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LesAHIERS DU OMITÉ Cahiers D ISTOIRE DE LA ÉLÉVISION NOUVELLE SÉRIE UTOMNE - C C ’H T - N°02 - A 2010 - 1950

Les grandes premières G La Tv dans la presse de l’époque G La Comédie française rue Cognacq-Jay G Le Tour de : un tour de force G Le JT moteur pour la vente des téléviseurs G Produit en apparence peu « vendeur » mais instrument de conquête du public et de promotion pour le petit écran G Histoire orale : travaux de la commission télévision G Thèmes et calendrier pour 2010-2011 G La disparition de Jean-Claude Bringuier Les 30 ans du Comité d’histoire de la télévision (Toute l’actualité du CHTV sur le site chtv.asso.fr) Cahiers 02 4/12/10 13:47 Page 2

PAGE 2 - CAHIERS DU CHTV AUTOMNE 2009 - RÉTROSPECTIVE 2010

18 JANVIER 2010 - La télévision, lieu d’expérimenta- - Daniel Müller, Maître de conférences tion des programmes : France Garat à l’Institut de journalisme, Dortmund : Lundi de l'Ina (Université Paul Verlaine - Metz), l’Allemagne - Charo Lacalle, Banlieues et médias Henri Larski (Université Nancy 2) Professeure à l’Université Autonome Débat animé par Julie Sedel, socio- - Jean d’Arcy et les entreprises de Barcelone. : l’Espagne - Michael logue, auteur de l'ouvrage Les internationales d’information et de Palmer (Université 3 - Sorbonne médias et la banlieue, une co-édition communication : Michael Palmer nouvelle) : Grande Bretagne Ina - Le Bord de l'Eau, avec la partic- (Université Paris 3 - Sorbonne nou- > INA, centre Pierre-Sabbagh ipation de Zinédine Boudaoud, jour- velle) naliste à la rédaction de France 2, - Jean d’Arcy, une ambition et un 8 NOVEMBRE 2010 Camille Canteux, docteure en his- engagement au service public : Sylvie toire, université Paris-1, Patrick Pierre (IUFM de Lorraine/Université Lundi de l'Ina Champagne, EHESS, Centre de Henri Poincaré) - Céline Ségur Sociologie Européenne, Philippe (Université Nancy 2) Les grandes fictions de la Gavi, journaliste, membre du comité télévision

Julie Sedel En présence de Marcel Bluwal, réal- de rédaction de Médias et président isateur et directeur de la collection de l'association des journalistes « Les grandes fictions de la télévi- médias, Thomas Prouteau, journal- sion », Débat animé par Thierry iste, RTL Jean d’Arcy Jousse, cinéaste et critique de ciné- > Petit auditorium de la BnF - L’invention des programmes : ma, Avec la participation de Sabine Lundi de l'Ina Philippe Lavat (Université Paris 3 - Chalvon-Demersey, directrice d’é- Sorbonne nouvelle) tudes et de recherche (EHESS- 10 MAI 2010 - Jean D’Arcy : l’invention du métier CNRS), Gilles Delavaud, professeur de réalisateur : Jean-Christophe en sciences de l’information et de la Et maintenant une page de Averty, réalisateur, Jean-Marie Drot, communication (Paris 8), Jean- Pub ! réalisateur Christophe Averty, réalisateur. Débat animé par : Monique Dagnaud, - La télévision en quête d’auteur : > Grand Auditorium de la Bnf directrice de recherche au CNRS. François Jost (Université Paris 3 - Avec la participation de: Sylvain Parasie Sorbonne nouvelle) 13 DÉCEMBRE 2010 :Maître de conférences en sociologie. - Bernard Idelson (Université de la Université Paris-Est/Marne-la-Vallée. Réunion) : L’installation de la télévi- Lundi de l'Ina Chercheur au Laboratoire Techniques, sion dans les DOM : ouverture Territoires et Sociétés. Jean-Claude Le webdocumentaire d’un espace médiatique ? Le contre existe-t-il ? Soulages, professeur en Sciences de exemple de la Réunion l'Information et de la Communication Avec la participation de Laurence à l'Université Louis Lumière de Lyon >Nancy, IUFM Allard, maîtresse de conférences en 2.Valérie Serrus, Chef de service, col- Sciences de la communication lecte dépôt légal de la radio télévision, 21 OCTOBRE 2010 (Université Lille 3), Roei Amit, Ina. responsable des éditions (Ina), Colloque international Alexandre Brachet, fondateur > Petit auditorium de la BnF Images de l’étranger d'Upian, Cécile Cros, cofondatrice 19 ET 20 MAI 2010 Débats et communications à l’initia- de narrative, Elsa Fayner, journaliste tive de l’université Sorbonne Nouvelle et auteur de web documentaires, Et Colloque ED 267 - Arts & Médias -EA 1484 - Joël Ronez, responsable du pôle web Jean d’Arcy, pensée et Communication, Information, Médias (Arte). stratégies d’un père fondateur (CIM) > Petit Auditorium de la BnF Organisé par le Centre de Table ronde : Images de l’étranger dans recherche sur les médiations, l’IUFM les télévisions européennes (avec le de Lorraine et l’Institut Européen de CHTV). Cinéma et d’Audiovisuel (avec la Participants : Kristian Feigelson, maître participation du CHTV) de conférences HDR à l’Université Parmi les communications : Sorbonne Nouvelle - Paris 3 : la Russie Sur le site du 70ème anniversaire Cahiers 02 4/12/10 13:47 Page 3

EDITORIAL - CAHIERS DU CHTV AUTOMNE 2010 - PAGE 3

G Le Comité d’Histoire de la EDITORIAL G Le Journal télévisé fêtait ses Télévision a trente ans. Nous soixante ans en 2009. Le CHTV republions dans ce numéro la s’est naturellement associé au “feuille de route” que traçait colloque en Sorbonne consacré l’historien Jean-Noël Jeanneney au rendez-vous quotidien créé s’adressant aux fondateurs de par Pierre Sabbagh avec peu d’im- notre association, réunis en AG La “méthode ages et beaucoup d’improvisa- constitutive le 29 janvier 1981. Et tion... Nous publions la contribu- nous tentons également de me- Bringuier” tion d’Isabelle Gaillard, pro- surer le chemin parcouru. De fesseure à Grenoble, sur la dimen- l’accès en ligne vers les images de sion économique des premiers JT. l’Age d’or télévisuel à la collabora- G L’histoire de la télévision, c’est tion avec l’université. aussi le souvenir des personnalités G Le CHTV a multiplié les dont le sillage hante encore le petit passerelles avec le monde des écran. Parmi ceux qui nous ont chercheurs ces deux denières quittés cette année : Jean-Claude années (voir page ci-contre l’in- Bringuier, Roger Gicquel, Christian ventaire des activités 2010 du Quidet... Avec l’aimable autorisa- Comité). Eléonore Alquier, tion de la Fondation Piaget, nous archiviste-paléographe, conserva- publions ici un entretien où l’on teur du patrimoine aux Archives par Emmanuel Hoog apprend beaucoup sur cette “mé- nationales présente une synthèse Président du Comité d’histoire thode Bringuier” qui ressemblait des travaux de la Commission de la télévision tant à première vue à une absence d’Histoire orale CHTV-Inathèque globale de méthode. A première vue mise en place l’an passé. seulemenent .I

NOMINATIONS

G Emmanuel HOOG, président du Comité d’Histoire de la Télévision, a été élu président de l'Agence France- Presse (AFP) le 15 avril 2010.Agé de 47 Les Cahiers du ans, Emmanuel Hoog est administra- Jean-Claude Bringuier teur civil ; il a accompli une grande par- Comité d’Histoire tie de son parcours professionnel de la Télévision comme gestionnaire d'entreprises cul- Sommaire turelles.Il était depuis neuf ans à la tête N°2- Nouvelle série INA - Bât Bry 2 - Pièce 2108 de l'INA. 4, AVENUE DE L'EUROPE - 94366 BRY-SUR-MARNE L’année des “premières” 4 Revue de la presse 1950 Directeur de la publication Emmanuel Hoog Retour sur le JT 1949 6 Un moteur pour la vente des Coordination : Denis Maréchal téléviseurs, par Isabelle Gaillard Secrétaire de rédaction : Histoire Orale 11 Martin Even Mathieu Gallet Bilan d’une année Collaboration :Aitjdid Abdelfatah G Mathieu GALLET a été nommé d’expérimentation et d’échange (InaSup’) président de l’INA en remplacement par Eléonore Alquier Réalisation : E&C Editorial d’Emmanuel HOOG. Agé de 33 ans, Les 30 ans du CHTV 19 Copyright : CHTV - Tous droits Mathieu Gallet était directeur-adjoint Inventaire d’un chantier réservés - Reproduction interdite du cabinet de Frédéric Mitterrand. par Jean-Noël Jeanneney Diplômé de Sciences-po et écono- Disparitions 22 Interdit à la vente miste, il avait fait partie du groupe Document :Bringuier raconte Frais d’envoi : 5 Euros Canal+ de 2001 à 2006. Il devient vice- sa rencontre avec Jean Piaget président du CHTV, ex-officio. Cahiers 02 4/12/10 13:47 Page 4

1950PAGE 40 - CAHIERS DU CHTV - AUTOMNE 2010 - C’EST ARRIVÉ EN 1950 DANS LA PRESSEL’ANNÉE ECRITE DES PREMIÈRES

On dénombre 3.794 postes de télévision dans tout le pays. La télévision diffuse 20 heures par semaine. Elle consacrera 90 millions de francs aux programmes pour l’exercice 1950. La télévision célébrera le 10ème l’anniversaire du 18 juin 1940 et transmettra en direct les cérémonies du 14 juillet. JANVIER

22/01 Naissance de “Radio Cinéma Télévision”, l’ancètre de “Télérama” 26/01 Première émission enfantine : “le Club du Jeudi”

FEVRIER “Le Jeu de l’Amour et du Hasard” en direct du studio de la rue Cognacq-Jay avaient choisi Marivaux pour affronter 24/02 : Retransmission télévisée en AVRIL le dernier en date des moyens d’ex- direct du “Jeu de l'amour et du pression : la télévision”. Pierre-Aimé hasard” de Marivaux, interprétée 16/04 : Selon “Radio Cinéma Touchard, administrateur du Français par la Comédie-française. Télévision”, l’émission “la Femme assistait à l’événement : “ Il Cette première télévisée est une chez elle” va tourner chez les demandait aux techniciens de nom- initiative signée Claude Barma :“Aller grands couturiers. Cette semaine : breuses explications, car cet art nou- rue Cognacq-Jay pour voir la Jean Dessès. veau n’est ni du théâtre, ni du ciné- Comédie-française ressemble ma.” 25/04 : inauguration de l’émetteur beaucoup à une gageure. C’est de Lille qui diffusera les émissions en pourtant ce que j’ai fait”, raconte MARS 819 lignes avant Paris. En l’absence de J.-B Jeener dans les colonnes du liaisons permettant le direct, seuls des “Figaro” . L’article poursuit :“Et dans 25/03 : L’émission de variétés “le films et des variétés préenregistrées ce studio tout blanc de lumière Jugement de Paris” remplace sont diffusées depuis le beffroi de la plongeante, j’ai vu les comédiens- “Reflets de Paris” un samedi sur deux. métropole nordiste. français en tenue de scène (...). Ils MAI

13/05 : Pierre Pflimlin, rapporteur de la commission des finances à l’Assemblée nationale (et oncle de l’actuel président de France Télévision) présente plusieurs “réductions indicatives” dans le budget de la radiodiffusion. Selon “le Monde”, la commission entendait “marquer son désir de voir regrouper les services administratifs et améliorer la qualité des émissions radiophoniques (...) ”. Elle souhaitait également que le gouvernement définisse “de façon “Radio-Télévision 50” annonce le lancement de l’émetteur de Lille précise sa politique de télévision”. Cahiers 02 4/12/10 13:47 Page 5

C’EST ARRIVÉ EN 1950 - CAHIERS DU CHTV - AUTOMNE 2010 - PAGE 5

“Radio Cinéma Télévision” présente la couverture télévisée de la Grande Boucle

JUILLET DECEMBRE

08/07 :“Le Maillot Jaune du Tour 19/08 : “Le Monde” consacre un de France touchera 100.000 francs entrefilet à “la Bataille de la par jour” annonce “Radio 50” qui télévision” opposant depuis plusieurs prévoit que le caméraman Michel mois le gouvernement français au Wakhevitch utilisera 6.000 mètres de groupe Michelson pour la concession film.“Nous voulons faire de la de “la construction et l’exploitation télévision et non du cinéma”, dit d’un réseau de télévision à Pierre Sabbagh qui donne trois partir de Monaco”. rendez-vous quotidiens à 12h.30, M. Pierre-Henri Teitgen,ministre 18h.45 et 21 h. chargé de la communication avait A l’issue de l’épreuve, dans une donné instruction aux administrateurs français de Radio Monte Carlo de interview à “Radio Liberté”, le père AOÛT du JT décrit “un travail absolument refuser l’approbation d’une option claquant” de plus de dix heures par 19/08 : L’été, les programmes sont “signée à la fin d’une longue crise jour :“ Dès que l’on nous a annoncé remplacés par un film quotidien. ministérielle”.M.Teitgen justifiait sa que nous aurions à téléviser le Tour “Radio Télévision 50” annonce position en affirmant que “le de France une sorte de fièvre nous a cependant que la télévision gouvernement n’était pas tenu de pris.” L’équipe de reportage, interrompra ses émisssions une faire confiance à M. Michelson”. composée de deux cameramen semaine “pour permettre une Un tribunal arbitral réuni en Principauté devait donner raison au équipés de cameras16mm “était révision générale” du matériel”. promoteur du futur Télé Monte Carlo. partie sans autre donnée que filmer le SEPTEMBRE Tour en aveugle (...) , sans trop s’at- Selon le quotidien,“cette sentence tarder aux roues.” A Paris,“tous les 19/08 :“Radio Télévision 50” rendue qui nous est communiquée jours ou plutôt chaque nuit, à 21 présente le premier feuilleton télévisé : déclare notamment qu’aucune des heures ou 4 heures du matin, la “l’Agence Nostradamus” écrit par conventions passées par l’Etat ou les pellicule était prise en gare ou à Pierre Dumayet et réalisé par organismes autorisésavec M. l’aérodrome et immédiatement Claude Barma. Les10 épisodes auront Michelson n’a été conclue à la légère ; que la bonne foi de l’Etat n’a pu être développée dans un temps record : été tournés en trois semaine :“C’est surprise à aucun moment ; qu’en ce 1h.45 pour dix bobines, soit 300 déjà un résultat très satisfaisant quant qui concerne l’option obtenue de la mètres de film“. Les commentaires on pense que cela représente 2.600 société Radio Monte Carlo (...) , et étaient improvisés en direct par mètres de pellicule, c’est à dire à peu enfin que les pourparlers n’ont jamais Georges de Caunes à qui on avait près la longueur d’un film normal eu pour objet d’obtenir de M. demandé de faire “comme s’il suivait qu’on réalise dans un studio de Michelson la renonciation de l’option réellement le Tour de France”. cinéma en huit semaines au moins”. accordée par Radio Monte Carlo”.I Cahiers 02 4/12/10 13:47 Page 6

