Lapurdum Euskal ikerketen aldizkaria | Revue d'études | Revista de estudios vascos | Basque studies review

14 | 2010 Numéro XIV

Charles Videgain (dir.)

Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/lapurdum/2243 DOI : 10.4000/lapurdum.2243 ISSN : 1965-0655

Éditeur IKER

Édition imprimée Date de publication : 1 octobre 2010 ISSN : 1273-3830

Référence électronique Charles Videgain (dir.), Lapurdum, 14 | 2010, « Numéro XIV » [En ligne], mis en ligne le 30 septembre 2014, consulté le 22 septembre 2020. URL : http://journals.openedition.org/lapurdum/2243 ; DOI : https://doi.org/10.4000/lapurdum.2243

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Propriété intellectuelle IKER UMR 5478 1

SOMMAIRE

Articles

Le paratexte débâillonné (I) : retour sur la Muse bayonnaise,ca 1620, texte occitan perdu Chistian Bonnet

Pour une anthropologie de la fête au Pays Basque Eric Dicharry

Marinelei abisua : izen ondoko datibo sintagmak izenburuen sintaxian Beatriz Fernández et Ibon Sarasola

Genero indarkeria euskal literaturan Gema Lasarte Leonet

Rudolf Trebitsch-en 1913ko Euskal grabazio Musikalak (II) Inaxio López de Arana Arrieta

Correspondance basque à la fin du XVIe siècle (1595-1598) 20 lettres de renseignements sur la politique de Henri IV et la fin des guerres contre la Ligue Présentation, restitution en graphie basque moderne, traduction française et commentaire linguistique par Jean-Baptiste Orpustan

Compte rendu

« Le Vascon première langue d’Europe » par Elisabeth Hamel, journaliste et Theo Vennemann, linguiste. Pour la Science , N° 299, septembre 2002, pages 24-28 Txomin Peillen

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Articles

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Le paratexte débâillonné (I) : retour sur la Muse bayonnaise,ca 1620, texte occitan perdu

Chistian Bonnet

En hommage à Robert Darrigrand, éveilleur de langues, d’études et d’âmes, avec gratitude et amitié.

1 Si la littérature d’oc médiévale jouit d’une notoriété universelle grâce à l’aura des troubadours et du trobar, au point que de nombreux manuels de français en annexent la matière qui ignorent superbement la suite de la production d’expression occitane, la littérature moderne et contemporaine pâtit fortement du monolinguisme que la promeut dans l’espace hexagonal. Aussi les études occitanes sont-elles pour ces périodes très en retard sur le niveau de connaissance des autres littératures européennes soit de langues d’Etats, comme le néerlandais par ex., soit de langues sans Etat, comme le catalan. Malgré une récente et timide libéralisation sur ce plan, de nombreux pans de la littérature d’oc moderne restent donc mal connus privant le public, en premier lieu occitan lui-même, de l’accès à ce patrimoine (la France ne forme que quatre professeurs d’occitan par an pour cette langue couvrant le tiers de son territoire). Les progrès se sont concentrés sur l’édition d’œuvres selon les critères textologiques contemporains, mais l’exégèse de cette production reste fort lacunaire, aussi bien dans ses prolongements historico-culturels et sociolinguistiques que pour l’ensemble des études spécifiquement littéraires. Nous proposons ici son approche par l’examen d’éléments par nature révélateurs pour une littérature minorée que sont les paratextes, éléments textuels et éditoriaux produits en vue ou à l’occasion de la publication des œuvres.

2 Le paratexte de la littérature occitane n’a guère fait l’objet d’études spécifiques (1). La récente et heureuse réédition par Xarles Videgain d’un guide de conversation commerciale trilingue du début du XVIIème s. (2), nous offre l’opportunité d’examiner de plus près (3) un tel document paratextuel, plus précisément un péritexte puisque celui-

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ci était par destination voué à être joint à l’ouvrage (4). En effet, l’exemplaire ainsi reproduit de l’Interprect, œuvre de Voltoire dont le nom, sinon la biographie, est bien connu des parémiologues basques et occitans (5), présente in fine (après le mot FIN, page 280 et dernière) une table des matières en apparente concurrence à celle placée en tête du volume. Le lecteur n’est pas long à s’apercevoir (6) que seule la table initiale annonce pertinemment le contenu et la pagination du guide, en conformité avec le titre et le sujet de l’ouvrage, alors que la table placée à la fin renvoie à une matière de nature différente et à un texte de pagination exogène au corps du volume. C’est de cette table d’un ouvrage absent, péritexte attestant de textes occitans gascons inconnus, que nous voudrions ici tirer quelques renseignements.

3 Afin de mettre le lecteur à même de suivre le décryptage que nous en proposons, il est préférable de reproduire tout d’abord avec exactitude cet ultime feuillet de table signé * , de même format oblong et imprimé recto-verso selon la même disposition graphique que la table initiale, avec un matériel appartenant manifestement au même atelier.

Recto :

Centré : [bandeau : rinceau avec oiseaux] / TABLE DV CONTENV EN CE LIVRE /

Justifié : [à gauche, sur toute la hauteur des sept lignes du texte en italiques, lettre ornée droite ‘P’]

REMIERE partie contenant le subiect & diſ- / poſition de lœuure aulx Amys & Compatriots / à folio i. au premier liure intitulé RETIRADE . / LA Muſe Baionnoiſe en ladicte premiere partie / à fol. 20. / LA Conuerſation Ciuile pour le Temps preſent / audict liure à folio 33. /

Signature :

[même étoile à cinq branches qu’en première page de la table initiale, à mêmes hauteur (ligne suivant le texte) et retrait à droite (d’un tiers) que celle-ci et que dans le corps de l’ouvrage.

Verso :

Justifié : L A Nourriture des enfans aulx Peres & Meres en vers Gaſcons audict / liure à folio 60. Lexhortation & remedes aulx deſbauchés & diſſolus. à fol. 76. /

Centré : STANCES EN VERS GASCONS /

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Justifié : Pour & Contre les Blaphemateurs . En la dite premiere partie du preſent / liure à folio 96. Contre les Yurognes, Gourmands, & Prodigues. prem. part. à fol. 105 / Contre les Pipeurs & Mauuais Ioueurs . prem. part. à folio 113. /

[Nota que cette dernière ligne de texte se situe très au-dessus de la marge inférieure de la mise en page, à la hauteur de la ligne ‘LA Muse Baionnoiſe…’ du recto. ]

4 Nous tenterons d’abord, par un questionnement matériel adéquat, de « faire parler » des textes auxquels elles réfèrent ces quelques lignes rédigées à leur périphérie (d’où le soin pris dans la note 3 et la reproduction ci-dessus pour le respect des accents, orthographe ou cacographies : interpre(s)t, bla(s)phémateurs, ponctuation, typographie, mise en page), afin de recueillir toute l’information qu’elles recèlent sur les plans successivement éditorial et textuel, puis sociolinguistique et d’écriture, avant d’examiner si ce paratexte conforte nos connaissances sur l’institution littéraire occitane.

* *

5 Nous commencerons par l’aspect éditorial, à propos duquel deux faits retiennent l’attention. Le premier est le réalisme descriptif de la seconde table et sa pagination positive de l’ouvrage afférent « si minutieuse qu’aucun doute sur son existence n’est possible », selon le mot de Gustave Brunet, qu’il paraît difficile de contredire, sauf à préciser l’état d’avancement de cette impression. Le deuxième fait est naturellement l’adjonction de feuillet supplémentaire exogène, intrinsèquement non daté, à un ouvrage manifestement déjà complet et achevé puisque conforme à la table de matières à lui dévolue. Celle qui suit le titre est en effet seule explicitement dédiée : ‘TABLE DE / LINTERPREST [sic] OV…’, insérée comme on vient de voir entre les premier et second feuillets du premier cahier. Annoncée au titre comme ‘dernier escripte’, que nous interprétons comme rédigée en dernière instance c’est à dire après la composition typographique, ainsi que le confirme son insertion matérielle, sa postériorité en garantit l’exhaustivité descriptive (faisant revue des diverses parties composant l’ouvrage ‘ainsi qu’est contenu en la table’) autant que l’exactitude de pagination, l’une et l’autre désormais aisément vérifiables grâce à l’initiative de X. Videgain. Incontestablement erronée, cette adjonction en fin de volume de la table d’un autre ouvrage peut cependant être diversement analysée.

6 S’agit-il d’une erreur ‘intellectuelle’ ayant conduit le personnel de l’atelier à confondre les constituants (corps des volumes et tables respectifs) de deux ouvrages simultanément sous presse, ce qui pourrait signifier une communauté de traitement de ces éditions ? Celle-ci pourrait résulter d’une provenance commune des manuscrits : cette lointaine impression basque à Lyon, même s’il s’agit d’une place commerciale active, devient moins surprenante chez le typographe Rouyer dont l’atelier a longtemps été actif dans le sud de la Gascogne, où il avait pu conserver des relations (7) ; mais cette caractéristique foraine commune présentait un risque d’assimilation des deux ouvrages pour un personnel peu préparé à distinguer le basque du gascon. Par

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extension on peut leur supposer une commande identique, par exemple d’un libraire bayonnais désireux de constituer un fonds quelque peu diversifié par les thèmes et surtout les publics, le gascon venant ici s’ajouter aux trois langues de l’Interprect. On n’oubliera pas enfin, quand même rien n’assure que Voltoire ait quelque point commun avec le nouvel ouvrage, l’éventualité d’un même auteur, puisqu’on sait par ailleurs notre interprète s’être particulièrement intéressé aux proverbes gascons, dont il a effectué une présentation versifiée dans cette langue, qu’il faut par conséquent lui supposer maternelle (8). De tels cas de figures ont pu induire une sorte ‘d’extension conceptuelle’ entre les deux éditions d’autant plus compréhensible qu’il y a lieu de croire ces tables (surtout celle de l’Interprect dont se vérifie l’exactitude de pagination) avoir été rédigées dans ou par l’atelier. Il serait alors concevable de rencontrer d’autres exemplaires semblablement ‘augmentés’.

7 Ces trois hypothèses ouvrent des perspectives également attractives, mais ne permettent cependant pas d’exclure la banale erreur matérielle, de manipulation : le feuillet qui traînait là, tirage d’essai ou rebut d’un ouvrage déjà ancien (toutefois de même format), saisi par inadvertance lors de l’assemblage d’un nouvel ouvrage ; mais en ce cas saisi lors de la confection singulière d’un exemplaire déterminé. Car l’exemplaire de Bordeaux constitue pour l’heure un unica, rendant hasardeuse toute spéculation d’intentionnalité ou du moins de signification éditoriale dans cette adjonction. Or l’on vient d’observer, ce que nous conforterons plus loin, que le verso de ce feuillet final, la table de la Muse, présente tout l’aspect d’une composition inachevée. L’ouvrage entrepris lui-même fut-il jamais achevé et, la composition commencée, la copie en était-elle parvenue dans sa totalité à l’atelier ? L’absence de date d’impression au titre de L’Interprect doit-elle être mise en rapport avec une incertitude de cet ordre ?

8 L’emplacement laissé vierge en dernière ligne, au bout de l’adresse (voir note 3), pourrait être un indice en ce sens aussi bien qu’un argument de vente visant à palier le vieillissement de l’ouvrage. On doit certes créditer d’un solide esprit commercial un imprimeur comme Rouyer ; il n’eût pas manqué de chercher à écouler un ouvrage imprimé, pour incomplet qu’il soit, dès lors que constitué, comme ici le recueil de la Muse, de pièces mêlées dont le choix peut être librement arrêté. Mais force est de constater pour l’heure l’absence de produit bibliographique connu correspondant en propre à la table superflue. La partie très certainement composée, fut-elle réellement imprimée et, supposée imprimée, ne put-elle avoir été victime d’un accident matériel, notamment à la suite d’une interruption du tirage ? Faute d’éléments probants, il nous faut donc laisser en suspens ces considérations éditoriales.

9 Essayons maintenant d’entreprendre l’exégèse de ces quelques lignes en leur qualité de table des matières, reflétant la teneur d’un corpus textuel hors d’atteinte. Nous proposons d’en cerner la valeur signalétique dans le sémantisme lexical, concurremment aux dispositions graphiques. La table finale est ainsi dite ‘du contenu en ce livre’, ce qui pose la question du sens du mot livre selon qu’on entend désigner un volume, aujourd’hui registre relié, ou le texte, œuvre ou subdivision d’œuvre écrite, susceptible de contenir dans un tel volume. Pour éclairer ce point, observons l’emploi presque consécutif des mots partie, œuvre et livre dans les lignes contiguës. Le ‘contenu’ s’ouvre en effet par une ‘première partie’ indiquant la ‘disposition de l’œuvre’ au folio 1 du ‘premier livre’. La première partie réfère par conséquent, en l’absence d’indication restrictive, à l’œuvre entier, appréhendé en ses premiers mots dès le folio un (que nous proposons de comprendre page une, à la suite de l’emploi constant du mot folio comme

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synonyme de page puisqu’aussi bien l’Interprect est effectivement paginé). Par répétition de la préposition à,ces premiers mots sont derechef localisés‘aupremier livre’ , lequel se voit identifié en place de pagination par un ‘intitulé’ propre. La cohérence de cette terminologie, parallèle à la pagination fournie, au sein de la même phrase nécessite donc ici l’acception du mot livre comme ‘subdivision d’un ensemble textuel’, ou pour mieux dire d’un hypertexte, constituant la première partie d’un ensemble suffisamment complexe pour recevoir l’appellation superlative d’œuvre, dont il convient en effet d’expliciter la disposition interne au lecteur.

10 Nous comprenons ainsi que le terme en capitales de RETIRADE, constitue l’intitulé du premier livre et, conséquemment, que ‘LA’ Muse baionnoise… puis ‘LA’ Conversation Ciuile… constituent les intitulés respectifs des second et troisième livres appelés par le premier emploi d’un adjectif ordinal, non qualifiés comme tels, mais explicitement inclus, s’agissant de la Muse, ‘en ladicte première partie’. En effet, rattachée à la première partie, la Muse est logiquement incluse au rang de ses subdivisions (hypotexte) et corrélativement soustraite au premier livre qui venait précisément d’être lui-même présenté comme hypotexte de cette partie. On peut en outre observer, à l’intérieur de l’alinéa plutôt homogène constitué par ces trois phrases à droite de la lettre ornée, le souci du typographe de faire ressortir le mot initial des deux dernières phrases : il y procède à la fois visuellement, par un recours délibéré aux majuscules aligné sur l’emploi de celles-ci dans le mot PREMIERE (où il était de convention à la suite de l’ornement), et syntaxiquement par le recours à un article présentatif, semblablement aligné sur le précédent emploi du contracté défini au (soit : à LE livre, pour celui intitulé Retirade).

11 Cet emploi du mot livre parfaitement approprié à l’usage littéraire (il est ici affaire de Muse et d’éloquence) contraste rétroactivement avec la première occurrence du mot (ligne 1 : ‘Table du contenu en ce livre’) qui doit pour sa part être comprise comme renvoyant à la matérialité physique du volume sorti des presses, ne préjugeant aucunement de la disparité des contenus textuels dont la table reçoit fonction, justement, de déployer la cartographie. Il serait d’ailleurs tout à fait singulier que l’intitulé de ce volume ne se trouve dévoilé que dans sa table des matières. Quand bien même la publication projetée eût placé la table en tête, l’‘intitulé Retirade’ fût resté à la trappe dans un volume sans titre ! A défaut d’une rigueur terminologique dont l’époque n’était pas encore prodigue – mais l’ambivalence du mot livre subsiste aujourd’hui – il faut convenir que les deux acceptions successives, pour différentes qu’elles soient, entrent en cohérence sémantique : ‘dans ce volume le lecteur trouvera une œuvre réunissant plusieurs parties’.

12 Il semblerait pourtant que cette interprétation puisse être démentie par la dernière phrase du recto, puisque la Conversation Ciuile y est localisée ‘à folio 33 audict livre’, renvoi au sus-dit qui ne peut viser la phrase précédente (où la Muse est localisée, comme on a vu, par appartenance à la partie) et paraît en conséquence référer au premier item : au livre intitulé Retirade. Cette objection ne nous paraît pas consistante car nous pensons que le rédacteur, poursuivant son parallèle entre matérialité éditoriale et délimitation textuelle, réfère ici à la mise en page du titre de départ de la Conversation dans la visibilité conférée par l’usage typographique contemporain, rendue extrêmement opérante grâce au bandeau orné placé en surtitre et au grand corps de caractères requis pour l’intitulé d’un nouveau livre . Le rédacteur se conforme ainsi à sa formulation précédente, doublant l’indexation numérique de la pagination par le

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renvoi à un repérage visuel global localisant les sections ‘au feuilleter’ grâce à la surcharge graphique de leurs pages de titre et, accessoirement, à leur indexation structurelle.

13 Ces constatations vont en effet se renouveler pour les deux items figurant en tête du verso : LA Nourriture… aux Pères et Mères localisée dans l’ordre inverse ‘audict livre à folio 60’ puis Lexhortation… aulx desbauchés pour lequel l’indication du livre d’appartenance a été désormais spontanément ou délibérément jugée superfétatoire. Avec ce cinquième livre s’interrompt une série en apparence hétérogène par l’annonce de Stances en vers gascons dont l’intitulé augure une homogénéité simultanément générique et linguistique. Toutefois, comme on a pu le constater, cette ligne typographique à la différence des précédentes est d’une part dépourvue de localisation (soit pagination, soit structurelle) d’autre part centrée et composée en capitales ; le soin porté à la seconde caractéristique rendant improbable l’origine fortuite de la première. Autrement dit, il s’agit du titre d’une subdivision notoire du corpus textuel, comme si la table voulait restituer la présence d’une page de titre de départ. L’emploi de capitales le place au niveau de RETIRADE, mais sans renvoyer à un fragment individualisé, localisable en tant que tel par la pagination ou une assignation structurelle de sixième livre, qui reste implicite. Ce sont les subdivisions énumérées à la suite qui vont fournir ces références en même temps qu’un intitulé de leurs sujets. Car le terme de stances, s’il suffit à annoncer un lot de poèmes de cette forme générique, reste muet sur leur thématique, et ce silence vient ici en rupture avec l’exposé, plutôt disert, de l’objet de chacune des pièces précédemment énumérées.

14 Aussi les trois items suivants apparaissent-ils comme la teneur des stances promises : sinon un ensemble homogène, du fait de paginations propres, du moins une succession logique. C’est ce qu’induit, à en juger par les deux premiers, un nombre de pages sensiblement plus réduit pour ces poèmes à développement en effet ordinairement limité (l’incertitude prévaut pour le troisième, à le supposer final, en l’absence de pagination consécutive sur le reste du feuillet). C’est aussi ce que soulignent leurs sujets : blasphème, ivrognerie, gourmandise et prodigalité, tricherie et jeu, soit autant de péchés contre la Religion et la morale. Notre Muse persévère dans une voie résolument didactique : civilité de la conversation, exhortation contre la débauche et maintenant stances contre les vices ; ‘l’œuvre’ annoncé, pour pratiquer une esthétique du discontinu (pièces, sujets, formes, et langues variés), ne manque pas de cohérence intellectuelle. La combinaison du graphisme et de la syntaxe conforte ainsi le sémantisme. Ceci permet d’éclairer l’inclusion structurelle ‘en la première partie’ assignée à ces trois stances. L’importante césure graphique créée par le titre de ce livre de stances (par le corps, le centrage et les entrelignes) s’il explicite la subordination solidaire des trois stances listées, ne rompt pas l’unité de la première partie ainsi continuée.

15 Une difficulté subsiste cependant pour la première stance, sur les blasphémateurs, localisée ‘en la première partie du présent livre’ selon une hiérarchie en apparence inverse de celle que nous venons de dégager. Aussi doutons-nous de l’incohérence que tend à introduire une première lecture soudée des mots ‘partie du livre’ (perçus comme formant un syntagme soudé ‘nom + complément’). En effet, les livres rencontrés jusqu’iciont été exclusivement référencés soit à la première partie, soit à eux-mêmes, selon une alternance certes aléatoire mais n’excluant pas l’autre formule, de fait synonyme. Par contre nous n’avons relevé aucun cas de combinaison de ces

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localisations : ‘à la partie de tel livre’ ou ‘au livre de telle partie’ établissant une arborescence. Aussi pensons-nous avoir affaire à une simple co-occurrence des deux formules d’indexation. Celle-ci est masquée par l’absence ordinaire de ponctuation (la virgule n’est employée qu’en énumération et dédaignée en syntaxe) à l’occasion d’une coquille typographique assez banale dans la composition du mot du que nous proposons de lire au : ‘en la première partie, au présent livre, à (la page) 96’, suivant le procédé utilisé pour la Conversation ciuile.

16 Reste que cette première partie, riche de six livres, dont un de stances, demeure veuve de la seconde, logiquement appelée par l’emploi de l’adjectif ordinal de départ. Comment expliquer alors que la page soit demeurée blanche dans son tiers inférieur, vierge de la suite de l’œuvre ? Un ou plusieurs livres supplémentaires reçus ou escomptés par l’atelier étaient-ils en attente d’inscription ? Une autre explication est suggérée par l’insuffisance de place restante pour permettre l’emploi d’un ornement typographique de corps important, sur le modèle de mise en page adopté en première partie, avec une nouvelle lettre ornée destinée à indiquer la partie suivante. En effet le code typographique alors en usage répugne à laisser une page incomplète sans indication de l’achèvement du texte, au moyen du mot FIN comme on l’a déjà vu, ou d’un ornement typographique de taille proportionnée au volume du blanc, voire l’emploi des deux comme on le voit aussi, précisément, en page finale de la table initiale.

17 Cette situation ambiguë conduit à se demander si la disposition que nous constatons ne pourrait pas résulter d’une hésitation sur l’agencement de l’éventuelle seconde partie. On sait que le terme de ‘partie’ est d’un emploi fréquent dans les volumes d’œuvres mêlées de l’époque moderne, recevant parfois dans le domaine poétique des noms imagés de la collecte (‘bouquets’ ou ‘Ramelets’) ou de l’ordonnancement (avec métaphores temporelles ‘journées’ et ‘serées’, ou spatiales ‘parterres’ et ‘quoarrèus’ ). Les presque 130 pages imputables à la part décrite de l’oeuvre paraissent, malgré la limite du format, suffire à la substance d’une partie de taille convenable. A-t-il été envisagé, comme on en voit divers exemples que cette partie formât le tout de la publication, constituant à elle seule le volume, la suivante devant donner lieu à un volume distinct ? La littérature occitane offre suffisamment d’œuvres perdues, et même plus récemment retrouvées, voire de taille conséquente et dans la même veine, pour en autoriser l’hypothèse (9). A l’inverse s’agirait-il d’un indice, comme évoqué ci-avant, d’inachèvement ou d’interruption absolus du processus éditorial ? Nous ne pouvons alors déterminer si cette dernière concerne l’édition seulement (abandon de la publication et donc de la composition) ou l’opus à éditer (par défaillance de sa rédaction, ou par indisponibilité de sa copie).

18 La table finale conserverait ainsi trace de la seule velléité d’un ouvrage plus ample, qui eut compté deux parties ou plus, dans lequel l’occitan semblait promis à une place non négligeable. Consolons-nous en nous persuadant, en revanche, de la réalité de la (première) partie dont l’énumération détaillée (intitulés) du contenu imprimé (paginé) ne laisse aucun doute sur l’existence des textes correspondants. C’est sur ceux-ci qu’il nous faut revenir pour en mieux observer l’apport sociolinguistique et littéraire.

19 * *

20 Le premier livre est donc intitulé ‘Retirade’, mot qui ne paraît assimilable à aucune forme linguistique française, notamment du fait de l’emploi du suffixe flexionnel –ade, paradigme des passés composés féminins de l’occitan, ici réalisé avec un –e final post- tonique caractéristique des parlers de la façade maritime de la Gascogne (Maremne).

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Exact équivalent néo-roman du français retraite, Retirade est ainsi évocateur des poétiques humanistes de l’introspection (10).Néanmoins l’emploi de cette forme gasconne authentique paraît insuffisant pour inférer formellement l’emploi de l’occitan dans ce premier livre, dès lors que le recours à cette langue, à l’instar de la pagination, est ordinairement spécifié en sus de l’intitulé du fragment concerné. A vrai dire, Retirade ne l’interdit pas davantage et si l’objet de ce livre est, comme indiqué, de présenter au lecteur ‘le sujet et disposition de l’œuvre’, la présence même partielle de l’occitan n’est pas à exclure de cette introduction. Ne peut non plus être écarté a priori l’éventuel emploi d’un langage mixte francitan (11)mais l’usage de celui-ci, habituellement réservé aux registres satirique ou burlesque, paraît ici hors de sujet.

21 En tout cas cette partie, explicitement adressée ‘aulx amys’ lecteurs et très probablement écrite en prose comme tend à le prouver la mention explicite de vers pour d’autres pièces, semble très exactement correspondre à une préface d’auteur, ou pour l’exprimer dans les concepts de l’époque, à la phase rhétorique de la ‘captatio benevolentiae’ initiale. Elle révèle donc un auteur au fait de l’art de la persuasion sinon de l’éloquence, mais aussi suppose un ouvrage d’une certaine exigence pour le lecteur, requérant en conséquence la clarté d’exposition comme condition à son adhésion au pacte de lecture. L’emploi du français dans ce livre, à l’instar de la table qui le recense, peut constituer un élément de séduction dans ce sens. Mais il est en vérité moins destiné au pouvoir linguistique francophone (institutions royales, encore lointaines pour la frontalière , et noblesse seconde, également absente de la ville) habituellement flatté, qu’aux ‘amis’ par le commerce, au nombre desquels la clientèle étrangère, dont ces nombreux Flamands pratiquant le français, et ces Espagnols occupants des précédants.

22 Le second livre conserve également une part d’indécision s’agissant aussi bien de l’emploi de l’occitan gascon potentiellement suggéré par l’ethnique ‘baionnoise’ (supposé que nous restions exempts de la contamination induite par l’activité polyglotte de Voltoire, que rien n’assure pourtant être l’auteur), que du choix du registre d’écriture qu’on incline, pour une muse, à croire plus convenable en vers. Rappelons d’ailleurs, là aussi, la possibilité très réelle d’un texte mixte, que ce soit par une mise en dialogue des langues en présence, nous trouvant, en Gascogne, à l’épicentre du modèle trilingue de G. Salluste Du Bartas par strophes alternées (12), ou par dilection pour le discontinu, mêlant prose et vers dans le sillage de l’Astrée, voire par combinaison des deux. Ce qui est sûr est que le naturel bayonnais de cette muse la situe dans le prolongement des dédicataires du livre premier : amys mais aussicompatriots de l’auteur, pour la plupart sans doute simultanément. Drainant le commerce gascon de la vallée de l’Adour, et au-delà jusqu’à Auch et Toulouse, la cité maritime rivale de Bordeaux est donc, avec ses singularités, à l’origine de son inspiration (13).

23 Avec son intitulé rappelant irrésistiblement la Civilité morale des enfants d’Erasme et autres guides de conversation, le tiers livre nous place à un carrefour générique et culturel. D’une part, le syntagme ‘conversation civile’ renvoie à un entretien moral, de tonalité effectivement assortie à la retirade, et certainement disposé en forme dialoguée. Les mots propos, entretien, dialogue, conversation, désignaient à l’époque moderne, de façon à peu près synonyme, des exposés polémiques ou didactiques à progression déductive par recours à des interlocuteurs de convention. Ces textes dialogués, répandus aussi dans le domaine occitan, constituaient autant de versions

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profanes et littérarisées du catéchisme par questions et réponses, de tonalité tantôt grave, tantôt burlesque (parodiques) puis ironique (sous les Lumières). L’adjectif civil renvoie à l’organisation sociale dans son ensemble, installant la société à la fois comme l’objet de cette conversation et comme sa qualité. Celle-ci, la civilité, est, de façon générale le produit d’une éducation soignée, marque de distinction qui revient en faveur après les troubles de religion, remplaçant la tragédie par la pastorale, avec d’Urfé, Larade ou Goudouli, l’affrontement par la galanterie autour de Madame de Rambouillet ou dans les salons toulousains. Une telle conversation s’éloigne donc de la férule des pédants du siècle précédent pour en appeler à l’honnête homme, civil et vésiat (14).

24 Est ainsi proposée comme appropriée au ‘temps présent’ une conversation d’ordre général et de caractère sociable entre citoyens, dialogue en conséquence pacifique, conduit en termes civils, de protagonistes naguère pourtant déchirés par une guerre non moins dite civile, entendez générale, de tous contre tous, fratricide entre chrétiens, funeste à la société. Naguère déchirés ? Globalement, c’est évidemment à la période des conflits armés confessionnels que la locution temps présents s’oppose allusivement, aujourd’hui supplantant hier. La référence est d’autant plus prégnante pour les Aquitains, et spécialement les Béarnais, que leur Roi, acteur majeur de ces conflits, est ensuite devenu le promoteur de la paix et Roi de France par surcroît, régnant, lui aussi, sur deux langues. Mais la chronologie pourrait être affinée. S’il eut été vain, dans nos hypothèses éditoriales, de supputer le titre de l’ouvrage perdu, la sorte de communauté de destin que nous croyons s’être un moment établie entre l’Interprect et son jumeau perdu les rapproche en tout cas de façon manifeste par la date. Si rien n’autorise à attribuer de façon certaine le millésime manuscrit non vérifié de 1620 à la date de parution putative de l’œuvre (et encore moins de ses parties), tout nous engage à les estimer proches.

25 C’est alors pour le Béarn et ses abords le début d’une période de tensions extrêmes liées au sort du Royaume. Lorsqu’Henri III de Navarre avait réuni deux sceptres en ses mains (régime d’union personnelle), le statut de l’Etat béarnais n’avait guère été modifié. Sans doute les ‘papistes’ minoritaires espéraient-ils beaucoup du rapprochement avec la France, où l’abjuration du nouveau roi consacrait la prééminence catholique. Cependant le Parlement de Navarre ne pouvait renier les constitutions autochtones, ni la minorité catholique réclamer uniment l’abolition de la souveraineté. Un parti national et protestant, d’inspiration monarchomaque, discret du vivant d’Henri, s’est fait de plus en plus virulent (15) au fur et à mesure que la régente de France et son fils, catholiques zélés d’orientation absolutiste, sont intervenus politiquement pour établir le catholicisme comme religion d’état dans le pays (‘cujus regio, ejus religio’). Les libelles des deux bords, dans lesquels l’occitan trouve place en prose et en vers, témoignent de l’acuité du conflit (16). Louis XIII fut dans l’obligation de venir à Pau, le 20 octobre 1620, usant de sa qualité de suzerain, mais non sans appui militaire, pour faire enregistrer un Edit d’Union, mettant fin de facto à l’autodétermination de la Navarre, et ouvrant un conflit général avec l’ensemble du protestantisme occitan, de La Rochelle aux Cévennes. La résistance béarnaise continua néanmoins plus de deux ans, conduite par Jean-Paul de Lescun, finalement saisi et exécuté à Bordeaux le 19 mai 1622.

26 On comprend sans peine l’intérêt qui pouvait donc s’attacher, en 1620 ou immédiatement avant, pour un ressortissant de la cité maritime, république commerçante encore très imparfaitement assujettie au régime français, et placée entre l’écorce et l’arbre de ces deux voisins, à engager entre ‘compatriots’, que nous

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comprenons ne point désigner les régnicoles français, des conversations en effet civiles, aux deux sens du terme, pour exorciser les dangers ‘du temps présent’. Intérêt aiguisé par le siège d’un évêché dont relèvent jusqu’en 1566 quatre archiprêtrés basques de l’ancienne Navarre cis-pyrénéenne (toujours revendiqués), pour l’heure occupé par Jacques de Mauri, prélat énergiquement engagé dans la contre-Réforme. Or celui-ci heurte, par ses manières fortes, un conseil de ville par nature hostile au scandale comme à la sédition, qui entend conserver par rapport aux Réformés tant urbains que forains (Anglais, Flamands et Nordiques liés au commerce) une attitude sinon laïque, du moins irénique, où la modestie se fait instrument de modération afin de « vivre en paix et repos, n’injurier ni les uns ni les autres, ni se reprocher les uns les autres leurs qualitez » (J. Pontet, op. cit. ennote 13, p. 168).

27 Plus difficile est de déterminer si la conversation de ce tiers livre, qui paraît en effet exempte du caractère polémique des pièces liées au conflit béarnais, fait un semblable emploi de l’occitan, ni de la versification, dont l’absence de mention explicite laisse présumer le double refus. Il en va tout à l’inverse du livre quatrième, dont le titre spécifie immédiatement la combinaison ‘en vers gascons’. La tonalité n’en paraît pas moins morale sous le titre LA Nourriture des enfans aulx Peres et Meres. Mais il ne s’agit pas d’une version puérile de la conversation précédente, car la phrase doit être entendue à rebours de la syntaxe actuelle. Des n’y a pas le sens attributif (‘nourriture pour enfants’) mais distributif (‘dispensée par eux’). Et l’on comprend ainsi que l’aliment considéré ne relève pas de la pédiatrie nutritionnelle mais du devoir sacré d’assistance des cadets aux aînés, sujet empreint de gravité morale s’il en est. On sera donc enclins à relier les choix ici faits de la langue nourricière et reçue des Pères et du caractère lignager et pour ainsi dire ethnique du sujet, dont l’association nous place dans le sillage d’un moraliste du siècle précédent, l’éminent poète Pèir de Garros (17). Ce faisant on soupçonne la portée morale de n’être pas exempte de métaphore politique de circonstance : si l’homme de bien ne peut abandonner les siens ni en oublier la langue, comment pourrait-il en trahir les lois ? La fidélité civile fournit ainsi le ciment d’un honnête homme gascon.

28 Cette thématique se poursuivra d’ailleurs dans des œuvres occitanes postérieures, et semblablement dans notre cinquième livre, Lexhortation & remedes aulx desbauchés & dissolus, qui paraît prolonger le thème en l’inversant. En effet, la débauche est inévitablement allusive aux gaspillages et dilapidations, dont les plus choquants sont ceux du fils prodigue ; la dissolution étant naturellement évocatrice de mœurs générant la ruine des liens de solidarité familiale. Il semble donc qu’il faille envisager ces deux livres comme une sorte de diptyque traitant successivement des devoirs des (bons) enfants envers leurs parents et exhortant, avec une volonté édificatrice manifeste, les débauchés à remédier à leur travers. Passant de l’échelle de la famille à celle du peuple, cette métaphore politique peut-elle viser la tiédeur de certains Bayonnais vis-à-vis de l’institution municipale désormais soumise à l’étau centralisateur français, voire même de certains Béarnais à l’endroit de leur règne menacé ? On voit en tout cas que le dialogue ouvert par la conversation civile s’avère fertile – et que la cohérence intellectuelle sinon littéraire de notre œuvre sans titre est vaillamment soutenue.

29 C’est cependant la dimension morale, davantage que politique, que paraissent cibler les trois stances emphatiquement proclamées en vers pour mieux les souligner gascons. L’accent est ainsi placé sur le choix d’une forme poétique ordinairement exigeante dans

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la facture et élevée pour l’inspiration. Nous ne saurons peut-être jamais rien du style de celles-ci, mais on verra volontiers dans la véhémence des ‘contra’ répétés un indice de quelque chaleur lyrique. Il semble que l’auteur ait voulu, avec les vices dénoncés dans les deux dernières pièces : Yvrognes, gourmands et prodigues (cette fois nommément désignés), et : Pipeurs [tricheurs] et mauvais joueurs, dessiner comme un portrait particulier des catégories de vices auxquels l’exhortation précédente offrait remède, comme si succédait à un plaidoyer raisonneur et apologétique une galerie de caricatures satiriques et corrosives. S’agissait-il, castigat ridendo mores, de pièces satiriques à l’ancienne mode (Desportes, Régnier) ou de parodies burlesques baroques, dont la vogue ne cessait alors de croître ?

30 Le terme de stances paraît d’abord l’exclure, a fortiori chez un moraliste. Non que la veine parodique ait ignoré la subversion de cette forme, comme d’autres genres. Mais l’usage réclame dans ce cas l’adjonction des spécifiants ‘satiriques’ ou ‘burlesques’, indication ici manquante d’un usage à contre-emploi du genre ou de la forme concernés. En effet que servirait de notifier le genre lorsqu’il s’agit de son exact inverse dans le registre des valeurs littéraires, son contre genre satirique ? Il nous faut d’ailleurs tenir un compte plus attentif du premier vice, dans la stance sur les blasphémateurs. S’il ne s’agissait que des jurons, on pourrait considérer que l’usage en est indissociable de débauche et dissolution et ranger le blasphème au rang des intempérances de bouche et de jeu. C’est l’attitude des magistrats bayonnais qui répriment activement les jeux d’argent, particulièrement de dés, au motif « des blasphèmes qui s’y font ». La pratique juridique béarnaise est même plus rigoureuse : les Fors, codejuridique de l’Etat béarnais, placent le blasphème sur le même degré de gravité que les coups et blessures volontaires d’une part, que la diffamation de l’autre, moyens également déloyaux et criminels de règlement des différents. Le blasphème est en somme déloyauté de la créature envers le Créateur. Il est vrai que les Fors punissent aussi du pilori la tromperie au jeu, le reste relevant de la moquerie publique (et les pasteurs réformés eux-mêmes ne manqueront pas de déplorer les débordements domestiques). Mais ne s’agit-il que de cela ?

31 L’intensité des débats confessionnels dans l’ de ce premier XVIIéme siècle oblige évidemment à mettre au premier plan l’aspect religieux, impie, du blasphème. Théophile de Viau n’allait pas tarder à en éprouver quelque chose. D’ailleurs le caractère blasphématoire résulte d’abord d’une perversion d’opinion, avant l’emploi des mots. Et c’est ici au sort de Vanini, dont les cendres sont encore chaudes dans la Toulouse de l’Interprect, qu’on doit penser. Papistes toulousains et Parpaillots béarnais rivalisent de rigueur dans la répression de ce vice, injurieux au Créateur autant qu’aux fidèles, subversif de la religion autant que du siècle, et ainsi d’une gravité institutionnelle majeure. Mais l’austère Bayonne, dans la tentative incessante d’améliorer la sécurité juridique de ses pratiques, n’est pas en reste en fait de morale, qui institue dès 1580 dans le corps de ville, une commission de trois magistrats inspecteurs chargé de son contrôle public. D’où vient dès lors l’exorbitant emploi de Pour en faveur du blasphème ? Cette badinerie du ‘pour et contre’ renouvelée des blasons controversistes du siècle précédent, pouvait-elle être innocemment de mise sur un sujet si peu badin, alors que la réaction anti-libertine atteignait une virulence exacerbée ? Le ton général de l’ouvrage entrevu exclut pourtant une quelconque provocation libertine envers les dévots, sous le regard d’un évêque rigoriste.

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32 Sans doute faut-il mettre cette dualité de polarités pour et contre au rang du dialogisme ouvert par la Civile conversation. S’il n’est pas badin, le pour n’est sans doute pas non plus sérieusement défendu, mais allégué tactiquement pour rendre plus séduisante la rhétorique défenderesse du contre, au final maîtresse du terrain. Il est possible que cette concession résulte de la conception extensive du blasphème pratiquée par le corps de ville, qui réprime aussi sous ce chef le port de masques, notamment lors des débordements du Carnaval. Voltoire tenterait ainsi une sorte de médiation visant à éviter l’exclusion complète du populaire du discours public. Dans ce formalisme de la dispositio, le pour et le contre rejoignaient le conventionnalisme désuet des joutes scolaires et des puys poétiques, mais non la spéculation contestataire des futurs ‘libertins érudits’. De tels exercices étaient-ils présents à l’esprit de l’auteur ? La production édifiante d’Eustorg de Beaulieu devait être bien oubliée, malgré son séjour à Lectoure. A défaut de puys, la Gascogne a bel et bien connu tant des pastorales dramatiques à sujets moraux (communes aussi en Pays Basque et Aragon) que des ouvrages de controverse en vers (18).

33 A y bien regarder, les quelques lignes confiées à l’énigmatique feuillet soulèvent (à défaut d’en résoudre) de bien intéressantes questions sur l’activité éditoriale et nous plongent dans une épaisseur contextuelle et surtout intertextuelle d’une consistance que l’on n’attendait pas. A défaut de retrouver l’ouvrage perdu, comme l’escomptait Gustave Brunet, misant avec optimisme sur la relative épaisseur du volume dont nous venons de préciser la physionomie (pour notre part, nous appréhendons plutôt la fragilité d’un format oblong de si médiocre hauteur, mais que savons-nous de la forme matérielle sous laquelle l’œuvre perdue s’est vraiment concrétisée ?), il sera donc intéressant d’essayer de voir quel apport peut être le sien dans la connaissance de l’institution littéraire occitane.

* *

34 Le constat implicite d’une œuvre perdue, fugitivement répété depuis G. Brunet, est donc solidement explicité. Il emporte une conséquence encore moins examinée et pourtant nécessaire : la question de son auteur. Identification que la sèche rigueur structuraliste eut naguère tenue pour oiseuse mais que l’expérience montre essentielle pour une correcte approche, réaliste, de la littérature occitane, compte tenu du matériau linguistique dialectalisé et du déploiement particulier de l’institution littéraire dans un ensemble multirégional à seule polarité dominante exogène. Car au- delà du degré de plus ou moins grande connaissance prosopographique d’un auteur – et la biographie de celui-ci nous échappe – ce sont les fonctionnalités dégagées par ce que nous induisons de son insertion dans cette littérature et ses processus de développement, qui nous intéressent comme contribution à l’histoire de la communauté occitane.

35 Faute de témoignage externe corrélable à sa teneur rédactionnelle, l’auteur de l’ouvrage décrit par notre table ‘flottante’ est directement inconnaissable. Il nous reste à tenter de croiser à nouveau les approches substitutives déjà mises en œuvre, à partir de la matérialité éditoriale et à partir du contexte. S’agissant du cahier final signé *, le seul élément matériel directement apparenté est naturellement le reste du volume de L’Interprect et spécialement la mention au titre du nom de son auteur. En l’absence de source documentaire renseignant celui-ci, on doit donc relever les indices que ses

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propres ouvrages peuvent fournir sur son compte. Tous ceux qui ont consulté ce guide trilingue ont relevé la finalité commerciale des exemples conversationnels proposés ainsi que le souci d’explicitation grammaticale qui s’y manifeste, conduisant G. Brunet à voir en Voltoire quelque maître de langue. Mais si l’on veut approcher la personnalité de l’auteur, ces modèles phraséologiques stéréotypes ne sauraient être aussi instructifs que les deux cent pages de considérations variées sur la pratique du négoce qu’il développait dès 1607 dans son autre ouvrage Le Marchand (19).

36 Malheureusement l’attention s’est très longtemps limitée à la seule liste de proverbes gascons placée à la fin de ce dernier, comme si l’activité professionnelle de l’auteur avait paru négligeable au regard de l’intérêt parémiologique de cet appendice, seul digne de la considération savante et lettrée. Mais s’il existe chez Voltoire une coupure entre activité négociante et écriture gnomique (encore que les maximes du négoce et les sentences des proverbes eussent plus d’un point commun), ce n’est pas celle de ce préjugé de l’érudition positiviste. C’est que loin d’être issus d’une persévérante collecte personnelle résultant de ses liens concrets avec l’activité commerciale et les milieux humains basques ou aquitains, péninsulaires ou continentaux qui la pratiquaient autour de lui, les proverbes produits proviennent pour l’essentiel de… la traduction gasconne d’un recueil antérieur de large notoriété publié en français par le polygraphe hainuyer ou flamand Gabriel Meurier (20) !

37 Comme le fait observer Jacques Poumarède, historien des mœurs économiques de la Gascogne moderne, le Marchand est une véritable ‘Défense et illustration’ du commerce, voulant par ces termes signifier la pluralité d’approches et diversité de présentation du sujet par l’auteur. Il en suit et commente avec soin le déploiement (21), à partir de la dédicace ‘Aux honorables et vertueux seigneurs, les juges, prieurs, consuls, bourgeois et marchands des cours et bourses communes establies par le Roy’. Les étapes de cette démarche sont expressément glosées par le titre, qui se présente davantage comme une énumération que comme unique enseigne technique ou littéraire (cf. note 18). Il y est d’abord fait mention, contrôlable à l’intérieur du volume par leurs titres de départ respectifs, de quatre parties annoncées avec luxe de détails, puis d’une adresse et d’un dialogue singulièrement mentionnés en dernier comme précédant ‘le tout’. Cette disposition rétroactive tend malheureusement à passer inaperçue par suite de l’emploi peu explicite du mot sous au sens d’infra : ‘Le tout … disposé soubs l’Adresse’, puis celui du mot ‘invention’ pour signifier, conformément à la terminologie rhétorique, la nature d’œuvre de fiction du dialogue : ‘disposé sous l’adresse & invention de … en forme de dialogue ’. En effet, le double sens du mot adresse : ‘avis, appel’ (ici au lecteur), mais aussi ‘habileté, art, ingéniosité’, précédant le mot invention (ici sémantiquement proche de la seconde acception) employé cette fois sans article génère une lecture soudée (en syntagme figé) des mots ‘adresse & invention’ dont l’apparente cohérence est en réalité fallacieuse. On doit en fait comprendre que les quatre parties d’abord citées comme ‘un tout’ sont, dans l’ouvrage, ‘produites et disposées après l’Adresse faite en premier lieu au lecteur, puis la fiction en forme de dialogue à celle-ci consécutive’, qui paraît viser un public plus idéel.

38 Ainsi rétabli dans l’ordre du contenu, cet intitulé disert marque la distinction introduite entre trois lots de pièces d’enjeux différents. D’un côté sont deux discours en prose, respectivement ‘traictant des propriétez du négoce, de la qualité et condition du bourgeois et autres particularitez’ (pages 50 à 80), et des causes ‘de la décadence du négoce’ (pages 81 à 108), réflexions d’expert manifestement citées en premier comme

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constituant le cœur du sujet (« une instruction à la jeunesse pour s’advancer et maintenir dans le commerce », selon les termes de la dédicace). De l’autre suivent des appendices. C’est ce que traduit l’alternance des deux participes présents successifs : le premier référant au thème du marchand, caractérisé dans son activité archétypale ‘le marchand traictant… du… négoce’, le second référant exclusivement au volume placé entre les mains du lecteur ‘contenant aussi un recueil de…’, référent que la formule éditoriale alors d’usage consacré étend au dernier appendice ‘[contenant] … ensemble les Motets gascons’. L’on comprend mieux ainsi la syntaxe initiale un peu lourde présentant les discours, constituée de quatre éléments : un titre, un sous-titre et deux parties (‘L’office du Marchand, ouvrage traitant du négoce, à savoir : de la qualité du bourgeois et marchand, des causes de la décadence du négoce’).

39 Le premier discours est un plaidoyer que nous qualifierions aujourd’hui de corporatiste sur l’utilité sociale des métiers du commerce, « de l’intelligence, du fruict et labeur d’iceux ». Sa démonstration tend à assigner à ces acteurs économiques une situation exactement médiane dans le corps social de leur temps, équidistante des ordres privilégiés (clergé et noblesse, partie « subjecte aux grand vents des affaires mondaines pour sa hauteur ») et du tiers état laborieux. En effet celui-ci reste sujet « aux terreurs et débordements des affaires des lieux bas, mal disposé pour sa bassesse ou ignorance », formule qui garde probablement la mémoire des troubles sociaux bayonnais de 1573, à l’occasion desquels le corps de ville craignait en métaphores identiques « que de ces allumettes sortit un plus grand feu, lequel ne pourroit estre estaint » (cité par J. Pontet, op. cit. en note 13, p. 123). Voltoire reflète ici parfaitement la hiérarchisation du pouvoir entre les classes bourgeoises bayonnaises rivales pour le contrôle de la cité, et l’avènement de la suprématie politique des négociants parvenus à reléguer les fabricants, triomphe de la profession sur le métier. Aussi ne faut-il pas se méprendre sur sa revendication d’une « médiocrité que les philosophes louent et estiment si doctement » mais davantage relever sa connaissance et l’instrumentalisation consécutive de philosophes d’un profil qu’on devine réaliste. Faut-il voir là une trace janséniste, alors que séjourne à Bayonne de 1609 jusqu’à 1614, le jeune Flamand Cornélius Jansen, futur évêque de la métropole drapière d’Ypres, auprès de son fameux disciple Jean Ambroise Duvergier de Hauranne, futur abbé de Saint Cyran, mais enfant du pays, c’est-à-dire de son élite bourgeoise ?

40 Cette mediocritas commerçante, reprise de sources italiennes et espagnoles développées depuis le Moyen Age dont il pouvait bien connaître le fonds par ses voyages, pétrie de savoirs théoriques et compétences pratiques (géographiques, marchands, arithmétiques, comptables, financiers, boursiers, mais aussi comportementaux, moraux, voire sociaux) largement attestés dans le texte, sous-tend une idéologie économique du bien public, basée sur l’échange déjà mondialisé et la libre entreprise, ne devant de compte qu’à Dieu et au Souverain. Un siècle plus tard, les intendants seront étonnés des fortunes ainsi constituées, jugeant les négociants de Bayonne « plus hardis et plus entreprenants » et son commerce « fort au dessus de celui de Bordeaux ». Voltoire promeut une vision émancipée de sa classe sociale « apte et propre à l’administration et gouvernement [des cités] » (il fait grand cas de celles de Bordeaux et Toulouse, et de leurs institutions municipales) aux antipodes des préjugés cléricaux à l’encontre du négoce et surtout de l’arbitraire arrogant des pouvoirs nobiliaires. Le mépris de cet Ordre pour l’activité mercantile (qui en explique la sous représentation dans la cité portuaire) semble bien le contre-modèle inconscient de sa modestie conquérante. Il est remarquable d’observer la coïncidence avec les années où

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l’aspiration à établir la dignité du corps de ville se fait la plus insistante, enjoignant aux édiles (également investis de fonctions juridiques) d’assister aux séances en tenue (robe et chaperon) au motif même de « tenir la modestie et décence de vie du magistrat » (cité par J. Pontet, op. cit., note 13, p. 97).

41 Le second discours est d’une tonalité toute inverse, qui se livre à une longue déploration sur la conjoncture récessive de la fin du XVIème siècle. En observant les difficultés économiques qui frappent alors l’ouest occitan, Voltoire se révèle un témoin (objectif ou subjectif) d’une époque de prospérité antérieure, qu’on peut à la suite de J. Poumarède situer vers 1570. Nous aurions donc affaire à un négociant d’âge et d’expérience, à l’heure de son bilan professionnel, et de possibles loisirs. Ces discours en français sont flanqués de deux appendices de caractère tout aussi positif à cette époque puisqu’apparentés aux loci communes par leur nature de ‘recueils’ compilant des exemples : l’un de ‘certaines Similitudes ou considérations’ (pages 109 à 128) observations à portée sentencieuse (22), l’autre des fameux Moutets guascous (pages 129 ter à 195) dits ‘sentences récréatives’. Cette dernière acception, qui ne leur retire aucunement la qualité d’œuvre sérieuse, indique plutôt leur conception utilement instructive, vulgarisant une sagesse sinon une jurisprudence coutumières mémorisables et sécurisantes. Cette orientation perdurera dans le très circonstancié Interprect : « Considère que ce que j’en ay fait est pour le bien et commodité du public (…) estimant du moins que Dieu congnoistra [là] mon intention et volonté » (dédicace Au Lecteur).

42 Mais l’ensemble réuni pour Le Marchand paraît poser à l’auteur un problème de présentation au public : il lui faut pour le ‘produire’ devant ce dernier (nous disons aujourd’hui ‘le publier’) interpeller le lecteur par une adresse ajoutée à la dédicace aux pairs, et faire offre d’une fiction de voyage. Celles-ci apparaissent donc comme un troisième lot d’écriture, de prolégomènes nécessaires à la lecture, sorte de seuil éthique ou d’exergue subjectif. En effet, le caractère en est nettement personnel par le thème, qui est un voyage d’initiation (et nullement initiatique, puisque d’un négociant de grand chemin rompu au métier acceptant d’initier un jeune marchant débutant, qui a part congrue au dialogue), et surtout par l’aveu de paternité : Dialogue de l’Autheur et du Marchand (ce dernier étant l’apprenti). Et il s’inscritdoublement dans la littérarité puisque le dialogue est versifié, composé de 1144 vers, et par là évocateur des récits de voyage mythiques des Anciens, sinon précurseur du Télémaque de Fénélon par son prosaïsme tout contemporain. Le corps didactique de l’ouvrage est ainsi enserré entre les rimes gasconnes des proverbes finaux et l’embarquement narratif pour la navigation commerciale d’un vaste poème français. La diversité de ses fragments l’apparente à l’esthétique du discontinu prisée des moralistes, la cohérence gisant dans la visée. Il est aisé retrouver dans ces ordonnancements calculés et cette propension littéraire les caractères entrevus dans l’œuvre perdue de la table ‘flottante’. Voltoire est manifestement l’auteur de l’ouvrage perdu, qui lisait aussi les philosophes.

