Littérature Érotique & Transgression
Total Page:16
File Type:pdf, Size:1020Kb
FACULTÉ DES LETTRES ET DES SCIENCES HUMAINES Département des Sciences du langage, de l’Information et de la Communication Littérature érotique & Transgression Ninon GUILBOT Mémoire de Master 2 en édition Septembre 2014 Directeur de recherche : Olivier THUILLAS chevaucher sans selle, croquer la noix, fréquenter les basses marches, fauberder le gin-gin, béliner, Priape, donner ses faveurs à Vénus, la nature, faire bransler le lit, donner du foin à sa mule trinquer du nombril, planter sa racine, bourriquer, curillir la figue, béliner honorer Priape, faire de la polissonnerie, honorer, inir à injecter tire-la-rigole, caliner de Cythère, le cela, contenterer braquemarder, cueillir la figue, baudouiner, donner la saccade, chevaucher sans selle, croquer la noix, fréquenter les basses marches, fauberder le gin-gin, béliner, donner la saccade, honorer Priape, donner ses faveurs à Vénus, caliner le cela, contenter la nature, faire bransler le lit, donner du foin à sa mule trinquer du nombril, planter sa racine, bourriquer, envahir le pays-bas, faire de la polissonnerie, honorer, inir à tire-la-rigole, injecter faire le Cythère, de le mortier pilonner tire-bouchon américain, braquemarder, cueillir la figue, mettre le Grand Turc dans Constantinople, baudouiner, Remerciements Je tiens d’abord à remercier mon directeur de recherche, Olivier Thuillas, pour ses conseils toujours avisés et pour avoir eu la patience de lire ce qui était illisible. Qu’il reçoive mes excuses pour tout le mal que j’ai causé à ses yeux. Merci également à Julien pour toutes les discussions passionnantes qui ont enrichi ce travail depuis ses premières esquisses et dont l’inconcevable érudition ne cessera jamais de me surprendre. Merci enfin à Mélanie pour sa joie de vivre et sa gentillesse qui m’ont maintenue à flot ces derniers mois. Je lui dois tellement et en si peu de temps que je crains le jour où elle se rendra compte de la gravité de ma dette. À mes parents, pour le goût d’être libre, À celui avec qui je le deviens. Introduction Ce n’était pas tellement l’amour, mais l’érotisme qui était l’ennemi. George Orwell, 1984 3 Quel étrange statut que celui des représentations de la sexualité... À travers l’histoire, nombre des systèmes de pouvoir se sont ingéniés à interdire ou limiter la diffusion des images de cette activité humaine pourtant naturellement autorisée, même dans ses manifestations les plus conventionnelles. Tous les types de régimes politiques tracent une ligne de démarcation entre l’acceptable et l’inacceptable en matière de figuration de l’acte sexuel. Ses représentations explicites occupent une place d’une ambiguïté profonde : omniprésentes, leur existence reste pourtant circonscrite à un champ d’expression nié, enfoui, caché de toutes les façons imaginables par la société qu’ils habitent. Le linguiste Dominique Maingueneau s’est intéressé à ce qu’il nomme ces « discours atopiques1 », ces pratiques qui n’ont en quelque sorte pas lieu d’être mais qui pourtant se développent en marge de l’espace social et filtrent par ses interstices. Leur réalité est constamment attestée mais toujours tue, bornée à des lieux et à des moments très particuliers – comme lors des carnavals. Les représentations sexuelles explicites feraient l’objet d’une « double impossibilité » : « 1) il est impossible qu’elles n’existent pas ; 2) il est impossible qu’elles existent2. » La production de tels énoncés par la société est inéluctable – étant donné ce qu’est une société –, mais si un tel discours était complètement reconnu, il n’y aurait pas de société possible. Au sein de ce système fondamentalement fluctuant de normes et de tabous, la littérature occupe une place d’autant plus particulière que la sexualité y est pure imagination, détachée de la matérialité palpable de la chair. Elle n’implique pas de réalité autre que celle que lui 1. D. Maingueneau, La Littérature pornographique, Paris, Armand Colin, 2007, p. 19. 2. Id. 4 donnent l’esprit de l’auteur et celui du lecteur. Cette littérature, généralement qualifiée aujourd’hui par les épithètes « érotique » ou « pornographique », existe bel et bien car elle est massivement attestée tout au long de l’histoire. Mais pendant longtemps, elle n’exista pas pleinement. Elle était clandestine, indésirable, cachée : le livre érotique s’enfouit dans l’enfer des bibliothèques, s’échange hâtivement « sous le manteau », se dissimule dans toutes les cachettes possibles du domicile privé. Son caractère « atopique » trouve sa parfaite illustration dans la préface rédigée par l’éditeur Jean-Jacques Pauvert pour le livre Le Con d’Irène qu’il réédita en 1968. Il parle ici de l’auteur anonyme du livre : Cet homme, qui est ou n’est plus vivant, je ne peux rien en dire d’autre que ceci : je crois le connaître – et je peux me tromper. Jusqu’à