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Le JT aux débuts de la télévision : un moteur pour la vente des récepteurs ? Contribution au colloque INA-Sorbonne de décembre 2009 par Isabelle Gaillard, professeure à l’Université Pierre Mendès France (Grenoble)

Publicité Philips parue en 1950 dans les journaux

1949 : Le Ministère du Ravitaillement marché des téléviseurs prend son entre offre des programmes et offre est supprimé. Les Français ont encore élan. 1953 marque aussi la fin d’une des récepteurs est en réalité difficile à besoin de nourriture, de vêtement et période expérimentale pour le journal établir. D’autres facteurs, en particuli- de chauffage. Le minuscule service de télévisé 1. Il s’institutionnalise et se er le prix, les incertitudes techniques, télévision qui a repris depuis le mois professionnalise. Il se dote d’un studio l’accès au crédit, interfèrent dans de mars 1945 n’est pas prioritaire. Le et de présentateurs. Il entre dans la l’équation. Malgré un intérêt précoce 819 lignes n’est choisi comme norme cour des Grands. (1950), les enquêtes sur la télévision définitive qu’en 1948.A cette date, les Y a-t-il une correspondance entre ne deviennent régulières qu’en juin constructeurs français produisent à décollage du marché et institutionnali- 1954. Cécile Méadel comme Jérôme peine 600 téléviseurs. Le marché sation du journal télévisé ? Autrement Bourdon ont par ailleurs révélé les peine à s’établir. Dans ce contexte dif- dit, le journal télévisé aurait-il joué un limites de ces sondages dans les 2 ficile, un nouveau type de programme, quelconque rôle dans l’essor du années 1950 .Ces réserves for- le journal télévisé, apparaît sur les marché de la télévision et du mulées, tentons de répondre malgré écrans français le 29 juin. téléviseur, dans ces années de « tout à cette difficile problématique. 1953 :Tandis que la couverture préhistoire de la télévision », de 1949 Certes ce journal hybride, confiden- télévisuelle dépasse enfin le Nord et à 1953? tiel, tout de bric-et-de broc comme la Région Parisienne, des crédits sont Avant de tenter de répondre à cette se plaisent à le souligner ses créa- enfin débloqués pour la télévision. Un question il importe d’en marquer les teurs, apparaît comme un programme marché national peut s’édifier. Le limites. Le lien en apparence évident en apparence peu « vendeur ». Cahiers 02 4/12/10 13:47 Page 7

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Pour autant, il semble qu’il ait été Cette pauvreté des moyens limite pensé pour conquérir une audience. naturellement les possibilités du pro- C’est en tout cas l’objectif formulé gramme. Ni l’horaire, ni le ton, ni le par l’un de ses principaux créateurs, contenu ne différencient le journal Pierre Sabbagh.Au-delà, le journal télévisé du reste des squelettiques télévisé pourrait bien avoir, dans le programmes. La diffusion commence prolongement de contacts noués au cours de l’été 1949. Elle est triheb- précocement avec les fabricants de domadaire. La périodicité du journal téléviseurs, aidé à promouvoir la devient peu à peu quotidienne : il est télévision comme le téléviseur dans diffusé à 21 heures le soir et le lende- ses éditions. main à 12h30. Jusqu’en 1953 cepen- dant, le journal télévisé, comme le reste des programmes, est inter- Un produit en rompu l’été.A partir de 1951, l’émet- apparence teur de Lille reprend intégralement en peu « vendeur » Pierre Sabbagh direct le programme de Paris, grâce à (à propos du une liaison hertzienne permanente. Programme sans moyens L’extrême faiblesse des moyens tech- Les premiers temps de la télévision lancement du JT) niques oblige l’équipe du journal à se sont fréquemment narrés en termes “ Mon projet passait par déplacer uniquement dans Paris intra- héroïques. Le journal télévisé Vital Gayman [alors muros et sa proche banlieue. La durée n’échappe pas à la règle. Dans son directeur de l’information des reportages - et du journal télévisé ouvrage autobiographique, Pierre radiodiffusée] : - est fluctuante. De sa création à novembre 1954, le journal télévisé est Sabbagh se présente comme un -P.S. : Je suis venu te voir, uniquement composé de reportages. visionnaire : parce que je voudrais pren- Ils constituent une suite de petits « Mon projet passait par Vital Gayman dre un congé (…). Ce n’est films muets mis bout à bout, souvent [alors directeur de l’information radiodif- pas pour prendre des sans liens entre eux. Ils sont commen- fusée] : vacances… Je voudrais que tés en direct et en cabine par les - Je suis venu te voir, parce que je tu me trouves un bureau – journalistes sans aucun enregistre- voudrais prendre un congé (…). Ce n’est un placard, où je serais seul ment. Les sujets ludiques occupent la pas pour prendre des vacances… Je (…). majeure partie du journal durant voudrais que tu me trouves un bureau – - V.G. : J’ai toujours pensé que cette période 7, même s’il s’intéresse un placard, où je serais seul (…). tu marchais souvent à côté de quand il le peut à la politique - J’ai toujours pensé que tu marchais tes pompes mais là, quand même ! intérieure : « J’ai célébré 6 fois la venue souvent à côté de tes pompes mais là, Puis-je te demander ce que tu du printemps, la St Valentin, les bals du quand même ! Puis-je te demander ce vas foutre tout seul, dans ton 14 juillet et les vitrines de Noël : j’ai « que tu vas foutre tout seul, dans ton placard, avec tout ça ? Si je te fait » tous les salons (…). En juillet placard, avec tout ça ? Si je te l’accorde ? l’accorde ? 1950, nous avons réussi un exploit : le - La maquette d’un journal télévisé. - P.S. : La maquette d’un nouveau ministère d’Henri Queuille - Ça existe déjà quelque part, ça ? journal télévisé.” s’aligna devant les photographes sur les - J’en sais rien. Ça m’est indif- marches de l’Elysée à dix neuf heures », férent. Nous en avons besoin ici explique 8. chez nous parce que… J’avais ouvert les vannes et submergé, songe qu’il finance surtout les études Il faut remplir les 15 minutes d’antenne. une demi-heure après, il me dit : et l’équipement. Il n’est que de 400 La rédaction achète ou récupère des -D’accord, tu auras deux semaines ici, millions en 1953 quand la BBC dis- extraits de films d’actualité tournés par sans travail à l’antenne, mais après… pose d’un milliard de francs 5. des sociétés privées ou venant d’organ- je veux absolument voir ton torchon ismes étrangers. Comme les actualités en forme de maquette » 3. Une diffusion et un contenu cinématographiques, le journal télévisé Son propos suggère qu’il est seul à restreints ne comporte pas jusqu’au 1er novem- l’origine du projet. « L’entreprise était dérisoire, raconte bre 1954 de présentateur à l’écran. Plus tard, il reconnaît cependant que Pierre Tchernia, nous avions à notre dis- L’information télévisée est largement ce n’est pas le cas 4. position trois caméras d’amateurs, une suiviste- ce qui est ennuyeux quand on S’il faut donc faire la part de la vieille jeep récupérée aux surplus et la sait que c’est la fraîcheur de l’informa- légende, il ne fait cependant aucun Peugeot 202 de Sallebert, le gentleman tion qui la fait vendre. doute que le journal télévisé dispose de l’équipe. La pellicule était développée Le journal télévisé manque de moyens. à ces débuts de peu de moyens. Le dans une cuve de bricoleur et le séchage L’équipe du journal télévisé elle-même ne budget de 1950 -120 millions de se faisait sur des lattes de bois montées semble pas en mesure dans ces conditions francs courants – est faible quand on sur deux roues de bicyclette 6». d’agir en professionnelle de l’information. Cahiers 02 4/12/10 14:16 Page 8

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Une poignée de journalistes les journalistes car « nous faisions une aventuriers télé musée Grévin, conservatoire » . Mais et improvisateurs ? c’est la conception de Pierre Sabbagh qui l’emporte et qui tend en faisant L’équipe du journal télévisé est du journal un spectacle, à le trans- réduite. Sur le conducteur du former pour reprendre les termes de dimanche 11 février 1951, Georges de Jérôme Bourdon, en « produit Caunes indique « un seul commenta- d’appel » 18. teur pour réaliser un journal de 14’30, ça ne peut plus durer ». Les journal- Un ton et un usage neufs istes ne sont pas que des profession- des images nels. Certains sont issus de la radio comme Jacques Sallebert. D’autres, Faire du journal télévisé un spectacle tel Pierre Tchernia, viennent du ciné- pour Pierre Sabbagh, c’est mettre ma (l’Ecole Louis Lumière). Pierre l’image au cœur du dispositif : « Rien Dumayet est diplômé de lettres. « Ils à montrer, tout à dire : jamais ! C’est de sont une vingtaine tout au plus, et ont la radio (…). Seule l’image doit avoir presque tous moins de 30 ans » 9. Pierre Tchernia droit de cité » 19.Et si ces images ne Pierre Tchernia suggère une stricte (à propos présentent pas nécessairement un répartition des tâches entre eux 10: du style JT) intérêt, on trouve ailleurs l’attractivité « On se réunissait le matin au bureau de de l’outil, dans le ton neuf et la rapid- Sabbagh, on étudiait la presse écrite et ité avec lesquels on commente ces on partait avec nos cameramen (…). « Ce qui était neuf, c’était images. Pour Pierre Tchernia, « ce qui Sabbagh distribuait les reportages. De notre façon de parler. était neuf, c’était notre façon de parler. Caunes et Sallebert s’occupaient des Au cinéma, à l’époque, le Au cinéma, à l’époque, le speaker des sports. Moi, c’était plutôt les sujets maga- speaker des actualités, sur actualités, sur un ton solennel, s’adressait zine » 11.Pourtant les sujets dont ils un ton solennel, s’adressait à une salle de 1000 personnes pour disposent leur permettent difficile- à une salle de 1000 montrer des images vieilles de 8 jours. ment d’exercer leur art journalistique. personnes pour montrer des Nous utilisions, nous, le ton de la conver- C’est ce que suggère Georges de images vieilles de 8 jours. sation et parlions au présent de sujets Caunes : « Ainsi sommes-nous devenus Nous utilisions, nous, le ton tournés le matin même » 20. les spécialistes des défilés souvent plus de la conversation et par- Cela passe ainsi par la connivence, la civils que militaires, des inaugurations, lions au présent de sujets plaisanterie avec les téléspectateurs. des commémorations, des visites de sou- tournés le matin même ». L’actualité est motif à rire, à se dis- verains » 12. Et « cette caricature de l’ac- traire au détriment des hommes poli- tualité était encore accentuée par nos tiques ou des notabilités. Selon Pierre commentaires » 13. Sabbagh, « le manque d’intérêt journalis- à sa demande, nuance d’importance Le journal télévisé ne réunit pas, tique de ces petites bandes était stupéfi- quand il est question de service pub- semble-t-il, les ingrédients d’un pro- ant ; mais les personnages qui s’agitaient lic. gramme « vendeur ». Pourtant la sur ces bandes imbéciles nous fasci- « Pour gagner, dit–il encore, il convient « bande de copains » acquiert assez naient. On en voyait qui tiraient une de rapprocher émetteur et récepteur au vite une grande popularité. charrue avec les dents, d’autres faisaient point de ne former qu’un tout. Pour y un festin en croquant des ampoules (…) parvenir, il faut (…) que l’émetteur se et nous improvisions des commentaires Un outil de conquête serve d’un langage destiné à être perçu totalement inventés pour l’injustifiable 21 de tous » 15.Il s’agit donc bien de du public… et si possible, drôles. » séduire le public. Sabbagh et le « journal Il faut se mettre à son niveau et imag- spectacle » iner ce qui pourrait lui plaire. L’utilisation précoce « Le Journal Télévisé me semblait être un Répondre au désir de ce public pour besoin (…). J’imaginais un récepteur Pierre Sabbagh, c’est faire du journal de sujets « vendeurs » pour chaque foyer, qui montrerait un télévisé un spectacle. « L’inventeur » en direct : sport et journal, transmettant les activités de la du journal télévisé est « un homme de grands événements journée des hommes ce jour-là » 14. Ce spectacle davantage qu’un homme d’in- 16 propos de Pierre Sabbagh ouvre pra- formation » . Cette conception du Le journal télévisé a également su dès ses tiquement le chapitre (« le choix ») journal où le spectacle prime l’infor- débuts couvrir des sujets « vendeurs » qu’il consacre au journal télévisé dans mation ne recueille cependant pas l’u- en jouant d’une arme imparable : celle du ses Mémoires. L’ambition du « saltim- nanimité au sein de la toute jeune direct. banque » est clairement affichée : équipe du journal télévisé. Elle ne sat- Dès son inauguration, le journal répondre aux besoins du public – non isfait pas, selon Georges de Caunes, télévisé frappe un grand coup. Cahiers 02 4/12/10 14:00 Page 9