43 On comprendra par conséquent que nous ne partagions pas les jugements très restrictifs portés sur Voltoire par Gabriel Clavelier : « le fastidieux récit du voyage » puis « les deux soporifiques discours » (dont J. Poumarède montre au contraire l’intérêt pour les idées et l’histoire économiques), et cette estocade : « Il n’est que de lire sa prose ou ses vers, car il s’est parfois hasardé à cet exercice, pour se convaincre qu’il fut, ainsi qu’il l’avoue lui-même, un esprit peu cultivé » (23). Il nous semble qu’il y a là confusion grossière entre culture (celle de Voltoire est même étendue) et savoir spécialisé : la formation lettrée dont cet autodidacte se dit frustré « pour y avoir été

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laissé inculte au milieu de ses ans », que nous comprenons ceux de sa carrière active. Détail qui laisse entendre une première initiation juvénile et le goût de renouer, dans des termes entre temps un peu vieillis, avec la grammaire et la rhétorique. Un collège avait été ouvert en 1571 par les soins des magistrats bayonnais, qui en surveilleront directement le développement, dont le régent assurait dès 1572 l’enseignement des humanités avec le de Officiis de Cicéron.

44 Certes le négociant reconnaît ses difficultés « non seulement pour la traduction mais aussi pour l’orthographe, ponctuation et autre particularitez » d’ailleurs en pleine évolution entre Pelletier du Mans et Malherbe. Mais il entend surmonter cet handicap culturel sans s’embarrasser de pédanterie : « De tels travaux sont du ressort de personnages fort capables et experimentez en ces affaires traductifs et interprétatifs ». Cette sagesse, comme sa curiosité, sont à la vérité tout semblables à celles d’un autre Gascon fils de commerçants venus d’Ibérie, Michel Eyquem, seigneur de Montagne et magistrat de Bordeaux. Où, mieux que dans les Essais dont le succès n’était plus à faire, Voltoire (qui avait peut-être approché le magistrat philosophe sur les quais du Port de la Lune) aurait-il trouvé plus docte estime de la modestie ? (24).

45 S’il est certain que la versification de Voltoire n’a rien d’un Viau ou d’un Larade elle n’est point inférieure à celle de ses autres voisins Auger Gaillard ou Bernard Du Poey, encore moins de plus connus en meilleur lieu, Marc de Maillet ou Louis de Neuf- Germain en français. Il sait composer judicieusement, mais s’excuse de son « rude ramage, comme sortant d’un lieu infertile ». Il convient de ne pas se laisser abuser par ce tableau qui est un lieu commun des intellectuels Gascons de la Renaissance, déjà exprimé avec une poignante force poétique par Pèir de Garros (25). Aussi nous garderons-nous de lui dénier, avec J. Poumarède trop influencé par Clavelier, « la capacité intellectuelle de faire œuvre littéraire ». Il reste heureusement quelques strapontins au Parnasse ! Néanmoins la maîtrise du français, d’ailleurs en phase de mutation, a pu lui créer difficulté dans la poétique et la versification : on ne naît pas poète dans la langue étrangère (26). Et plutôt que nous fier au Dialogue, dont l’esthétique ni l’éthique n’orientent au lyrisme, nous éviterons le procès de sa versification jugée dans cette seule langue (27). On regrettera d’autant les pièces gasconnes perdues, davantage situées dans le prolongement polymorphe du Marchand qu’en lien avec un guide ‘de poche’ spécialisé.

46 Les deux spécimens qui précèdent les Moutets par exemple, soitun envoi Aus legidous, de quatre quatrains en rimes croisées, et un argument Aus Moutets, de 46 vers de strophes variables, dans lesquels il destine ses proverbes aux enfants (notamment ceux des marchands : aus hillets / Deus bourgés et marchans, aus que soun besiadets), laissent une impression de simplicité plaisante. On relève au passage l’intention didactique de ces versifications récréatives. Elle semble la clef du choix de la langue : non mouvement de curiosité envers l’originalité de la ‘création populaire’, mais mise à disposition sous une forme attrayante, linguistiquement familière et mémorisable de rudiments de sagesse comportementale, valables sous toutes latitudes. C’en est même le seul choix, puisque le corpus est d’emprunt ; la qualité formelle, sans être travaillée pour elle-même, n’y est donc pas indifférente (28). En somme, quoi qu’humblement terre à terre, nous avons affaire à une tentative de prolongement sécularisée de la nationalisation linguistique de l’institution littéraire que le poète Arnaud de Salette avait offerte avec éclat aux Protestants de Béarn, par une autre traduction, deux décennies plus tôt (29). Cette veine éducative est évidemment fort éloignée de l’orgueilleux éclat du registre

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aristocratisant dominant alors les Lettres, y compris occitanes à l’ouest. Aussi peut-on, avec l’historien économiste, s’interroger sur la moindre légitimation socio-esthétique de cette production, cause probable d’une audience littéraire rapidement réduite.

47 Fidèle à ses principes, Voltoire paie devant la postérité son choix d’une médiocrité utilitaire d’inspiration humaniste, préférée à l’ostentation de la littérature dominante où le baroque appelle le classicisme. Ainsi se dégage, en creux, comme la figure d’un autre Auger Gaillard, soustrait au culte des Muses par ses navigations au long cours quand son aîné l’était par ses enrôlements partisans, s’essayant à la diversité mais ignorant la truculence d’un Libre gras semblablement perdu, dédaigneux de solliciter les mécènes royaux mais plus fier de son métier sinon de ses capitaux, moins ouvertement religieux mais développant des thèmes moraux et didactiques dont on a peu d’exemples occitans modernes, partageant cependant, bien qu’avec moins d’inquiétude, une forme de marginalisation de son art, et sa persévérance à l’illustrer. Comparaison, certes, n’est pas raison, mais il y faut ajouter le voisinage : dans les années 1585 le poète albigeois dans l’orbite de Du Bartas s’établit en Béarn où il publie ses derniers ouvrages, puis à Pau, touchant pension des Etats jusqu’à sa mort, en 1595.

* *

48 Avons-nous ainsi poussé à ses limites rationnelles la connaissance du sujet ? Il est clair, une nouvelle fois, que ‘la plume n’est pas tombée entre les mains de l’auteur occitan par hasard’. Sans avoir besoin de l’inventaire de sa bibliothèque pour en identifier les lectures, nous comprenons que Voltoire, s’il n’a pas fréquenté les letra- ferits moqués par Montaigne, est informé de façon globale du contexte idéologique, culturel et littéraire gascon de son temps. Il n’est donc pas dépourvu des moyens de sa tentative poursuivie sans tambour ni trompette. Il n’est pour s’en convaincre que d’observer à la suite de Jean-François Courouau (30), la concomitance en cette année 1607, dans la même ville de Toulouse, et qui plus est, dans le même atelier de Jacques et Raymond Colomiés, de l’édition du Catounet gascoun, quatrains gnomiques de Guillaume Ader (sur le modèle des Dysticha moribus attribués à Dyonisius Cato), des proverbes de Bertrand Larade (dans sa Muse piranese , d’après ceux de Baïf) et des Moutets du Marchand, tirés de Meurier. La benoîte coïncidence serait étonnante dans la ville de Du Faur de Pybrac, auteur des fameux Quatrains français, au voisinage d’un des dernières gloires humanistes, Jules-César Scaliger, également amateur de proverbes, et alors qu’un concurrent des Colomiès vient d’y réimprimer Baïf.

49 Ces faits ont conduit J.-F. Courouau à envisager l’excursus parémiologique de la Muse de Larade, toujours inquiet de sa notoriété, comme une ‘réponse’ hâtivement apportée à l’initiative de Voltoire. Sauf à y supposer une volonté extra-auctoriale, nous avouons quelque scepticisme devant cette hypothèse à cause du caractère peu valorisant tant de l’ajout de proverbes dans le recueil d’esthétique maniériste de l’exigeant sonnettiste, que de l’idée pour un impétrant aux Jeux Floraux de se défendre de l’initiative d’un marchand (ou il faudrait que la notoriété en eut été bien grande à l’ombre du Capitole). S’il faut certes que l’un ait précédé l’autre, pas plus avant qu’après ne s’impose l’avantage tiré par Larade sur la parution de Voltoire. Quelle qu’ait été la sensibilité d’amour-propre du premier, son public choisi ne s’assimilait en rien aux confrères auxquels s’adresse le mémento du négociant. La rivalité n’en étant guère à craindre avant, une jalousie de Larade n’aurait pu prendre corps qu’après la parution de sa Muse,

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mais le Commingeois jouissait alors par ses seuls vers (et ceux de sa Margalide de 1604) d’une suprématie sans appel.

50 Il nous paraîtrait à ce compte plus tentant de croire la Muse bayonnaise de 1620 émule de la Piranèse, moins par le fait d’une jalousie attardée du marchand que pour épouser une démarche esthétique commune, pour lui d’ornement à l’appui de son hommage corporatif ; ces Muses gasconnes elles-mêmes rejoignant la mémoire archétypale de celle de Du Bartas. Pour peu qu’il faille attribuer à la Muse de Voltoire une date plus ancienne, et à sa fréquentation de Toulouse une incidence littéraire, on pourrait esquisser un rapprochement avec le Recueil de divers poèmes de Jean Galaut, paru chez les mêmes Colomiés en 1611, où se succèdent de plaisants tableaux d’un joueur trop chanceux et d’un ivrogne amoureux. Mais il est certain, se contentât-on de l’attribuer à la mode ou à la demande supposée du public – la rivalité se ramenant alors à l’‘horizon d’attente’ –qu’il y a là un indicateur manifeste de la consistance désormais atteinte par l’institution littéraire gasconne depuis le début de son ‘Siècle d’or’, en nombre d’acteurs, diversité de champs génériques, volume d’œuvres. Et corrélativement, en termes d’intertextualité comme on le devine ici, de circulation de textes comme on le voit si souvent. Cette courte exégèse en fait entrevoir un pan.

51 On objectera pourtant l’anonymat sous lequel furent si longtemps ensevelis le marchand et son œuvre : nous en avons esquissé une explication. Il n’est certes que trop vrai que l’auteur occitan en de très nombreuses occurrences ne se laisse que fantomatiquement entrevoir, faute le plus souvent d’une volonté entretenue d’en faire connaissance. Cette hypothèque, pour fâcheuse qu’en soit l’absence d’éclairage prosopographique et contextuel, est globalement peu préjudiciable pour une littérature nationale établie comme est la française, dont l’étude est elle-même formidablement institutionnalisée. Elle est bien plus gênante pour l’étude, combien marginale, d’une littérature dont la trame est sans cesse compénétrée par des éléments exogènes, dont le tissu doit incessamment être restauré pour prendre sens.

52 On aimerait donc en savoir plus sur Voltoire. Faut-il remonter aux sources généalogiques ? On a évoqué les toponymes de Voltoyre en Aveyron et Cantal (31), mais ces attestations, anciennes ou nord-occitanes, sont encore plus répandues dans le Massif Central sous la forme méridionale Bouldouyre, Bouldoire, également bien attestée comme patronyme. Si l’on devait retenir cette origine foraine, il faut en effet penser à une hypercorrection graphique possible du phonème initial opérée en Béarn (le son [b] restitué par < v > graphique). J.-C. Dinguirard a tenté une localisation linguistique, qu’il place en Gascogne intérieure, mais celle-ci se heurte au fort contexte bayonnais sous-jacent aussi bien au Marchand, qu’au dialecte basque du secteur de Saint-Jean-de-Luz et Ciboure choisi pour référence dans l’Interprect, et naturellement aux ‘compatriots’ assignés à la Muse. Et si le Marchand a circulé entre Béarn et Toulouse, il a pu aisément contaminer son parler de formes locales diverses selon ses relais. S’il fallait esquisser un hypothèse qui conciliât ces données, nous serions tenté de supposer une origine de la Haute Guyenne ou du sud-ouest du Massif occitan, où les corporations colporteuses et marchandes furent développées, et une migration, peut être sur deux générations, vers le bas Quercy puis la Gascogne, qui expliquerait le maintien de contacts Toulousains, voire vers Lyon. Mais c’est dans la région de Bayonne, son authentique port d’attache, qu’auraient probablement le plus de chance d’être retrouvées ses traces matérielles.

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53 Une telle éventualité rendrait compte également de l’aptitude voire l’appétence de Voltoire pour la polyglossie, de son expérience consommée du commerce des hommes pour lequel son empathie paraît effectivement atavique, mais surtout de l’embarras esthético-linguistique qui semble entraver sa veine créatrice littéraire. Car le marchand paraît avoir pâti de cette difficulté particulière aux individus charnègues, ceux que la vie a placés à cheval sur plusieurs communautés sociolinguistiques et qui n’appartiennent univoquement à aucune. C’est le malaise que traduit si bien Montaigne, persiflant l’élégance ‘mignarde’ du français et admirant l’efficience ‘mâle et militaire’ du béarnais – langues également véhiculaires et royales –, mais irrépressiblement honteux de la sienne propre, cet occitan vernaculaire périgourdin ‘brode, traînant et esfoiré’ qu’il renie, intermédiaire informe et disgracié entre poitevin-saintongeais, limousin et gascon véhiculaires aux caractères bien marqués ; tentant dérisoirement de nous faire accroire qu’un bon peu de latin en avait immunisé le petit Michel et son monde (32).

54 Mais dans l’attente d’en apprendre plus par une réponse interne à l’objection de l’effacement, n’est-on pas en droit de s’interroger sur de possibles traces externes laissées par cette production ? Une démarche assez semblable permit de retrouver, rationnellement et non par hasard, en son pays même plutôt que dans l’histoire littéraire, l’œuvre perdu de François Rempnoux. Est-on certain que l’œuvre du marchand de Bayonne n’ait laissé aucune trace dans l’écriture ? Est-on si sûr que le dialogue versifié en gascon ait expiré sous sa plume ? On en doutera certainement en lisant les 2622 vers du Calvinisme de Bearn divisat en siex eclogues dialoguées de Jean-Henri Fondeville, ca 1693, opportunément réédités récemment (33). On y rencontre la même inscription des séquelles interminables des troubles religieux (l’œuvre tente de rallier au catholicisme les Protestants nicodémistes après la Révocation de l’édit de Nantes), la même veine didactique, les mêmes préoccupations morales dans le moule religieux, servies cette fois par une langue dynamique, ruisselante d’authenticité terrienne. La thématique des devoirs des pères et des fils se retrouve avec insistance dans la littérature béarnaise, tant avec La Pastourale deu paisan qui cerque mestiè a soun hilh du même auteur (34) que dans une Noubelle pastourale bearneze et des pièces en français. L’éthique et l’esthétique jusqu’ici perçues comme isolées de l’œuvre importante de Fondeville deviennent beaucoup moins singulières dans le sillage de Voltoire, acquièrent une nouvelle profondeur, la perception socioculturelle que nous en retirons devient plus cohérente, et les perspectives d’interprétation se multiplient d’une production que la méconnaissance seule laissait croire monotone.

55 Certes, ce bout de péritexte soulève autant de questions qu’il n’en résout. Rarement pourtant si peu de lignes délivrent un si riche message. Avec celui-ci la production occitane moderne perd encore un peu de ce caractère accidentel et monstrueux (‘patois ’, à valeur originellement adjective) que le processus de provincialisation lui assignait. Son étude quitte le ‘cabinet des curiosités’ pour entrer dans le concert de la littérature européenne dont l’historiographie cesse de reproduire le tableau de classement des règnes dominants et des seules langues que ceux-ci emploient à élargir leurs empires. Puissent cette émancipation s’étendre à la notoriété de la littérature d’oc contemporaine et cette mise à jour profiter à son tour, malgré le défaut d’enseignement, à l’instruction de jeunes générations occitanes. Et à tous autres.

56 NOTES 1) Pour autant nombre d’observations en la matière sont à relever dans les travaux des occitanisants ces dernières décennies, sous les plumes de R. Lafont, Ph. Gardy, Jean-

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François Courouau, Jean Eygun, Pierre Escudé et autres. Pour la question des didascalies, approche dans : C. Bonnet, « Didascalies et signifiance : lectures du théâtre occitan préclassique », Revue d’Histoire du Théâtre, 2001, fasc. 4, pp. 265-274. 2) Xarles Videgain, éd. et prés. - L’Interprect, ou Traduction du françois, espagnol, et basque, de Voltoire… - [Réédition en fac simile de l’éd. de Lyon, A. Rouyer, 1620]. - [Pau] : Manutius (I.C.N. impr.), 2000. – [2]-XIV-[10]-280-[3] pages, 11 cm. oblong. Voltoire, bourgeois et peut-être armateur bayonnais était déjà l’auteur d’un guide du négociant intitulé Le Marchant, que nous examinons plus bas. 3) S’agissant de l’exemplaire de la Bibliothèque Municipale de Bordeaux (B. 2.866 Rés.) dont j’avais relevé la description suivante lors de l’établissement par mes soins des notices des ouvrages anciens du Catalogue collectif des fonds occitans des Bibliothèques publiques de Bordeaux (Bordeaux, Société des Bibliophiles de Guyenne, 1993) : L’INTERPRECT / Ou Traduction du François Eſpagnol et Baſque de VOLTOIRE / CONTENANT / Pluſieurs Parties ainſi qu’eſt Contenu à la Table / Dernier eſcripte. / [Petit ornement typogr.] / A LYON / PAR A. ROVYER Imprimeur du ROY. // – Petit in quarto oblong 8 x 12,5 cm., de [6] ff.-280 pages, signé A-Z4 , Aa-Nn4 , un cahier signé *2 ( TABLE DE / LINTERPREST OU…) inséré entre les deux premiers feuillets ( [A1 ] : titre, et A2 : AV LECTEVR SALVT ), verso du titre blanc, un feuillet signé * ajouté à la fin ( TABLE DV CONTENV EN CE LIVRE ), objet de la présente analyse. Cette collation, que ne laisse pas forcément déduire l’édition en fac-similé, confirme par le parallélisme des signatures, le caractère superfétatoire de la seconde table. On ne peut déterminer si ce feuillet final était originellement constitutif d’un cahier de deux, la reliure actuelle n’ayant pas conservé les gardes primitives. Par ailleurs la dernière ligne de texte se présente décentrée vers la gauche (le mot Par est justifié imperceptiblement plus à gauche que le mot Ou de la deuxième ligne), le blanc disponible à droite étant occupé par une mention manuscrite du millésime 1620, elle- même justifiée faiblement plus à droite que la syllabe es- du mot espagnol des lignes 2-3, comme si un emplacement vierge avait été ménagé à cette fin au bout de la dernière ligne (car on ne voit pas de trace d’altération d’un quelconque millésime imprimé qui ait fait l’objet de substitution). 4) Nous suivons dans cette terminologie la distinction introduite par Gérard Genette (en dernier lieu Seuils, 1987) entre les éléments paratextuels internes présentant l’ouvrage rendu public (manuscrit ou imprimé), tels que titres, dédicaces, appendices, mentions auctoriales ou éditoriales (y compris, comme ici, dispositions typographiques), etc. en lien immédiat, constituant proprement son péritexte et ceux, externes, rédigés à propos du même ouvrage, en rapport médiat, constituant l’épitexte ; tous éléments contribuant par un lien ou rapport direct à déterminer socialement et instituer le texte et devant par conséquent être distingués du contexte, environnement global sans lien textuel direct. L’objet textuel table ou sommaire des ouvrages anciens, pourtant souvent riche d’indices et d’informations, est demeuré jusqu’ici peu théorisé. 5) Principalement le bordelais Gustave Brunet (Anciens proverbes basques et gascons recueillis par Voltoire, Paris, 1845, éd. revue et augm. Bayonne, 1873 avec éd.) ; Pierre- Alexandre Gratet-Duplessis (Bibliographie parémiologique, Paris, 1847, avec éd. en appendice) ; Otto E. Moll (Sprichwörterbibliographie, Frankfurt a. Mein, 1958). Voltoire a néanmoins fait l’objet d’un regain d’intérêt de la critique depuis la seconde moitié du XXe siècle : Gabriel Clavelier, « Le Plus ancien recueil de proverbes en langue d’oc : les Moutets gascous de Voltoire [joints à son traité de négoce Le Marchand, Toulouse 1607] », Annales du Midi, t. 48, 1936, pp. 29-52 ; Jean-Claude Dinguirard, « ‘So ditz la gens anciana’ :

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recherches sur les plus anciennes collections de proverbes gascons [Marcabru, Larade, Voltoire] », Via Domitia, t. 28, 1982, fasc. 2, pp. 3-108 ; Jacques Poumarède « Une ‘Défense et illustation’ du commerce par un marchand gascon sous le règne d’Henri IV [ le Marchand] », Hommage à Romuald Szramkiewicz [éd. par J.-L. Harouel, M.-B. Bruguière et J. Brouineau], Paris, LITEC, 1998, pp. 425-444 ; et naturellement Xarles Videgain, « Les proverbes en basque de Voltoire [ceux de l’Interprect] », Les Voix de la Nymphe aquitaine : écritures, langues et pouvoirs, 1550-1610 [éd. par J.-F. Courouau, J. Cubelier de Beynac, Ph. Gardy], Agen, Centre Matteo Bandello, 2005, pp. 153-169. Il est utilement replacé dans un cadre général dans l’ouvrage de Jean-François Courouau, ‘Moun lengatge bèl’ : Les choix linguistiques minoritaires en France, 1490-1660, Genève, Droz, 2008, pp. 124-128. 6) Cette particularité n’avait pas échappé au Bordelais Gustave Brunet, qui n’en tira cependant pas davantage parti en décrivant hâtivement le « feuillet qui donne l’indication d’un autre ouvrage de Voltoire », qu’il estime « assez gros pour avoir échappé aux chances de destruction » et « qu’il serait fort intéressant de découvrir » dans sa note : « Un Ecrivain gascon peu connu : Voltoire », Revue d’Aquitaine, t. 10, 1866, pp. 127-129. 7) Abraham Rouyer n’est guère documenté en dehors des produits de ses presses qui nous ont été conservés. Sa production durable et abondante à Orthez atteste de son adhésion à la Réforme. On peut envisager que les événements des années 1619-20 et les textes publiés par ses soins l’aient engagé à déguerpir. Le choix de Lyon s’expliquerait malgré l’éloignement s’il s’agit bien d’un membre de la célèbre dynastie d’imprimeurs fondée dans cette ville au siècle précédent par le lochois Guillaume Rouillé, documentée par Henri Baudrier au t. 9 de sa Bibliographie lyonnaise, et dans son étude sur les variations graphiques du nom familial (il faut tenir compte ici des spécificités phonologiques et orthographiques de l’occitan béarnais). Toutefois, A. Rouyer a été documenté depuis par Emile Dusolier (« Vieux imprimeurs et libraires de Bordeaux », Bulletin des bibliophiles de Guyenne, 1939, pp. 122-123) dans des actes de 1610 et 1611 en qualité de « marchand libraire de la présente ville de Bordeaux, y demeurant en la rue Saint Jammes [Jacques], paroisse Saint Eloi », ville catholique mais mieux placée pour le commerce de librairie avec le Béarn (les Millanges ont la même démarche). Rouyer résidait-il à Bordeaux, se contentant d’exploiter des presses à Orthez ? La longue présence du typographe en Aquitaine et l’absence de concurrent à Bayonne peuvent expliquer la conjonction avec l’auteur (Voltoire avait précédemment publié à Toulouse) ou la commande d’un libraire local ; le transfert de l’atelier à Lyon aurait entraîné un éloignement réciproque propre à justifier quantité d’aléas. S’il reste possible que l’adresse de Lyon ait été fictive, dictée par la prudence de confondre ses productions parmi celles des homonymes de la place, on n’en voit guère, en l’espèce, la nécessité religieuse ni politique. 8) Au terme d’une analyse géolinguistique J.-Cl. Dinguirard proposait, de façon inattendue au regard du basque et de Bayonne, de situer en Gascogne intérieure la langue de ces poèmes, op. cit. supra note 4, pp. 54 sq. 9) Pour nous limiter à nos propres contributions dix-septiémistes, Mailhot, Rempnoux, La Rancontre des Bergers, Rousset. Plusieurs éditions récentes de manuscrits ont aussi restitué leur véritable nature à des œuvres rendues méconnaissables par une tradition dévalorisante (pour nous, L’Hausano de La Feuillade, tragi-comédie politique). 10) Voir les ouvrages de Bernard Beugnot, Le Discours de la retraite, au XVIIe siècle : loin du monde, loin du bruit, Paris, P.U.F., 1996 et de Thomas Pavel, L’Art de l’éloignement : essai sur l’imagination classique, Paris, Gallimard, 1996 ; ceux sur la pastorale de Jean-Pierre van

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Elslande, L’Imaginaire pastoral du XVII e s., Paris, P.U.F., 1999 et Stéphane Macé, L’Eden perdu : la pastorale dans la poésie française de l’âge baroque, Paris, H. Champion, 2002 ; ou sur un plan plus politique nos observations : François Rempnoux : la littérature occitane entre baroque et classique, Gardonne, Fédérop, 2001. 11) Francitan : terme proposé à la suite de Robert Lafont par l’école sociolinguistique occitane pour désigner des formes de langue mixte, soit employées délibérément à des fins burlesques, dans la littérature moderne (Guill. de Reboul, La Feuillade, Cortète de Prades, Viandasso, etc.), soit pratiquées à l’époque contemporaine suite à la généralisation de l’expression française, dans des milieux populaires non ou néo- francophones conservant phonologie, lexique et syntaxe occitans. 12) Guillaume de Salluste Du Bartas, Poème dressé pour l’accueil de la Royne de Navarre faisant son entrée à Nérac, auquel trois Nymphes débattent qui aura l’honneur de saluer sa Majesté, souvent réédité à la suite de la Judith ou des Œuvres de cet auteur, jusqu’à nos jours (quelques ex. dans le Catalogue des fonds occitans de Bordeaux cité note 3, pp. 144-147). Voir Philippe Gardy, La Leçon de Nérac : Du Bartas et les poètes occitans, 1550-1650, Talence, Presses Universitaires de Bordeaux, 1998. 13) Pour l’étude du riche contexte bayonnais, nous nous sommes appuyés principalement sur l’Histoire de Bayonne rédigée sous la direction de Joëlle Pontet, Toulouse, Privat, 1991, « Univers de la France ». 14) Voir les études réunis par Alain Montandon Pour une histoire des traités de savoir-vivre en Europe, Clermont-Ferrand, Université Blaise Pascal, 1995, en particulier celle de Claude Margolin, « La civilité nouvelle : de la notion de civilité à sa pratique et aux traités de civilité » et celle d’Emmanuel Bury. Sur le concept esthétique de vesiat/ vesiadura (parent des ‘bel usage’ et ‘je ne sais quoi’ français contemporains), cf. Ph. Gardy « Le Goût de la beziaduro : d’une ‘manière’ toulousaine au XVIIème siècle » repris dans La Leçon de Nérac (ouv. cité note 12), pp. 195-216. Encore que la civilité de Voltoire dût incliner davantage vers l’assimilation d’un autocontrôle social et des savoirs relationnels du commerce que vers la galanterie aristocratique. 15) Les monarchomaques prônent une monarchie régulée par les Etats (le corps politique « fait le roi », conformément à l’étymologie), ce qui correspondait au type constitutionnel béarnais tel que l’avaient (a)ménagé les Fors. Le représentant le plus remarquable de ce parti était à ce moment crucial Jean-Paul de Lescun, seigneur de Piets. Voir son apologie sur Le Serment solemnel des seigneurs souverains de Béarn à leur nouvel advenement à la Seigneurie. Presté par le feu roy Henry le grand (…) l’an 1581. Avec les articles du for, & autres extraicts des registres des Estampes de ladite Souveraineté. Contre l’union du pays à la couronne de France, & la main levée des biens ecclésiastiques poursuivies par les evesques d’Oloron & de l’Escar, imprimée à la suite de sa Généalogie des seigneurs souverains de Béarn, empereurs, rois et autres princes qui en sont descendus, Paris, 1616 et tiré à part. 16) Notamment La Mouche [parlant] à l’Anti Moyne, sieur de Pieds, compilateur de la ‘requeste genealogique’, copiste de divers extraicts reformez, .i. seditieux & cornemainbasse, contre la main-leuee des biens Ecclesiastiques de Bearn, sans lieu ni date, et Les Défenses de Jean Paul de Lescun, seigneur de Pietz, conseiller du Roy en ses conseils ordinaire et cour souveraine de Bearn, conseil d’Estat et prive de Navarre, contre les impostures, faussetes & calomnies publiées, tant contre le service du Roy et droits de sa souveraineté en Bearn, a la ruyne des Eglises reformees recueillies en ycelle, en general, qu’en particulier contre la personne & Maison du defendeur, en deux libelles diffamatoires… A Orthes, par Abraham Rouyer, 1619. Le nom de l’éditeur ne saurait nous être indifférent. La compromission dans laquelle il se vit ainsi impliqué

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pourrait expliquer son brusque départ, réel ou fictif pour Lyon, devant la venue de Louis XIII. Tableau du contexte chez Thierry Issartel, « L’Etat et la tolérance religieuse en Béarn, 1599-1620 : théories catholiques et protestantes de la souveraineté », Paix des armes, paix des âmes [actes du Colloque international de Pau,1998], Paris, Société Henri IV, 2000, pp. 313-332. Vue générale chez Paul-A. Mellet, Les Traités monarchomaques : confusion des temps, résistance armée et monarchie parfaite, 1560-1600, Genève, Droz, 2007. 17) Notamment dans la célèbre épître versifiée jointe à ses Poesias de 1567, où il remercie son interlocuteur de l’avoir suivi dans la défense de « la causa damnada / De nosta lenga mespresada » (vers 5-22) :

Damnada la podètz enténer Vous la pouvez bien dire damnée

Si degun non la vòu dehéner. Si personne ne daigne la soutenir (…)

O praube liatge abusat, Oh, malheureux lignage dans l’erreur,

Digne d’ester despaïsat Digne d’être chassé de ton pays

Qui leishas per ingratitud Pour délaisser, par ton ingratitude,

La lenga de ta noiritud, La langue de ceux qui t’ont nourri (…)

E non hès conde de l’ajuda Et ne fais cas de l’assistance

Au païs naturau deguda : Due au pays de ta naissance !

Aquò b’es, a plan tot pensar Voilà vraiment, tout considéré,

Son païs mau recompensar. Son pays bien mal récompenser.

Texte, en dernier lieu, chez J.-F. Courouau, Premiers combats pour la langue occitane : manifestes linguistiques occitans, XVI-XVIIe s., Biarritz, Atlantica, 2001, pp. 43-60.

18) Voir l’ouvrage de Léonce Peyrègne sur Jean Cazaurang, de Lanne (Pyrénées Atl.), Cazaurang de L. et son adaptation de la pastorale ‘Mardi-Gras’, Pau, Marrimpouey jeune, 1978. Le terme ne désigne plus ici un théâtre nobiliaire dans le sillage de l’Astrée, mais une forme de comédie de mœurs rurale également pratiquée dans le nord-ouest de la péninsule. Les prétendues ‘comédies’ de Marguerite de Navarre en avaient promu les potentialités édifiantes. La Noubelle pastourale bearneze, 1761 et rééditions, parait traiter à travers l’allégorie biblique des douze fils du patriarche Jacob, de la question du départ des cadets (et du métier dont il leur faudra vivre) ou de leur maintien au service de l’ ostau. La Pastourale deü paysaa de J.-H. de Fondeville, d’un traitement plus littéraire (influence moliéresque ?), en inverse la problématique, le père d’un garçon récusant trois zélateurs successifs de métiers jugés charlatanesques et les femmes de la maison chassant un quatrième, maître d’armes.Fondeville est aussi l’auteur d’un grand ouvrage de controverse ‘pragmatique’ (ou ‘relationnelle’) et non théologique (ou dogmatique), les églogues du Calvinisme de Bearn (cf. note 32). 19) LE / MARCHAND, / TRAICTANT DES / proprietez & particularitez du com- /merce & negoce. / De la qualité & condition du Bourgeois & Marchand, / auec certaine inſtruction à la ieuneſſe pour s’y / aduancer & maintenir. / Du motif de la decadence , ou ce negoce ce void / maintenant reduict. / Contenant außi vn recueil de certaines Similitudes / ou conſiderations. / En ſemble les motets Gaſcons, ou ſentences recreatives. / Le tout produict & diſpoſé ſoubs l’adreſſe & inuention / de ſon

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embarquement & voyage, en forme / de Dialogue. / [ornement typogr.] / A TOLOSE, / Par la Vefue de I. Colomiez, à l’enſeigne du nom / de IESVS, Et Raym. Colomiez, Imprimeurs / ordinaires du Roy. / 1607. // Petit in 12. Le nom de l’auteur d’après la dédicace. [Sic pour l’accentuation et les espacements typographiques autour des virgules]. 20) La démonstration en a été apportée en 1936 par Gabriel Clavelier, op. cit. note 5, qui a identifié cette source dans l’ouvrage de Gabriel Meurier primitivement paru sous le titre de Recueil des sentences notables, dicts, dictons communs, adages, proverbes et refrains, la plupart traduits du latin, italien et espagnol, Anvers, Jean Waesberghe, 1568, diffusé en France sous le titre de Trésor des sentences dorées, dicts, proverbes et dictons communs (sept éditions à Rouen, Lyon et Paris entre 1568 et 1660). Le procédé n’a alors rien de surprenant : son compatriote Larade emprunte au même moment moitié de ses Areproués gascous à Jean Antoine de Baïf (Mimes, Enseignements et Proverbes, 1576 pour le livre Premier, dont l’édition complète de 1597 est précisément rééditée à Toulouse, par J. Jagourt, en 1605) ; il entre dans une pratique de récriture maniériste, particulièrement développée dans les genres brefs, que justifie le succès de la production gnomique dans la seconde moitié du XVIe siècle. G. Clavelier explique le choix de Voltoire par la forme rimée ou du moins assonancée donnée à ses sentences par Meurier, relevant que les Moutets guascous répugnaient à renoncer aux formes rimées (distique, quatrain, plus rarement sixain). Cette propension versifiée en fait l’emblème sinon du pauvre du moins, on va le voir, du laborieux. Il n’est pas sans intérêt de noter, au passage, que le second ouvrage de Voltoire, L’Interprect, peut également être mis en parallèle avec des sources flamandes maritimes, comme le Dictionario, coloqvios, o dialogos en qvatro lengvas, flamenco, frances, español y italiano de même format in 16 oblong, paru à Anvers dans les mêmes années (1571). 21) Jacques Poumarède, « Une Défense et Illustration du commerce par un marchand Gascon, sous le règne d’Henri IV », art. cité note 5. Il est curieux que cet analyste judicieux n’ait pas cherché à corréler, à travers la corporation en objet, la vie du marchand Voltoire et l’activité du port de grand commerce maritime dont il représente à plusieurs égards une sorte de porte-parole. 22) On ne peut qu’être frappé de trouver à nouveau son modèle possible en Meurier (vers 1530-1610), auteur du recueil La Perle des similitudes, non moins propre à gens de quelconque estat, condition et qualité que très convenable au grand avancement de la jeunesse et soulagement de la vieillesse, Malines, G. Cranenbroeck, 1583, et grand fournisseur à partir de 1548 d’ouvrages de linguistique et d’éducation, dont un guide bilingue pour l’enfance La Guirlande des jeunes filles en françois et flamen, Anvers, 1587. On ne peut écarter la possibilité que le Bayonnais ait rencontré l’Anversois dans ses navigations (Voltoire a notamment fréquenté l’Angleterre) et trouvé dans les langues et l’éducation un terrain d’échanges avec ce polygraphe. 23) Dans son étude de 1936 sur les proverbes (cf. supra notes 5 et 20), pp. 32-33. 24) On rapprochera naturellement la haute estime du Marchand pour les institutions municipales et le dynamisme commercial et maritime de Bordeaux, de l’activité déployée par Montagne (-taigne pour la francophonie) tant pour la sauvegarde de la liberté portuaire au milieu des troubles civils, notamment en mai 1585, que dans la mise à jour du coutumier, outil juridique régulateur de la cité, Las Coustumas de Bourdèu naturellement en occitan gascon. Voir notamment Montaigne maire de Bordeaux, Bordeaux, L’Horizon chimérique, 1992 ; Les Ecrivains et la politique dans le sud-ouest de la France autour des années 1580 [actes du colloque de Bordeaux, 1981],

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Talence, Presses Universitaires de Bordeaux, 1982, notamment les communications de Michel Péronnet, André Tournon et Arlette Jouanna ; André Tournon, Montaigne : la glose et l’essai, Lyon, Presses Universitaires, 1983, pp. 196 sq. (2ème éd., Paris, Champion, 2000, id°). Au titre de la curiosité de ce dernier, on peut ajouter son évocation (sur quelle source ?) de telle étrange coiffure féminine bayonnaise dans l’essai III, 5, Sur des vers de Virgile – où il s’excuse de sa liberté en protestant précisément « J’ayme la modestie ». 25) André Berry, L’œuvre de Pey de Garros, poète gascon du XVIème siècle, Talence, Presses Universitaires de Bordeaux, 1997 ; voir aussi Robert Lafont, Renaissance du Sud, Paris, Gallimard, 1969, ainsi que les actes des colloques d’Auch, 1965 : Pey de Garros et son temps, Toulouse, Institut d’Etudes Occitanes, 1968, et Lectoure, 1981 : Pey de Garros, ca. 1525-1583, Béziers, C.E.L.O., 1988. Il n’est jusqu’à Montaigne qui n’entonne le regret d’écrire « chez moy, en pays sauvage, où personne ne m’ayde ni me relève [redresse mes fautes], où je ne hante homme qui entende le latin – et du français [encore] un peu moins » Essais, III, 5. 26) Françoise Bériac relève (Histoire de Bayonne, ouv. cité note 13, page 74) qu’en dépit de la conquête française en 1451, les élites bayonnaises ne montrent « pas la moindre trace de francophonie » au seuil du XVIème siècle et recourent à des interprètes – au truchement de Voltoire en somme. Dans la relation de son voyage en Espagne (1679), la comtesse d’Aulnoy découvre, à l’instar de Racine à Uzès, que les dames de la bonne société de Bayonne parlent toujours gascon (les maris avaient-ils profité des leçons du négoce ?). Pour la difficulté de la création littéraire dans l’autre langue, voyez Auger Galhard, 1579 : « Mas en fransez ieu ny sabi pas gaire / Millou parli la lengo de mon paire » ‘Pour le français, je ne m’y connais guère, / Je parle mieux la langue de mon père’ (Œuvres, éd. Ernest Nègre, 1970, pp. 48-51). Montaigne exprime clairement cette difficulté : « J’ay toujours une idée et certaine image trouble en l’ame qui me présente, comme en songe, une meilleure forme que celle que j’ay mis en besongne ; mais je ne la puis saisir et exploiter. Et cette idée mesme n’est que du moyen estage. […] Tout est grossier chez moi ; il y a faute de gentillesse et de beauté. […Mon style est] plustost grave et sévère – au moins si je dois nommer stile un parler informe et sans regle, un jargon populaire, et un proceder [développement] sans definition, sans partition, sans conclusion, trouble (…) », comme dans la dévalorisation de son occitan : « Mon langage [expression] françois est altéré en la prononciation et ailleurs [pour le reste] par la barbarie de mon cru [origine]. Je ne vis jamais homme des contrées de deçà [en deçà de la Loire : les pays d’oc] qui ne sentît bien evidemment son ramage […] », Essais, II, 16, De la praesumption. On note la similitude de termes. Voir encore note 31 ci après. 27) Jacques Poumarède, art. cité note 5, page 433, sévérité paradoxale pour une médiocrité (des alexandrins boiteux, l’hémistiche hasardeuse, un manque de figures mythologiques qui pourtant ‘encombrent’ ailleurs) fort éloignée de l’incapacité alléguée, aggravée de lacune littéraire : le dialogue, même versifié, notamment pastoral, n’est certainement pas en désuétude entre le XVème s. et Fontenelle …mais bien la source utilisée (Littérature française de Godefroy, 1878 !). Sur l’expansion du dialogue (y compris les traités : Sigonio, Speroni, Le Tasse) et l’extension du dialogisme (dont les manuels de grammaire ou de langues) à ce moment, voir par ex. les études d’Eva Kushner, Le Dialogue à la Renaissance : histoire et poétique, Genève, Droz, 2004 ; celles réunies sous la dir. d’Anne-Marie Chabrolle-Cerretini et de Véronique Zaercher, Dialogue et intertextualité : Europe, XVI-XVIIe s., Sarreguemines, éd. Université de

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Nancy II, 2005 ; ou de Roger Friedlein, El Diálogo renacentista en la península ibérica, Stuttgart, Steiner, 2005. 28) On peut ainsi se demander par ex. si le terme moutet/motet (diminutif occitan de mout/mot, au sémantisme initial lexical de ‘mot émis, locution’) employé préférentiellement à reproèr par Voltoire, n’inclut pas ici une trace des fonctions rhétorique et musicale du motet comme clausule donnant lieu à des effets de rythme et d’assonance, tels que peuvent le traduire ‘formule, formulette’. Cf. Pèire Godolin : « L’Angel nos a dit un grand mot / Lausat siá Diu per dessus tot » ‘un grand principe’ ; et : « Qui son les que s’i fan à cantar le motet / A l’aunor del bèl Enfantet ? » ‘qui répètent le motet’ [apprennent un air de Noël], allusion aux enfants de manécanterie (nous citons d’après la récente édition de ses Œuvres par Pierre Escudé, Toulouse, Privat, 2009, noëls, pp. 281 et 366). Ces moutets pour enfants pourraient bien avoir eu une visée scolaire dans le sillage de Meurier. 29) Arnaud de Salette, ministre, Los Psalmes de David metuts en rima bernesa, 1583. Ed. navèra par Robèrt Darrigrand, Orthez, Per Noste, 1983 et nouvelle éd. complétée (avec introduction historique par Philippe Chareyre) Paris, Champion, 2010. On n’aura garde de négliger la portée stylistique et esthétique de la réflexion parémiologique en langue maternelle, comme nous l’avons relevé à propos de Grégoire Mailhot (« G. M. et la littérature satirique occitane à l’époque classique : une page limousine inconnue, 1700 », Bullet. de la Soc. Archéol. et Histor. du Limousin, t. 126, 1998, pp. 101-142, et pour son recueil : Louis Bonnaud, « Un Recueil de proverbes limousins en 1710 », idem, t. 97, 1970, pp. 203-206). 30) J.-F. Courouau, Moun lengatge bèl, 2008, op. cit. en note 5, pp. 133-134. 31) J. Poumarède, « Une ‘Défense et illustration’ du commerce… », art. cité en note 4, p. 427. 32) Montaigne, Essais, II, 16, De la praesumption (cf. supra, note 26) n’innove pas, l’idée est déjà sous jacente chez l’Angoumoisin François de Corlieu. Voir sur cet aspect, après celles de R. Lafont et F. Garavini, nos observations « Entre vernaculaire et véhiculaire : l’écrit occitan à l’époque moderne dans les confins nord-ouest du domaine linguistique », Aguiaine, t. 27, 1995, pp. 17-32 (actes du IV° colloque de la SEFCO, Saintes, 1993). En outre, la dédicace de Voltoire Au Lecteur de l’Interprect témoigne, à propos du basque, d’une conscience aiguë de la variation diastratique (dans l’espace) des langues, relevant que le français et l’espagnol disposent à cet égard de « correction authorisée ou omologuée », ce qui vise clairement le réseau des Inventeurs du bon usage étudié par Danielle Trudeau (Paris, Ed. de Minuit, 1991). Qu’en pensait-il à propos de l’occitan, dont le guide trilingue naturellement ne souffle mot ? 33) L’excellente édition établie en orthographe classique, présentée et traduite par Robert Darrigrand, Orthez, Centre d’Etudes du Protestantisme Béarnais, 2002, 374 p. vient de faire l’objet d’un retirage en 2009 pour son inscription au concours du CAPES d’occitan, la rendant à nouveau disponible. Concernant le genre de l’églogue dialoguée, on rappellera que celui-ci jouit en Béarn d’une solide réputation, de Pèir de Garros à la Pastourade Gascoue de son frère cadet en passant par le poème trilingue de Du Bartas. 34) Quatre actes en vers. Dernière éd., en graphie classique, par Michel Grosclaude, Orthez, Per Noste, 2001, (coll. ‘La Civada’). Le personnage du père reçoit successivement, en vue d’instruire son fils, les représentants de trois professions frottées d’université, jurisconsulte, médecin, apothicaire, naturellement francophones, qui l’horripilent, puis un maître d’armes que chassent les femmes de la maison : le fils sera paysan comme son père. La Nouvelle pastorale, qui suit, inverse la donne : les dix

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fils d’un patriarche archétypal, aux noms tous bibliques, se voient proposer autant de métiers déterminés dont ils dénoncent les travers moraux respectifs. A l’inverse du fils prodigue, ils resteront paysans. La revendication d’identité n’a cependant plus la placide solidité corporative des marchands et sent la manipulation physiocrate.

57 APPENDICES

58 1- [Nous pouvons proposer en appendice une édition moderne des deux poèmes gascons de Voltoire (62 vers) évoqués supra p. 13, seule production littéraire occitane conservée de Voltoire.]

59 2- [Il peut être joint, sous réserve d’autorisation de la Bibliothèque Municipale de Bordeaux, une reproduction de la table des matières de l’ouvrage perdu (commodément reproductible à partir du reprint procuré par Ch. Bidegain, référencé supra, note 2).]

INDEX

Thèmes : littérature Mots-clés : littérature minorée, littérature occitane, L’interprect ou Traduction du françois espagnol & basque, paratexte, péritexte, Voltoire (15..-16..) Index géographique : Bayonne Index chronologique : 17e siècle

AUTEUR

CHISTIAN BONNET

Université Blaise Pascal, Clermont-Ferrand [email protected]

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Pour une anthropologie de la fête au Pays Basque

Eric Dicharry

« Il y a deux grandes espèces de sceptiques : ceux qui ne croient à rien par paresse, par fatigue, par mollesse, esprits aussi « distingués » que totalement désintéressés de tout. Et ceux qui ne croient que ce qu’ils ont compris, éprouvé, prouvé et vérifié. » (Claude Roy, 1997, p. 235) « Toute société existe en instituant le monde comme son monde. » (Castoriadis Cornelius, 1975, p. 259) « La mondialisation, parce que les cultures résistent à l’inculcation, parce que les civilisations sont des structures de longue durée qui canalisent le cours de l’histoire, n’empêche pas chaque groupe social de défendre son identité en recontextualisant les biens importés. » (Warnier, 1999, p. 106)

Quel intérêt pour l’anthropologie de s’intéresser à la fête ?

1 Le temps festif est une occasion privilégiée pour saisir les transformations culturelles, politiques, économiques, linguistiques et sociales. La fête est une mise en scène de la société dans son territoire. Elle est définie par les ethnologues comme un temps hors du temps (celui de la quotidienneté). Comme l’écrivait le sociologue Emile Durkheim : « le rythme du temps préside à l’état de congrégation qui apporte à la société le sentiment qu’elle a d’elle-même ». En effet, la fête en scandant le temps apporte à la société le sentiment qu’elle a d’elle-même. Pour Georges Bertin, « L’expression du collectif, dans la fête effervescente, conduit à une épiphanie, une exaltation qui servira de référence dans la grisaille

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des jours. Elle conforte la résistance à l’imposition sociale ». (Bertin, 1999) Ces manifestations collectives (bals, fêtes, banquets, carnavals...) sont des lieux d’initiation. « Ils mettent en oeuvre des rituels par lesquels la société maîtrise le temps qui passe et l’angoisse qu’il suscite. » (Bertin, 2002) La fête permet de maîtriser l’angoisse du temps qui passe.

2 La fête est paradoxale. Elle est à la fois facteur de cohésion sociale mais aussi rupture, par la transgression de la norme sociale. Elle est « un excès permis, voire ordonné, une violence solennelle d’un interdit » (Freud). Elle permet de saisir écrit Guy Di Meo : « la façon dont la société construit son rapport au territoire, sa territorialisation et ce, notamment dans des espaces sujets à des revendications territoriales. La fête porte une charge identitaire : elle donne du sens à un espace qui devient alors territoire, elle participe ainsi à la territorialisation des lieux en se faisant le vecteur des représentations identitaires. » http://www.cafe-geo.net/article.php3? id_article=111

3 Il y a incontestablement, en même temps qu’une extension planétaire, une mode et une prolifération de la fête depuis une trentaine d’années et le nombre de recherches qui portent sur cette problématique dans le champ des sciences sociales témoignent de l’intérêt des chercheurs pour cet objet qu’est la fête.

4 Si elle est tant étudiée, c’est que la fête permet de donner en actes à l’observateur une définition du rapport au monde. Les acteurs de la fête créent un savoir. Un savoir faire la fête : local et collectif. Un savoir sur les gestes, sur leurs corps, sur la convivialité, sur les modes d’interactions, sur eux-mêmes et sur leurs rapports aux autres et au monde. Toute la difficulté pour le chercheur consiste à montrer l’acte de faire la fête en même temps qu’il fait la fête. Pour cet objet d’étude comme pour d’autres, point de salut pour l’ethnologue en dehors du terrain où poussent les faits. La question de la distanciation par rapport à l’objet reste déterminante. Il ne faut pas que sa participation empiète sur sa capacité à observer. Pour ce faire, il doit se positionner tel un être « suréveillé », attentif aux détails qui font sens non seulement pour lui mais aussi et surtout pour ceux qu’il s’est donné comme objectif d’observer. Il s’agit donc de poser en principe une double interrogation. Celle du sens de la fête pour lui-même (observateur) et celle du sens de la fête pour les acteurs (observés). Il se doit donc de problématiser à partir de sa recherche sur la fête 1) son rapport à lui-même, aux autres et au monde et 2) partir de la définition que les acteurs observés donnent en acte de leur rapport à eux-mêmes, aux autres et au monde. La distance se trouve dans la capacité que possède le chercheur à une autoréflexion età une autocritique permanente qui l’aidera à revisiter cette situation d’acteur et d’auteur, à prendre conscience de son rôle et par là même à valider ses résultats. Comme l’écrit Gérard Althabe : « Constater que le chercheur est un des acteurs du jeu social dont il s’est donné la tâche de rendre compte, de mettre en évidence la cohérence, de définir les règles, permet de traiter l’enquête elle-même comme un terrain d’investigation ; la manière dont l’ethnologue est « produit » en acteur, les transformations dont sa position est le cadre, les relations dans lesquelles il est impliqué font partie de l’univers social étudié et sont élaborées par le mode de communication dont il construit les termes. » (Althabe, 1998, p. 43)

5 La fête pour revenir à elle, renvoie toujours à une double histoire : personnelle et collective. Mais quand j’énonce que j’aime faire la fête, où quand les acteurs énoncent qu’ils aiment faire la fête qu’est-ce qui se cache sous ces énonciations ? Est-ce que la fête renvoie à l’idée de jeunesse ? D’ailleurs existe-t-il un âge limite pour faire la fête ? Faisons-nous la fête pour rester jeune ou pour se donner à nous-mêmes l’illusion de pouvoir rester jeune ? Qu’est-ce que j’aime quand j’énonce aimer faire la fête ?

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L’activation mnémonique qui me renvoie aux compagnons avec lesquels j’ai participé aux fêtes ? Ce que j’ai été ? Quelles sont mes motivations qui me poussent à faire la fête ? Quelles sont les modifications de ces motivations avec les années qui passent ? Aimer la fête renvoie-t-il à la vénération de ma propre histoire personnelle ? A une histoire qui la dépasse en se faisant collective ? Quelles sont les modalités de ma mise en forme et de la mise en forme des autres à travers l’acte de faire la fête ?

Un bref détour par l’étymologie

6 Etymologiquement, le mot fête provient du latin festi. A Rome, le calendrier était divisé en jours festi, jours de repos consacrés aux dieux et jours fasti, pendant lesquels il était permis de s’adonner aux affaires publiques. Le sens originel de la fête ne se trouve pas dans le simple divertissement mais dans la mise en branle de rites païens en relation avec les cycles annuels et ses divinités que la population honorait pour rendre propices la chasse, la récolte ou la prospérité de la société. La pratique festive visait à l’origine à calmer et à se protéger des forces de la nature. Elle a gardé avec les fêtes d’aujourd’hui une même préoccupation fonctionnelle quant à la permanence, à la pérennité et à la cohésion de la communauté. Ce n’est que bien plus tard que l’Eglise catholique a superposée ses propres fêtes devenues sacrées sur les dates clés du calendrier solsticien. Fêtes/rites qui comme l’a bien démontré l’historien et anthropologue navarrais Julio Caro Baroja dans les Fête-Dieu espagnoles renvoient à la fois à des croyances anciennes et à des représentations socio-politiques contemporaines.

Le syntagme fête basque en question

7 Comme la « culture basque », la « fête basque » n’est pas « la somme algébrique d’un ensemble de traits culturels » (Laborde, 1997). La fête basque ne peut se réduire à une série de termes clairement identifiés. Le syntagme « fête basque » réfère à une double dimension. « D’une part, il renvoie à des représentations objectales (des objets, des pratiques) ; d’autre part, il qualifie des représentations mentales, à quoi l’on accède par les discours qui font exister ces pratiques et leur procurent une (ou des) signification(s). Il réfère, en somme, à des opérations sociales dans lesquelles s’opèrent des couplages relationnels associant l’adjectif qualifiant une pratique à un nom qui la désigne. » (Laborde, 1997)

8 Notre anthropologie de la fête se veut libérée des schémas fixistes et notre théorie de la fête ne découle pas d’un éternel toujours-déjà-là, immuable. Au contraire elle est une manière de qualifier des pratiques festives. Notre analyse de la fête se veut ici résolument dynamique. Il ne s’agit donc pas, pour nous, de simplement définir une fête basque, mais bien d’analyser comment se fabrique, socialement, une fête qui ne devient basque qu’à partir du moment où elle est définie comme telle par les acteurs qui l’inventent. Mais au-delà, ce qui nous importe dans notre recherche, c’est bien plus d’étudier les fêtes que la Fête (cf D. Cuche) Nous aurions donc du intitulé notre conférence « pour une anthropologie de la Fête au pluriel » (cf M. de Certeau) plutôt que « pour une anthropologie de la fête » au singulier.

