dur. En tant que producteur, cette fois, un niveau international et il a suggéré d’al- puisqu’il s’agit d’une licence. Mais ler quand même voir chez Sony. Et puis ça Il vous reste du temps pour faire autre franchement, j’ai rarement vu autour d’une c’est avéré positif assez vite ! chose ? table des gens aussi impliqués. Même depuis Imagine un jeune père de famille qui doit Ll’époque de EMI et de Starflam ! La dernière fois qu’on a entendu associer remplir son frigo comme n’importe qui, « major » et « artiste hip hop belge », ça avec un statut d’artiste limité à 1.142 eu- Ce « statut » suppose un gros travail pré- remonte loin, non ? ros par mois peu importe ce qu’il fasse alable ? Oh, quand nous (Starflam-ndlr) sommes comme chiffre puisque si c’est trop élevé, Effectivement, ça demande un gros travail sortis chez EMI, vers 2001 (l’album Survi- c’est repris sur ce que tu gagnes le mois sui- préparatoire pour apporter des produits fi- vant-ndlr), c’était déjà bien. Ensuite, Ba- vant… Je suis obligé de trouver des plans nis sur la table. Mais je suis maître de ce loji a aussi sorti son solo chez EMI. Il y a B pour maintenir la barque à flot. Je tra- que je propose à 100 %. Qu’il s’agisse de quand même eu des opportunités. Mon vaille énormément dans d’autres secteurs stratégie, des moyens qui vont être mobili- premier album solo (L’encre, la sueur et le que la musique pour avoir un plus. Mais on sés ou du levier promotionnel qui sera uti- sang-ndlr) est sorti chez Universal, une ma- est vivant, on est libre et on fait ce qu’on lisé : c’est vraiment intéressant de pouvoir jor aussi… Après, je pense qu’il faut aussi aime. Je pense que c’est ça qu’il faut re- être impliqué comme si tu étais « quelqu’un démystifier le terme « maison de disques », tenir : on a une chance inouïe de pouvoir de la maison » mais qui travaille en free dans le sens où ça reste des personnes. nous exprimer, de le faire avec les gens que lance. J’ai l’impression qu’on a totalement Tu peux tomber sur une équipe qui se re- nous choisissons, de faire une musique que confiance en moi, c’est terrible ! forme, qui n’accroche pas à ton truc et nous choisissons, de rencontrer des gens. qui t’abandonne après 20 jours de travail À l’échelle mondiale, nous sommes quand Cela n’aurait-il pas pu déjà se passer de comme tu peux avoir des gens qui ont une même dans un petit cocon ! Beaucoup d’ar- la sorte pour Bleu électrique, votre album prospective à long terme. tistes revendiquent des choses, et je suis à précédent ? 100 % avec eux, mais il faut contrebalancer Non, il se trouve qu’ici, c’est par le biais Comment envisagez-vous votre propre ça à l’échelle mondiale et se dire que nous d’un contact. À chaque album, je fais le « développement » alors que Starflam re- sommes quand même privilégiés ! tour des labels, un peu « mon marché », prend parallèlement du service ? quand j’ai quelque chose à proposer, à faire Ça a clairement été une de mes premières écouter. Il se fait que j’ai un ami, Nicolas questions, surtout que des festivals sont in- Michel, qui a une structure qui faisait le téressés par Starflam cette année. Je vois www.facebook.com/akro.starflam

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Rencontre

rencontre classique Pauline Claes L’humilité et le talent au service de tous les genres Dotée d’un parcours atypique, la jeune mezzo Pauline Claes marche dans les traces de la musique noire américaine, celle-là © J. Claes

même qui l’a menée sur errière Strange fruit, qui est coup marquée, tout comme les nombreux la scène classique. Pauline Claes ? spectacles de théâtre et de danse que l’on Pauline Claes : Je dirais que trouve à Bruxelles. Observer le mouve- Strange Fruit se veut je suis quelqu’un qui éprouve ment et la fluidité des corps m’a beaucoup être un spectacle sans cesse le besoin de cher- aidée pour ma propre pratique vocale. J’ai révélateur de la condition cher, de découvrir, de rencon- eu la chance d’avoir de merveilleux profes- trer, d’être investie dans des projets qui seurs de chant, ainsi que des professeurs des noirs américains. rendent le quotidien exaltant. Très jeune, de théâtre passionnés. Mais je retiens par- Focus sur un début Dje chantais de la pop et de la soul en fai- ticulièrement l’enseignement de la mezzo de carrière emprunt de sant un bref passage dans la section jazz française Nadine Denize, dans la lignée de du Conservatoire de Bruxelles à 19 ans. ces voix françaises nobles héritières de Ré- sensibilité. J’ai commencé le chant classique assez gine Crespin. Travailler auprès de grands tard par rapport à la « normale » (24 ans), et maîtres, c’est s’imprégner d’univers in- Ayrton Desimpelaere je suis entrée au Conservatoire l’année sui- croyables extrêmement porteurs. vante. C’est la voix de Whitney Houston qui m’a transportée pendant mon adoles- Comment s’est passée la transition entre cence tout comme d’autres voix « noires » : le classique et la musique jazz ? Aretha Franklin, Nina Simone, Donny J’ai toujours gardé un petit pied dans ces Hathaway… Par la suite, c’est Haendel qui autres musiques et ce spectacle était l’occa- m’a définitivement séduite et fait changer sion de réunir les différents types de voca- de cap, avec ses largo qui touchent direc- lités que requièrent le classique, le gospel, tement l’âme ou ses furioso qui réveillent le jazz et la pop, des vocalités que j’affec- les tripes. C’est cette possibilité de laisser tionne et ce, afin de retracer le parcours Strange Fruit s’exprimer une partie de soi plus profonde, d’une musique qui n’a cessé d’évoluer. En 1939, Billie Holiday chante Strange Fruit dans plus animale, qui m’a tant attirée dans le un café new-yorkais. Symbole de l’amorce du geste vocal. Les rôles de « travestis » me Un mot pour définir votre parcours ? mouvement des droits civiques aux États-Unis, la vont bien, j’aime me glisser dans la peau La persévérance, parce qu’il m’en fallu, chanson dénonce les lynchages des afro-américains. de personnages très différents. tout d’abord, pour réaliser mes études au En compagnie de Sarah Laulan (mezzo) et Julien Conservatoire sans moyens financiers ; en- Libeer (piano), le spectacle retrace le parcours de suite, parce que c’est un métier qui n’est ja- la musique noire américaine à travers celui de Nina Des artistes qui vous inspirent ? Une expé- Simone, aux étapes de vie révélatrices ; promise à rience déterminante ? mais acquis et enfin parce que le milieu une grande carrière classique, les portes se ferment Durant mes études, je me nourrissais au lyrique est très compétitif. Et puis, l’humi- face à ses origines. Mais son destin la rattrape : biberon Haendélien. J’écoutais aussi beau- lité, tout en osant. repérée, elle est projetée sur la scène internatio- coup Bach, Mozart, Schubert, Brahms nale. D’Armstrong à Gerschwin, voici une occasion mais aussi Britten, Debussy, Berlioz, Pärt de découvrir une musique dont la singularité découle ou Adams. La découverte du monde nos- de la fusion entre la musique classique, le gospel et talgique des poètes romantiques alle- la pop. mands à travers les lieder m’a aussi beau- Strange Fruit, le 28 mars au Petit théâtre Mercelis à Ixelles

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rencontre

José Van Dam, Jean-Louis Rassinfosse, Jean-Philippe Collard-Neven José Van Dam Meets Carlos Gardel

Magnone – studio Baxton Cypres ©

rencontre world José Van Dam Rencontre avec Carlos Gardel Si le tango est souvent associé à la musique de Piazzolla, faut-il rappeler que Carlos Gardel, né à Toulouse en 1890, est le premier à avoir chanté le tango ? En amenant cette musique dans les salles de concerts et salons de la bourgeoisie, alors qu’avant elle côtoyait maisons de passes et bars malfamés, Gardel a, d’une certaine manière, sacralisé cette musique qui était le cœur de l’Argentine.

Ayrton Desimpelaere

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rencontre

n 2010, José Van Dam met fin encore dans mon esprit. Au fur et à me- Que retenez-vous de cette expérience ? à sa carrière à l’opéra. Cette re- sure de l’écoute du tango, Gardel est sorti C’est un projet de 2/3 ans. Ça m’a permis traite ne l’empêche pourtant pas de l’ombre : c’est quand même le pape du de chanter une musique que j’aime, avoir de s’aventurer dans des genres tango chanté et sa voix a quelque chose de de nouveaux amis et ça m’amuse de faire et styles moins classiques. Ac- spécial. Devant sa tombe se dresse une sta- ce genre de chose. Aujourd’hui, je fais ce compagné de Jean-Louis Ras- tue de lui avec son chapeau, son manteau qui m’amuse, même l’enseignement. Je sinfosse et Jean-Philippe Collard-Neven, il et une cigarette allumée en permanence. crois que toutes les musiques peuvent reprend dans son nouvel album quelques Quand on a parlé de disque, j’ai soutenu s’enseigner aux jeunes. On peut prendre Echansons de Carlos Gardel, l’émancipateur qu’il fallait rendre hommage à Gardel avec l’exemple des bières : vous prenez cinq à du tango chanté, sur des textes de paroliers ses chansons composées ou chantées. Il six bières différentes, c’est à vous de choi- qui touchent toutes les couches de la popu- est mort en 1935 dans un accident d’avion sir celle qui vous plaît. C’est la même chose lation. Après trois années de travail pour et on murmure que ce serait un sabotage pour la musique. montrer les différents aspects du tango, en raison de ses incursions en politique et José Van Dam s’expose dans une collabo- du fait qu’il était très connu, surtout des ration avec les deux artistes. femmes.

Quelle est la genèse du projet ? Comment comprenez-vous cette musique ? José Van Dam : Je n’aime pas que la mu- Les musiciens travaillent beaucoup avec sique classique ou l’opéra. À 15/16 ans, leur instinct. C’est une musique qui doit j’étais déjà grand amateur de jazz et puis le pénétrer en moi pour que je la comprenne tango m’a toujours plu. Il y a quelques an- et si je ne la comprends pas, je ne la chante nées, j’évoquais à Jean-Philippe mon affec- pas. L’analyse est d’abord spirituelle. On tion pour le tango et le flamenco. Je crois m’a demandé de faire, en dehors du Saint- que ça lui est resté dans la tête. Il m’a alors François d’Assise de Messiaen, des disques proposé d’enregistrer un disque de tango de musique actuelle et j’ai toujours refu- avec lui et Jean-Louis Rassinfosse (voix, sé car je ne la comprends pas. Pour moi, piano, contrebasse) et j’ai voulu essayer le tango comme le jazz sont des musiques pour voir ce que ça donnerait. Ce sont deux classiques, puisqu’ils existent depuis des artistes extraordinaires et je dois dire que décennies avec leur propre chemin. Que ça m’a plu. Tous deux sont très sympa- vous fassiez du répertoire français, ita- thiques et musiciens, ce fut très facile. Je lien, allemand, on chante toujours avec la connaissais déjà Jean-Philippe et Jean- même technique de base. L’émission peut Louis m’a directement plu. Dans le mé- changer selon la langue mais c’est le texte tier, c’est la simplicité des personnages qui qui le demande. Pour le chanteur, il ne faut est importante. On essaye de ne pas avoir rien changer et surtout pas la voix. Une belle rencontre un dikkenek, comme on dit à Bruxelles, et Lorsque Jean-Philippe Collard-Neven apprend dans tout s’est très bien passé. On a poursuivi en Et pour les répétitions ? une interview que Carlos Gardel est l’un des chan- donnant quelques concerts, notamment à J’aime bien répéter jusqu’au au moment où teurs préférés de José Van Dam, l’idée d’un disque Arras où l’on a enregistré en public ce que je dis que c’est assez. Je me rappelle d’une lui vient à l’esprit : Lorsque José a reçu un Octave d’honneur pour l’ensemble de sa carrière, on m’a deviendrait ce disque. phrase que m’a un jour dite Karajan : Vous demandé de l’accompagner à la cérémonie, puisque savez, avec un orchestre, il ne faut pas trop ré- j’en avais moi-même reçu un plus tôt. J’ai eu Qu’est-ce qui vous attiré dans ce projet ? péter car sinon il se lasse de la musique qu’il l’occasion d’en parler avec lui et il m’a confirmé que L’enthousiasme de Jean-Philippe qui a dit : joue et au moment du concert, il ne fait plus c’était un chanteur qui lui faisait dresser les poils. On doit absolument faire un disque ! Durant attention. Il faut arriver juste à la frontière. D’une Sonate de Brahms à une grille de jazz, ma carrière à l’opéra, je n’ai pas eu le temps Avec un public, c’est toujours différent. le pianiste apprécie diversité, rencontres et curio- de m’intéresser à ce répertoire, ce qui n’est J’ai chanté Figaro des Noces plus de 400 sité. À travers Carlos Gardel, c’est l’histoire de l’empire colonial qui le touche : Musiques occiden- plus le cas depuis que j’ai arrêté. fois et c’était chaque fois différent, sinon ça tales et indigènes se métissent. Je trouve toujours devient la barbe. En concert, vous essayez touchant de sentir quelque chose qui est de sa Que pensez-vous du disque ? d’aller plus loin dans vos recherches, ce propre langue, mais traversée d’autre chose. Le Dès le départ et grâce aux deux musi- qu’on ne fait pas en répétition. Si on le fai- rêve du pianiste, c’est d’organiser une tournée en ciens, je dois dire qu’il y a une atmosphère sait, ça deviendrait un mécanisme. Ça doit Amérique du Sud. Il évoque alors la rencontre avec qui s’établit et qui est maintenue jusqu’au être le moment réel. beaucoup d’émotion : C’était une rencontre très bout. L’amateur de tango sera peut-être forte. On est tiré vers l’avant, c’est une fluidité, une liberté et une simplicité absolument énorme. Ce déçu parce que notre tango est plutôt jaz- Y’a t-il d’autres choses que vous écoutez ? n’est pas seulement une question de niveau mais zifiant. C’est aussi une des première fois Dansez-vous le tango ? de grandeur d’âme. À un moment donné, il y a une que je chante en espagnol, une langue que J’aime beaucoup le flamenco, surtout transmission qui se fait, mais c’est mystérieux. J’ai j’aime beaucoup, plus terre-à-terre que quand c’est dansé, mais je ne le chante pas. appris de sa manière de phraser, de chanter. Rien l’italien et avec une voix un peu différente J’aime aussi le jazz, pas le jazz moderne. qu’apprendre à jouer du piano en respirant avec lui, que lorsque je chante du classique. J’ai dansé le tango mais je suis un mauvais c’est déjà retrouver le sens de la phrase musicale. danseur. Rythmiquement, je sais ce qu’il Je n’aurai pas enregistré mon prochain cd solo sans cette expérience. faut faire, mais toutes les fioritures avec Qui est Carlos Gardel ? www.collardneven.com Quand j’avais 18/20 ans, Gardel n’était pas les jambes, ça je ne fais pas.