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« Le 29 juin 1949, sûrs de rien, nous L’existence attestée d’un comité de étions sur l’antenne, avec, entre autres, liaison entre la Radio Télévision le reportage en ballon libre au cours Française et la Fédération Nationale duquel Michel Wakhevitch et moi avons des Industries Electroniques au début failli être arrachés à l’amitié naissante de des années 1960 – dont il n’y a pas nos 4000 chers téléspectateurs (…). Le trace dans les archives mais les ballon (…) avait pris feu (…).La presse compte–rendus de ce comité laissent de l’époque a été jusqu’à prétendre que supposer que son activité est plus j’avais un sens aigu de la promotion (…). ancienne- et notamment d’un groupe Le Journal télévisé était lancé. Peu de chargé de la propagande atteste gens l’avaient vu.Tout le monde en par- encore de cette collaboration entre lait » 22. les acteurs de l’offre. Le Journal Télévisé prolonge cet Pierre Sabbagh cherchait bien à créer effort. l’événement, en mettant en avant les atouts du direct. Le « mentor » de Pierre Sabbagh, Jean d’Arcy, directeur Georges De Caunes Un journal qui assure sa propre promotion de la télévision à partir de 1952, en (à propos du Tour fait un vecteur privilégié de diffusion. Ici la technique vole à l’actualité la de France) Le 22 décembre 1949, le journal ème vedette. Mais est-ce un hasard si cette « Au cinéma, les gens ne télévisé célèbre sa 100 émission. Il première édition du journal télévisé a voyaient qu’un résumé, s’agit déjà de livrer au téléspectateur lieu la veille du départ du tour de alors que notre journal se les coulisses du journal télévisé.Après France ? Certainement pas. déroulait quasiment en des vues très générales sur la façade - direct, avec des gros plans impressionnante de la télévision, la Le sport nourrit largement le journal révélateurs de la vie du caméra s’attarde sur la conférence de télévisé. Les compétitions sportives peloton ». rédaction- et sur la figure de son peuvent être facilement filmées. « chef », Pierre Sabbagh. Surtout elles satisfont le goût de la On observe quelques instants journal- majorité des téléspectateurs. Bien istes et cameramen partir en jeep sur plus que le football - les réticences des lieux de tournage. On les filme. précoces de la Fédération Française Promouvoir Les séquences les plus longues sont de Football Association donnent déjà le petit écran consacrées au montage du journal télévisé. La prouesse technique prend la mesure de l’enjeu financier qu’il Une association immédiate le pas sur le contenu.Tout en mettant représente -, les courses cyclistes avec les fabricants le téléspectateur dans la confidence, sont largement diffusées. de téléviseurs peut-être cherche-t-on également à le Pour Georges de Caunes, ce jour- En 1949, plus de neuf Français sur dix rassurer sur la technicité de l’objet 24 nalisme en direct popularise le journal n’ont jamais regardé la télévision . télévisuel. télévisé. En effet, « au cinéma, les gens L’urgence est donc de faire connaître Les constructeurs rassurent égale- ne voyaient qu’un résumé, alors que la télévision et le téléviseur. Pour ment sur le téléviseur à travers des notre journal se déroulait quasiment en mener à bien cette tâche, la télévision opérations de propagande qui pro- direct, avec des gros plans révélateurs de française s’associe très tôt aux con- posent notamment des essais gratuits la vie du peloton ». La diffusion structeurs de téléviseurs. Cette col- de récepteurs chez soi.A l’heure où d’événements sportifs de prestige a laboration se manifeste notamment la télévision est inconnue et fascine, un impact sur les ventes de récep- par l’organisation en commun du cette insistance mise à démonter les teurs. Les années paires sont en salon de la télévision. Les téléviseurs aspects techniques n’est donc proba- général de bonnes années pour les étaient jusque–là présentés dans des 25 blement pas fortuite. Le journal fabricants. Ce rôle n’est plus à foires généralistes . Le premier salon télévisé ne manque pas également de démontrer pour certains grands spécifiquement consacré à la télévi- rendre compte des visites d’observa- événements en direct et en particuli- sion naît en 1951 sous l’égide du syn- teurs étrangers 29. er pour le couronnement de la reine dicat des constructeurs et de la RTF. ème d’Angleterre en juin 1953 que le jour- Il laisse place au XVI salon de la 26 nal télévisé couvre abondamment 23. Radio et de la Télévision en 1953 . Le service public de télévision utilise A l’égal du salon des Arts Ménagers, il donc ses propres écrans pour pro- Le journal télévisé est bien conçu dès vise à « développer dans le grand mouvoir le service public de télévi- le départ comme un outil de con- public le goût de la radio–télévi- sion. Mais le journal télévisé rend quête du public. C’est sans doute ce sion» 27. Il remplit un « rôle d’informa- aussi compte du phénomène télévi- qui explique qu’il contribue également tion » 28.De tels salons sont aussi suel et promeut le téléviseur et ses à promouvoir le petit écran lui-même. organisés en province. fabricants. Cahiers 02 4/12/10 14:05 Page 10

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Le phénomène télévisuel télévision, s’attarde aussi longuement de télévision une course cycliste et un inscrit au sommaire du JT sur quelques personnages, souvent en match de boxe. Un plan nous montre Il semble bien en effet que le journal gros plan. On peut observer la fasci- enfin des téléspectatrices –est-ce télévisé - même si Pierre Tchernia dit nation qu’exerce sur eux le petit hasard ?- aux mines heureuses : n’est- avoir essayé « de montrer toutes les écran. Différence de taille, si les ce pas là encore un moyen de faire une nouveautés sans faire de publicité à per- hommes regardent sans rien faire, les bonne publicité à la télévision ? sonne » - ait contribué, dès ses pre- femmes le plus souvent poursuivent G mières années, à faire vendre des leurs occupations –comme cette Le journal télévisé a joué un rôle de téléviseurs. Il nous donne à voir les serveuse qui essuie la vaisselle du programme moteur de la télévision succès remportés par le phénomène. café- tout en gardant les yeux rivés au pour la télévision. Conçu pour être un Ainsi, le 21 juillet 1950, un sujet est poste. Ce reportage montre bien par spectacle, il a su très tôt mettre en consacré aux « efforts des construc- quels biais la télévision a pu se dif- avant les atouts du média télévisuel – teurs et démonstrateurs de télévision fuser auprès de la population : le le direct- en leur associant des sujets « pour le tour de France ». Comme le sport, associé à une écoute d’abord vendeurs ». Il a ainsi contribué à « ven- service public de la radio–télévision, collective. Et s’il témoigne de ce dre » la télévision– service public de les fabricants de téléviseurs utilisent phénomène, le journal télévisé, en télévision comme téléviseur. Certes, il le sport pour promouvoir leurs nous montrant ces mines réjouies, nous faut aussi livrer en conclusion les récepteurs de télévision : la promo- s’en fait aussi le promoteur. Il ne se limites d’une telle étude qui exigerait tion du petit écran est ici associée au prive pas de faire la publicité des cafés par exemple de mieux chiffrer cette 32 tour de France. Ces mêmes construc- et sa publicité : une banderole nous participation ou bien encore d’avoir teurs misent sur deux vecteurs priv- indique les horaires de diffusion. Il ne des études suffisamment fiables sur un ilégiés de diffusion : les vitrines des masque pas davantage le nom du con- public de possesseurs de téléviseurs revendeurs et les cafés qui autorisent structeur (Radiola). Le journal encore confidentiel comme sur un une écoute collective aux non pos- télévisé, tout en informant sur le public de non–possesseurs aux traits sesseurs de téléviseurs. Ces deux phénomène télévisuel, promeut aussi insaisissables. La demande par les lieux de diffusion sont les seuls mon- le téléviseur. Il fait de même lorsqu’il téléspectateurs d’un changement d’ho- trés – faute de moyens d’investiga- couvre le salon de la télévision. raire – de 21 h à 20 h- en 1954, illustre tion ?- par le journal télévisé. Pierre Tchernia officiait fréquemment en tout cas l’intérêt particulier porté 31 33 N’oublions pas cependant qu’aux dans ce salon. Il le couvre en 1951 . au journal télévisé .Il ne fait aucun yeux de ses concepteurs, les princi- Ce 10 octobre, tout en montrant les doute ensuite que sa transformation paux téléspectateurs du journal réalisations de la télévision publique, la en grand-messe quotidienne en a fait télévisé se trouvent dans les cafés. caméra s’attarde aussi longuement sur « le noyau dur de la course à l’audien- 34 La caméra tout en insistant sur la les stands des constructeurs. Elle asso- ce » .- Fait-il pour autant vendre la foule –majoritairement masculine- qui cie à nouveau télévision et sport télévision ou des téléviseurs ? La se bouscule autour des postes de puisqu’on peut apercevoir sur un écran réponse n’a rien d’évident. I

1. Colette Lustière, « Le journal télévisé, l’évolution des tech- 15.Ibid.,p.100. niques et des dispositifs », in Marie–Françoise Lévy (dir.), La 16.C.Perrin,Pierre Sabbagh, l’homme de la génération télévision de Télévision dans la République, les années 1950, Bruxelles, éditions 1957 à 1965, Nanterre, juin 1996, p.35 Complexe, 1999, p.48. 17. Georges De Caunes, op.cit., p.128. 2.Voir Jérôme Bourdon, « A la recherche du public ou vers 18. Jérôme Bourdon, Haute fidélité…, op.cit., p.35. l’indice exterminateur : une histoire de la mesure de l’audience à 19.Pierre Sabbagh,op.cit., p.97. la télévision française », Culture technique,n°24,1992,p.131-140 ; 20.C.Perrin,op.cit., p.28 Cécile Méadel, « La formation des comportements et des goûts 21. Pierre Sabbagh, op.cit., p.98 :une histoire des sondages à la télévision dans les années 50 », 22. Ibid.. in M.Akrich, L. Bibard, M. Callon et alii (dir.), Ces réseaux que la 23. Pierre Miquel, Histoire de la radio et de la télévision, Paris, édi- raison ignore, Paris, L’Harmattan, 1992, p.169-186. tions Richelieu, 1973 3. Pierre Sabbagh, Encore vous Sabbagh !, Paris, Stock, 1984, p.95. 24. Jean-Pierre Rioux, Jean-François Sirinelli, Histoire culturelle de 4. Ibid., p.97. la France,Paris,Seuil,1998,t.IV,p.234. 5.H.Spade,L’Album de famille de la télévision française, 1950- 25. L’Usine Nouvelle, 28 juin 1951, p.23 1959, Paris, Robert Laffont, 1978, p.78. 26. L’Usine Nouvelle, 26 novembre 1953, pp.49 et 51. 6. Cité par Jacques Asline, La bataille du 20 heures : quarante ans 27.« XVIIIème salon de la Radio et de la Télévision »,Télé de journaux télévisés, Paris,Acropole, 1990, p.42. Magazine, 7 -16 septembre 1956, p.4. 7. Colette Lustière, art.cit., p.47. 28. « Le XVIIIème salon de la radio télévision à Paris », Bulletin de 8. Jacques Asline, op.cit., p.43. l’UER, novembre-décembre 1956, p. 846. 9.Bourdon,Haute fidélité, pouvoir et télévision,1935-1994,Paris, 29.Visite du ministre belge des communications au siège de la Seuil, 1994, p.35-36. télévision française le 28 novembre 1952. 10. Comme le reportage sur la 100ème du journal télévisé, le 30. Jacques Asline, op.cit., p.43 22 décembre 1949 (archives INA). 31. 10 octobre 1951, bilan du salon de télévision (archives INA). 11. Jacques Asline, op.cit., p.43. 32. Les conducteurs des journaux télévisés sont un outil pré- 12. Georges De Caunes, Ma part des choses, Mémoires pudiques, cieux mais les conducteurs des 100 premiers journaux n’ont pas Paris, Le Pré aux clercs, 1990, p.126 -127. été conservés.Voir Colette Lustière, art.cit., p.44. 13. Ibid. 33. Panel de 100 personnes seulement. 14.P.Sabbagh,op.cit., p.94. 34. Jacques Asline, op.cit., p. 36. Cahiers 02 4/12/10 13:47 Page 11

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Projet Mémoire de la Télévision : de la théorie à la pratique