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Entre passé présent et futur

9 Dans l’ouvrage Irungo Euskal Jira Federico Abaigar Marticorena évoque l’importance de la récupération d’une part de la culture après la nuit franquiste qui supposa la négation de la différence pour la culture basque. Il revient dans son introduction sur l’importance de la fête dans cette reliance entre passé, présent et futur. Il écrit : « Le passé, source des expériences vécues, n’est pas automatiquement assimilé et il ne se fixe pas de soi-même dans la mémoire collective d’un peuple. L’absence de cette dernière et la carence du savoir accumulé peuvent contribuer puissamment à la faille du passé/présent dans la population d’Irun prononçant une distorsion qui escamoterait la connaissance d’un héritage fort riche. L’histoire se dresserait ainsi en une simple idéologie festive, se vidant de sa sève et nous menant à une atrophie de la mémoire collective d’Irun et de ses habitants. (…) Je ne fais pas référence à quelque chose d’inamovible et d’essentialiste mais à une source dynamique, mobilisatrice des énergies d’Irun, un espoir pour les consciences des gens d’Irun, et en définitive des Basques. (…) C’est le sentiment d’exister en tant que nation, c’est la sensation d’exister avec des désirs d’énergie pour la construction d’un avenir. » (Abaigar Marticorena, 1993, p. 21)

10 Le discours sur la fête de Federico Abaigar Marticorena est riche d’informations. Il renvoie à la mémoire collective, au savoir accumulé, à l’héritage, au sentiment d’exister en tant que nation, au passé, au présent et à l’avenir. La fête est ici sommée de participer à l’édification et à la construction de la nation basque.

11 Décrypter et analyser ce discours sur la fête c’est accéder aux significations des acteurs. Significations qui donnent sens aux pratiques festives. La question du prisme de l’analyse de la fête au Pays Basque ou comme nous l’envisagerons plus loin de la fête basque au Pays Basque renvoie quant à elle à celle, plus générique, associée à la culture basque dans son ensemble. Comme l’écrit Denis Laborde : « Pour tenter de calmer l’effervescence, Jean-Pierre Colin, chargé de mission auprès du Ministre de la Culture pour les cultures régionales et minoritaires, est aussitôt dépêché sur place. Il vient rencontrer les acteurs du Centre Culturel, à Bayonne, les 7 et 8 juin 1985. Il affiche, dans le journal Sud-Ouest du 8 juin, la volonté du gouvernement de « défendre le basque au titre des cultures du monde ». Là encore, dans le discours du fonctionnaire ministériel, l’action en faveur d’une culture basque se prononce sur le mode de la défense, c’est-à-dire sur le mode d’un ralliement à la cause des offensés et des humiliés (un misérabilisme). Cette attitude coïncide, comme « nécessairement », avec un rejet au loin d’une culture basque comme l’une, parmi bien d’autres, des « cultures du monde ». La conjugaison de ce misérabilisme et de ce procès en décontextualisation fait de la « culture basque » une pure abstraction. L’on ne quitte pas ici le registre polémologique qui était déjà celui des folkloristes du XIXe siècle. Pour eux, un « savoir du peuple » (folklore) ne méritait d’être étudié qu’à la condition de le rejeter au loin sur un axe historique, c’est-à-dire de n’y voir qu’un ensemble de survivances d’un état antérieur de la civilisation. » (Laborde, Lapurdum, 1997)

12 L’analyse qui porte son regard au loin sur un axe historique ne mérite d’être mentionnée qu’à la condition qu’elle puisse renseigner le chercheur sur la dimension dynamique du rite et/ou des fêtes qu’il se propose d’étudier. Plutôt que de nous intéresser à la fête basque comme une pure abstraction qui ne mérite d’être étudiée qu’à la condition d’être rejetée au loin sur l’axe historique, nous nous intéressons à la réalité de l’acte et aux sens que les acteurs donnent à ces actes. Interroger anthropologiquement la fête c’est appréhender la fête de manière à la fois diachronique et dynamique pour pouvoir penser les modifications qui l’affectent et en

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retour pouvoir analyser les transformations économiques, sociales, linguistiques, démographiques, politiques de la communauté qui lui permet de prendre corps, de s’inventer et de sans cesse se réinventer. En ce sens, la fête permet une lecture anthropologique de la communauté qui l’invente. Mais, en retour, la fête réinvente sans cesse la communauté. En d’autres termes, la communauté réinvente en permanence la fête qui à son tour la réinvente. Pour prendre un exemple puisé au Pays Basque Nord, nous pourrions développer notre idée en disant que les mascarades tout comme les pastorales inventent un territoire mais aussi, et surtout, une population qui y réside. La Soule ne serait plus tout à fait la Soule sans ses mascarades et ses pastorales. Il faudrait alors interroger les modalités de ces inventions en analysant selon quelles modalités les mascarades et les pastorales inventent les Souletins qui les inventent.

Fête et sens des acteurs

13 Pour l’anthropologue, la fête, qui s’inscrit toujours dans un espace et dans un lieu, renvoie à une collectivité qui se met en exergue à travers des pratiques rituelles. Interroger anthropologiquement la fête c’est interroger les modalités du sens que les acteurs participants aux rites festifs accordent à ces rites. C’est comprendre l’importance qu’ils leur accordent. Comme l’écrit Xabier Itzaina : « Le linguiste L. Michelena soulignait que le mystère de la langue basque ne venait pas tant de sa nature que de sa pérennité. De même, la particularité de la Fête-Dieu du Pays Basque ne vient-elle pas de ses caractéristiques, mais plutôt de sa permanence. Le « stock » de gestes, de musiques, de costumes et de pas exhibés à cette occasion évoquent en grande partie un modèle festif très répandu dans l’Europe pré-révolutionnaire. La permanence des formes, cependant, génère de plus en plus d’interrogations autour de leur signification. Or, il s’agit de distinguer la signification intrinsèque prêtée au symbole et le sens du même signe tel qu’il est visé par les acteurs du rituel. Les deux dimensions s’imbriquent pour constituer la réalité de l’acte. Il est en ce sens abusif de rejeter comme fausse l’interprétation très répandue dans les villages de labourdins et bas-navarrais : les costumes et la musique seraient des legs de l’époque napoléonienne, ramenés par quelque grognard de passage, etc. Le problème n’est pas tant de savoir si les soldats de l’Empire se sont ou non arrêtés à Iholdy, mais plutôt de comprendre pourquoi les gens d’Iholdy ont construit et maintenu cette explication. La Fête-Dieu, en ce sens, attend toujours son herméneutique. Les représentations des acteurs dévoilent des croyances et des valeurs, en un mot, sont des révélateurs de sens. » (Itzaina)

14 Fête et identité entretiennent des relations intimes. Pitxu est l’emblème de la Soule voire du Pays basque au même titre que les pastorales. Une Soule sans pastorales ne serait plus tout à fait la Soule. Et c’est précisément parce que les mascarades tout comme les pastorales participent à la définition de ce qu’est la Soule pour les Souletins et les Basques dans leur ensemble qu’elles perdurent. C’est précisément parce que la fête fait sens et participe à la définition de l’identité de ceux qui l’inventent qu’elle perdure. Et apparemment au vu de la pérennité des pastorales et des mascarades il est possible d’affirmer que ces fêtes continuent de jouer un rôle dans la définition que les Souletins se donnent d’eux-mêmes à eux-mêmes et au reste du monde. Tant que les Souletins continueront de se définir comme des habitants de la province de Soule où se déroulent des pastorales et des mascarades, ces rites perdureront.

15 Mais cette pérennité peut parfois poser des questions qui révèlent des paradoxes. En effet, pour monter des mascarades, il est nécessaire que le village qui les monte possède

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non seulement des acteurs, des danseurs et des chanteurs mais également des locuteurs bascophones. Or, avec la crise linguistique que connaît la province, de moins en moins d’habitants maîtrisent la langue basque dans sa version locale souletine. Pourtant les Souletins ne sont toujours pas prêts en ce début de XXIème siècle à monter des mascarades où les textes des acteurs se donneraient à entendre en français. Ils ne sont pas non plus prêts à réintégrer le drapeau français dans la troupe. Une fois encore, ce refus de monter des mascarades en français avec des symboles français participe d’une définition que les Souletins tentent de se donner d’eux-mêmes à eux-mêmes et au monde. En montant des mascarades ils tentent de perpétuer une identité à laquelle ils se raccrochent car elle les continue de les constituer dans leur être. Dépossédés de mascarades, ils se sentiraient en quelque sorte dépossédés d’eux-mêmes, comme dépossédés de leur être. Dépossédé de ce qui les constitue dans ce qu’ils sont, les Souletins ne pourraient dès lors plus se définir comme Souletins face aux Labourdins, aux Bas-navarrais, aux Biscayens, aux Guipuzcoans, aux Basques du Sud, aux Espagnols ou aux Français. Face à cette possible hypothétique dépossession ils préfèrent se projeter dans une Soule basque car bascophone. Et c’est ce possible ancrage dans cette basquité que proposent les mascarades et les pastorales. C’est précisément en scandant le temps à coups de mascarades et de pastorales qu’ils se donnent le « sentiment » d’y parvenir. Les mascarades et les pastorales sont en quelque sorte comme la partie visible de l’iceberg, comme l’arbre qui cache la forêt, un « spectacle » qui donne la possibilité aux Souletins de se donner un visage dont ils se sont eux-mêmes privés aidés en cela par un contexte diglossique défavorable. Paradoxalement à mesure que la langue quittait les locuteurs les signes de « Soulinité » se faisaient plus efficients. Les anthropologues auraient donc tout intérêt de se méfier des « signes extérieurs d’identité » pour se pencher sur les raisons qui président à ces mises en représentations spectaculaires.

16 Nous n’adhérons pas à l’analyse de Guy Di Meo de l’Université de Pau et des Pays de l’Adour selon laquelle la fête est subversive en apparence. Certes, elle remplit une fonction spatiale régulatrice, puissamment identitaire mais elle peut également conserver sa fonction contestataire profondément anti-conservatrice. Les mascarades souletines sont un bon contre exemple pour permettre de comprendre que la fête, incarnée en Soule par son carnaval, en tentant d’imposer un nouvel ordre social, politique et linguistique qui s’étalerait sur un temps bien plus long que celui strictement festif propose par le truchement de l’idéologie abertzale un futur correspondant à ses attentes. Une nouvelle société basque “rebasquisée” distincte de celle qu’elle est dans la réalité. En ce sens, les auteurs des textes ne se contentent pas de faire « dire pour dire » les acteurs. Les énoncés insistent sur l’importance de « faire faire » leurs allocutaires. Ils les exhortent à passer à l’action, à réinventer une Soule bascophone ancrée sur ses traditions. Le dire et le dit pensés pour « faire faire » ne peuvent donc pas simplement être pensés pour conforter la société dans ce qu’elle est mais bien pour la pousser au changement. Plus que de fonction conservatrice du rite, il faudrait donc bien dans ce cadre parler d’une fonction régénérative, d’une fécondation par utopie en marche interposée, d’une dynamique à insuffler. Les mascarades installent le conflit pour pouvoir faire en sorte que la population se saisisse de son dépassement. Mais ce dépassement n’est jamais totalement pensable, du moins sur le court terme, puisque précisément il est de l’ordre de l’utopique. Tant que la structure sociale et le contexte linguistique correspondait aux attentes des acteurs, la fonction conservatrice de la fête était respectée. Le sens de la fête était bien dialectique. Les

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mascarades installaient le conflit pour pouvoir mieux le dépasser. Mais dès lors que la réalité sociale, identitaire, politique et linguistique était devenue problématique aux yeux des acteurs, elle ne pouvait plus être tolérée. Les mascarades devaient donc être mises à contribution en vue d’un changement et servir à une prise de conscience collective. Les mascarades ne possèdent donc pas en elles-mêmes les clefs du dépassement des « conflits » qu’elles initient. Au contraire, elles sont utilisées par les producteurs de discours partisans du changement à des fins contestataires et anti- conservatrices et ce pour faire en sorte que les conflits initiés puissent s’émanciper hors du cadre stricto sensu de la pratique culturelle.

17 La « non fête » est tout aussi prolixe en enseignement. L’arrêt définitif ou l’interruption momentanée sont également à interroger car ils permettent d’analyser les raisons d’un désamour pour un rite, pour une fête, pour une danse ou encore pour des chants qui, s’ils disparaissent, ont toujours de bonnes raisons pour le faire. Il s’agira alors d’interroger les fonctions de la fête pour savoir si elles sont toujours opérationnelles. L’objectif sera de rechercher dans le discours que les acteurs tiennent sur la fête, les raisons d’une reprise ou d’une non reprise après plusieurs années voire décennies d’interruption. Une bonne manière d’aborder la question consisterait à interroger les acteurs sur les raisons de l’obsolescence de tel ou tel rite, de telle ou telle danse ou de tel ou tel instrument. Le txistu par exemple peut être le point de départ d’une analyse anthropologique. Comme l’écrit Federico Abaigar Marticorena : « Le son du txistu et du Tambourin qui a toujours convié la jeunesse à danser, commence à devenir obsolète, se bornant aux fêtes champêtres, aux exhibitions de danse traditionnelle, et autres évènements particuliers. Aujourd’hui, la majeure partie de notre jeunesse préfère la musique disco, le heavy metal y compris les rancheras et les pasodobles. Tout cela avec le plus grand nombre de watts qui puissent s’y concentrer. » (Abaigar Marticorena, 1993, p. 245)

18 La description puis l’interprétation de l’évolution des usages du txistu dans les fêtes au Pays Basque par une recherche menée sur le terrain facilitée par une observation participante voire par une « participation observante » (Dicharry, 2012) serait riche d’enseignements. Il ne s’agira pas dans ce cadre pour l’anthropologue de porter un jugement sur cette évolution mais bien plus d’en rendre compte de la manière la plus objective possible en interrogeant le discours que les acteurs qui participent aux fêtes tiennent sur le txistu. Interroger le pourquoi de cette préférence pour la musique disco au dépend du txistu comme le laisse entendre Federico Abaigar Marticorena serait sans nul doute particulièrement enrichissant. Comme il serait tout aussi intéressant d’interroger par exemple les raisons pour lesquelles un tel auteur ressent une vive émotion lorsqu’il évoque les chemises de lin portées pendant les fêtes d’Irun à la fin du XXème siècle qui sont : « de la même qualité que celle de ses ancêtres » (idem, p. 248). Questionner « la recherche d’authenticité » serait aussi riche d’enseignement.

19 Ne pourrait-on pas en effet envisager de repérer un jour dans une fête un joueur de txistu pratiquant son instrument habillé avec un t-shirt reprenant le logo ou le visuel de son groupe préféré de heavy metal basque ou non basque ? Aimer le heavy metal et pratiquer le txistu ne sont pas en effet incompatible ! En quoi ce txistulari serait-il alors moins appréciable qu’un autre txistulari jouant avec une chemise en lin ? Ne vaudrait-il d’ailleurs pas voir un txistulari de ce type plutôt que de ne pas voir du tout de txistulari ? Un tel txistulari permettrait sans doute d’attirer à lui toute une série de jeunes qui verraient dans cette pratique une pratique vivante car capable de se réinventer sans cesse. Car nous le savons bien, une culture qui cesse de se réinventer est une culture

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qui se meurt. Pour prendre un autre exemple tiré du monde bertsularistique nous pourrions dire que ce n’est pas parce que les jeunes improvisateurs basques ont laissé de côté leurs bérets qu’ils ont cessé d’être des improvisateurs basques. Ce qui est d’ailleurs particulièrement frappant, c’est d’observer ces jeunes habillés au goût du jour mais qui dans leurs pratiques ont su garder des règles de composition formelles et des airs traditionnels comme autant de signes d’une transmission réussie et opérationnelle. Opérationnelle car la culture transmise fait sens pour eux. Ce « faire sens » en lien avec le contenu des bertsus sans cesse réinventés dans l’instant étant la condition sine qua non pour une possible réinvention.

Faire la fête oui mais comment ?

20 Il existe bien en réalité une diversité de fêtes. En effet quoi de commun entre une fête tekno qui a lieu un samedi soir dans une discothèque au Pays Basque sud et où participent des jeunes de la côte basque originaires de Biarritz et de Bidart et une fête souletine comme par exemple les mascarades qui se déroule selon des cadres prescrits par la tradition (organisation des journées, danses, textes, costumes, chants, repas, déroulement, calendrier…) et où participent des Souletins mais aussi des habitants du Pays Basque sud ? Très peu de choses si ce n’est une même envie de participer à des réjouissances, un même désir revendiqué par les acteurs de faire la fête.

21 Sous cette expression « faire la fête » se dessinent une multiplicité de pratiques, d’attitudes, de comportements et de manières de faire qui sont parfois difficiles à rapprocher les uns des autres. Derrière le terme générique de fête se cachent une multitude de déclinaisons. Sous un même désir de « faire la fête » bien des motivations apparaissent. Motivations qui renvoient à autant de fonctions « personnelles » qui nourrissent les discours des acteurs sur la fête : fuir la réalité, retrouver des proches, passer du bon temps, se libérer, s’amuser, s’enivrer, décompresser, revendiquer, critiquer. Mais à ces fonctions « individuelles » viennent s’ajouter des fonctions essentielles pour la communauté. La fête favorise en effet la cohésion et l’homogénéité du corps social. Elle renforce symboliquement le sentiment d’appartenance à un groupe. Elle a une fonction de conservation. Elle renouvelle périodiquement et de manière cyclique les croyances du groupe, permet de relier le présent au passé et inscrit les membres de la communauté dans une histoire qui les dépasse en tant qu’individus. Elle a une fonction transgressive par renversement de l’ordre communautaire par l’ordre festif. Renversement qui légitime l’intégration de revendications et de critiques (politiques, sociales, linguistiques, économiques…). Critiques et revendications d’autant plus légitimées qu’elle font partie de l’essence même du rite festif. Elle a enfin une fonction régénératrice et purificatrice. Elle permet à la société et aux membres qui la composent de se libérer de leurs pulsions. La fête est donc un excès autorisé, toléré sous certaines conditions et dans certaines limites. Toutes les fêtes ont en commun de proposer à ceux qui les vivent un moment de rupture avec la vie quotidienne. Rupture temporelle : les fêtes s’inscrivent en rupture avec le temps de la vie de tous les jours. Elles sont à la fois commémoration par réitération et abolition du temps. Rupture de l’espace : la fête délimite la communauté (intérieur / extérieur) et lui permet d’intégrer de nouveaux membres (rites d’initiations), elle favorise les passerelles entre monde réel et imaginaire (carnaval,

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bertsularisme) entre monde des vivants et des morts (résurrection de Pitxu). Elle crée un nouveau monde (inversion carnavalesque, vérité bertsularistique).

22 Les deux exemples évoqués plus haut (fête tekno et mascarades) suffisent à mettre en exergue la « polysémie », la pluralité des possibles liés au concept de fête. Sous ce terme le chercheur pourrait classifier toute une série de fêtes et de pratiques festives. C’est pour préciser ce que nous entendons par « anthropologie de la fête au Pays Basque » que nous avons décidé aujourd’hui de prendre la parole car il existe un monde entre le fait d’aller gober des pastilles d’extasy dans une discothèque et le fait de tenir une buvette pour récupérer des fonds pour un parti politique. Un monde qui, illustré par ces exemples, permet de mettre en exergue une multitude de manières de faire la fête au Pays Basque.

Pour une classification : spatiale et temporelle

23 Il existerait donc fêtes et fêtes. Comment dès lors les classifier. D’une inscription dans le temps et dans l’espace découlerait une première classification de fêtes : fêtes de villes, fêtes de villages, fête de province, fête d’un soir, fête de fin de semaine, fêtes liées au calendrier religieux (Noël, Pâques…), fêtes païennes, fêtes traditionnelles, fêtes locales, nationales, internationales. A cette classification spacio-temporelle, nous pourrions inclure d’autres éléments classificatoires comme par exemple l’âge des participants. La fête tekno évoqué en début de conférence rentrerait dans la rubrique « fête de jeunes ». Fête de jeunes qui aurait son équivalence avec des fêtes où ne participent que des personnes âgées. Car même si la jeunesse et la fête restent intimement liées l’une à l’autre il ne faudrait pas croire que seuls les jeunes font la fête. L’activité des jeunes viendrait parfaire la classification. L’exemple des fêtes étudiantes illustrerait notre propos. A ces fêtes inscrites dans un temps et un territoire viendraient s’ajouter les fêtes ayant un rapport avec un produit : fête du cidre (sagarno eguna), fête du jambon, fête du chocolat (Bayonne par exemple fête son chocolat, chaque année, lors du week-end de l’ascension), fête du gâteau basque (organisée à Cambo). A ces « fêtes produits » viendraient s’ajouter d’autres fêtes devenues tout aussi commerciales : fête des amoureux (Saint Valentin), des mères, des pères, des grands- mères, des grands-pères. Et la liste des fêtes serait incomplète si nous n’évoquions pas la fête de la nature, de la musique, de la poésie (printemps des poètes), du cinéma, du goût, du livre, et même la fête du travail. Une autre classification celle là d’ordre « culturel » viendrait clore ce chapitre classificatoire. Il existerait bien des fêtes basques voire des fêtes de Basques. Nous reviendrons au cours de cette prise de parole sur cette notion de « fête basque ». Il y aurait au Pays Basque toute une série de fêtes et certaines bien qu’elles aient lieu sur le territoire basque ne mériteraient pas au dire de certains le qualificatif de basques. Nous aurons dès lors à nous interroger sur ce qui constitue au dire de certains Basques les fondations de cette « basquité » de la fête basque au Pays Basque.

24 Mais pour l’heure, restons à Bayonne pour évoquer ses fêtes. Pour élaborer cette conférence, j’ai tout d’abord été surfer sur la toile en tapotant sur mon clavier fête au Pays Basque. Je n’avais pas terminé de rédiger l’intégralité de mon texte que des liens apparaissaient avec simplement le mot « fête ». Et c’est aux fêtes de Bayonne que m’a immédiatement renvoyé ce mot fête. Le premier site s’intitulait : « fête de Bayonne site officiel ». J’ai cliqué sur le lien et toute une série d’information apparurent. La date des

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fêtes, du 27 au 31 juillet 2011, le programme, le plan, la présentation et un compte à rebours. Puis trois autres rubriques intitulées : « l’indispensable », « pour que la fête soit belle » et « actualités ». Dans la première rubrique intitulée « indispensable », je pouvais trouver les informations pratiques (plan, transport…). Je téléchargeais un document en PDF et pouvais lire : porter la tenue des fêtes en blanc et rouge n’est pas le seul signe de reconnaissance du festayre. Porter un badge ce serait s’engager à porter la bonne parole, à respecter la charte du festayre, celle du bon « savoir fête », ce serait contribuer à ce que la fête se déroule dans les meilleures conditions.

25 Selon ce site internet dédié aux fêtes de Bayonne il existerait donc un « savoir fête » renvoyant à un « savoir faire la fête » qui serait non seulement fonction d’un endossement de l’habit traditionnel festif en rouge et blanc mais aussi de toute une série d’attitudes, de manière de faire, de comportements à avoir ou à proscrire. Ces manières de faire renverraient à une « culture de la fête », c’est-à-dire à des manières de sentir, de penser et d’agir en période de fête. Culture de la fête transmise localement et oralement de générations en générations ou qui par défaut se devait d’être transmise par le biais d’un site internet à vocation « pédagogique ».

26 Toutes ces informations nous sont précieuses à l’heure de définir ce qu’est la fête. C’est d’abord un temps, une période, avec une date de début et de fin. Un temps réitéré d’années en années. Un temps cyclique qui fournit à la fête son inscription dans l’histoire. Fête « temporalisable », répérable dans le temps, qui peut permettre aux chercheurs d’écrire son histoire, d’analyser son évolution, ses transformations. En surfant sur la toile le chercheur constate alors que les fêtes de Bayonne possèdent même un article sur l’encyclopédie libre Wikipedia où il est écrit : « Les fêtes de Bayonne sont une période de fête dans la ville basco-gasconne de Bayonne (Pyrénées-Atlantiques) qui débute le mercredi qui précède le premier week-end du mois d’août et se termine le dimanche suivant (en cas de week-end à cheval sur les deux mois, elles s’achèveront toujours le premier dimanche d’août). En 2004, ces fêtes réunissaient entre 1,3 et 1,5 million de visiteurs, faisant de ces fêtes les plus importantes de France. La tenue de rigueur est blanche, accompagnée d’un foulard et d’une ceinture rouge (cinta ou faja). Cette tenue, non traditionnelle de la région, provient en fait de la Navarre en Espagne. La ville est membre du l’Union des villes taurines françaises. Durant les fêtes, deux corridas ont lieu. »

27 Nous retrouvons dans cet article les éléments définitoire de la fête. Son inscription dans le temps mais aussi et c’est là le second élément qui entre en ligne de compte dans la définition de la fête son inscription dans l’espace. Les fêtes sont localisables, attachées à un lieu, à un espace, à un territoire. Les fêtes de Bayonne ont lieu à Bayonne, de telle date à telle date et nulle part ailleurs. C’est ce qui explique son originalité, sa singularité et sa non exportabilité. C’est ce qui explique parfois son succès, sa renommée et son attractivité (1,3 et 1,5 million de visiteurs), qui renvoient tous au hic et nunc, à l’ici et au maintenant. Inscription spatio-temporelle sur laquelle viennent s’inscrire des manières de faire la fête, de s’habiller avec une tenue de rigueur aux couleurs fixées par la tradition mais aussi des évènements factuels. La fête c’est le moment nous informe Wikipedia où tels et tels évènements ont lieu. Ici c’est le temps des deux corridas mais aussi le temps des parties de pelote, des concerts, des bals et des danses sur les places, des courses de vachettes, du corso lumineux, des défilés de chars et de bandas, des toros de fuego et des feux d’artifice qui sont autant de moments forts qui animent les fêtes. Chaque animation s’inscrit dans un espace propre. Les danses basques muxiko dantza par exemple sont réalisées sur la place du château vieux. Le tournoi de pelote à main nues est organisé au trinquet moderne. Chaque fête possède

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ses rites. A Bayonne c’est le rite d’ouverture avec la « marionnette » du roi Léon qui lance depuis l’année 1947 les trois clés des trois quartiers de la ville (Grand Bayonne, Petit Bayonne et Saint Esprit) du haut du balcon de la mairie avec une personnalité invitée et un bertsulari qui chante un bertsu. Trois messes symbolisant les différents quartiers de Bayonne sont célébrées le dimanche avant la clôture.

28 Chaque fête a son histoire propre, ses singularités mais elle possède aussi avec les autres fêtes des dénominateurs communs. Côté vestimentaire, celles de Bayonne a connu des modifications. Lors des premières fêtes, en 1932, les couleurs étaient le bleu et le blanc. Le bleu venait du bleu de travail des ouvriers. Ce bleu fut ensuite remplacé par le rouge, à l’instar des fêtes de Pampelune où le rouge et le blanc sont les couleurs officielles. Une polémique continue de nos jours, une minorité préférant les bleu et blanc originels. Couleurs qui peuvent se rapporter aussi aux couleurs du club omnisports le plus important de la ville, l’Aviron bayonnais.

29 La fête est donc un moment spécifique, à part dans la vie de la communauté. Un moment de célébration et de réjouissances publiques qui se distingue de la vie de tous les jours. Le temps festif s’inscrit en rupture avec le reste des jours de l’année. Comme le dit une phrase du langage commun : « ce n’est pas tous les jours fête ». La fête est un moment délimité dans le calendrier de la cité où les participants à la fête peuvent faire parfois ce qu’ils ne feraient pas d’habitude. Un moment extraordinaire propice aux transgressions d’interdits et aux amusements licencieux. La fête renvoie aux limites entre légalité et illégalité, entre licite et illicite. Et en la matière il y a des limites à ne pas dépasser. Comme l’écrit Isabelle Garat : « (…) les débordements ne sont autorisés que dans un certain seuil sous le regard de la police, des municipalités, des services de santé lesquels soumettent à autorisation les rassemblements dans l’espace public, les transgressions ont de moins en moins de sens, ainsi en est-il de la transgression de l’identité sexuelle (hommes enceintes, hommes déguisés en femmes), le gaspillage perd de son sens dans une société de consommation, ou il le renouvelle, de l’excès de table de la ripaille carnavalesque, on passe à l’alcoolisation de plus en plus jeune et plus excessive qu’autrefois, ou à la multiplication des événements consommatoires (fêtes des grands mères, festivals et fêtes à foison). » (Garat, Isabelle, 2000)

30 La collectivité reconnait et concède à ceux qui font la fête une certaine liberté, certes, mais cette liberté est somme toute relative. Elle est encadrée. Les autorités imposent de respecter des horaires de fermeture de bars et de peña. Chaque jour, il existe une « heure légale de fermeture des fêtes ». Il y a des bornes à ne pas dépasser et ces bornes se réfèrent à la morale et à la législation. Si l’ivresse sur la voie publique est tolérée voire largement acceptée par temps de fêtes, enfreindre certaines autres lois ne fait pas partie des limites autorisées. La collectivité s’autorise même la possibilité de rappeler à la loi et de juger ceux qui auraient dépassés ces limites. C’est le cas par exemple lorsque le parquet est saisi pour des consommations et des trafics de produits stupéfiants, des infractions au code de la route, des conduites en état d’ivresse, des viols, des viols en réunion, des coups et blessures volontaires, des bagarres, des rixes et des violences diverses et variées.

Fête et identité

31 Fête et excès en tous genres sont souvent synonymes. L’activité des postes de secours lors des fêtes de Bayonne est là pour rappeler que les conséquences des nuits d’ivresse

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et de liesse peuvent être parfois, pour certains traumatisés, irrémédiables. Mais pourtant, malgré ces débordements et ces excès, les fêtes reviennent d’année en année. Qu’est-ce qui explique alors cette inscription des fêtes dans le temps malgré ces quelques graves incidents relayés chaque année par la presse locale et nationale ? C’est du côté des fonctions remplies par la fête qu’il faudrait rechercher son inscription dans le temps. La fête constitue en premier lieu un marqueur d’identité. Bayonne ne serait plus véritablement Bayonne si on la privé de ses fêtes. Car Bayonne, aux yeux des Bayonnais mais aussi aux yeux d’une population exogène à Bayonne est définie dans ce qu’elle est par les fêtes qui s’y déroulent chaque année depuis maintenant près de 70 ans. Priver Bayonne de ses fêtes ce serait alors privé Bayonne d’une partie de ce qu’elle est. Ce serait en quelque sorte la « dénaturer ». C’est ce qui explique la difficulté pour tout politique de venir interférer et/ou légiférer sur la fête. Toute réglementation de la fête entraînant aussi tôt une levée de bouclier qui ne peut s’expliquer uniquement par les retombées économiques de la fête. Et ce qui est vrai de Bayonne l’est tout autant pour d’autres villes de part le Pays Basque et le monde. Il nous serait en effet bien difficile d’imaginer Rio et Venise sans leur carnaval, Munich sans sa fête de la bière où Pampelune sans ses san fermin. La fête renvoie au concept d’identité et ce concept est particulièrement important et opérant pour tous ceux qui souhaitent réaliser une anthropologie de la fête. La fête est ce qui défini un espace, un territoire, une ville, un village, une province, un pays mais aussi une population dans son identité.

32 Les Basques ont largement été définis de la sorte par de nombreux auteurs, comme un peuple qui aime danser et chanter c’est-à-dire comme un peuple qui aime faire la fête. Mais cette définition des Basques est avant tout interne, endogène. Elle n’est pas uniquement le fait d’une définition exogène aux Basques. L’exemple de la danse et du chant en donne une parfaite illustration. Ces deux pratiques font partie avec la langue des marqueurs de l’identité basque c’est-à-dire qu’ils participent à la définition que les Basques se donnent d’eux-mêmes. S’il nous fallait alors repérer une basquité dans les fêtes de Bayonne c’est du côté de ces pratiques culturelles considérées par les Basques eux-mêmes comme faisant partie de ce qui les définit en tant que Basque qu’il faudrait nous attarder. Pour retrouver une fête basque au Pays Basque, et plus spécifiquement à Bayonne pendant ses fêtes, c’est donc du côté des moments de danses et de chant qu’il faudrait mener une investigation anthropologique. Ce serait par exemple aussi, dans un autre espace-temps, interroger la place des bertsularis dans les rites d’ouvertures des fêtes, en retracer l’histoire, analyser les productions, mener des entretiens avec ces improvisateurs pour connaitre le sens qu’ils donnent à ces interventions. Ce serait également partager, avec des « fêtards », des moments festifs dans des espaces où les bascophones font la fête en basque et repérer en quoi ces manières de faire la fête ou ces « savoirs fêtes » diffèrent des « savoirs fêtes » des fêtards non bascophones.

33 L’anthropologue pourrait alors repérer des espaces propices à l’accomplissement d’une fête basque singulière (des rues, des bars, des places,…) et déceler (derrière des pratiques festives originales et singulières qu’il lui incomberait de décrire, d’analyser et d’interpréter), des discours qui les soutiennent et les motivent. Des discours emprunts de tonalités revendicatives d’ordre linguistique voire politique. L’anthropologue pourrait à partir de ces discours festifs politiquement et linguistiquement colorés déduire entre autre que la revendication politico-linguistique est la signature de la singularité de la fête des Basques au Pays Basque. La rédaction d’une recherche sur la question lui permettrait de retrouver sous la plume d’auteurs bascophones une

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confirmation de ses hypothèses. Pour ceux bascophones qui sont intéressés par la question abordée ici nous conseillerons vivement la lecture de l’ouvrage d’Eneko Bidegain intitulé : « Patxa. Besta bai borroka ere bai » paru aux éditions Gatuzain.

34 Un rapide survol anthropologique de la fête au Pays Basque permettrait d’élaborer une distinction entre d’un côté « la fête au Pays Basque » et de l’autre « la fête basque au Pays Basque ». Car comme nous avons pu le présenter brièvement, toutes les fêtes au Pays Basque sont loin de pouvoir mériter le qualificatif de basque car pour qu’une fête puisse endosser le qualificatif de basque il ne suffit pas, au dire des acteurs, qu’elle se pratique sur le sol basque. Il lui faut au dire de certains Basques autre chose. Attardons nous maintenant sur cet « autre chose », sur ce « plus », qui légitimerait à lui seul cette possible qualification. Pour définir l’objet d’une anthropologie de la fête basque au Pays Basque, le chercheur devrait focaliser son attention sur les fêtes revendiquées comme basques par les Basques eux-mêmes. A ce niveau de la recherche, il serait d’ailleurs intéressant d’analyser les distinctions apportées par les Basques à ces affirmations de basquités car il existerait bien un monde entre « fêtes basques » et « fêtes basques ». Quoi de comparable en effet entre un spectacle estival folklorique pour touristes en mal d’authenticité et une fête en basque destiné à des Basques et revendiquée comme basque par les acteurs de cette fête. Le discours de Basques qui critiquent la production culturelle d’autres Basques est à ce titre révélateur de distinctions et de positions qualifiantes et disqualifiantes.

35 Un détour par la joute organisée en faveur de la radio en langue basque Gure Irratia à l’Atabal de Biarritz le vendredi 25 septembre 2009 va nous permettre d’éclairer notre propos. Joana Itzaina, la meneuse de jeu, en langue basque gai emailea, met entre les mains du bertsulari Sustrai Colina un compact disque. Sustrai Colina doit poursuivre son improvisation à partir de ce disque. Sustrai regarde le disque, il le tourne et le retourne puis le montre au public qui commence à rire. C’est un album de la chanteuse Anne Etchegoyen. Si le public rit c’est qu’il connait les « goûts musicaux » de Sustrai Colina et ce genre de musique n’en fait pas partie. L’assistance s’attend donc naturellement à ce que l’improvisateur fasse une critique en bonne et due forme de la production de l’artiste. C’est ce qu’il ne manque pas de faire. Jakin zazute nere CD hau / Anne Etxegoien dala ta Patxamama jartzen du hemen / sinistu ezin den bezala. Norbaitek ber(e)hau nahiko baluke / etorri ‘ta har dezala neretzat ez da produktu on bat / ez da ere kulturala. Baizik paristar handi usteei / saltzen dieten postala (Sustrai Colina) (Sachez que mon CD est celui d’Anne Etchegoyen / Et il est inscrit sur la couverture un Patxamama qui n’est pas crédible / Si quelqu’un veut le faire sien qu’il vienne et qu’il le prenne / A mon avis ce n’est pas un bon produit ce n’est même pas de la culture / Seulement une carte postale destinée à être vendue aux parisiens)

36 Sustrai Colina fustige, honnit, désapprouve et éreinte le travail de la chanteuse. Il critique le fait qu’elle se soit permis de choisir comme titre de son album Patxamama. Il faut comprendre ici que pour Sustrai Colina ce choix est une tentative de récupération d’un concept à des fins commerciales. Il considère enfin que ce CD n’est même pas culturel (kulturala), en d’autres termes que ce n’est pas de la culture, mais qu’il est simplement destiné à conforter les Parisiens dans l’image folklorique « carte postale » stéréotypée qu’ils se font du Pays Basque. Un beau pays touristique où les gens chantent et dansent. Son Pays Basque à lui est différent de cette image glamour véhiculée par les mass médias et certains artistes basques, un pays qui lutte pour son

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autodétermination, un pays qui subit de plein fouet les attaques répressives des forces de répression (Garde civile, justice partiale de Madrid, services secrets espagnols, police et gendarmerie française, renseignements généraux) qui édictent et appliquent des lois oppressives qui ne respectent pas les droits des Basques. Un pays où plus de 700 de ses habitants pourrissent dans les geôles et doivent subir quotidiennement des traitements dégradants. L’on assiste donc à la mise en opposition de deux mondes basques. L’un à l’image d’une carte postale (postala) destiné aux touristes et proposé par l’artiste Anne Etchegoyen, l’autre en lutte d’un Sustrai Colina. Il propose une culture dans le sens Todorovien du terme : « une classification du monde qui nous permet de nous orienter plus facilement ; c’est la mémoire du passé propre à une communauté, ce qui implique aussi un code de comportement dans le présent, voire un ensemble de stratégies pour l’avenir » (Todorov, 1989, p. 337). Les applaudissements du public laisse envisager que sa préférence est entièrement acquise à ce second monde.

37 Dans l’exemple ci-dessus, l’auditeur Sustrai Colina dans sa rhétorique basquisante n’identifie le CD de la chanteuse Anne Etchegoyen ni à de la culture, ni à fortiori à de la culture basque. Au contraire il le disqualifie en affirmant que ce n’est pas un bon produit. En disqualifiant cette production, il érige en lieu et place une autre culture, la sienne qu’il partage avec son public devenu son complice par connivence. La vraie culture, le « vrai » chant basque, la véritable fête basque de la langue basque, est incarnée par le bertsularisme c’est-à-dire par une pratique culturelle réalisée en langue basque, par des Basques, pour des Basques. Pratique reconnue à la fois par les improvisateurs et par leur public comme une pratique culturelle identifiée comme basque. En ce sens, pour reprendre à notre compte une posture interactionniste, la fête basque existe bien, à un moment donné et dans un contexte mouvant où, dans un face à face, un fêtard fait la fête avec d’autres fêtards qui reconnaissent cette fête et qui l’identifient comme basque.

38 Mais cette notion de fête basque mérite d’être explicitée, creusée, disséquée. Existerait- il une « vraie » et une « fausse » fête basque comme il existerait une « vraie » et une « fausse » culture basque, un vrai et un faux chant basque ? Une « vraie fête basque » revendiquée comme telle par certains Basques et constituée de pratiques qualifiées comme réellement basques (bertsularisme, théâtre en langue basque, chant pratiqué par des chanteurs qui parlent et comprennent la langue basque, mascarades et pastorales en Soule…) et une « fausse fête basque » folklorisée qui serait une sorte de « contrefaçon culturelle ». Contrefaçon culturelle qualifiée comme telle par certains Basques. La distinction entre ces deux univers ne serait-elle pas dès lors comprise dans un « capital » linguistique qui serait à lui seul capable d’effectuer la distinction et de marquer la ligne de démarcation ?

39 Afin de ne pas tout mélanger et de spécifier ses analyses, l’anthropologue aura tout intérêt à clarifier son étude en faisant appel à des dénominations distinctes qui pourront prendre place dans deux ensembles distincts. Dans celui de la « fête basque au Pays Basque » viendrait s’intercaler de nouvelles spécifications qui s’intègreraient à cet ensemble grâce à un sous groupe dénommé « fête des Basques bascophones au Pays Basque ». Du plus global au plus local, la focale du chercheur parviendrait à délimiter un ensemble humain constitué par une communauté voire une collectivité. Collectivité productrice de fêtes. Fêtes productrices de discours pouvant être analysés afin de permettre de spécifier la problématique de la recherche.

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40 Dans son repérage des fêtes basques au Pays Basque le chercheur aura le choix dans l’élection d’objets d’études. Il pourra par exemple s’intéresser à la journée Herri Urrats qui se tient chaque année à Saint-Pée-sur-Nivelle autour du lac le premier samedi du mois de mai. Journée organisée en faveur des écoles en langue basque Ikastola par l’association Seaska. Là, grâce à une observation participante il pourra décrire la fête, étudier son programme (concerts de rock basque, bertsulari, danses basques, chants basques, jeux, repas,…) et analyser les diverses revendications portées par les acteurs. S’il souhaite prolonger sa recherche, il pourra partir dans la province de Soule en été pour assister à l’organisation d’un pastorale et rechercher dans le discours des acteurs, des organisateurs et des participants les liens qui unissent ce théâtre populaire avec la culture et l’identité basque. S’il poursuit son séjour en hiver, l’anthropologue aura l’occasion de participer à des mascarades qui constituent une période privilégiée par une étude des discours que la société souletine tient sur elle-même. Enfin, s’il procède préalablement à un apprentissage suffisant de la langue basque, il pourra assister à des joutes d’improvisateurs lors de repas ou lors de championnats.

41 Toutes ces occasions seront pour le chercheur des moments privilégiés où il aura à saisir selon quelles modalités ces différentes fêtes incarnent et redéfinissent sans cesse l’être basque dans ce qu’il était, dans ce qu’il est et parfois même dans ce qu’il aimerait devenir. Car la fête est union, réunion d’un temps passé et révolu réactivé pour l’occasion. Tradition revisitée (danses, chants, costumes…), savoirs faire remis au goût du jour, culture en train de s’inventer. Mais au-delà, elle est discours sur le passé, le présent et l’avenir. Discours qui énoncent une histoire (pastorales) où une actualité sur des modes fixés par la tradition (mascarades, bertsularisme). Discours qui vise non seulement à dire, des vérités, mais à « faire faire ». C’est dans cette incitation du faire que la fête trouve sa valeur subversive.

42 A chaque fête ses chercheurs. Pour ceux qui souhaitent s’intéresser aux pastorales, les recherches de folkloristes (Humboldt, Chaho, Michel, Vinson, Webster), de linguistes (Oyharçabal), de spécialistes du théâtre (Etchecopar) ou d’anthropologues (de Larrinoa, Dicharry) permettent d’analyser de quelle manière chaque discipline est venue apporter sa pierre à l’édifice de la construction d’une connaissance. Pour ce qui est de la danse basque, le lecteur pourra se tourner vers les travaux de chercheurs qui au cours des deux derniers siècles se sont penchés sur la question (Alford, Arbelbide, Constantin, Dassance, Desplat, de Larrinoa, Fourquet, Gallop, Guilcher, Harruguet, Hérelle, Inchauspé, Irigoien, Itçaina, Lekumberri, Luku, Otharbure, Michel, Oyhamburu, Peillen, Poueigh, Urbeltz…). Xabier Itçaina est déjà revenu sur cette thématique dans un article intitulé « Ohidura dantzatuak eta ipar Euskal Herriko gizartea » ce qui explique que nous ne nous y attarderons pas. Pour ce qui est du carnaval, il ne serait que trop conseillé au lecteur de parcourir les travaux de Thierry Truffaut, de Kepa Fernandez de Larrinoa et de nos travaux sur les mascarades en Soule. Ce qui nous intéresse dans le cadre de cette conférence sur la fête des Basques au Pays Basque est de focaliser notre attention sur les relations intimes qu’entretiennent sur ce territoire la fête et le politique.

Une instrumentalisation politique de la fête basque

43 La fête est ce que les acteurs veulent bien qu’elle soit. Les acteurs peuvent profiter de ces moments de « liberté surveillée » pour exprimer des opinions, des revendications,

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des appartenances, une solidarité, des différences. Quand de jeunes abertzale décident comme ce fut le cas par exemple pendant les fêtes de Pampelune de 2003 d’afficher sur une grande banderole, Bietan jarrai / Gora E.T.A, elle se fait vitrine d’une contestation, affichage d’utopies en marche. La fête reste un moment privilégié pour saisir la réalité sociale et en particulier les discours revendicatifs des militants. Les panneaux des institutions du gouvernement de Navarre deviennent pendant les fêtes de Pampelune de 2003 le lieu d’expression des critiques. L’association Euskal Herrian Euskaraz (au Pays Basque en basque) tague de son e facilement repérable et exprime son désaccord avec la politique linguistique menée dans cette province. Des autocollants (Que se vayan ! Alde Hemendik ! Torturadores !) demandent le départ des forces de répression, Garde Civile, police nationale, CRS. La hache et le serpent qui symbolisent l’organisation séparatiste basque E.T.A fait aussi son apparition dans les rues à l’occasion des fêtes. Une banderole plastifiée avec deux visages de militants et un texte (enbor beretik sortuko dira besteak) s’expose dans la rue à côté d’autres slogans composés sur des affiches en papier demandant de continuer la lutte. Lorsque l’affiche se trouve décrochée, il y a toujours un jeune pour la replacer correctement afin que le sigle E.T.A se donne à voir au grand jour. L’affiche est placée de telle sorte que tous les gens qui descendent la rue puissent la regarder. Elles viennent aussi s’ajouter aux tags déjà mis en place au cours de l’année comme sur la place du quartier Txantrea à côté du supermarché. Le nom de l’organisation n’est plus apparent seul le sigle persiste entouré du slogan bietan jarrai qui signifie continuer avec les deux.

44 Pendant la fête, les espaces publics sont investis et les politiques ne s’y trompent pas. Quand au Pays Basque sud, après l’accession des socialistes au pouvoir, ils décident d’exiger des propriétaires de bars et des organisateurs de buvettes d’enlever les photographies des militants politiques incarcérés, c’est qu’ils souhaitent faire barrage à ces vitrines festives mais aussi hautement politiques. Dans ces enlèvements de photographies, c’est la réalité du conflit politique qui ressurgit par temps de fêtes. C’est une liberté d’expression jusqu’alors tolérée qui est muselée par les forces de l’ordre. La liberté festive est surveillée, encadrée en fonction des idéologies en place. D’extraordinaire, la fête est rappelée à l’ordre par l’ordinaire et son cortège de lois, par sa logique de répression. La fête est teintée d’idéologique et porteuse de sens. Elle est grille de lecture qui permet de décoder une réalité. C’est le cas pour les pastorales qui interprètent l’Histoire, pour les mascarades qui reviennent sur l’actualité de la province de Soule et pour l’improvisation versifiée dans l’instant qui via ses improvisateurs dispensent ses vérités. Dans une société où une partie de la classe politique est privée de représentation, cette pratique culturelle est investie, ou plutôt devrions-nous dire surinvestie, par une surcharge de politique. Politique qui ne trouve pas de voie d’issue dans son domaine originel et qui pour se faire audible empreinte des voies périphériques, dérivées, culturelles. La culture est donc au Pays Basque plus qu’ailleurs chargée d’un poids politique qui devrait comme dans toutes véritables démocratie être porté par le politique.

45 Dans ces conditions, la frontière entre le politique et la fête est bien souvent poreuse. Les fêtes peuvent devenir un prétexte pour l’organisation de manifestations qui affichent des revendications et des appartenances politiques et idéologiques. L’exemple du groupe de jeunes qui mettent en avant pour les fêtes de Bayonne de 2011 une proposition alternative est là pour le rappeler. En effet, le groupe de jeunes militants a intégré dans son agenda alternatif des fêtes un jour des jeunes « gazte eguna » à la place

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Patxa dans le petit Bayonne et une manifestation prévue le jeudi 28 juillet. Il a de plus planifié une « mobilisation » le dimanche 31 à 11 heures trente en face de l’Eglise Saint André avec comme slogan : UPN tortionnaires, « UPN torturatzaileak ! »

46 Nous le comprenons bien avec ces exemples. Il existe bien un monde entre les acteurs d’une même fête, entre un militant basque qui va manifester une réalité qui existe au Pays Basque à savoir la torture et un autre jeune qui va aller danser une chorégraphie lors d’une flash mob habillé en rouge et blanc sur une musique de Lady Gaga. Chacun va mettre dans la fête une part de ce qu’il est. La complexité de la fête découle du fait que l’ensemble de ces acteurs vont se retrouver au même moment et dans une même ville pour inventer une fête qui va renvoyer à des actes et des discours qui nous renseignent sur ce qu’ils sont.

Fête, bertsularisme et politique

47 L’art de bertsulari consiste à osciller en permanence entre vérité pure et vérité « manipulée ». L’improvisateur peut partir pour créer ses bertsus d’un fait réel qu’il va traiter de manière à faire rire. Il s’agira donc d’une plaisanterie même si celle si contient une part de vérité. On retrouve dans l’improvisation orale basque les trois catégories, les trois faits pointés par Jeanine Fribourg pour les « dichos » de la fête du Saint Patron en Aragon. « Ceux qui, sérieux, ne supportent qu’une pointe d’humour, ceux qui sont drôles en eux-mêmes, et enfin ceux qui, partant d’un évènement réel mais insignifiant, sont quasiment réinventés et interprétés sur le mode comique. (Fribourg, 1996, p 150)

48 Les différences qui concernent ces deux littératures orales sont manifestes au niveau de l’investissement de la charge comique des sujets. Alors qu’en Aragon, la politique est un thème qui n’admet que peu la plaisanterie, il est au contraire au Pays Basque un sujet qui est un thème traditionnel du rire et les improvisateurs n’ont de cesse de brocarder partis et hommes politiques. La politique est non seulement un thème qui admet au Pays Basque la plaisanterie mais c’est un sujet qui procure au public les meilleures occasions d’en rire. Par temps de crispations, se moquer des adversaires politiques, par exemple d’un Président de la communauté autonome basque socialiste espagnol, du PP, du PSOE mais aussi de l’UMP, du PS, du modem ou du FN est ici un moyen d’évacuer la pression accumulée par le conflit politique qui pèse sur les bertsularis et sur les auditeurs des joutes improvisées à des degrés divers. Par temps d’interdiction de partis politiques (ANV, Batasuna au Pays Basque sud), d’organisations de jeunes (Segi…) et par temps de répression de la gauche radicale nationaliste où les arrestations sont quasiment quotidiennes, la littérature orale est un moyen de contestation et de dénonciation de la réalité politique. Le rire est surinvesti d’une fonction perlocutoire et cherche à produire un effet sur l’allocutaire, à le faire passer à l’action par un acte de langage.

49 Il existe une continuité entre un t-shirt comportant la mention « Independentzia » porté par un bertsulari, une affiche demandant le retour des prisonniers politiques basques au Pays Basque incarcérés et disséminés dans les geôles françaises et espagnoles et les textes de l’improvisation orale. Vêtements, slogans, affiches et discours improvisés renvoient à une terminologie commune. Le discours intra-bertsularistique rejoint l’extra-bertsularistique. Lorsqu’en décembre 2008 plusieurs improvisateurs dont Andoni Egaña, Amets Arzalluz, Imanol Lazkano, Sustrai Colina, Sebastian Lizaso, Xabier

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Silbeira, Unai Iturriaga, Harkaitz Estiballes, Fredi Paia, Igor Elortza, Jon Maia, Xabier Amuriza, Jon Lopategi, Jon Enbeita eta Onintza Enbeita signent le manifeste pour demander la fin des condamnations à vie, synonymes de condamnations à mort pour les prisonniers politiques basques et la libération de ceux dont l’état de santé alarmant l’exige, leurs revendications rejoignent celles qu’ils expriment, de manière plus ou moins explicite, dans leurs énoncés des joutes improvisées. Officialisation de la langue basque, réunion des sept provinces sous une même entité, fin de la répression par les forces de l’ordre des deux Etats, français et espagnol telles sont les réclamations communes aux discours qu’ils soient internes ou externes au bertsularisme. Par temps de crise, les énoncés et les discours réactivent une actualité brûlante et rappellent que les bertsularis vivent parfois intimement le conflit basque, soit pour avoir des amis emprisonnés, soit pour avoir eux-mêmes été l’objet d’interpellations de la part des forces de répression (gendarmerie et police nationale française, guardia civil et police nationale espagnole). Par temps de crise, comme l’écrit le bertsulari Fredi Paya, les championnats se transforment en « cérémonie politique ». « (…) Txapelketak ekitaldi- politiko bilakatu zirela. » (Paya, Gazteiz, 2011, hitzaldia, Bertsolamintza)

50 Ridiculiser l’Autre, l’étranger qui peut prendre ici diverses figures comme celle d’un géomètre ou d’un juge c’est aussi à l’inverse s’affirmer soi-même, solidariser un groupe, une communauté par le biais d’autres figures antinomiques des précédentes comme par exemple, par celle du berger. Par le rire, les Basques attestent de leur vitalité et de leur identité. En ce sens le rire définit ce qu’ils sont et donne à voir leur « être » pour reprendre la formulation de Jean Haritschelhar. Se rassembler autour de l’improvisation orale c’est pour les Basques affirmer cette vitalité de l’être basque. Comme le notait Sustrai Colina dans un article paru dans le journal en langue basque Berria, la réunion autour du bertsu dépasse l’objectif strictement culturel. L’organisation d’un championnat de bertsu au Pays Basque nord a un but similaire à celui que peut avoir Herri Urrats, la fête annuelle organisée par l’association Seaska pour soutenir les écoles basques. C’est donner aux gens l’occasion de se rassembler, de se réunir, de se regrouper pour affirmer tous ensemble l’attachement d’un peuple à son pays, à sa langue, à sa culture, à son identité. « Badu herrigintzatik ».