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trajectoire © Jacky Lepage

Steve Houben La vie en jazz

Plus qu’un simple musicien de jazz, Steve Houben est un homme curieux de tout, attaché aux valeurs humaines, à l’esthétique, à l’environnement… bref, aux choses simples et fondamentales qui devraient faire de ce monde quelque chose de viable.

Jacques Prouvost

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trajectoire

trouvé en Californie, à Berkeley, à traîner ta Rhei aux côtés de Luc Pilartz et parti- sur le campus à jouer de la flûte avec des étu- cipe à Anfass d’Alain Pierre et Fawzi Che- diants, des noirs surtout, qui jouaient des per- kili. Je préconise la liberté et l’ouverture. cus. Une rumeur se répand sur la Côte Cela demande un grand travail pour se com- Ouest : Chet Baker donnerait un concert prendre, ne fut-ce qu’au niveau rythmique. quelque part à San Francisco. Chet revenait Le rythme ! Pour Steve Houben, tout est « C’était la première dans le circuit après sa mésaventure dans la- rythme. Ses amis se moquent gentiment quelle il s’était fait casser les dents. Il fallait de lui lorsqu’il répète cette petite phrase, fois qu’un musicien de que je le retrouve. Il jouait un dimanche après mais il y tient et la défend mordicus. midi dans un petit club. On a parlé de Jean- Le rythme, c’est le pouls, c’est la vie. Le jazz devenait directeur Louis Chautemps, de Bobby Jaspar… C’est la rythme, dans le jazz, c’est comme les extrasys- première fois où j’ai eu l’occasion de jouer avec toles qui font battre le cœur plus vite ou moins d’un conservatoire. » lui. Il adorait la flûte et on s’est très vite bien vite selon que l’on soit ému ou pas. Il ne met entendu grâce à cela. d’ailleurs rien d’autre en œuvre lorsqu’il Après un bref retour en Belgique, et sui- travaille avec Bojan Vodenitcharov : On vant l’exemple de Philip Catherine et n’est pas dans les mêmes idiomatiques du jazz, Charles Loos, il retourne aux States, sur il n’y a pas ce swing ni ce groove, mais il y a la la Côte Est cette fois, pour s’inscrire à la pulsation et l’improvisation. célèbre Berklee College of Music à Bos- ton. À l’époque, en Europe, il y avait une cer- Le conservatoire. Et après ? taine lourdeur idéologique pour apprendre la Avec une telle culture, une telle ouverture n écouterait parler Steve musique, qui ne collait pas trop avec le jazz. d’esprit sur le monde et sur la musique en Houben pendant des heures. Les américains emploient des “trucs” qui particulier et, surtout, une grande envie Les yeux rieurs, parfois “marchent tout de suite” pour enseigner. On de partager son savoir, Houben ne pouvait dans le vague, comme un te dit d’essayer telle chose parce que ça sonne être que le candidat idéal pour redonner de peu perdus dans les rêves, il terrible ! alors qu’en Europe on avait ten- la brillance à une institution comme celle n’est pas avare d’anecdotes dance à t’interdire plein de choses. L’approche du Conservatoire de Liège. Il y est nom- lorsqu’il s’agit de partager ses souvenirs ou était différente, j’avais l’impression de savoir mé directeur en 2012. C’était un honneur et de transmettre ses expériences. écrire. Bien sûr il faut faire ensuite ce fameux aussi une façon de me confronter à toutes les OSaxophoniste et flûtiste, renommé bien au- mélange de tes découvertes et de ce que tu as musiques. C’était la première fois qu’un mu- delà de nos frontières, il a grandi du côté appris concrètement. Et je ne suis pas contre sicien de jazz devenait directeur d’un conser- de Verviers, entouré d’une famille sensible l’enseignement classique. Il suffit de penser à vatoire. Puis il ajoute en riant : Maintenant aux arts et à la musique. Bill Evans, par exemple, qui connaissait Stra- les choses sont rentrées dans l’ordre. En effet, Il y avait toujours de la musique à la mai- vinsky sur le bout des doigts et qui a trouvé après plus de deux ans à ce poste, il a pris son. Ma mère était une très bonne pianiste des choses incroyables. La musique n’est pas officiellement sa retraite. Ce passage m’a ap- qui avait fait ses études au Conservatoire de qu’instinctive, sinon elle n’irait pas loin. pris à être bien plus pragmatique et moins rê- Gand. Elle jouait principalement Bach ou Steve Houben prend contact avec Henri veur. Je me suis occupé de choses très ration- Chopin. Mon père, lui, était plus attiré par le Pousseur, alors directeur du Conservatoire nelles. J’ai appris à connaître des gens que je jazz et jouait de la clarinette en amateur dans de Liège et le convainc, sans trop de diffi- ne fréquentais pas avant, des comptables, des un orchestre qui s’appelait la Hot Session. cultés, d’utiliser ces méthodes singulières administrateurs, des surveillants… Alors, il L’éducation est paisible et sans faille. L’en- pour enseigner le jazz. Le mythique Sémi- continue à donner son avis pédagogique vie d’apprendre, de découvrir et de parta- naire est né. et à aider la nouvelle équipe, car il ne sera ger vient vite et ne le quittera jamais. L’en- jamais un fonctionnaire. Maintenant, il vie de faire aussi du théâtre le taraude un Entre une caresse et une main dans va se concentrer sur sa musique. Le bon- temps, mais c’est la musique qui prendra la gueule, ce n’est qu’une question heur tient dans un grain de sable. Je crois que le dessus. Solfège et harmonie, à l’acadé- de rythme l’ont peut tout dire en faisant une seule chose. mie ou au conservatoire, Steve tend égale- En parallèle, Steve Houben crée Mauve Je me concentre sur un objectif maintenant : ment une oreille du côté de chez son cou- Traffic, son nouveau groupe, plutôt jazz le langage jazz, car c’est ça que je sais faire et sin, Jacques Pelzer. Il était pharmacien au rock, avec Bill Frisell, entre autres, qu’il que j’ai toujours fait. Je vais écrire. Je vais m’y départ et est devenu saxophoniste quasi pro- a ramené des États-Unis. Fort de ses remettre. Mais je ne rechigne pas à jouer des fessionnel ensuite. Il n’avait pas une très connaissances, assimilées à Berklee, il standards. Pour moi, le “fonds” standards est bonne réputation dans la famille, mes parents propose quelques compos et arrangements aussi important que le “fonds” Schumann ou ne voyaient pas d’un très bon œil que je le fré- pour l’Act Big Band de Felix Smitaine et Schubert. Il y a des trésors et on peut les mé- quente. Mais je l’ai fait assidûment vers mes de Michel Herr. Le seul arrangement pour langer. Ce n’est pas parce que Keith Jarrett l’a 18 ans. C’est l’époque Open Sky Unit et big band que j’ai fait, du reste. Il ne tient tou- déjà fait qu’on ne peut plus le faire. Cela peut Jacques Pelzer l’emmène partout en Eu- jours pas en place et forme HLM avec aller d’un long morceau de 45 minutes à 26 rope et ailleurs. Il le pousse à se découvrir Maurane et Charles Loos, enregistre avec miniatures de deux minutes… Tout est per- lui-même et à affiner son goût de la liberté le pianiste américain Dennis Luxion, com- mis. Et je ne sais pas où je vais aller. Alors, il et du voyage. Et Steve veut changer d’air. pose pour un orchestre à cordes de 21 mu- faut le voir sur scène ou en club. On le sent siciens, compose des musiques de films ou heureux de jouer et de s’exprimer. Et on Chet is in town ! de documentaires, enregistre avec Jacques l’écouterait pendant des heures. Je voulais découvrir l’Amérique. J’avais mis Pirotton et Stephan Pougin. Il s’intéresse quelques économies de côté et je me suis re- aux musiques venues d’ailleurs, fonde Pan-

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zoom DR

75 anszoo de Jeunessesm et de citoyenneté Musicales

Le 17 octobre 1940, en pleine occupation, Marcel Cuvelier, directeur de la Société Philharmonique, créait au Palais des Beaux-arts de Bruxelles le premier concert à destination de la jeunesse*. 75 ans plus tard, les Jeunesse Musicales sont devenues une véritable institution qui a essaimé à travers le monde. Les « JM » (pour les intimes) sont présentes dans 64 pays, jusqu’en Australie, et sont reconnues par l’UNESCO comme la plus grande organisation mondiale en charge de l’éducation musicale des jeunes.

Catherine Makereel

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zoom

’emblée, il y a une dimension citoyenne au projet, puisque quatuor à cordes MP4 et le compositeur Pierre Slinckx à mêler ce concert avait pour but de restaurer un espace de vie leurs univers musicaux (le 24 avril au Théâtre 140). Pour les pe- collective pour les jeunes alors même qu’en cette année tits, le ciné-concert La jeunesse de Mickey plongera dans le passé 1940, les rassemblements étaient interdits, analyse Mi- pour découvrir que la célèbre souris imaginée par Walt Disney est chel Schoonbroodt, actuel directeur des Jeunesses d’abord née comme un personnage subversif et révolutionnaire, Musicales. avant d’être assagie par les pressions commerciales (en tournée à En 75 ans, l’activité des JM a connu une croissance exponentielle Bruxelles et en Wallonie). en Belgique : 1.200 concerts par an dans les écoles, depuis le fon- damental jusqu’aux académies ; 350 concerts tout public par an, D www.JM75.com. dans les grandes salles comme Bozar et Flagey ou dans les petits centres culturels locaux ; mais aussi des milliers d’heures d’ate- *voir « C’était le… 19 octobre 1940 » (p.39) liers d’éveil musical dans les écoles, des stages, des formations ou des festivals qui donnent de l’emploi à 250 artistes et à 150 anima- teurs par an. Si partout ailleurs c’est la crise, l’activité des JM ne faiblit pas, avec une croissance inversement proportionnelle aux failles de l’enseignement en matière de musique. Malgré cette ex- pansion phénoménale, les JM entendent bien ne pas sacrifier au premier principe de l’organisation : la citoyenneté. En témoignent Un moment musical qui fait respiration dans l’école des projets comme Different Trainsde Steve Reich pour aborder la À l’école primaire du Berlaymont, à Waterloo, le jeudi est jour de fête pour les déportation des Juifs qui s’associe aux Territoires de la Mémoire e élèves de 3 car c’est jour d’éveil musical avec Jean-Armel, musicien et anima- pour aider les élèves à explorer ce douloureux sujet. Un concert teur des JM, qui les accueille avec son ami yukulélé, histoire de les mettre dans des JM n’est jamais un concert comme les autres. Le but est la décou- l’ambiance, avant d’embrayer avec des chansons, de la danse ou des jeux de verte. Parmi nos projets internationaux, nous avons déjà fait venir des rythme. Notre objectif n’est pas de former des musiciens. On peut susciter des Inuits avec leurs chants de gorge, ou des Sahraouis qui chantent leur vocations, bien sûr, mais ce n’est pas le but, affirme Jean-Armel. L’objectif est tradition. Ça permet de découvrir des coutumes ou des instruments d’amener un moment musical qui fasse respiration parce que la musique est un particuliers. De la même manière, leurs « concerts interactifs » per- autre mode d’expression. Catherine Stein, institutrice, reconnaît que les ateliers déclenchent souvent une autre façon d’être chez les élèves : Il arrive que des mettent de désacraliser la musique classique en invitant les en- élèves qui ne tiennent pas en place en classe, se comportent de manière tout fants et leurs parents à participer par le chant ou du body rythme. autre dans l’atelier. Quand l’enseignant participe à l’atelier, le rapport change Avec l’Orchestre à la portée des enfants, les musiciens se déguisent et avec les élèves. À leurs yeux, l’instit n’est plus cette personne qui ne se trompe jouent des personnages pour sortir du cadre figé de ce qu’évoque géné- jamais mais devient une personne qui danse comme eux, qui a des imperfec- ralement un orchestre philharmonique. tions, comme eux. Ça rend les relations avec les élèves plus proches. Et puis, au niveau social, il y a un formidable travail de cohésion au sein de la classe.