Eléonore Alquier est archiviste-paléographe, conservateur du patrimoine aux Archives nationales (Fontainebleau) . Nous publions dans ce numéro des “Cahiers du Comité d’histoire de la télévi- sion” la synthèse écrite qu’elle a établie à l’issue des travaux de la Commission d’Histoire Orale CHTV-Inathèque. Nous invitons nos lecteurs à prendre ensuite connaissance du ver- batim de la réunion du 4 juin 2000 au cours de laquelle Eleanore Alquier analyse les premiers enregistrements d’interviews (réal- isés par un groupe d’élèves d’INA-Sup) dans le cadre du projet “Mémoire de la télévision”. Rléonore Alquier commente trois entretiens avec des témoins ayant participé à la naissance de Canal+: Antoine Lefébure, Sylvain Anichini et Albino Pedroia. Eléonore Alquier BILAN D'UNE ANNEE DE REFLEXION ET D'ECHANGES Dans le souci de conserver la mémoire de dans le cadre des ateliers d'histoire orale porter un complément aux archives d'or- la télévision française, la commission d'his- de l'année 2009-2010 présentaient une dre strictement télévisuel dont l'Ina assure, toire orale du CHTV, animée par Denis réelle diversité de profils et d’expériences. par essence, la conservation ; ces archives Maréchal et Fabrice d'Almeida, a initié à la Se sont ainsi succédés Philippe Joutard, sont des documents nativement produits rentrée 2009 une série d'entretiens patri- fort de son regard d’historien et de son par la télévision. En complément à ces moniaux, destinés à apporter un complé- expérience de “créateur d'archives orales” ; sources “brutes” ou “primaires”, la néces- ment, sous forme de témoignages audiovi- Claire Mascolo et Jean-Michel Briard, puis sité est apparue de produire un corpus de suels, aux archives conservées par l'Ina. Claude Guisard, au titre de leur pratique sources “secondaires”, porteuses d'un dis- Une première salve d'entretiens a ainsi pu de l'entretien patrimonial au sein de l'Ina ; cours construit autour des archives télévi- être réalisée durant l'année 2009-2010, en Michel Prazan, documentaliste ayant suelles, lequel discours adopterait la forme partenariat avec les étudiants de l'Institut expérimenté l'entretien caméra cachée ; audiovisuelle. Le choix du témoignage de formation de l'Ina. En parallèle à ces Élisabeth Clémentin, qui a témoigné de sa oral, au détriment de l'enquête écrite par premières réalisation, les ateliers d'histoire démarche de sauvegarde des archives exemple, constitue un parti pris en soi. orale qui se sont réunis cette année ont orales de pays du tiers-monde au sein de La question à laquelle se trouve ainsi con- servi de cadre à l'élaboration d'une réflex- l'association humanitaire Archives du fronté le CHTV, comme tout producteur ion théorique sur la démarche entreprise. monde ; et Patrick Champagne, l'un des d'archives orales, est la suivante : sur quelle Le principe même d'archives orales n'est précurseurs, aux côtés de Pierre Bourdieu, méthodologie s'appuyer pour créer un en effet pas sans soulever d'interrogations de l'enquête orale en sociologue. corpus de sources relatives à la mémoire :dans un champ universitaire dominé par L'atelier du mois de juillet est venu clore de la télévision ? Le choix du support oral le recours aux sources écrites, quelle place cette série de rencontres par le nécessite-t-il la conception d'une accorder aux supports audiovisuels ? Selon témoignage de Florence Descamps, démarche particulière ? quels principes doit-on envisager leur con- auteur d'une réflexion théorique de ception ? Une conciliation est-elle envis- référence sur le sujet 1. Les archives orales comme ageable entre la “tradition” des supports À travers la confrontation de ces expéri- support d'étude historique écrits et le caractère “innovant”, voire ences et témoignages, l’enjeu consistait à Le fait d'avoir choisi la forme des “provoqué”, des archives orales ? établir un discours théorique sur le proces- archives audiovisuelles comme support Ces ateliers ont permis la rencontre de sus de fabrication des archives orales. de mémoire peut faire l'objet d'un pre- théoriciens et de praticiens des archives Cette réflexion théorique vient en appui à mier débat. En effet, si, dans le cadre de orales. Au terme de cette première année un projet des plus concrets, puisqu'elle l'Ina, les archives orales sont de travail, il s'agit donc de dresser un pre- s'inscrit dans le cadre des entretiens patri- “naturellement” appréhendées comme mier bilan de ces réflexions et de ces pre- moniaux dirigés par le CHTV, et dont il est support de la recherche historique, leur mières réalisations. nécessaire de rappeler les principes. Le but statut souffre en revanche d'une mécon- Les intervenants appelés à s'exprimer de ces entretiens patrimoniaux est d'ap- naissance certaine dans le milieu univer- Cahiers 02 4/12/10 13:47 Page 12

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sitaire française, où ce support tarde à autour de témoins pertinents dans le expérience, il sort de l'interrogatoire être exploité à sa juste mesure. Dans le cadre d'une recherche donnée ; ces proprement dit pour entrer dans une champ historique notamment, les enquêtes “historiques” s'inscrivent dans logique de dialogue avec le témoin. sources écrites continuent à bénéficier une problématique prédéfinie. Par oppo- Enfin, lors des derniers entretiens, sa d'un statut exclusif, au détriment de tout sition, la procédure que nous quali- maîtrise du sujet est telle qu'il pourra autre support historique. fierons d'archivistique, consiste à col- même prétendre “rivaliser” avec son Le reproche généralement adressé aux lecter des données de manière beaucoup interviewé ; l'objectif de ces derniers archives orales a pour origine leur statut plus large, non pas pour une exploitation entretiens est en réalité de confirmer les même. Les archives écrites tirent en effet immédiate, mais future. Dans ce cas, le données précédemment collectées. leur légitimité du fait qu'elles sont le pro- principe est de défendre un propos le Compte tenu de ces multiples variabi- duit direct de l'activité humaine : elles plus large possible, selon un idéal d'ex- lités, il semble difficilement envisageable ont été conçues indépendamment de la haustivité des témoignages. d'établir une procédure définitive. perspective d'une utilisation historique, Entre ces deux catégories, l'une est donc ce qui constituerait la preuve de leur à visée thématique restreinte, dans le Premières règles neutralité. Au contraire, les archives cadre d'une recherche immédiate, tandis pour l'établissement orales relèvent d'une démarche volon- que l'autre est à visée large. Dans le pre- du protocole d'entretien taire de fabrication des sources, dans la mier cas, la thématique est définie et le Sur le plan méthodologique, trois étapes perspective affirmée de recherches his- questionnaire, très serré ; l'exploitation s'imposent dans la chronologie de toute toriques. L'existence même d'archives sera immédiate (ce qui ne signifie pas campagne de collecte d'archives orales. orales est le résultat de la volonté d'un qu'elle ne pourra être exploitée Dans un premier temps : le montage du archiviste, d'un historien, d'un ultérieurement). Dans le second cas, le projet, la définition du cadre, le statut chercheur, … Elles peuvent également témoin a une liberté de parole beaucoup juridique du témoignage, dont l'exploita- être produites en réponse à un besoin plus grande ; il n’y a pas d'objectif à tion peut être soumise à des droits. Le exprimé par les témoins, conscients de court terme, puisqu'il s'agit avant tout de second temps porte sur la préparation détenir un savoir menacé de disparition. sauvegarder une mémoire en voie de dis- des entretiens, la répétition éventuelle Au-delà de ce grief, les archives issues parition. avec les témoins, le choix du lieu de l’en- d'enquêtes historiques présentent cepen- Dans ces entretiens, quelle que soit la registrement (chez le témoin ou dans un dant l'avantage d'apporter un éclairage démarche adoptée, un point commun lieu neutre), des techniques d'enreg- original sur les archives écrites “tradi- essentiel se dessine à travers la présence istrement (enregistrement sonore, avec tionnelles”. Celles-ci offrent en effet le d'un ou de plusieurs enquêteurs, dont le caméra). Enfin, le traitement des don- reflet d'activités rationnelles et de procé- rôle premier est de définir les enjeux de nées collectées, la transcription qui peut dures rigides ; elles sont issues d'un la campagne de collecte. L'enquêteur donner lieu à de nombreuses po- cadre très contraint et ne proposent doit construire un dialogue avec le lémiques (transcription fidèle mot à mot qu'un regard partiel sur les faits, qui est témoin, mais sans lui donner d'orienta- ou lissage du discours pour faciliter la en général celui de l'administration. Au tion trop prédéterminée, puisque le lecture), le stockage et la valorisation des contraire, les archives orales fondées sur témoin doit toujours conserver sa liberté données viennent clore la campagne. le récit de témoins vivants permettent la de parole. Le profil de l’enquêteur est C'est à la conception du protocole d'en- production d'une parole libérée, qui variable : il peut être archiviste, historien, tretien que nous allons maintenant nous vient apporter des détails ou éclairer les sociologue, il peut s’agir d’un profes- intéresser. coulisses officieuses d'événements offi- sionnel ou d’un étudiant. En fonction du ciels. Sans se substituer aux archives Concernant le questionnaire sur lequel témoin, différents critères peuvent entr- directement issues de l'activité humaine, s'appuyer pour la conduite d'une er en compte quant à l'identité de l'en- les archives orales, en offrant à l'histo- enquête orale, les intervenants entendus quêteur : homme ou femme, jeune ou rien la connaissance de données plus cette année dans les atelier du CHTV senior, soliste ou binôme,… Tous les “confidentielles”, permettent une ap- ont revendiqué de manière unanime le exemples développés au cours des ate- proche plus nuancée voire plus humaine principe fondamental de souplesse. On liers ont mis en valeur le principe du des événements historiques. pourrait en effet s'interroger quant à la “cas par cas” : il n’existe pas de réponse pertinence d'un questionnaire unique et absolue. strictement prédéfini, si l'on considère Pour une typologie Un dernier critère de variabilité, intro- que chaque témoin propose une expéri- de l'enquête orale duit par Patrick Champagne au cours des ence qui lui est propre ; l'entretien doit Après avoir dessiné un portrait en creux ateliers du CHTV , doit être évoqué, à être le reflet d'une personnalité, et le des archives orales, par comparaison savoir l'évolution de l'enquêteur au cours questionnaire doit s'adapter à cette per- voire opposition avec les archives écrites, des enquêtes. Il existe en effet une “vari- sonnalité pour en représenter toute la comment catégoriser les archives orales, abilité intrinsèque” de l'enquêteur, en ce richesse et la particularité. Le principe de ainsi que les entretiens dont elles sont sens que l'enquêteur lui-même va con- la plus grande souplesse doit ainsi être issues ? On peut distinguer dans un pre- naître une évolution. Au cours des pre- retenu : les questions doivent rester mier temps les enquêtes thématiques, miers entretiens, l'enquêteur effectue idéalement ouvertes et éviter le mode produites par un chercheur ou un histo- une réelle découverte du terrain. Dans négatif - “ne pensez-vous pas que … ?” -, rien, réalisées autour d'un sujet donné, un second temps, après une certaine qui entraîne systématiquement une fer- Cahiers 02 4/12/10 13:47 Page 13

