Proposition Pour Une Clé D'identification Des Variétés De
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Colloques du Groupement des Anthropologistes de Langue Française (GALF) Proposition pour une clé d’identification des variétés de manioc chez différents groupes culturels en Guyane française A data record for describe the cassava varieties in a diversity of human cultural groups in French Guiana Sandrine Manusset E-mail: [email protected] Mots-clés: manioc, agro-biodiversité, classification locale, description morphologique, clé d’identification, Guyane française Key-words: cassava, varietal diversity, local classification, data record, French Guiana Résumé Cet article s’inscrit dans le développement des stratégies de conservation in situ de la biodiversité, dans le cadre duquel il convient simultanément de comprendre les dynamiques sociales (et biologiques) responsables de l’origine et du maintien de la diversité des ressources génétiques et d’élaborer des outils et des méthodes pour appuyer la mise en place et le suivi de programmes de gestion et de valorisation de la biodiversité. S’appuyant sur une connaissance approfondie de la pratique agricole de l’abattis (Manusset, 2004a, b et c) au sein delaquelle la question de l’agro-biodiversité du manioc, Manihot esculenta, s’intègre en Guyane, la présentation de l’étude du cas guyanais répond à ce courant de recherche en trois points. A partir des résultats de plusieurs inventaires des variétés de manioc, réalisés chez différents groupes culturels, une évaluation du niveau de la diversité variétale de cette plante cultivée est présentée en s’appuyant sur deux indicateurs: le nombre total de variétés recensées par groupe culturel ou par région (N) et le nombre moyen de variétés recensées par exploitant (NE). Ensuite, la pratique sociale de gestion de la diversité est abordée à travers la description minutieuse des processus locaux de dénomination et de sélection des variétés. Enfin, construite à partir de la description morphologique qui caractérise les classifications locales, une Clé d’Identification des variétés de manioc est proposé à la fois comme un outil de collecte et d’analyse des savoirs locaux et des modes de gestion dynamique de l’agro-biodiversité de manioc par les populations locales. Manusset, S., 2006, Proposition pour une clé d’identification des variétés de manioc chez différents groupes culturels en Guyane française. Antropo, 11, 61-73. www.didac.ehu.es/antropo Manusset, S., 2006. Antropo, 11, 61-73. www.didac.ehu.es/antropo Abstract This article is a contribution to the development of in situ strategies for the conservation of plant genetic resources. These strategies must combine study of the social (and biological) dynamics responsible for the origin and maintenance of diversity, and elaboration of the tools and methods required to establish programmes for managing biodiversity and monitoring their impact. The article draws from results of detailed studies of the local form of slash and burn agriculture, the «abattis» (Manusset, 2004a, b et c), integral to any consideration of cassava biodiversity in French Guiana. This case study contributes to research in the area in three ways. First, from the results of many inventories of cassava varieties, conducted in a diversity of human cultural groups, I present a quantitative and qualitative analysis of the varietal diversity of cassava, emphasizing two indicators: the total number of varieties inventoried in each region and in each human group (N) and the average number of varieties grown by each farmer (NE). Secondly, I analyze the practices by which diversity is managed through a meticulous description of processes in the identification and naming of cassava varieties in each group, and of the social dynamics implied in the selection of varieties. The third part of this article presents the data record for describe the cassava varieties. Introduction En Guyane française, une relation quasi systématique peut être établie entre le manioc et l’abattis désignant en créole – registre linguistique véhiculaire dans ce département français d’outre-mer - la forme locale d’agriculture itinérante sur brûlis. Principale mise en valeur du territoire guyanais marqué par l’omniprésence de la forêt tropicale, la pratique agricole de l’abattis est le dénominateur commun des différents groupes culturels qui composent la société rurale: les Amérindiens Wayana, Wayampi, Emérillons, Kalina et Palikur, les Créoles, les Noirs Marrons Aluku et N’Djuka, les Haïtiens et les Brésiliens. Cette multiculturalité de la population des exploitants assoit à la fois la pérennité et la diversité de cette pratique agricole (Manusset, 2004a). Dans les parcelles de 0,5 (et moins) à 1,5 hectares en moyenne, le manioc est la plante qui domine largement la surface cultivée. La culture du manioc répond à la production des tubercules qui constituent l’alimentation de base des Guyanais, selon des habitudes alimentaires propres à chaque groupe. Les