Si les JM fêtent en grandes pompes leurs 75 ans cette année, c’est Un bel outil de promotion surtout pour crier haut et fort qu’en dépit de leur grand âge, elles Le chanteur-guitariste de Puggy l’avoue : pas toujours facile de se lever à l’aube ne sont ni vieilles ni ringardes mais n’ont eu de cesse d’évoluer. pour être à Arlon à 8h30 et jouer dans un réfectoire devant un public de jeunes Il y a encore des gens qui croient qu’on ne fait que de la musique clas- pas encore bien réveillés. Pourtant, la tournée avec les Jeunesses Musicales sique alors que ça ne représente que 4 % de ce qu’on diffuse dans les a été formidablement formatrice pour le groupe. Au début, j’étais sceptique ! écoles. On a des projets de beat box, d’électro, de musique urbaine. On Je me disais qu’on allait se faire bouffer tout cru à aller sur le terrain des ados. fait aussi évoluer nos thématiques avec la société, à l’image de Geoffrey Mais finalement, on ne l’a pas regretté. Les ados sont honnêtes : tu sais tout Oryema, chanteur africain qui parle des enfants soldats. Bref, les JM de suite s’ils aiment ou pas, on ne peut pas leur mentir. Pendant plus d’un an, le groupe a sillonné les écoles, jouant parfois deux à trois concerts par jour. On ne chôment pas, avec pourtant des moyens de plus en plus serrés jouait devant un public qui n’était pas acquis d’avance, ce qui nous a appris puisque leur subvention n’a plus été indexée depuis 2010. Est-ce beaucoup du métier de la scène. C’était au moment où on composait Something que ça veut dire que, pour survivre, on va devoir privilégier les gens qui you might like, ce qui nous a permis d’essayer avec eux de nouveaux morceaux. ont les moyens et abandonner des classes de villages plus reculés, avec Comme dans les écoles, ils n’ont pas le droit de sortir leur iPhone, on avait des frais de déplacement plus importants, pour ne faire que les grands l’assurance de ne pas être filmés et que les morceaux ne se retrouvent pas le établissements ? Faut-il abandonner la promotion de projets plus com- lendemain sur Youtube. Ça nous a aussi permis de développer une solide fan- plexes pour ne faire que des choses plus accessibles ? Noa Moon repré- base, surtout au moment où Facebook devenait très populaire ! Non seulement, nous avons fait de belles rencontres mais tourner avec les Jeunesses Musicales sente plus de 100 concerts pour nous mais on ne veut pas faire que du est un bel outil de promotion ! hit parade parce que c’est ce qu’on demande. On veut proposer du jazz, de la world, de la musique contemporaine. Est-ce qu’on doit privilégier Sacrez le printemps au milieu des bois ! ce qui se vend et s’adresser aux plus riches ? Il est primordial pour nous La musique appartient à ceux qui se lèvent tôt. Les JM de la Province du Luxem- d’aller vers tous les publics. bourg proposent aux petits mélomanes (dès 5 ans) d’assister à une écoute du Sacre du Printemps d’Igor Stravinsky à 6h du matin, au milieu des bois, et vivre ce rite païen dans des « conditions réelles ». Pour pouvoir synchroniser la fin de la Programme représentation avec le lever du soleil, il nous faut la commencer à 6h08, précise Les festivités des 75 ans des Jeunesses Musicales, c’est jusqu’au Jean-Pierre Bissot, directeur des JM du Luxembourg. Attention, ce n’est pas 17 octobre : date du gala de clôture et de la fin d’un marathon une interprétation mais une écoute in situ. La musique sera diffusée et il y aura de 75 heures de musique non-stop. D’ici là, vos oreilles vont en une scène avec des projections en ombres chinoises, des effets pyrotechniques voir de toutes les couleurs. Impossible de tout détailler, mais atti- et des danseurs d’une école locale pour ponctuer ce Sacre. Mais avant cela, les rons votre attention sur le cycle des « concerts intimistes » qui se spectateurs, qui auront garé leur voiture à un kilomètre de là, seront emmenés, joueront dans des lieux singuliers, à l’église ou au musée notam- par petits groupes, pour une petite marche explicative sur l’histoire du Sacre. ment. Notez également dans vos agendas les Nuits Nomades, or- Après la représentation, un petit déjeuner sera offert avec animations musi- cales et fanfare pour continuer à faire la fête. Le 17 avril dans le bois des épioux ganisées avec la collaboration du Monde est un village sur La Pre- (infos : 063 41 22 81). mière, et qui inviteront le guitariste brésilien Osman Martins, le

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zoom zoom La nation alternative à l’heure de la globalisation © Thomas Point

Du côté de Liège, le label indépendant Honest House Records fête allégrement ses dix ans d’existence. Marquée par une profonde mutation des pratiques de consommation musicale, la décennie a poussé cette petite structure, comme tant d’autres fournisseurs de disques alternatifs, à se réinventer un monde. Au-delà du microsillon et des logiques numériques.

Nicolas Alsteen

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zoom Dominique Dominique Houcmant izen © izen Benoît L DR

omme souvent, pour ne pas écrire toujours, l’ori- dants. On fait valoir un patrimoine sonore qui nous touche profondé- gine d’un label indépendant reste une affaire de pas- ment. On ne cherche pas à dégager des revenus excédentaires ou à créer sion. Avant de se lancer dans l’aventure, on était juste un salaire. Notre démarche n’est pas professionnelle. De ce côté-là, les une bande de potes, des fans de rock alternatif, se rap- voisins de chez JauneOrange ont, eux, décidé de sauter le pas. On pelle Grégory Dubois, cheville ouvrière du collectif reste une structure artisanale, souligne Jean-François Jaspers, un Honest House. On allait voir des concerts un peu par- des activistes du label liégeois. Mais à un moment, on s’est profes- tout en Belgique. À côté de ça, on jouait dans des groupes comme Taï- sionnalisé pour faire face à de nouvelles perspectives : des possibilités de fun ou Frank Shinobi. Surtout, au début des années 2000, il y avait développement, des occasions d’élargir notre cercle de sympathisants. Il Cune saine émulation sur Liège. JauneOrange et Matamore avaient y a des labels qui fonctionnent sur la base du temps disponible d’un ou lancé le mouvement et tout le monde traînait du côté de la Soundsta- deux gars et qui défendent leur truc bec et ongle. Mais dans ce cas-là, tion, une salle de concerts qui, à l’époque, était vraiment « la » plaque il me paraît compliqué d’élargir ses activités. Créé en 2000, JO prend tournante des cultures alternatives liégeoises. Tout ça nous a donné d’abord la forme d’un collectif, mettant à l’honneur les forces vives l’envie d’organiser des concerts nous-mêmes et plus seulement d’y aller. de la pop indie locale via un site Internet et la publication d’une C’est comme ça que tout a commencé. Officiellement lancé le 9 mars compilation. Se transformer en label, c’est devenu une évidence. Au 2005, le projet se matérialise progressivement sous la forme d’un début on cherchait des partenaires mais, en Belgique, tu as vite fait le label. À partir du moment où tu t’actives dans une équipe qui défend tour… Plutôt que d’attendre que quelque chose se fasse ailleurs pour des musiciens et que ceux-ci publient des albums, tu te transformes nous, on a pris les choses en main. On n’est jamais mieux servi que quasi automatiquement en structure discographique. En dix ans, par soi-même. Parallèlement à ça, je m’occupais du management de Honest House a ainsi organisé des centaines de concerts et ravi- The Experimental Tropic Blues Band. Je gérais notamment les dates taillé les mélomanes de tous poils en trouvailles atypiques (Casse de concert du groupe. De fil en aiguille, mon côté « bookeur » s’est officia- Brique, Coyote, Foxes In Boxes, It It Anita ou Benoît Lizen). De- lisé. C’est comme ça qu’on a commencé à intégrer la dimension booking. puis peu, le label intègre également un département booking. Au Le label JauneOrange devenait ainsi un moyen de faire exister les pro- fil du temps, on est devenu un acteur du paysage musical alternatif. jets dans lesquels on croyait et, en plus, de les faire tourner. Le nom de notre structure circule désormais en Belgique, mais aus- si à l’étranger. Il n’est pas rare qu’on reçoive des propositions pour faire jouer nos groupes en France, au Luxembourg ou aux Pays-Bas. Che- min faisant, on a mis tout ça en place avec une certaine exigence de qualité. Aujourd’hui, je pense qu’on a acquis du crédit aux yeux de dif- Honest House : la maison du bonheur férents opérateurs. En phase avec les mutations du marché, le la- Pourquoi Honest House ? Après dix ans, on est bien en droit de se poser bel Honest House affiche donc un excellent état de santé après la question. Il s’agit tout simplement d’une référence au groupe de rock alterna- ses dix premières années d’activité. Cette évolution est positive, hy- tif Modest Mouse, explique Greg Dubois. Quand on a créé le label, on cherchait per constructive. Mais, il convient de relativiser… Notre financement un nom sympa, et puis voilà… Au-delà de cette analogie, il y a aussi tout annuel tient avant tout aux fêtes du 15 août : une grosse beuverie orga- ce qui se cache derrière Honest House : on pense sincèrement être des gens bien nisée du côté de Liège où les gens n’en ont strictement rien à caler de la avec, en tous cas, la volonté de faire les choses de manière honnête. On essaie musique. Avec le collectif, on dispose d’un bar qui, pendant cinq jours, de conserver une certaine intégrité par rapport à nos goûts musicaux, de rester tourne à plein régime. C’est grâce à ces revenus extra-musicaux qu’on fidèles à l’identité du projet, d’éviter les histoires de pognon et de placer les relations humaines en amont des projets. injecte de l’argent dans nos productions. On est des amateurs indépen-

