La France Et L'olympisme
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LA FRANCE ET L’OLYMPISME Patrick Clastres Paul Dietschy Serge Laget adpf – association pour la di{usion de la pensée française• 6, rue Ferrus 75014, Paris © juin 2004. adpf ministère des A{aires étrangères• © isbn 2-914935-22-6 adpf association pour la diffusion de la pensée française• Ministère des Affaires étrangères Direction générale de la coopération internationale et du développement Direction de la coopération culturelle et du français Division de l’écrit et des médiathèques Patrick Clastres L’alliance olympique 7 Pierre de Coubertin (1863-1937), un Français international 11 Hommages et controverses 14 Une jeunesse traditionaliste 27 Campagnes sportive et olympique 40 Chronologie 62 Paul Dietschy Les Jeux olympiques en France: de Paris à Paris (1900-1924) 65 Les Jeux de l’Expo: Paris, 1900 66 Les Jeux des Années folles: Chamonix et Paris, 1924 79 Les premiers Jeux de la neige et de la glace: Chamonix, 1924 81 Les Jeux du sport-spectacle: Paris, 1924 88 Les olympiades de l’or blanc: de Grenoble à Albertville (1968-1992) 103 Des Jeux olympiques «gaulliens»: Grenoble, 1968 104 L’élan d’une région: Albertville, 1992 111 Serge Laget Fugues 133 La progéniture olympique 133 Les femmes aux Jeux, une longue marche 137 Essentiel, le cérémonial 140 Olympiques et célèbres 143 Vous avez dit paralympiques? 146 D’Athènes à Athènes, les 100 dates françaises des Jeux 150 Bibliographie 161 Médaillés français 167 Jeux olympiques 168 Jeux paralympiques 185 Patrick Clastres, agrégé d’histoire, est professeur de khâgne au lycée Pothier d’Orléans et maître de conférences à l’Institut d’études politiques de Paris en histoire du sport. Chercheur associé au Centre d’histoire de l’Europe du xx siècle, il coanime le groupe de travail «Sport, sociétés et cultures en Europe au xx siècle». Il achève actuellement une thèse d’histoire politique et culturelle consacrée à Pierre de Coubertin. Ses travaux se situent à l’intersection de l’histoire du sport et de l’olympisme, de l’histoire de la III République et de l’histoire des relations internationales. * Paul Dietschy, ancien élève de l’école normale supérieure de Fontenay- Saint-Cloud, agrégé et docteur en histoire, est actuellement maître de conférences à l’université de Franche-Comté et à l’Institut d’études politiques de Paris. Ses recherches sont consacrées à la place du sport dans l’histoire contemporaine de l’Italie et dans les relations internationales depuis la fin du xix siècle. * Serge Laget est journaliste au quotidien sportif L’Équipe depuis dix-sept ans. Spécialiste de l’histoire du sport, il a fait ses premières armes de chercheur au musée du Sport français de Paris, a signé sur le Tour de France, le rugby, les Jeux olympiques ou le sport féminin, ses domaines de prédilection, une vingtaine d’ouvrages et des centaines d’articles. Des essais allègres, souvent menés à bien avec son épouse Françoise et son fils Lionel, avec qui il partage la même passion pour la recherche et l’iconographie. Une passion que le Grand Prix de littérature sportive et le prix Blondin ont accessoirement couronnée. L’alliance olympique Servir sa patrie, rechercher la beauté du corps, fabriquer de la joie de vivre, forger des caractères, voilà l’héritage de la Grèce olympique selon ce jeune baron français qui travaillait depuis 1892 à l’invention d’épreuves sportives internationales, modernes et pacificatrices. Lors du banquet de clôture du Congrès international de Paris pour le rétablissement des Jeux olympiques, le samedi 23 juin 1894, c’est dans une improvisation émue que le délégué grec Démétrios Bikélas avait répondu au toast de Pierre de Coubertin en évoquant ces «liens qui unissent le monde entier à [sa] patrie», ne voyant d’ailleurs point d’étrangers autour de lui, mais seulement «des petits-fils des anciens Hellènes, des cousins réunis par le souvenir et au nom de l’aïeule commune». Quelques heures plus tôt, sous les applaudissements des congressistes réunis en Sorbonne, le jeune sportsman épris d’humanités grecques et le poète francophile n’avaient-ils pas scellé un accord sportif et culturel historique par lequel les deux premiers Jeux olympiques rénovés se dérouleraient à Athènes en 1896, puis à Paris en 1900? Portés par l’«Hymne à Apollon des athlètes delphiques» (ressuscité par l'historien Théodore Reinach, mis en musique par Gabriel Fauré 7 et récité par Jeanne Remacle), les représentants du sport international avaient assurément communié dans cette atmosphère philhellène qui, depuis l’indépendance grecque de 1822, unissait tous les Européens, qu’ils soient classiques ou romantiques, monarchistes ou libéraux. [«Pour le rétablissement des Jeux olympiques»] La cause grecque avait en particulier rencontré dans la contribution culturelle française au philhellénisme