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meture des échanges. L'entretien idéal penser que le témoin s'est fabriqué des Si les ateliers organisés en 2009-2010 par s'assimilerait ainsi à une conversation, les souvenirs “convenus”, qui ne sont qu'un le CHTV offrent le cadre d'une réflexion questions n'étant que des jalons corre- reflet partiel de la réalité. Il est donc théorique et synthétique en matière spondant aux points incontournables du nécessaire de multiplier les séances d'en- d'archives orales, l'Ina est déjà riche de témoignage livré. Les digressions du tretien autour d'un sujet donné, avec dif- plusieurs entreprises en la matière. La récit doivent même être autorisées, voire férents témoins et selon une démarche catégorisation binaire des entretiens pat- encouragées, comme significatives de archivistique, si l'on espère constituer un rimoniaux proposée ci-dessus peut ainsi l'expérience et du vécu du témoin. discours historique le plus neutre et le trouver une illustration dans quelques L'entretien idéal repose ainsi sur un plus objectif possible : c'est en multipli- cas pratiques réalisés précédemment. compromis entre le cadrage minimum ant les points de vue que les faits seront de la conversation et la liberté du reconstitués de la manière la moins con- Les précédentes témoin. Pour parvenir à cet équilibre, la testable. réalisations de l'Ina maîtrise de l'entretien par l'enquêteur Le rôle de l'enquêteur Claire Mascolo a ainsi pu présenter lors doit être d'ordre instinctif, la liberté de Sur la base de ces considérations, com- d'un atelier la série d'archives orales pro- parole du témoin étant fixée selon un ment dresser le portrait de l'enquêteur duite par les équipes de l'Inathèque. Il ne subtil dosage de préparation et de spon- idéal ? De manière peut-être sur- s’agit pas d’entretiens sériels, mais isolés, tanéité. prenante, les intervenants entendus au faisant suite aux versements d'archives Compte tenu de ces remarques, le choix cours de cette année s'accordent à privées effectués par des acteurs de la d'un protocole d'entretien prédéfini penser que le témoin ne doit pas avoir télévision. Aucune démarche systéma- devient problématique, dans un contexte forcément reçu une formation spéci- tique n'a été définie, puisque ces entre- où règne la loi du cas par cas. Le degré fique de l'interrogatoire ou de l'inter- tiens concernent des personnalités aux d'importance à accorder au protocole view. Sur le plan intellectuel, le point profils variés, sans problématique com- dépend également du caractère de l'en- essentiel repose sur la préparation préal- mune ; mais la procédure s'appuie quête menée, fondée sur des entretiens able à chaque entretien, qui seule permet cependant sur une maîtrise certaine de ponctuels ou sériels. Un modèle souple d'identifier ce qui, dans le parcours du l'exercice, et une méthodologie a ainsi pu de protocole peut cependant être adop- témoin, rendra son témoignage parti- se dessiner. Dans ces entretiens, qui peu- té, comme le proposait Philippe Joutard culièrement pertinent. vent durer plusieurs heures, l'accent est durant l'atelier du 23 octobre 2009, mis sur la liberté du discours du témoin, fondé sur un rythme binaire. L'entretien Chaque entretien doit ainsi être le fruit de recherches approfondies en amont. selon le mode de l'empathie non inter- à deux temps commence ainsi par don- ventionniste : la parole du témoin est au ner la parole au témoin de manière très Néanmoins, l’entretien ne tend pas à confirmer des données préalablement cœur de l'entretien. Celui-ci n'est alors ni libérée ; l'enquêteur n'a qu'un rôle d'initi- une interview, puisqu'il ne comporte pas ateur du témoignage, qui se déroule obtenues auprès d'autres sources, mais à leur apporter un nouvel éclairage, voire à de question précise, ni une conversation ensuite de manière libre. Dans un deux- d'égal à égal, puisque le témoin seul est à ième temps, une étape de “retour sur apporter des données nouvelles par rap- port aux éléments déjà connus. l'honneur. L'objectif n'est pas de pro- témoignage” permet de combler les duire un entretien de forme télévisuelle, La capacité de l'enquêteur à donner la manques, de revenir sur les lacunes, les mais de collecter librement la mémoire ; parole avec tact et à encourager la libre contradictions éventuellement apparues le témoignage doit être spontané, et les expression du témoin est ainsi le gage d'un dans le récit. Cette procédure à deux contradictions ou erreurs éventuelles entretien réussi. Sur le plan humain, le temps établit ainsi un compromis entre sont en elles-mêmes significatives de la sens du contact apparaît comme une qual- la liberté de parole du témoin et les façon dont les faits ont été vécus. Ces ité essentielle. La neutralité présupposée réponses plus précises à des questions entretiens étant réalisés sans visée d'uti- de l'enquêteur doit en effet laisser la place, prédéterminées. lisation immédiate, ils s'inscrivent vérita- à l'occasion, à des marques d'empathie, Un autre point soulevé de manière blement dans une démarche de collecte voire de sympathie vis-à-vis du témoin ; récurrente lors des ateliers a été le “archivistique”. c'est à cette condition que s'exprimera la rythme des entretiens : un témoin doit-il parole “librement consentie” du témoin, être interrogé plusieurs fois ? Cela ne Au contraire, les entretiens réalisés par ainsi que la qualifie Claire Mascolo. s'applique pas dans le cadre des entre- Gilbert Dutertre adoptent une démarche tiens du CHTV, pour lesquels on a adop- Patrick Champagne encourage même à caractère thématique, dans un cadre té le principe de l’entretien unique et l'enquêteur à faire intervenir une part de intellectuel et matériel contraint. Ces limité dans le temps. Mais on constate son vécu personnel si nécessaire, afin enquêtes auprès de créateurs de film généralement qu'interroger un témoin à d'établir un dialogue de personne à per- d'animation sont en effet réalisées dans différentes périodes de sa vie permet de sonne avec le témoin entendu ; il s'agit le cadre d’IMAGINA, selon un délai très mesurer son regard sur une expérience de créer une relation ancrée dans un court – une semaine –, avec une limite passée, et de souligner la façon dont son processus de conversation. Toute la dif- d'une heure par personne. Le corpus témoignage s'est fabriqué de façon plus ficulté du travail de l'enquêteur repose d'entretiens est également limité à une ou moins artificielle. La récurrence de donc sur cet équilibre fragile, entre liste de témoins prédéfinis, qui ne feront détails, racontés de la même façon à empathie avec le témoin et justesse du pas l'objet d'un second entretien plusieurs années d'intervalle, laisse ainsi propos scientifique. ultérieur. Cahiers 02 4/12/10 13:47 Page 14

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L'entretien lui-même est mené autour En conclusion à cette synthèse théo- Pour l'enquêteur, a fortiori si celui-ci est d'axes précis : l’identité du témoin, son rique, une nuance doit être apportée à un “débutant”, le questionnaire préparé arrivée dans le milieu de la 3D et sa notre propos initial. Les archives orales offre des repères et permet d'atténuer vision du milieu. Entre ces jalons se peuvent certes adopter la forme de ré- l'angoisse de la “page blanche”. manifeste cependant la volonté de lais- cits de vie livrés avec une grande liberté L'enquêteur dispose ainsi de jalons sur ser à chacun une certaine liberté de de ton, ou au contraire s'intégrer à une lesquels s'appuyer pour “faire parler” le parole, conformément à l'équilibre idéal enquête strictement définie et encadrée. témoin ; cet outil peut aussi être un élé- recherché entre conduite de l'entretien et Mais des solutions intermédiaires exis- ment de crédibilisation. Il joue surtout le marge de liberté du témoin. tent également, qui font la part entre le rôle d'un scénario, plus ou moins lâche, Néanmoins, quels que soient la forme de mode de la conversation et l'évocation mais garant d'une structure minimale. l'entretien et son contexte de produc- de points prédéfinis comme fondamen- Concrètement, un questionnaire de qua- tion, la réussite du projet semble reposer taux à la compréhension du témoignage. lité évite les questions fermées et alterne sur la capacité de l'enquêteur à établir un Si un principe doit finalement être retenu, les interrogations, de l'identification du contact fructueux avec le témoin, dans le il s'agit bien de celui de la sou-plesse dont témoin à la contextualisation de son pro- cadre d'une relation aussi “humaine” et doit faire preuve l'enquêteur vis-à-vis du pos. L'objectif visé n'est pas seulement naturelle que possible. C'est pourquoi la récit dont il est le dépositaire. la production de la parole, puisque les possibilité de la répétition est générale- silences aussi sont évocateurs. Le ques- ment rejetée : elle risque en effet de Le questionnaire tionnaire doit donc servir de canevas à provoquer un discours convenu et de dans le projet l'entretien : il ne doit pas prendre la détruire toute la spontanéité qui fait le Mémoire de la télévision forme d'une grille, mais proposer des prix du récit livré. Ce principe de spon- Après avoir fait la synthèse des réflex- mailles plus ou moins lâches qui tanéité vaut également pour l'enquêteur, ions élaborées durant cette année d'ate- inciteront le récit, et dans lesquelles va qui doit toujours faire preuve de réacti- liers, il s'agit donc de mettre ces proposi- s'insérer le témoignage. On peut ainsi vité : le fait de connaître trop précisé- tions en application dans le cadre du considérer le questionnaire comme la ment le déroulé de l'entretien entraî- projet Mémoire de la télévision, mis en matérialisation du “pacte de confiance” nerait un effet de lassitude, qui nuirait à place depuis an an par le CHTV et l'Ina. qui lie l'enquêteur au témoin. Il vient en la qualité de l'ensemble. La thématique choisie pour cette entre- effet conclure les premiers contacts, au prise est très ciblée, puisqu'il s’agit de la cours desquels auront été définies les La fin de l'entretien naissance des chaines privées et du redé- lignes fondamentales de l'entretien. Le Se pose enfin la question de la conclu- ploiement du service public dans les questionnaire est dont le fruit d'une dou- sion de l'entretien. Mettre un terme à années 1980-1990. En accompagnement ble attente, qui est d'une part la demande l'entretien signifie que les questions à cette thématique strictement définie, historique propre au projet d'enquête, et posées ont obtenu des réponses. Or, si une méthodologie et des principes qui correspond d'autre part à la volonté l’entretien adopte la forme d'une conver- généraux ont pu se mettre en place. Un du témoin de s'exprimer, de livrer le récit sation, il repose sur une rencontre entre corpus de témoins a ainsi été établi, dans de son expérience. De manière concrète, deux personnes, deux subjectivités : les un idéal d'exhaustivité. Chaque entretien et en particulier dans le cas d'entretiens réponses sont donc autant le fruit des est limité à une heure, ce qui représente thématiques limités à une heure, le ques- questions posées que du contexte dans l'une des contraintes fondamentales de tionnaire se limite à cinq ou six ques- lequel s'est déroulée la “conversation”. l'exercice. Les enquêteurs travaillent en tions clefs : ces grands repères vont Le résultat de l'entretien reste donc binômes constitués d'un membre du déterminer la structure de l'entretien et relatif, et les archives orales qui en sont CHTV et d'un étudiant de l'Ina. Selon servent de points de passage obliga- issues ne sauraient être définitives. Si la ces critères, cette campagne s'inscrit toires, mais que l'enquêteur doit être contrainte temporelle peut être béné- donc dans une démarche thématique capable d'introduits avec souplesse et fique dans la mesure où elle permet de précise, plutôt que dans une démarche habilité. cadrer le discours, un prolongement par “archivistique” de portée plus générale. un nouvel entretien peut toujours être Dans un tel cadre, et compte tenu de Les premières réalisations envisagé de manière pertinente. Nous l'existence de ces contraintes matérielles Durant l'année 2009-2010, trois entre- retiendrons la formule de Philippe et intellectuelles, le choix d'utiliser un tiens ont pu être réalisés dans le cadre du Joutard, qui déclarait au cours de l'atelier protocole de questions semble tout à fait projet Mémoire de la télévision. Ils du 23 octobre 2009 : “Je crois à une fin, légitime. Le questionnaire offre en effet répondent à la problématique parti- même si elle est provisoire”. un cadre au déroulé de l'entretien ; celui- culière de la création de Canal +, depuis Quant à “l’après entretien”, les interro- ci reste ainsi concentré sur la thématique l'élaboration du projet par le groupe gations qu'il suscite sont plutôt d'ordre propre à l'enquête menée, et évite les Havas jusqu'aux crises récentes traver- technique : le choix du support de con- digressions qui entraîneraient un sées par la chaîne. Les personnalités servation, les normes de transcription dépassement du délai imparti. interrogées ont été cette année : Antoine adoptées, l'éventuel traitement des don- Loin d'être une entrave systématique à la Lefébure, directeur du développement nées pour publication, peuvent entraîner spontanéité d'expression du témoin, le chez Havas dans les années 1980 ; une multitude d'options, dont nous ne questionnaire peut même représenter un Sylvain Anichini, directeur technique ; et ferons que mentionner l'existence. atout dans la conduite de l'entretien . Albino Pedroia, directeur des études. Cahiers 02 4/12/10 13:47 Page 15

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Si l'on étudie les documents audiovisuels L'enquêteur ne doit alors intervenir que ultérieures de ceux qui avaient participé à issus de ces entretiens, réalisés dans les pour apporter des précisions factuelles ou la création de la chaîne, pour illustrer les conditions énoncées ci-dessus, il appa- relancer le propos, mais de manière conséquences qu'avait pu avoir cette raît que les principes précédemment pré- ponctuelle. Dans le cadre d'un entretien expérience sur la suite de leur parcours. conisés ont été appliqués par les enquê- limité dans le temps, il intervient surtout Toute la subtilité de l'exercice de l'entre- teurs, de manière plus ou moins instinc- pour apporter la conclusion au récit ; cette tien repose donc sur la capacité de l'en- tive, et surtout de manière évolutive au intervention est la plus délicate, puisqu'il quêteur à garder la maîtrise de son temps fur et à mesure de la réalisation des s'agit d'amener le témoin à conclure, sans et du récit, tout en ménageant au témoin entretiens. Entre les hésitations et les pour autant l'interrompre ni laisser sous l'espace nécessaire à l'expression d'une maladresses du premier entretien, et la silence une part importante du récit. parole authentique. Les entretiens réalisés plus grande maîtrise qui se manifeste Cependant, la préparation concertée de par le CHTV comportent ainsi plusieurs dans le troisième, le facteur de l'expéri- l'entretien ne doit pas écarter l'éventualité passages durant lesquels le témoin s'ap- ence s'impose en effet comme une don- des effets de surprise. Les entretiens réal- proprie l'outil d'expression qui lui est pro- née fondamentale. Au-delà de la néces- isés par le CHTV ont en effet permis de posé pour diffuser un message personnel, saire préparation du questionnaire en constater que les moments les plus proposer d'autres pistes d'enquêtes ou amont, qui repose notamment sur des “naturels” du récit, ceux durant lesquels la d'autres sources de témoignages. De tels recherches bibliographiques et une parole du témoin est la plus libérée, et moments sont la preuve que le témoin bonne maîtrise du contexte historique, donc la plus authentique, sont les inscrit son récit dans un ensemble plus l'aisance de l'enquêteur repose sur sa moments consécutifs à une question que large, à valeur historique, et dont la com- capacité à relancer le récit avec tact, cette le témoin n'attendait pas. Ainsi, lorsque le préhension s'appuie sur la confrontation qualité étant étroitement liée à la richesse témoin se voit rappeler par l'enquêteur une de témoignages multiples. de son expérience en la matière. anecdote ou un détail historique que lui- Le projet continue.. On observe ainsi une nette progression même avait oublié, l'effet de surprise peut On ne saurait finalement édicter de lois d'un entretien à l'autre. Ce constat l'amener à évoquer des faits nouveaux, absolues pour l'élaboration d'un ques- implique nécessairement une hétéro- qu'il n'aurait pas eu le réflexe de mention- tionnaire dans la perspective d'un entre- généité qualitative des entretiens réalisés, ner sans ce moment de décontenance- tien patrimonial. Le regard croisé porté le dernier en date étant plus satisfaisant ment. Ces questions imprévues, qui sont la sur les ateliers de l'année 2009-2010 et que le premier. Aussi regrettable soit- marque d'un questionnaire bien préparé, sur les premières réalisations du CHTV elle, cette disparité ne saurait être facilitent grandement l'instauration du ton aura cependant permis de définir les résolue, puisqu'elle est la condition sine de la conversation entre enquêteur et témoin. grands principes selon lesquels mener qua non pour que l'enquêteur acquière La gestion du temps un tel entretien. Dans le trio formé par peu à peu la maîtrise de son rôle. Ceci La préparation de l'entretien constitue ainsi l'enquêteur, le questionnaire et le s'observe particulièrement dans les pre- un élément fondamental à la réussite de témoin, il s'agit bien de trouver un équili- mières minutes de l'entretien : alors que celui-ci. Elle participe également de la ges- bre subtil entre maîtrise du récit et spon- le récit du premier entretien mené par le tion du temps de parole. La schématisa- tanéité du témoignage. CHTV s'engage de manière abrupte, le tion du minutage des entretiens réalisés dernier entretien bénéficie au contraire Si elles apportent un éclairage nécessaire par le CHTV permet ainsi de dessiner un d'une introduction particulièrement à la compréhension de l'histoire, les découpage idéalisé, sur une durée totale soignée, au cours de laquelle l'enquêteur archives orales ne sauraient cependant de soixante minutes. L'introduction, dont recontextualise à la fois le cadre de l'en- être considérées comme des outils de on a souligné le rôle fondamental, peut quête et le récit du témoin. lecture absolus : leur juste exploitation occuper jusqu'à dix minutes : elle permet repose en effet sur la capacité de l'histo- Le récit idéal semble donc devoir com- de contextualiser le propos de l'enquête rien à recontextualiser leur propos et à mencer par une identification claire du ainsi que d'identifier le témoin. Le sujet de croiser les données ainsi récoltées avec témoin, ce qui permet d'illustrer la perti- l'enquête proprement dit peut ensuite être d'autres sources d'information. nence de son action dans les événements évoqué durant trente-cinq à quarante min- Le projet Mémoire de la télévision s'in- relatés, mais aussi de comprendre, sur un utes qui explicitent, en une demie-dizaine scrit ainsi dans l'objectif défini par le plan psychologique, le parcours qui l'a con- de questions thématiques ou chrono- CHTV, pour la production d'outils de duit à participer à ces événements. Un bon logiques, la participation du témoin à un compréhension de l'histoire audiovi- entretien ne saurait faire l'économie de phénomène historique, sa perception des suelle. Les ateliers d'histoire orale pour- quelques mots de rappel sur la formation événements, … Les dix à quinze dernière suivront cette réflexion en 2010-2011, intellectuelle et sur le parcours global du minutes de l'entretien permettent de en parallèle à la production de nouveaux témoin, avant de s'intéresser plus précisé- combler les éventuelles lacunes du récit entretiens patrimoniaux. I ment à la thématique centrale de l'enquête. qui a précédé, mais aussi d'élargir le pro- Si les grandes lignes du témoignage ont pos, notamment en évoquant la suite du 1.Florence Descamps : L’historien, l’archiviste pu être définies en amont, par concerta- parcours du témoin après sa participation et le magnétophone. De la constitution de la tion entre l'enquêteur et le témoin, le à l'événement étudié. Dans le cas précis du source orale à son exploitation. Comité pour récit devrait se dérouler de manière projet de Canal +, il est ainsi apparu très l’histoire économique et financière de la France, collection “Sources” (2001). naturelle et logique, sans oubli majeur. intéressant d'évoquer les expériences Cahiers 02 4/12/10 13:47 Page 16