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zoom

Booking : l’envie d’aller voir ailleurs NITES] font désormais partie intégrante des activités du label. Mais Devenu l’adresse officielle de formations comme The Feather, nous ne cherchons pas pour autant à nous positionner comme un opé- Leaf House, The K ou Pale Grey, le label JauneOrange a peu à rateur complet du live. Ce n’est ni notre domaine de prédilection ni peu décloisonné son domaine d’intervention pour élargir son notre fonds de commerce. Notre business, ça reste le disque. Ou, du champ de vision à 360°. Au niveau du booking, quand tu réussis à moins, la musique. Parce qu’aujourd’hui, les disques, cela ne signifie défendre correctement un artiste en Belgique avec son premier album, plus grand-chose. Quand on parle du « disque », on parle d’un ensemble tu dois nécessairement te poser les bonnes questions pour la suite de sa qui inclut également l’aspect digital, streaming compris. carrière. Vu l’étroitesse du territoire, il faut impérativement éviter les redites. Cela t’oblige à aller voir ailleurs. C’est un peu l’histoire de notre Agence tous risques label. Au début, tu essaies de sortir de ta cave, puis de ta ville et, ensuite Aujourd’hui, chez [PIAS] Belgique, la dimension live est donc de ta région. Après ça, tu tentes de te faire connaître dans ton pays. À complètement intégrée aux activités du label. Avant d’avancer un moment, il convient de confronter tes artistes à d’autres expériences sur le nom d’un artiste, la première chose que les programmateurs des afin de voir si l’intérêt suscité sur ton territoire peut aussi être rencon- salles de concerts veulent savoir, c’est la date de sortie du disque. D’ail- tré ailleurs. Dans mon esprit, il ne s’agit pas de grossir pour grossir, leurs, quand un spectacle ne marche pas, on reçoit parfois des mails de mais juste essayer d’aller un peu plus loin. Opérateur discographique mécontentement des promoteurs. Mais il me semble important de rap- dont l’existence ne se limite plus seulement aux disques, JauneO- peler qu’à la base, ce ne sont pas eux qui prennent les risques… Pendant range s’est fait un nom sur scène. Par extension, le label s’affaire un temps, on a parfois eu le sentiment d’être un peu spolié, en étant également à la programmation du Micro Festival, un événement à la fois au service du groupe, de ses concerts et des programmateurs estival dont l’affiche – belge et internationale – demeure alterna- de salles et festivals. À partir du moment où nous sommes intéressés tive. Totalement à son image. par les revenus du live, les échanges s’équilibrent forcément. L’album de Mélanie De Biasio est un bon exemple. Il est sorti en mars 2013. Life is Live Deux ans plus tard, on continue d’attirer l’attention sur son disque pour L’adaptation par rapport à la scène et au live, on l’a aujourd’hui intégrée le faire vivre le plus longtemps possible sur scène. Si on s’en tenait à dans la forme contractuelle, explique de son côté Damien Waselle, une vision archaïque, on pourrait très bien se désintéresser du projet directeur chez [PIAS] Belgique. Cela signifie que nous incluons sys- dans la mesure où on vend moins d’albums. Mais, après deux ans, cela tématiquement dans nos contrats une commission sur les concerts. fait sens pour tout le monde que cette tournée soit un succès.En dix Chaque artiste qui sort un album chez nous accepte donc de rétrocéder ans, le mode de fonctionnement des labels alternatifs s’est ainsi une partie de ses revenus sur le live. Acteur incontournable dans le métamorphosé. Avant notre travail était assez clair. On faisait de la monde des musiques alternatives depuis plus de trente ans, le la- promotion, du marketing et on avait un résultat qui s’appelait « ventes bel [PIAS] s’est, lui aussi, adapté aux évolutions du marché en re- d’albums ». Avec l’évolution du marché, on est désormais moins bien ré- pensant ses signatures artistiques ou en valorisant sa marque de compensé en termes de ventes de disques. Maintenant, quand on lance fabrique. Début avril, à Bruxelles, le Palais 12 accueille ainsi la si- la carrière d’un artiste, on se doit d’avoir une vision globale. On doit xième édition des [PIAS NITES], vitrine derrière laquelle on re- tout donner pour défendre nos disques. Mais on doit également re- trouve les noms de BRNS, Modeselektor, Baxter Dury ou Oscar & lativiser la diminution des ventes physiques. Car cela sera peut-être The Wolf. Les [PIAS NITES], c’est parti d’une volonté de donner une compensé par davantage de streaming et une excellente réputation en visibilité à la « marque ». Avant de mettre cet événement en place, on concert. Nous ne sommes plus dans un schéma linéaire. avait fait un constat : [Pias] n’était pas très connu du public en tant que label. C’était un peu nébuleux pour les gens. On a donc cherché Deal-breaker : le bourreau des contrats à lui donner une image, un visage. Notre démarche commence seule- Chez [PIAS] Belgique, la dimension live est aujourd’hui intégrée aux activités ment à porter ses fruits. En Belgique, c’est maintenant un gros événe- du label. Chaque contrat artistique contient une clause relative à la scène. ment. Mais en France, par exemple, les [PIAS NITES] se rattachent À partir d’un seuil déterminé au préalable avec l’artiste, on prend une commis- exclusivement à la promo et aux lancements des nouveaux albums. sion sur ses concerts, note Damien Waselle. C’est un point essentiel. Si l’artiste Là-bas, on propose des concerts dans des salles assez intimistes, des ou son manager n’est pas d’accord avec ça, on ne signe pas. C’est ce qu’on appelle un deal-breaker. C’est stipulé dans tous nos contrats, mais il n’existe endroits de quelque 500 places. Ça fait partie de la stratégie de déve- pas deux contrats identiques. loppement qu’on imagine autour de la sortie d’un disque. Les [PIAS

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aperçu

Au total, vingt groupes et artistes sont en lice les vendredi et samedi. Les couleurs de la Belgique y sont défendues par Do- ghouse Sam And His Magnatones, trio explosif composé de Sam Wouter Celis (chant, guitare, harmonica), Frankie Go- mez (batterie) et Jackie O’Ronnie, qui n’est autre que l’ancien contrebassiste de The Wild Ones, combo rockabilly sulfureux né à Bruxelles au milieu des années 80. En clôture du festival, trois lauréats sont choi- sis par un jury de professionnels. Comme l’Eurosonic (Groningen, Pays-Bas), Pro- pulse (Bruxelles) ou le Glimps (Gand) le font pour le rock/pop, l’European Blues Challenge sert de tremplin à l’exportation pour tous ces groupes pas toujours média- tisés comme ils le mériteraient. Organi- sateurs de festivals, agents, labels… Tout ce que l’Europe compte comme professionnels œuvrant dans la musique blues sont présents

© Fred & The Healers à cet événement. Les trois lauréats qui sont primés reçoivent la promesse de se produire dans des festivals très cotés en Europe. Mais pour tous les candidats, il y a des débouchés aperçu possibles, que ce soit pour du live, de la promo- tion ou une distribution d’album, rappelle-t- e on à l’EBU.

5 European Le jeudi 12, en lever de rideau de la com- pétition, les spectateurs pourront, du reste, assister à une soirée 100 % noir-jaune-rouge où sont programmés quatre groupes belges Blues Challenge ayant brillé lors des éditions précédentes de l’European Blues Challenge : Hideway, Lightnin’Guy, Howlin’ Bill (le gagnant du premier European Blues Challenge à Ber- Toute la musique, lin en 2011) ainsi que Fred & The Healers qui proposera à l’ un concert spécial « 20e anniversaire ». Enfin, elle vient de là… la fête blues ne se limite pas à l’Ancienne Bruxelles accueille la cinquième édition de cette manifestation qui, selon Belgique puisque de nombreux show- ses organisateurs, est un peu au blues ce que l’Eurovision est à la variété. cases et concerts sont organisés dans dif- Alors qui sera le prochain Abba inspiré du Delta ou la prochaine Sandra Kim férents clubs et cafés de la capitale (infos complètes sur le site de l’EBU). Une autre des champs de coton ? Réponse à l’Ancienne Belgique du 12 au 14 mars. initiative, qui attire de plus en plus de vi- siteurs, est le Blues Market. Cette bourse Luc Lorfèvre qui se déroule pendant le Blues Challenge permet aux membres de l’EBU de présen- é en 2011 à Berlin sous l’ins- l’alcool mais aussi l’espoir, ils rivalisent ter leurs festivals/organisations/labels/ar- tigation de l’European Blues dans des joutes aussi amicales qu’endia- tistes lors de conférences ou de rencontres Union (EBU), association blées sous les yeux d’un public d’aficiona- improvisées. C’est pas cool, tout ça ? Allez, qui rassemble tous les pro- dos et d’un jury. Après deux éditions orga- on sort la bouteille de Jack Daniel’s et on fessionnels européens liés de nisées dans la ville allemande réunifiée, se met le Complete Recordings de Robert près ou de loin à ce genre mu- une autre qui s’est tenue à Toulouse et une Johnson dans les oreilles pour fêter ça. sical, l’European Blues Challenge permet autre encore à Riga en 2014, Bruxelles a chaque année de rassembler sur la même l’honneur d’accueillir du jeudi 12 au same- Nscène les meilleurs talents issus d’une di 14 mars ce 5e Challenge qui aura pour vingtaine de pays du vieux Continent. À cadre principal l’Ancienne Belgique. L’évé- coups de bonne humeur, de sueur, de solos nement est organisé par la Brussels Blues plaintifs, de cavalcades roots, de rythmique Society en collaboration avec la Région de shuffle, de pincées de slide et de récits évo- Bruxelles-Capitale. European Blues Challenge, du 12 au 14 mars, Ancienne Belgique. quant la misère de l’existence, les filles, www.europeanbluesunion.com

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Le . com

Un album “ en attendant ” l’album Passages obligés pour s’assurer une crédibilité artistique ? Simples exercices de style ? Façons d’exister encore quand les projecteurs sont temporairement braqués ailleurs ? Le disque live, la performance acoustique et la collection de remixes peuvent être un peu tout cela à la fois.

Didier Stiers

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Le . com

priori, cela pourrait tomber sous le sens. Les albums bosse sur mon projet solo acoustique, qui devrait « sortir » dès le mois de remixes et autres galettes « unplugged » relèvent de mars. Mon but est de jouer au maximum le nouveau répertoire que plutôt du « matériel d’attente », de tout ce qui peut j’écris pour ce projet. Quid alors du Thot en version unplugged ? faire patienter le public avant la sortie d’un album, L’expérience vécue d’avoir joué le répertoire de Thot de cette manière, un nouveau, un « vrai ». Le cas échéant, les remixes c’est aussi une façon de revenir à l’essence des morceaux, qui sont avant et autres « versions » pourraient être la clé permettant tout composés avec une simple guitare acoustique avant d’être instru- d’entrer sur un marché en temps normal peu réceptif aux pro- mentés et arrangés pour prendre la forme « rock-indus » qu’on connaît duits aussi exotiques qu’une chanteuse belge. Quand Mélanie De du groupe. ABiasio est revue et corrigée sous la houlette de Gilles Peterson, il On l’aura compris, Colin Van Eeckhout tout comme Grégoire devrait lui être en principe plus simple de se faire un nom en An- Fray n’imaginent pas l’album acoustique comme une simple pé- gleterre ou aux États-Unis. Voire y tourner. ripétie ou le produit qui va faire patienter avant le prochain al- bum studio ou la prochaine tournée. Mais je peux comprendre les Le remix comme carte de visite groupes qui sortent des versions acoustiques. Après tout, à mes yeux, Matériel d’attente, que l’album No Deal Remixed de Mélanie De une chanson n’est jamais figée dans le temps et je trouve intéressant de Biasio ? Sésame pour l’outre-Manche ou les États-Unis ? On peut voir comment elle peut évoluer au fil de son existence dans un réper- en douter… Tout d’abord parce que ce disque n’a vu le jour que toire et des performances. le 23 février dernier, alors que Mélanie a déjà eu l’occasion de se produire hors de nos frontières. À Londres, notamment, dans le Le live pas comme les autres cadre du Village Underground et du Meltdown, et puis ailleurs en À une époque où le disque ne se vend plus, ou si peu, et où les ar- Angleterre en première partie d’Agnes Obel. En outre, c’est l’al- tistes tentent alors de compenser (principalement) par la scène, bum d’origine qui a attiré l’attention sur la chanteuse carolo. Et un album live peut parfois tomber bien à point. Un coup straté- plutôt bien, même ! No Deal, sorti en 2013, a collectionné les chro- gique, histoire là aussi de faire patienter avant la sortie de maté- niques enthousiastes : 4 étoiles dans le Guardian, Mojo et Record riel neuf. Certains ne font cependant pas les choses comme les Collector, excusez du peu ! I’m Gonna Leave You, son single, a eu autres et donnent un peu plus de sens, de consistance au tradi- les honneurs de la playlist de la BBC (6 Music) et son interprète tionnel disque en public. s’est retrouvée, elle, à l’affiche du Later With Jools Holland, ce qui Septembre 2013 : les Girls In Hawaii sortent leur troisième album n’était plus arrivé à un artiste belge depuis des lunes. studio, Everest, refermant par la même occasion la parenthèse Ce No Deal Remixed est également, un peu, l’œuvre de Gilles Pe- douloureuse ouverte avec le décès de leur batteur. , terson. L’homme de radio et dj avait lui aussi apprécié l’album Ancienne Belgique, et autres : les concerts en salles original, au point de devenir le curateur de cette collection de re- et les festivals qui suivent valent au groupe une volée de critiques mixes. Des remixes parmi lesquels on retrouve celui de Eels, le élogieuses et partout le public répond présent. tout premier jamais réalisé par Mark Oliver Everett. L’Américain, Novembre 2014 : dans ce contexte de « retour réussi », l’album Hello lui, avait craqué l’été dernier, quand Mélanie De Biasio faisait sa strange fait un peu office de surprise. D’abord parce que ce disque première partie au Royal Albert Hall à Londres. Eels et Peterson compte treize titres, issus des albums studio (From here to there fournissent chacun leur version, de même que, entre autres, The en 2005, Plan your escape en 2008 et, donc, Everest en 2013) et de Cinematic Orchestra, Chassol, Hex ou encore l’Italien Clap ! Clap ! l’EP sorti l’an dernier (Refuge). Un peu tôt pour un best of ! Sauf Si à priori l’Angleterre connaît déjà l’artiste belge, les États-Unis y qu’il ne s’agit pas d’un best of mais d’un live. étonnant ? Arrivant trouveront peut-être là une carte de visite pour le moins originale. après tous ces concerts, ça fait un peu opération marketing, genre « il faut battre le fer tant qu’il est chaud », d’autant qu’il existe aus- L’expérience acoustique si depuis le mois de janvier dernier en édition vinyle collector li- Il fut un temps, que les moins de vingt ans ne peuvent pas mitée ! connaître (air connu), où MTV ressemblait encore à quelque Le groupe, où l’on compte plus d’un fan de Kurt Cobain, voit néan- chose, multipliant les émissions originales et inventives. Bien sûr, moins Hello strange comme un album à part entière. Différent, ce n’est pas elle qui a un jour poussé les artistes à sortir les doigts certes, mais à part entière. Enregistré en public et en acoustique de la prise et à empoigner une guitare acoustique, à se réunir le à la Ferme du Biéreau à Louvain-la-Neuve, ce disque vaut à l’audi- temps de ce qui ressemblait parfois à une jam et à se produire en teur un GIH comme il ne l’a pas souvent entendu. Nouveaux ins- petit comité, mais n’empêche, son Unplugged est un peu devenu truments, arrangements modifiés ici et là, le répertoire du groupe l’une de ses marques de fabrique. En plus d’avoir donné naissance se trouve une nouvelle vie, dans le style de démarche déjà entre- à quelques disques qui ont marqué l’époque et rempli les bacs des prise par les garçons de Great Mountain Fire quand ils revisi- officines spécialisées. Clapton par-ci, Nirvana par-là… pour n’en taient leur album Canopy. citer que deux qui sont peut-être même déjà entrés dans les livres On avait envie d’une mise en danger, confient alors Antoine et Lio- d’histoire. nel sur les ondes de Radio Neo. C’est un pont entre ce qu’on a fait de Ils ont toujours été nombreux, ceux qui pratiquent l’expérience plus naïf, de plus pur au tout début, et des choses qui représentent plus acoustique pour se ressourcer, changer quelque peu de décor, ou l’avenir, comme des versions qu’on change complètement. Ce n’était pas trouver de nouvelles sources d’inspiration le cas échéant. Parfois prémédité, mais ce n’est pas non plus anodin qu’il arrive maintenant : dans un environnement a priori plus apaisé, comme on l’imagine il y a là une idée de laboratoire. Nous voyons la suite de manière assez par exemple pour Colin H. Van Eeckhout d’Amenra. Il vient de se ouverte et lumineuse. lancer dans l’aventure du disque solo acoustique, qu’il voit comme Un tremplin : voilà encore une autre utilité de l’album qu’on qua- une sorte de journal de bord mis en musique. Avec une viole mé- lifierait sinon un peu vite d’« en attendant » . canique, semble-t-il ! Entre deux concerts de Thot, Grégoire Fray a lui aussi découvert les joies de la musique sans électricité. Il n’a pas encore multi- plié les prestations du genre, mais lui aussi a été mordu. Là, je