51 Les cibles de l’improvisation orale basque ne manquent pas, de l’homme ou de la femme politique aux partis politiques, du patron et par extension du patronat à la presse, des curés et hommes d’Eglise aux financiers des banques, des Basques aux étrangers, des habitants de telle ou telle province à ceux de telle ou telle ville, des femmes aux hommes, des jeunes aux vieux, peu nombreux sont ceux qui échappent à la critique caustique, satirique et acerbe du bertsularisme. Seuls les prisonniers politiques basques ou les morts interdisent d’en rire. La souffrance de l’auditoire trace les frontières de ce que nous avons défini comme étant les limites du risible.

52 Le bertsulari est investi d’une autorité en tant que porte parole. Il a en ce sens une responsabilité et un rôle politique. Une sorte de sagesse qui ne peut s’exprimer dans le discours que si elle s’exprime aussi dans la pratique. Le bertsularisme passe par un apprentissage pratique. Ce n’est pas un apprentissage abstrait. C’est une pratique qui s’apprend par la pratique : « une science pratique, un art que la pratique revivifie sans cesse, auquel l’existence lance sans cesse des défis. C’est ce qui fait que l’héritage ne survit qu’en changeant sans cesse : la transmission remodèle continuellement l’héritage en l’actualisant » (Mammeri, 1978).

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53 Il a tout, comme l’amusnaw berbère : « la capacité de dire au groupe ce qu’il est selon la tradition qu’il s’est donnée, par une sorte de définition par construction de concept qui lui dit à la fois ce qu’il est et ce qu’il a à être pour être vraiment lui-même. » (Bourdieu, 1978)

54 C’est dans la double faculté d’élasticisation de la réalité sociale et de réajustement à cette même réalité que la pratique tire sa vertu cardinale. Les Basques font de cette improvisation versifiée dans l’instant un espace de réaffirmation des liens identitaires et linguistiques en se référant en permanence à une culture locale, proclamée dans le discours, comme homogène. Cette pratique, invention et libération imaginale sans cesse revivifiée, est une réponse alternative donnée à une acculturation qui va crescendo, à une débasquisation de la population locale (spécifiquement au Pays Basque nord), à une World culture, à une globalisation, à une mondialisation, à une culture monde, à un village planétaire, qui « masquent l’horizon plus qu’elles ne le dévoilent » (Perrot, 2005). Le bertsularisme éclaire le passé, permet de penser le présent et de se projeter dans l’avenir. Il est trait d’union de l’ici au maintenant, du hic au nunc, reliance du temps avec l’espace. Il permet aux Basques, qui lui transfèrent une forte charge symbolique, de se dire, dans une alternance de rire et de sérieux, et de s’affirmer face à un monde en changement perpétuel accéléré. Il est celui par qui ils définissent et consolident leurs racines.

55 Les poètes basques sont des professionnels de la manipulation du verbe, de la société, du monde social. Ils présentent le monde social tel qu’ils voudraient qu’il soit. Leur discours est empreint de cette représentation et de cette volonté d’être dans un autre monde. Comme les Canaques, les Berbères ou toutes les sociétés en difficulté d’exister, les poètes du verbe basque sont placés dans une situation critique où leur identité collective est en crise, ce qui les porte à élaborer des projections plus ou moins fantasmatiques. La société basque telle que là rêve les bertsularis fait penser à ce que Feuerbach a dit à propos de Dieu : de même qu’on donne à Dieu tout ce qui nous manque, de même on donne à la société basque future et fantasmée tout ce que n’a pas la société basque d’aujourd’hui, tout ce qui lui manque et en premier lieu son indépendance. Dans cette reconstruction fantasmatique, l’ethnologie tout comme l’est le bertsularisme, peut être utilisée comme instrument idéologique d’idéalisation. Dès lors que quelques poètes basques pensent et disent qu’il pourrait y avoir un jour un Pays Basque indépendant il n’est pas impossible qu’il y ait un jour un Etat basque car nommer n’est-ce pas déjà faire exister ?

56 Il convient de mentionner pour conclure cet article qu’au terme de cette réflexion sur la Fête au pluriel telle que nous l’avons définie de nombreuses questions mériteraient d’être approfondies. Elles pourraient interroger 1) les raisons qui expliquent la disparition et/ou la reprise de fêtes au cours du temps, 2) les transformations qui affectent ses fonctions (pacification sociale, contrôle social, transgression des normes, régénératrice, contestataire…) 3) les relations qu’entretiennent les collectivités locales et la fête. Collectivités qui mettent en avant le côté consommatoire de la fête et la pousse à devenir un simple produit de consommation 4) les modalités des processus d’« ethnicisation » qui les affectent et l’importance relative aux revendications et aux détournements de l’ordre social.

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INDEX

Thèmes : anthropologie, ethnologie Index géographique : Pays basque (France), Soule Mots-clés : anthropologie culturelle, anthropologie sociale, bertsularisme, carnaval, fête, humour, mascarade, rire

AUTEUR

ERIC DICHARRY

[email protected]

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Marinelei abisua : izen ondoko datibo sintagmak izenburuen sintaxian

Beatriz Fernández et Ibon Sarasola

NOTE DE L'AUTEUR

Lan honek, gutariko batek Rutgersen 2007an egin zuen egonaldian du abiapuntua. Gaiaren inguruko eztabaida bertan hasi genuen Mark Bakerrekin batera. Eskerrak eman nahi dizkiogu berari eta eztabaida horri segida eman dioten beste lankide estimatu batzuei : Josu Landa, Patxi Goenaga, Pablo Albizu eta Jon Ortiz de Urbinari. Gramatika jarduna, dudarik gabe, ederragoa da eurei esker. Zeresanik ez, lanaren erantzukizun osoa gurea baino ez da. Lan hau ondoko instituzioen eta ikerketa proiektuen babesean egin ahal izan dugu : Ministerio de Ciencia e Innovaciónen FFI2008-00240/FILO ; Agence Nationale de la Rechercheren ANR-07-CORP-033, eta Eusko Jaurlaritzaren HM-2009-1-25 eta IT4-14-10.

0. Atarikoak

1 Lan honetan izen ondoko datibo sintagmak izango ditugu mintzagai. Datibo sintagma horiek izen ondoko postposizio sintagmekin konparatuko ditugu, datiboaren muineko izaera ezagutzen lagunduko digutelakoan (1 atala). Hitz hurrenkera ez ezik (1.3 atala), batzuk zein besteek –ko lotura hizkiarekin (1.2 atala) eta –(r)en kasu markarekin (2. atala) duten harremana ere aztertuko dugu. Horretarako, gaur egungo datuak erabiltzeaz gain, iturri historikoetara ere joko dugu bereziki bi idazle aztertuz : Lardizabal lehenik (3.1) eta Etxeberri Ziburukoa (3.2) ondoren. Izenburuetan, ergatibo sintagmen erabilera ere ikusiko dugu azkenik (4. atala).

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1. Izen ondoko datiboak izenburuen sintaxian

2 Datiboaren inguruko eztabaidan, egiturazko kasutzat hartu dute hura euskalari batzuek, eta postposiziotzat jo dute besteek. Hala, datiboa egiturazko kasutzat jo duten hizkuntzalariek, datiboz markatutako sintagma hori izen sintagma (IS) dela aldarrikatu izan dute eta postposiziotzat jo dutenek, berriz, postposizio sintagma.1 Eztabaida honetan, inoiz izen ondoko datibo sintagmak (marinelei abisua bezalakoak) aipatu izan dira, hain zuzen, datiboen jokabidea postposizioen modukoa dela erakusteko (etxera bidea), eta azken batean, datiboak ere postposizioak direla ebazteko (Albizu 2001). Alabaina, izen ondoko datibo sintagmak aztertzerakoan, datibo guztiak, eta ez batzuk bakarrik, hartu behar dira kontuan, bestela euren alderdi bat baino ezin baita ikusi, beste alderdi arras diferentearen kaltetan. Izan ere, datiboetatik bi datibo mota bereizi behar ditugu : bata behe-datiboak, hots, helburu datiboak nagusiki (nik Joni liburua oparitu diot) eta bestea, goi-datiboak, alegia, esperimentatzaileak (Joni liburua ahaztu zaio) eta jabe edota interes datiboak (denei gogoa ilundu zaie). Bada, guztietatik behe- datiboak baino ezin dira izen ondokoak izan (marinelei abisua) ; goi datiboek ezin baitute bestelako loturarik gabe izen ondokoak izan (*Joni ahaztura, *gogoaren ilunketa denei) –ikus baita Fernández (2007) eta Albizu (2009)–. Izen ondokoak izatea, hortaz, behe-datiboek bakarrik duten ezaugarria da, eta ez, inola ere, datibo guztiek dutena. Horregatik, postposizioen antzeko jokabidea duten datiboak, izatekotan, batzuk baino ez dira ; beste batzuek, hots, goi-datiboek, ergatiboaren edota absolutiboaren jokabide bera dute : ezin daitezke izen ondokoak izan, eta IS bati laguntzeko, genitibo kasuaz baliatu beharra dute (Jonen ahaztura, denen gogoaren ilunketa). Gainerakoan, behe-datiboek eta postposizioek bateratsu jokatzen badute ere, asimetria nabarmen bat dute –ko lotura hizkiaz den bezainbatean : postposizio sintagmek –ko har dezakete (etxerako bidea) ; datibo sintagmek, aldiz, ez (*marineleiko abisua) (deRijk 1993, Elordieta 2001). Halaber, –(r)en genitiboaz sortutako modifikatzaileetan, adibidez, artzaintzaren omenaldia diogunean, artzaintza omenaldiaren helburua dela interpreta daiteke, hau da, datiboa nolabait berreskura daiteke genitiboaren bidez ; ez, ordea, postposizioak. Azkenik erakutsiko dugu izen ondokoak izan daitezkeen datibo zein postposizio sintagmak eskumatara zein ezkerretara lerra daitezkeela, euskalariak hitz hurrenkera kontuetan bat ez badatoz ere (de Rijk 1993 ; Euskaltzaindia 1985 ; Makazaga 1999).

1.1. Izen ondoko datibo sintagmak : eztabaidaren hastapenak

3 Euskalaritzan laurogeita hamarreko hamarkadatik aurrera nahikoa sakon eztabaidatu da ea datiboa egiturazko kasua ala postposizioa den. Eztabaida horretara ekarri zituen Albizuk (2001) izen ondoko datibo sintagmak.2 Izen ondoko datibo sintagmez ari garenean, gure lanari izenburua eman dion adibidea bezalakoxeak ditugu gogoan :

(1) Marinelei abisua (EZ Eliç 26)

4 Adibide honetan, datibo sintagma bat dugu batetik –marinelei– eta absolutibo sintagma bestetik –abisua–, eta ezkerretara ageri den datibo sintagma hori, absolutibo

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sintagmaren modifikatzailea da. Izen ondoko datibo sintagma deituko diegu halakoei, goian dagoeneko esan dugun bezala. Hauxe da adibideari dagokion egitura erraztua :3

(2) [[Marinelei]DATS [abisua] IS]IS

5 Egitura honetan, abisua IS biltzen duen beste IS konplexuago bat dugu, marinelei modifikatzailea ere biltzen duena.

6 Goiko adibidea testigantza klasikoetatik jaso dugun arren, halako agerraldiak ere badira gaur egungo euskaran. Adibidez, Beñat Oihartzabalen omenez argitaratu berri den liburu batek (a) du izenburua ; (b) zekarren, aldiz, omenaldi-liburuaren aurkezpen ekitaldiko gonbidapenak :

(3) a. Beñat Oihartzabali gorazarre

b. Gorazarre Beñat Oihartzabali

7 Ikusten denez, datibo sintagma batzuetan eskumatara (a) lerratzen da eta beste batzuetan ezkerretara (b). Hori bera gertatzen da klasikoetan :

(4) a. Iaincoari othoiça (EZ Man II 61)

b. Othoitçac Semeari (EZ Man I 36)

8 Hitz egingo dugu geroxeago (1.3) hitz hurrenkeraz berriro, zenbait ikertzailerentzat – Makazagarentzat (1999), adibidez–, datuen analisian garrantzia duen auzia dirudi-eta. Momentuz esan dezagun, adibide hauetan, gure ustez, behintzat, egitura bat bera dugula, goian dagoeneko (2) adierazi duguna.

9 Izen ondoko datibo sintagma hauek bereziak dira, gutxienez, bi arrazoirengatik : a) ez dira adjektiboak, izenari laguntzen dioten arren eta adjektiboak bezalaxe eskumatara lerraturik ager daitezkeen arren ; b) ezkerretara lerratzen diren kasuetan, ez dute ez – ko lotura hizkirik ez –(r)en kasu hizkirik erakusten, izenaren ezkerretara azaltzen diren sintagmen kasuan, euskalaritzan izenlagun deitu izan diren horietan, espero litekeen bezala.

10 Gainerakoan, izen ondoko datibo sintagma hauek behar den bezala interpreta daitezen, kontuan hartu beharra dago izenburuetan ageri direla nagusiki, nahiz eta inoiz edo behin perpaus oso batean txertaturik ere aurki daitezkeen.4

(5) a. Huna zer izan ziren haren azken hitzak bere semeeri : “Mutikoak, mutikoak, aski baduzue zeruari beha egonik !” (Larz Idazl V, 51)

b. Ez zen baitezpadako kantua :5 bainan zen haren otoitza, haren azken agurra bere lagunari, haren ondorat iragan artio (Mattin 133)

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c. Gaur denak ziren bibak eta gorak kapitainari, Caballeriari eta haiez erditu zen amari (Manu 416)

11 Albizuk berak dakartza (b,c) adibideak : (b) adibidea Euskaltzaindiari (1985 : 346) zor zaio eta (c) Agirreri (1991). (a) adibidea, azkenik, Josu Landak jaso du guretzat, Corsintax arakatzaile sintaktikoaz egindako bilaketari esker.

12 Patxi Goenagak (buruz buru) adierazi digunez,6 azken hiru adibide hauek erakusten dutena ez da bakarrik izen ondoko datibo sintagmak perpaus oso batean txertaturik ere ager daitezkeela –eta ez nahitaez izenburuetan–, beste zerbait baino. Bere ustez, hemen egitura berezi bat dago : izan aditza ageri da lehenik, eta bere eskumatara, IS bera eta izen ondoko datibo sintagma ondoren, predikatu konplexua osatuz. Hala da, dudarik gabe, hiru adibideei dagokienez, eta oso litekeena da hala izatea beste agerraldi batzuetan ere, baina datu gehiago behar dugu egiturak ezinbestean halakoa izan behar ote duen jakiteko. Momentuz, guk geuk behintzat, ez dugu antzeko beste alerik aurkitu ez euskalarien lanetan aipaturik, ez, oro har, euskal testuetan, eta ezin dugu, beraz, Goenagaren intuizioa zuzena den ala ez erakutsi. Aldiz, izenburuen eremuan sarriago aurki daitezke (1) bezalako egiturak, eta gaia erabili denean, izenburuetan, behintzat, onargarriak direla esan izan da –de Rijk (1998 : 378),7 Euskaltzaindia (1985 : 346)8 edo Albizu (2001 : 63 ; 2009 : 13), adibidez–. Horrek pentsarazten digu izen ondoko datibo sintagma hauek berezko tokia dutela izenburuen sintaxian. Horregatik, gerokoaren zain egon gabe, izenburuak dira lan honetako aztergai nagusi eta bakarra.

1.2. Izen ondoko postposizio sintagmak eta –ko lotura hizkia

13 Izen ondoko datibo sintagmen jokabide sintaktikoa ulertzeko, izen ondoko postposizio sintagmak dira giltzarri, hauexek, esaterako :

(6) a. Jacob-en jaisquera Egipto-ra (Lard 61)

b. Saul-gandic David-en iguesa (Lard 168)

14 Adibide hauetan, jaisquera eta iguesa ISen ondokoak ez dira datibo sintagmak, postposizio sintagmak baino –Egiptora adlatiboaz eta Saul-gandic ablatiboaz markatutakoak–. Halako postposizio sintagmak ikusirik, arrazoizkoa dirudi pentsatzeak datiboek postposizioek bezalatsu jokatzen dutela, honi dagokionez, bederen, batzuk zein besteak izen ondoko modifikatzaileak izan baitaitezke, beste inongo loturarik gabe.

15 Lehenago izen ondoko datibo sintagmez esan dugun bezala, postposizio sintagma hauek izenaren modifikatzaileak dira, eta batzuetan (a), adjektiboen kokapen bera erakusten dute. Bestalde, ezkerretara lerratzen direnean (b) ere, postposizio sintagma hutsa dugu eta ez dago ez –ko lotura hizkiaren ez –(r)en genitiboaren arrastorik. Ezaugarri bi horiek datibo sintagmen eta postposizio sintagmen arteko antzekotasuna azpimarratzera eraman gaitzakete. Itxuraz, beraz, antzekoak dira izen ondoko postposizio sintagmen (7) egitura,9 eta lehenago izen ondoko datibo sintagmei egotzi dieguna (2).

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(7) [[Saul-gandic]PS [iguesa] IS]IS

16 Nolanahi ere, bada, gutxienez, ezberdintasun aipagarri bat : ezkerretara lerratzen diren postposizio sintagmek –ko lotura hizkia erakuts dezakete aukeran.

(8) a. Jacoben Egiptorako jaiskera

b. Daviden Saulengandiko ihesa

17 Adibide hauek, (6)koekin alderatuz gero ikus daitekeenez, postposizio sintagma hutsen ordez –Egipto-ra, Saul-gandik–, –ko lotura hizkia duten sintagmak dira –halako adibideetan, –ko lotura hizki horrek postposizio sintagma osoa hartzen du osagarri gisa (9)–.

(9) [ [[Saul-gandik]PS -ko] [iguesa] IS]IS

18 Postposizio sintagma hutseko adibideak (6) gramatikalak dira, gure ustez –guk dakigula, –ko lotura hizkidun adibideen gramatikaltasunaz (8) ez dago zalantzarik–. Dena den, kontuan izan izenburuen sintaxira mugatu dugula gure lana hasieratik, eta postposizio sintagma hutseko adibideak gramatikalak direla diogunean, printzipioz izenburuez ari garela –lehenago (1.1), izen ondoko datibo sintagma gisa aipatutakoen antzera–. Hortaz, ez ditugu ahaztu de Rijkek (1988, 1993) aspaldi –ko hizkiaz irakatsitakoak, alegia, ingelesez ez bezala, euskaraz, –ko lotura hizkiaren beharra dutela postposizio sintagmek, izen sintagma baten barruan agertu ahal izateko. Orobat, gogoan dugu izenburuetatik aparte, (7) egitura ez-gramatikala dela de Rijkentzat. Bere adibideak dira ondokoak (de Rijk 1998 : 378) :

(10) a. *Loturak etsaiarekin

b. *Mahaiak bezeroentzat

c. *Ogia zerutik

d. *Bidea Gasteiztik Bilbora

e. *Itzulpenak gaztelaniatik ingelesera

19 Alderantzizko hurrenkera dutenak ere ez-gramatikaltzat hartzen ditu :

(11) a. *Etsaiarekin loturak

b. *Bezeroentzat mahaiak

c. *Zerutik ogia

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d. *Gasteiztik Bilbora bidea

e. *Gaztelaniatik ingelesera Itzulpenak

20 Bat gatoz, bada, uste honekin, beti ere izenburuak alde batera uzten baditugu. Nolanahi ere den, de Rijkek berak dio (1998 : 378), (11) adibideak gramatikaltzat har litezkeela izenburuetan, eta guk bezala, Lardizabalen Testamentu zarreco eta berrico condairatik (1855) jasotzen ditu gure aztergai diren izenburuak. Beraz, arauaren salbuespena da guk mintzagai duguna eta hizkuntza osora orokortu ezin daitekeena. Gogoan izan, honi dagokionez, egileak, euskara bezalakoxe beste hizkuntza batzuk ere aipatzen dituela, alegia, ketxuera, japoniera, turkiera eta hungariera aurre-modernoa : hizkuntza hauetan guztietan, postposizio sintagma hutsak ezin daitezke IS baten modifikatzaileak izan, ez bada izenburuen eta antzekoen eremuan. Ondorioz, hizkuntza hauetan, murriztapenen bat egon badago, ingelesez, gaztelaniaz edo frantsesez, esaterako, ez dagoena.

21 –Ko lotura hizkiaren azterketak oso urrunera eramango gintuzke, eta gure asmoa, ez da izatez maisuaren pausuei jarraituz, hura aztertzea, ez bada izen ondoko sintagmekin zerikusia izan dezakeen heinean. Bada, nahiz eta goian esan dugun lotura hizki hori aukeran postposizio sintagmei gaineratu dakiekeela, ez dirudi hori bera esan daitekeenik izen ondoko datibo sintagmez ari garenean.

(12) a. *Marineleiko abisua

b. *Beñat Oihartzabaliko gorazarre

22 De Rijk-ek, aipatu ditugun lan bietan azaldu zuen hori. Orobat, Elordietak (2001 : 64-65) hori bera gogorarazi digu geroago, datibo sintagmak ISak direla, ez postposizio sintagmak, aldarrikatzeko. Gure ustez, datibo sintagmak IS ala postposizio sintagma diren erabakitzeko, ezin dugu bakarrik kontuan hartu datibo sintagmak postposizio sintagmak bezalaxe izen ondokoak izan ote daitezkeen ala ez ; horretaz gain, ikusi beharra dago batzuek eta besteek zein harreman duten –ko lotura hizkiarekin zein – (r)en kasu markarekin, biek berebiziko garrantzia dutelako ISen modifikatzaileak sortzerakoan. Berehala (2 atala), helduko diogu –(r)en kasu markaren azterketari, honetan ere, diferentzia esanguratsuak daude-eta datibo eta postposizio sintagmen artean.

1.3. Datibo sintagmen zein postposizio sintagmen hurrenkeraz ; balizko beste analisi bat

23 Lan honen hasieratik aipatu dugu izen ondoko sintagmak ISren eskuma zein ezkerretara ager daitezkeela, eta hala agertzen direla egile klasikoetan eta gaur egungo prentsa izenburuetan. Dena den, hizkuntzalarietako batzuk, Euskaltzaindiak (1985 : 346) edo Albizuk (2009)10, esate batera, zeharbidez edo esplizituki, izen ondoko sintagma hauek eskumatara lerratzen direla esan edo iradoki dute, iritzi guztiak bat ez datozen arren. Esaterako, de Rijkek (1998 : 378), (11) adibideak izenburuetan zilegi izan daitezkeela dio, hau da, bere ustez, gramatikalak izan litezke modifikatzailea

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ezkerretara erakusten dutenak ; eskumatara lerratzen diren sintagmez –(10) sortakoez–, aldiz, ez du argibiderik ematen. Inplizituki, beraz, eskumatara lerratzen diren postposizio sintagmak ez-gramatikaltzat hartzen dituela dirudi.

24 Esplizituagoak dira beste hizkuntzalari batzuk, eta itxuraz kontrako iritzikoak – darabilten arrazoibidea diferentea izan arren–. Adibidez, euskara teknikoko testuez ari dela, Makazagak (1999 : 46) dio izen ondoko sintagmak ezkerretara lerratzen diren adibide hauek guztiak ez-gramatikalak direla :

(13) a. *Penizilinari erresistentzia

b. *Salizitatoei alergia

c. *Antibiotikoekin tratamendua

d. *Gaindosiagatik heriotza

e. *Dosi altuetan C bitamina

25 Dena den, orrialde bereko (16) oin-oharrean dio (a) bezalakoek badutela literatur tradizioa eta zerurabide bezalako egitura ihartuak kontuan hartu behar direla. Guk, ikusiko dugunez, literatur tradiziora jo dugu, hain zuzen, gramatikalak direla erakusteko. Gainerakoan, ez genuke esango zerurabide bezalakoak ihartuak direnik, azken batean, etxera bidean, unibertsitatera bidean, eta abar, lasai asko esan daitezke-eta. Dena den, bide hitza da hemen gakoa, itxuraz, berak ematen digulako izen ondoko postposizio sintagma erabiltzeko aukera.

26 Ez dirudi, baina, izeondoko sintagmak ezkerretara agertze hutsa denik, Makazagaren ustez, goiko adibideak ez-gramatikal bihurtzen dituena, ez bada, izen ondoko sintagmak eurak agertzea.11 Azken adibideak ez-gramatikalak direlako ustea indartzeko, perpausean txertatuz gero, are ez-gramatikalagoak direla dio Makazagak.

(14) a. *Penizilinari erresistentzia garatu da

b. *Salizitatoei alergiari aurre egin behar zaio12

c. *Antibiotikoekin tratamendua agintzen dute medikuek

d. *Gaindosiagatik heriotza

e. *Dosi altuetan C bitamina

27 Dena den, sintagma guztiak ez dira berdinak, batzuk eskumatara lerraturik onartzen baititu :

(15) a. *Gaindosiagatik heriotza bat gertatu da

b. Heriotza bat gertatu da gaindosiagatik

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c. *Dosi altuetan C bitamina eman da

d. C bitamina dosi altuetan eman da

e. *Dosi altuetan C bitamina

28 Eta bide honetatik, ondokoak ere gramatikaltzat jotzera heltzen da :

(16) a. Alergia salizitatoei

b. Tratamendua antibiotikoekin

c. Heriotza gaindosiagatik

29 Alabaina, irakurleak kontuan hartu behar du Makazagak (15)eko adibideak gramatikalak direla dioenean, ez dituela datibo sintagma edo postposizio sintagma hauek izen ondokotzat hartzen, aditz ondokotzat baino –bestela esanda, ez du uste izena modifikatzen dutenik, aditza baino–.13 Hortaz, ziur aski berak gogoan dituen egiturak ez dira (2) edo (7) –ondoko (a) eta (b) egiturak, hurrenez hurren– :

(17) a. [[Erresistentzia]IS [penizilinari] DATS] IS

b. [[Tratamendua]IS [antibiotikoekin] PS]IS

30 Horien ordez, beharbada, IS konplexu berean sartzen ez diren sintagma beregainak izango ditu gogoan :14

(18) a. [Erresistentzia]IS [[penizilinari] DATS]]AS

b. [Tratamendua]IS [[antibiotikoekin] PS] ]AS

31 Jakina, gu ez gara halako egiturez ari, ez, behintzat, orain arteko sintagmez hitz egiten ari garela. Dena den, batzuetan itxura bereko sintagmak ez dira izen ondokoak, eta Makazagaren testua behar bezala interpretatu badugu, behintzat, bestelako egiturak dira hauek. Adibidez, ondoko perpausetan, postposizio sintagmak (a,b) eta datibo sintagmak (c,d) ez dira beste ISen modifikatzaileak, sintagma beregainak baino :

(19) a. Suizidioak epaitegira (Berria, 2010-04-10)

b. Azken berriak kosmosetik (Berria, 2010-04-14)

c. Aukera bat aldaketari (Berria, 2010-04-01)

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32 Aldiz, ondoko hauek, gure iritziz, izen ondokoak dira :

(20) a. Basamortuei begirada (Berria, 2010-03-14)

b. Oposizioari erantzuna (Berria, 2010-03-18)

c. Sexualitateari deia (Berria, 2010-04-04)

d. Miranderi mira (Berria, 2010-03-21)

e. Rubalcabaren deia Urkulluri (Berria, 2010-03-20) f. Omenaldia artzaintzari (Berria, 2010-04-08)

33 Izen ondoko postposizio sintagmadunak ere bai :

(21) a. Txotxongiloen etxe magiko eta ederrera bisita (Berria, 2010-03-13)

b. Telebisten hilerrira bisita (Berria, 2010-05-15)

34 Nolanahi ere, batzuetan, bereziki ISren eskumatara lerratzen diren datibo sintagmekin zalantza sortzen da, ea izen ondoko sintagma bat ote dugun ala ez. Adibidez, goiko (f) adibideak, (17a) edo (18a) egituretatik edozein izan lezake. Guk izen ondoko sintagmatzat hartuko genuke, (17a) egitura hobetsiz, baina irakurleari erakutsi diogunez, ez gatoz denok bat honetan : Makazagak (18a) egotziko lioke ziur aski.

35 Azkenik, hitz hurrenkeraren gaira itzuliz, ikusten denez, izen ondokoak diren sintagmak eskumatara zein ezkerretara ager daitezke bai oraingo testuetan bai klasikoetan ere, goian dagoeneko esan dugun bezala :

(22) a. Jacob-en jaisquera Egipto-ra (Lard 61)

b. Jerusalen-era David-en itzulera (Lard 202)

c. Othoitçac Semeari (EZ Man I 36)

d. Iaincoari othoiça (EZ Man II 61)

36 Zalantzak ditugu, beraz, Euskaltzaindiak (1985 : 346) dioenean eskumatara lerratzen diren izen ondoko datibo sintagmak onargarriagoak direla ezkerretara lerratzen direnak baino. Itxura batean, ASren periferiakoak diren sintagmak, ISren eskumatara agertzea espero genezake. Baldin eta Euskaltzaindiak Makazagak bezala, ASren barruko sintagmatzat jotzen baditu, orduan ulertzekoa da hitz hurrenkeraz dioena. Aldiz, izen ondoko ISren modifikatzaileak direla uste badu, orduan aitortu beharko du bietara ageri zaizkigula. Xehetasunez aztertu beharreko gaia da hurrenkerarena, gauzak gehiegi sinplifikatu nahi ez baditugu, bederen.

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1.4. Izen ondoko datibo sintagmak ezinezkoak direnean

37 Orain arte ikusi ditugun datibo sintagma guztiak nola edo hala izen ondokoak izan daitezke. Baieztapen honek, alabaina, oso muga garbia du : esperimentatzaileek eta jabe edo interes datiboek sortzen dituzten sintagmak ezin dira inola ere izen ondokoak izan. Bestela esanda, goi-datiboak, behe-datiboak ez bezala, ezinezkoak dira egitura honetan.

(23) a. *Begitazioa/begitanduera umeei / *Umeei begitazioa/begitanduera15

b. *Irudipena umeei / *Umeei irudipena

c. *Gogorapena umeei /*Umeei gogorapena

d. *Ahanztura/ahanzpena umeei /*Umeei ahanztura/ahanzpena

38 Adibide guztiak ez-gramatikalak dira. Baita jabe eta interes datiboak jasotzen dituzten ondoko adibide hauek ere :

(24) a. *Aita eta amaren hilketa Jenebiebari /*Jenebiebari aita eta amaren hilketa

b. *Denei gogoaren ilunketa / *Gogoaren ilunketa denei

c. * Itsuari begien argiketa / *Begien argiketa itsuari

39 Halaxe adierazi dugu lehenago ere (Fernández 2007). Albizuk (2009), bere aldetik, esperimentatzaileen eta jabe eta interes datiboen arteko ñabardurak aipatzen ditu gramatikaltasun juzkuetan : esperimentatzailedun egiturak guztiz ez-gramatikalak direla dio, eta jabe edo interes datibodunak edo ez-gramatikalak edo zalantzatakoak. Gu ez gatoz bat berarekin ez puntu honetan ez ondokoetan. Lehenik eta behin, falta (izan) esperimentatzaileen artean kokatzen du, guk interes datibotzat joko genukeen arren –*asti falta Joni lana bukatzeko da bere adibidea. Horrek ez du, printzipioz, inongo eragozpenik sortzen, azken batean, ez baitago, gure ustez, Albizuren ustez ez bezala, esperimentatzaileen eta jabe edo interes datiboen artean jokabide sintaktiko bereziturik. Bigarrenik, jabe eta interes datiboetan aipatzen dituen adibideak hauexek dira :

(25) a. * ? ?Itasontziaren hondoratzea kapitainari

b. */ ? ?Bitxien galera/galtzea Mireni

40 Adibide hauetan, hondoratzea eta galtzea nominalizazioak ageri zaizkigu. Printzipioz, nominalizazioa agertuz gero, ez dugu ikusten arrazoirik datiboa ezin agertzeko. Besterik da, jakina, galera izena. Hirugarrenik, ez dugu uste esan daitekeenik ez oro har,

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ez Albizuk dakartzan adibideetako datibo zehatz horietan, jabe eta interes datiboak postposizioak direnik –ikus Fernández eta Ortiz de Urbina (2010)–.

41 Ikusten denez, zenbait diferentziek bereizten gaituzte Albizuren ekarpenetik. Diferentziak alde batera, irakurleari erakutsi nahi dioguna da besterik gabe, datiboetatik batzuk halako egituretan ezinezkoak direla. Hiztunen juzkuak alde batera, guk dakigula behintzat, ez klasikoetan, ez gaur egungo prosan ez dago euren erakusgarri bat bera ere.

2. Izen ondoko sintagmak eta –(r)en genitiboaz

42 Ikus dezagun orain zein den –(r)en genitiboaren zeregina izen ondoko sintagmak sortzerakoan. Has gaitezen ikusten zein diren aukera hori besterik ez duten ISekin.

2.1. –(r)en genitiboa aukera bakarra denean (I) : ergatibo eta absolutibo sintagmez

43 Ergatibo eta absolutibo sintagmak ezin daitezke izen ondoko modifikatzaileak izan, ez bada –(r)en genitiboaren bidez. Esate batera, beheko (b) adibidea ez-gramatikala da, ukamena ISak ezin baitu Pedrok ergatibo sintagma, izen ondoko modifikatzaile gisa hartu. Ergatiboaren ordez, –(r)en genitiboa eman beharra dago, sintagma gramatikala erdiesteko (a).

(26) a. Pedro-ren ucamena (Lard 447)

b. *Pedrok ukamena

44 Gogoratu zein den lanaren hasieran eman dugun egitura, adibide hauek ere behar bezala uler daitezen. (b) adibideari dagokion egituran, Pedrok ergatibo sintagma izen ondoko modifikatzailea da eta, beraz, IS osoaren barruan dago :

(27) a. [[Pedroren]IS [ukamena] IS]IS

b. *[[Pedrok]IS [ukamena] IS]IS

45 Geroago ikusiko dugunez, badira, itxuraz oso antzekoak izanik ere, hau ez bezalako egitura ezkutatzen duten adibideak, gramatikalak direnak –(3) atala–.

46 Ergatibo sintagmez esandakoa absolutibo sintagmez ere esan daiteke : ezin zaizkio zuzen-zuzenean beste IS bati lotu (b,d), eta –(r)en genitiboa behar dute izen ondokoak izateko (a,c) :

(28) a. Jerusalen-era David-en itzulera (Lard 202)

b. *Jerusalen-era David itzulera

Lapurdum, 14 | 2010 62

c. Bi gaizquindunen sendamena (Lard 388)

d. *Bi gaizkindunak sendamena

47 (b) adibidean, absolutibo sintagma subjektua da eta (d) adibidean, osagarria. Bi agerraldiak (b,d) ez-gramatikalak dira.

2.2.–(r)en genitiboa aukera bakarra denean (I) : goi-datiboez

48 Ergatibo eta absolutibo sintagmen jokabide berbera erakusten dute goi-datiboek, edo nahiago bada, esperimentatzaileek eta jabe edo interes datiboek : izen ondokoak bihurtu nahi izanez gero, orduan –(r)en genitibo kasuaz markatzea da duten aukera bakarra.

(29) a. *Begitazioa/begitanduera umeei / *Umeei begitazioa/begitanduera

b. Umeen begitazioa/begitanduera

c. *Irudipena umeei / *Umeei irudipena

d. Umeen irudipena

e. Gogorapena umeei /*Umeei gogorapena

f. Umeen gogorapena

g. *Ahanztura/ahanzpena umeei /*Umeei ahanztura/ahanzpena

h. Umeen ahanztura/ahanzpena

49 Lehenago irakurleari eman dizkiogun goi-datibodunen adibideetatik, esperimentatzaileak dira hauek (a,c,e,g), euren ordezko genitibodunekin batera (b,d,f,h). Ikusten denez, goi-datibo horiek ergatibo eta absolutiboak bezalakoxeak dira : ezin daitezke zuzenean izen ondoko modifikatzaileak izan, eta baldin eta izena lagundu nahi badute, orduan, behar-beharrezkoa dute –(r)en kasuaz ordezkatzea.

50 Jabe eta interes datiboen kasuan, are naturalagoa da genitiboaren bitartez ematea. Lehenik eta behin, jabetza berez genitiboaren bitartez adierazten dugulako, eta jabe datiboa agertuz gero, igoeraren ondorioz gertatzea espero dugulako. Horregatik, (a) gramatikala da eta (b), berriz, ez. Interes datiboetatik hurbilago dauden (d,f) adibideen ordezko genitibodunetan, galdu egiten da interes kutsua.

(30) a. Jenebiebaren aita eta amaren hilketa

b. *Aita eta amaren hilketa Jenebiebari

c. Denen gogoaren ilunketa

Lapurdum, 14 | 2010 63

d. *Gogoaren ilunketa denei

e. Itsuaren begien argiketa

f. *Begien argiketa itsuari

51 Oso jokabide bateratsua erakusten dute jabe eta interes datiboek hemen, bata bestetik ezin bereizteraino.

52 Hortaz, datiboak egiturazko kasuen edo postposizioen antzera jokatzen ote duen erabaki behar bada, ezin daiteke bakarrik esan postposizioen gisara jokatzen duela izen ondoko modifikatzaileei dagokienez, hori behe-datiboei baino ezin baitzaie egotzi. Orobat, esan beharko da –(r)en genitiboaz ere ordezka daitezkeela datibo sintagmak, ergatibo eta absolutibo sintagmak bezalaxe. Jakina, postposizio sintagmak ezin daitezke –(r)en genitiboaz markatu, eta bere ordez, –ko lotura atzizkiaz baliatu behar dute – gogoratu, gainerakoan, datibo sintagmak, postposizioak ez bezala, ezin daitezkeela –ko lotura atzizkiaz baliatu, (1.2) atalean erakutsi dugun bezala–.

2.3.–(r)en genitiboa aukeretatik bat izan daitekeenean : behe- datiboez

53 Orain artean erakutsi dugunez, ez ergatibo ez absolutibo ez goi-datibo sintagmak ezin daitezke inoiz ere izen ondoko modifikatzaile gisa agertu, eta beharrezkoa dute –(r)en genitiboa izen ondoko bihurtzeko. Behe-datiboez ari garela, –(r)en genitiboa, izen ondoko datiboaren ordez aurki daiteke inoiz. Adibidez, Jules Verneren nobela ederrenetako batek, ondoko izenburua du euskaraz argitaratutako itzulpen batean :

(31) Munduari itzulia 80 egunetan

54 Alabaina, ez da euskaraz egin den itzulpen bakarra. Bada beste bat, izenburua bestela itzulita dakarrena :

(32) Munduaren itzulia 80 egunetan

55 Ikusten denez, datiboaz zein genitiboaz markaturik ageri da izen ondoko sintagma.

56 Euskaltzaindiak ere (1985 : 346) aipatzen du genitiboaren aukera, zuzenegiak iruditzen ez zaizkion izen ondoko datibo sintagmen aldean. Anbiguetatea ere sortzen dela dio, eta halaxe da. Esate baterako :

(33) a. Oihartzabali gorazarrea

b. Oihartzabalen gorazarrea

c. Omenaldia artzaintzari

Lapurdum, 14 | 2010 64

d. Artzaintzaren omenaldia

57 (b) eta (d) adibideetan, genitiboak ordezkatzen dituen kasuak bi izan daitezke : ergatiboa zein datiboa. Jo dezagun Oihartzabal dela gorazarrea egiten duena, Lafitteri adibidez, orduan genitiboak ergatiboa ordezkatzen du ; aldiz, Oihartzabal bada gorazarrea jasotzen duena –helburua denean, alegia–, orduan datiboa da genitiboak ordezkatzen duena.

58 Beraz, sintagma genitiboduna sintaktikoki anbiguoa izan daiteke, goikoak bezalako kasuetan, baina horrek ez du esan nahi datiboa, ergatiboa eta absolutiboa bezalaxe genitiboaz ordezka ezin daitekeenik. Diferentzia da, jakina, ergatiboak eta absolutiboak goi-datiboen antzera, genitiboa beste biderik ez dutela izen ondokoak sortzeko, eta behe-datiboak, berriz, kasu batzuetan, behintzat, bi aukerak dituela, bata datibo gisa agertzea eta bestea genitibo kasuaz markatzea. Nolanahi ere den, ñabardura bat gaineratu behar zaio honi, batzuetan datibo sintagma ez baita horren erraz eskuratzen genitibo sintagma batetik, esate baterako, goian dagoeneko aipatu ditugun (a,c) adibideen ordezko genitibodunetatik (b,d) :

(34) a. Oposizioari erantzuna

b. Oposizioaren erantzuna

c. Sexualitateari deia

d. Sexualitatearen deia

59 Zehaztu beharko da, beraz, zein testuingurutan interpreta daitekeen datiboa dugula eta zein testuingurutan ez. .

3. Izen ondoko datibo eta postposizio sintagmak euskal klasikoetan

60 Izen ondoko datibo eta postposizio sintagmen agerpena, guk dakigula, ez da aztertu izan klasikoen eremuan, eta atal honetan, hain zuzen, eremu honi begiratu eta, gure ustez, esanguratsuak diren bi idazle aztertuko ditugu : Lardizabal batetik –(3.1) atala– eta Etxeberri Ziburukoa bestetik –(2.2) atala–. Bien lanetan aurki daitezke aztergai ditugun egiturak. Ostean, izenburuak ematen dituzten beste idazle batzuen estrategiak oso aztergai interesgarriak izan daitezke, Leizarragaren elipsia adibidez, baina, guk dakigula, behintzat, ez darabilte orain mintzagai dugun egitura hau. Geroago –(3.3) atala–, aipatuko dugu labur.

3.1. Francisco Ignacio Lardizabal eta izen ondoko sintagmak

61 Testamentu zarreco eta berrico condaira (1855) irakurtzerakoan, berehala aurkituko ditu irakurleak izen ondoko datibo zein postposizio sintagmak izenburuetan. Sarri askotan, genitibo sintagma ere ageri da tartekaturik. Ondoko sortan ikus daitezke adibideak –

Lapurdum, 14 | 2010 65

(a,b) eta (c,d)–. Hitz hurrenkerari dagokionez, bietara lerratzen dira izen ondoko sintagmak, eskumatara (a,c) zein ezkerretara (b,d) :

(35) a. Jacob-en jaisquera Egipto-ra (Lard 61)

b. Jerusalen-era David-en itzulera (Lard 202)

c. Jesus-en aguerquera Apostoluai (Lard 472)

d. Moisesi Jaincoaren aguerquera (Lard 66)

62 Genitibo sintagma, bestalde, izenaren ondokoa izan ohi da –(a,b) adibideak– salbuespenen batekin :

(36) Jonatas-en Toleimada-ra joanera (Lard 351)

63 Adibide guztietatik, datibodunak dira, postposiziodunen aldean gutxien testu osoan zehar. Goian aipatu ditugun adibideez gain (c,d), aguerquera izena bera duten antzeko beste lau agerraldi ditugu testu berean, esate baterako ondoko (a) adibidea. Bestelakoa da (b). Oro har, beraz, zazpi agerraldi ditu izen ondoko datibo sintagmadun egiturak lan honetan.

(37) a. Jesus-en aguerquera Maria guciz Santari (Lard 476)

b. Mateo-ri Jesus-en deya (Lard 390)

64 Postposiziodunak, berriz, askotxo dira, eta aldakorragoak –oinarrian beti egitura bat bera izan arren, alegia, izen ondoko postposizio sintagma–. Egitura honetan ageri diren izenak diren bezainbatean, gehienak mugimenduzko aditzetatik eratorritako izenak dira, eta, hortaz, argumentu bakarrekoak –joanera, jaisquera, irteera, iguesa, ezcutaquera– ; argumentu biko izenak ere badira –ipiñera, eramanera ; eta badira, azkenik, bietara interpreta daitezkeenak –itzulera–.16 Postposizioei dagokienez, goian (35a,b) adibideetan erakutsi dugun adlatiboaz gain, ablatibo bizidun zein bizigabea (a,b), ablatibo eta adlatiboa biak batera (c), eta azkenik, inesiboa (f) ere ageri dira.

(38) a. Saul-gandic David-en iguesa (Lard 168)

b. Mundutic Elias-en ezcutaquera (Lard 236)

d. Jerusalen-dic Betania-ra Jesus-en joanera (Lard 420)

e. Maria-ren vicitza Nazaret-en (Lard 365)17

Lapurdum, 14 | 2010 66

65 Bestalde, genitiboak absolutiboa ordezkatzen du Lardizabalen liburuko agerraldi gehienetan. Adibidez, mugimenduzko aditzetatik eratorritako izen guztiekin batera jaso daitezkeen genitiboak (a,c) absolutiboaren (b,c) ordezkoak dira. Kasu hauetan guztietan absolutibo sintagma subjektua da, adibidez :

(39) a. Mundutic Elias-en ezcutaquera (Lard 236)

b. *Elias mundutik ezkutakera

c. Jacob-en joanera Haran-era (Lard 35)

d. *Jacob Haranera joanera

66 Izartxoa gaineratu diegu (b,d) adibideei, absolutibo sintagmarik ezin baitaiteke ageri dagoen dagoenean beste IS bat modifikatzen. Lehenago erakutsi dugun bezala –(2.1) atala–, (b,c) adibide ez-gramatikalen ordain gramatikalak izateko beharrezkoa dugu genitiboa.

67 Izena aditz iragankor batetik eratorri den kasuetan, genitiboak ordezkatzen duen absolutiboa osagarria da :

(40) a. Cucha santaren itzulera Israel-era (Lard 153)

b. *(Haiek) Kutxa santua Israelera itzulera

c. Jesus-en Getsemani-tic Jerusalen-era eramanera (Lard 445)

d. *(Haiek) Jesus Getsemanitik Jerusalemera eramanera

e. Bi gaizquindunen sendamena (Lard 388)

f. *(Hark) Bi gaizkindunak sendamena

68 Izartxoa jarri diegu berriro ere, kasu honetan, izenak dituen bi argumentuak, alegia, ergatiboa eta absolutibo sintagmak ezin daitezkeelako ihesa edo deia bezalako ISak zuzenean modifikatzen agertu, ez bada genitiboz ordezkatu eta gero.

69 Gainerakoan, genitiboak ergatiboa ordezkatzen du ondoko adibideetan :

(41) a. Saul-gandic David-en iguesa (Lard 168)

b. (*)Davidek Saulengandik ihes

c. Mateo-ri Jesus-en deya (Lard 390)

d. (*)Jesusek Mateori deia

e. Iru Erregueen adoracioa (Lard 367)

Lapurdum, 14 | 2010 67

f. *Hiru Erregeek (Jesus) adoracioa

g. Animaco janariaren gañean Jesus-en itzqueta (Lard 401)

h. *Arimako janariaren gainean Jesusek hizketa

i. Pedro-ren ucamena (Lard 447)

j. *Pedrok ukamena

70 Jakina, goiko (b,d,f,h,j) adibideen ez-gramatikaltasuna zeharbidez baino ezin dugu erakutsi, ez-gramatikalak direnez, ez baitugu, jakina, testuan agertzea espero. Geroago ikusiko dugunez, badago nahikoa adierazgarria den salbuespen eremua ergatiboari dagokionez –(4) atala–, baina gure ustez, bestelakoa izan behar du bere egiturak.18 Dena den, argi dago ez absolutibo ez ergatibo sintagma ezin daitezkeela izen ondoko modifikatzaileak izan aztergai ditugun izenburuetan. Bestalde, ergatiboa agertzen den kasuetan, perpaus oso bat dugu : edo perpaus jokatugabea da, nahiz nominalizazioa (a) nahiz partizipioa (b) ; edo besterik gabe, perpaus jokatua (c,d), aditzarekin eta inflexioarekin batera.

(42) a. Jesus-ec Apostoluai oñac garbitcea (Lard 438)

b. Jerusalen Tito-c setiatua (Lard 541)

c. Aingueruác María-ren izaera José-ri aguertcen dio (Lard 366)

d. Jesus-ec itsas-aserretuan Apostolúac gordetzen ditu (Lard 400)

71 Ikusten denez, ergatiboa ez da behin ere agertzen mintzagai dugun egituran, eta gainerako agerraldietan, ezaguna zaion testuingurua erakusten du.

72 Amaitzeko, goi-datiborik ez dago Lardizabalen izen ondoko sintagmetan eta hori gure hasierako hipotesia berrestera dator : goi-datibo bat bera ere ez da Lardizabalen testuko izenburuetan, halako egituretan goi-datiboak, besterik gabe, ezinezkoak direlako.

3.2 Joanes Etxeberri Ziburukoa eta izen ondoko sintagmak

73 Gure lanari izenburua ematen dion adibidea, Marinelei Abisua, Etxeberri Ziburukoaren Eliçara erabiltceco liburua (1636) lanetik jasota dago. Liburu honetan badira aipatutako adibide horretaz gain, beste agerraldi batzuk ere, baina, oro har, sarriago aurki daitezke izen ondoko datibo sintagmak bere Manual Devotionezcoan (1627). Hona dakartzagu euretatik batzuk :

(43) a. Othoitçac Semeari (EZ Man I 36)

b. Aingueruei errencurac eta othoitçac (EZ Man I 122)

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c. Aingueruen inspirationea egoquiei (EZ Man I 124)

d. Iaincoari agurra (EZ Man II 40)

e. Iaincoari othoiça (EZ Man II 61)

f. Itsasturi Iracurtzaileeari. Abisua. (EZ Man II 129)19

g. Promessa Iaincoari (EZ Man II 148)

74 Egitura hauetako izen nagusia ondoko bat izan ohi da : abisua, agurra, arrenkurak (errencurac), eskerrak, laudorioak, otoitza, promesa. Hitz hurrenkerari erreparatuz gero, bietara aurki daitezke izen ondoko datiboak, eskumatara (a,c,g) zein ezkerretara (b,d,e,f).

75 Ikusten denez, izen ondoko datibo sintagmak ez dira Lardizabalen lanean bezain urriak, ez hartan bezain mugatuak egitura datibodunak. Aldiz, Lardizabalen lanarekin konparatzen jarraituz gero, askoz ere gutxiago dira Etxeberriren lanetan aurki daitezkeen egitura postposiziodunak. Gehienetan erabiltzen den postposizioa instrumentala da.

(44) a. Saindu particularren Arrosarioaz. Abisua (EZ Man II 173)

b. Litaniez abisu generala (EZ Man II 188)

c. Bideco ontassunez esquerrac (EZ Man II 125)

76 Eta datibo eta instrumentala biak jasotzen dituen adibideren bat ere bada.20 Kasu honetan, eskumatara lerratzen dira bata zein bestea :

(45) a. Laudorioac lehenik Iainco berari berac ordenatu gaucez (EZ Man I 11)

77 Bestalde, inoiz ere badira destinatiboa ere erakusten dutenak, eskuma (a,b) zein ezkerretara (c,d) baita honi dagokionez ere :

(46) a. Laneco othoitçac nekhacaleentçat (EZ Eliç I 21)21

b. Itsassoco othoitçac marinelentçat (EZ Eliç 24)

c. Haur ttipientçat othoitçac haurra eri denean (EZ Man II 99)

d. Haur ttipientçat esquerrac sendatu denean (EZ Man II 100)

78 Alabaina, lekuzko postposizioen arrastorik ez dago bere lan osoan. Halakoak ezin aurkitzeak, eta, aldiz, instrumental edota destinatibodunak aurkitzeak zerikusia izan

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lezake izenburuen izaerarekin berarekin, eta goian aipatu ditugun aditzetatik eratorritako izenen gabeziarekin –joanera, itzulera eta abar–.

79 Ikusten denez, aukeratu ditugun idazle klasiko bietan, diferentziak diferentzia, izen ondoko datibo eta postposizio sintagmak ez dira batere arrotzak, eta neurri batean, gaur egungo prentsan jaso daitezkeen egituren arbasoak dira.

4. Ergatibo sintagmen agerpena

80 Orain arteko lerroetan, datibo eta postposizio sintagmak izan dira gure mintzagai nagusia, eta ergatibo sintagmen aipamena egin dugunean erakutsi dugunez, ezin daiteke halako sintagmarik ageri beste IS bat zuzenean modifikatzen, eta genitiboa beharrezkoa du izen ondoko bihurtzeko. Hori gogoan izan behar du irakurleak, ondoren emango ditugun antzeko adibideetan, ergatibo sintagma izen ondokoa dela pentsa litekeelako. Itxurak, baina, ez gaitu okerreko bidera eraman behar : agerraldi hauetan, sintagma beregainak ditugu, eta ez ISren askotariko modifikatzaileak.