tubercules sont consommés bouillis pour les variétés dites «douces» et préparés selon un processus complexe de détoxification pour les variétés dites «amères» sous la forme de nombreux produits dérivés dont les plus communs sont la farine de manioc, couac blanc, couac jaune, les galettes de manioc, cassave épaisses, cassave fines, la bière de manioc, cachiri blanc, cachiri bouilli, cachiri moisi, et comme condiment pour accompagner les viandes et les poissons, tucupi ou cuabio (liste non exhaustive). L’objectif premier de cet article est d’aborder la question de l’agro-biodiversité du manioc chez différents groupes culturels pour proposer un angle d'étude à l'échelle de la Guyane qui s'appuie sur les pratiques locales de gestion de l’agro-biodiversité du manioc. Ce qui soulève le principal problème de la relation qui peut exister entre un nom local d’une variété de manioc et sa réelle signification sur le plan de la génétique sachant que lors de l’échange d’une variété d’un exploitant à l’autre et qui plus est d’un groupe culturel à l’autre, la probabilité du changement de nomination est très élevé et surtout aléatoire. Autrement dit, face à deux appellations, il convient de s’interroger s’il s’agit d’une différence «de nature», c’est-à-dire que les boutures désignées correspondent bien à des génotypes différents ou bien d’une différence «de culture», c’est-à-dire que les boutures sont nommées différemment bien qu’étant issues de génotypes identiques. Ce qui conduit à poser l’hypothèse de départ. Commun à l’ensemble des classifications locales, cet important phénomène de synonymie se reflèterait par la redondance des appellations de manioc d’un groupe culturel à l’autre, voire d’un cultivateur à l’autre, par rapport à un pôle génétique de base qui apparaîtrait accessible à partir d’un procédé local de classification des maniocs, ce dernier pouvant être rapporté à une description morphologique des variétés et ce d’une façon relativement constante d’un cultivateur 62 Manusset, S., 2006. Antropo, 11, 61-73. www.didac.ehu.es/antropo à l’autre (Ouhoud-Renoux, 2000). Ainsi, l’objectif final serait de définir un pool de variétés «culturelles» correspondant à un nombre (plus limité ?) de variétés «naturelles» dans lequel chaque exploitant viendrait puiser au gré de ses besoins et de ses envies. Ce cortège de variétés de manioc se serait constitué au fil du temps et des échanges d’un groupe culturel à l’autre, d’une région à l’autre. Aujourd’hui, nous souhaitons présenter les prémices de cette réflexion en trois points: la présentation des procédés de nomination et les logiques de sélection des variétés par les exploitants; un premier état des lieux de la diversité infraspécifique du manioc en Guyane à partir des classifications locales du manioc; la proposition d’une clé d’identification des variétés de manioc qui est basée sur une description morphologique des pieds en champs. Cette démarche comparative interculturelle poursuit le travail engagé par les inventaires monographiques qui constituent la bibliographie actuellement disponible sur ce sujet en Guyane: Grenand et Grenand (2002) chez les Wayampi de Trois-Sauts, Ouhoud-Renoux (2001) chez les Palikur du bas Oyapock, Verwilghen (1998) et Fleury (2001) chez les Wayana. Il convient également de citer deux autres études dont la collaboration a donné lieu à un important document de synthèse (Mc Key et al., 2001): l’une réalisée au Guyana chez les Makushi par l’équipe du CNRS-CEFE (Elias, 2001; Elias et al. 2000 et 2001), l’autre conduite en Amazonie brésilienne chez différentes populations par les chercheurs de l'’RD (Emperaire et al., 1998). Les résultats présentés ici s’appuient sur plusieurs enquêtes de terrain qui ont été menées entre 1998 et 2004 en compagnie de guide-interprètes, auprès de 49 exploitants représentant 11 groupes culturels, répartis sur les trois quarts du territoire guyanais. Commencé dans le cadre d’une thèse doctorale portant sur la pratique agricole de l’abattis dans le bas Oyapock (Manusset, 1999 et 2004 a), au sein de l’IRD (Institut de Recherche pour le Développement, ex-ORSTOM) de Cayenne, ce travail a été poursuivi au cours de plusieurs missions d’expertise sur le même thème, à l’attention de la Mission pour la Création du Parc Naturel du Sud de la Guyane (Manusset, 2004 c) et de la Direction Régionale des Affaires Culturelles (Manusset, 2004 b). Les conditions et les lieux d’enquête qui sont localisés sur la carte suivante (Figure 1), permettent d’avancer une vision globale de la pratique de nomination du manioc à l’échelle de la Guyane pour la première fois. Régions étudiées “Le Littoral” M A N 1) Littoral-Iracoubo I commune d’Iracoubo R Cayenne U S 2) Littoral-Régina commune de Régina 3) Bas Oyapock * communes de St-Georges et d’Ouanary 4) Haut Oyapock L I commune de Camopi S “L’Intérieur” E 5) Haut Maroni R B commune de Maripasoula N 50 km * N’étant pas significative dans le sujet de l’agro-biodiversité du manioc, l’étude de la commune de Saul ne sera pas évoqué.