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décryptage

Candidats à « résidence » À l’heure où le métier d’artiste connaît des heures sombres et où le disque ne fait plus recette, comment font nos artistes pour se préparer à fouler les scènes de notre communauté ? Il est vrai que les subsides et les bourses se font rares. Mais des dispositifs subsistent pour accompagner les talents ou leur permettre de répéter dans des conditions « live ». Petit parcours fléché, en Fédération Wallonie-Bruxelles et même à l’étranger. à la Maison des Musique © Martin Huwart

astus Rafal Naczyk & François-Xavier Descamps C

n frappant à la bonne porte de la bénéficier d’une aide ou d’une subven- Fédération Wallonie-Bruxelles, tion. Cette reconnaissance ne constitue nul- musiciens de jazz, groupes de lement une sorte de « carte professionnelle » ; rock ou d’autres courants trou- elle est une étape obligatoire préalable à toute veront une panoplie de soutiens demande d´aide financière, renseigne donc à la création de spectacles, d’aide encore le site. à la production de CD et de vidéoclips, des L’obtention de l’aide est également suspen- bourses à la composition, etc. Mais qu’en due à la condition que l’artiste prenne contact Eest-il exactement quand on parle de possi- avec une salle de spectacle qui sera partenaire bilité de résidence ? Vers qui se tourner ? de la résidence et l’accueillera pendant un mi- nimum de 2 jours. Pour prétendre à une aide Le Service auprès du Service des musiques non clas- des Musiques non classiques siques, la résidence ne peut pas se limiter à Côté financier, les possibilités sont rares. de simples répétitions ou à la seule mise en L’heure est principalement à la débrouille place d’un nouveau répertoire. Afin d’apporter et à l’autofinancement. Le Service des Mu- une plus-value au concert, elle doit inclure un siques non classiques, qui relève du Ser- travail sur un dispositif scénique particulier vice général des Arts de la Scène de la Di- (scénographie, costumes, décor, mise en scène, rection générale de la Culture, a toutefois son, lumière) et/ou la présence d’un profes- dans ses missions l’obligation d’apporter sionnel extérieur au groupe (regard extérieur, aux artistes des aides à la résidence. Ces coach justifiant d’une expérience et d’un pro- aides, uniquement financières, sont oc- fessionnalisme). troyées sous avis consultatif du conseil des Il convient donc d’être attentif et de se ren- musiques non classiques, à qui est venu dé- seigner : www.artscene.cfwb.be. poser son dossier rempli en bonne et due forme, remis au moment opportun et ren- Les centres culturels et le Club trant dans les conditions. PlaSMa Un décret prévoit que toute personne, mo- Hors cette piste de financement éventuelle, rale ou physique, ait obtenu une reconnais- l’artiste en quête d’un espace pouvant ac- sance de la Fédération avant de pouvoir cueillir ses débordements scéniques voit

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décryptage

plusieurs options s’ouvrir à lui… s’il n’a Club à Liège, l’Atelier Rock à Huy, l’Entre- compagnement musical), des formations pas peur d’empoigner son téléphone ou de pôt à Arlon, le Belvédère à Namur, le Maga- courtes (3 à 4 jours de coaching scénique faire chauffer son clavier. sin 4 à Bruxelles, le Recyclart à Bruxelles en vue de préparer tournées, showcases…) Le dispositif des résidences est reconnu désor- toujours, la Ferme du Biéreau à Louvain- et des formations « à la carte » (technique du mais comme un outil de développement cultu- la-Neuve, l’Atelier 210 à Bruxelles encore, spectacle–son&lumières…). rel et de création artistique régional, national le Rockerill à Marchienne et le Salon à Sil- Citons encore l’initiative de Ça Balance, et européen, explique Françoise Gallez, at- ly. Plus d’infos à dénicher sur www.club- un programme d’accompagnement musi- tachée au service musique de la Fédération plasma.be. cal initié par la députation provinciale en Wallonie-Bruxelles. Traditionnellement, De plus petits lieux encore ont à cœur de charge de la Culture à Liège. Cette struc- des aides sont toujours allouées à l’enregistre- soutenir les artistes et leur proposent éga- ture vise à soutenir les jeunes groupes de ment et à la promotion. Mais l’avantage des lement de venir travailler en leurs murs. musiques actuelles en leur proposant des résidences, c’est qu’elles permettent de répéter Citons la Maison des Musiques à Bruxelles outils de développement : enregistrement dans des conditions live, avec des musiciens qui met à disposition une petite salle équi- en studio, encadrement par un musicien additionnels. Et de développer les aspects scé- pée et un technicien ou encore La Mar- conseil, séances de coaching, ateliers, niques, liés à la lumière, à la régie son, aux- lagne, ce centre du namurois appartenant master classes, aide à la promotion, aide quels ne sont pas toujours formés les artistes à la Fédération Wallonie-Bruxelles où les à la programmation… L’aide s’adresse aux musicaux, souligne-t-elle encore. artistes pourront travailler et être même jeunes groupes belges (jazz, world, rock, La première option, la plus simple et la hébergés à un prix démocratique. pop, hip hop, chanson française…) et aux plus courante, c’est de contacter les struc- artistes solistes travaillant sur du matériel tures susceptibles d’accueillir les artistes. Des résidences accompagnées original uniquement. Car les résidences font partie des missions Certaines associations proposent quant à Lézarts Urbains, actifs dans le domaine de nombre de lieux, salles et institutions elles des résidences accompagnées, sous des musiques urbaines, proposent éga- subventionnées par la Fédération Wallo- forme de coaching et autres accompagne- lement épisodiquement des résidences nie-Bruxelles. ments spécialisés. Dans cette configura- accompagnées par des artistes issus du Du Centre culturel René Magritte à Les- tion, les espaces ne se contentent pas de milieu. sines au Centre culturel de Chênée en pas- fournir un lieu équipé mais également sant par à Bruxelles, les pistes des professionnels qui encadreront la ré- Et à l’étranger ? sont nombreuses et variées et les artistes sidence et conseilleront les musiciens. Les « résidences » s’offrent aussi à l’interna- devraient pouvoir trouver écrin à leur mu- C’est le cas pour les musiques classique et tional. Ici, c’est à Wallonie-Bruxelles Mu- sique dans un lieu plus ou moins proche de contemporaine avec l’asbl Chamber Mu- siques, la structure qui fait la promotion chez eux. Attention, par lieu de résidence, sic for Europe, qui peut accueillir des mu- des artistes à l’international, qu’il convient entendons-nous bien ! Il ne s’agit pas d’un siciens et des petites formations (trio, qua- de s’adresser. WBM propose notamment simple lieu de répétition mais bien d’une tuor) au sein de la Maison des Cultures et une semaine d’accompagnement aux Ren- structure capable d’accueillir groupe rock de la cohésion sociale de Molenbeek et de contres d’Astaffort,créées il y a vingt ans par ou formation classique, en lui offrant les la Maison des Musiques à Bruxelles. La Francis Cabrel. Neuf jours durant lesquels conditions scéniques et techniques sus- structure Ars Musica, qui développe le fes- quatorze artistes (A)stagiaires, comme on ceptibles d’aguerrir à la pratique live et en tival du même nom, propose elle aussi un les surnomme, font chaque année trem- public de leur art. Certains lieux acceptent programme centré sur la composition et la bler les briques du petit village du Lot-et- également de recevoir des artistes en rési- création, mettant en contact des composi- Garonne. Les six premiers jours sont dédiés à dence en vue de l’enregistrement d’un al- teurs et des ensembles en vue de jouer de la création, les trois autres aux intervenants et bum : préparation de maquette, session de nouvelles œuvres en musique contempo- aux répétitions pour un concert live, expose composition en groupe et d’arrangements. raine. Patrick Printz, directeur de WBM. Ils y Les salles « rock » du réseau Club PlaSMa Le Studio des Variétés est une émanation sont non seulement coachés par des ar- ont également dans leurs prérogatives directe du Studio des Variétés de Paris tistes célèbres, mais ils doivent également d’accueillir les artistes issus du milieu créé en 1984. Il s’adresse aux artistes des apprendre à travailler collectivement. Ce non classiques (musiques actuelles). Re- musiques actuelles (en développement ou travail de recherche est ensuite ponctué lativement bien équipés, ces lieux sont confirmés) bénéficiant ou non d’un enca- par un concert local où leurs chansons une bonne alternative aux centres cultu- drement professionnel (label, majors, édi- sont présentées, avec des parrains invités rels et seront donc plus enclins à accueil- teurs, agents, managers…). Il dispense trois (Cali, Alain Souchon, Renan Luce…). lir des projets pop-rock-musiques urbaines types de formations : une version longue dont ils connaîtront bien les attentes. Les (35 à 40h d’accompagnement axées prin- D’autres pistes pour trouver des aides & résidences en Fédération membres de ce réseau sont : les Ardentes cipalement sur la scène, le chant et l’ac- Wallonie-Bruxelles sont à glaner sur www.aidesauxartistes.be

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in situ…

In ArsonicSitu… Mons, à l’écoute sabelle Françaix I ©

Début avril, dans le cadre de l’événement Mons 2015, s’ouvre Arsonic, un tout nouvel endroit d’écoute aux belles ambitions.

Véronique laurent

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in situ…

a stridence des scies circulaires résonne encore, pour l’instant, entre les murs immaculés de blanc de l’entrée de l’ancienne caserne des pompiers de Mons, tout en bas de la rue de Nimy. Tout ce bruit fera bientôt place à un calme plus propice à l’expérience musicale. Arsonic, Maison de l’écoute, sera fin prête pour son inauguration début avril. C’est promis. À l’extérieur, deux façades : une clas- sique tournée vers la ville et une contemporaine vers son entrée. LSi différentes mais complémentaires, unies par quelques lignes de fuite et aux deux frontons qui se répondent. La confrontation des époques est soulignée par un geste architectural franc. Sur sabelle Françaix I