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Etude de cas : trois entretiens réalisés pour Mémoire de la Télévision Verbatim de l’intervention d’Eléonore Alquier lors de la réunion du 2 juin à propos des premières interviewes réalisés par le groupe CHTV-Inathèque

Eléonore Alquier :“J'ai travaillé sur semblé le plus réussi ou au contraire, cours du témoin est particulièrement les entretiens déjà réalisés concernant ce qu’il faut améliorer. Dans un pre- pertinent dans le cadre de cette le projet Canal+, les trois entretiens mier temps, c'est l’introduction de enquête... Pour illustrer ces impératifs, sont ceux d'Antoine Lefébure, Sylvain l’entretien, ce qui engage ou lance la je vous propose un premier extrait Anichini et Albino Pedroia. Là, je vais parole du témoin. L'enquêteur doit relatif à l'introduction et l'habillage fait vous proposer des extraits de ces être capable de contextualiser l'entre- par les élèves de l'INA, un entretien entretiens, et je préciserai ce qui m'a tien en tant que tel. En quoi le par- réalisé avec Antoine Lefébure.

Extrait d’un entretien Mémoire de la télévision (CHTV-Inathèque) : Antoine LEFEBURE CHTV-INA :Antoine Lefébure, bonjour ! Antoine LEFÉBURE : Bonjour ! CHTV-INA : À la fin de l’année 1971, vous créez l'Association pour la Libération des Ondes, l'ALO, pour lutter contre l'interdiction des radios libres. En quoi cette expérience vous a amenée à la télévision ?

“Je vous propose maintenant, une seconde introduction à l’entretien.

Extrait d’un entretien Mémoire de la télévision (CHTV-Inathèque) :Albino PEDROIA CHTV-INA :Albino Pedroia, bonjour ! Albino PEDROIA : Bonjour ! CHTV-INA : Cela me ravit de vous accueillir dans le cadre du Comité d’histoire de la télévision pour ces entretiens d’histoire orale et de témoignages sur l’histoire de la télévision. Alors, pour commencer, vous êtes journaliste, mais il semble que vous avez commencé votre parcours à la radio

“ Pour schématiser, je n'ai pas été conva- le locuteur, et c'est déterminant pour son Dans le cadre d'un entretien limité tem- incue par la première entrée en matière. discours. Nous avons ici donc deux porellement, il est là aussi pour apporter Et trouve regrettable que l'habillage ne démarches d'introduction, avec la sec- la conclusion. Dans l'idéal, les interven- donne pas la date de l’entretien. On doit onde qui me parait préférable à la pre- tions de l'enquêteur doivent être le savoir à quelle période il a été effectué. Je mière. Une fois passé le stade de l'intro- reflet de la préparation du questionnaire pense qu'il y aurait des indications à don- duction. Idéalement, les interventions de en amont. Il y a un exemple dans lequel ner sur le support. Dire que cet entretien l'enquêteur doivent être à la fois dis- le témoin a été décontenancé par la a été réalisé avec telle ou telle personne, crètes, mais aussi structurantes. Nous question de l'enquêteur ; cette situation qui a tel statut, préciser le lieu de l'entre- pouvons supposer que si les questions ou est idéale, car de cette manière, le tien si nécessaire. La première question les cadres ont été bien posés en amont, le témoignage spontané du témoin sera posée à Antoine Lefébure m'a semblé un récit du témoin va se dérouler de provoqué. Je vous propose quatre peu abrupte. En gros, la personne dit bon- manière naturelle et logique et ne pas extraits relatifs à ces quatre points. jour et lance directement la conversation. faire trop d'impasse. Tout d’abord, dans l'interview d’Albino Ce n’est pas le cas dans le deuxième L'enquêteur est alors là pour demander Pedrioa, où nous avons l’exemple de extrait : l des précisions quand il y a lieu, quand il y l’intervention de l'enquêteur qui ’interviewer recontextualise en repré- a une baisse de régime, relancer le pro- relance le propos en mettant l'accent cisant la formation. Ça permet d'identifier pos, mais de façon très ponctuelle. sur la contextualisation.

Extrait d’un entretien Mémoire de la télévision (CHTV-Inathèque):Albino PEDROIA Albino PEDROIA : (…) évidemment nous protéger de toute la partie publicitaire du groupe qui n’é- tait absolument pas fondée dans notre travail. CHTV-INA : Nous sommes en 1984, quel est le paysage télévisuel à ce moment-là ? Albino PEDROIA : C’est le monopole ! CHTV-INA :Voilà ! Cahiers 02 4/12/10 13:47 Page 17

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“ Le discours d'Albino Pedroia pour quelqu'un qui n'était pas informé Voici un deuxième extrait, un autre décrivait de façon très fine ce qui se sur cette période, il était intéressant exemple de transition dans l'interview passait à l'intérieur de Canal+, mais d'avoir la date. de Sylvain Anichini.

Extrait d’un entretien Mémoire de la télévision (CHTV-Inathèque) : Sylvain ANICHINI Sylvain ANICHINI : L’atmosphère était terrible, c’était une aventure. CHTV-INA : Et il y en a eu d’autres : l’aventure suivante si nous pouvons enchaîner

“ Quand le témoin arrive au terme d’un donc être capable de le relancer. L’extrait teur doit être capable d'imposer à son paragraphe, son élan peut retomber, il faut suivant est relatif à la conclusion que l'enquê- témoin quand celui-ci a une parole très facile

Extrait d’un entretien Mémoire de la télévision (CHTV-Inathèque) :Albino PEDROIA CHTV-INA : C’est sur ce moment-là que nous allons nous arrêter, merci beaucoup pour cet entretien et pour votre franchise.

“ Alberto Pedroia est un bon genre de témoin qu'il faut ca- Le dernier extrait est l’exemple narrateur, une parole facile, le drer. de la surprise.

Extrait d’un entretien Mémoire de la télévision (CHTV-Inathèque) : Sylvain ANICHINI Sylvain ANICHINI : (…) On ne retire rien à chacun des acteurs. CHTV-INA : Le matin de l’inauguration du lancement de Canal+, tout le monde est là, mais je sens que vous n’être pas tout à fait à l’heure… Sylvain ANICHINI : C’est impossible que vous sachiez ça ! Qui vous a raconté ça ? Ça ne peut être que mon épouse, mais elle ne parle à personne !

“ Cela crée une détente puisque le de Canal+, mais qui sont nécessaires tions relatives à ce que le témoin témoin est pris au dépourvu. Cela pour contextualiser les propos du est devenu, l'évolution de son par- l'amène à témoigner sur quelque témoin. cours, etc. chose auquel il ne s'attendait pas À la fin, un petit quart d'heure où Là, j'ai identifié les questions qui du tout. Finalement si les pre- l'accent sur la destinée personnelle m'ont semblé mises en valeur dans mières questions ont un rôle d'in- du témoin est mis, ce qui est perti- l'entretien, je ne sais pas quel avait troduction et de contextualisation nent dans ce cas là puisque Albino été le questionnaire dressé en du propos, peu à peu, l'entretien Pedroia est revenu sur Canal+ après amont de l'entretien, j'imagine dans doit prendre la forme d'un dia- être allé travailler chez Havas. Cela l'idéal que le tableau que je dresse logue ou d'un récit, mais en tout peut être intéressant dans l'absolu là est superposable au question- cas d'une parole libre ou l'enquê- de s'accorder une ou deux ques- naire préétabli. teur intervient pour relancer si nécessaire. Pour quand même donner malgré tout une esquisse de ques- tionnaire, j'ai repris l’architecture de l'en- tretien d'Alberto Pedroia. En reprenant le minutage, il m'a semblé que ça recou- vrait bien le schéma, de l'objectif du témoignage de l'aven- ture de Canal+. Nous voyons les questions doivent temporelle- ment s'organiser pour laisser la place au sujet central qui est l'aven- ture Canal+. L'introduction dure quand même neuf min- utes où il ne parle pas Cahiers 02 4/12/10 13:47 Page 18

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“ Pour finir, j'ai essayé d'établir, ou exprimer des demandes ou utiliser le télévisuel : le témoin lui-même fait le d'identifier, dans les interviews con- temps de parole qui lui est donné parallèle entre son discours et les sidérées, les trois points les plus comme un lieu d'expression pour documents télévisuels que ce dis- positifs, c'est le moment où nous délivrer un message un peu plus cours doit éclairer.Ensuite, il fait allu- sortons véritablement du général ; il s'approprie donc l'entre- sion à des personnes intéressantes à question/réponse et de l'interroga- tien auquel il a été invité. Tout inter-viewer, et à la fin, c’est toujours toire, quand la liberté de parole du d’abord voici extrait avec Sylvain Sylvain Anichini qui propose lui- témoin est telle qu'il va pouvoir Anichini, qui évoque un entretien même la conclusion de l'entretien.

Extrait d’un entretien Mémoire de la télévision (CHTV-Inathèque) : Sylvain ANICHINI Sylvain ANICHINI : (…) Elles ont été terminées en avril 1986, la licence, il l’a eu en février 1987. Pendant toute cette période-là, on a produit (…) avec sept personnes, moi compris, on a produit des émissions et postproduit des émissions pour d’autres chaînes de télévision, dont – et ça on peut voir la cassette, il faudrait que vous la retrouviez celle-là – TF1. Notamment le réveillon de TF1 qui a été tourné dans le studio de Jean-Claude Bourret, studio de la 5 quelques mois plus tard, amusant !

“ J'ai interprété cela comme le science que son discours est vraiment ments qui existent par ailleurs et son moment où le témoin prend con- complément à l'existence de docu- témoignage apporte un éclairage.

Extrait d’un entretien Mémoire de la télévision (CHTV-Inathèque) : Sylvain ANICHINI Sylvain ANICHINI : Je vais faire le numéro zéro de la technique, donc un démarrage un peu difficile, mais on ne s’en veut pas parce que si vous interrogez Pierre, il vous dira ça de telle façon. Un jour, on m’a demandé d’aller voir Rousselet, qui avait vraiment confiance, et de lui dire qu’il fallait reporter la date, et j’ai refusé. “ Il s’agit du moment où le témoin que pour faire l'objet d'une poursuivre le questionnaire ou prend conscience que son exploitation historique, il faut for- l'entretien avec des témoins com- témoignage est très subjectif et cément croiser les sources et plémentaires” I

Extrait d’un entretien Mémoire de la télévision (CHTV-Inathèque) : Sylvain ANICHINI Sylvain ANICHINI : (…) La date de la chaine a démarré à la date et l’heure indiquées à chaque fois. CHTV-INA : Nous allons clore sur cette belle conclusion. Sylvain ANICHINI : Juste pour clore… Juste un mot :Tout est à faire ! Tout est à innover en télévision et radio et tout reste à faire. Il y des gens qui pourraient se décourager (…). Moi, j’aurais aimé inventer la téléphonie sans fil, bon, il y a un type qui l’a inventée avant moi, je suis arrivé trop tard. Moi, ce que je dis par rapport à des jeunes, à des gens qui apprennent est qu’ils apprennent d'une certaine manière, mais ce n’est pas comme cela qu’ils produiront. Ce n’est pas grave, ce qu’ils apprennent c’est bien, mais ce n’est pas comme ça qu’ils produiront les émissions dans un, deux ou trois ans. Là on est sur la conception de chaines de radio et de télévisions. Là, pour dans un an, elles sont radicalement dif- férentes et font un cap excessivement important avec ce qu’on a déjà fait actuellement. Il y a encore des tas de choses à faire, j’adore ça !

