Coco Et Cocu Depuis Mai 2012, Robert Hue Ne Cesse De S’Imaginer Un Destin Ministériel
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sous la républIque ADULTÈRE CoCo et CoCu Depuis mai 2012, Robert Hue ne cesse de s’imaginer un destin ministériel. Avec le président Hollande, leur histoire est en effet sérieuse depuis la naissance de la gauche plurielle en 1997. Retour en quelques épisodes sur la relation de ce couple politique qui relève parfaitement du syndrome : « Je t’aime moi non plus ». par Arthur Nazaret portraits Patrice Normand 125 Charles sous la républIque RobERT HUE La barbe, la barbe, la barbe ». Voilà ce que Robert Hue a dû se dire en découvrant qu’il ne serait pas du gouvernement Valls. Puisque, raisonnablement, il aurait pu y prétendre. Robert Hue est un personnage digne d’un conte de Charles Perrault. À la fois Barbe-Rouge et Sœur Anne. Qui, encore une fois, n’aurait rien vu venir. Quelques jours avant la nomination des secrétaires d’État et une semaine après celle des ministres de plein exercice, Robert Hue semblait encore y croire. Début avril, nous recevant à l’heure du petit déjeuner dans les salons dorés du Sénat où désormais il officie, Robert ne voulait trop rien dire. Sa relation avec Hollande ? «Oui, oui. Plus tard. Le gouvernement ? Soyons discret pour mieux y entrer, vous comprenez... Sur le pas de la porte, la discussion glisse sur les nominations à venir. Les noms s’égrènent. Robert Hue réfléchit. N’est-il pas le dernier communiste d’Hollande ? À l’heure où l’ancien candidat socialiste vit sa dernière grande mutation en devenant social-démocrate, Barbe-Rouge pourrait faire figure de borne témoin : oui, Hollande demeure profondément de gauche, la preuve par Robert. Car Robert et François, c’est un peu comme le grand Marchais et l’auguste Mitterrand, quoique croisés avec Laurel et Hardy. Deux vieux compagnons de route. Deux bons camarades dotés chacun du sens de l’humour, sans que l’on ne sache trop qui est le grand puisque tous les deux sont petits. Deux anciens chefs de partis, deux anciens députés qui se retrouvaient le mardi dans l’an- tichambre de l’Assemblée. Là sur un banc, ils devisaient. Plus tard, après 2007, une fois Hue loin du PCF, les rendez-vous se donnent au bar du Lutetia. Environ tous les deux mois, vers midi, ils se retrou- vent dans ce palace germanopratin, parlent politique, de la gauche et sans doute, on peut l’imaginer, du peuple qui souffre. Mutation, union, participation, depuis toujours Hue s’entiche de ces totems. « Lui, il croyait à ma démarche stratégique, ou du moins, il feignait d’y croire », s’amuse-t-il encore aujourd’hui. Mais du gouvernement Valls, il ne sera pas. « Son gouvernement, juge aujourd’hui Hue, n’a pas d’ancrage à gauche. Il choisit un gouvernement resserré, et à mon avis un peu étriqué. » 127 Charles sous la républIque RobERT HUE Après 2007, une fois Hue loin du pCf, les rendez-vous se donnent Au bAr du lutetiA. environ tous les deux mois, vers midi, ils se retrouvent dAns Ce pAlACe germAnoprAtin, pArlent politique, de lA gAuCHe et sAns doute, on peut l’imAginer, du peuple qui souffre. QuANd RobeRt Hue N’est PAs eNtRé dANs lA dReAm teAm le GoRbAtcHev fRANçAis à bRest Fermez les yeux et imaginez. Nous sommes en 1997. Brest 1997. « Il n’y en a que pour Bob. Je croyais que le PCF Robert Hue et François Hollande sont dans un bureau. était en déclin. » Au congrès du PS, où Hollande prend Ce jour-là, ils ne sont pas seuls. Disons que quelques officiellement la tête du PS, le Vert Yves Cochet boude. autres grandes figures de la gauche emplissent la pièce. Hue-Cochet, l’attelage de la gauche plurielle se cabre à Devant Hollande, Hue fait et défait le prochain gouverne- moitié sous les applaudissements réservés au chef com- ment. Ira, ira pas. Il donne des noms, en refuse d’autres. muniste. Un dirigeant du PCF au milieu d’un congrès Le gouvernement ? Hue y entre s’il veut. Il ne veut pas. socialiste, c’est une première et cela se fête ! « Dans ces N’imaginez plus. Cette scène a bel et bien existé. Et dans années 1997-2002, note aujourd’hui l’ancien leader des le bureau, l’autre, c’est Lionel Jospin. En ce tout début du Verts Jean-Luc Bennahmias, Hollande est dix fois plus mois de juin, Jacques Chirac qui vient de s’auto-dissoudre, sur l’alliance PS-PC que sur l’alliance PS-Vert. Robert, c’est est contraint de nommer le grand frisé à Matignon. Ce un mec ouvert, ce n’est pas le marxiste-léniniste post-stali- dernier a le titre de Premier ministre de la République nien comme il y en avait encore au PCF à l’époque. C’est le française, sans en