4.1 Bernard Etxepare eta ergatibo sintagmaren agerpena

81 Etxepareren eskaintza hala hasten da :

(47) Erregeren adbokatu bidezko eta nobleari, bertute eta hon guziez konplituiari bere jaun eta jabe Bernard Leheteri, Bernard Etxeparekoak, haren zerbitzari xipiak, gogo onez gorainzi, bake eta osagarri)

82 Linguae Vasconum Primitiae liburuan (1545), prosaz idatzitako sarreraren lehen esaldia da bera, eta bertan ageri zaizkigu elkarren segidan lan honetan aztergai ditugun egituren osagai nagusiak –datibo eta absolutibo sintagma– berritasun esanguratsu batekin : ergatiboaz markatutako sintagma.

83 Esaldia ez dago izenburu gisa emanik, eta ez da tipografikoki bereizten jarraian datorren testutik –vs. (3.2) atala–. Alabaina, dudarik gabe, testuaren eskaintza da, eta halaxe ulertu behar dela uste dugu. Eredu honetako esaldi bakarra da testu osoan, geroago datozen poesien izenburuetan –gogoratu adibidez, Amoros sekretuki dena, Kontrapas, eta abar–, ez baitago berriro bere aztarnarik.

84 Ikus dezagun orain esaldi osoa apurka-apurka. Gorainzi, bake eta osagarri izenak dira juntatutako IS-en buru. Analisia erraztearren, izen horietatik bat, gorainzi adibidez, har dezake irakurleak. Buru horren eskumatara bere jaun eta jabe Bernard Leheteri datibo sintagma dugu, eta are eskumatarago, aposizio gisako beste bi datibo sintagma. Prosaren konplexutasuna alde batera, sintaxira begira gogoan izan beharrekoa da, itxuraz bederen, izen ondoko datibo sintagma bat dugula hemen, Bernard Leheteri gorainzi lelopean laburbildu litekeena. Analisia erraztuz, besterik gabe, sintaktikoki nabarmentzekoak diren alderdiak erakutsi nahi ditugu, eta ez prosaren jarioa ezkutatu. Sintaxiaren ikuspuntutik, printzipioz ez dago honainokoan berria den egiturarik. Alabaina, irakurlea konturatuko denez, Bernard Leheteri datibo sintagmaren ondotik ez dator gorainzi izena bera, ez bada Bernard Etxeparekoak ergatibo sintagma, eta bere ondotik, haren zerbitzari xipiak ergatiboz markatutako aposizioa. Hortaz, Leheteri

Lapurdum, 14 | 2010 70

Etxeparekoak gorainzi egitura erraztua dugu oinarrian, hasieran datibo eta absolutibodun egitura baino ez zenari, ergatibo sintagma gaineratzen diona. Utz dezagun momentuz gogo onez postposizio sintagma, egitura sintaktikoa areago zamatzen duena –nahiz eta bere agerpena alperrikakoa ez den, ziur aski–.

85 Ergatibo sintagmaren agerpena bere neurrian ulertu behar da : nahikoa erabilera mugatua dirudi hemen mintzagai dugunak –Etxepareren liburu osoan bat bakarra–. Hori ere ez da oso harrigarria, kontuan hartzen baldin badugu, eskaintzan baino ez dela ageri egitura hau, eta halako eskaintzarik ez dagoela ondoren liburu osoan zehar – goian dagoeneko esan dugun moduan, oso bestelako izenburuak eman zituen gero poesia sortan zehar, gure gaiari dagokionez, adierazgarriak ez direnak–. Dena den, agerraldi bat bakarra izateak ez du bere garrantzia lausotzen : ez dugu ahaztu behar euskal lehen liburu inprimatuko lehen esaldia dela bera, eta izan zirela ondoren ere esaldi hori bezalakoxeak beste egile batzuen idatzietan –ikus (4.2) atala–. Alabaina, hemen, gure ustez, ez dago IS nagusi bat eta sintagma hori modifikatzen duten askotariko sintagmak, ez bada, besterik gabe, sintagma beregainak eta IS bakarrean bildu ezin daitezkeenak. Halako agerraldiak, ziur aski, ez zaizkio (17) egiturari zor.

4.2. Joanes Etxeberri Ziburukoa eta ergatibo sintagmaren agerpena

86 Goian esan dugun bezala, lehena izan arren, ez da Etxepare halako erakusgarriak dituen idazle bakarra. Klasikoak arakatzen hasita, Etxeberri Ziburukoaren Manual devotionezcoaren hasieran ere aurkituko ditu irakurleak orain mintzagai dugun egituraren erakusgarriak. Egitura hau liburuaren aztertzailearen oharrean (a) ageri da lehenik –P. de Axular eta P. de Guillentena dira liburua aztertu eta argitaratzeko aholkua ematen dutenak– ; bigarrenik, P. Guillentenak berak, Itsasuko errektorea zenak idatzitako eskaintzan (b), eta hirugarrenik, idazlearen hasierako ohar batean. Hona hemen, hiru agerraldiak, hurrenez hurren :

(48) a. Examinatzailleec Iphizpicua[r]en ordain handiari, Manual hunez iduritu zaienaz.

b. Ioannes Etcheberri Doctor Theologo, eta Manual hunen eguilleari bere adisquideac.

c. Iracurtcaille devotari eguilleac liburu hunen maneraz abisua (4)

87 Elicara erabiltceco liburuan ere antzeko egiturak jaso daitezke :

(49) a. Harc berac hari berari berce laudoriozko coplac

b. Etcheberri dotor theologoari orenetaco Salmu baçuen paraphrasa eguiñ duenaren gainean, bere adisquideac laudoriozco coplac

88 Etxeberrik idatzitakoa da lehena (a) eta Tristan de Aphezterenak bigarrena (b). Egileen aipamena egiten dugu erakustearren ez dela Etxeberri bakarrik egitura darabilena, eta liburu hasierako testu horietan, idazle bat baino gehiago baliatzen dela estrategia berberaz.

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89 Hiru esaldi hauek direla eta, hauxe esan dezakegu lehenik eta behin : hirurak ageri direla izenburu gisa emanik, testutik banaturik, eta tipografikoki ere, modu berezian idatzirik. Horrek argiro erakusten du zein den egituraren eremua. Are, liburuaren hasierako testu laburren buruan jasotzen den egitura hau, ez da gero erabiltzen liburuan zehar ageri diren gainerako izenburuetan. Horrek pentsaraz liezaguke forma hauek klixe bati lotzen zaizkiola, eta ez direla, hortaz, emankorrak, baina goiko adibideen joskerari begiratzea baino ez dago ohartzeko klixe bat baino zerbait konplexuagoa dagoela bertan : a) hitz hurrenkera sarriago datibo-ergatiboa izan arren –(48b,c) eta (49b)–, badira, ergatibo-datibo hurrenkera erakusten dutenak –(48a) eta (49a)– ; batzuetan absolutibo sintagma dugu –abisua eta laudoriozco coplac – eta besteetan, ez da absolutibodunik ageri (48a,b), bere ordezkoa baita ondoren jasotzen den testu osoa ; c) oinarrizko hiru sintagmez gain, postposizio sintagmak ere ageri dira –Manual hunez iruditu zaienaz, adibidez– ; mendeko perpausak ere tarteka daitezke (46b). Gauzak zeharo sinpletzea litzateke, beraz, esaldi hauek itxuratzen dutena klixe hutsa dela pentsatzea.

90 Orain arte erabili dugun gaiari dagokionez, kasurik esanguratsuenak beharbada absolutibo sintagma erakusten dutenak dira. Har dezagun eredutzat ondoko hau Iracurtcaille devotari eguilleac liburu hunen maneraz abisua (48c). Irakurtcaile devotari abisua dugu oinarrian, gure lanari izena eman dion izenburua bezalakoxea dena –marinelei abisua–. Datibo sintagma hori eskumatara lerratutako izen ondokoa dela pentsa dezakegu orain artean bezala. Antzera esan genezake postposizio sintagmaz ere : liburu honen maneraz izenaren ondokoa dela esan genezake. Kontua hauxe da orduan : zer ote da eguilleac ? Abisua buru duen IS aski konplexu baten osagai bat besterik ez da ? Izen ondokoa hori ere ? Ez dirudi hala denik. Ergatibo sintagmak sintagma beregaina dirudi, ez abisua ISren mendeko modifikatzailea. Hortik aurrera, egitura osoa nolakoa den zalantzak ditugu. Jon Ortiz de Urbinak eta Patxi Goenagak dioskute elipsiaren argitara ulertu behar direla egitura hauek, baina elipsiaren hipotesia erabiltzen hasiz gero, ikusi beharko litzateke zer ote den ezabatzen dena eta non ezabatzen den egituran. Baliteke aditza eta aditz laguntzailea izatea ezabatzen direnak.22 Baldin eta hala balitz, izenburuen elipsi orokorraren argitara aztertu beharko litzateke, eta horrek lan honen mugak zeharo gainditzen ditu.

4.3 Excurso oso labur bat Leizarragaren izenburuetako elipsiaz

91 Ikusten denez, gure jomuga nagusia izen ondoko datibo eta postposizio sintagmak izan arren, horrek izenburu eta abarretan ageri diren bestelako egiturak aztertzera eraman gaitu, tartean ergatibo sintagmak biltzen dituztenak. Lana amaitzeko, azkenik, labur aipatu nahi genuke izenburuetan elipsiari esker sortutako beste estrategia bat, klasikoetan, Leizarragarengan aurki daitekeena, hain zuzen ere. Hona, bere pare bat adibide baino ez ditugu ekarriko, arreta eman digun egituraren erakusgarri gisa.

(50) a. Christ Bethlehemen iayo (Lç Mt 2 tit)

b. Ioannesec Phariseuac reprotchatzen (Lç Mt 3 tit)

92 Adibide hauetan, argi dago inflexioa dela Leizarragak isiltzen duena. Elipsiak, kasu honetan, ez du zalantzarik sortzen. Estrategia honen arrastorik bat ere ez dago gaur

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egungo prentsan, baina ez horren aspaldi, ez akaso Leizarragaren eraginpean, halakoxeak irakur zitezkeen gure astekarietan :

(51) a. Lehendakaritza sailak sozialisten agiriari erantzun atzokoan (Eguna, 1987-09-17)

b. Frantzian espetxeratutako ustezko etakideak bukaera eman gose grebari (Eguna, 1987-07-07)

c. EA eta EEk zail jarri PNVri PSOErekin akordioa lortzea (Hemen, 1987-02-13)

93 Josu Landak buruz buru berretsi digunez, laurogeiko hamarkadan moda bihurtu zen aditz laguntzailerik gabeko prentsa izenburuak idaztea. Joera hori asko zabaldu omen zen ez Deia egunkariaren Egunan bakarrik, baita Eginen eta Hemenen ere. Landak dio Joxean Agirre izan zela erabilera horren kazetari paradigmatikoa. Beste batzuek gogor jo omen zuten erabilera horren kontra, eta Egunkariaren (1992 : 47) estilo liburuan, halaxe agertzen da hitzez hitz : “Aditza jartzera joko da beti. Ahalik eta kasu gutxienetan egingo da elipsia. Kutsu militarra Uztailaren 14-ak baino egokiagoa da Kutsu militarra izan zuen Uztailaren 14ak […] Aditza jartzerakoan, osorik idatziko da, laguntzaile eta guzti. Sekula ere ez : Mitterrand-ek Madrileko akordioa onartu. Horren ordez, Mitterran- ek Madrileko akordioa onartu du. ”

94 Itxura denez, benetan eraginkorra izan zen estilo liburuak agindutakoa : azken adibideak bezalakoak guztiz desagertu ziren euskal prentsatik. Eta eurekin batera, garai berean, gorago ikusi berri dugun estrategiara –(4.1) eta (4.2) atalak– makurtzen direnak :

(52) a. Nikaraguak eta Hondurasek errua elkarri (Hemen, 1986-12-12)

b. Gipuzkoako Foru Aldundiak baietz autobideari (Hemen, 1986-01-19)

95 Estilo liburuko ohar berean gaitzesten direnak. Prentsatik aparte ere, askoz ere lehenagokoa da ondokoa, ETA erakundearen lehen agiriko izenburua :

(53) Euskal Herria’ri E.T.A.’k dei (1964-01-01)

96 Nekez aurkituko ditu irakurleak halakoak gaur egungo prentsan.23 Ez dakigu Leizarragak zer iritziko ote liokeen nagusitu den ildoari. Gure iritziz, prentsak nagusiki erabili dituen estrategia murriztaile samarrekin batera, klasikoa izan denari bidea eman beharko lioke berriro ere.

5. Ondorioak

97 Lan honetan, datiboaren izaera sintaktikoa zein den ebasteko erabili diren irizpideetako bat arakatu dugu : izen ondoko datibo sintagmen egitura. Gurea, egitura hori hobe deskribatzeko ahalegina izan da. Ahalegin horretan erakutsi dugunez, gaiak

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gramatikaren arreta jaso duen gutxietan, deskribapenak labur samar eta behar besteko xehetasunik gabeak izan dira. Datuak klasikoetatik atera nahi izan ditugu, nahiz eta datu historiko horiek gaur egungoekin ere lotzen eta konparatzen saiatu garen. Bestalde, analisiek erakutsi digute gutxienez badela gai berera hurbiltzeko bi modu edo hipotesi : datibo eta postposizio sintagmak izen ondoko modifikatzailetzat hartzen dituena eta bestetik, bereziki eskumatara lerratzen direnen kasuan, ASren periferiako osagaitzat hartzen dituena. Azkenik, datiboa, beste behin ere, egiturazko kasua dela esateko ebidentzia ikusi dugu –(r)en kasu markarekin erakusten duen harremanean.

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NOTES

1. Ez dugu eztabaida xehetasunez jaso nahi hemen, baina kontuan izan, ez dela bi muturretara polarizatzen den eztabaida. Izan ere, oinarrian postposizio sintagmatzat hartzen duten hizkuntzalariek beraiek, Albizuk (2001, 2009) esate baterako, eratorritako IStzat hartzen dute datibo sintagma. Hortaz, aurkako bi bideek badute non aurkitu. 2. Izen ondoko deitura darabilgu ingelesezko adnominal euskaratzeko. Izen ondoko datibo sintagma hauen aipamena egin denean, datibo izenlagunak deitura ere eman zaie (Albizu 2001), euskal gramatikan erabili izan diren izenlagun eta adizlagun esapideen ildotik. Guk izen ondoko hobetsi dugu hemen neutroagoa eta orokorragoa delakoan. Zabalak (1999) berrikusketa kritiko interesgarria egin du, euskalaritzan erabili diren izenondo, izenlagun eta adjektibo hitzen inguruan. 3. DATS laburdura darabilgu analisietan datibo sintagmez ari garenean, eta IS, besterik gabe, ergatibo eta absolutibo sintagmen aipamena egiterakoan. Ez du horrek esan nahi datibo sintagma IStzat hartzen ez dugunik. Besterik gabe, IS hori datibo kasuduna dela azpimarratzearren egiten dugu. 4. Ikus (1.3) atala euskara teknikorako. 5. Josu Landak ohartarazi gaituenez, jatorrizko adibideak kantua dakar, eta ez Euskaltzaindiak (1985: 346), ezta bere ondotik Albizuk (2001: 65), okerretara jaso duten kontua. 6. Eskerrik asko Patxi Goenagari ohar honengatik, geroagoko lanetarako gogoan izango duguna. 7. De Rijkek, berez, ondoren (1.2) ikusiko ditugun postposizio sintagmak ditu hizpide, izenburuak salbuespen direla dioenean. 8. Euskaltzaindiak (1985: 346) berez dioena da perpaus hauek zuzenegiak ez diruditela, baina izenburuetan onargarriagoak direla. 9. Postposizio sintagma biltzen duen egitura erraztua baino ez dugu jasotzen, genitibo kasuko sintagma isilduz. 10. Albizuk adnominales dativos a la derecha izenburupean aztertzen du egitura hau. 11. Nolanahi ere, Makazagaren testua interpretatu beharra dago. Hitzez hitz dioena hauxe da: “jakina baita ez direla onargarriak adizlagunak izen sintagmaren barnean.” (Makazaga, 1999: 46). Izatekotan, adizlagunak-en ordez izenlagunak beharko luke hemen, gure iritziz. Zerurabide bezalakoak badira (12) sortako adibideak, orduan ezin daiteke esan zerura adizlaguna denik, bide izena modifikatzen dute-eta. Egilea, beraz, izen ondoko sintagmez ari da, gure iritziz. 12. Salizitatoei alergiari aurre egin behar da esaldia dakar berez Makazagak datibo komunztadurarik gabe. Salizitatoei sintagmak, jakina, ez du komunztadurarik eragiten. Alergiak, berriz, bai, euskara batuan, behintzat. 13. Berriro ere bere hitzak interpretatzen ari gara: “hauetako batzuk ordea onak dira hitz- hurrenkera aldatu eta adizlaguna izena laguntzeko saiorik egin gabe aditza laguntzeko moduko gune batean kokatzen dugunean.” (Makazaga, 1999: 46, 16 oin-oharra). 14. Ikusi beharko da gero ea IS beregain horiek aditz sintagma (AS) berean edo beste osagai konplexu batean biltzen diren. Honek ez du orain guretzat garrantzirik. 15. Bi hitz-hurrenkera aipatzen ditugun arren, eskumatara lerratutako goi-datiborik ez genuke inoiz espero izango, ezta egitura hau goi-datiboekin zilegi balitz ere. Albizuk (2009), aldiz, eskumatara baino ez ditu lerratzen bere adibideetan.

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16. Argumentu, bakarreko, biko eta abar diogunean, testuan erakusten den benetako konfigurazioaz ari gara. 17. Postposizioen artean, inesiboak dirudi eskumatara halabeharrez lerratzen direnetakoa. Lardizabalen lanean ez dugu aurkitu Nazaret-en Maria-ren vicitza bezalakorik, eta kasu honetan, besteetan ez bezala, gure intuizioa da datibo sintagma ezkerretara lerratzen bada, orduan –ko erlazio atzizkia behar duela (Mariaren Nazareteko bizitza). Oso litekeena da halakoak izatez izen ondoko modifikatzaileak ez izatea eta lehenago eman dugun egitura alternatiboaren (18) argitara ulertu ahal izatea, Makazagaren ildotik. 18. Litekeena da hemen ez-gramatikaltzat jotzen ditugun (b,d) adibideak ere gramatikalak izatea, ergatibo sintagma beregaina dela pentsatuko bagenu, hau da, ihes eta deia izenen modifikatzailea ez dena. Horregatik jarri diegu izartxoa parentesi artean. 19. Batzuetan puntu batek bereizten du izen ondoko sintagma izenetik, eta horrek zalantza zor dezake ea benetan IS-ren barruan ote dagoen, baina beste batzuetan ez dago ez punturik ez komarik modifikatzailearen eta buruaren artean bata bestetik bereizten. 20. Testuan zehar ageri diren izenburuak eta aurkibidean ematen dituenak sarritan ez datoz bat. Adibidez, Laudorioac Aitaren presunari izenburua ageri da testuan (EZ Man I 11), eta bere ordez aurkibidean, Laudorioac Aitaren presunari bere obrez eta manuez (EZ Man II 207). 21. Aurkibidean emandakoaren arabera zuzendu dugu izenburu hau. Testuak berez hauxe dakar: Laneco othoiçac nekhaçailleneentçat (EZ Eliç 22) 22. Linguae Vasconum Primitiae-ren 1995-eko argitalpenean, ingelesez, frantsesez eta italieraz, bederen, emandako itzulpenetan aditza ageri zaigu esplizituki euskarazko jatorrizko esaldi ustez elipsiduna itzultzeko. Ez, aldiz, gaztelaniaz eta alemanieraz. 23. Horrek ez du esan nahi egitura hau gaur egungo testuetan inon aurkitu ezin daitekeenik. Elizen arteko biblia (Askoren artean 1994), besteak beste, ikusi besterik ez dago horretaz ohartzeko: Jaunak Abrahani dei (Has 12 tit), Jaunak agintzaria Abrahani (Has 15 tit), Lotek bi aingeruei abegi ona (Has 19 tit) bezalakoak nonahi aurki daitezke. Gure mintzagai nagusia izan den egituraren erakusgarriak ere sarri aurkituko ditu bertan jakin-mina duen irakurleak: Filistearrei oharpena (Is 14, 28 tit), Jainkoari bedeinkazio-eskaria (Sal 67 tit), Herriari deia (Sal 81 tit).

INDEX

Thèmes : linguistique Mots-clés : accord, basque (langue), cas grammatical, datif, grammaire basque, syntaxe

AUTEURS

BEATRIZ FERNÁNDEZ [email protected] UPV/EHU

IBON SARASOLA [email protected] UPV/EHU

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Genero indarkeria euskal literaturan

Gema Lasarte Leonet

1. Sarrera

1 Artikulu honek egun indar betean dagoen kezka eta diskurtsoa dakar orrialde hauetara. Kapituluak bi alde nabarmen ezberdin izango ditu. Hasteko, genero indarkeriaren inguruan eraikitako marko kontzeptuala landuko da. Etxeko indarkeria, genero indarkeria, familiako indarkeria, emakumearen kontrako indarkeria. Kontzeptu horietan generoaren erabilpena edo parte hartzea ikusiko da.

2 Bigarren partean, alderdi literarioa landuko da, eta horrek bi atal izango ditu. Batetik, biolentzia nolabait modu mikroskopikoan ikusi ahal izateko, edota eszenifikatu ahal izateko, narratologiaz baliatuko gara. Pertsonaia protagonista femeninoak aztertuko dira. Horretarako, ahotsen kudeaketa ikusiko da, eta koadro aktantzialean indarkeria nola kudeatzen den irudikatuko da. Indarkeriaren kudeaketa pertsonaiengan, ez ezik, espazioetan ere nola kokatzen den ikusiko da. Bestetik, indarkeriaren alderdi semantikoa neurtu nahi izan da eta horretarako indarkeria sinbolikoaren sorrera neurtu da, hizkuntza sexista aztertuz.

3 Artikulu hau idazteko orduan, emakume idazleen eleberrigintza izan dugu kontuan, eta hiru eleberri aukeratu dira azterketarako : Uxue Alberdiren Aulki-jokoa (2009) ; Aitziber Etxeberriaren Tango urdina (2003) eta 31 baioneta (2007), eta Laura Mintegiren Bai baina ez (1985).

2. Landuko diren nobelak

4 Esan behar da euskal literaturan ez dela hau gai bat oso hedatua emakumezkoek idatzitako kontagintza garaikidean ; izan ere, oso eleberri gutxitan ikusi dugu protagonismoa hartzen. Uxue Alberdik, Aulki-jokoa eleberrian (2009), gerra garaiko emakumeen kontrako indarkeria azaldu digu. Aitziber Etxeberriak, Tango urdina

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eleberrian (2003), tratu txarrak ditu gai nagusitzat. Genero indarkeria hau etxeko indarkeria dugu : senarrak sistematikoki tratu txarrak ematen dizkio emazteari. Eta azkenik, Laura Mintegik beste indarkeria mota erakutsi digu Bai baina ez (1985) eleberrian, aita batek bere alabari sistematikoki eragiten dion sexu-abusua. Horiek hirurak aztertuko ditugu lan honetan. Horietaz gain, tratu txarrak aipatzen dira Dorleta Urretabizkaiaren Jaione eleberrian. Eleberri horretan mutil ohiak, elkarren arteko harremana hautsi ondoren, jazarpena egiten dio protagonistari, telefonoz nahiz kalean. Bestalde, Jaione-n aita-amen arteko elkarrizketa oso bortitzak ikusten dira. Arazoa da aita lanik gabe dagoela eta emaztea dela familiako ekonomia sostengatzen ari dena. Beraz, Jaione eleberrian bi harremanetan ageri da genero indarkeria. Aitziber Etxeberriak, bestalde, gerra garaian emakumeek nozitzen duten indarkeria agertzen du 31 baioneta (2007) testuan. Eleberri horretan, 1813ko uda agertzen zaigu, Donostia Napoleonen tropen mende dagoela. Gerra egoera horretan, baserritik hirira etortzera behartutako ama-alaba batzuen historia kontatzen zaigu. Donostiak tropa anglo- portugaldarrek eragindako setio eta suteak biziko ditu. Guda giro horretan, soldadu anglo-portugaldarrek behin eta berriz bortxatuko dute alaba gaztea, Espainiako Independentzia Gerra azkenetan dagoenean. Guda azkenetan badago ere, alabarentzat bizitza guztirako sufrimendua eta estigmatizazioaren hastapena izango da ; izan ere, emakumearen gorputza Adrianne Richen (1978) hitzetan, patriarkatua gauzatzen den lurraldea da.

3. Marko kontzeptuala

5 Kultura analisietan, kontzepturik erabilienak “etxeko indarkeria” eta “genero indarkeria” dira. Osbornek (2009 : 28) dio “etxeko indarkeria” kontzeptuak informazioa ezkutatu eta lausotu egiten duela ; horrela, indarkeriaren objektua eta subjektua zein diren ez duela zehazten, eta, are gehiago, indarkeria horren azken helburua zein den ez duela esplizitatzen. Bestalde, etxe barruan gertatzen den indarkeria guztia aurreikusten duela eta etxetik kanpora bikote artean izan daitekeen genero indarkeriari ezikusia egiten diola. Gauzak horrela, gure lanari begira, kontzeptu hori erabiltzeak zailtasunak dakarzkigu narratologiari jarraikiz egin beharreko koadro aktantziala egiteko.

6 Etxeko indarkeriarekin alderatuta, “genero indarkeria” kontzeptuak xehetasun gehiago aurkezten ditu. Generoaren kontzeptuak gizon-emakumeen arteko harremanak ditu gunetzat, eta ez familia. Etxea edo lekua zeinahi dela ere, emakumeen kontrako edozein indarkeria aurreikusten du genero indarkeriak. Baina kontzeptu horrek ere badu akatsik eta legeak hala jaso du. Genero indarkeria bikotekideen artean gertatzen denean, penalki gehiago zigortzen da ; bikotez kanpo, kalean nahiz lanean, gerta daitezkeen indarkeriak, ez dira modu berean tipifikatzen (Osborne, 2009 ; Larrauri, 2007). Elena Larraurik (2007 : 44) genero indarkeriaren hiru aldagai azpimarratzen ditu : bikotearen kontrola lortzeko buruturiko barru-barruko terrorismoa ; barru-barruko terrorismoaren kontra emandako erantzuna ; eta azkenik, kontrolarekin eta boterearekin lotua ez den indarkeria, gatazka baten edota gatazka batzuen ondoren gerta daitekeena.

7 Beste kontzeptu bat erabiltzen dena “familia indarkeria” da (Larrauri, 2007). Baina horrek ez du zer ikusirik gizon-emakumeen arteko harreman afektuzko nahiz erotikoekin. Etxeko indarkeriaren antzera, kontzeptu zabalegia da koadro aktantziala

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zedarritzeko. Terrorismo tipo batzuetan biktimek izandako harrerak (Osborne, 2009 : 28) terrorismo familiar edo terrorismo sexual kontzeptuen erabilpena ekarri du. Baina kontzeptu horrek ere kanpoan uzten ditu indarkeriaren hainbat alde, laneko sexu- jazarpena edota jazarpena soilik. “Feminizidio” terminoa ere erabili izan da, emakumeen kontrako indarkeria sexualari egokituz kriminologian erabiltzen den erailketa sistematikoen kontzeptua. Mexikon, Ciudad Juárezen gertatzen direnak kasu. Sarritan erabiltzen dena beste kontzeptu bat emakumeen kontrako indarkeria da. Kontzeptu horrek interesgarria du objektua zehaztua duela, ez ordea subjektua edo indarkeriaren xedea (sexista, lapurreta edo bestelakoa). Kontzeptu hauek guztiak eremu batean baino gehiagotan erabil ditzakegu. Orokorrena indarkeria sexuala dugu. Indarkeria sexuala dagoela esaten da ekintzak eduki sexuala duenean, eta modu ez adostuan, nahi gabe (Bourke, 2009 ; Larrauri, 2007), indarkeria fisikoaz edo indarkeria fisikorik gabe gertatzen denean. Emakumeak menderatzeko erabiltzen den indarkeria horren baitan leudeke indarkeria mota guztiak, hala nola indarkeria sinbolikoa, publizitate-jazarpena ; bortxaketak ; tratu txarrak ; sexu-jazarpena eta gerrak, genero indarkeria… (Osborne, 2009 ; Bosch eta Ferrer, 2002).

8 Kontzeptuekin jarraituz, Esperanza Bosch eta Victoria Ferrerek (2002 : 34-36) terrorismo patriarkala eta domestikoa edo indarkeria patriarkala aipatzen dituzte, baina dena terrorismo misogino kontzeptuaren barruan sartzen dute ; izan ere, emakumeen kontrako mespretxuan oinarritzen dute indarkeria guztia. Kontzeptu hauetan guztietan aipatu ez duguna maiztasuna da. Izan ere, indarkeria bi motatakoa izan daiteke : puntualki modu esporadikoan erabili daitekeena edota ohiturazko indarkeria (Larrauri, 2007, Bosch eta Ferrrer, 2002), hau da, sistematikoki erabiltzen dena, nagusitzeko edota kontrolatzeko. Luis Boninok (1995 : 201-203) tratu txar psikologikoei mikromatxismo izena jarri die eta hiru klasetakoak aipatu ditu : koertzitiboak, ezkutukoak eta krisialdikoak. Boninoren kontzeptu horren eta Pierre Bourdieu-ren (2000) indarkeria sinbolikoaren artean badira analogiak.

9 Philip Hallie-k, The Paradox of cruelty (1969) liburuan, benetako krudeltasunaren dekalogoa idatzi zuen. Indarkeria mota ezberdinak neurtzeko modu bat bada ere, guk genero indarkeria neurtzeko beste lanabes bat bezala aurkezten dugu.

10 Benetako krudeltasunaren dekalogoa, Philip Hallie, The Paradox of cruelty (1969), (Zulema Moretek jasoa, 2000 : 213)

I Krudeltasuna bizitza mota bat mutilatzeko modu bat da. (26 or.)

II Botere, inpotentzia, agresibitate eta pasitibitate harreman bat dago.

III Boteretsuaren eta inpotentearen arteko hartu-emanean, diferentzia ez dago soilik bere nortasunean, aurkitzen den egoeran baizik. (34 or.)

IV Mendekotasun egoera bat izaten da. Kaltegilea kaltetuaren mugimendu askatasuna murrizten ahaleginduko da.

V Kaltegileak kaltetua bahitu eta isolatu behar du, biktimizazioa eragiteko denbora behar duelako. (22 or.)

VI Kaltegilearentzat, kaltetuaren mina ez ezik, biktimarekiko sortzen den mendekotasuna eta autoritatea ezinbestekoak dira. (26 or.)

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VII Izuarekin bukatzen den prozesua normalean jarrera onberekin hasten da. (24 or.)

VIII Kaltetuaren aurpegia gune nagusia da. (31 or.)

IX Krudeltasunak hiru partaide ditu : boteretsu bat, ahul bat eta ezezagun bat. (26 or.)

X Krudeltasunaren antitesia borondatea da.

11 Bukatzeko, esan daiteke, beraz, genero indarkeriaren kontzeptua oso zabala dela, haren barruan indarkeria anitz kontzeptualizatzen delako, baina denak badutela zerbait komun : indarkeria emakumeei eragiten zaiela, emakume izate hutsagatik, eta erotikoa dela. Hainbat kontzeptu azaldu dira honen inguruan, eta beste hainbat sailkapen. Horien artean, batzuk aipatzearren, eremu publiko eta intimoen artean egindako bereizketa ; beste sailkapen bat, maiztasunari begira egina ; beste bat, tratu txar fisikoak edo emozionalak diren erreparatuz, azken horren baitan harturik indarkeria sinbolikoa. Azken horren definizioa eman nahi izan dugu, azterketan zehar sarri azaltzen den kontzeptua delako. Bosh eta Ferrerek diote indarkeria mota honek giza desberdintasunak naturaltzat, zilegitzat hartzen dituela (dela arraza, generoa, klasea) eta horregatik oso zaila dela indarkeria honi aurre egitea (2002 : 30).

12 Indarkeria sinbolikoak beste pertsonaren eraikuntza gutxietsia lekarke (Juliano, 2004 : 68). Indarkeria sinbolikoaz haratago doa Juliano, eta ikusezin den indarkeriaz teorizatzen du (Juliano, 2004 : 71-74). Bourdieuk, honen harira, gizonaren menekotasuna modu sumisoan onartzean ikusten du indarkeria sinbolikoaren sorburua (2000 : 52-54).

4. Narratologiatik pertsonaiak aztertzen

4.1. Iruzkinak

13 Uxue Alberdik Aulki-jokoa (2009)1, Aitziber Etxeberriak Tango urdina (2003)2 eta Laura Mintegik Bai, baina ez (1985)3 eleberrietan genero indarkeriaren inguruan diskurtsoak ahalbidetzeko ahotsak nola kudeatu diren ikusiko dugu.

14 Lehenik eta behin, esan behar da hiru eleberrietan narrazio denbora berdin kudeatuta dagoela, denbora tartekatua erabili ohi da eta. Batetik, gertatuko gauzak kontatzen zaizkigu, iraganeko denboraren hautua eginez. Indarkeria sinbolikoa agerian ikusten den denbora, (Bb) eta (TU) eleberrietan, iraganeko denbora da, eta (AJ) eleberrian, aldiz, iraganeko denboran indarkeria sinbolikoa ez ezik, indarkeria gauzatua ere ikuskatzen da. (Bb) eta (AJ) eleberrietan oraina gogoeta denbora da, indarkeriak sorturiko saminen kontaketa denbora. (TU) eleberrian, ordea, oraina indarkeria gauzatzen ari den tenorea da, indarkeria sinbolikoak iraganean elikatutako gorrotoa kudeatzeko denbora. Beste modu batera esateko, hiru eleberrietan denbora ezberdinak eman zaizkio indarkeria sortzeari, gauzatzeari eta ikusteari edo kontatzeari. Balirudike, hartara, hitzezko ekintza eta indarkeria kudeatu duten aktoreen artean denbora bat jarri nahi izan dela, batez ere, indarkeriaren sorrerari eta gauzatzeari modu zehatzean begiratu ahal izateko. Horrela, (AJ)n gerra da indarkeria sinboliko nahiz fisikoaren sortzailea, (TU) eleberrian protagonista maskulino eta erasotzailearen haurtzaroan,

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gizontzea tokatzen zaion tenorean, jasandako zauria eta trauma dira indarkeriaren sorburua.

15 Azkenean, bere gaitz guztietatik sendatuko zuen edabe magikoa topatu zuen. Semea. Seme hark bere aitak kendu ziona itzuliko zion eta aldi berean, Manolok bere aitak inoiz eman ez zion maitasun hura emango zion. (TU, 21)

16 (Bb) nobelan, protagonista maskulinoaren abandonuan, tristuran, alkoholaren eraginean sortuko da intzesturako joera. Idazleek indarkeria sinbolikoa iraganean paratu dute, denbora bat eman diote ernetzeko, eta orainean gauzatu eta kontatu dute. Narratzaileak, beraz, aldi bereko kontaketaz eta lehenagoko kontaketaz baliatu dira denbora ezberdinen garrantzia azaltzeko.

17 Narrazio mailan, narratzailea kontatzen zaigun istorioaren barruko pertsonaia dugu (AJ) eta (TU) eleberrietan, ez ordea (Bb) eleberrian, narrazioa maila estradiegetikoan ematen baita. Narratzaileak duen funtzioa edo parte hartzea ikuskatzeko orduan, azken eleberri horretan, narratzaileak ez du inongo erlaziorik istorioarekin, narratzaile heterodiegetikoa dugu. Ez da gauza bera gertatzen beste bi eleberrietan, narrazioa protagonisten ahotsetik baitator : (TU) nobelaren kasuan narratzaile homodiegetikoa dugu eta (AJ) eleberrian autodiegetikoak ditugu, protagonistek hartzen baitute ahotsa. Hala ere, esan behar da ahots polifonia handia dagoela eleberrietan ; izan ere, bistan da ahots ezberdinen bidez irudikatu nahi izan dutela idazleek genero indarkeria. Narratzaileek, pertsonaiek eta pertsonaien artean protagonista ez diren hirugarren eta laugarren mailako pertsonaiek ere hitza hartu dute genero indarkeriaren inguruan gogoeta egiteko. Garrantzizkoa da kontu batez ohartzea : eleberri hauetan biktimari ematen zaio ahotsa, eta narratzaile-protagonista izateak garrantzia du.

18 Denbora tartekatua genero indarkeriaren errealitatea islatzeko zoom bezala erabili bada, indarkeriaren denbora ezberdinak zehazteko alegia, ahots polifoniak juxtu kontrako efektua egitera dator, ahalik eta eremurik zabalena erakustea baitu asmo. Baina kontaketan distantziak jarri dituzte. Alberdik narrazioa modu autodiegetikoan kudeatu du, bertatik bertara. Etxeberriak pertsonaiak lotu ditu genero indarkerian, baina protagonista nagusiari, erasoak jasaten dituenari, hain zuzen ere, ahotsa kendu dio. Azkenik, Mintegik genero indarkeria narratzeko orduan hirugarren pertsona gramatikala hautatu du eta genero indarkeria historiaz kanpoko narratzaile batekin eta istorioarekin ezer ikusi nahi ez duen narratzaile batekin burutu du. Idazleek gairekiko hartzen duten distantzia, narrazio mailan eta pertsonaren erabilpenean, agerian geratzen da. Alberdik indarkeria jasandako protagonistari hitza eta protagonismo osoa ematen dio ; Etxeberriak, aldiz, eta hor dago eleberriaren indar zentrifugoa, protagonista nagusiari hitza kendu eta gainerako guztiei ematen die. Balirudike errealitatean gertatzen denaren analogia egin duela Etxeberriak, indarkeria jasaten dutenak isildu egiten baitira kasurik gehienetan (Bourke, 2009 : 24), eta, aldiz, indarkeria hori ikusten dutenek hitz egiten baitute gehien.

19 Fokalizazioari dagokionez, (Bb) eleberrian ez dago, eta (TU) eta (AJ) eleberrietan, aldiz, barne fokalizazio aldagarria aurkitzen dugu.

4.2. Koadro aktantziala

20 Narrazioaren ekintzan izaki batek betetzen duen funtzioaren arabera definitzen da aktantearen izaera. A.J. Greimas (1983) izan zen, L. Tesnièreren (1965) gramatika estrukturalaren terminoez baliatuz, actant hitza literatur azterketara egokitu zuena.

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21 Aktanteen eskemak sei eragile proposatzen ditu. Ekintzaren subjektu-objektuak. Subjektuak ekintzari printzipio dinamikoa eskaintzen dio : desirari, nahiari, beldurrari, eta abarri erantzunez. Sentituriko beharra, beldurra edo nahia da objektua, subjektuak lortu nahi duena. Hartara, desira edo nahia da bi aktante horiek uztartzen dituena (ikus Retolaza, 2008 : 25).

22 Ekintzaren bidaltzaile-jasotzaileak. Bidaltzaileak subjektuari eragiten dio, zeregin bat jartzen dio edo eginarazten dio (gizartea, patua…). “Bidaltzaileak subjektuari izate kognitiboa duen objektu bat komunikatzen dio” (Reis & Lopes, 2002 :60). Hartzailea ekintzaren onuraduna izan daiteke ; askotan, protagonista bera izan daiteke. Ekintzaren laguntzaile-aurkariak subjektuari bere zereginean lagunduko dio edota estropezuak jarriko dizkio. Eskema honako hau genuke :

Eragilea Objektua Hartzailea

Laguntzailea Subjektua Aurkaria

23 Genero indarkeria honela kudeatuko litzateke, oro har, eta horrela kudeatzen da aztergai ditugun hiru nobeletan : (TU), (Bb) eta (AJ) :

Patriarkatua Boterea Emakumeak

Gizartea Gizonezkoak Emakumeak (feministak)

24 Genero indarkeria horrela kudeatzen da patriarkatuak oraindik modu hegemonikoan bizirik dirauen gizarteetan : gizonezkoek euren hegemoniari eusteko desira erakusten dute. Beraz, eragilea patriarkatua genuke. Eragileak subjektuari behar hori jakinarazten dio (indarkeria sinbolikoaren bidez) eta subjektuak badaki, bere giza hegemoniak bizirik jarrai dezan, emakumeen boterea neutralizatu egin behar duela. Beraz, subjektuak objektutzat boterea du eta hori lortzeko emakumeen kontrako erasoak aktibatuko ditu (indarkeria tipo guztiak). Indarkeria sinboliko nahiz fisiko guztia pairatuko dutenak emakumeak dira. Eta patriarkatuak gizonezkoei ezarritako zeregin honetan laguntzaile, berriz, gizonezkoen hegemonia legitimatzen laguntzen duen oro da, emakume nahiz gizon. Eta aurkariak berriz, bidegabekeria ikusi eta emakumearen berdintasuna aldarrikatzen duten gizon nahiz emakumeak.

25 Hiru eleberrietan koadro aktantzial hori ageri da, baina baditu bere berezitasunak. Esaterako, (AJ) nobelan, gerretan emakumeek jasaten duten indarkeriaren paradigma aurkitzen da. Armadek eragiten dute patriarkatuaren defentsa (Rich, 1983 ; Cockburn, 2007).

26 (Bb) eta (TU) nobeletan indarkeriak bi bide hartzen ditu. Batak tratu txarren berri ematen digu, eta besteak, berriz, pederastia edota aita batek alabarengan eragiten dituen abusuen berri ematen digu. Baina bietan koadro aktantzialak berdin funtzionatzen du ; pertsonaien izenak aldatu beharko genituzke.

Patriarkatua Desira (Bb), boterea (TU) Rosa, Marga

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Auzoa, auzokideak Manolo, Paco Ez da ikusten

4.3. Espazio kudeaketa

27 Espazioaren inguruan, gogoratuko dugu narrazioaren kategoriarik inportantenetakoa dugula hori, espazioak eratzen duelako lehenik ekintzaren garapenaren eszenatokia (Reis & Lopes, 2002 ; Garrido Dominguez, 1993). Garapen horretan espazioak bi eremu gara ditzake : psikologikoa eta soziala.

28 Genero indarkeriaren kontzeptua lantzeko orduan, luze eta zabal mintzo gara indarkerien inguruko subjektu, objektu nahiz espazioaz (ikus artikulu honen sarrera). Izan ere, genero indarkeria aztertzeko, hiru alderdi horiek izan dira kontuan. Eta genero indarkeria, besteren artean nagusiki, hiru gunetan kokatzen dela esan daiteke : gerretan, etxean eta kalean (prostituten kasuan). Ikertu berri ditugun eleberrietan bi espazio nabarmendu dira : (AJ) eleberrian, plaza, eta beste bi eleberrietan, etxea.

29 Espazioak lantzeko orduan geure egin ditugu R : Wellek-en eta A. Warren-en (1948 : 265) hitzak ; espazioak, alegia, gehienetan pertsonaiaren metonimia edo metafora bezala funtzionatzen duela, eta kasu hauetan esan daiteke, genero indarkeriaren helburu behinena emakumearen suntsipena izanik, espazioak ere hartaratu egiten direla. Hartara, emakumeen ohorea ezabatzea helburutzat du genero indarkeriak gerra kasuetan (Cockburn, 2007 ; Rich, 1983 ; Castells, 2007 ; Bourke, 2009), eta hori da (AJ) nobelaren kasua. Lekurik publikoenaren hautua egiten da kontakizun horretan. Erreketeek Teresari plazan denen aurrean ilea mozten diote, lehenagotik gizonezkoak fusilatu dituzten leku berean. “Oineko atzamar luzea jokatuko nuke herrenak ez zuela damu-izpirik sentitu Berdura Plazakoa gertatu zenean”. (AJ, 12). Beraz, armadak leku publikoak aukeratuko ditu ; aldiz, tratu txarrak eta abusuak etxean gertatzen dira, modu isilean. Horrela da (Bb) eta (TU) nobelan. Fokalizazioak lekua espazio bihurtzen du (Dominguez Garrido, 1993 ; Bal, 1985), eta, beraz, balio semantiko berezia eransten dio. Indarkeria armadatik datorrenean, kasu honetan bederen, mundu guztiak ikustea du helburutzat, ez aldiz, tratu txarrak edo abusuak gertatzen direnean, fokua erabat itxi egiten baita, indarkeria ikusezin edo isiltasun bihurtu nahian. Horretarako, espazioa hertsi egiten da, eta etxea bihurtzen da indarkeria mota horretarako gune apropos.

30 Etxea berez izakia bera da (Azpeitia, 2001 : 127). Bachelardek (1957) dio bizitza gozo hasten dela etxearen altzoan, etxea gure lehen unibertsoa dela. Etxeari esker gure oroitzapen askok aterpea dutela. Bachelardek etxearen zatiak deskribatzen ditu, teilaturantz, pentsamendu guztiek argia dutela esanez, eta sotoa, ordea, etxearen lekurik ilunena dela, lurpeko botereen gunea dela. Eta (TU) nobelan sotoa tratu txarren sorburu legez azaltzen da. Manolok hantxe ospatu baitzituen bere lehen txerri bodak. Umea zela artean, odola jaso behar zuen Manolok, baina zorabiatu eta goraka hasi zen ; horrek aitaren haserrealdia piztu zuen, eta gainerako guztien aurrean haren irainak jaso behar izan zituen. Hortxe abiatzen da Manoloren ezina eta gorrotoa, gerora bere emaztearekin kitatuko duena.

31 Sotoan hasten da nobela honen espazio kudeaketa, eta 9 solairu dituen eraikuntza batean kokatzen da genero indarkeriaren gauzatzea. Manolo eta Marga bizi diren solairuan kokatzen da eleberriaren egite garrantzitsuena eta espazioa. Espazio horren

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jira bueltan entzuten diren ahots eta garrasiak dira eleberriaren ardatz nagusia. Eskailerak, patioa, igogailua.

32 —¡A mí no me hables así ! —jarraian izugarrizko iskanbila entzun dugu, korrika saio txikiak, arrastaka dabiltzan aulkien hotsak, lapiko edo metalezko mahai tresna baten erorketa eta batez ere oihuak. (TU, 139).

33 Bachelarden etxearekiko konnotazio gozoak oso modu diferentean ikuskatu ditu, ordea, perspektiba feministak, etxea nahiz familia kartzelaldi gisa ikusi baitira feminismo klasikotik. Etxea, ikuspegi soziologikotik, batasun familiarra eta espazio ekonomiko ekoizle ez ezik, gizon eta emakumeen artean eraikitzen diren botere harremanen isla ere bada (Alvarez Veinguer, 2007 : 246). “La pertenencia al espacio doméstico se presenta como indisociable en la construcción de género femenino, normativamente encardinado en la vida de las mujeres” (Murillo, 1996 : 15). Kontrol gune, koakzio nahiz frustrazioen lekutzat ere hartzen da ; hitz batean, bizitza iraunarazteko eta gauzatzeko espazioa da etxea (Alvarez Veinguer, 2007 : 247). Ikuspegi hori kontuan, (TU) eta (Bb) eleberrietan, ikusi dugun paradigma aktantzialeko aktante bakoitzak genero indarkeriarekiko duen funtzioari aterpea jarri dion gunea da etxea.

34 Rosa eta Margaren kasuan, genero indarkeria gauzatzen den pertsonaien metonimia baldin bada etxea, eta Teresarenean plaza, bada beste espazio bat indarkeria elikatzera datorrena, baina erabat heterotopikoa dena eta (Bb)n azaltzen dena : Margoten etxea edo putetxea da. Espazio hori, edo kontraespazio hori, Franz gizonezko protagonistari lotua azaltzen da, haren desira beharrak hantxe betetzen baitira, beste lekurik ezean. Aurrera daiteke espazio mota hau emakume idazleek apenas landu dutela euskal literaturan. Mintegik beste hiru espazio aipatzen ditu erabat lotuak indarkeria sinbolikoarekin : eskola, kalea eta igeltseroak lanean diharduten obra. Edonola ere, espazio horiek batik bat hizkuntza sexista aztertzeko orduan ikusi dira, hain zuzen ere, beronen sorlekua direlako nobela honetan.

5. Indarkeria sinbolikoaren neurketa semantikoa

5.1. Hizkuntza sexista

35 Hizkuntza sexistaren erraietara joateko, nahitaezkoa da indarkeria sinbolikoaren hainbat alderdi ikustea. Indarkeria sinbolikoa hizkuntzaren funtsean dagoela kontuan izanik, xehetasun gehiago emango ditugu jarraian. Carolyn Heilbrunek Escribir la vida de una mujer idatzi zuenean horrela zehaztu zuen (1988 : 21) :

36 Boterearen benetako aurkezpena ez da gizon bat bera baino txikiago den gizon bat edota emakume bat jotzen ikutaraztea. Boterea da diskurtsoetan leku bat edukitzeko gaitasuna izatea. Eta hau egia da Pentagonoan, senar-emazte artean, adiskidetasunean eta politikan.

37 Dolores Julianok esan ohi du gizonezkoen emakumeekiko boterea eremu sinbolikoan ematen dela, hizkuntza despektiboan, gutxiespenean eta estigmatizazioan (Juliano, 2004 : 140). Adrianne Rich haratago joan zen eta isiltasunaz mintzatu zen (Rich, 1983 : 18).

38 Robin Lakoff-ek (1981 : 85) hizkuntza sexista ikergai zuela, kortesia, emakumeen gaineko hizkuntza, eta emakumeen hizkuntzaren arteko harremanez jardun zuen. Eta berak zioen hizkuntza irakasteko garaian, fonologiaz, sintaxiaz eta semantikaz gain,

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hizkuntzaren alderdi soziala irakatsi behar zela. Lakoff-en esanetan, emakumeen hizkuntzak gehiegizko zuzentasun gramatikala eta konnotazio defentsibo ugari erakusten ditu. Horren harira, Adelina Sánchez Espinosak dio hizkuntza berau erabiltzen duen gizartearen isla dela. (Sánchez Espinosa, 2007 : 19).

39 Komunikazio ekintza ez da neutroa, ez da informazio bat bakarrik igortzera mugatzen, baizik eta pertsonen arteko hartuemanen berri ematen du, harreman hauek menekotasun, sumisio edota berdintasun harremanak izan daitezke. (Fernández Fraile, 2007 : 26)

40 Mespretxua, iraintzeko bidea edota umiliatzeko modua izan daiteke hizkuntza. Hartara, sexismoa edo arrazismoa adieraz dezake hizkuntzak. Gizartearen eta hura osatzen duten kolektiboen arteko harremanen berri eman dezakete hizkuntzaren egiturek nahiz lexikoaren erabilpenek. “Ez gara egitura lingusitikoaz ari, baizik eta diskurtsoetan aurkezten diren egiturez, edota hitzaren erabilpen sozialaz… “ (Fernández Fraile, 2007 : 28).

41 Tillie Olsonen hitzak bere eginez, hizkuntza sistema sinbolikoari erabat lotutako giza egitura patriarkala dela dio Annette Kolondyk : “Langauge as a symbolic system closely tied to a patriarchal social structure. Taken together, their work demonstrates. The importance of language in establishing, reflecting, and maintaining an asymmetrical relationship between women and men” Kolondy (1979 : 5). Artikulu berean, Helene Cixous-en esaldi bat bere egiten du Kolodnyk : “Language conceals an invincible adversary”.

5.1.1. Iruzkinak

42 Hizkuntzak islatzen dituen gizonezko eta emakumezkoen arteko harreman horiek kontuan izanik abiatu dugu ikergai ditugun hiru eleberrien behaketa. Hizkuntza sexista azaltzen zaigu gizonezkoen ahotan (Bb) eta (TU) eleberrietan, ez horrela (AJ) eleberrian, emakumezkoena baita hitza. Hizkuntza sexista baino gehiago, gizonezko munduei egindako aipamenak azaltzen dira (AJ) eleberrian. Dorleta Urretabizkaiaren Jaione eleberrian genero indarkeria azaltzen den unean azaltzen da hizkuntza sexista.

43 Ondoriozta daiteke, beraz, emakume idazleek hizkuntza sexista batik bat gizonezkoen ahotan edota kaleetako txutxu-mutxuetan jartzen dutela. Mintegiren (Bb) eleberrian, igeltseroak obran azaltzen dira, mintzagaia sexua dute. “Alper horiek ! Beti solasean, atso zaharrak ematen duzue ; berbaldi gutxiago eta adreiluak pasa !. (Bb, 24) ; “Ei, ei, astiroago, nork edan zidan atzo gure botila, marikoiori ?” (Bb, 8). Kaleko txutxu- mutxuak : “Pacoren alaba auzoko mutil guztiekin ibiltzen dela, nahiko txoriburu ospea daukala, buruz arina, eta aitak, disgustuaren disgustuaz, edateari eman diola” (Bb, 80) ; “Lasai, Encarna, laster konturatuko dun eta etxetik botako din, hire nagusia ez dun tontoa eta putaska horrek ezin izango din engainatuta eduki luzaro” (Bb, 100).

44 (Bb) eleberrian, indarkeria sinbolikoarekin edota emakumeen desbalorizazioarekin lotua azaltzen da hizkuntza sexista ; (TU) eleberrian, berriz, indarkeria fisikoarekiko eta erdararekiko lotura nabariagoa da : “Virginia, baja esa puta música !” (TU, 8) ; “Tu hija es una puta (…) ¡pues que tu hija está preñada y además de un golfo…” (TU, 41) ; “Una puta ! ! Eso es lo que es para mí y no voy a tener bajo mi techo ningún bastardo”, (TU, 138). “¿Dónde cojones están mi mujer y mi hija ?” (TU, 172), “Voyeur puta bat baino ez naizela bilakatu errepikatzen diot nire buruari” (TU ; 14) ; “Josune urdanga zikin bat besterik ez da !” (TU,167).