la partie contemporaine, l’alternance des briques verticales, utili- © sées côté pile ou côté face, offre l’ouverture et crée une rythmique, schémas de fréquences ou portées, pour les esprits imaginatifs. Aspiration, inspiration Du passé, il reste à l’intérieur les hauts plafonds voûtés des an- La Chapelle du Silence sera endroit de recueillement, contempla- ciennes écuries, aujourd’hui devenues Passage des Rumeurs : une tif, gratuit, disponible à tous pour un moment de re-connection longue pièce d’exposition hybride entre objets d’art et de son qui avec soi-même. On y diffusera des sons de la nature, des chants sa- distribue également les autres espaces. La Maison abrite égale- crés, des musiques dans leur parcimonie. Parce que le silence n’est pas ment une salle de concert de 250 places, une salle de répétition, l’absence de son, c’est la présence à soi. Et donc aux autres et au monde une pièce de « l’émerveillement sonore » réservée aux enfants qui aime à répéter le directeur de Musiques Nouvelles. D’autres ex- viendront faire ici l’expérience de l’écoute de la musique. Et enfin, périences de la musique seront à vivre dans la nouvelle salle, aus- au cœur du bâtiment : la Chapelle du Silence. si asymétrique que la chapelle, aussi belle dans des proportions toutes différentes. Un petit balcon, un petit gradin et un grand Pensée, texte, dossier, plan gradin, disposés autour d’une scène centrale, lui donnent de l’am- Quand Jean-Paul Dessy, le directeur artistique de Musiques Nou- pleur. Des rideaux jouent la jauge pour moduler l’espace, de façon, velles, arrive il y a dix-sept ans à Mons avec son ensemble, il par exemple, à installer une écoute frontale de 150 personnes. n’existe pas de belle salle où les musiciens sentent que leur son sera Côté programmation : Des musiques qui suscitent une véritable magnifié. Pour le compositeur, aussi chef d’orchestre et violoncel- écoute, ce qui ne définit pas un genre musical, une esthétique ou même liste, il faut ici un lieu qui soit consacré au son, un lieu qui aide, une époque, mais une qualité. Il y a des musiques de fine écoute dans porte la musique, comme le Manège de Mons le fait pour la pa- les registres de la chanson, du jazz, du classique, du contemporain ; des role. Jean-Paul Dessy parle de son rêve, rédige des textes, monte musiques qui invitent à tendre l’oreille vers des choses plus subtiles, un dossier. Mons a l’ambition d’être une ville de culture et la Ville servies par une magnifique acoustique. Une préoccupation pre- décide, il y a cinq ans, d’affecter les locaux de l’ancienne caserne mière et continue, prise en charge par l’acousticien Eckhard Kah- au projet. La possibilité devient réalité. Les budgets venant de le, qui a habillé la base de béton d’un bardage de séquences de l’Union européenne et de la Fédération Wallonie-Bruxelles ras- bois, des planches de peuplier traité. Orientables, elles rendent semblés, un concours est lancé. Une vingtaine de projets de bu- l’acoustique de la salle légèrement modulable par une réverbéra- reaux belges et internationaux sont déposés. Beaucoup de candi- tion du son plus ou moins grande suivant leur angle d’inclinaison. dats étaient enthousiasmés par l’esprit du projet, raconte Jean-Paul C’est la salle toute entière qui peut être accordée. Comme un ins- Dessy, et la Chapelle du Silence constituait un défi, intriguait. C’est le trument de musique géant. Le Studio 4 de la Maison de la Radio à bureau belge Holoffe-Vermeersch Architecture qui l’emporte. Les Flagey a servi de référence de définition d’un standard de qualité architectes proposent pour matérialiser ce lieu insolite, un espace acoustique. Une salle construite il y a 85 ans et il est à noter que tout en hauteur qui s’élève en se rétrécissant, vers une ouverture depuis, pas un centime d’argent public n’avait été consacré, ni à de lumière zénithale dont on ne perçoit pas la source. Bruxelles ni en Wallonie, à la musique qui s’écoute.

Son, fusion Un luxe alors, cette Maison de l’Écoute en ces temps de restric- tions ? Un événement, reprend Jean-Paul Dessy. De quel luxe parle- t-on ? C’est un projet de 4 millions et demi d’euros. La Philharmonie de Paris, inaugurée en janvier, en a coûté 500. On a fait une Maison à la taille de la ville, de la Wallonie : à taille humaine. Je considère que c’est de l’ordre de l’indispensable, du nécessaire. Ce lieu va mon- trer qu’ici se dessine du lien social approfondi, une capacité à vivre l’art, la beauté, l’accès au son dans la disponibilité, le partage, le tout dans un même souffle.Le but est également d’élargir les activités à des expériences de poésies, contes, débats philosophiques. Les mots ne sont-ils pas aussi musique et son ? C’est toute la belle in- tention d’Arsonic, maison d’union, vivante, ouverte sur le monde, ouverte à tous.

Arsonic, visites et animations du 3 au 5 avril de 10h00 à 18h00, rue de Nimy, 138, Mons sabelle Françaix I Infos : 065 39 59 39 – www.musiquesnouvelles.be ©

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les sorties

Delannoye (ts), Laurent Barbier (as), Fé- fwb lix Zurstrassen (cb), Antoine Pierre (dm)) s’est vite retrouvé à tourner un peu partout dans le pays. Le répertoire s’est rapidement étoffé et Igloo s’est même proposé d’enre- gistrer un album. New Feel, c’est son titre, s’est légèrement éloigné du concept de dé- part puisque des compositions originales, Robbing Millions Lonely Carnivore toutes de la main de Vierset, se sont mé- Autoproduction/(Pias) langées à celles de Philip Catherine, Alain Pierre, Lionel Beuvens ou encore éric Le- Mugwump Récemment, Robbing gnini. Mais l’enthousiasme, la fraîcheur et Unspell Millions trustait, sans la liberté de ton est restée intacte comme Subfield/! K7/V2 trop forcer, les som- mets peu enviés des au premier jour. L’album recèle en effet Vétéran des soirées Maël G. Lagadec classements consacrés © de morceaux très bien arrangés mais sur- bruxelloises, ambas- aux pires pochettes tout très bien interprétés. Il suffit d’écouter sadeur d’une électro de l’année. Faut bien LG Jazz Collective la vigueur des solos de Jean-Paul Estiéve- sans œillères, Mugwump avouer que, de ce New Feel nart, par exemple, sur Move. De se laisser a exporté ses beats point de vue là, Lonely Igloo records emporter par le drumming éclatant de An- transgéniques sur les Carnivore tient le bon labels les plus influents bout du mauvais goût. toine Pierre. De respirer les superbes envo- de la planète synthé- Mais, heureusement, Qui pouvait imaginer en 2012, que le pro- lées d’Igor Gehenot sur The End Is Always tique (Kompakt, R&S, là n’est pas l’essentiel. jet unique et éphémère de départ allait Sad, soutenu élégamment par un Félix Eskimo, ! K7). Ingénieux Inversement proportion- se muer en un véritable groupe, défini- Zurstrassen impeccable d’un bout à l’autre et hyperactif, ce mili- nelle à la laideur de son tif et durable ? Cette année-là, Jean-Paul de l’album. D’apprécier les entrelacements tant des nuits courtes visuel, la musique de la expose désormais sa Schroeder avait proposé au jeune guita- de saxophones de Delannoye et Barbier sur formation bruxelloise riste Guillaume Vierset de revisiter la Dolce Divertimento. Et bien sûr, de se lais- science du dancefloor voyage dans les plus sur sa propre structure beaux interstices de musique de célèbres musiciens belges– ser bercer par la phraser à la fois lyrique et discographique. Après la pop psychédélique et liégeois en particulier – dans le cadre très moderne du leader (Toscane ou Nick D un E.P. introductif contemporaine. Dans du festival Jazz à Liège. Succès oblige, le notamment). Voilà un disque qui propose (Interluudes) conçu une galaxie éclairée par groupe, composé de la crème de la jeune autant d’excitation que de douceur, avec comme une somme les étoiles de Radio- génération de jazzmen belges (Igor Gehe- beaucoup d’homogénéité et de sincérité. d’influences inassou- head, Tame Impala, not (p), Jean Paul Estievenart (tp), Steven À suivre. vies (disco, new-beat, MGMT ou Deerhunter, la JP techno minimale, comète Robbing Millions house) à savourer sous offre un spectacle hallu- peut-être un détail pied au plancher, Madé Jarrett. Et des reprises quaaludes, l’artiste fait cinant : des traînées de pour vous mais, pour J. honore les mythes du (Jobim et Mancini) qui honneur à sa réputation poussières toxiques, des FùGù MANGO, ce disque rock’n’roll et réhabilite offrent une nouvelle vie d’agitateur. Jamais là explosions de mélodies veut dire beaucoup. Le les friches industrielles vaporeuse à ces grands où on l’attend vraiment, effervescentes et groupe bruxellois suit en de Détroit, planque classiques jazzy. Un Mugwump sort un une accumulation de effet à la lettre les pré- historique des pionniers beau disque aux lignes premier album composé tubes aux structures ceptes de cette musique du punk. NA mélodiques épurées qui de… chansons. Si le dé- complexes et extra- conçue au carrefour de baigne l’auditeur dans verrouillage de guiboles vagantes. Sous le ciel l’Afrique et de l’Occi- une ambiance ouatée, demeure au centre des belge, on a rarement dent, entre mélodies Madé J. comme lorsque la vision (d)ébats, Unspell se la assisté à un tel phéno- joue Djokovic : à l’aise pop et rythmes ances- Beat & Broke Ain’t Broken se trouble en traversant mène cosmique. NA sur toutes les surfaces. traux. C’est la base de Mottow Soundz une vitre embuée. FXD l’afro-pop : un modèle Capables de scintiller Loup solitaire, Madé J. pour Paul Simon (avec sous les stroboscopes a grandi sur l’île de Bali. l’album Graceland) et ou de briller sur les Mais c’est à Bruxelles une référence ancrée ondes, les nouveaux qu’il s’est fait une dans les gènes de jeunes morceaux font la part place au soleil. Fan de blancs désormais belle aux invités. Avec rockabilly et de guitares installés dans les chefs- Jean-Philippe Luke Jenner (ex-The arrosées de whisky, le lieux de la hype. De Collard-Neven Rapture), Circlesquare, garçon s’est révélé en Out of focus Londres (Jungle) à New Von Spar, Spookhuisje 2012 par l’entremise de Igloo records York (Yeasayer, Vampire ou l’homme fort de l’album Das Rumble. José Bedeur Weekend), la transe de et Charles Loos Minimal Compact (Sami Jamais à court d’envies Un nouvel album la savane met le feu au Le Jeune Homme et la Vie Morpheus Birnbach), ce FùGù MANGO électriques, l’homme en deux temps de bitume. Bruxelles suit Mogno Music casting alternatif relève JùJù aux cheveux longs l’excellent (et infati- Autoproduction aussi le mouvement du rêve mélomane : un revient aujourd’hui dans gable) pianiste belge Le sémillant contre- avec le joli JùJù de FùGù monde sans frontière l’actualité avec Beat & Jean-Philippe Collard- bassiste octogénaire En 1982, King Sunny MANGO. Sur ce disque où le rock sort en boîte Broke Ain’t Broken, un Neven. D’une part, José Bedeur et le Adé débarquait du pétri d’influences cha- et où l’électro enchante deuxième essai trans- des improvisations et pianiste Charles Loos se Nigéria avec Juju loupées et de fantaisies au-delà des genres formé à l’aide d’une six compositions person- relancent en duo près Music, un premier album alternatives, le quatuor (funk, new wave, disco cordes et de quelques nelles qui s’aventurent de quarante ans après fondamental signé sur imagine sept bonnes R&B ou post-punk). NA références sous tension. inévitablement dans leur première collabo- le label Mango. C’est raisons de danser sur la En seize morceaux joués les traces d’un Keith ration, dans la foulée pluie. NA

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du concert-anniversaire La Jungle Naomka, c’est juste un nom propre. Comme organisé pour les 80 ans s/t les morceaux sont arrivés dans le désordre, je de José Bedeur. Des Rockerill records n’ai pas cherché à les rassembler sous une idée, compositions souvent Six cordes bien élec- sautillantes et taillées un concept. Ici, la cohérence de l’album tient trifiées. Quelques fûts sur mesure pour le avant tout à la sonorité des chansons. D’au- (de batterie) aux peaux contrebassiste qui s’est tant plus que je les chante dans une langue bien tendues. Des riffs d’ailleurs toujours aven- imaginaire. Benoît Lizen berce en effet nos parfois bien ronflants turé aux quatre coins de mais le plus souvent oreilles en Galionka, un dialecte inventé la sphère musicale. Se acérés, voire over- de toutes pièces. Ça m’offre une liberté in- côtoient ici pêle-mêle, speedés. Des rythmes croyable. Quand j’étais ado, j’écoutais surtout valse, gigue, blues, et hypnotiques et parfois même reggae, au sein de la musique anglo-saxonne. Mais je ne pi- métronomiques. De la d’autres morceaux de geais absolument rien aux paroles. Au final, transe. Et de la sueur, facture plus classique. ce n’était pas plus mal. Tout cela stimulait assurément. La Jungle,

Le jazz comme source Dominique Houcmant mon imagination : chaque chanson était l’oc- c’est un peu tout ça et © de jouvence ? Assuré- plus… dans un simple casion d’inventer une nouvelle histoire. Cette ment. FXD duo guitare-batterie. Benoît Lizen réflexion m’a amené auGalionka . Pour moi, Une formule gagnante Naomka la musique, c’est comme un bon film d’horreur : qu’on avait repérée lors pas besoin de montrer les monstres. Mieux Honest House Records d’une label night dédiée vaut suggérer la peur. Ici, rien d’effrayant. à Rockerill records, Que du contraire. Hommage surréaliste à label sur lequel est sorti Biologiste et chercheur universitaire, Be- Robert Johnson, Skip James et à toutes les ce premier EP, primal, sauvage, moite. Et noît Lizen se détourne des études théo- âmes en peine du delta, ce disque réconfor- jouissif. FXD riques le temps d’un exercice pratique : un tant sort de sa tanière avec près d’un an de premier album de blues intemporel gratté retard sur la date initialement annoncée. Joseph Jongen sur les cordes d’une guitare acoustique ou Quand tu as le temps de faire les choses cor- Pages intimes d’un banjo. Véritable tour de force, Naomka rectement, tu peaufines les mélodies, tu rafraî- Nathan Braude, alto vadrouille le long des rives du Mississippi chis certaines idées et ajoutes des détails. Je ne – Orchestre et dépoussière la désolation des champs de suis pas pressé. Avec ce projet, mon seul objec- Philharmonique Royal de Liège coton à l’aide de mélodies à la beauté sau- tif, c’est de m’amuser. Mission accomplie et – Jean-Pierre Haeck, vage. Ce titre ne veut rien dire, explique-t-il. plaisir totalement partagé. NA direction Musique en Wallonie