avoir encore le bureau. Solférino étant Gorbatchev français. C’est lui qui déglace le Parti commu- en travaux, il reçoit Robert Hue rue de Vaugirard. Dans la niste. » Entre leaders de partis qui sont ensemble « aux pièce, il y a aussi Daniel Vaillant, fidèle d’entre les fidèles responsabilités », on se doit de se voir. Hollande pour le et François Hollande, moins fidèle, mais promis et déjà PS, Jean-Luc Bennahmias pour les Verts, Hue pour le PCF presque promu au poste de Premier secrétaire du Parti et Jean-Michel Baylet pour les radicaux. Quelques photos, socialiste. Lionel Jospin est en train de former sa future quelques sourires, le début d’une idée, une déclaration « dream team ». Il demande aux communistes s’ils veulent à la presse, et voilà. Personne n’est dupe mais la gauche en être. Exige une réponse rapide. Se montre abrupt. plurielle vaut bien une pose. « Un peu comme les figures La participation ? Robert Hue est pour, mais il ne peut imposées au patinage artistique », résume Baylet qu’on a s’engager sans consulter les siens. Jospin l’austère bout. tout de même un peu de mal à imaginer virevoltant sur Hollande le débonnaire voudrait calmer le tout. « Jospin la glace. s’énerve comme s’énerve Jospin. Ça dure deux minutes, pour charles raconte Pierre Blotin alors bras droit de Hue et présent Stade de France, 12 juillet 1998 D à cette réunion. « Je revois Camba et Vaillant lui donner un En cet été de 1998, la petite bande truste le quartier VIP coup de coude, sur le thème : “C’est normal, ce sont les com- du stade de France. Ce soir, il y a match, et pas n’importe ce norman munistes” ». Hollande, encore dans l’ombre à ce moment- lequel. France-Brésil, la finale, les trois buts, et un Zidane I r là, sera plus tard celui qui graissera les rouages de la qui place deux coups de boule au fond des filets. Ministre T majorité plurielle. communiste, Jean-Claude Gayssot est suite p.130 © pa 129 Charles sous la républIque RobERT HUE fidèle à ses HAbitudes, HollAnde se montre en retArd et en sCooter. Hue ne le reConnAît pAs immédiAtement. normAl. « Il est Arrivé CuirAssé, AveC transporté de joie. « Je danse avec Chirac et Guigou. » voilà, « Bébert ne chantait pas très bien », s’est souvenu un la privatisation. Il n’y a pas de crainte à avoir. » En pleine pré- son CAsque », sourit Hue. déjà... Amoureux de ballon rond, Bennahmias et Hollande sont jour le bassiste dans les colonnes de Paris Match. « Alors, sidentielle, la déclaration d’Hollande à la presse anglaise aux anges. L’allégresse est totale. Sauf pour deux hommes. poursuit le journal, Robert Hue s’est contenté des boums et fait l’effet d’une petite bombe. Pour sa visite au pays de la « J’y suis allé en patriote mais le foot, ce n’est pas ma tasse des petits bals de la banlieue ouest. Puis il a rejeté en arrière City, Hollande franchit la Manche et les limites. Et c’est de thé », glisse Baylet, plutôt amateur de bons crus et de ses cheveux qui couvraient une calvitie naissante. » Adieu une communiste corrézienne qui le rappelle à l’ordre. Au rugby. Hue est présent malgré lui. Parce qu’il le faut bien. À les filles, adieu les boums, adieu les cheveux, Robert fera Conseil général de la Corrèze qu’Hollande préside encore, cette époque, en plus des rencontres officielles, Hollande chef du PCF. Pendant ce temps-là, François laisse la droite sa vice-présidente, Dominique Grador, porte l’estocade. et Hue prennent l’habitude de se voir officieusement dans droitière de son père et s’entiche des idées rouges. Il y a Sous l’œil goguenard des élus de droite, elle lance en de petits restaurants tranquilles, et quand il y a une pièce donc un terrain commun. Sous le costume du premier direction de Hollande : « J’aurais aimé, cher président, que un peu isolée, c’est encore mieux. Dans ces dîners, Jean- secrétaire frayant avec le chef de la faucille et du marteau vous parliez la langue de Shakespeare sans vous dédire. Il Christophe Cambadélis accompagne souvent le chef du perce encore le lycéen engagé. « On a tous un jour pris est pour le moins insuffisant de dire que la version anglaise PS et Pierre Blotin, celui du PCF. L’ambiance est détendue, sa carte sur le manège d’une fête communiste. [Mais] Seul du discours du Bourget est maladroite, elle est mal à gauche, les discussions à bâtons rompus. Ainsi marche la gauche Jacques Chirac a réellement vendu L’Huma », s’amuse et j’en suis malheureuse », conclut Grador. Le président plurielle. Et parfois, elle marche si bien qu’Hue est invité Hollande dans le livre que lui consacre François Bachy de la Corrèze encaisse sans broncher.