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45 (AJ) eleberrian, gizonezkoak ez dira ia mintzo, eta hizkuntza sexistarik ez da azaltzen ia. Emakumeen ahotan azaltzen dena garbiro da gizonezkoen mundu bat dagoela : “Alde hortik zokomirona ! Gizonen kontuaz ari gaitun”. (AJ, 57) ; “Garai hartan ikasi nuen ohoreaz gain, apustuez eta giltzaz itxitako tiraderaz gain, bazela gizonena zen beste gai bat, gerra.” (TU, 79) ; “Bizarra diten kontu horiek, Marti !” (AJ, 84). “Lubakitik idatzitako gutunak gerra dira ; sukaldetik erantzundakoak, ez”. (AJ, 89).

46 (AJ) eleberrian topaturiko adiera sexista bakarra soldaduen ahotan jarri du Uxue Alberdik. “Eta bi soldaduak cobarde hijo de puta esaten.” (AJ, 89).

47 Bukatzeko, Osbornek laneko jazarpenen inguruan, piropoak edota komentario sexualak aipatzen ditu (2009 : 147). (TU) nobelan topatu dugu horrelakorik eta berriro ere gizonezkoen ahotan eta lan giroan. Idazkariak ohi baino gona laburragoa darama nonbait eta honen inguruan. “–Ostia, hi, ikusi al duk gaur gure Karmele ! –Jexux Mari astapotroaren hitz goxoak izan dira entzun ditudan lehenak–. Zer duk, enpresaren politika berria ? Mutilak, aurrekontuaren murriztasuna dela eta, aurtengo neguan berogailutan gutxiago gastatzea erabaki dugu, beraz, berotu nahi duenak idazkariari begiratu diezaiola.” (TU, 30).

6. Ondorioak

48 1. Memoriaren, nazioaren eta amatasunaren gaiak euskal emakume idazle gehienek beren eleberregintzan jorratu badituzte ere, genero indarkeria gai nagusitzat hartuta oso gutxi landu da. Beraz, datu soziologikoetan, genero indarkeriaren inguruan hain diskurtso hedatua badago ere (kontzeptuetan, legeetan, datuetan), euskal literaturan emakume idazleek erreparo handiz hartzen dute gaia. Balirudike komunikabideek mediatizatzen duten gai honen eta euskal literaturan emakumeek itxuratzen duten genero indarkeriaren artean oraindik alde handia dagoela.

49 2. Denbora tartekatua genero indarkeriaren errealitatea islatzeko zoom bezala erabili da, indarkeriaren denbora ezberdinak zehazteko alegia ; ahots polifoniak, ordea, kontrako efektua egiten du, ahalik eta eremurik zabalena erakustea baitu asmo. Beraz, genero indarkeriaren lekukotasuna emateko ahots polifonia eta denbora tartekatua erabili ohi dute aztertu ditugun emakume idazleek, hartara indarkeria ezberdinak angelu ezberdinetatik eta denbora ezberdinetan ikusteko

50 3. Bestetik, ondoriozta daiteke emakume idazleek hizkuntza sexista batik bat gizonezkoen ahotan edota kaleetako txutxu-mutxuetan jartzen dutela, eta ez hainbeste pertsonaia femenino protagonistak hitz egiteko orduan. Ahotsa, narratzailea edo fokua gizonengan dagoenean gertatzen da hizkuntza sexista, beraz.

51 4. Genero indarkeria sistematikoki bizi duen emakume protagonistaren ikuskera aurkezteko, ahots polifonia eskaini digu Aitziber Etxeberriak. Horregatik bihurtzen da hain sinesgarria ahotsik ez duen protagonista. Ondoriozta genezake, beraz, isiltasunetik, ukapenetik memoria lantzen hasi direla emakume idazleak, baina ondo ezagutzen dituztela genero indarkeriaren nondik norakoak eta jakin badakitela emakume jipoituak aurkeztu ahal izateko berriro ere ahotsik gabeko emakumeak sortu behar dituztela.

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NOTES

1. Hemendik aurrera (AJ) erabiliko da Aulki-jokoa izendatzeko. 2. Hemendik aurrera (TU) erabiliko da Tango urdina izendatzeko 3. Hemendik aurrera (Bb) erabiliko da Bai, baina ez izendatzeko.

INDEX

Thèmes : littérature motscleseu euskal literatura, genero indarkeria, hizkuntza sexista, indarkeria sinbolikoa, paradigma aktantziala, protagonista femeninoak Mots-clés : critique littéraire, discrimination, femme, littérature basque, sexisme, violence masculine

AUTEUR

GEMA LASARTE LEONET

UPV/EHU [email protected]

Lapurdum, 14 | 2010 88

Rudolf Trebitsch-en 1913ko Euskal grabazio Musikalak (II)

Inaxio López de Arana Arrieta

1 2004ko abenduan, artikulu bat plazaratu nuen Euskal Kultura eta Ikerketa Aldizkarian (21. zenbakia), Sancho el Sabio instituzioak egindako eskaintza onetsirik. Artikuluaren izenburua : « Rudolf Trebitsch-en 1913ko euskal grabazio musikalak ». Lan hartan, ikerketa bat plazaratu nuen, Rudolf Trebitschen grabazio musikalei buruz egin nuena, urte eta erdiko lana. Baina orduko argitalpenean nahi baino datu oker gehiago zeudela- eta testua berridaztea erabaki dut, lehengo testuaren gainean behar beste zuzenketa eta zehaztapen egin nahirik. Segidan doakizue, beraz, ikerlan horren bigarren idazketa, berritua eta guztiz zuzendua.

2 Rudolf Trebitsch 1876an jaio zen, Austrian. Gazterik medikuntzako ikasketak egin bazituen ere, gerora antropologia, etnologia eta hizkuntzalaritza landu zituen gehienbat. Vienako Zientzietako Akademia Inperialeko kidea izan zen, eta munduan barrena ibili zen, tokian tokiko soinu-grabazioak biltzen, Vienako Fonograma Artxiboak egin nahi omen zuen disko-bilduma osatzeko. Euskal Herrira ere etorri zen, 1913ko uztailaren 18an, eta uda osoa lanean eman ondoren euskararen eta euskal musikaren ale soinudun eder batzuk eraman zituen Vienara, bere sorterrira. Lehenengo Mundu Gerra hasi eta berehala, hain zuzen ere 1915ean, armadaren erietxe batera bidali zuten, sendagile-lanak egin zitzan. Hiru urte geroago, 1918ko urriaren 8an zendu zen Austriako Judendorf hirian, Graz-etik hurbil.

3 Lehengo mendearen hasieran, hain zuzen ere 1906tik 1913ra bitartean, Europako mendebaldeko zenbait herri zelta (Irlanda, Gales, Ingalaterra, Bretainia eta Eskozia), Laponiako inuiten tribuak (Groenlandia) eta Euskal Herria bisitatu zituen. Zazpi urte horietan 4.000 bat grabazio egitea lortu zuen. Gure egunetara etorriz, 2004ko otsailean Austriako Zientzietako Akademiaren Fonograma Artxiboak argitara eman zituen grabazio horietako asko, hiru CD-tan bilduta. Dena den, « The Collections of Rudolf Trebitsch » izeneko bilduma horretan1 ez daude Trebitschek egindako euskal grabazio guztiak, grabazio musikalak -artikulu honen aztergai nagusia- proiektutik kanpo geratu baitira.

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4 Rudolf Trebitschek bi asmo ekarri zituen Euskal Herrira : euskalki guztien grabazioak egitea eta euskal etnologiaren bilduma bat osatzea. Ederki bete zituen, eta gainera, grabazio musikalak ere egin zituen, euskal ondare musikalaren adierazle. Beraz, bada, bi motatako grabazioak lortu zituen : hizkuntza-grabazioak eta grabazio musikalak. Harako egonaldi hartan, laguntzaile asko izan zituen, mugaren bi aldeetakoak, hala nola, Julio Urkijo, Telesforo Aranzadi, Gregorio Mujika, Resurreccion Maria Azkue, Georges Lacombe eta Gabriel Roby. Ez ditugu atzendu behar, jakina, gramofonoaren aurrean berbetan, kantuan edo musika-tresnaren bat jotzen ibili ziren euskaldunak. Vienara itzuli eta urtebetera artikulu bat idatzi zuen2, gure arbaso haien artean izandako bizipenen eta egindako lanen lekukotzat.

5 Grabazio hauek 1913koak izanda ere, ez ditugu zaharrenak euskarazko lekukotasun soinudunetan, Léon Azoulay-k 1900eko Pariseko Erakusketa Unibertsalean egindakoak zaharragoak baitira3, baina esan beharrik ez dago leku aparta merezi dutela euskal kulturaren baitan.

6 Euskal hizkuntzaren grabazioak Vienako Fonograma Artxiboan daude, Trebitschek berak han utzi zituelako 1913an, baina 1984tik Bilboko Azkue bibliotekan eskuragarri ditugu haien kopiak, José Mª Etxebarria euskaltzainari esker. Gainera, José Mª Etxebarria bera dugu grabaziook eta euren nondik norako guztiak sakonkien eta zehatzen aztertu dituen euskal ikerlaria. Gai honi buruz berak ondutako 11 artikuluetan4 hizkuntza-grabazio guztiak transkribaturik agertzen dira, bai eta zenbaitetan azterturik eta itzulirik ere. Gainera, oraindik orain liburu bat argitaratu du5 José Mª Etxebarriak non sakonki aztertzen baititu 1913tik 1917ra bitarteko euskarazko hiru grabazio-bilduma, besteak beste, Trebitschena, jakina. Baina Trebitsch gurera etorri aurretik eta bateratsu zenbait euskal ikerlarik argitaratutako artikuluetan aipaturik agertzen da austriarraren egitasmoen berri6.

7 Hizkuntza-grabazioek 130 minutu irauten dute denera ; 64 diskotan banatuta daude eta bakoitzak bi minutu inguru irauten du. Euskalki guztietakoak daude, bai eta erronkarierakoak ere, euskalki hori dagoeneko desagertu bada ere. Denetariko testuak daude : ipuinak, kontakizunak, pasadizoak, abestiak... Abestien artean, « Agota » erromantzea osorik agertzen da eta Santa Agedaren omenezko kanta bat ere bai. Beti prozedura berbera erabiltzen zuten : lehenbizi, ipuina, abestia edo dena delakoa idazten zuten eta gero, grabatzeko tresnaren aurrean irakurri edo abesten zuten. Lanari gaina jartzeko, Trebitschen laguntzaileek gaztelaniara edo frantsesera aldatzen zuten testua, gero alemanera itzuli ahal izateko.

8 Hizkuntza-grabazioak, beraz, eskuratuta eta behar bezala ikertuta geneuzkan, baina zer gertatu ote zen grabazio musikalekin ? Hutsune horri antzemanda, duela zenbait urte lanean hasi ginen euskal kulturaren harribitxi horiek Euskal Herrira ekarri eta gaia behar bezala argitu eta zabaltzeko. Akuilu horrek sustaturik eta hainbat lagunek emandako laguntzari esker, 2003ko urtarrilaren 13an eskuratu ahal izan genituen Rudolf Trebitschek 1913an egindako grabazio musikalak. Berlingo Fonograma Artxiboan zeuden7, eta Susanne Ziegler eta Albrecht Wiedmann doktoreekin hitzartutako itun bati esker erabili ahal izan genituen.

9 Grabazio musikalei « Trebitsch Basken » izena ezarri zieten Berlinen, eta 14 disko edo zilindrotan banatuta utzi zizkidaten, horietatik bi (2.208 eta 2.209 zenbakidunak) hizkuntza-grabazioen artean ere agertzen direlarik. Guztira, 32 minutu irauten dute, euskal kanta eta doinuz beteak. Grabatze-lanaren batez besteko abiadura minutuko 190 erreboluziokoa da, eta « Edison » motako zilindroak erabili zituzten grabazioetarako.

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Grabazio hauetan, Nafarroa Behera, Bizkaia, Gipuzkoa eta Zuberoako kantari eta musikariak ditugu entzungai, Donibane Garazi, Igorre, Azpeitia, Tolosa eta Atharratzekoak, hurrenez hurren. Haien izenak ere badakizkigu, Trebitschek utzitako dokumentazioari esker. Gainera, Austriako etnologoak zerrenda batean bildu zituen berak egindako euskal grabazio musikal guztiak. Zorionez, zerrenda hori Trebitschek utzitako dokumentazioan zegoen, eta artikulu honen bukaeran txertatu dugu. Bitxia da, bestalde, zerrenda horretan aipatzen direla Berlinen aurkitu ez genituen lau disko : 2.215, 2.236, 2.237 eta 2.244 zenbakia dutenak. Bilduma honetan ez egonagatik, erraz aurki ditzakegu José Mª Etxebarriak 1984an Vienatik ekarritako grabazioen artean. Izan ere, Rudolf Trebitschek 1913ko udan egindako euskal grabazio ia guztiak aurkitu ditugu azkenean. Ale bat falta da, ordea, 2.216 diskoa, Markinako Martin Barinaga hizlari duena. Idi-probez eta pilota-partida batez omen ziharduen grabazioan, baina, zoritxarrez, bidean galdu da. Beste guztia eskuratu dugu.

10 Grabazioetarako erabili ziren musika-tresnez bezainbatean, guzti-guztiak Vienara eraman zituen Trebitschek, hain zuzen ere Austriako Etnologia Museora. Gaur egun oraindik Vienan daude, baina Austriako Zientzietako Akademiaren Fonograma Artxiboan, duela zenbait urte hara aldatu zituztelako.

11 Euskal grabazio musikalei buruzko xehetasun guztiak aletzen hasi aurretik, nire eskerrik beroenak eman nahi dizkiet Eresbil artxiboko langileei, batez ere Jaione Landaberea eta Jon Baguesi, bai eta Herri Musikaren Txokoko Juan Mari Beltran Argiñenari ere, ondoren doazkizuen datuetarik asko eta asko haiek eman dizkidatelako. Nire esker ona merezi dute, orobat, Errenteriako Andra Mari abesbatzako zuzendari eta Eresbil artxiboko langile den José Manuel Tifek –berak sortu baititu grabazioen partiturak–, Jon Miner soinu-tenikariak eta Josu Sarasa partitura-digitalizatzaileak. Haien guztien laguntza funtsezkoa izan da lan hau hezurmamitzeko orduan.

12 1. Zilindroa

Laguntzailea : Georges Lacombe euskalaria.

Herria : Donibane Garazi (Nafarroa Beherea).

Lekukoa : Pierre Jenda nekazaria.

Gaia : irrintzia.

Iraupena : 1 :40 min.

Oharrak : hona zer dioen Trebitschek zilindro honi buruz8 : « Eskuarki, artzainek mendi gailurretatik irrintzi egiten diote elkarri. Elkarrekin komunikatzeko halako seinale bat da. Batzuetan, lana behar bezala egindakoan egiten den agur-oihua besterik ez da ; irrintziak Tiroleko kantuen antza du ». José Mª Etxebarriak 1984an ekarritako 2.193. diskoan ere agertzen da irrintzi hau.

13 2. Zilindroa

Laguntzailea : Gabriel Rody margolaria.

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Herria : Atharratze (Zuberoa).

Lekukoa : Bernhard Haritxelar arotza.

Doinuak : 1- « Ostalersa » : txirula eta tuntuna (47 seg.). 2- « Lili ederra » (« Lili eder bat » delakoaren bertsio bat) : txirula eta tuntuna (35 seg.). 3- « Satan-dantza » (Zuberoako pastoraletakoa) : txirula (19 seg.). 4- « Turkoen airea » (Zuberoako pastoralen hasierako martxa) : txirula (23 seg.).

Iraupena 2 :12 min. (guztira) :

Oharrak : Trebitschen hitzak : -1. doinuari buruz : « Emakume ostalari baten kanta da ; dantzatzeko da. Kontakizunaren edukia hauxe da gutxi gorabehera : tabernari batek bost eta sei zentimoko ardoa dauka. Bezero batek zerbait ekartzeko agintzen dio ». -2. doinuari buruz : « Amodiozko kanta da ; bertan kantariak loreei galdetzen die ea maite ote duten ». -3. doinuari buruz : « Dantzatzeko kanta da. Mozorro-jaietako deabruek son horretan dantzatzen dute. Doinua « Bon voyage, Mr Dumollet » izeneko kantatik hartutakoa da, baina pitin bat desberdina da konpasari dagokionean ». -4. doinuari buruz : « Doinua artzainen aspaldiko kanta batetik dator. Ehundaka urte bide ditu ».

14 3. Zilindroa

Laguntzailea : Gabriel Rody margolaria.

Herria : Atharratze (Zuberoa).

Lekukoa : Bernhard Haritxelar arotza.

Doinuak : irrintzia.

Iraupena : 1 - « Pello Joxepe » : txirula (minutu bat, 6 seg.). 2 - « Fandangoa » : txirula (17 seg.). 3 - « Kauter dantza » (Zuberoako maskaradakoa) : txirula (27 seg.).

Iraupena (guztira) : 2 :11 min.

Oharrak : Trebitschen hitzak : "Kanta satirikoa da. Zenbait lagunek batera abesteko da ».

15 4. Zilindroa

Laguntzailea : Gabriel Rody margolaria.

Lapurdum, 14 | 2010 92

Herria : Atharratze (Zuberoa).

Lekukoa : Bernhard Haritxelar arotza.

Doinuak : 1 - « Marche de cavalcade de la Basse Navarre » (Luzaideko Bolantietan edo Luzaideko Dantzan ere erabiltzen dute) : txirula eta tuntuna (minutu bat, 25 seg.). 2 – « Barikala » (« Satan-dantza », eta Luzaideko Bolantietan « Andre-dantza » izena ematen diote) : txirula eta tuntuna (25 seg.). 3 – « Valse italienne » (osatu gabe dago, fandangoaren erritmoa du, eta egitura « Pipa hartuta » abestiaren antzekoa du) : txirula eta tuntuna (15 seg.).

Iraupena : 2 :19 min.

Oharrak : hona zer dioen Trebitschek 1. doinuari buruz : « Ezezagun batek sortu zuen kanta hura, martxetan erabiltzeko ».

16 4. Zilindroaren 2. bertsioa

17 Berdin-berdina da, pixkat laburragoa baina : 2 minutu eta 14 segundo irauten du guztira.

18 5. Ailindroa

Laguntzailea : Julio Urkijo idazlea.

Herria : Igorre (Bizkaia)

Lekukoa : 1- Anbrosio Gorostiaga morroia (Igorre, 1867 – Igorre, 1926), alboka, 46 urtekoa. Aita eta aitonarengadik datorkio alboka jotzeko zaletasuna. 2- Josefa Ealo neskamea, panderoa (ez da entzuten), 30 urtekoa, Bediakoa.

Doinua : - « Artolak deuko » herri-kanta.

Iraupena : 2 :16 min.

19 5. Zilindroaren 2. bertsioa

20 Berdin-berdina da, pixkat laburragoa baina : bi minutu eta 9 segundo irauten du guztira.

21 6. Zilindroa

Laguntzailea : Julio Urkijo idazlea.

Herria : Igorre (Bizkaia)

Lekukoa : 5. zilindroko musikari berak : Josefa Ealo, ahotsa eta panderoa ; Anbrosio Gorostiaga, alboka.

Lapurdum, 14 | 2010 93

Doinua : - « Asiko nas asitzera » : incipit literarioa da, hau da, « Asikonaz asitzera » kantaren lehenengo hitzak. Fandangoaren erritmoa du. Hau ez da Azkueren kantutegian bildurik dagoen kanta. Honela dio9 : Asiko nas asitzera Onelan berdintzera Ni onelan ikusite Alegretuten etzara ? Neure laztana non sera ? Inon agiri etzera Beste guztiek ezkondute Zeu bakarrik lotu sera I neskatille morenea Marrenesko gonea Abaska kordet baltzakas Dirudi probentziania I neskatillatsu larrosa Zeure berbea donosa Sarriten eukiten dot nik Zeu ikusi poza.

Iraupena : 2 :08 min.

22 7. Zilindroa

Laguntzailea : Julio Urkijo idazlea.

Herria : Igorre (Bizkaia)

Lekukoa : 5. eta 6. zilindroetako musikari berak : Josefa Ealo, ahotsa eta panderoa ; Anbrosio Gorostiaga, alboka.

Doinua : - « Adios Atxuri te » : incipit literarioa. Porrusaldaren edo arin-arinaren erritmoa du. Honela dio10 : Adios Atxuri te adios banoa Bier etorriko nas urrin ezpanoa Adios aiteri te adios amari Orain banoiela Zaragozara ni Goirengo kaniarada lidea labana Galdara sorzutata mutil barrabana Txikitxu polit hori, norena, norena, Aitena da amena, Jangoikorena.

Iraupena : 2 :05 min.

Lapurdum, 14 | 2010 94

Oharrak : Trebitschen hitzak : « Zazpigarren zilindroan dago seigarren zilindrokoaren amaiera : abestian kantariak neska mairu bat irrikatzen duela dio. Kantariak haren edertasuna goresten du. Orobat, neska hark lokarri beltzekiko abarkak dauzkala azpimarratzen du, altuera txikiko oinetako tradizionalak, alegia. Abarken ezaugarri horiek kontuan izanda, berak uste du neska hura Gipuzkoakoa dela. Zazpigarren zilindroaren bigarren zatian kanta bat dago eta bertan Atxuriko mutil bat agertzen da eta Zaragozara doanez, bere gurasoei agur egiten die. Nire iruzkingileak esan didanez, bertan kontatzen da nola eramaten duten mutil hura, arazo psikologikoak baititu, Zaragozako eroetxera ». Kanta honek badu tarte hau Trebitschek bere dokumentazioan idatzi zuen bezala kopiatuagatik, antzik hartzerik ez dagoena : « Goirengo kaniarada lidea labana/Galdara sorzutata mutil barrabana ».

23 8. Zilindroa

Laguntzailea : Gregorio Mujika ingeniari eta idazlea.

Herria : Azpeitia (Gipuzkoa).

Lekukoa : 1. Sebastian Errasti mekanikaria, 28 urtekoa, dultzaina. 2- Gregorio Larralde igeltsero-burua, 57 urtekoa, danborra.

Doinuak : 1 - « Eztaitarra » (200 urte inguru dituen eztei-martxa) : danborra eta dultzaina (minutu bat, 1 seg.). 2 – « Andre Maddalen » (« Madalen busturingo ») : danborra eta dultzaina (23 seg.). 3 – « Kontsesiri » (gaur egun doinu hori ezaguna da izenburu hauekin : « Txantxibiri txantxibiri gabiltzanian », « Atxiketan-potxiketan » edo « Zantziki, zantzikitin ». Letran aldaketak daude, baina funtsean doinu bera da) : danborra eta dultzaina (35 seg.).

Iraupena : 2 :15 min.

Oharrak : hona zer dioen Trebitschek 2. doinuari buruz : "Euskal fandangoari egokitutako doinu bat, dantzatzeko dena. Doinu horri lotutako letraren edukia hauxe da, gutxi gorabehera : gizon batek emakume bati olioa erosi ondoren esaten dio bere aitak soldata jasotzen duen bitartean ordainduko diola ».

24 9. Zilindroa

Laguntzailea : Gregorio Mujika ingeniari eta idazlea.

Herria : Azpeitia (Gipuzkoa).

Lapurdum, 14 | 2010 95

Lekukoa : 1- Sebastian Errasti, dultzaina. 2. José María Gurrutxaga errementaria, 32 urtekoa, dultzaina. 3- Gregorio Larralde, danborra.

Doinuak : - « Baserritarra » (fandango-erritmoa du) : bi dultzaina eta danbor bat (minutu bat, 12 seg.). - Porrusalda (« arin-arina ») : bi dultzaina eta danbor bat (54 seg.).

Iraupena (guztira) 2 :13 min. :

Oharrak : Trebitschek dioenez, arin-arina oso zaharra da.

25 10. Zilindroa

Laguntzailea : Baleriano Mokoroa.

Herria : Tolosa (Gipuzkoa).

Lekukoa : 1- Leandro Zabala, 34 urtekoa. Musika-tresna hauek jotzen ditu : lehenengo txistua, tuntuna eta palilloa (euskal « txotxa »). 2- Alberto Alberdi, 19 urtekoa. Musika-tresna hauek jotzen ditu : txistua, tuntuna eta palilloa. 3- José Txintxilla, 34 urtekoa. Tolosako musika-bandan jo zuen. Silbotea. 4- Baleriano Mokoroa bera. Atabala.

Doinuak : « Vals con variaciones », Bilboko orkestra-zuzendari Federico Cortorena. Doinuak fandango-erritmoa badu ere, motelagoa da, baltsea bezalakoa. Oso ezaguna da.

Iraupena 2 :18 min.

Oharrak : Trebitschek dioenez, musikari-laukote honi udalak ordaintzen zion jaietan plazaz plaza jotzen ibil zedin.

26 11. Zilindroa

Laguntzailea : Baleriano Mokoroa inprimatzaile eta idazlea.

Herria : Tolosa (Gipuzkoa).

Lekukoa : 10. zilindroko berberak dira, alegia : Leandro Zabala, Alberto Alberdi, José Txintxilla eta Baleriano Mokoroa.

Lapurdum, 14 | 2010 96

Doinuak : « San Juan Zortzikoa » kanta. Kantak honela dio11 : Agur egun zoragarriya poztu dezu erri guztiya. Ilunabarreko danbolinak ta elizako ezkilak sendatu dituzte gaixorik zeuden neska koskor eta mutilak. Agur egun zoragarriya poztu dezu erri guztiya. Albo herritik jendea onratzera S. Juan gurea eta zail dalako nunnahi arkitzen dute leku bat hobea Agur egun zoragarriya poztu dezu erri guztiya. Patroi gurearen ikasbidea beti dezagun goguan noizbait kantatzen gerta zaitezen danok beraren onduan. Agur egun zoragarriya poztu dezu erri guztiya.

Iraupena 2 :10 min.

Oharrak : Trebitschen hitzak : « San Juan Tolosako patroia da. Han 5/8 konpasa erabiltzen da, hots, euskal musikaren berezko konpasa. Martxa horren bidez goresten dira santuaren eginak, San Juan egunean zenbait ahapalditan kantatzen baitziren ».

27 12. Zilindroa

Laguntzailea : Baleriano Mokoroa.

Herria : Tolosa (Gipuzkoa).

Lekukoa : Demetrio Oiarzabal botikaria.

Doinua : « Gernikako arbola ». Musika-tresnarik ez, kantua bakarrik. Kantak honela dio12 : Gernikako arbola Da bedeinkatuba Euskaldunen artian Guztiz maitatua. Gernikako arbola Da bedeinkatuba Euskaldunen artian Guztiz maitatua. Eman da zabaltzazu Munduan frutua Adoratzen zaitugu Arbola santua. Eman da zabaltzazu Munduan frutua Adoratzen zaitugu Arbola santua.

Lapurdum, 14 | 2010 97

Iraupena : 1 :46 min.

Oharrak : Trebitschen hitzak : « Gernikako arbola hau duela ehunka urte landatu zen Gernikan, Espainiako Euskal Herrian, eta esan liteke zuhaitz hori euskaldunen independentziaren ikurretako bat dela. Zilindro honetan ereserki nazionalaren bi ahapaldi entzun ditzakegu. Kantan arbola bedeinkatzen da eta bere fruituak goresten dira. Letra eta musika Iparragirre izeneko batek sortu zituen. Berriro ere 5/8 konpasarekin egiten dugu topo, alegia, benetako euskal konpasarekin ».

28 2.208. Diskoa

Laguntzailea : Gabriel Roby margolaria.

Herria : Atharratze (Zuberoa)

Lekukoa : Bernhard Haritxelar arotza, txirula eta tuntuna.

Doinua : « Monein » dantza(Biarnon jatorria duen euskal jauzia).

Iraupena : 1 :36 min.

Oharrak : Trebitschen hitzak : « Doinu hau dantza baten akonpainamendua da. Tradizioaren arabera, dantza hori gizonek egiten dute, ez beste inork. Txistuak doinua markatzen du eta tuntunak akonpainamendua ». Disko hau José Mª Etxebarriak 1984an ekarritako grabazioen artean ere badago.

29 2.209. Diskoa

Laguntzailea : Gabriel Roby margolaria.

Herria : Atharratze (Zuberoa)

Lekukoa : Bernhard Haritxelar arotza, txirula eta tuntuna.

Doinua : « Monein » dantza (hau ere Biarnon jatorria duen euskal jauzia).

Iraupena : 1 :41 min.

Oharrak : 2.208. zilindroaz esandakoak balio du honetarako ere. Disko hau ere José Mª Etxebarriak 1984an ekarritako grabazioen artean dago.

30 DULTZAINEROEN ZERRENDA

31 Berlinen aurkitutako lekukotasun soinudun hauek ditugunez dultzainaren hots- grabazio zaharrenak, eta Juan Mari Beltran Herri Musikaren Txokoko zuzendariak gai honi buruz eman dizkidan argibideez baliaturik, « Trebitsch Basken » izeneko bilduma honetan agertzen diren dultzainero batzuei aparteko arreta eskaini nahi izan diet, haiei buruz xehetasun gehiago emanez :

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32 Azpeitia

33 Hiru dultzainero-danborrero :

34 Sebastian Errasti « Xaxurra »

35 Izatez Urrestillakoa zen, Trebitschek Azpeitikoa dela esan arren. Mekanikaria izan zen. « Urrestilla » izeneko atalean dituzue gizon honi buruzko datu gehiago.

36 Gregorio Larralde

37 1913an 57 urte zituen. Beraz, 1856an jaio zen. Danborra jotzen zuen. Igeltsero-burua izan zen.

38 Jose Maria Gurrutxaga

39 1913an 32 urte zituen. Beraz, 1881ean jaio zen. Errementaria izan zen.

40 Urrestilla

41 Sebastian Errasti « Xaxurra »

42 Urrestillako « Atzan » baserrian jaio zen, 1892an (Rudolf Trebitschen dokumentuzioa13 kontuan hartzen badugu, 1885an jaio zen). Bere anaia Juan Inaziorekin jotzen zuen, biek duo eginez, eta « Eizmendi » baserriko Julianek danborrarekin laguntzen zien. Geroago, Jabier Goenaga « Arbe »rengana jo zuen eta honekin urte askoan aritu zen jotzen. Jabier Goenagaren seme Inaxio ala Bixente edo beste danborreroren batekin bat eginda, « Arbe »-« Xaxurra » dultzaina-talde honek herri eta festa askotan jotzen zuen, besteak beste Tolosako San Joanetan, Amezketan, Legorretan, Azpeitiko festetan, Nuarben, Matxinbentan, Urrestilako festetan, Urrestillako Santa Agedako eskean eta abarretan, eta horrelaxeko taldea osatuz agertzen dira argazki zahar askotan.

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Jabier Goenaga « Arbe », Sebastián Errasti « Xaxurra » eta Inaxio Goenaga danborreroa (arg. H.M.)

43 Sebastian « Xaxurra » batzuetan metalezko dultzainarekin ikus dezakegu, besteetan zurezkoarekin eta giltzazko dultzainarekin ere bai. Jose Sudupe « Montte »k esanda, bagenekien « Xaxurra »k giltzazko dultzainarekin jo izan zuela eta horrela agertzen zaigu ondorengo argazkian.

Sebastian Errasti « Xaxurra » (arg. H.M.)

44 Dultzaina hau bere alaba den Maria Guadalupe Errastik gordetzen du. Oso tresna bitxia da, Parisen egina, eta hauxe dauka grabaturik kanpai aldean : « Prosper Colas / Paris ». Letoizkoa da eta eskala kromatiko osoa eman ahal izateko, bost giltza ditu, tutuaren letoiari erantsita, giltzazko sistematako beste soinu-tresnen modura.

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« Xaxurra »ren dultzaina, giltzazko letoizkoa (arg. jmba)

45 Sebastian Errasti « Xaxurra »k musika idatzia ezagutu eta erabiltzen zuen, eta dultzainaz gain, beste soinu-tresna batzuk jotzen zituen, esate baterako, pianoa, eta musika bandan klarinetea eta tuba. Esaten dutenez, dultzainero honek dultzainak egiten zituen.

46 TOLOSAKO TXISTULARIAK

47 Lau dira Trebitschen grabazio musikaletan parte hartu zuten Tolosako musikariak : Leandro Zabala, Alberto Alberdi, José Txintxilla eta Baleriano Mokoroa. Txistulari horiek oso ezagunak izan ziren Gipuzkoan, XX. mendearen hasierako urteetan. Hori dela eta, azterlan honetan aipamen berezia merezi zutela iruditu zait. Txistulari haien nondik norakoen berri izateko, ezinbestekoak izan dira Juanmari Urruzola txistulari tolosarrak emandako argibideak eta utzitako argazkiak.

48 XX. mendearen hasieran, Leandro Zabalak, Alberto Alberdik, José Txintxillak eta Baleriano Mokoroak txistulari-talde bat osatzen zuten. Talde hura udal-taldea balitz bezala.

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Ezkerretik eskuinera : Leandro Zabala, Blas Alberdi, José Txintxilla eta Baleriano Mokoroa (arg : « Txistulari » aldizkaria, 154. alea).

49 Udalarekin zeukaten kontratuaren arabera, gutxienez honako egun hauetan jo behar izaten zuten : • Igande goizetan, zortzikoa, ohiko kaleetan barrena. • Igande eta jaiegunetan, dantzarako musika. • Udalbatza eratzeko ekitaldietan. • Prozesioetan. • Oro har, edozein ekitaldi ofizialetan.

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Alberto Alberdi, Burgos, 1916 (arg : « Txistulari » aldizkaria, 154. alea).

50 Gainera, beste herri batzuetan bezala, Tolosan ere taldeko zuzendariak hainbat doinu konposatu behar izaten zituen Udalerako. Tolosaren kasuan, urtean 12 pieza izaten ziren. Neurri handi batean, horri eskerrak ez ditugu galdu aspaldiko txistulari askoren obrak, esaterako, Leandro Zabalarenak.

51 Dirudienez, Zabalak, Alberdik, Txintxillak eta Mokoroak osatutako taldeak maila dezente ona izan zuen. Inguruko herrietan ibili ziren, bai eta Euskal Herritik kanpo ere. Gainera, « Fiestas Euskaras » zirela-eta antolatzen ziren txistu-talde txapelketa batzuetan irabazi zuten, hala nola 1908an Eibarkoan, 1909an Hernanikoan eta 1910ean Azkoitikoan.

Ezkerretik eskuinera : Miguel Martinez de Lezea, Alberto Alberdi, José Txintxilla eta Esteban Iribas, A Coruña, 1925 (arg : « Txistulari » aldizkaria, 154. alea).

52 Leandro Zabala txistularia ez ezik, txistu-irakaslea ere izan zen ; Isidro Ansorenari eskolak eman zizkion. Trebitsch gurera etorri zen urtean -1913an- utzi zuen txistulari- taldea. Miguel Martinez de Lezeak bete zuen haren lekua, eta han jarraitu zuen 1970 arte.

53 Baleriano Mokoroa, besteak beste, inprimatzailea eta idazlea izan zen, bai eta « Ibaizabal » euskara hutsezko aldizkariaren Tolosako arduraduna ere. Justo Mª Mokoroa « Ortik eta Emendik » esaera-bildumaren egilearen aita ere izan zen. Garai hartan eta gaur egun arte hauxe izan da Tolosako txistulari-taldearen osaera : txistu lehena eta zuzendaria (beraz, txistua eta danbolina jotzen ditu) ; txistu bigarrena

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(honek ere txistua eta danbolina jotzen ditu) ; silbotea ; eta atabala.

Tolosako musika-banda Foruen Plazan XIX. mendearen bukaeran. José Txintxilla dugu goiko lerroko bigarrena, ezkerretik hasita (arg : « Argazkiak Tolosa – Fotografías (1842-1900) ». José María Tuduri Esnal. Kutxa. 1992).

54 Aspaldi bere eginkizunetarako zeukan talde hari, 1916an, izen ofiziala eman zion Udalak : « Banda Municipal de Txistularis ». Udal-banda hartan sartu ziren ordura arte Udalarekin harreman estua zuen baina Udalarena ez zen txistulari-talde hartako bi kide gutxienez : Alberto Alberdi eta José Txintxilla. Izan ere, Alberto Alberdik bere aita Blasek utzitako lekua bete zuen 1913an.

55 PARTITURAK

56 2. Zilindroa

57 - « Ostalersa » (47 seg.) :

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58 - « Lili ederra » (35 seg.) :

59 - « Satan-dantza » (19 seg.) :

60 - « Turkoen airea » (23 seg.) :

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61 3. Zilindroa

62 - « Pello Joxepe » (1 min., 6 seg.) :

63 - « Fandangoa » : txirula (17 seg.) :

64 - « Kauter dantza »(27 seg.) :

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65 4. Zilindroa

66 - « Marche de cavalcade de la Basse Navarre » (1 min., 25 seg.) :

67 - « Barikala » (25 seg.) :

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68 - « Valse italienne » (15 seg.) :

69 4. Zilindroa (bigarren saialdia)

70 5. Zilindroa

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71 - « Artolak deuko » (2 min., 3 seg.) :

72 5. Zilindroa (bigarren saialdia)

73 Erreprodukzio-abiadura lehenengo saialdikoa baino handiagoa da, doinua azkarragoa delako eta tonu erdi bat altuago entzuten delako. Ez dago desberdintasun gehiagorik.

74 6. Zilindroa

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75 - « Asikonas asitzera » (2 min., 4 seg.) :

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76 7. Zilindroa

77 - « Adios Atsurite » (1 min., 53 seg.) :

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78 8. Zilindroa

79 - « Eztaitarra » (1 min., 1 seg.) :

80 - « Andre Madelene » (23 seg.) :

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81 - « Kontsesi » (35 seg.) :

82 9. Zilindroa

83 - « Baserritarra » (1 min., 12 seg.) :

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84 - « Porrusalda : arin-arina » (54 seg.) :

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85 10. Zilindroa

86 - « Vals con variaciones » (2 min., 9 seg.) :

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87 11. Zilindroa

88 - « San Juanen Zortzikoa » (2 min., 8 seg) :

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89 12. Zilindroa

90 - « Gernikako arbola » (1 min., 32 seg) :

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91 2.208. Diskoa

92 - « Monein » (1 min., 10 seg.) :

93 2.209. Diskoa

94 - « Monein » (1 min., 34 seg.) :

95 « TREBITSCH BASKEN » EUSKAL SOINUEN BILDUMA (Rudolf Trebitschek alemanez idatzitako testua)

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96 « TREBITSCH BASKEN » EUSKAL SOINUEN BILDUMA (Rudolf Trebitschek alemanez idatzitako testuaren euskarazko itzulpena)

97 Euskal grabazio fonografikoa, Trebitsch jaunak Pirinioetan 1913an egina 1‑4 Zurgin bat musikari. Pirinio Behereen Departamentua, Frantzia. 1.a) « Ostarlesa », emakumezko ostalari baten kanta. Dantza egiteko kanta. Tuntuna eta txirula (haize-instrumentua). b) « Lili ederra », maitasun-kanta. Tuntuna eta txirula. 2.a) « Satan », demonioaren dantza mozorro-jai batean. Tuntuna eta txirula. b) « Turkiarren sartzea », pastoral batekoa, zaharra. Tuntuna eta txirula. 3.a) « Pello Joxepe », kanta satirikoa, lagun batzuk batera kantatua. Tuntuna eta txirula. b) « Fandangoa ». Tuntuna eta txirula. c) « Kauteren dantza », (galdaragilearen dantza), eskuarki txirula bakarrik erabiltzen da. 4.a) « Nafarroa Behereko Zalditeriaren Martxa ». b) « Barikala », dantza-mota bat. c) « Italiako baltsea ». 5‑9 Igorren hartutakoak, Arratia bailaran, Bizkaia, Espainia. 5. « Artolak deuko », Ambrosio Gorostiagak albokaz jotako kanta. 6. Josefa Ealok albokaz eta panderoz jotako kanta. Ahotsa ere Josefa Ealorena da. 7. Seigarrenaren jarraipena. 8. a) eta b) Bi dultzaina eta danbor bat ; Sebastián Errasti, José María Gurrutxaga eta Gregorio Larralde ditugu musikariak. a) « Eztaitarra » (ezkontza-eguna). Antzinako martxa. b) « Andre Madalen... Kontsesiri ». Kontsesi emakume-izena da. Dantza-doinua. Fandangoa. 9.a) « Baserritarra », dantzatzeko kanta zaharra, letrarik gabea. b) « Porrusalda ». Antzinakoa. Doinu honekin arin-arina dantzatzen da. Letrarik gabe. Bi zatitan banaturik : a) eta b).

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10‑12 Tolosan hartuak (Gipuzkoa, Espainia). 10. Gizon batzuek jotako martxa. Bi txistu eta bi danboril. Silbote bat eta danbor bat. 11. « San Juanen Martxa ». 5/8 konpasa. Testua San Juanen ereserkia da. Lau danbolin-jolek dihardute. 12. Ereserki nazionala : « Gernikako arbola ». Gizaseme bat kantari. 2.193 « Irrintzia », euskal garrasia, Pierre Jendak Donibane Garazin egina. 2.208 Bernhard Haritxelar txirula eta tuntuna jotzen. Atharratze, Pirinio Behereak. Frantzia. 2.209 2.208.aren bukaera. 2.215 Joaquín Arrietak kantatutako herri-abesti bat. Markina, Bizkaia, Espainia. 2.236 Demetrio Oiarzabalek kantatutako maitasun-kanta. Tolosa, Gipuzkoa, Espainia. 2.237 Maitasun-kanta, 2.236.a bezala. 2.244 Jota dantza eta « Diana », Venancio Salameraren eskutik. Uharte (Iruñea ondoan). Testu eskuragarriak.

98 Argazkiak :

Rudolf Trebitsch

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Rudolf Trebitschek Euskal Herrian egindako lanen kartela

Rudolf Trebitschen hilobia (Hietzing-eko hilerria, Viena)

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NOTES

1. Izenburu osoa : « Tondokumente aus dem Phonogrammarchiv der Österreichischen Akademie der Wissenschaften. Gesamtausgabe der historischen Bestände 1899-1950. The Collections of Rudolf Trebitsch ». SCHÜLLER, Dietrich. 2. TREBITSCH, Rudolf. 34.Mitteilung der Phonogramm Archivs-Kommission der kaiserl. Akademie der Wissenschaften in Wien. Baskische Sprach und Musikaufnahmen. Anzeiger der philosophisch-historischen klasse der kaiserlichen Akademie der Wissenschaften in Wien, Vol XI, Viena, 1914. Euskaraturik : LOPEZ DE ARANA, Inaxio eta Marcelo. Rudolf Trebitsch : euskal hizkuntzaren eta musikaren grabazioak (1913). FLV (XXX. urtea, 77. zenbakia, 1998ko urtarrila-apirila), 97-117. Gaztelaniaraturik : LOPEZ DE ARANA, Inaxio eta Marcelo. Rudolf Trebitsch : grabaciones de la lengua y la música vascas (1913), ETNIKER 11, 1999ko urria, 266-300. 3. Ikus ondoko bi lanak : 1 – Euskarazko lehen soinuak (CD-ROMa). Donostia : Eusko Ikaskuntza, 2000. 2 – LOPEZ DE ARANA, Inaxio. "Léon Azoulay : euskarazko lehen soinuak (1900)". EGAN, 2002 1/2, 5-40. 4. Hona José Mª Etxebarriaren 11 artikuluok : 1 – "Vienako euskal grabaketak". EUSKERA XXIX, 1984-1, 395-397. 2 – "Las grabaciones en euskera de la fonoteca de Viena. Cuentos y anécdotas en dialecto vizcaino". Etniker - Bizkaia aldizkaria, 9. zk, 1990, 187-204. 3 – "Las grabaciones en euskera de la fonoteca de Viena. II. Grabaciones en dialecto labortano". Anuario de Euskal Folklore, 36. zk., 1990, 59 - 64. 4 – "1913ko Vienako euskal grabaketak, III. erronkariera". IKER-6, 161-176. 5 – "Euskalkietan egindako lehenengo grabaketak". IKER-7, 607-618. 6 – "Euskalki guztien etno-testuak". Eskola Apunteak 17, Labayru ikastegia, Bilbo, 1991, 26-33, 38-39, 96-104, 138-140. 7 – "Las grabaciones de Viena en euskera. Dialectos Alto navarro septentrional y meridional". Mundaiz 45, 1993, 19-28. 8 – "Las grabaciones de Viena en euskera. Bajo navarro occidental y Bajo navarro oriental". Mundaiz 47, 1994, 45-76. 9 – "Vienako euskal grabaketak. Bizkaiera". Enseiucarrean 11, 1995, 93-114. 10 – "Vienako euskal grabaketak. Zuberera". Enseiucarrean 12, 1996, 177-199. 11 – "Las grabaciones de Viena en euskera. Dialecto guipuzcoano". Mundaiz 46, 1993, 25-50. 5. ETXEBARRIA, José Mª. Euskarazko grabaketak 1913-1917 Grabaciones en euskara. Erroteta argitaletxea. 2009. 6. Hona artikuluok : 1 – "El viaje del Doctor Trebitsch. Este investigador vienés recorre nuestro país enviado por la Academia Imperial de Ciencias de Viena". Julio Urkijo : Euskalerriaren Alde, 1913, III, 631-632. 2 – "Euskalerriaren Alde y el Archivo fonográfico y el Museo Etnológico de Viena. Cartas cruzadas con motivo del viaje de doctor Trebitsch al País Vasco". Gregorio Mugica : Euskalerriaren Alde, 1913, III, 682-683. 3 – "De lingüística y etnografías vascas. A propósito del viaje del Dr. Rodolfo Trebitsch". Julio Urkijo : RIEV, 1913, VII, 575-583. 4 – "Baskische Sprach- un Musikaufnahmen ausgefürht im Sommer, Wien, 1914". Gregorio Mugica : Euskalerriaren Alde, 1914, IV, 552. 7. Grabazio hauek jatorriz zilindro itxurako argizarizko euskarri batzuetan jasota zeuden, eta, Trebitschek egindako euskal hizkuntza-grabazioak bezala, Vienako Fonograma Artxiboan

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gordeta egon ziren hainbat urtez. Behinola, grabazio musikal haien kopia bat Berlinera bidali zuten, Berlingo Fonograma Artxibora hain zuzen. Urteak joan eta urteak etorri, Vienan zeuden jatorrizko zilindro edo grabazio haiek galdu omen ziren, eta pentsatzekoa da Berlingoa dugula jatorrizko zilindroen kopia bakarra. Guri kopia digitalizatua egin ziguten, CD batean bilduta ; jatorrizko zilindroen kopia Berlinen geratu zen. 8. Aipamen hau eta beste zilindroen oharretan agertzen direnak artikulu honetatik hartu eta euskaratu ditut : TREBITSCH, Rudolf. 34.Mitteilung der Phonogramm Archivs-Kommission der kaiserl. Akademie der Wissenschaften in Wien. Baskische Sprach und Musikaufnahmen. Anzeiger der philosophisch-historischen klasse der kaiserlichen Akademie der Wissenschaften in Wien, Vol XI, Viena, 1914. 9. Trebitschen dokumentazioan dagoen bezala transkribatu dut. 10. Trebitschen dokumentazioan dagoen bezala transkribatu dut. 11. Trebitschen dokumentazioan dagoen bezala transkribatu dut. 12. Trebitschen dokumentazioan dagoen bezala transkribatu dut. 13. Datu hau eta beste hainbat artikulu honetatik hartu ditut : TREBITSCH, Rudolf. 34.Mitteilung der Phonogramm Archivs-Kommission der kaiserl. Akademie der Wissenschaften in Wien. Baskische Sprach und Musikaufnahmen. Anzeiger der philosophisch-historischen klasse der kaiserlichen Akademie der Wissenschaften in Wien, Vol XI, Viena, 1914.

INDEX

Thèmes : linguistique, philologie Mots-clés : dialecte basque, enregistrement musical, Trebitsch Rudolf (1876-1918)

AUTEUR

INAXIO LÓPEZ DE ARANA ARRIETA

Euskal Filologian lizentziatua eta itzultzailea

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Correspondance basque à la fin du XVIe siècle (1595-1598) 20 lettres de renseignements sur la politique de Henri IV et la fin des guerres contre la Ligue Présentation, restitution en graphie basque moderne, traduction française et commentaire linguistique par

Jean-Baptiste Orpustan

NOTE DE L'AUTEUR

Texte original transcrit par J. M. Floristán Imizcoz et publié avec introduction et commentaires dans Fontes Linguæ Vasconum studia et documenta, año XXV n° 63, mayo- agosto 1993, p. 177-219 (1-43), Pamplona.

Introduction

1 Les faits qu’évoque la correspondance en basque citée en titre intéressent certes la politique et la guerre de l’Espagne catholique et des partisans de la Ligue française qu’elle a soutenue dans sa lutte avec Henri IV, roi de France protestant et héritier légitime du trône après Henri III assassiné par un moine en 1589. Mais leur sujet unique est constitué des événements militaires et politiques de France sur lesquels les auteurs tâchent d’informer le vice-roi de Navarre pour la première et Juan Velázquez gouverneur du Guipuscoa à Fontarabie pour les suivantes. La première, de 1595, est signée du seigneur de Luxe résidant à Tardets, bien qu’elle ait été écrite en réalité par « l’une de ses filles » comme le dit la note en espagnol du « licenciado Palacio » qui la reçoit à Ochagavia et en informe Thomas Calderón régent pour le vice-roi de Navarre

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en juin 1595. Toutes les autres sont de la dame d’Urtubie d’Urrugne en Labourd qui, en espionne patentée et discrète du parti espagnol, écrit ses lettres au gouverneur en peu plus tard dans les années 1597-1598. Pour ce qui est des informations données à l’Espagne sur les événements de France, elles mêlent les rumeurs, parfois fausses, avec les faits rééls. Il y a déjà plusieurs années que Henri IV s’est converti au catholicisme, et les dernières résistances armées tombent les unes après les autres devant les troupes royales.

2 Tous ces faits d’histoire générale et leurs implications régionales assez complexes sont présentés dans l’article de José Manuel Floristán Imizcoz avec une grande précision. Les textes basques y sont imprimés dans leur version originale pour ce qui est de la lettre et de l’orthographe, mais en séparant selon l’usage moderne les composants lexicaux de groupes liés dans le manuscrit et en ajoutant une ponctuation. Cinq des manuscrits sont reproduits en photographies. Les lettres sont suivies des commentaires en espagnol faits par les destinataires à la réception, puis de leur traduction en espagnol. Un nouveau commentaire accompagné d’un lexique (« Hiztegia ») basque-espagnol fut apporté à cette publication par José María Satrustegui sous le titre « Relectura de los textos vascos de espionaje del siglo XVI » (Fontes Linguæ Vasconum… Año XXV-numero 94, p. 443-475), reproduisant le manuscrit tel quel avec une nouvelle ponctuation par endroits, et des majuscules aux noms propres.

3 Sa longueur et son origine, qui n’est pas celle des clercs et des lettrés à qui l’on doit les textes antérieurs de Dechepare (1545), Lazarraga (1563), Leiçarrague (1571), Betolaza (font de cette correspondance un témoignage original et riche sur la pratique et les traits, y compris dialectaux, de la langue quotidienne d’un certain milieu aristocratique. Seuls les textes basques (les textes et les traductions en espagnol sont signalés par des points de suspension) ont été repris ici, transcrits en graphie basque moderne (mais sans aucune modification de la lettre du texte sauf des majuscules à quelques noms propres), ce qui en facilitera la lecture et la compréhension, suivis de leur traduction en français, avec quelques notes permettant de comprendre exactement la teneur du texte et éventuellement les références aux faits et aux personnages principaux.

4 Pour la graphie, des modifications ont été apportées sur quelques points à l’écriture du texte manuscrit reproduit dans les articles cités et les lettres photographiées, bien que, comme l’ont noté les commentateurs, il s’agisse d’une écriture très régulière et soignée, quoique rapide et formée par une main visiblement entraînée à l’écrit. Ces modifications ne consistent pas seulement à mettre les graphèmes utilisés en basque moderne (u pour ou, i pour y, parfois j pour g, x pour ch, k pour c ou qu), mais aussi à interpréter et régulariser quelques signes (consonnes sifflantes et vibrantes surtout) selon la phonétique réelle du basque d’après d’autres écrits de l’époque : ainsi tz a été mis pour z du manuscrit ; z pour c (toujours sans cédille) ou pour z, assez souvent aussi pour s ; ts parfois pour s ; rr double pour r simple dans de nombreux cas, et parfois l pour ll.

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1. Les textes

Lettre 1

5 Jauna erremerziatzen derauzut zegei zure merxediak hainberze kuidado baitu nizaz. Heben berri batzu ditugu, hamens niri partikularki adiskide batek egorri deraut errege Franziakuak eman duiela batalla duke de Umenaren eta espainolen kuntre, errege zauri dela eta mus de Anbila Franziako Kunestabliaren anaie baita hura hil ; haniz bi aldetarik, hamasei mila, baratu dira kampuan. Barbera Bordelera baita jin denian zure merxedia abisaturen dut, halaber suplicatzen nitzauzu auztore pareba (sic) nahi derautazun xerkatu neure duhurian. Charles de Lusse. Mus de Guisa eta Agaramundeko jauna hil dira hanitz berze prinzipalki, errege (sic) irabazi bataila. Baionara dira Bordeleko kunseillerak, urkagei dute hango tradizionian kunsentak, hanitz dela berzerik ere dioite. Letra haur eskiribatuz geroz enzun dut duk de Umena ere hil dela.