En 1914, Joseph Jongen Astoria dans un lieu avec dix autres musiciens pour est contraint à l’exil In the mood for movies donner vie à un univers musical. Cette expé- en Angleterre avec Outhere/Fuga Libera rience a remodelé notre processus d’écriture. sa famille. Jusqu’à la Astoria s’est attelé Ça nous a redonné de l’envie et du souffle. cessation des hostilités, depuis quelques Showstar embarque alors sur un bateau le compositeur y donne albums, et de nombreux quelques concerts en figé dans les eaux de la Tamise. Enfermé concerts, à interpréter, compagnie de grands dans des cales reconverties en studios d’en- exclusivement, l’œuvre noms de la scène, tout registrement, le groupe partage ses mor- de l’argentin Astor en étant très productif ceaux avec le producteur londonien Rory Piazzolla. Ils reviennent sur le plan de la compo- ici avec un album à Attwell (Childhood, Palma Violets).Il vient sition. Les quatre pièces la thématique très de la scène punk. Cette esthétique nous intéres- reprises ici se dessinent référentielle puisqu’ils sait dans la mesure où elle permettait de cas- de 1915 à 1918 : la Suite

ont décidé d’enregistrer © Schyns Sofam pour alto et orchestre, ser l’image clinquante parfois associée à notre les compositions écrites à la demande de nom. Sans concession, l’album éponyme par Piazzolla pour le Showstar l’altiste Lionel Tertis, de Showstar culbute les mythes anglais de cinéma (comme pour mais désapprouvée, les l’ère Thatcher (Stone Roses, Happy Mon- Tangos, l’exil de Gardel, Showstar Tableaux pittoresques, de Solanas – César de Vespasonic/Freaksville Records days) avec des guitares aiguisées, des mé- pour petit ensemble la Meilleure musique lodies piquantes et des refrains terrible- puis élargi pour la de film en 86). On y Cinq ans après sa dernière sortie disco- ment tranchants. Showstar se refait une création, Pages intimes, retrouve également des dédiées à ses enfants graphique, Showstar est réapparu sur les santé en enfermant douze chansons sous réinterprétations de et la Sarabande triste, écrans radar avec le morceau Happy En- une pochette au visuel faussement négligé : morceaux utilisés par funèbre et dépouillée. dings. Une façon anticipée de tirer sa révé- un terrain vague surmonté d’un avis lapi- certains réalisateurs Loin de la guerre, sous rence ? On n’a jamais songé à la fin, promet daire (Sorry No Image Available). On n’avait dans la bande originale des teintes mahlé- de leurs films (notam- Christophe Danthinne, chanteur et guita- plus envie de rentrer dans le jeu de l’image. Ce riennes et ravéliennes, ment par Terry Gilliam riste de la formation hutoise. Mais après cliché est un pied de nez à toutes les démarches ces pièces au raffine- et son Armée des douze trois albums, de grands moments et quelques marketing. Pour faire ce disque, on s’est occu- ment champêtre et féé- singes). rique nous emportent FXD désillusions, on voulait repenser notre façon pé de tout, de A à Z. Quand j’ai vu cette photo, vers la lumière. AD de faire les choses. Au moment où Shows- j’ai pensé qu’elle correspondait parfaitement tar était à l’arrêt, on a eu l’occasion de s’im- aux idées défendues sur l’album. Elle dit bien pliquer dans le projet éphémère Silicon Bal- ce qu’est Showstar en 2015. Un groupe au top let. L’idée, c’était de s’enfermer quelques jours de sa forme. NA

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Electro Phil Abraham Madé J Roots & Wings Beat & Broke Ain’t Broken LISTE Lowcommittee Challenge Records Mottow Soundz échos d’ailleurs Race at Neon Club Vlek Records Théo Zipper Quartet Paon DES Faith Paon Vavox Autoproduction 62TV Records/[PIAS] Mélanie De Biasio SORTIES .be à l’Eurosonic Atomium Fabrice Alleman, Raphy Razz Envoyez-nous la Fabrizio Cassol, Through the Dark On avait repéré Mélanie De Biasio avec son superbe Wonder Monster Thomas Champagne, Brozen Productions The Flow, où la chanteuse pose sa voix grave et chau- date de sortie de Reborn Manuel Hermia, dement texturée sur un jazz teinté de blues et de folk. vos productions. Autoproduction Quadrupede Robert Jeanne, Visiblement, nous n’étions pas les seuls. Lauréate des Nous relaierons dans ces colonnes : Nicolas Kummert, Togoban [email protected] European Border Breakers Awards, une cérémonie qui Mugwump Michel Mainil, Black Basset Records Unspell Jacques Pelzer, récompense les nouveaux artistes européens dont le Chanson Robbing Millions Subfield Jan Rzewski, succès a dépassé les frontières, la musicienne envoûte Lonely Carnivore Cloes & Paternote duo Pierre Vaiana, avec un show minimaliste et élégant. Cloes & Paternote Autoproduction/[PIAS] Experimental Tom Van Dyck Autoproduction Sax Celebration Roscoe Lu sur tsugi.fr, posté par Elsa Ferreira le 19 janvier D.L., JEAN Igloo Jazz Records (digital) Mont Royal Jacques Duvall Early Nights [PIAS] Recordings Je ne me prends plus Sub Rosa Raf D. Backer pour Dieu Rising Joy Vincent Scarito Mountain Bike Freaksville Records (R) Prova Records Beings All About Satan y était aussi Johana Lg Jazz Collective Autoproduction Cheap Satanism Records (et s’est fait remarquer) Germination New Feel Showstar Autoproduction Igloo Records Showstar Considéré, à Bruxelles, comme un des groupes les plus Jazz Vespasonic/Freaksville Records excitants de ces derniers mois, ce quatuor franco- Vincent Liben Animalé Gipsy Swing Quintet Musique militaire belge a démontré une réjouissante capacité à élec- triser ses mélodies pop de riffs sales et têtus. Leurs Team4Action de Liège World – Trad Impulswing Royal Symphonic allures de joyeux lurons – débarquant en slip, habillés Lilee Syrius Band of the Belgian Astoria de longs maillots de basket vintage – collent à une Papa Hey Air Force In the Mood for Movies désinvolture qui n’oublie pas que le rock n’est rien sans Toi-Même ! Productions Gorgona – Yannick Spotlight on Soloist Outhere/Fuga Libera l’urgence. Mené par étienne, Perpignanais haut comme Schyns Quintet & Composers trois pommes mais au charisme malicieux, Mountain Cré Tonnerre Stories & Pictures ASBF Production Karavan Bordées Sauvages Ars Nova Arnoquins Bike file à toute blinde sur le parcours accidenté d’un Team4Action Autoproduction premier album éponyme, plus proche des confrères Jean-Philippe Pop – Rock américains de Parquet Courts que du plat pays. William Dunker Collard-Neven Myriam Fuks, Vikant au Sablon Azerty Out of Focus Ensemble Lakatos Lu sur lemonde.fr, posté par Stéphane Davet Igloo Records Jalhay Igloo records and Friends le 19 janvier Autoproduction Ver bin Ikh José Bedeur Avanticlassic Classique & Charles Loos FùGù Mango Le Jeune Homme JùJù José Van Dam meets Boyan Vodenitcharov Autoproduction Chiva Random Patterns et la Vie Carlos Gardel Mogno Music José Van Dam Outhere/Fuga Libera (digital) Goldenboy on Vice Jean-Louis Rassinfosse Lola Nicola Lancerotti Jean-Philippe La Chiva Gantiva es un águila con cara de chivo que vue- Johann Hermann Freaksville Records Schein et la tradition SKIN Collard-Neven la muy alto y viaja de continente en continente, conta- Lux des Leipziger Sta- La Jungle Cypres giando ganas de vivir y de disfrutar a cada instante. dpfeiffer Autoproduction La Jungle Así describe Rafael Espinel, frontman implacable, a la Slang & Purbayan Ich will schweigen Rockerill Records Jack Van Poll Chatterjee suya, una banda que, desde su centro de operaciones Alice Foccroulle, The Composer Pace of Mind en Bélgica, hace algunos años es patrona del ritmo, Reinoud van Mechelen, Benoît Lizen Hans Kusters Music derrochadora de buena vibra y catalizadora de sudor Béatrice Mayo-Felip Naomka Zig Zag World en el globo. (…)para lograr una mezcolanza musical InAlto – Lambert Honest House Records Colson, direction única y embriagadora que, con especial énfasis en las Outhere/Ramée furiosas tradiciones musicales del Caribe colombiano, el funk cachondo, el rock de estadio y el afrobeat des- Joseph Jongen piadado, ha recorrido miles de kilómetros encendiendo Pages intimes todo tipo de tarimas con su adrenalina, provocando Nathan Braude, alto, entre el público un desenfrene semejante al de un Rage Orchestre Philharmo- nique Royal de Liège, Against The Machine tocando bullerengue. Jean-Pierre Haeck, direction Lu sur vice.com, posté le 4 février Musique en Wallonie

Mario Capuana – Bonaventura Rubino Requiem Chœur de Chambre de Namur Leonardo García Alarcón, direction Outhere/Ricercar © Nicolas Moins

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Vue de flandre Mec Yek Musique balkanique à la sauce bruxelloise Mec Yek fusionne avec merveille le son métissé world/rock cuivré de Jaune Toujours avec la musique tsigane des chanteuses slovaques Katia et Mielka Pohlodkova. Le groupe sera au festival Balkan Trafik pour présenter son deuxième album. On veut briser les clichés établis par rapport aux tsiganes.

Benjamin Tollet © Theophane Raballand Theophane ©

ela fait un bon petit temps faire quelque chose de moderne. On marie le teuses sont bien plus affirmées. Ce sont de que Piet Maris, chanteur monde plutôt roots et rock de Jaune Toujours superbes chanteuses avec une grosse présence et accordéoniste du groupe avec la musique que Katia et Mielka écou- scénique. Il fallait captiver cette énergie sur bruxellois Jaune Toujours, taient en grandissant : la musique tsigane l’a l b u m , raconte Maris. Tout le monde a des est passionné par la musique traditionnelle chantée en romani et le r’n’b. préjugés par rapport aux tsiganes : ils vivent tsigane d’Europe de l’Est. Même si ce r’n’b est souvent de mauvais goût, dans la saleté, ce sont des soulards… Une Mon premier contact avec cette musique date on en a tiré l’essence pour faire une musique image folklorique qui ne reflète pas la réalité. des années 90 quand un ami était à la re- qui puisse plaire à un plus grand public. Un Il y a des tsiganes qui veulent une vie normale Ccherche d’un accordéoniste pour accompagner nouveau genre était né, le « gipsy hip » ! comme tout le monde. Le succès de la musique un chanteur tsigane. J’avais des doutes car je balkanique, avec les films de Kusturica et la ne connaissais pas du tout le répertoire ni la Leur premier album Antikrisis (2008) al- vague Balkan beat, n’a pas vraiment aidé à langue, raconte Maris. Le chanteur venait lie « cardasses » (morceaux rapides) et « hal- briser les clichés . d’un village hongrois près de la frontière po- gads » (lents et tristes). Certaines paroles lonaise. Sur place, c’était confrontant de voir parlent des camps de concentration et de www.choux.net dans quelles conditions les tsiganes vivent. La la peur sacrée que les tsiganes ont des skin- persécution pendant la seconde guerre mon- heads. En Europe de l’Est, il y a encore beau- diale et le communisme ont quasi entièrement coup de racisme contre les tsiganes. Leurs Balkan Trafik détruit leur culture. Seules restent leur menta- maisons sont incendiées, un père se fait battre lité et la musique. avec une batte de baseball devant sa femme et du 23 au 26 avril Vu que les tsiganes jouent de manière ses enfants… On ne peut presque pas croire Balkan Trafik est le festival de musiques balkaniques très différente, il a fallu beaucoup répéter. que cela existe encore de nos jours. Les tsi- par excellence. En quelques jours, il nous offre le Quand on reprenait un morceau, ils disaient ganes n’osent rien faire à cause de la discrimi- meilleur de la culture d’Europe du sud-est au Palais toujours mek yek, ce qui veut dire « encore une nation de la police et par peur de représailles, des Beaux-Arts de Bruxelles. Ouverture des festivités fois ». Ce n’était qu’un premier pas dans la affirme Maris. Quand ils fuient leur pays le jeudi 23 avril avec un événement gratuit sur la Grand Place. Vendredi 24 et samedi 25 avril, chaque musique tsigane, mais l’idée était née, ain- et arrivent en Belgique, on les renvoie car ils petit coin du BOZAR sera utilisé pour écouter de si que le nom du groupe, Mec Yek. Mec avec viennent d’Europe. Pourtant, leur peur d’être la musique aussi bien traditionnelle que moderne, c, pour faire plus bruxellois, explique Maris. agressé est fondée. Le racisme chez nous n’est boire du bon vin des Balkans ou encore savourer la Lors d’un concert à Gand, deux chanteuses rien comparé à là-bas. gastronomie de la région. Au menu : de la danse, des nous ont rejoints sur scène et ne nous ont plus expositions, des animations, des workshops et des quittés. Elles font partie du groupe depuis lors. Le nouvel album, sans titre au moment master-class. Le dimanche, le cinéma sera la star de l’interview, sortira juste à temps pour lors du Balkan Trafik Film Day en collaboration avec le Brussels Short Film Festival. Côté musique, ce le festival Balkan Trafik fin avril.On uti- Gipsy hip seront une vingtaine de groupes qui se succéderont, Avec les sœurs Katia et Mielka Pohlodko- lise le titre Taisa, une expression qui veut dire avec notamment Goran Bregovic, Kristijan Azirovic va, Maris a trouvé les chanteuses parfaites « on verra bien demain ». Les tsiganes vivent Brass Band (de Serbie, vainqueur du Guca festival pour faire le genre de fusion qu’il avait au jour le jour, ils n’ont pas le choix de faire 2013), Mec Yek bien sûr ou encore Oratnitza. l’habitude de faire avec son groupe Jaune autrement. Une des grandes différences www.balkantrafik .com Toujours. On part de la tradition pour en avec le premier album sera que les chan-

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Vue d’Allemagne et de Belgique Yellow Lounge au Klara Festival Du 6 au 21 mars prochain, le Klara Festival investira à nouveau pas moins de douze lieux artistiques belges pour quinze jours de musique. Dans l’optique d’offrir au public une vision plus moderne et plus audacieuse du langage classique, l’essence même du festival réside dans la diversité et la variété du projet artistique. Pour cette édition, nouvelle perspective : comment introduire la musique classique dans les clubs ? Avec « Yellow Lounge », concept d’alternance entre musiciens classiques et DJ, la question est posée.