présent, il a toujours refusé à la fois de reconnaître ce livre, et de donner sa caution, même occultement, à une réédition officielle. Position inconfortable et absurde, autant que l’entretien que j’ai eu, il y a des années, avec ce fantôme, et pendant lequel, éditeur, je parlais peut-être à un auteur d’un livre qu’il avait peut-être écrit. Étrange rencontre, et reflet d’une conversation impossible. Il disait « l’auteur », en parlant (peut-être) de lui : « l’auteur se refuse... l’auteur interdit... il est impossible à l’auteur... »3 Jusqu’à sa mort, Louis Aragon nia la paternité de ce texte que lui reconnaissent pourtant aujourd’hui tous les spécialistes. Alors pourquoi une telle obstination à rejeter son œuvre ? Qu’y-a-t-il donc de si transgressif dans la littérature érotique ? À l’heure où l’« érotisme » parcourt manifestement sans limites notre univers de sens, où il s’expose dans des salons dédiés, s’affiche dans le vocabulaire récurrent des médias de communication, le livre érotique n’est-il pas devenu désuet ? Possède-t-il encore cette force subversive qui lui colle à la peau depuis les premiers moments de son existence ? La problématique de cette étude est la suivante : La littérature érotique est-elle forcément transgressive ? Il s’agit ici de s’interroger sur la continuité temporelle de la charge transgressive de la littérature érotique, en fonction des lieux et des moments de l’histoire de son existence. Le terme « littérature » sera entendu dans son acception moderne, au sens qu’elle est la production d’un écrivain à laquelle on reconnaît une portée esthétique. Quant à « littérature érotique », la notion est d’un usage relativement récent pour désigner ce que l’on nommait auparavant « littérature sotadique » – d’après Sotadès, auteur obscène grec du iiie siècle avant 3. J.-J. Pauvert, préface de Le Con d’Irène (anonyme), Paris, Éditions Jean-Jacques Pauvert, 1968, cité par D. Maingueneau, op. cit., p. 20. 5 J.-C. Le marquis de Sade et Restif de la Bretonne qualifient pour la première fois des textes d’« érotiques » à la fin duxviii e siècle, mais l’expression fit l’objet d’un long débat avant de se voir attribuer le sens qu’on lui connaît aujourd’hui. Pendant la majeure partie du xixe siècle, on l’entend dans les milieux littéraires officiels comme un écrit « qui a l’amour pour sujet, qui parle, qui traite de l’amour4 », comme il est défini dans le Grand Larousse universel du XIXe siècle aux environs de 1875. C’est dans l’acception que lui donne Maurice Lachâtre, l’un des derniers lexicographes du xixe siècle, que l’on voit apparaître pour la première fois l’ambiguïté du terme : Érotique, adj. (du grec eros, amour) : Qui appartient, qui a rapport à l’amour. Se dit de tout ce qui, dans les arts, a pour objet d’en peindre les effets ou d’en célébrer les charmes. Ainsi, un livre, un tableau, une statue peuvent également être érotiques. En littérature, l’élégie, l’ode, l’épître, l’héroïde furent souvent affectées à ce genre [...]. Il ne faut pas confondre le genre érotique, qui ne doit pas dépasser les bornes de la décence et de la pudeur, avec le genre libre et grivois : c’est à ce dernier qu’il faut rapporter tant de productions cyniques ou obscènes qu’on range à tord dans le genre érotique.5 Voilà le problème posé. Il existerait une distinction entre ce que l’on qualifie d’« érotique » et ce que l’on qualifie de « libre », de « grivois », d’« obscène » : une subtilité de différenciation qui reste toujours aujourd’hui complexe à discerner. Cependant, avec la libéralisation de l’expression et la massification de la production écrite, le besoin de classifier les œuvres se fit sentir et les genres littéraires se remplirent de nombreuses sous-catégories. C’est ainsi que l’on vit l’apparition d’appellations telles que « roman populaire », « policier », ou « prolétarien », et ce que l’on appelait « libre » ou « grivois » a fini par se fondre dans ce tout hétéroclite désigné par « littérature érotique » – qui devint alors synonyme de « libidineux », « licencieux », « pornographique ». Dans un premier temps seront donc définies plus exactement les nombreuses problématiques de cette appellation, notamment en s’intéressant à la notion d’« érotisme » en elle-même : d’après Georges Bataille, l’érotisme s’entend comme une pratique de la sexualité dotée d’une « recherche psychologique indépendante de la fin naturelle donnée à la reproduction6 ». Ainsi, dans cette étude, l’emploi du terme « littérature érotique » désignera-t-il toute production 4. Cité par J.-J. Pauvert, La Littérature érotique, Paris, Évreux, Flammarion, coll. « Dominos », 2000, p. 9. 5. Id. 6. G. Bataille, L’Érotisme, Paris, Éditions de Minuit, coll. « Arguments », 1957, p. 17. 6 littéraire écrite où l’évocation plus ou moins explicite d’activités sexuelles à but non- reproductif est le thème prédominant ou l’un des thèmes prédominants.