2010-2011 : “ Histoire orale : nouveaux chantiers, nouvelles approches” Les ateliers sont désormais Vendredi 17 décembre 2010 récits ; le cas du 11 septembre à New pilotés par Denis Peschanski, L'apport de la psychanalyse : York et du 11 mars 2004 à Madrid" directeur de recherche au "Les maladies de la mémoire" Serge Vendredi 29 avril 2011 Tisseron L'apport de l'anthropologie et de la Cnrs. psychiatrie- Richard Rechtman En revanche, la collecte Vendredi 21 Janvier 2011 (EHESS): "Le traumatisme comme des interviews (CHTV- 2ème guerre mondiale : l’apport du témoin invention sociale" Inathèque) pour “Mémoire de la Télévision” se poursuit. Vendredi 4 février 2011 Vendredi 20 mai 2011 L'apport des sciences cognitives L'apport des Perfomances Studies : Ophelia Deroy (post-doc NYU- "A quoi servent les mémoriaux ?" Vendredi 12 novembre 2010 CNRS-Mémorial de Caen) : "La Brigitte Sion (New York University, L'apport des neurosciences : "Les mobilisation des sens dans la con- Religious Studies) dynamiques cérébrales de la struction mémorielle" mémoire" Vendredi 17 juin 2011 Yves Burnod (INSERM) et Katia Vendredi 4 mars 2011 Bilans et perspectives Dauchot (CNRS), neuroscientifiques, L'apport de l'histoire de la photogra- Florence Descamps, maître de con- InsitutInventaire des Systèmes Complexes phie- Gêrome d’un Truc (EHESS): " La photo chantierférence en histoire à l'Ecole pratique (Paris Île-de-France) participepar Jean-Noëlà la construction JEANNENEY des grands des hautes études (EPHE) Cahiers 02 4/12/10 13:47 Page 19

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29 janvier 1981 : la “feuille de route” Jean-Noël Jeanneney est l’un des fondateurs du Comité d'Histoire de la Télévision. Voici

son intervention lors de la première assemblée STEPHANIE BOURGOING / RFI

Inventaire d’un chantier Nous célébrons la naissance du l'instrument technique. On connaît la en chantier aujourd'hui). Ici, prend Comité d'Histoire de la Télévision : distinction classique en histoire des sci- place en particulier le problème rarement entreprise collective est ences et qui vaut ici naturellement entre majeur de l'information politique : apparue d'une aussi éclatante nécessité invention et innovation, celle-ci consti- celle qui est donnée dans les émis- aux yeux des historiens professionnels tuant l'intégration de celle-là, à cer- sions qui en portent le label et celle qui travaillent sur notre contemporain. taines conditions, dans l'ensemble du fournie de fait dans les autres. Il y Il suffit pour s'en assurer d'imaginer système technique, à un moment a à bâtir, dans la durée et avec les un instant qu'on se prive de cette donné. Et toutes proches on rencontre variations nécessaires selon les curiosité spécifique : toutes les les grandes questions posées par l'influ- périodes, l'histoire de l'emprise de branches de l'histoire s'en trou- ence des techniques sur les contenus. l'exécutif, sous l'angle des règles veraient mutilées, souvent jusqu'à juridiques en évolution et surtout l'incompréhension de l'essentiel. 2.- Etude du milieu sous l'angle des pratiques vécues. Un deuxième chapitre est constitué Que serait, par exemple, une histoire Quand je parle de l'exécutif, je par la psychosociologie de tout un des comportements sociaux qui n'é- n'entends pas, d'ailleurs, un ensem- milieu professionnel et humain, et tudierait pas les conséquences de la ble abstrait, mais un enche- des "sous-milieux" en lesquels il se télévision sur la vie des collectivités, vêtrement lui-même fort com- divise : ingénieurs techniciens, des écoles, des familles ? Que serait pliqué, de présidents, de ministres, administratifs, réalisateurs, auteurs, une histoire culturelle qui négligerait de fonctionnaires spécialisés ou "producteurs", journalistes, musi- ce formidable instrument de diffu- non. Par quels canaux les influ- ciens, "illustrateurs sonores", comé- sion du patrimoine intellectuel et ences d'État s'exercent-elles, à diens, critiques de télévision, etc.. Il artistique de la nation, ce formidable quelle hauteur, et avec quels faudrait dresser la prosopographie facteur d'uniformisation des mod- ressorts ? En l'occurrence il existe des carrières, comme on dit en his- èles et des références ? Que serait plus de mythologies, assurément, toire de l'Antiquité, étudier la forma- une histoire politique des trois que de données avérées. dernières décennies qui négligerait ce tion, le recrutement, les modes de domaine qui se constitue à la fois en vie et les ressources, la "sociabilité" Au demeurant, bien d'autres champ clos et en enjeu des affronte- des uns et des autres. Il faudrait groupes de pression viennent com- ments et des conflits les plus décisifs, étudier les divers réseaux, qu'ils pliquer le jeu, avec toute une ce lieu privilégié où se réfracte soient institutionnalisés (nous savons gamme de procédés qui s'étendent l'ensemble du jeu des forces ? peu de chose, par exemple, sur l'his- toire des syndicats) ou qu'ils soient de la corruption pure et simple L'appétit de travail s'aiguise encore informels : ces derniers plus difficiles jusqu'à l'intrusion inopinée des davantage si l'on retourne le pro- à saisir par nature mais qui souvent porteurs de pancartes, dans un stu- blème et qu'on s'essaie à esquisser un ne comptent pas moins. dio, avec entre les deux une quan- inventaire de quelques-unes des ques- tité très variée de moyens parfaite- tions posées (notre "problématique" ment avouables qui sont loin de ne pour reprendre le jargon du métier). 3.- Qui décide quoi ? faire appel qu'aux seuls appétits ou Troisième vaste champ d'étude : aux ambitions des "décideurs", et I.- Progrès de l’instrument les modalités de la décision (et s'appuient dans bien des cas (la Posons d'abord l'étude, fondamen- nous rejoignons un des secteurs les proportion restant pour l'heure tale au sens propre, des progrès de plus vivants de l'histoire politique incertaine) sur leur générosité ou Cahiers 02 4/12/10 13:47 Page 20

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sur leur simple intelligence des Les sources ici sont riches - mais fort en vaut la peine. Il nous besoins de la communauté. souvent floues et incertaines - qu'il revient d'aider les responsables À plus longuement parler, l'étude s'agisse des réactions de la presse, politiques et financiers à le com- de cette simple question : "qui des sondages (dont il faudrait un prendre. décide des émissions" ? est en soi à historique précis et une critique la fois très ardue et très stimulante. soigneuse), de la correspondance Autre condition : une active col- reçue par les chaînes ou même des laboration d'acteurs (et à cet égard 4. Contenu des émissions fiches de réactions téléphonées leur réponse à l'appel lancé par lors des divers "dossiers de notre jeune Comité peut paraître Par une transition naturelle, on en l'écran". d'excellent augure). Ils devront vient ensuite à l'étude du contenu aider, chacun à sa place, à sauver des émissions - le fond et la forme. Il existe naturellement une con- les archives écrites de la télévision, En termes méthodologiques, il stante interaction entre les "fabri- qui ne comptent guère moins que faudrait travailler à construire une cants" de télévision et les publics, les bobines et les cassettes (plans sorte de grille intellectuelle à appli- mais si l'on va au-delà de quelques de travail, notes d'intention, quer aux archives télévisées, grille idées reçues, cette interaction feuilles de comptes, dossiers de qui permette de dépasser la simple demeure mal connue. presse, etc..). Ils devront aussi subjectivité spontanée. Les études accepter courageusement, selon un qui ont été consacrées au cinéma, Telles sont, brièvement survolées, effet psychologique qui n'est pas beaucoup plus nombreuses jusqu'à quelques-unes des nombreuses toujours naturel, que l'histoire en présent, devraient y aider, à condi- pistes de travail. Nous savons que passe de prendre une forme syn- tion que nous sachions éviter le tout cela est passionnant. Nous thétique bouscule souvent (car double péril de la paraphrase jar- devons savoir aussi que tout cela c'est son lot) leur propre biogra- gonnante et de la surcharge de sera difficile. phie - cette autobiographie forgée sens et d'intention plaquée sur des par eux-mêmes telle que chacun, images qui n'en peuvent mais (il G toujours, tend à la figer peu à peu existe des Trissotin de l'audiovi- Nous nous heurterons à tous les en soi. suel). handicaps bien connus de l'histoire quasi immédiate : la force des sub- Je vois une dernière nécessité 5.- Influence de la télévision jectivités y est plus grande, la impérieuse : que la coopération des sérénité moins aisée. À quoi s'a- historiens (les universitaires et les En aval du processus, voici enfin joutent des handicaps plus spéci- autres, il n'est pas question d'exclu- les incertitudes que soulève l'influ- fiques liés à l'accès aux archives sive) se persuade de la véracité de ence de la télévision sur la collec- audiovisuelles, accès difficile, accès ce qu'expose cette brève déclara- tivité tout entière et sur les divers coûteux. Ici les chercheurs doivent tion d'intention : à savoir que l'his- publics spécifiques - songeons aux avoir, ne nous le dissimulons pas, toire de la télévision est devenue à "téléclubs" des années cinquante, pour surmonter l'obstacle, une la fois indispensable et possible. songeons au rôle particulier de la vaillance et un enthousiasme plus Cette conviction, il faut le savoir, a télévision scolaire. Depuis grands qu'ailleurs. mis quelque temps à s'installer, et longtemps, historiens et politistes la France est peut-être en retard travaillent à éclairer l'influence Pour avancer efficacement, sur quelques-uns de ses voisins (la politique de la télévision. quelques conditions devront donc Grande-Bretagne ou la Hollande Après l'avoir exagérée dans un pre- être remplies. par exemple). Mais nous sommes mier temps, et probablement min- plusieurs à faire bouger les choses. imisée dans un deuxième, la Nous devons aider à la prise de Des vocations se dessinent, des recherche tend désormais à dis- conscience par la collectivité qu'il projets se précisent, des thèses se tinguer plus soigneusement les lui faut dépenser de l'argent, non lancent. La machine peut se mettre effets produits à court terme (qui seulement pour sauvegarder, mais en marche et notre Comité sans paraissent surtout de renforcement aussi pour rendre accessible à la prétendre à aucun monopole, sans des attitudes préétablies) et les recherche désintéressée ce qui ignorer les vertus irremplaçables effets produits à plus long terme constitue en somme, à côté des de la recherche conduite par des qui certainement ne doivent pas sources écrites, la mémoire audio- chercheurs isolés ou par de petites être négligés et peuvent réserver visuelle de la nation. Cette mission équipes, peut espérer y contribuer des surprises. ne peut pas être gratuite mais l'ef- grandement.I Cahiers 02 4/12/10 13:47 Page 21

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Cent kilomètres de portée Et si en télévision, tout était toujours à refaire? Surtout les inventaires Publicité 1950 :“portée 100 kms”