européen un allié de premier plan. Que l’on songe seulement aux œuvres de Delacroix (Scènes des massacres de Scio et La Grèce expirant à Missolonghi), à l’expédition scientifique de Morée de 1829, aux Poèmes antiques de Leconte de Lisle (1852), à l’Association pour l’encouragement des études grecques en France (1867), aux fouilles archéologiques menées par l’École française d’Athènes (1846) à Délos puis à Delphes, ou bien encore à l’invention d’un prix pour le vainqueur de la course de Marathon par le linguiste et philologue Michel Bréal (1894). Une décennie plus tard, au moment où la Grèce organisait en 1906 des Jeux dits intermédiaires, Pierre de Coubertin se risquait à transformer l’idée olympique en « olympisme », triplement défini comme un pacifisme, une esthétique et une eurythmie. Dès lors, il n’eut de cesse d’encourager ses compatriotes et ses contemporains à tenir «la balance à trois plateaux de l’hellénisme», c’est-à-dire à établir l’équilibre entre la morale, la cité et l’individu, autrement dit «entre l’intime et mystérieux effort de la conscience, l’impérieux devoir civique, et la féconde liberté de l’instinct individualiste». Ainsi, alors que les Jeux modernes retrouvent en cette année 2004 la terre hellène, la France ne pouvait manquer de rendre hommage à la Grèce éternelle, à son alliée olympique. — Patrick Clastres 8 «Pour le rétablissement des Jeux olympiques» Messieurs, parmi les vertus les plus faciles à pratiquer il faut compter patrie, les autres, la recherche de la beauté physique et de la santé, par la reconnaissance: c’est aussi le sentiment le plus facile à exprimer. le suave équilibre de l’âme et du corps, les autres enfin, cette saine Si je regarde autour de moi pour y chercher les personnes auxquelles ivresse du sang qu’on a dénommée la joie de vivre et qui n’existe nulle il convient que je témoigne ma gratitude, au soir de ce congrès qui réa- part aussi intense et aussi exquise que dans l’exercice du corps. lise l’espérance des dix premières années de ma vie d’homme, À Olympie, Messieurs, il y avait tout cela, mais il y avait quelque je sens que mon discours va devenir une litanie ; j’espère donc, chose de plus qu’on n’a pas encore osé formuler parce que, depuis le Messieurs, que vous m’excuserez si je ne nomme personne et si, après moyen âge, il plane une sorte de discrédit sur les qualités corporelles avoir enveloppé dans un remerciement ému tous ceux qui m’ont aidé et qu’on les a isolées des qualités de l’esprit. Récemment les premières et soutenu, je vous convie à lever vos regards vers les choses qui, en ce ont été admises à servir les secondes, mais on les traite encore en monde, dominent les hommes, et à donner un instant d’attention à un esclaves, et chaque jour, on leur fait sentir leur dépendance et leur spectacle profondément et étrangement philosophique. infériorité. En cette année 1894, il nous a été donné de réunir dans cette Cela a été une erreur immense dont il est pour ainsi dire impos- grande ville de Paris […] les représentants de l’athlétisme internatio- sible de calculer les conséquences scientifiques et sociales. En défini- nal et ceux-ci, unanimement, tant le principe en est peu controversé, tive, Messieurs, il n’y a pas dans l’homme deux parties, le corps et ont voté la restitution d’une idée, vieille de deux mille ans, qui aujour- l’âme : il y en a trois, le corps, l’esprit et le caractère; le caractère ne se d’hui comme jadis, agite le cœur des hommes dont elle satisfait l’un forme point par l’esprit : il se forme surtout par le corps. Voilà ce que des instincts les plus vitaux et, quoi qu’on en ait dit, les plus nobles. les anciens savaient et ce que nous rapprenons péniblement… Ces mêmes délégués ont, dans le temple de la science, entendu reten- Je m’étonne et m’excuse, Messieurs, d’avoir tenu ce langage et de tir à leurs oreilles une mélodie vieille aussi de deux mille ans, recons- vous avoir entraînés sur ces hauteurs: si je continuais, ce joyeux cham- tituée par une savante archéologie faite des labeurs successifs de plu- pagne s’évaporerait d’ennui; je me hâte donc de lui rendre la parole et sieurs générations. Et le soir, l’électricité a transmis partout la nou- je lève mon verre à l’idée olympique qui a traversé, comme un rayon velle que l’olympisme hellénique était rentré dans le monde après une du soleil tout-puissant, les brumes des âges et revient éclairer, d’une éclipse de plusieurs siècles. lueur de joyeuse espérance, le seuil du xx siècle. L’héritage grec est tellement vaste, Messieurs, que tous ceux qui, — dans le monde moderne, ont conçu l’exercice physique sous un de ses Pierre de Coubertin, discours du banquet de clôture du Congrès multiples aspects ont pu légitimement se réclamer de la Grèce qui les international de Paris pour le rétablissement des Jeux olympiques, comprenait tous.