(…)

6 « Monsieur, je vous remercie de ce que votre grâce a tant de soin de moi. Nous avons ici quelques nouvelles, du moins un ami m’a fait savoir en particulier que le roi de France a fait une bataille contre le duc de Mayenne et les Espagnols, que le roi est blessé et Monsieur Damville qui est frère du Connétable (*), lui est mort ; beaucoup de gens des deux côtés, seize mille, sont restés sur le champ de bataille. Comme le barbier est à Bordeaux, quand il viendra j’en aviserai votre grâce ; de plus je vous supplie que vous vueilliez chercher pour moi deux autours (**), à mes frais. Charles de Luxe. » « Monsieur de Guise et le seigneur de Gramont sont morts avec beaucoup des principaux, le roi a gagné la bataille. Les conseillers de Bordeaux sont à Bayonne, ceux de là-bas qui ont consenti à la trahison sont promis à la potence ; on dit qu’il y a en aussi beaucoup d’autres. Depuis que cette lettre a été écrite j’ai entendu dire que le duc de Mayenne aussi est mort. »

7 (*) Les personnages cités sont : le duc de Mayenne de la maison de Lorraine (Guise), chef du parti catholique, le comte Henri de Damville premier duc de Montmorency depuis 1579 et connétable de France en 1593, le duc de Guise Charles de Lorraine, fils du duc de Guise assassiné à Blois sur l’ordre de Henri III en 1588, dont le frère le duc de Mayenne à la tête des troupes de la Ligue avec l’appui de l’Espagne, se rallia ensuite à Henri IV et vécut jusqu’en 1611. Les Gramont étaient du parti protestant et fidèles à Henri IV. (**) Les autours sont des oiseaux de proie pour la chasse.

Lettre 2

8 Jauna : eztut faltatu nai izan zure senoriari parte emaitere (sic) nere osasunaz eta etorraraz. Zure senoriaren karta emen batu zaita kontentu asko eman baitit, askotant (sic) el dadila nire (sic) merxede egitera. Parte unetako berriric nik gaztiga al detzakedana da errege jauna Amiansen setio dagoela eta jente asko digoala sokorrira, Paris eta Arouan tradizioz arzer dituela etsaiak, baina guztiak deskubritu direla eta jente asko presunero dagoela eta justizia egiten duela txait andiro. Inglesaz den

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bezenbatean emengo asmuak dire armada partitu zela. Parte unetako untzi bat oran etorri da eta esan didate eztela deus memoriorik Londresen esan den armada orrezaz. Ni izandu naizen parte artan ezta deus propositorik atsegin dartzunenekorik (sic), baizen Agramonteko jaunaren lotinenta Monsieur de Sansac egun guztiez uste due (*) kortetik. Berri segurorik orduan jakingo dugu eta eztut faltatuko zure senoriari parte emaitera, eta arte unetan agin biezat zertan zerbi al detzakedan.

(…)

9 « Monsieur, Je n’ai pas voulu manquer d’informer votre seigneurie de ma santé et de mon arrivée. J’ai trouvé ici la lettre de votre seigneurie, qui m’a donné beaucoup de satisfaction, souhaitant qu’elle vienne souvent me faire grâce. Ce que je peux lui annoncer des nouvelles d’ici est que le seigneur roi assiège (**) Amiens et que beaucoup de gens vont à son secours, que l’ennemi par trahison a failli prendre Paris et Rouen, mais que tout a été découvert et que beaucoup de gens restent prisonniers et qu’il en fait très grandement justice. Pour ce qui est de l’Anglais l’impression ici est que l’armée était partie. Un bateau de ce côté est arrivé aujourd’hui et l’on m’a dit qu’il n’y a aucune connaissance à Londres sur l’armée dont on a parlé. A l’endroit où je suis allé il n’est question de rien qui puisse vous faire plaisir, sinon qu’on attend tous les jours de la cour le lieutenant du seigneur de Gramont Monsieur de Sansac. Nous saurons alors des nouvelles sûres et je ne manquerait pas d’en faire part à votre seigneurie, et entre temps qu’elle m’ordonne en quoi je puis la servir. »

(…)

10 (*) Le verbe due est pour le pluriel dute « ils l’ont » au sens de l’indéfini « on l’a » comme en espagnol : de cette forme sans –t- qui n’est pas forcément ici un lapsus calami est issu au même sens le souletin die. (**) Le texte original erege jauna Amiansen setio dagoela peut se comprendre de deux façons : ou bien « que le seigneur roi est assiégé dans Amiens » ou bien, selon le choix fait aussi dans la traduction espagnole, conformément à l’histoire, « que le seigneur roi fait le siège d’Amiens ».

Lettre 3

11 Jauna : bart etorri ninzan nere anaia baten etxetik, non aurkitu baitut zure senoriaren kutun bat etxean. Sinestatzen dut ezin asko presuna badela xindurriaz harz egiten dakienik. Zer ere baita, marexalaren etorraraz eztut uste deus intenzio gaiztorik, xoil kondizioz mudatu ezpadire andiren batzeuek (sic) ; esperanza nuke zerbait sentimentu banukela non ezpaitut uste dela mudanzarik. Bart Baionan uste zuten faltarik gabe esan den marexala. Bazioiten ni uketu naizen parte artan Franzian trublazio andiak azitzen zirela. Ezta deus dinorik zure senoriari gaztiga al daitekenik eta ala fin emaiten diot gelditzen naizela beti bezala zerbitzari humblea.

(…)

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12 « Monsieur, J’arrivai hier soir de la maison d’un de mes frères quand j’ai trouvé à la maison une lettre de votre seigneurie. Je crois qu’il y a bien des personnes qui savent faire d’une fourmi un ours. Quoi qu’il en soit, au sujet de l’arrivée du maréchal (*) je ne pense pas qu’il y ait aucune mauvaise intention, si seulement quelques grands n’ont pas changé d’intention ; je serais dans l’espérance d’avoir quelque sentiment de ne pas croire qu’il y a du changement (**). On attendait sans faute hier soir à Bayonne le dit maréchal. On disait à l’endroit où je suis allé que de grands troubles se développaient en France. Il n’y a rien (d’autre) qui mérite que je puisse l’en informer et je termine ainsi, restant comme toujours son humble servante. »

13 (*) Le maréchal de Matignon, Lieutenant-général du roi en Guyenne. (**) Ce passage est bien contourné, quoique le sens soit assez clair : esparanza nucque zerbait sentimentu banuquella non ezpaitout ouste dela moudanzaric…

Lettre 4

14 Jauna : errezebitu dut zure senoriaren karta konserba ordenariokuekin batean, non eskuak apatzen baitizkitzut mila bider nizaz duen kuidaduaz. Nik eskribiteuz (sic) geroz emen dabilan berria da armadaren erdia juan dela Indietako flotaren bidera eta beste erdia Barzalonara juan dela. Besterik ezta dino denik gaztigatzera zure senoriari eta gleditzenaiz (sic) zerbitzari humblea.

(…)

15 « Monsieur, J’ai reçu votre lettre en même temps que les conserves (*) habituelles, et je vous baise mille fois les mains pour les attentions que (votre seigneurie) a pour moi. Depuis que je vous ai écrit la nouvelle qui court ici est que la moitié de l’armée (**) est allée au devant de la flotte des Indes et que l’autre moitié est allée à Barcelone. Il n’y a pas autre chose qui soit digne d’en informer votre seigneurie et je reste son humble servante. »

16 (*) Les « conserves habituelles » que reçoit du gouverneur la dame d’Urtubie doivent dédommager son service d’information. (**) Il s’agit de la flotte de guerre (« armada ») anglaise. La flotte (« flotaren ») des Indes ce sont les bateaux espagnols venant d’Amérique.

Lettre 5

17 Jauna : zure senoriaren kutuna errezebitu bezan sarri bidaldu dut jakitera berri parte unetako. Pataxa batzu etorri dire Erroxelatik : diote ezin Amians desegin duela partida bat eta barnekoak miserikordia eske daudela, baina zaldundeak eztiola erregeri permetitu nai miserikordiaz usatzera eta sarri orien usteaz angoa egingo dela, Kalesgua ere egia dela, guardak jarri direla barnerat deusik sar eztadin eta Amianskoa egin den bezain laster errege ara digoala. Nik presentean jakin al dudana aur da ; eta etorkizunaz asegura bedi zure senoria esana egonen naizela, eta adieu esaten diot, gelditzen naizela, beti bezala, zerbitzari humblea.

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(…)

18 « Monsieur, Sitôt la lettre de votre seigneurie reçue j’ai envoyé savoir des nouvelles de ce côté-ci. Des pataches sont arrivées de La Rochelle : il paraît qu’il (le roi) a détruit partiellement Amiens et que ceux de l’intérieur sont à demander miséricorde, mais que la noblesse (*) ne veut par permettre au roi d’user de miséricorde et que selon eux (ceux des pataches) il en sera bientôt fait d’eux, que le fait de Calais (**) aussi est vrai, qu’on a placé des gardes pour que rien n’entre à l’intérieur et que aussitôt l’action d’Amiens terminée le roi y va. Ce que moi j’ai appris pour le présent c’est ceci ; et pour l’avenir que votre seigneurie soit assurée que je me tiendrai comme il a été dit ; et je lui dis adieu, tandis que je reste comme toujours son humble servante. »

19 (*) Le mot du texte « zaldunderia » ne peut être traduit ni par le mot moderne « cavalerie » ni par l’ancien « chevalerie », quoiqu’il s’agisse de la « noblesse ». (**) La prise de Calais par les Espagnols.

Lettre 6

20 Jauna : bidaltzen diot zure senoriary bart errezibitu nuen karta bat. Beste berririk ezta orai konta al daitekenik eta alacoz fina emaiten diot, gelditzen naizela beti bezala zerbitzari humblea.

(…)

21 « Monsieur, J’expédie à votre seigneurie une lettre que je reçus hier soir. Il n’y a pas maintenant d’autre nouvelle qui se puisse dire et pour cela je termine, restant comme toujours son humble servante. »

Lettre 7

22 Jauna : juan den egun oietan berri bat etorri zen ezin gure errege il zela. Segurantza zure senoriari gaztigatzeko Akiza bildaldu nuen mensajer bat : esan dit eztela deusik alakorik, Amians artu dela aseguratutzat dadukela. Gobernadorea gaur, zoin baita igandea, uste due Baionara. Deus berririk baldin badaki, jakingo dugu eta nere eginbidearen egitera ezta faltarik izango ; eta bitartean mana naza bere zerbitzuan, ezin munduan denek eztu borondate obez obedituko nola nik egingo baitut, eta adio esaten dizu zure zerbitzari humbleak.

(…)

23 « Monsieur, Un de ces jours passés la nouvelle arriva que le roi était mort. Pour en informer votre seigneurie avec certitude j’expédiai un messager à Dax : il m’a dit qu’il n’y a rien de tel, qu’il tient pour certain qu’Amiens a été pris. Ce jour, qui est dimanche, on attend le gouverneur (*) à Bayonne. S’il sait quoi que ce soit de nouveau, nous l’apprendrons et je ne manquerai pas de faire mon devoir ; et en attendant que (votre seigneurie) me

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donne ordre pour son service, car personne qui soit au monde ne lui obéira comme je le ferai, et votre humble servante vous dit adieu. »

24 (*) Le gouverneur héréditaire de Bayonne est le seigneur de Gramont.

Lettre 8

25 Jauna : ezta izurririk eta ez beste gauzarik. Okasiorik presentatu baliz zure senoriari parte egin bear zenik, zerbait modu izanen ezpaitzen (sic) billetatxo bat parte orretarat pasatzeko. Bart ekarri didate berria ezin gure erregek eskribitu diola len president Bordelekoari orandik gosta bear zaiola Amiansen izaitea eta prinze kardinalek egiteko eman dezon beldur dela. Bidaltzen diot zure senoriari Oigallaren (sic) errepuesta izan dudana : asegura bedi, jauna, egin alik estaltzen eztuela karta bidaldu duenak ; eta esperanza unekin ezin sinestatua edukiren nauela, fina emanen diot, gelditzen naizela, beti bezala, zerbitzari humblea.

(…)

26 « Monsieur, Il n’y a pas de peste ni d’autre chose. S’il s’était présenté d’événement dont il fallait faire part à votre seigneurie, il y aurait eu (*) quelque moyen de passer un petit billet de ce côté-là (**). Hier soir on m’a apporté la nouvelle que notre roi a écrit au Premier président de Bordeaux que d’ores et déjà il va lui en coûter d’avoir été à Amiens et qu’il doit craindre que le prince-cardinal ne lui donne de quoi faire. J’expédie à votre seigneurie la réponse que j’ai eue d’Oigalla (***) ; que (votre seigneurie) soit assurée, monsieur, que celui qui a expédié la lettre autant qu’il le peut ne cache rien ; et dans l’espoir qu’elle me croira, je terminerai, restant comme toujours son humble servante. »

27 (*) Le texte dit « car il n’y aurait pas eu moyen », ce qui est contradictoire avec le contexte. (**) « Ce côté-là » c’est l’Espagne, comme « ce côté-ci » est la France. (***) Les commenteurs n’ont pas identifié le personnage de ce nom.

Lettre 9

28 Jauna : Nola deus mobimenturik ezpaita jaun oiekin artean, zure senoriak gaztigatu didan negozioaz eztut konturik eduki beraren senoriari gaztigatzera. Gobernadoreak du jendarma bat erregek emanik, eta egun digoa bere etxera aren adrezatzera eta mustrekin etgitera (sic). Orainokoaz den bezenbatean eztut deusik senti eta esparanza dut Baionako pokala azkenak unat pasatuko eztuela nik jakin gabe, eta ganerako egin bear denaz esparanza dut aseguratua dagoela, eztela faltarik izango. Pestelenzia orren kausaz andiro manatu du nere semea pausuetan guardia ifanteaz (sic : pour « ifinteaz »)) eta eman lizenzia aurkitzen duen guztien konfiskatzera. Jauna, gizon bat daduka nere semeak emen parte orretakoa eta ezin deskubri dezaket okasioa ; beti berekin derabil edo eduki kriado bat arequin. Presentean au da nik gaztiga al dezakedana zure senoriari, eta aseguranza unekin fin emanen diot, gelditzen naizela beti bezala zerbitzari humblea.

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(…)

29 « Monsieur, Comme il n’y a aucun mouvement entre ces messieurs, je n’ai pas eu l’attention d’informer votre seigneurie au sujet de la négociation dont elle m’a averti. Le gouverneur a un gendarme donné par le roi, et aujourd’hui il s’en va dans sa maison pour l’instuire et le faire avec les montres (*). Pour ce qui est arrivé jusqu’à présent je n’en ai aucune impression et j’espère que le dernier (**) ne passera par vers ici le boucau de Bayonne sans que je le sache, et j’espère que (votre seigneurie) est assurée de ce qu’il convient de faire pour le reste et qu’on n’y manquera pas. En raison de cette pestilence (***) il a hautement commandé à mon fils de monter la garde aux passages et lui a donné licence de confisquer tout ce qu’il trouve. Monsieur, mon fils a ici avec lui un homme de ce côté-là et je ne puis en découvrir la raison ; il l’emmène toujours avec lui ou bien il garde un domestique avec lui. Ceci est ce dont je puis informer présentement votre seigneurie, et avec cette assurance je termine, restant comme toujours votre humble servante. »

30 (*) Bien que le texte dise bien « un gendarme » il est probable qu’il s’agit d’une compagnie, que le gouverneur Gramont mène sans doute à son château de Bidache pour y faire les exercices militaires et les parades ou « montres ». (**) On peut supposer qu’il s’agit d’un bateau de guerre. (***) La « pestilence » désigne l’épidémie de peste qui sévissait à Saint-Sébastien en 1597.

Lettre 10

31 Jauna : pensa beza zure senoriak emen ziertotzat dadukaten berririk baizen gaztigatzen eztudala nik. Gaztigatu ditudan azken berriak Arroxelatik etorri ziren pataxetako jentiac esan zuten (sic). Nere adiskide ingles bat Baionan izanez tardatu dut anbat tenpora zerbait berri gaztigatzera. Egun zoin baita igandea gonbidatu ditut sei ingles berririk neon denean lasterrenik sentitzen duenetarik ; esan didata (sic) armadaz ezin partitu zirenian almirantaren unzia gutxi bat deskalabratu zizaiela eta tenpora gaitzak partida bat Finisterrako partidara egotzi zituela, baina gero biurturik almiranta zen lekura bela egin zuela ; guztiok elkarrekin norat eztakie eta daude berok ere espantaturik nolaz ezten berri segurorik ageri eta Amianskorik ere deusik ageri, pataxan ekarri zituzten berri ek baizen. Eztue emengo inglesek sinesturik Barzalonara juan direla. Don Antonio hor egotu zena erregeak preso artu duela esan didate. Seguro marexal Mousieur (sic) de Biron emen da, nabaski aditu du gobernadorea nola konpaitarzun batean juan den. Jauna deus berrik (sic) denean eztut faltarik eginen gastigatzera eta eduki naza beti bezala bere zerbitzari humblea.

(…)

32 « Monsieur, Que votre seigneurie pense bien que je ne l’informe ici que des nouvelles qu’on tient pour sûres. Les dernières nouvelles que j’ai données furent dites par les gens des pataches qui vinrent de La Rochelle. C’est parce qu’un de mes amis anglais se trouvait à Bayonne que j’ai tardé aussi longtemps à donner quelque nouvelle. Aujourd’hui qui est

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dimanche j’ai invité six Anglais qui, lorsqu’il y a quelque part des nouvelles, les sentent le plus vite ; ils m’ont dit au sujet de l’armée navale que, quand ils purent partir, le bateau de l’amiral (*) fut un peu maltraité, et que le mauvais temps en jeta une partie du côté du Finistère (**), mais qu’ensuite étant revenus à l’endroit où était l’amiral il firent voile ; tous ceux-ci ensemble ne savent par pour aller où et ils sont très étonnés qu’il ne paraisse pas de nouvelle sûre, et rien non plus d’Amiens, sauf les nouvelles qu’ils apportèrent dans la patache. Les Anglais qui sont ici ne croient pas qu’ils (***) allèrent à Barcelone. Ils m’ont dit que le roi a pris Don Antonio (****) qui resta là. Il est sûr que monsieur le maréchal de Biron (*****) est ici ; il a sans doute entendu dire comment le gouverneur est parti en compagnie. Monsieur, quand il y aura quoi que ce soit de nouveau, je ne manquerai d’en informer (votre seigneurie) et qu’elle me considère toujours comme son humble servante. »

33 (*) L’amiral de la flotte anglaise selon le contexte. (**) « Finnis terraco » dans le texte. (***) « Ils » désigne la flotte anglaise. (****) Ce nom serait celui d’un Anglais partisan de l’Espagne. (*****) Charles baron de Biron, partisan de Henri IV d’abord, amiral et maréchal de France en 1592, décapité pour conspiration en 1602.

Lettre 11

34 Jauna : egun zein baita oste eguna (*) etorri da gizon bat nere semeareki (sic) mintzatzera, non esan baitu egun duela ogeie (sic) eta iru egun Amianstik partitu dela. Dio ezin ogeie eta amabost mila gizon Amiansi doazela, ura unat partitzean zaudela asaut andi baten emaiteko. Geiago dio ezin Inglaterrako erregiak Calis (sic) asetiatu duela. Armadaren berririk ezta deusik eta ez besterik merexi duenik zure senoriari dino denik gaztigatzera. Nabaski aditu du gobernadorea biurtu dela Baionara, eta unenberzerekin gelditzenaiz, beti bezala zerbitzari humblea.

(…)

35 « Monsieur, Aujourd’hui qui est jeudi est arrivé un homme pour parler à mon fils (**), qui a dit qu’il est parti d’Amiens il y a aujourd’hui vingt et trois jours. Il dit que trente cinq mille hommes vont à Amiens, quand lui est parti pour venir ici qu’ils étaient sur le point de donner un grand assaut. Il dit de plus que le roi d’Angleterre a assiégé Calais (***). Il n’y a aucune nouvelle de l’armée navale et rien d’autre qui mérite d’être digne d’en informer votre seigneurie. Il a entendu dire que le gouverneur est sans doute retourné à Bayonne, et sur ce je m’arrête (étant) comme toujours son humble servante. »

36 (*) Le mot « osteguna » forme d’abord hispanique issue de « ortzeguna » pour « le jeudi » est décomposé dans le manuscrit, ce qui donne apparemment une fausse étymologie avec oste « derrière ». (**) Le fils de la dame d’Urtubie est dans l’armée royale. (***) Il faudrait « erreginak » (la reine), Elizabeth Ière qui règne jusqu’en 1603. L’Angleterre est alliée à Henri IV et Calais aux mains des Espagnols.

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Lettre 12

37 Jauna : bart zoin baikenduen aste artea (sic) gobernadoreak gaztigatu dio nere semeari digoala ara ; dio ezin abertimentu izan duela Espaniako armada parte unetarat urbiltzen dela ata (sic) jujatzen duela edo Baionara edo Arroxelara gainera (sic) eldu dela. Egun partitzeko zeguen aren amandrea korterat, semea ere bai, bide zati batean akonpainiatzeko. Eztakit orain zer egingo duten. Inglesaren berririk ezta deusik, Franziakorik ere ez kauturik, baina gobernadorea aseguratu omen due ezin erregek Amiansko gobernadore bere seme bastarta egin duela, eta amorantiaren aita lotinent eta anaia bi konpania entreteniturekin barnea (sic). Badioie ezin ala egin badu erregek egundaino izan den baino tribulazio andiagoa izanen dela Franzian, hanbat jaun prinzipal utzirik miserable ek egin batitu (sic). Orain parte onetan diren berriak oiek dira eta mana naza zertan zerbi al dezakeda (sic) zure senoria, ezin borondate osoarekin aurkituko nau efektuatzera. Eritarzun ori nai nuke baliz parte unetarik. Urrutian guardak ifeni ditue, oran berriz putuges (sic) batzuek unat zeren pasatu dire, eta adieu, zure zerbitzari humblea.

(…)

38 « Monsieur, Hier soir qui était mardi le gouverneur a informé mon fils qu’il devait aller là-bas (*) ; il dit qu’il n’a pu avoir d’avertissement que l’armée navale espagnole s’approche de ce côté-ci et qu’il juge qu’elle vient ou sur Bayonne ou sur La Rochelle. Aujourd’hui madame sa mère (**) était en partance pour la cour, le fils aussi, pour l’accompagner une partie du chemin. Je ne sais pour le présent ce qu’ils feront. Il n’y a aucune nouvelle des Anglais, de France non plus rien de certain, mais il paraît qu’on a assuré au gouverneur que le roi a fait son fils bâtard gouveneur d’Amiens, et le père de sa maîtresse et son frère à l’intérieur avec deux compagnies entretenues. On dit que si le roi a agi ainsi il y aura en France de plus grands troubles qu’il n’y en a jamais eu, s’il a nommé ces misérables après avoir écarté tant de seigneurs principaux. Telles sont les nouvelles qu’il y a pour le présent de ce côté-ci et que votre seigneurie me commande en quoi je puis la servir, car elle me trouvera prête à le faire de toute ma volonté. Je voudrais que cette maladie fût de ce côté-ci (***). On a mis des gardes de l’autre côté, parce que des Portugais sont passés de ce côté-ci, et adieu, votre humble servante.

39 (*) Sans doute à Amiens. (**) Diane d’Andoins ou « la belle Corisande » épouse de Philibert de Gramont gouverneur de Bayonne, père d’Antoine II le gouverneur dont parle la dame d’Urtubie, et maîtresse de Henri IV. Leur fils bâtard nommé gouverneur d’Amiens est César duc de Vendôme, à ne pas confondre avec le nom de « Vendôme » donné aussi bien après son accession au trône à Henri IV lui-même par les partisans de la Ligue catholique et des Espagnols (voir plus loin). (***) Par réaction, morale et politique, contre la nomination de ces familiers de Henri IV aux nouveaux postes, la dame d’Urtubie souhaite que la peste de Saint-Sébastien passe en France.

Lapurdum, 14 | 2010 134

Lettre 13

Jauna : zure senoriak barka biezat zeren ezpadut zure senoriaren kartak merexi duen bezala eranzuten, bataz zeren ez naizen kortesanoa, baizik montanesa, beztiaz naiz enpaxatu nere bi anaia et kusin bat ekustera etorririk. Zer ene baita, naiz zure senoriaren zerbitzari humble eta, otoi, artan eduki naza. Beldurrez oien etorraraz zerbait alarma falso eman dezoten zure senoriari, priezaz eman dut pleuma (sic) eskuan : nere ondraren gainean aseguratzen dut eztela oiekin artean beste pensamendurik baizin (sic) atsegin dartzunik. Adiskideak gaztigatu zidan deseatzen zenduela jakitera non zen gobernadorearen jendarma : nor bere etxetara erretiratu dire zituzten marabiriak despendaturik eta ura gelditu da ondra guzirekin. Lotsa ere banaiz, bana ezin nagoke zure senoriari esan gabe eta nolaz parte orretarat apresta al zaitekeien. Zure senoriari abertimentu eman zioten bezala aren armada zer zen esan diot klaroki(n) : mustrak egin ditu erregeri aditzera emaiteagatik egin duela mila gauza, eta paga eman bear zituen guztiak eduki ditu beretzat, mundu guztia farraz baitago arzatz. Gaur eldu da Baionara. Beste berri segurik eztugu presentean eta ala fina emaiten diot gelditzen naizela, beti bezala, zerbitzari humblea. Lehenbiziko ehizia zeren den, atrebitzen naiz zure senoriari ain present apeurraren (sic) bildatzera ; eta parkatu, oraingo faltak estalikoren ditugu, eta adieu.

(…)

40 « Monsieur, Que votre seigneurie me pardonne si je ne lui réponds pas comme votre lettre le mérite, d’une part parce que je ne suis pas de la cour, mais de la montagne, de l’autre parce que j’ai été empêchée deux de mes frères et un cousin étant venus me voir. Quoi qu’il en soit, je suis humble servante de votre seigneurie et, je l’en supplie, qu’elle me tienne pour telle. De peur que pour cause de leur arrivée on ne donne quelque fausse alarme à votre seigneurie, j’ai pris d’urgence la plume en main : je l’assure sur mon honneur qu’il n’y a pas entre eux d’opinion autre que celle qui puisse vous apporter du plaisir (*). (Votre) ami m’informa que vous désiriez savoir où était la compagnie de gendarmes du gouverneur : ils se sont retirés dans leurs maisons après avoir dépensé tous les maravédis qu’ils avaient et lui est resté avec tous les honneurs. Je suis aussi craintive, mais je ne puis m’empêcher de dire à votre seigneurie qu’il pourrait se préparer à venir de ce côté-là. Comme on l’en avertit, j’ai dit clairement à votre seigneurie ce qu’était son armée : il a fait les montres pour faire entendre au roi qu’il a fait mille choses, et toutes les paies qu’il devait donner il les a gardées pour lui-même, de sorte que tout le monde en rit aux éclats. Il vient ce soir à Bayonne. Nous n’avons pas d’autre nouvelle sûre présentement et ainsi je termine restant toujours son humble servante. Comme c’est la première chasse, j’ose envoyer à votre seigneurie un présent aussi modeste (**) ; et qu’elle me pardonne, nous amenderons (plus tard) les fautes présentes. »

41 (*) Ce qui veut dire que les frères et le cousin de la dame d’Urtubie ont les mêmes opinions favorables au parti catholique et à l’Espagne. (**) L’envoi de gibier au gouverneur est un échange de bons procédés (voir la lettre 4).

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Lettre 14

42 Jauna : parte orretako adiskideren batzeuek gaztigatu didaie (sic) ezin are are (sic) izan dutela gobernadorearen etorraraz alarma eta abiseu (sic) nabaski, zure (sic) senoriak ez gutxienik. Armada bortitzagorik etor ezpadadi aise lo egingo dugu. Inglaterratik orain bei (sic) unzi etorri dire, bata Baionara eta bestia emengua zen : oiek diotena da Plemura armada biurtu dela negu unetakotz. Pataxa bat Bordeletik etorri da juan den egun oietan, eta esan due ezin deuk (sic) de Merkurek asko ofrezimenteu (sic) egin diola erregeri eta esan diola Espainiako erregek dadukan partida bat bark (sic) libraturik emanen diola. Ustez Baionara etorri direnek zerbait berri obeto dakiten anbat tardatu dut gaztigatzera zertan zerbi al dezakedan zure senoria, eta ala suplikatzen nazago (sic) mana nazan puxanza duen bezala.

(…)

43 « Monsieur, Des amis de ce côté-ci m’ont prévenu qu’ils ont eu encore confusément des alarmes et des avertissements sur l’arrivée du gouverneur, et votre seigneurie pas le moins. S’il n’arrive pas d’armée plus violente nous dormirons aisément. Deux bateaux sont arrivés à présent d’Angleterre, l’un à Bayonne et l’autre était d’ici-même : ce qu’ils disent est que l’armée navale est retournée à Plymouth pour l’hiver. Une patache est venue de Bordeaux un de ces jours passés, et ils ont dit que le duc de Mercœur (*) a fait bien des avances au roi et qu’il lui a dit que le roi d’Espagne lui livrera une partie des barques qu’il tient (**). Pensant que ceux qui sont venus à Bayonne savent un peu mieux quelque nouvelle j’ai autant tardé à informer votre seigneurie de ce en quoi je peux la servir, et ainsi je la supplie qu’elle me donne ordre comme elle en a le pouvoir. »

44 (*) Philippe Emmanuel de Vaudémont, duc de Penthièvre et de Mercœur, gouverneur de Bretagne où il reçut des renforts espagnols envoyés par Philippe II, l’un des chefs principaux de la Ligue catholique, rallié en 1598 à Henri IV. (**) La formule exacte du texte « dadoucan partida bat barc libratouric » n’est pas bien claire.

Lettre 15

45 Jauna : korteko berri aditu dudan bezain laster eztut faltatu nai izan zure senoriari parte egitera. Lenbiziko berria da Gramonteko jaunak egiten dio korte Lorrenako andre alhargun baten alabari, hamaborz urthetakoari, eta ditu ehun milla eskutu eskuan dote. Laster ezkonduko dira, baldin erregeren maiestatearen Nantesen gaiñera joateak luzatzen ez baldin badu. Haren maiestatea Fontaneblera partitzera doha, eta handik Bloisa, eta gero baldin han Mercurarekin akordatzen ez baldin bada, Nantesen gaiñera doha. Ja partitu dira Paristik hamabi edo hamaborz pieza kanon Bloisko alderat. Conestable jauna eta marexal Biron Pikardian daude deusik han higi eztadin amoreagatik. Haren majestatea Bretanian egonen da. Bitartean eztaki nihork oraino Guienan nor izanen den lieutenant jeneral erregerentzat : marechal Bironek eztu nahi izan. Erregek bilha egorri du Alfonso Corso, baina badiote hark ere eztuela rezebitu nahi. Orai etorri diren berriak oiek dira, eta mana naza bere zerbitzuan.

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(…)

46 « Monsieur, Aussi vite que j’ai entendu des nouvelles de la cour je n’ai pas voulu manquer d’en faire part à votre seigneurie. La première nouvelle est que le seigneur de Gramont fait la cour à la fille d’une dame veuve (*) de Lorraine, qui a quinze ans, et elle a en main mille écus de dot. Ils se marieront rapidement, si le départ du roi pour Nantes ne prolonge pas le délai. Sa majesté est sur le point de partir à Blois, et ensuite, si là il ne s’accorde pas avec Mercœur, il va sur Nantes. Déjà douze ou quinze pièces de canon sont parties de Paris vers Blois. Le seigneur connétable et le maréchal (de) Biron restent en Picardie afin que rien ne bouge là-bas. Sa majesté restera en Bretagne. Entretemps personne ne sait encore qui sera lieutenant général pour le roi en Guyenne : le maréchal (de) Biron ne veut pas l’être. Le roi à envoyé chercher Alfonso Corso (**), mais on dit que lui non plus ne veut pas recevoir (cette charge). Les nouvelles qui sont arrivées maintenant sont celles-là, Monsieur, et que (votre seigneurie) me donne ordre pour son service. »

47 (*) « Antoine-Antonin » ou Antoine II de Gramont épouse en 1601 à Auch en premières noces Louise de Roquelaure qu’il fera condamner à mort et exécuter pour adultère en 1610. (**) Alfonso Corso, fils du colonel italien San Pietro Corso, d’origine corse comme l’indique le nom, élevé à la cour de Henri II, au service des rois de France (Charles IX, Henri III, Henri IV) avec une petite troupe de Corses, colonel et maréchal de France, lieutenant du roi en Guyenne, connu sous le nom de « maréchal d’Ornano », mort en 1610.

Lettre16

48 Jauna : egun goizean zoin baita astehartea (sic) errezebitu dut zeure senoriaren karta konserbekin batean. Nere osasunaz duen kuidadeaz eskuetan milla bider muñ (« moung ») egiten diot. Eztakit aditu duenz senoriak nola atzho (sic) Parisko konseler bat beste batzuekin Endaian izatu dir(en). Nere adiskide batzuek sartu ziren emen baina ez besteak. Bati galdegin diot zer den jaun oriokin (sic) etorrara pauseu (sic) unetara ; esan dit sekretu eduki dezadala eta esanen didala. Baietz egieki (sic) ofrezitu diot. Esan dit ezin errege jaunaren maiestateari aditzera eman diotela Ondarabiari xanala edeki dakidiola Fra(n)ziako partera gau batez zorziheun (sic) gizonez, eta erregek aren miratzera presiden (sic) gazte bat baita bata, ura bidaldu duela. Presentean ezta besterik ofrezitzen dino denik zure senoriari gaztigatzeko, eta ala fin emaiten diot gelditzen naizela, beti bezala, zerbitzari humblea.

(…)

49 « Monsieur, Ce matin qui est mardi j’ai reçu la lettre de votre seigneurie en même temps que les conserves. Pour l’attention qu’elle a de ma santé je lui baise mille fois les mains. Je ne sais si (votre) seigneurie a entendu dire comment hier un conseiller de Paris avec d’autres est allé à Hendaye. Des amis à moi entrèrent ici mais pas les autres (*). J’ai demandé à l’un ce qu’est (ce que signifie) l’arrivée de ces messieurs dans cette passe ; il m’a dit que j’en garde le secret et qu’il me le dira. Je lui ai proposé que je le garderai

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sincèrement. Il m’a dit que l’on a fait entendre à sa majesté le seigneur roi qu’il coupe le chenal de Fontarabie vers le côté de la France en une nuit avec huit cents hommes, et que, comme l’un est un jeune président (**), c’est lui que le roi à envoyé pour l’examiner. Pour le présent il n’y a pas d’autre chose qui s’offre et soit digne d’en informer votre seigneurie, et ainsi je termine restant, comme toujours, son humble servante. »

50 (*) Ces « autres » qui ne sont pas entrés à Urtubie peuvent être le conseiller envoyé de Paris et ses compagnons. (**) Il s’agit sûrement d’un « président » de Parlement.

Lettre 17

51 Jauna : zure senoriaren kutuna nuen errezebitu eta zerbait berri freskorik gaztigatu nahiz dut tardatu errepuesta egin gabe. Jauna emen izatu dena da legat bat zoina etorri baita elizek erregeri eman behar dioten diruaren errekobratzera. Bueltan etziren ementik pasatu, baina esan dit semeak erraz egin daitekela, erregeren majestateak nai badu, Endaiako partera, dioie. Zer moduz, nere fedea, nik eztakit. Franziako berririk nik ezin jakin dut zure senoriari gaztigatuz geroztik. Inklaterrako (sic) armadaz ere ezin deusik adi dirot. Bai atzo esan dit nere kopai ingles batek don Antonio, hor Ondarabian egondu zen ingles bati eta besteri ere askori erregiak buruak edekerazi dituela. Adiskideak gaztigatu baitik (sic : pour « baitit ») onzi batzuek Lapurdik emaiten diotzala erregeri, zierto len berry aditu dudana orreganik da : uste dut alakorik izandu baliz zerbait jakingo nuela. Zer e(re) baita, edukikoren dugu kontu jakitera, eta ez faltarik eginen deus ofrezitzen denean gaztigatzera. Gobernadoreaz den bezenbatean oraindik ez bide dago etorririk. Aseguratzen zitudala nere fidelitateaz fin emaiten diot presenteari

(…)

52 « Monsieur, Je reçus la lettre de votre seigneurie et c’est en voulant vous informer de quelque chose de nouveau que j’ai tardé à vous répondre. Le seigneur qui a été ici est un légat, qui est venu pour recouvrer l’argent que les églises doivent donner au roi. Dans leur tournée ils ne passèrent pas par ici, mais mon fils m’a dit que cela peut se faire facilement, si sa majesté le roi le veut, vers le côté de Hendaye, disent-ils. De quelle façon ? ma foi, je ne sais. Je n’ai pas pu apprendre de nouvelles de France depuis que j’ai informé votre seigneurie, de l’armée navale d’Angleterre non plus je ne puis rien entendre. Mais hier un compagnon anglais m’a dit qu’à don Antonio, un Anglais qui resta là à Fontarabie (*), et à beaucoup d’autres le roi a fait couper les têtes. Comme mon ami m’a averti que le Labourd donne des bateaux au roi, c’est assurément de lui que j’en ai entendu la première nouvelle : je crois que s’il y avait eu quelque chose de tel je l’aurais appris. Quoi qu’il en soit, je prendrai soin de l’apprendre et quand elle se présentera je ne manquerai pas d’en informer. Pour ce qui est du gouverneur il paraît que pour le moment il n’est pas arrivé. Vous assurant de ma fidélité je termine la présente (**) »

53 (*) Voir la lettre n° 10. (**) La dernière ligne a été perdue.

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Lettre 18

54 Jauna : adiskideak gaztigatu zidan unzien gainean ondo informatu naiz, baina ezta aireko gauzarik baizen. Hemen bere artean zuri bat jateko eztuenek kompartitzen dutena da, etzin (sic) erregeren majestateak gaztiga badeza dotzena bat unzi Lapurdik bidaldu behar lukeiela. Beste siustanziarik (sic) orandik ezta. Legataren partez gizon bat pasatu da parte horretarat eta argatik eztiot deus Franziako berri gaztigatzen. Inglesarenik ezin deusik adi dirot, eta zure zerbitzari humbleak adieu esaten dizu.

(…)

55 « Monsieur, Je me suis bien renseignée au sujet des bateaux dont mon ami m’avait informé, mais il n’y a que des choses en l’air. Ce que pensent ensemble ici ceux qui n’ont pas un « blanc » pour manger (*), c’est que si sa majesté le roi exige une douzaine de bateaux, le Labourd devrait les envoyer. Il n’y a rien d’autre de substantiel pour le moment. Un homme est passé de côté-là de la part du légat et c’est pour cela que je n’informe (votre seigneurie) de rien de nouveau en France. Pour ce qui est de l’Anglais, je n’y puis rien comprendre, et votre humble servante vous dit adieu. »

56 (*) Un « blanc » (en espagnol « blanca » au féminin) était le nom d’une pièce de monnaie en argent, compris ici comme « de peu de valeur ». L’expression, figurée, doit faire allusion au peu d’informations sûres disponibles sur place.

Lettre 19

57 Jauna : orai puntuan errezebitu dut presentarekin aurkituko duen karta hori, zoina baita ene kusin kapitene Meriteinek bildadua. Dio ezen erregeren majestateak eman diola kompania bat eta zenbait pika bildaltzeaz merxede dagiodala. Biarnokoa da eta nere abisua dezodan zure senoriari obligazio dudan bezala, senale gaztoa zaut orain Biarnon kompaniaren adrezatzia. Erregeren majestatoa (sic) Tourzen (sic) omen da. Inglaterrako armada (sic) marxuaren ondarreko bela eginen omen du, norakoz, eztakie, baina orotarat ere enbaxadak errege baitan (*) omen dire eta esparanza handitan dago mondu (sic) guztia pakea tratatzen dela, baina emen gainean diodan bezala, sino gaiztoa zaut Biarnon kompanien egitea. Presentean berzerik ofrezitzen ezta eta alakoz fin ematen diot gelditzen naizela, beti bezala, zerbitzari humblea. Kompania adrezatzen direnen geiena Mousieur de Pangas.

(…)

58 Monsieur, J’ai reçu à l’instant la lettre que (votre seigneurie) trouvera avec la présente, qui a été envoyée par mon cousin le capitaine (de) Méritein (**). Il dit que sa majesté le roi lui a donné une compagnie et qu’il me remercie de lui envoyer quelques piques (***) ; il est du Béarn, et pour en donner mon opinion à votre seigneurie comme j’en ai obligation, ce m’est un mauvais signal qu’une compagnie soit organisée maintenant en Béarn. Il paraît que sa majesté le roi est à Tours. Il paraît que la flotte anglaise fera voile pour la fin mars, pour où, on ne le sait pas ; mais quoi qu’il en soit il paraît aussi que les

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embassades sont chez le roi et tout le monde est en grand espoir que la paix se traite, mais comme je le dis ci-dessus, l’organisation d’une compagnie en Béarn m’est un mauvais signe. Pour le présent il ne s’offre pas autre chose et ainsi je termine restant, comme toujours, l’humble servante (de votre seigneurie). Le commandant des compagnies qu’on organise est Monsieur de Pangas (****). »

59 (*) L’expression « errege baitan » est traduite avec le sens que baita a pris en labourdin au XVIe siècle par « chez ». Le sens est peut-être plus précis, et proche encore de celui de la lettre navarraise de 1415 errege baitaric « du consentement du roi ». (**) Le seigneur de Méritein en Béarn avait plusieurs maisons fivatières de Soule selon le Censier. J.-M. Floristán Imízcoz cite (op. cit. p. 201-202) la formule en basque que ce cousin bascophone de la dame d’Urtubie ajoute en marge de la lettre qu’il lui écrit de Parentis-en-Born le 15 mars 1598 : ene emastia (sic) escuguibelletan pot eguiten derausçu bay eta nihaurec ere « ma femme vous fait un baiser au dos des mains et moi- même aussi. » (***) Les « piques » sont des armes de guerre. On en déduit assez clairement que la dame d’Urtubie joue le double jeu . (****) Ce M. de Pangas était un Béarnais luthérien.

Lettre 20

60 Jauna : orandik ezin gaztiga nitzakoie (sic) zure senoriari zer kantitate merkaduria denz, zeren orandik ezpaita adrezatu deusik behar den bezala. Paketa kompli dadinean behar den bezala, orduan eztut faltatuko abisatzera. Inglesen berririk ezin gaztiga niatzakoio (sic) zure senoriari, gaztigatu diodan baino berri freskoagorik zeren berok ere ezpaitakie. Hirur egun oietan emen dadutzat irur angles (sic) festeiatzen zerbait jakin nahiz, baina eztakie diodan bezala deusik. Egun guztiez daude begira unzien ; orduan jakingo dugu berri segurik. Arroxelatik gizon bat etorri omen da eta omen dio ezin erregeren majestateari et (sic) Nantes errendatu zaiola, eta duk de Merkura preso berekin ereman duela. Aur da presentean nik gaztiga hal (sic) dezakedan guztia eta adieu.

(…)

61 « Monsieur, Je ne puis encore informer votre seigneurie des quantités de marchandises qu’il y a, car on n’a encore rien organisé convenablement. Quand le paquet sera convenablement achevé, alors je ne manquerai pas de l’en aviser. Je ne puis donner à votre seigneurie de nouvelles de la part des Anglais, parce qu’il ne savent pas de nouvelles plus fraîches que celles dont je l’ai informée. Je tiens ici depuis trois jours trois Anglais à festoyer, en voulant savoir (d’eux) quelque chose, mais comme je le dis ils ne savent rien. On est tous les jours à guetter les bateaux ; alors (*) nous apprendrons des nouvelles sûres. Il paraît qu’un homme est arrivé de La Rochelle et il paraît qu’il dit que Nantes s’est rendue à sa majesté le roi, et qu’il a amené avec lui le duc de Mercœur prisonnier. Ceci est pour le présent tout ce dont je puis informer (votre seigneurie) et adieu. »

62 (*) C’est-à-dire quand les bateaux seront arrivés.

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2. Sur le basque de la dame d’Urtubie

63 Il ne s’agit en rien ici de l’orthographe et de l’écriture évoquées dans l’introduction, de peu d’intérêt pour apprécier les aspects principaux de la langue utilisée et de ses traits dialectaux. Mais qui était cette « dame d’Urtubie », que son correspondant le gouverneur général du Guipuscoa pour le roi d’Espagne Juan Velázquez résidant à Fontarabie, en faisant part à Madrid des informations reçues d’elle désigne souvent un peu cavalièrement par l’expression la de Ortubia « celle d’Urtubie » ? Les listes généalogiques de Garro qui sont au Musée Basque, établies sans doute après le mariage en 1570 de Jean seigneur de Garro de Mendionde avec Isabeau de Domezain veuve de Jean de Montréal d’Urtubie seigneur de Saut (de Hasparren) et de Miots (de Villefranque), disent que les maîtres de la maison noble d’Urtubie d’Urrugne étaient des Gamboa d’Alzate, famille navarro-guipuscoane du parti de Ferdinand le catholique, depuis le mariage de Marie dame d’Urtubie et veuve (elle aussi déjà) de Jean de Montréal en 1464 avec Rodrigue de Gamboa d’Alzate. Un siècle plus tard Jean de Gamboa d’Alzate seigneur d’Urtubie avait épousé en 1574 Aimée de Montréal. C’est très probablement notre « dame d’Urtubie ». Elle était la fille de Jean de Montréal seigneur de Saut et de Miots et de cette même Isabeau de Domezain, qui, devenue veuve, avait épousé en secondes noces Jean de Garro en 1570. Le « fils » dont elle parle dans ses lettres est Tristan d’Alzate gentilhomme ordinaire de la chambre de Henri IV, commandant des troupes royales en Labourd, qui épouse le 22 avril 1598 la Bordelaise Catherine de Montagne, ou Montaigne. C’est l’année où la dame d’Urtubie arrête sa correspondance et où Bertrand d’Etchauz est nommé évêque de Bayonne.

64 Il se peut, et c’est même probable, que cette généalogie navarro-guipuscoane et labourdine explique la teneur dialectale très mélangée, quoique à dominante ibérique et guipuscoane nette, de la langue épistolaire de la dame d’Urtubie en 1597-1598. Elle explique aussi sans doute pourquoi elle est manifestement favorable au parti de la Ligue catholique pro-espagnole, alors même que son fils Tristan est dans les troupes royales et gentilhomme ordinaire de la chambre du roi. Malgré ses critiques moralisantes des nominations royales et le souhait du même ordre de voir la peste de Saint-Sébastien passer en France (lettre 12), elle ne manque jamais de désigner Henri IV avec la déférence due au souverain légitime. Jamais on ne lit sous sa plume le nom de « Vendôme » (vandoma dans les textes) ni celui de « Béarnais » (bearnes) par lesquels les correspondants espagnols (cf. l’article cité de J.-M. Floristán Imízcoz, p. 184) s’efforçaient encore en 1598 de dénier à Henri IV ses titres légitimes de roi de Navarre (les rois d’Espagne étaient les usurpateurs depuis Ferdinand le catholique et la fin de la guerre de Navarre en 1530) et même de roi de France.

65 Graphie mise à part, les traits du basque du XVIe siècle qui se sont plus ou moins modifiés depuis lors, sont peu nombreux pour l’essentiel. C’est le cas de ezin pour introduire presque systématiquement les propositions complétives par « que » en français. Mais il y a aussi dans la lettre 19 la forme ezen toujours en usage pour introduire les coordonnées à sens causatif correspondant en français à « car ». Lazarraga (1563) en dialecte arabo-biscayen emploie eze, alors que Dechepare (1545) utilise dans le même sens la forme ezi et de même Oyhénart (1657). C’est là un exemple parmi beaucoup d’autres de l’extension analogique de la nasale finale dans les morphèmes grammaticaux en basque (de même bana à la lettre 11, nettement navarro- labourdin, mais aujourd’hui le plus souvent avec nasale analogique bainan), au risque,

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chez Urtubie, de créer l’ambiguïté, en général levée par le contexte, avec ezin au sens de « impossible, impossibilité ». La formule den bezenbatean équivalente de « pour ce qui est de » est assez courante, très employée aussi par exemple chez Leiçarrague (1571), et tenue aujourd’hui pour un archaïsme. L’emploi du sociatif pour le complément antéposé dans oiekin artean (9, 13) « entre ceux-là » a disparu au moins de la langue littéraire et commune au profit du plus logique génitif (hoien artean). A quelques détails près, la langue des lettres de la dame d’Urtubie, de même que celle de la lettre de Luxe dans un contexte dialectal différent de bas-navarrais mêlé de souletin, reste à peu de chose près parfaitement familière au lecteur actuel.

66 Les traits dialectaux dominants, en phonétique (dans la mesure, imparfaite, où l’écrit la restitue correctement), en morpho-syntaxe nominale et verbale, davantage peut-être en lexique, restent pourtant bien perceptibles, quoique partiellement et inégalement contradictoires, comme on le verra dans les exemples relevés au fil de la lecture. Ces traits opposent assez nettement, comme on peut s’y attendre, mais pas intégralement, la lettre de Luxe (1) à celles d’Urtubie (2 à 20). N.B. Les chiffres renvoient au numéro des lettres.

2.a. Phonétique

67 L’absence de l’aspiration, initiale ou interne, est très caractéristique des dialectes hispaniques depuis la fin du Moyen Age. A hainberze, halaber, hamasei, hamens (c’est un emprunt courant dans les dialectes aquitains pour « au moins »), hanitz, haur, heben, hil, duhurian de Luxe (1), répondent chez Urtubie, en particulier dans les démonstratifs en dérivation ou déclinaison : ain, ala (pour hala « ainsi » dérivé du démontstratif lointain hura), alakorik, amabost, anbat, angoa, ara, argatik, aren, artan, arzaz, au, aur, emen (dérivé du démontratif proche haur), ek, oiek, oietan, orien (les trois formes précédentes donnent deux variantes dialectales, labourdine et navarraise, déclinées du démonstratif intermédiaire hori), or, orreganik, orretako, unat, unetako (2, en concurrence avec 12 onetan), ura. Il en va de même hors démonstratifs, andiren (sur handi), arzer, azitzen (dérivé de hazi « semence » qui donne le composé extrêmement répandu azaro pour « novembre »), el, irur, obeto, obez … Les exemples d’absence d’aspiration interne abondent aussi : al (pour ahal), bear, biurturik, eginalik, geiago, len, lenbiziko, nai, neon…

68 Mais l’aspiration est présente, et semble-t-il de plus en plus à mesure qu’on avance dans la correspondance, avec une sorte de pivot constitué par la lettre 15 où on en lit une concentration étonnante, à côté de nai, lenbiziko, oiek, successivement alhargun, hamaborz, urthe, ehun, haren, doha, handik, han, hamabi, hamaborz, han, higi, haren, nihork, nahi, bilha, hark, nahi. Un seul mot a constamment l’aspiration dans toutes les lettres où il paraît, c’est l’emprunt français « humble » dans les formules de politesse (3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 16, 18). Les lettres 2 à 11 n’en comportent aucune autre, à l’exception de harz (« ours ») dans la formule proverbiale de la lettre 3. On en lit ensuite un exemple à la lettre 12 hanbat, deux à la lettre 13 lehenbiziko, ehizia, mais aucune à la lettre 14. Puis, après la lettre 15 qui a urthekoari (prononciation typiquement navarro- labourdine et souletine, bien que l’aspiration y soit purement analogique), trois exemples à la lettre 16 astehartea, atzho, zorziheun, tous parfaitement inhabituels et pour les deux derniers bizarres (comme le sont aussi des aspirations écrites dans les Refranes en biscayen publiés à Pampelune en 1596), trois encore dans la lettre 17 nahiz, behar, hor, deux dans les lettres 18 hemen, horretarat, 19 hori, handitan, et quatre dans le lettre

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20 behar, behar, hirur, hal (pour ahal). Au moins pour ce qui est de l’aspiration, l’écrit de la dame d’Urtubie se « labourdinise » donc, fortement dans la lettre 15, plus modérément par la suite.

69 Parmi les autres traits phonétiques dialectaux, on constante l’emploi très abondant de la séquence « nasale plus occlusive sourde » : alors que Luxe adapte intégralement le nom de Gramont 1 agaramundeko, Urtubie écrit 2 agramonteko ou 15 (sans aucune adaptation de la forme française) gramonteko. Ces séquences, comme attendu, sont à peu près constantes dans les emprunts romans, successivement de la lettre 2 à 19 : jente, sentimentu, mobimenturik, konturik, kontu, senti, sentitzen, abertimendu, amorantia, enpaxatu, abertimentu, ofrezimentu, puntuan ; rares dans les mots basques suffixés 17 ementik. Dans ces derniers la séquence à sonore est normale : 8 orandik, 10 emengo, 14 emengua, 15 handik, 17 oraindik, 18 orandik. En lexique d’emprunt, à côté des habituels 10 espantaturik, 13 enpaxatu, 20 kantitate, le vieux latinisme 12 borondate (< voluntate) est conservé en forme sans doute primitive, mais 13 pensamendurik fait figure d’exception sous la plume d’Urtubie. Après latérale dans 10 elkarrekin est une marque nettement hispanique, puisque la dame d’Urtubie n’utilise pas les formes proprement souletines (l’instrumental de démonstratif harzaz avec sifflante est une forme souletine, mais commune à Luxe et Urtubie comme elle l’était anciennement à Dechepare 1545, Oyhénart 1657 etc.).