Ayrton Desimpelaere

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e Yellow Lounge est un concept verra honoré par une distribution excep- plus surprenants : Kaaitheater, Bronks, le qui a été imaginé et créé à Ber- tionnelle : la violoniste Hilary Hahn, le té- Fuse, Ancienne Belgique… Le but ? Don- lin il y a sept ans ; oui, dans cette nor polonais Piotr Beczala, renommé pour ner un nouvel élan à la musique classique, même Allemagne qui a vu naître la qualité de ses interprétations, riche, ma- l’associer à des styles opposés, bref faire du la si novatrice et anticonformiste ture et solide, le joueur de mandoline israé- festival un lieu d’expérimentation grâce à école de Darmstadt, siège d’im- lien Avi Avital, qui a décroché une nomi- un large éventail d’œuvres, d’artistes et de menses compositeurs ayant contribué à nation aux Grammy Awards, accompagné lieux. ce que la musique reste capable d’évolu- ici par quelques musiciens de l’orchestre Ltion. Quel rapport avec le Yellow Lounge ? baroque belge B’Rock XS, et Cory Smythe, Se succèderont notamment Hilary Hahn Ce concept est représenté sous la forme pianiste qui s’intéresse tant à la musique au Fuse, René Jacobs avec Le Barbier de d’un concert réunissant un collectif d’ar- classique qu’à la musique contemporaine Séville de Rossini, Alexander Melnikov tistes autour de la musique classique dans ou encore à l’improvisation. Du côté plus et Jean-Guihen Queyras en musique de le cadre d’une soirée de clubbing branché. actuel, le Fuse retrouvera Lefto, DJ in- chambre, ainsi que des ensembles presti- Ce collectif d’artistes nous fait entendre un ternational et Le Concert Invisible de Jé- gieux : Mozart, Strauss et Chostakovitch programme d’un paradoxe transcendant : rôme Porsperger, DJ bruxellois fasciné par le Concertgebouw Amsterdam, Tristan nous pouvons entendre une alternance par la musique classique et qui dirige les et Iseult vu par Frank Martin avec le Rias de performances de DJ face (et non pas musiciens invisibles de son orchestre de Kammerchor Berlinois, Bernstein par le contre) à de grandes œuvres de la musique pierres et de tuiles. Le programme réuni- Brussels Philharmonic, Messiaen par le classique interprétées par des artistes de ra des œuvres de Vivaldi, Massenet, Bizet, Nippon Symphony Orchestra Tokyo… À renom ; et ceci dans des espaces urbains où Gounod à travers leurs couples phares : côté de ces concerts « classiques », le théâtre l’on ne s’attendrait pas à une telle associa- Carmen-Don José, Roméo et Juliette, musical ne sera pas oublié : le West Side tion. Le public, de plus en plus nombreux Werther-Charlotte. Enfin, c’est le club lé- Story de Bernstein associé à la projection chaque année dans les différentes villes gendaire, le Fuse, qui prêtera son décor des bandes restaurées sous la direction de du monde (Amsterdam, Londres, Vienne, au tout premier Yellow Lounge en Bel- Wayne Marshall et le Brussels Philharmo- New-York, Berlin, Bruxelles), est la cible gique. Ce (night-)club bruxellois a été créé nic, ou encore une nouvelle production en de cette innovation, et est invité à partici- en 1994 par Thierry Coppens et Peter De- création mondiale de Serge Verstockt as- per par le biais de la danse. cuypere et s’est spécialisé dans la diffusion sociant gamers japonais, pornographes nu- D’un côté comme de l’autre, la première de la musique électronique. Il est une réfé- mériques, chœur de mégaphones, le trou- pensée qui nous vient à l’esprit est : encore rence reconnue dans le monde de la mu- badour Belcanto… à l’Ancienne Belgique. une tentative de dépoussiérer la musique clas- sique techno en Belgique. En route donc, L’ensemble berlinois Kaleidoskop inves- sique vouée à l’échec par son trop petit nombre pour que jamais La Musique ne se meure… tira le Bronks pour une expérience audi- d’initiés ! ou bien, de l’autre bord : pourquoi tive dans une totale obscurité, associant mêler deux musiques qui ne peuvent se com- 31 concerts, 1.182 musiciens, 48 solistes, 12 des œuvres de Janácĕk et Prokofiev alors prendre ? Et bien non ! Nous n’assistons pas chefs d’orchestres, 21.000 visiteurs, 250.000 que Giovanni Antonini et son orchestre, ici à une tentative désespérée, ni à un ap- auditeurs sur Klara, 14 millions d’auditeurs Il Gardino Armonico, seront en résidence pel au secours, et encore moins à un duel ; dans le monde, des chiffres qui ont de quoi pour trois soirées (Locatelli, Haendel, Mo- mais bien un cessez-le-feu entre musique faire pâlir. Car le KlaraFestival, c’est avant zart, Haydn, Gluck…). Avec Supernova, actuelle et musique classique, un espace tout une machine bien rôdée où la qualité les jeunes talents de Belgique sont aussi d’échange dans une ambiance décontrac- prime sur l’événementiel. Le thème de l’édi- à l’honneur, comme le Mosa Trio, Zerka- tée et détendue, et aussi – et surtout – à une tion 2015, If love could be, se dessine comme lo Quartet ou O’Brass. Et parce que le Kla- réconciliation. N’est-ce-pas cela le thème le lien indéfectible entre passion et compas- raFestival s’ouvre à toutes les disciplines, du festival : l’amour – donc dans un pre- sion. L’amour, thématique très souvent uti- le Salzburger Marionettentheater propo- mier temps duel, puis passion et enfin ré- lisée en musique, est donc au cœur du festi- sera une autre lecture de Der Ring des Ni- conciliation pour avenir meilleur ? val, autour des couples mythiques que sont belungen de Wagner, moins longue que la Roméo et Juliette et Tristan et Iseult. Une version originale. Une édition riche en au- Et quand bien même cette idée de récon- thématique considérée sur le long terme daces où l’originalité des associations per- ciliation paraitrait saugrenue, un des an- puisque le KlaraFestival entame en mars mettra sans aucun doute d’offrir au spec- cêtres de la musique actuelle est cette mu- une trilogie autour de l’amour et de la pas- tateur un autre regard sur la musique sique que nous qualifions de classique… sion, qui sera poursuivie lors des deux pro- classique, sans oublier les ondes où seront N’est-il pas alors touchant de les réunir ne chaines éditions. Le projet artistique propo- retransmis concerts et émissions théma- serait ce que le temps d’une soirée ? sé fera évoluer des concerts « classiques » et tiques. des associations inédites dans les salles ha- En coproduction avec Universal Music, le bituelles (Bozar, Flagey, Singel, Concertge- Yellow Lounge s’invite à Bruxelles et se bouw Brugge), ainsi que dans d’autres lieux www.klarafestival.be – www.fuse.be

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l’interview indiscrète L’interview indiscrète

Mon laptop Chez C’est mon bureau, mon pense-bête, mon agenda, ma bibliothèque, ma banque, ma discothèque, ma boîte aux lettres, mon dic- tionnaire… Bref, un objet indispensable Jali à mon quotidien. Après m’être brossé les Que ce soit à la télé, dans dents, la première chose que je fais, c’est al- lumer mon laptop. J’avoue que je ne suis rien son nouveau rôle de coach sans lui. Je l’emmène partout avec moi. J’ai de la quatrième saison des tonnes de fichiers, d’applications et de de The Voice Belgique, en radio, dossiers. Si je jette les premières notes de

lkarny mes chansons sur ma guitare Martine, c’est où tourne Je Pars – très joli mon laptop qui accueille tout ce qui me passe

single sur le thème du déra- © David O par la tête. Je suis un pur produit de ma gé- cinement – ou dans les coulisses nération, j’ai grandi avec Internet et les ré- seaux sociaux et je ne peux m’en passer. de D6bels On Stage, quelques C’est sur Internet que j’ai appris à jouer de minutes avant de dévoiler en live la guitare. Je n’ai pas de poste de télévision à des extraits de son nouvel album la maison et mon ordi est aussi un bel outil pour regarder toutes les nouvelles séries. à paraître le 20 avril, Jali dégage la même impression. Celle d’un jeune homme intelligent qui croque la vie de ses belles dents blanches, qui sait où il veut aller mais qui n’oublie jamais ses racines. Avec, en bonus gratuit et permanent chez lui, le sourire communicatif Ma guitare Mon appareil photo en guise de respiration. Tirant Ce n’est pas « la » guitare, ce n’est pas « une » Quand j’ai commencé à suivre au milieu son nom d’artiste de la plus guitare, c’est MA guitare. Quand je me des années 2010 des cours à l’Ichec, à haute colline de Kigali, la capitale réveille, elle est toujours là, posée sur un Bruxelles, j’avais deux passions : la mu- pied, à côté de mon lit. Je ne pousse pas en- sique, qui était alors un hobby que je pra- de son pays natal, le Rwanda, core la fascination à dormir en la serrant tiquais le plus souvent seul à la maison, et Jean-Pierre Ntwali a séduit, dans mes bras mais je lui ai néanmoins la photographie que j’appréciais à tel point dans une touchante unanimité donné un prénom, Martine. C’est sur cette qu’elle me semblait être un débouché pro- guitare que j’ai écrit mes premières chan- fessionnel possible. Vous connaissez la suite publique et critique, avec sons. Il n’y a pas un morceau de mon ré- de l’histoire. La musique est restée une pas- Des jours et des lunes, disque pertoire qui ne soit né sans que Martine ne sion mais c’est devenu aussi mon métier. soit impliquée. Pour mon nouvel album, La photo, c’est pour m’amuser mais je suis inaugural en 2011 qui réussissait j’ai élargi la palette des sonorités, j’ai sou- vraiment accro. J’ai un bon appareil mais le challenge d’être à la fois positif, haité exploiter d’autres thématiques et j’ai ce n’est pas la technique qui m’attire, plutôt entraînant et conscientisé. travaillé avec de nouvelles personnes. Mais le sujet et la manière de l’aborder. J’adore tout est parti de cette guitare. Elle est le fil prendre les gens en portrait, c’est mon truc. À la veille de la parution rouge de toutes mes créations, une com- Dans les coulisses des festivals ou des salles de son second album, Jali nous pagne fidèle et un objet avec lequel j’entre- de concerts, je suis devenu un peu le « pa- présente ses objets fétiches. tiens une relation sentimentale qui tient parazzi artiste ». J’ai des tonnes de photos presque du fétichisme. Oui, ce n’est pas dans mon laptop mais hormis à mes potes, Pas de doute, le garçon est bien « une » guitare, c’est « MA » guitare. je ne les montre pas souvent et il est hors de le produit de sa génération. question que j’en fasse un « book » ou que j’y consacre une expo. C’est mon jardin secret Luc Lorfèvre et je m’y réfugie sans penser à rien d’autre.

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C’était le… C’était le … 19 octobre 1940 Cet article, paru dans Le Soir (occupé) en 1940, pose les jalons de la naissance des futures Jeunesses Musicales. Télé MoustiqueTélé N°2380 enroll © : Piero K uteur A

Le présent article est reproduit avec l’autorisation de l’Éditeur, tous droits réservés. Toute utilisation ultérieure doit faire l’objet d’une autorisation spécifique de la société de gestion Copiepresse : [email protected]

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