70 Pas de sonorisation non plus après latérale dans 14 Bordeltik « de Bordeaux » (anciennement le suffixe s’ajoute directement à la consonne finale, de même dans Paristik : voir plus loin pour l’adlatif). Les initiales sourdes sont maintenues dans les emprunts 9 pokala, 13 parkatu, 17 kutuna, 19 pakea, toujours tenpora, alors que le navarro-labourdin les sonorise : bokala qui a fait « Bokale » pour « (Le) Boucau », barkatu, gutun, bake, denbora. Dans les emprunts latino-romans le groupe consonantique « muta cum liquida » (consonne occlusive suivie de liquide) tout à fait étranger au basque, comme il l’était aussi à l’ibère, est adapté (anaptyx) par Luxe (1 agaramundeko, eskiribatuz) mais non par Urtubie : 2 agramonteko, 4 eskribiteuz, 16 sekretu, comme dans le mot pris tel quel à l’espagnol ingles (2, 10, 17 : plus surprenant dans la même lettre Inklaterrako) ou au français dans la lettre 20 qui a angles et ingles.

71 La répartition des formes de orai « maintenant, sur l’heure » ne varie pas seulement, comme l’on s’y attend entre dialectes hispaniques et aquitains traditionnels, par la présence ou l’absence de la nasale finale analogique d’inessif qui peut être entendue parfois avec un sens réél d’inessif « en ce moment même » (cette nasale pourrait avoir été en relation avec le terminatif oraino « jusqu’à présent » :10 orainokoaz « pour ce qui est arrivé jusqu’à présent »), mais aussi par la présence ou non de la diphtongue : avec nasale sans diphtongue on a successivement 2, 12 oran (la forme est alors très proche du latin hora(m) qui est vraisemblablement l’étymon), 8, 18 orandik ; avec diphtongue et nasale 12, 19 orain, 17 oraindik ; sans nasale, à la mode proprement « aquitaine » et navarro-labourdine ici plus rare 6, 15 orai. Même chez Lazarraga (1563) qui a normalement orain, on trouve oraigaino à côté de oraingaino. La touche de navarro- guipuscoan apparaît aussi dans quelques palatalisations de nasale après voyelle palatale –i- transcrites à la mode romane 15 gaignera, 16 moung (pour muñ qui procède de muin plutôt que d’une palatalisation purement hypocoristique peu adaptée à cette correspondance), la marque palatale étant absente dans la lettre 9 ganerako.

72 L’emploi de bertze « autre » (dans la lettre de Luxe bainberze, berze) et de sa forme altérée beste déjà généralisée semble-t-il au XVIe siècle dans les dialectes hispaniques

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occidentaux (exemple de Lazarraga vers 1563) illustre une des principales variations ou hésitations dialectales en phonétique sous la plume de la dame d’Urtubie. On lit ainsi : 3, 16, 18 beste, 7, 11 besterik, 13 bestiaz, 14 bestia, mais aussi 11 unenbertzerekin, 19 bertzerik (l’affriquée comme telle n’est presque jamais notée au manuscrit). Même variation entre bor(t)z « cinq » et sa forme altérée selon le même procédé phonétique bost : 1 amabost « quinze », 15 hamaborz. Il est plus étonnant de voir Urtubie utiliser la suffixation restée seulement souletine en –arzun : 10 konpaitarzun, 12 eritarzun.

73 La fermeture vocalique dans les diphtongues entraînant monophtongaison s’est généralisée dans le parler et l’écrit qui l’imite, selon une habitude dont témoignent déjà des exemples médiévaux (1140 er(r)eguia pour erregea « le roi ») : avec –ea- > -ia- 1 (Luxe) merxediak, kunestablia, denian, tradizionian, 10 jentiak, zirenian, 13 bestiaz, 14 bestia, 17 erregiak, avec –oa- > -ua- 1 Franziakuak, kampuan, 4 ordenariokuekin, kuidaduaz, 4, 14 juan, 12 zeguen, 14 emengua. Chez Luxe 1 zegei, urkagei sont des souletinismes dans ces composés en emploi plus ou moins figuré du plus commun gai « matière (à) » (dans Lazarraga 1563 zegaiti).

2.b. Morphologie nominale et adverbiale

74 En déclinaison l’exemple de batzu « des, quelques-uns » pluriel morphologique de bat « un » illustre le caractère dialectal mêlé des lettres d’Urtubie : quoique le plus souvent le nominatif ou absolutif pluriel soit marqué par –ek comme le font les seuls dialectes hispaniques (sujet d’intransitif dans 3 mudatu ezpadire andiren batzeuek, 12 batzuek pasatu dire, 16 batzuek sartu ziren, objet de transitif dans 17 batzuek Lapurdik emaiten diotzala), il ne l’est pas à la manière des dialectes aquitains dans 5 batzu etorri dire. La construction typiquement hispanique de bat considéré comme vrai substantif et précédé du nom qu’il détermine au génitif apparaît une fois dans 14 adiskideren batzeuek. Le pluriel en – ok est encore une marque hispanique, avec ber « même » 10, 20 berok sujet intransitif (absolutif) et sujet de transitif (actif), et guzti « tout » (guzi dans les dialectes aquitains) dans 10 guztiok en sujet de transitif, mais 2 guztiak en absolutif objet. La distribution n’ayant pas de signification syntaxique claire, il s’agit uniquement de variantes dialectales.

75 Le mot errege « roi » reste indéterminé à la manière des noms « propres » en déclinaison selon l’usage ancien général dans 1 (Luxe) errege, et chez Urtubie dans 5, 8 (gure erregek « notre roi » à l’actif), 9,12,14 (Espainiako erregek), 13, 15, 16, 17 (erregeri au datif indéterminé), mais reçoit la marque de détermination trois fois : dans 10 erregeak (est-ce dû au contexte de la phrase ? Henri IV a fait emprisonner l’espion « don Antonio »), 17 erregiak (même remarque : il a fait « couper » des têtes), 11 Inglaterrako erregiak (les Anglais alliés des Français vont assiéger Calais pris par les Espagnols). Autrement dit, il se pourrait bien que la détermination des noms du roi (des rois) soit plus qu’une marque dialectale, une signature mentale et politique. Du reste l’expression erregeren majestatea (littéralement « la majesté du roi », avec génitif d’indéterminé ; dans 15 haren majestatea « sa majesté » avec déterminant non réfléchi en démonstratif comme il se doit)pour nommer Henri IV apparaît dans les dernières lettres : 18, 19, 20. La cause du roi d’Espagne est cette fois bien perdue en France, et, volontairement ou non, la langue de la dame d’Urtubie le laisse bien entendre.

76 La variation de caractère plus proprement dialectal touche d’autres faits de déclinaison. Ainsi l’adlatif en –a simple est utilisé dans les noms de lieux après

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consonne (il l’était encore en labourdin au XVIIIe siècle : Uztaritza) sans voyelle d’épenthèse (de même à l’élatif Paristik) : 7 Akiza, 15 Bloisa (de même au génitif locatif Bloisko et, sans assourdissement cette fois après sifflante, Kalesgua). Mais après voyelle la vibrante de liaison s’impose comme aujourd’hui, ainsi dans la lettre de Luxe avec Baionara, Bordelera comme Bordeleko, et finira pas se généraliser en navarro-labourdin. Urtubie écrit 7 Baionara, 12 Arroxelara gainera (avec double adlatif aujourd’hui inusité), et de même dans les noms communs, substantifs verbaux compris : egitera, sokorrira, mintzatzera, ekustera, jakitera… Dans les substantifs verbaux cet adlatif basque correspond selon le contexte aux prépositions françaises « à » (16 aditzera « à entendre ») ou « de » (1 parte emaitera « de faire part », 9 gastigatzera « d’informer »), et parfois à la préposition espagnole : el dadila merxede egitera « vienne me faire grâce » en français en construction directe aujourd’hui, mais dans l’équivalent espagnol avec une préposition « venga a hacerme merced », ce qui était possible aussi en ancien français. Les faits de dialectisme croisent ceux de l’histoire des langues. Urtubie utilise aussi l’adlatif avec occlusive finale –(r)at pratiquement généralisé aujourd’hui dans les dialectes aquitains au moins à l’oral : en forme contractée orale (réduction de hunarat plutôt que construction en –at) dans 11 unat, et « normale » dans 12 partitzeko (…) korterat, 15 partitu (…) Bloisko alderat, comme dans la même lettre 15 Nantesen gaiñera doha : ces deux exemples semblent montrer qu’il n’y a pas de différence sémantique sensible entre les deux formes, mais plutôt, parfois, des choix de catactère euphonique.

77 L’expression mila bider employée deux fois (4, 16), en formule de remerciement à l’égard de sa « seigneurie » au sens de « mille fois », se lit chez les auteurs biscayens, guipuscoans et navarrais, peu ailleurs, et est sans doute issue d’un adlatif de bide « chemin, voie, moyen »(on attendrait un instrumental bidez qui a pu s’altérer avec le temps ou par analogie), comme dans le verbe exprimant l’acte « presque accompli, qui a failli » (2 arzer dituela « qu’il a failli les prendre »). La lettre 10 (semeareki) donne exceptionnellement un sociatif sans nasale finale qui est un trait du souletin ancien et moderne, mais a été plus étendu (Dechepare 1545) avant le développement analogique des nasales finales (voir ci-dessus) ; ce n’est peut-être qu’un simple lapsus calami puisque la même lettre 11 contient la forme à nasale unenberzerekin.

78 Dans les déterminants possessifs (des personnels au génitif archaïque en –re) Luxe utilise neure (idem dans Lazarraga 1563, Axular 1643, Oyhénart 1657), à valeur d’intensif dans le contexte « mon propre » dans neure duhurian (il est raisonnable de penser que ces formes en –eure quoique anciennes, et par réduction ore dans le souletin du XVIIIe siècle, sont issues de formes pleines à démonstratif ni-haure(n) encore utilisées dans la langue courante), tandis qu’Urtubie a toujours nere 2, 9, 11, 12, 13 etc. Dans la lettre 2 nire est manifestement un lapsus calami pour le datif niri à moi ». Il est assez surprenant qu’elle ignore, ou écarte pour raison de déférence stylistique à l’égard de sa « seigneurie », la forme simple ancienne générale partout attestée ene (bas-navarrais 1545, arabo-biscayen 1563, labourdin 1570 etc.) et son datif eni. Lazarraga, qui a aussi comme Axular (1643 neroni au datif) la forme neronek (-onek est une réduction du démonstratif proche haurek) doublement intensive, absente chez Urtubie, utilise la forme intensive de 3ème personne, en emploi non réfléchi comme dans les dialectes aquitains modernes, euren « leur » : il est curieux de remarquer que « leur » étant issu du génitif latin illorum ce dernier est l’équivalent exact, morphologique et sémantique, du basque euren, moderne haien. Dans beaucoup de ces emplois de formes de possessifs dits « intensifs », il s’agit davantage et peut-être exclusivement, comme chez Urtubie, de niveau de langue et de style, comme dans le seul exemple de la lettre 16 zeure

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senorirari (ailleurs toujours l’ordinaire zure « votre »), plutôt que d’expressivité et d’intensité, sans exclure les réalités dialectales qui s’y mêlent (l’usage moderne a généralisé dans les dialectes hispaniques les formes nire, niri reconstruites par analogie sur la 2ème personne hire, hiri).

79 Dès les premiers textes basques longs du XVIe siècle l’interrogatif zein « quel ? lequel ? » s’emploie comme relatif en équivalent, et très probablement en calque roman ou peut-être déjà latin, dans les relatives explicatives ou détachées par « qui, que, quoi, lequel », bien que le basque ait des moyens propres d’exprimer la relative détachée Mais cet interrogatif ou relatif a subi en navarro-labourdin l’attraction du système interrogatif en –o- (nor ? non ? nola ?) pour aboutir à zoin, forme encore ignorée ou écartée par les textes littéraires classiques (1545, 1563, 1643, 1657), mais probablement en usage déjà dans la langue parlée. En effet Urtubie, qui n’ignore pas la forme régulière (11 egun zein baita « aujourd’hui, qui est »), lui préfère la forme analogique zoin 7, 10, 12, 16, 19, ou avec article pour « lequel » zoina 17, 19. Des calques semblables avec des interrogatifs basques sont employés en équivalent du pronom- adverbe « où » non 3, et pour introduire une proposition comparative par « comme » avec l’interrogatif de manière nola egingo baitut « comme je le ferai », sans variation dialectale (en dialecte moderne nun, nula).

80 La suffixation adverbiale par –ro et –to est propre aux dialectes hispaniques (chez Lazarraga 1563 galanto « galamment » etc.) ; ailleurs, sauf gero « après » qui a pu être le modèle, on n’a que les formes adverbiales générales en –la et –ki. La dame d’Urtubie utilise ces formes hispaniques : 2, 9 andiro, 18 ondo (ailleurs ongi ou ontsa), 17, 18 obeto.

2.c. Morphologie verbale

81 Les lettres de la dame d’Urtubie témoignent, sauf erreurs ponctuelles, d’une parfaite maîtrise de la morphologie verbale et de la conjugaison basques, avec quelques traits dialectaux pourtant bien perceptibles, dont le plus évident est la place occupée, comme en labourdin côtier moderne, par les participes perfectifs en –tu, héritage de l’influence latine sur le basque, non seulement comme partout dans les verbes d’emprunts (chez Luxe baratu, abisatu, xerkatu, eskiribatu) comme faltatu, partitu, deskubritu, mudatu, errezebitu etc., et nombre d’autres verbes (aurkitu, bidaldu, artu etc.), mais aussi dans des verbes qui ont normalement un perfectif basque différent. Ainsi avec izan « été, être », radical et participe perfectif comme dans tous les verbes basques anciens en – n,apparaissent des formes en –tu qui tendent peut-être à souligner l’aspect perfectif : 16, 17 izatu (izatu dena « qui a été »), mais aussi le suffixe s’ajoutant au radical complet 2, 17 izandu (en concurrence avec izatu dans la même lettre : izandu baliz « s’il avait été ») ; de même avec egon « rester, demeurer » 10 egotu (egotu zena « celui qui resta ») mais 17 egondu (egondu zena même sens) ; fait plus rare, on lit une fois ce participe avec uken « eu, avoir », mais employé au sens de « être, se trouver » 3 uketu naizen « où je me suis trouvé ». C’est la situation inversée d’un emploi très habituel surtout en labourdin de izan auxiliaire intransitif avec uken au sens de « avoir », dont Urtubie use couramment, ou bien avec les participes en –tu (voir ci-dessus), ou bien avec le radical-participe nu (8 izan dudana « que j’ai eu », 12, 14 izan duela « qu’il a eu »). Le participe imperfectif prend, au lieu de la forme courante (h)azten sur le radical (h)az et le nom verbal hazte « nourrir », une forme inhabituelle et analogique sur le participe perfectif (h)azi

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(substantivé au sens de « semence ») dans 3 azitzen zirela littéralement « qu’ils se nourrissaient » c’est-à-dire « qu’ils se préparaient ».

82 La dame d’Urtubie se sert, comme la langue courante devait encore le faire au XVIe sièce suivant l’exemple de tous les auteurs, de la conjugaison « volitive », ou en basque ancien « aoristique » ou « inaspective », avec le second auxiliaire et le radical verbal sans marque d’aspect. Ces formes exprimaient alors en particulier le passé simple ou « passé défini » ou « prétérit » du français et de l’espagnol (encore chez Oyhénart 1657 : sar ziten « elles entrèrent »). Luxe met le radical-participe avec le premier auxiliaire (1 jin denian) au lieu du second (jin dadinean) pour exprimer un futur « quand il viendra » et non comme d’habitude un accompli (« quand il est venu »). Urtubie ignore aussi le passé « aoristique » au profit du modèle qui a prévalu avec le premier auxilaire et le participe perfectif (3 etorri ninzan « j’arrivai » et non etor nendin). Mais elle donne quelques présents avec l’auxiliaire second accompagné du radical verbal sans marque ni valeur perfective, aujourd’hui tenus pour des formes un peu archaïques ou du moins rares et de style littéraire : 14 etor ezpadadi « s’il n’arrive pas », 18 gaztiga badeza « s’il informe (exige) », 20 kompli dadinean « quand il sera achevé » (forme plus habituelle que celle de Luxe jin denian). Au sens modal « volitif », seul emploi resté bien vivant en langue moderne, ces formes sont fréquentes : 2 gaztiga al detzakedana « ce dont je peux l’informer », 2 el dadila « qu’il arrive », 5 sar eztadin « qu’il n’entre pas », asegura bedi « qu’il s’assure », 7 mana naza « qu’il me commande », 8 eman dezon « qu’il le lui donne », 9 deskubri dezaket « je peux le découvrir », 10 pensa beza « qu’il pense », 15 barka biezat « qu’il me le pardonne » etc. Cette conjugaison seconde s’est pourtant altérée dans les dialectes hispaniques par l’abandon du radical verbal remplacé par le participe perfectif, ce qui se lit aussi sous la plume d’Urtubie : 16 eduki (et non eduk) dezadala « que je le tienne », edeki (et non edek) dakidiola « qu’on le lui coupe ».

83 Dans les autres formes conjuguées les faits sont principalement d’ordre phono- morphologique dans les verbes auxiliaires : • (i) à l’intransitif izan emploi du présent à diphtongue naiz « je suis » (dans la lettre navarraise de 1415, au lieu de niz en bas-navarrais 1545 et souletin 1657 etc.) de première personne ; à la troisième personne du pluriel dire, avec une exception dira à la lettre 15 (le tout hérité d’un très probable et logique *dizade) ; au datif 2 zaita est en concurrence avec zaut (deux fois dans la lettre 19) avec changement de la diphtongue par analogie au verbe transitif (quelques formes rares de ce changement sont déjà dans Dechepare 1545 et Oyhénart 1657) ; • (ii) très typique des dialectes ibériques, la forme à datif du radical transitif –au- (Luxe 1 derauzut, deraut) réduite à -i- est employée au présent (2 baitit, didate, 5, 9, 13 diot,7 dizu, 8 diola, 14 didaie 17 diotzala) comme au passé (18 zidan) ; la lettre 8 a un datif à l’intransitif de 3e personne écrit zagola (littéralement « qu’il lui est ») qui pourrait faire penser au datif typiquement navarro-souletin en –ko-, mais avec g pour i (yod) doit se lire zaiola (comme 12 bagonara pour Baionara) ; • (iii) les pluriels de 3ème personne de transitif au présent utilisent l’ancêtre de la forme aujourd’hui souletine (die issu de duie : pour l’épenthèse vocalique voir plus loin) sans dentale de liaison entre le radical du- et le sujet pluriel –e 2, 7, 12,14 etc. due : « ils l’ont » (et de même avec jakin « savoir, su » 10, 19, 20 eztakie « ils ne le savent pas »), au pluriel 12 ditue « ils les ont », 18 eztuenek « ceux qui ne l’ont pas » ; dans la même lettre 18 l’emploi de la forme à dentale de liaison au relatif dutena « qu’ils ont », et au complétif 14 dutela « qu’ils l’ont » évite la confusion avec les formes de singulier duena « qu’il a » et duela « qu’il l’a » ;

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• (iv) le développement dialectal d’un « yod » d’épenthèse (Dechepare 1545 nuyen pour nuen d’où sont issues les formes orales dialectales à réduction vocalique niin etc. : dans la lettre de Luxe duiela, dioite) donne des formes comme 3 bazioiten, 13 zaitekeien, 17 dioie, 18 lukeiela en labourdin moderne bazioten, zaitekeen, diote, lukeela ; le redoublement vocalique sans épenthèse dans les formes à suffixe potentiel se lit dans Lazarraga 1563 ninduqueela, Oyhénart 1657 eztukeena, mais avec épenthèse chez Dechepare 1545 eztuqueyela : tout en témoignant du « polymorphisme » bien connu mais souvent apparent de la langue basque, ces faits situent encore une fois la position à la fois dialectale et historique de la langue réelle et orale pratiquée par Urtubie dans son Labourd frontalier (comme Luxe entre Mixe et Soule). Plus bizarres ou maladroites sont apparemment les formes de la lettre 20 nitzakoie, niatzakoio du second auxiliaire transitif *ezan avec datif de troisième personne (« je le lui - à elle, à sa seigneurie - ai ») qui semblerait exprimé par –ko- comme en souletin et bas- navarrais, et redoublé par le –e (qui doit être un lapsus calami) ou le –o final après « yod » : elles résultent en fait de la place du suffixe potentiel –ke- avant le datif chez des écrivains anciens (Oyhénart 1657 dezakeio : on attendrait ici de même avec sujet de 1ère êrsonne nezakeio).

84 Dans leur écriture Luxe et Urtubie font, conformément à la structure phonétique orale et à toute la tradition écrite ancienne avant le XVIIIe siècle, la liaison au radical conjugué des préfixes verbaux assertifs et subordonnants avec toutes leurs conséquences phonétiques (les coupures « à la moderne » pratiquées dans la version imprimée de J.-M. Floristán Imízcoz, op. cit., soulignent la logique absolue du système ancien) : 1 baita, 2 eztut (eztout au manuscrit), baitit, eztela, 3 badela, ezpadire, 12 baikenduen etc. Le suffixe instrumental –z s’ajoute encore au suffixe relatif du verbe sans voyelle intermédiaire (16 duenz, 20 denz moderne duenez, denez).

85 S’agissant encore au sens général de verbe, l’absence de véritable infinitif en basque dont tient lieu un nom ou substantif verbal déterminable, déclinable et suffixable à volonté a conduit, sous le poids du modèle latino-roman dont l’infinitif admet les mêmes fonctions d’actants que le verbe conjugué, mais pas de complément déterminatif (complément dit « de nom » ou génitif) sauf pour les infinitifs dits substantivés (« au dire des Anciens »), à diverses modifications du système, variables dans le temps et l’espace, et donc dans les formes de dialectalisation du basque. Le complément déterminatif du nom verbal basque a dû obéir partout anciennement à la même règle que celui de tout substantif : le complément indéterminé est antéposé sans aucune marque de fonction, tandis que le complément déterminé singulier ou pluriel reçoit la marque du génitif (en style littéraire ou poétique des postpositions du complément au génitif ne sont pas rares). La différence de construction selon que le complément est indéterminé et déterminé n’eut sans doute aucune conséquence tant que le basque n’était confronté avec quelque intensité qu’à des langues du même type (ibère). Mais le poids de plus en plus contraignant du latin d’église et des langues romanes au cours du Moyen Age devait ouvrir la brèche et bousculer le système. On trouve encore des compléments déterminés au génitif du nom verbal dans quelques vieilles chansons biscayennes, mais l’alavo-biscayen que Lazarraga écrit vers 1563 les ignore déjà (berba oriek esaten, guri biziok edetera…). Dans les dialectes aquitains l’absence de génitif déterminé est très précoce mais exceptionnelle et peut être tenue pour une véritable licence poétique (1545, 1657). C’est seulement le XXe siècle sous l’influence des dialectes ibériques et de l’enseignement nouveau qui a développé le système latino- roman, en donnant au nom verbal basque le statut de l’infinitif latin chez les nouveaux

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locuteurs. Mais nombre de locuteurs anciens qui ont échappé à cette influence conservent intégralement la construction ancienne.

86 Ce bref historique permet de situer la pratique qu’en a la dame d’Urtubie à la fin du XVIe siècle, qui met encore le complément déterminé au génitif (7 eginbidearen egitera, 9 aren adrezatzera, guztien konfiskatzera, 13 present apeurraren bidaltzera, 16 aren miratzera, 17 diruaren errekobratzera, 19 kompaniaren adrezatzia, kompanien egitea) même avec l’intransitif (15 majestatearen (…) joateak). L’indéterminé reste juxtaposé sans marque : 5 jakitera berri (« savoir nouvelle » avec inversion de type roman), 7 segurantza (le –a final est organique roman et non déterminant basque) (…) gaztigatzera, 10 berri gaztigatzera, 17 kontu jakitera, 19 zenbait pika bidaltzeaz La question se complique avec bat « un », normalement indéterminé, mais qui offre, comme article, l’un des points d’ambiguïté inhérente à la structure : sans marque dans 8 billet bat (…) pasatzeko, mais au génitif 11 asau andi baten emaiteko.

2.d. Lexique

87 Le lexique général utilisé par le basque est constitué, à la différence de ce qui peut se nommer approximativement le lexique fondamental, par toutes sortes d’emprunts au latin et aux langues romanes voisines : le gascon, le castillan, le français. Aussi bien dans ce lexique d’emprunt que dans le lexique basque proprement dit, comme par certains traits de la phonétique et de la morphologie grammaticale, la langue des lettres d’Urtubie se caractérise par des marques incontestables d’influence hispanique, tout en restant, conformément peut-être aux origines et à la formation linguistique autant qu’à la position géographique frontalière de l’auteur, diversement et inégalement mêlée d’autres traits.

88 Il faut mettre évidemment à part d’abord les très nombreux emprunts latins aussi bien que romans communs à tout le domaine basque. Tels sont par exemple dans la lettre de Luxe, indépendamment des faits de phonétique dialectale : batalla, baratu, kampuan, barbera, xerkatu, abisatu, suplikatu, prinzipal, kunseiller, urka, tradizionia, eskiribatu, kunsenta. Mais elle doit spécifiquement au gascon béarnais voisin hamens « au moins », kuntre (ailleurs c’est l’étymon latin kontra « contre »), mus (réduction de « moussu » : « monsieur »). De l’étymon latin denariu (« denier, argent ») le souletin a fait duhuru dans la lettre de Luxe, en face du commun diru chez Urtubie 17. Luxe et Urtubie se rencontrent pour deux emprunts castillans : en formule de politesse et d’allégeance, 1, 2 merxede « grâce », et 1, 4, 6 kuidado (16 kuidade) « attention, soin » : l’emprunt employé par Oyhénart (1657) est koeinta, et le mot basque art(h)a.

89 Les emprunts directs au castillan avec parfois quelques adaptations phonétiques, et naturellement plus spécifiques aux dialectes basques hispaniques sinon parfois exclusifs, sont nombreux chez Urtubie, successivement et sans citer tous les mots répétés : senoria, kontentu (donné aussi comme labourdin), presunero, armada (non au sens général « armée » mais « flotte, armée navale »), proposito, seguro, mudanza, dino, errepuesta, asegura, mensajer, ingles, almiranta, deskalabratu, tribulazio, kortesano, falso, prieza, ondra (l’adjectif espagnol pour honor « honneur » est honrado « honoré » : il est difficile de supposer qu’Urtubie ne connaissait pas le latinisme ancien ohore), marabiri (adapté de l’espagnol maravedi : le nom de cette ancienne monnaie espagnole « maravédis » était d’usage en France au XVIe siècle), apresta, klaro, ofrezitu, ofrezitzen, ofrezimendu, puxanza (de pujanza : la chuintante castillane retenue par l’emprunt n’est

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passée à la « jota » qu’au XVIIe siècle), eskutu, buelta, zierto, errekobratzen, puntu, merkaduria, kompli, festeiatze (espagnol « festejar »). L’emprunt adrezatu plutôt que de l’espagnol adrizar au sens de « redresser » doit procéder du béarnais adressa au sens de « former ». Et on doit aussi quelques mots (outre ceux des emprunts généraux) directement au français : jendarma, enpaxatu, xanal, presiden.

90 La suffixation en –io par élimination de la nasale « à la gasconne » (administratiou, auditiou, inquisitiou etc.) dans les mots d’origine latine en –(t)ione est une marque assez typiquement guipuscoane (le navarro-labourdin d’Axular 1643 et le biscayen ont –iño, les autres dialectes aquitains ayant conservé au moins depuis le XVIe siècle la finale latine : 1545 debozione, defensione, exekuzione, punizione etc.), et systématique chez Urtubie : tradizio, intenzio, trublazio, okasio, tribulazio, obligazio. Le cas de memorio(ric) à la lettre 2 (lu memoria dans la version de J.-M. Satrustegui, op. cit.) relève d’une autre origine avec suffixation en –io analogique (bozkario, laudorio etc.) et courant encore en bas-navarrais (eztu memoriorik « il n’a pas de mémoire »).

91 En même temps que les traits de phonétique et morphologie indiqués ci-dessus, la langue d’Urtubie comporte aussi des éléments lexicaux non empruntés plus propres aux dialectes ibériques. On peut y inclure une suffixation lexicale (pour les formes adverbiales voir ci-dessus) comme –ara assez spécifique du domaine labourdin côtier et guipuscoan, dans etorrara « venue, arrivée » : il s’agit sans doute d’une composition avec le terme ara/era « manière » devenu simple suffixe avec changement sémantique, cette suffixation tendant à remplacer le nom verbal –tze dévolu au rang d’infinitif (voir ci-dessus), comme le fait la dame d’Urtubie qui ne met jamais et(h)ortze. Le diminutif – txo (écrit « à la castillane » dans 8 biletacho) avec chuintement affriqué relève du même domaine, quoique peu différencié phonétiquement du commun –tto.

92 Dans la série proprement lexicale on relève : guzti seul employé aussi dans le navarro- labourdin côtier d’Axular (1643), mais absent de Dechepare (1545) aussi bien que de Liçarrague (1571) et généralement des dialectes aquitains ; bart (dans les dialectes aquitains barda « hier soir ») ; le verbe esan « dire, dit » (Dechepare 1545, Liçarrague 1571, Axular 1643 ont toujours au même sens erran) ; 3 (t)xindurri avec affriquée initiale probable « à la castillane » (écrit chindouriaz) « fourmi » est la forme biscayenne et guipuscoane (ailleurs inhurri qui semble d’après la toponymie la forme étymologique, et xinh(a)urri) ; 12 amandre est selon Azkue navarrais, guipuscoan et biscayen mais au seul sens de « aïeule », alors qu’Urtubie le donne au sens très clair et littéral de « dame mère » (voir la lettre 12) ; ifini « placé » avec la spirante bilabiale tardive en basque (influence latino-romane) prend dans les dialectes aquitains la forme ibeni, iphini ; 13 eranzute (factitif de en(t)zun : littéralement « faire entendre ») « répondre » est présent dans les dialectes navarro-labourdins (1545, 1643) mais ils utilisaient surtout d’après les textes au même sens de « répondre » i(n)hardeste (1570, 1643, 1657) ignoré d’Urtubie ; farraz « en riant aux éclats » donné par Azkue comme haut-navarrais et guipuscoan l’est aussi par Lhande comme labourdin ; la prononciation de 17 erraz « facilement » quoique étendue au labourdin est surtout propre aujourd’hui aux dialectes hispaniques (ailleurs errex) mais ne l’était pas autrefois (1545, 1643).

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93 Sans aller jusqu’à une analyse plus exhaustive et détaillée, la configuration linguistique et dialectale de la correspondance basque de la dame d’Urtubie apparaît au lecteur

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actuel incontestablement mêlée, comme l’était certainement le basque de son temps et surtout de sa région, et sans doute plus ou moins différemment de ce qu’il est aujourd’hui. Bien des exemples montrent dans le même texte, la même pharse, des termes différemment marqués : parmi d’autres exemples, la lettre 13 met côte à côte le castillan kortesano « courtisan » et le gascon montanes « montagnard ». Une dominante de dégage pourtant avec netteté, peut-être plus perceptible au lecteur actuel familier de ce qu’on nomme approximativement le navarro-labourdin, pour ne rien dire du souletin. C’est qu’en phonétique (dans la mesure où l’on en juge à partir de l’écrit), en morphologie, en lexique, de nombreux traits relèvent du domaine des dialectes hispaniques.

94 Quelle en est la part qui revient à la formation linguistique de la dame d’Urtubie et à ses origines familiales, quelle à l’état du labourdin « côtier » de son temps en étroit rapport, malgré les hostilités politiques de longue date (elles n’ont pratiquement pas cessé depuis la guerre d’annexion de la Navarre de 1512-1530), avec le Guipuscoa et la Navarre occidentale, quelle encore peut-être due au désir, conscient ou non, de plaire à la personnalité de son correspondant du Guipuscoa, « sa seigneurie » le gouverneur de la province pour le roi d’Espagne, complaisamment salué par son « humble servante », il n’est pas aisé d’en décider avec précision. De plus, comme la dame d’Urtubie joue forcément, malgré son penchant quelque peu « ligueur » pour le parti espagnol, un double jeu avec un fils qui est lui dans le parti « légitimiste » de Henri IV et y tient un certain rang de responsabilité, ses lettres ne peuvent pas ne pas le refléter. Est-ce que d’ailleurs ses renseignements étaient d’une réelle utilité et ressentis comme tels ? Le principe même de l’espionnage est de « faire feu de tout bois », c’est-à-dire de ne rien négliger en matière d’informations sur l’adversaire ou l’ennemi. Mais elle a beau, dit- elle, (dans quelle mesure réelle ?) se dévouer pour s’informer, prêter l’oreille à tout ce qui vient de la cour, citer des événements publics que tous devaient connaître au moins en même temps qu’elle, se moquer de la vantardise et de la cupidité bien connues du « gouverneur » Gramont, pester (« souhaiter la peste » à la France en la circonstance) sur l’immoralité royale, le lecteur d’aujourd’hui ne peut pas ne pas ressentir la minceur de ses informations, tout comme devait la ressentir le gouverneur à l’égard des lettres de « celle d’Urtubie ».

95 Il n’est pas sûr qu’il ne ressentait pas non plus, comme peut le faire le lecteur actuel, le changement que révèle la nature même du texte : la « labourdinisation » de l’écrit, avec l’acmé que constitue en la matière la lettre 15, et « labourdinisation » signifie aussi pour une part, dans le contexte politique et idéologique du temps, « francisation ». Parallèle ou homologue à la phonétique et à la graphie, l’évolution des expressions nommant Henri IV, de « notre roi » à « sa majesté le roi », reflète le changement des esprits qui accompagne le succès ou l’insuccès militaire et politique. Bref, bien plus que le renseignement ou l’information qu’elles veulent apporter sur les événements publics ou privés (les fiançailles de Gramont), et même ce qu’elles apprennent directement des rapports entre l’informatrice et son correspondant (échange de cadeaux, déférence affectée), les lettres de la dame d’Urtubie révèlent l’ambiguïté de sa position mentale et, au fil des événements, les modifications qu’elle subit.

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INDEX

Thèmes : littérature, philologie Index chronologique : 16e siècle Mots-clés : basque (langue), correspondance, Henri IV (1553-1610), Sainte Ligue (1576-1593)

AUTEUR

JEAN-BAPTISTE ORPUSTAN

IKER (UMR 5478) & Université Michel de Montaigne – Bordeaux 3 [email protected]

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Compte rendu

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« Le Vascon première langue d’Europe » par Elisabeth Hamel, journaliste et Theo Vennemann, linguiste. Pour la Science , N° 299, septembre 2002, pages 24-28

Txomin Peillen

1 Le fait d’être universitaire n’empêche pas les erreurs linguistiques. Cette fois le linguiste ne va pas aussi loin que le professeur Harst de l’université de Strasbourg qui démontrait par une série d’acrobaties que le grec ancien et l’illyrien dérivaient du basque et que nous étions à la source des civilisations européennes. Que les Basques civilisèrent l’Europe cela se saurait. Le professeur Vennemann va presque aussi loin pour la préhistoire, mais pour expliquer des toponymes allemands il invente un axe sud-ouest nord-est des Vascons autrement dit des Basques depuis les Pyrénées jusqu’à la Germanie.

2 Prétendre que notre langue fut la première et fut le substrat d’autres langues indo- européennes, est un peu rapide. Nous ne savons pas ce que parlaient les Cro-Magnons, ni les néolithiques des Pyrénées et nous n’avons aucune certitude que nous descendons des Magdaléniens. Que, parmi les langues qui ont survécu aux invasions en Europe occidentale, elle soit la plus ancienne c’est probable. Qualifier notre euskara de langue des glaces est une supposition qui ne nous laisse pas froids. Langue des neiges, peut- être, car les auteurs ne le disent pas, en basque la terre « lur » semble avoir la même racine que « elur » neige.

3 Passons aux démonstrations de l’article, basées surtout sur les noms de fleuves,dont plusieurs centaines (?!) auraient été donnés par des Vascons ubiquistes, parlant basque. C’est ainsi que des hydronymes explicables par le gaulois, les langues germaniques, oule latin, sont attribués au basque.

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4 Il est étonnant qu’un linguiste n’ait pas compris que la partie la plus variable, la moins fiable d’une langue est son vocabulaire. Aussi est-il, encore plus dangereux de jongler avec les étymologies. Voir du basque là où il ne peut être et ne pas le voir où il se trouve est fréquent. A l’opposé de M. Vennemann qui voit du basque dans le monde gaulois et germanique nous avons connu un docteur Lemoyne, ce docteur en médecine et non en linguistique, qui, pour démontrer que la Gaule chevelue s’étendait jusqu’à la Bidassoa, tira par les cheveux ses étymologies et tenta d’expliquer des noms de lieux du Pays Basque nord par le gaulois. Ce médecin n’avait pas lu ce qu’écrivit César sur l’absence, presque totale, de Gaulois au sud de la Garonne, et l’existence de la Novempopulanie, des neufs peuples non-gaulois qui, furent administrativement séparés de la Gaule romaine impériale.

5 La démonstration toponymique du professeur allemand est accompagnée d’une carte des hydronymes européens de racines vasconnes, dans laquelle figure des racines non basques telles Al-Alm, Var-Ver, Sal- Salm. On peut se noyer dans ces centaines de noms de fleuves mêlés à des noms de lieux. Il reste un petit nombre de noms en ur- ou is- qui peuvent prétendre à une certaine vaconnitude. Mais pour cela l’auteur trouve nécessaire de joindre l’Allemagne au Pays Basque à travers la France et attribuer au basque Ivry et Evreux.

6 Les anciens Basques n’avaient pas divinisé les rivières qui se désignent par des noms génériques : Uhaitz Handi « grand torrent » Urumea « rivière infantile » Ibaizabal « large fleuve », ce que reconnaît l’article p. 24 mais il eut fallu ajouter que les Indo-européens leur donnèrent des noms propres, religieux et leur affectèrent des divinités (Liger, Sequana, Tiber etc…)

7 Le départ de tout cela ce sont les hypothèses autour d’une rivière yougoslave Ibar. Il faudrait se souvenir qu’aucune rivière du pays Basque ne s’appelle Ibar ; Ibar est « la vallée », mais de là à rattacher au basque tout terme comportant les consonnes « b » et « r » c’est bien risqué Eberach serait un pléonasme basco-germain : ibar+bach « ruisseau de ruisseau » j’en doute. Quant à ramener au basque aran »vallée » les hydronymes anglais, allemands et suédois, Arundel, Arendal (encore un pléonasme), Arnberg, Arnstern, Arensburg ? Aren ne signifierait-il rien dans les langues germaniques ?

8 Même Munich (dérivé de monasterium)est interprété par un vascon « mun» élévation, qui en fait est un munoa « colline»emprunté au latin (p.26).L’auteur dérivedans un bateau de linguistique-fiction avec un Ybbs allemand provenant d’un Ibisa(?) et du basque Ibaso. Hors Ibaso non attesté,ne signifieraitpas « fleuve» c’est la contraction de iz+ bide, ce qui signifie chemin de rivière, apparenté à ibi « gué». Ybbs est-il un gué etpar quelles règles phonétiques est –on passéde Ybbs à Ibaso?

9 Certes iz- est un radical basque qui signifie « eau » mais pas « eau courante » qui se dit ur, c’est le radical de izotz « gelée » izerdi « sueur » ihintz « rosée ». Page 27 tous les cours d’eau en is-eis- sont rattachés au basque, mais en basque aucun cours d’eau ne présente cette racine à l’initiale.

10 Passons à « ur « eau basque ou vascon terme qui sert à désigner les rivières, mais par quelle voie phonétique Auerbach allemand (« aue » n’est-ce pas la prairie en allemand, et « auer » en Autriche, en composé auerochs » bœuf de prairie »), l’Irwell anglais, l’Urwis polonais et bien d’autres viennent-il du basque ur ; des noms indo-européens ne

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pourraient-ils pas commencer par -ur ou par- dur- celtique, sans aller jusqu’au djour arménien ?

11 Que vient faire la racine abondamment attestée Var-Ver qui n’existe ni en basque ni en protobasque, pour expliquer des toponymes « vasconoïdes» Warne, Warmenau ou la Vère rivière de l’Aveyron. De même la racine Sal/Saal n’a jamais été vasconne et ne peut expliquer Sale et Selke en Allemagne. Quant à la racine Al- Alm elle n’est justifiée que par des exemples espagnols ou arabes et n’existe pas avec cette signification en euskara. Un ours ne trouverait pas ses petits dans ce massif du Hartz. Certes les auteurs pour ces deux dernières racines manifestent quelques réserves « Toutefois l’origine vasconne de ces éléments est hypothétique et ils ne possèdentnotamment pas d’équivalents dans la langue basque actuelle». J’ajouterais que l’on ne lui connaît pas d’équivalents, même dans le protobasque,que nous connaissons depuis le “II e siècle à partir d’inscriptions d’époque romaine. Alors, pourquoi, sans preuves, faire figurer par des points sur la carte ces noms pour renforcer une hypothèse fragile? A quoi sert toute cette accumulation d’eaux qui ne sont pas des fleuves tels Evreux, Ivry rattachés au basque Ibarrolaqui n’est pas non plus un fleuve?

12 L’intention des auteurs est bonne. L’indo-européen ne peut tout expliquer facilement en Europe, parce que, d’une part l’étymologie et l’usage populaires dénaturent énormément les toponymes et d’autre part parce que, avant les invasions indo- européennes, l’Europe était assez bien peuplée et ses habitants qui n’étaient pas muets parlaient des langues dont on sait peu de choses, le picte n’est pas déchiffré, le ligure mal connu, l’ibère à peine mieux et seul le basque a survécu à ces invasions. Certes, les langues pré-indo -européennes laissèrent des substrats aux langues modernes celtiques, germaniques, slaves. Mais pourquoi les langues disparues seraient-elles du basque?

13 Que l’on puisse expliquer et d’ailleurs sans peines ni contorsions, des toponymes d’Aquitaine c’est parce que le protobasque s’étendit jusqu’à la Garonne, c’est d’ailleurs ce que disent nos auteursp.28, pour le reste du territoire européen, quelle extrapolation!

14 Les étymologies précédentes tournent ensuite autour des éternels termes considérés par les latinomanes comme des emprunts que fit la langue basque et par les bascomanes traités d’emprunts du latin au basque, ce sont les mots , handi, gazi, mendi, landa.

15 L’on dérive l’allemand Käsefromage du basque gazi, or nous savons par les textes anciens que les pyrénéens ne faisaient pas de fromage jusqu’à l’arrivée des Romains, qui apprirent aux Basques à fairele caillé la caseinata , ce qui donna en euskarasous l’effet d’accents différents soit gazta, par la chute de la pénultième syllabe soit gazna par chute de la terminale. L’espagnol queso estplus près du Käse et tous les deux d’origine latine.

16 Landa, qui, localement, signifie prairie (alm, aue, en allemand) et non « pays » qui se dit herri, est un emprunt au gascon comme borda ; en effet les mots du fond basque ancien, à l’exception des termes de parenté terminés en –ba et de quelques suffixes d’origine latine, ne comptent pas de –a final, les mots en –a proviennent du latin ou des langues romanes.

17 La « coulée torrentielle » « mure »en allemand n’a pas d’origine basque (voir l’anglais moor), en euskara c’est ugar/uhar qui est la racine d’un tel terme. D’ailleurs l’initiale

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« m » trahirait en basque un emprunt roman, ou une variante d’un mot basque « autochtone » en « b », or bur- ne peut-être en basque que la tête buru. Comment un linguiste sérieux peut-il rattacher l’allemand Schenckel » cuisse » au basque izter ? L’allemand Haken est attribué au basque. Quel basque ? Gako/kako, lui aussi d’origine latine (voir Schuchardt) ?

18 Les auteurs parlent de l’accent sur la première syllabe qui serait vascon. Cela est récent et de plus en plus vrai ; jadis, il y avait au moins cinq sortes d’accents, variables ou fixes suivant les dialectes. Les textes à accent tonique marqué du XVIIIe siècle ne sont pas sur ce modèle dit vascon. C’est déjà bien d’admettre que le basque a un accent, car un philologue académicien mais non linguiste et sourd à ce phénomène, parce que son dialecte l’a perdu, nie l’existence d’accents en basque, dans le texte sur la langue du Dictionnaire Larousse Universel en 15 volumes. Toutefois, de nombreuses langues ont un accent sur la première syllabe, hongrois tchèque et même on peut l’entendre dans le français parlé moderne des radios et télévisions.

19 Nous sommes quand même surpris que des peuples hautement civilisés (Halstatt, La Tène) comme sont les Celtes aient attendu de rencontrer des pasteurs Vascons pour établir leur système de numération vigésimal, qui existe chez des peuplesdu monde entier qui n’ont pas eu de contactsentre eux. Certains ont pensé même à l’inverse que le hogei basque « vingt» ressemblait à l’ugent celtique ou uigenti latin. Ce qui semble vraisemblable c’est que les Basques comptèrent comme de très nombreux peuples dans le monde d’abord en base cinq, six « sei» est un emprunt indo-européen en basqueet comme de nombreuses langues les chiffres au delà de six ont été construits à rebours 10- 1 : bedera+atzi, bederatzi « neuf, 10-2 : zor+ atzi , zortzi « huit », 10 tout en dessous : zazpi « sept ».

20 La diffusion du basque en Afrique du Nord est peu probable, mais il se peut que par l’intermédiaire de l’ibère avec lequel le basque fût en contact, des influences chamito- sémitiques aientpu agirsur l’euskara. Rappeler le peuplement berbère de l’Andalousie, comme le font les auteurs,n’estpas une hypothèse c’est une réalité. Quant aux Berbères blonds aux yeux bleus cités dans l’article, nul besoin de Vascons pour expliquer cette origine, l’histoire nous raconte comment les Vandales germaniques s’établirent en Afrique du Nord. D’ailleurs bien des Berbères sont plutôt mulâtres ou noirs comme les Touaregs ou Targui; d’où le danger de confondre, races, langues et civilisations.

21 Les auteurs n’insistent pas sur une éventuelle influence de l’hébreu sur le basque, échod’une lointaine linguistique qui faisait dériver toutes les langues de l’hébreuà cause de la Bible et du mythe de Babel. Même si ce travail comporte quelques indications sures, nous ne pouvons suivre les auteurs dans leur trajet de linguistique- fiction. Certes il est excitant pour un linguiste de rechercher quelles langues parlaient les agriculteurs pré-indoeuropéens mais ne faut-il pas parfois reconnaître que nous n’avons pas assez d’éléments pour les décrire, tout au plus peut-on poétiquement les imaginer?

22 « L’épopée du génome basque ». Par Elisabeth Hamel et Peter Foster, généticien, in Pour la Science n° 299, septembre 2002, pp 30-33 La première illustration avec des jeunes pelotaris bien que folklorique nous change un peu de ces portraits de vieux basques dont le menton rejoint les lèvres faute de prothèse dentaire et de vieillards choisis le plus ridés possible pour démontrer l’ancienneté des Basques : ces dernières utilisations firent protester Jean Haritschelhar, président de notre Académie.

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23 Le sous-titre de l’article est impressionnant « les trois quarts des Européens descendraient des Basques préhistoriques » Heureusement qu’il est écrit au conditionnel. La découverte du génome humain est récente et il me semble très risqué de suivre un génome basque. La démonstration génétique de l’équation Européens = vascons est très prématurée. Cette génétique est d’autant plus gênante qu’elle fait remonter les Basques localement aux glaciations, il y a 20.000 ans or apparemment l’archéologie, pour le moment, ne date notre arrivée dans les Pyrénées que de 5 à 6.000 ans. Nous ne sommes pas totalement, ni peut-être nullement des descendants des Cro-Magnons. Les datations génétiques me semblent pour l’instant en contradiction avec les datations chimiques en effet dans cet article page 33 l’on date l’arrivée des Indiens aux Amériques il y’a 25.000 ans or les restes archéologiques de leurs civilisations remontent à 45.000 ans au Brésil. Ces conclusions à partir de deux éléments originaux d’ADN mitochondrial me semblent un peu hâtives. L’ARN mitochondrial est celui qui se conserve le mieux dans le squelette et particulièrement dans les dents, mais on sait qu’il ne peut être que d’origine maternelle. Il manque les informations que donneraient l’ADN nucléaire des chromosomes paternels.

24 Ce qui me gêne pour faire remonter les Vascons vers l’Allemagne c’est la confusion entre la diffusion de la civilisation franco-cantabrique qui aurait pu se faire sans migrations de populations ; d’ailleurs la carte (page 33) de cette migration vasconne = Cro_Magnon est la même que celle que donna le professeur Leroi-Gourhan pour la civilisation franco-cantabrique. Nous avons, pourtant, sous nos yeux des exemples d’adoption de civilisations sans migration étrangère, c’est le cas de la Chine matériellement occidentalisée mais culturellement et physiquement identique.

25 La seule chose que la génétique, associée à l’archéologie, peut affirmer c’est qu’il est probable que les envahisseurs indo-européens (I.E.) n’ont apporté que 25 % des gênes de la population actuelle, car lorsque ces orientaux arrivèrent, l’Europe occidentale était bien peuplée d’agriculteurs. Le mouvement amorcé par les Indo-européens il y a 4.000 ans fut un succès dû à leur supériorité matérielle et non numérique ; Souvent même en Gaule les Celtes ne constituèrent que les deux ordres supérieurs de la noblesse et du clergé, mais en 400 ans ils celtisèrent les 2/3 du territoire actuel de la France, que les Romains, sans peuplement important, romanisèrent dans le même temps.

26 Pour nous démontrer la vasconnitude du peuplement européen on nous parle d’un ADN mitochondrial vascon que l’on retrouverait en quantité décroissante du Pays Basque vers l’Allemagne (p.32) Qu’adviendra t-il si l’on trouve le même ADN en Australie, en Papouasie ou dans la Cordillère des Andes ? De même que pour la fréquence du groupe sanguin O ou du facteur Rhésus négatif, on a pu la constater ailleurs dans le monde, dans des isolats, là où les Vascons n’ont jamais mis les pieds. L’hypothèse vraisemblable est celle d’une meilleure conservation de mutations d’ADN pré-V ou post-V dans des populations d’isolats ethniques, Basques, Berbères, Ecossais, Indiens d’Amazonie, Mayas, ou autres.

27 A la lecture de ces deux articles nous dirions volontiers que si tous les Européen ne sont pas des Basques ou Vascons, tous les Basques, par contre, sont encore européens. Toutefois, il faudrait définir ce qu’est un basque : euskaldun celui qui parle la langue ? Entre la génétique un peu hâtive du second article et le caravansérail linguistique du premier il faudrait rappeler qu’il n y a pas de mystère basque, qu’il faudrait éviter les deux écueils d’une bascophobie agressive ou d’une bascophilie exaltée. La seule réalité protohistorique est l’existence, pendant quelques millénaires d’une civilisation nord et

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sud pyrénéenne entre la Garonne et l’Ebre et, à une certaine époque, une parenté des langues des peuples de cette civilisation, au-delà c’est la jungle des hypothèses.

28 Nous répéterons encore qu’il ne faut pas confondre langue et peuplement, mais aussi que des convergences n’impliquent pas une parenté ou un échange quelconque de vocabulaire. L’essentiel d’une langue est sa grammaire et là aussi soyons prudents : les cerveaux humains et leurs réseaux neuronaux sont sur le même modèle. Les différences ou les convergences de langue proviennent du choix d’un système linguistique. Ainsi les langues monosyllabiques, sans contact les unes avec les autres, (chinois, langues africaines) limitées dans la production de mots, utilisent le même système des tons qui permettent de donner à la même syllabe des significations variées. Par contre des langues agglutinantes comme le basque, le finnois, le hongrois, le turc, le japonais ou le coréen, ayant choisi la même modèle linguistique ont trouvé parfois les mêmes solutions grammaticales.

29 Ce qui est dangereux dans les études étymologiques de vocabulaires c’est de comparer des formes anciennes et actuelles, des toponymes déformés par l’usage des habitants des localités (Idiazabal en basque devenu Izal) Lorsque l’écriture fixa les toponymes ils étaient souvent dénaturés. Nous ne voyons pas pourquoi l’allemand Ybbs serait Ibaso, Auer Ur ou Ivry Ibar. Produit d’un enthousiasme un peu rapide les deux articles apportent quelques données exactes que nous avons signalées, mais se lancent sur la piste glissante des étymologies, piste qui mène ces audacieux sportifs jusqu’à l’arrivée en linguistique-fiction.

30 Quant aux conclusions de l’étude génétique elles me paraissent très prématurée et le « suivez-moi génome » à la mode, pas très sérieux ; il faudra bien résoudre les contradictions fréquentes entre la génétique des populations préhistoriques, et des données de datations des civilisations. Les mutations mitochondriales ne peuvent être qualifiées de vasconnes tant que l’on n’aura pas démontré quelles ne se sont produites dans d’autres isolats génétiques dispersés sur tous les continents. C’est aussi la prudente opinion du Docteur Baudouaire, hématologue de l’Hôpital de Bayonne.

31 La voie est ouverte pour des études qui au cours du siècle apporteront quelques lumières sur les Basques, sans donner une clef, une solution définitive que de nombreux chercheurs étrangers bascomanes ont cru trouver dans le monde entier.

INDEX

Thèmes : linguistique Mots-clés : basque (langue), génétique, origine de la langue

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AUTEUR

TXOMIN PEILLEN

IKER (UMR 5478) & UPPA [email protected]

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