Le Comité d’histoire de la télévision La TNT a élargi l’offre gratuite à une archives sont largement numérisées. (CHTV) a été créé en 1980 par des pion- vingtaine de programmes.. Il y a 30 Des consultations à objectif scien- niers de la réflexion sur l’histoire de la ans, les sociologues pouvaient observ- tifique sont possibles par le biais du télévision. Des dirigeants : Jean d’Arcy, er qu’« il n’y a pas un public mais des dépôt légal à l’Inathèque de France. Gabriel de Broglie, Wladimir Porché, publics ».. Aujourd’hui, le public con- Par le truchement d’un site comme Raoul Ergmann, Michèle Rebel. Des state qu’il n’y a plus « une » télévision « ina.fr », le grand public peut profiter professionnels : Pierre Sabbagh, Pierre mais « des » télévisions - et la télévision de nombreux trésors de la mémoire de Tchernia, François Chatel. Des ingé- « connectée » pointe à l’horizon.. la télévision, dans le respect de la pro- nieurs : Henri de France et Claude Les hommes (et les femmes). Ceux qui priété intellectuelle et artistique. Mercier. Des historiens : René Rémond, contribuent à faire la télévision - Cependant ne risquons-nous pas un Jean-Noël Jeanneney, Alain Decaux. devant ou derrière les caméras - n’ont vaste Alzheimer audiovisuel devant A relire dans cette livraison des plus nécessairement fait leurs pre- tant d’images, tant d’heures de pro- « Cahiers » : le texte de l’intervention mières armes dans d’autres métiers de grammes, tant de souvenirs soigneuse- de Jean-Noël Jeanneney lors de la pre- communication préexistants (radio, ment et hermétiquement conservés mière Assemblée Générale du Comité cinéma, télécoms) ; la plupart a reçu dans l’oubli des tours numériques? d'Histoire de la Télévision du 29 jan- une formation spécifique aux médias, Enfin, quid de l’influence de la télévi- vier 1981. Ce texte prudemment inti- qu’elle soit universitaire ou profession- sion? Les fondateurs du Comité tulé « Inventaire d’un chantier » défi- nelle. En outre, la chaîne de l’image d’Histoire s’en préoccupaient déjà il y a nissait cinq axes d’étude et de réflexion : s’est ouverte à des sources de plus en 30 ans. Les paramètres se sont démulti- les progrès de l’instrument, le milieu plus nombreuses : producteurs indé- pliés depuis - et ils se sont mondialisés. professionnel, les processus de déci- pendants, agences d’images, presse Mise en perspective sion, les contenus des programmes, régionale, You Tube, Dailymotion, etc.. l’influence du média... Trente ans plus Trente ans après la création du Les circuits de décision manquaient-ils tard, à quoi sommes-nous parvenus ? CHTV, les membres du Comité alors de transparence ? Ils sont désor- d’Histoire ont conscience d’avoir Changement de paysage mais si nombreux qu’ils s’enchevêtrent participé, à titre individuel ou collec- dans des processus de co-décision Le CHTV se proposait d’observer les tivement, à l’évolution des médias et multimédias et souvent sans frontière. progrès : Jean d’Arcy pressentait l’ar- de leur compréhension - notamment La télévision de service public peut rivée d’Internet avec 15 ans d’avance.... à travers une collaboration de plus en douter quelquefois de ses missions Entre temps, la technique va brûler les plus étroite avec l’INA et le monde d’intérêt général et de ses moyens ; étapes : les puces remplacent les transis- universitaire. Cependant, l’inventaire mais cet éventuel affaiblissement est tors ; les écrans seront plats, économes tient toujours du travail de Pénélope. pondéré par des interventions publi- en énergie ; la HD s’impose comme nor- Tout est toujours à refaire en télévi- me. (60 ans après les écrans “haute défi- ques telles que celles du CNC à travers le Fonds de soutien, cogéré par des sion. Les objets de notre mémoire nition” en 819 lignes et les téléviseurs télévisuelle avant 1982 sont certes peu « captant à 100 kilomètres » !)... représentants de la profession, et qui contribue à irriguer la vie de notre pro- ou prou à l’abri à l’INA - voire au dépôt Le milieu professionnel ? Les pro- duction audiovisuelle - au point qu’aux légal pour la suite.... Il est grand temps grammes sont devenus une industrie. Etats-Unis, on enseigne aux étudiants en revanche d’identifier les collections Le monopole, qui avait survécu à la loi de Columbia que c’est le ministre qui personnelles datant des temps héroï- de 1974 supprimant l’ex-ORTF, s’est produit les programmes en France. ques et de les conserver. Il faut encore dissous petit à petit dans le pluralisme ; hiérarchiser, mettre en perspective, éval- il allait se vaporiser dans le câble, le L’étude du contenu des émissions, uer, dépasser les petites madeleines.. satellite et le numérique au cours du quatrième objectif défini par les créa- Le premier Comité rêvait d’un musée quart de siècle suivant. Il y avait 3 chaî- teurs du CHTV, est confrontée au de la télévision. Le projet n’est pas nes de télévision en France (plus RTL paradoxe de l’effet multiplicateur. nécessairement dépassé.I et TMC aux frontières). Le téléspecta- Techniquement et juridiquement, bien Martin Even teur peut en capter plusieurs centaines. des barrières sont tombées. Les (secrétaire du CHTV) Cahiers 02 4/12/10 13:47 Page 22

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Jean-Claude Bringuier : petits croquis en guise d’ hommage admiratif Le documentariste Jean-Claude Bringuier est mort à l’âge de 85 ans. Des « Croquis » qu’il a tirés à quatre mains avec Hubert Knapp, aux « Portraits » réalisés plus tard, ses émissions for- ment une œuvre marquante de l’Age d’or de la Télévision française.

Après avoir été l’assistant d’Henri- rapport entre le fantomatique, le didacte qu’il était... Georges Clouzot au cinéma, Jean- mythique et le réel » expliquera Poursuivant la quête entreprise avec Claude Bringuier entre à la télévision Bringuier, à propos de cette série. « les Savants sont parmi nous » (1967) en 1951. C’est l’époque des « pre- Les « Croquis » marquent surtout un pour laquelle il avait interrogé interrogé mières » en direct et de l’invention du style de réalisation libéré par l’évolution cinq physiciens mêlés à l’aventure de la journal télévisé. Il y rencontre son de la technologie ; en particulier l’ar- bombe atomique : Linus Pauling, Robert futur complice Hubert Knapp. Ce qui rivée des caméras Coutant (1960), plus Oppenheimer, Gregory Pincus, Eugene les réunira bientôt, c’est la volonté mobiles et plus maniables qui faciliteront Rabinowitch, et Edward Teller., il offrira d’aller plus loin que le direct, d’arrêter le rapport de proximité entre Bringuier ainsi un portrait du philosophe le temps. et ses interviewés : « « Je n’ai jamais su Bachelard faisant son marché rue On dira Bringuier et Knapp comme s’il faire d’interviews », confiait-il volontiers. Mouffetard (avec Hubert Knapp, 1972) s’agissait d’une fratrie, les frères Taviani « J’ai eu des conversations…» Dans le même registre, Bringuier con- ou les frères Coen.Avec le recul, on voit sacrera six émissions à Jean Rostand, L’écoute de l’autodidacte mieux qu’il ne s’agissait pas de réalisa- « le Solitaire de Ville-d’Avray » (1973). teurs monozygotes. Des deux, Hubert En compagnie d’Hubert Knapp, Jean- En 1969 puis en 1975-76, il filmera ses Knapp était le regard curieux et Jean- Claude Bringuier réalisera d’autres rencontres avec le psychologue, biolo- Claude Bringuier, l’observateur patient. émissions, pour la série des giste, logicien et épistémologue suisse En 1957, ils s’associent pour une pre- « Conteurs » d’André Voisin, ou pour Jean Piaget, dont il tirera également un mière série documentaire, qui devien- « Signes du Temps » (1972-1974) ; livre publié par l’Université de Chicago dra une signature : « les Croquis ». Les enfin, ils produiront ensemble « les (Conversations libres avec Jean Piaget - « Croquis » entreprennent de montr- Provinciales », une des dernières col- Robert Laffont – 2000). En 1977, enfin, il er des villes et des régions à travers lections documentaires ambitieuses de offre un portrait insolite de Claude Lévi- des regards et des témoignages à la l’ORTF, dont « la Dernière Batteuse » Strauss, filmant l’ethnologue en train d’es- première personne : « Croquis tourné à Fresselines en Creuse (1971) sayer son costume d’académicien. Lyonnais », en 1957 ; « Croquis restera le chef d’oeuvre. La mission des réalisateurs Bordelais », en 1958 ; « Croquis en Bringuier n’a pas seulement fait équipe Soule », en 1959 ; « Lettres de Sète », avec Knapp. Avec Claude May et Jean- Au-delà de son œuvre, Jean-Claude en 1960 ; « Croquis de Camargue », en Pierre Gallo, il avait proposé «le Tour Bringuier va incarner face à l’ORTF et 1962 ; « La société de la montagne », du monde en 40 minutes » destiné au aux chaînes qui lui ont succédé, une en 1963 ; « Trois Croquis d’Amérique », jeune public (1963-1968). Il participera vision d’une télévision de service public, en 1963 ; « Trois Croquis d’Aix », en aussi, aux côtés de Roger Stéphane à la ambitieuse et s’affirmant détachée de 1965 ; « Quatre Croquis du Liban », en série « Vive l’Histoire » l’audimat. Il voulait utiliser le petit écran 1966 ; « Trois Croquis en Périgord », En solo, Bringuier réalise vingt-cinq pour ouvrir les champs du savoir au plus en 1967, etc.. sujets pour « Cinq Colonnes à la Une », grand nombre,comparant la mission des et un numéro des « Femmes Aussi » réalisateurs de télévision à celle des Entre le fantômatique et le réel d’Eliane Victor, consacré à la vie des instituteurs, un siècle plus tôt. « Cinq Anglais pour Noël » vaudra en femmes médecins. Membre du conseil d’administration de 1962 à Bringuier et Knapp d'être Mais ce sont les portraits de scientifiques la Société civile des auteurs multimédias couronnés « meilleurs réalisateurs » et de philosophes qui imprimeront (Scam) de 1995 à 2002, il fut aussi un par l'Association française de la cri- durablement la marque personnelle de ardent défenseur des droits des créa- tique de cinéma et de télévision. Jean-Claude Bringuier. Car les rencon- teurs du petit écran. « Nous voulions percevoir le batte- tres avec des historiens, des philosophes, Jean-Claude Bringuier a été distingué en ment entre la réalité et cette chose des scientifiques offriront autant d’occa- 1986 par un Grand Prix Scam pour dorée qui entoure certains lieux. Le sions de continuer à apprendre, à l’auto- l’ensemble de son œuvre.- M.E. Cahiers 02 4/12/10 13:47 Page 23

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Jean-Claude Bringuier répondant à Ioanna Bertoud (Photo Jean-Rémy Berthoud)

Document : Bringuier raconte ses rencontres avec Jean Piaget Jean-Claude Bringuier s’est rendu une première fois en Suisse en 1969 afin d’interviewer le psychologue, biologiste, logicien et épistémologue Jean Piaget qu’il connaissait seulement par ouï-dire. Il reviendra interroger Piaget en 1975-1976 et proposera enfin un montage définitif de leurs dialogues dans “Jean Piaget va son chemin” (1990). Enfin, il consacrera un livre à ces entretiens (publié en 1996 par l’Université de Chicago et en France chez Robert Laffont - en 2000 ). Avec l’aimable autorisation de Ioanna Bertoud, nous publions l’interview accordée à la Fondation Jean-Piaget. Où l’on apprend beaucoup sur Piaget - et sur Bringuier.

Ioanna Bertoud. Qu’est-ce qui comment engager le débat - j’étais appelaient, chacun de nous réalisa- vous a amené à aller interroger jeune, assez timide... Dieu merci, les cir- teurs, indifféremment, « Coco ». Jean Piaget ? constances m’ont aidé IB. Coco ? Jean-Claude Bringuier. Je vais le . JCB. Coco. C’est Pierre Desgraupes dire. Mais j’ai besoin pour ça de faire IB. Comment ça ? qui m’a tiré de l’embarras un jour une intro, comme en musique... Est-ce JCB. J’étais à Paris et je venais d’entr- béni. Je l’entends encore. Ecoute que je peux ? er dans le cénacle de la Télévision, le Coco, c’est bien simple: face à saint des saints ! Je parle de l’émission quelqu’un que tu dois interroger, tu IB. Allez-y. « Cinq colonnes à la Une » que dis n’importe quoi. Ce qui te passe JCB. Le métier que j’exerce - ou plutôt dirigeait, avec maestria, un Trio célèbre par la tête. « Bonjour », « Il fait beau la façon dont je l’exerce - consiste donc, à l’époque : Pierre Lazareff, Pierre », « Comment allez vous », « J’ai failli pour l’essentiel, à rencontrer les gens et Desgraupes et Pierre Dumayet. On tomber dans l’escalier », ou même « à parler avec eux. Au début je m’y pre- disait : « les trois Pierre » ou tout bon- Je ne sais que vous dire ». La suite nais mal, ne sachant par où commencer, nement « les papas ». Eux nous vient toujours ! Cahiers 02 4/12/10 13:47 Page 24

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IB. ... IB. Nous voilà donc chez l’astuce involontaire de dire les mots JCB. Et là, j’ai compris que c’était vrai : Piaget, à Pinchat. Quelqu’un qu’il fallait, je ne sais pas. Et il m’a dit que là était le secret de ce métier qui vous avait parlé de lui ? « Mais qu’est-ce que vous voulez ? allait devenir le mien. JCB. Oui, à Paris, le grand psychiatre Vous voulez qu’on ait un entretien ? Paradoxalement, le milieu journalis- Ajuriaguerra. Il était très drôle, très Pour quoi faire ? » - « Pour que les tique me projetait hors de lui-même .... fin, avec un double propos : il y avait gens vous connaissent un peu mieux ce qu’il disait, et il y avait ce que sig- ». (…)Je savais tout de même qu’il IB. C’était parti... nifiait ce qu’il disait. Il disait, avec son était très connu à l’Université, je savais aussi que la première année les JCB. C’était parti! accent espagnol : « Vous devriez aller voir Jean Piaget à Genève. » - étudiants avaient du mal à suivre... IB : Vous étiez prêt pour Pourquoi ? - « Ah ! C’est un person- IB. C’est possible que plus on les rencontres... nage extraordinaire... Il a un grand béret toujours, et il roule dans la avançait dans les études avec JCB. J’étais prêt à l’échange, j’avais montagne en bicyclette. Chez lui, lui, plus ça devenait intelligi- accès aux autres. Je m’apprêtais à c’est plein de plantes, on ne voit qua- ble... jouer loyalement le jeu, le rôle de siment plus les fenêtres »... Et tout ça JCB. Oui, et au début ça ne l’était pas. Candide... Vous savez, ce n’est pas voulait dire « Il est formidable ! Enfin, des gens comme Cellérier ou toujours simple ! Arriver à dire « je Allez-y ! » Alors je suis allé. Enfin, je Carreras ou d’autres m’ont dit que la ne comprends pas ce que vous dites » me suis installé à l’hôtel à Genève. Et première année, on ne comprenait rien et à le répéter, s’il le faut, ça implique finalement, il m’a reçu. de ce qu’il disait, carrément. un courage spécial - je l’ai acquis. IB. Il ne recevait pas très IB. Et ce que vous vouliez en IB. Vous parlez là des hommes volontiers des personnes l’interrogeant, c’était le rendre d’existence publique, pour des entretiens. plus intelligible aux débutants ? les savants. JCB. Non, surtout des journalistes! JCB.Ca m’excitait,parce que c’était JCB.En effet.Mais pour tout le Il a cru que j’étais un journaliste. Et un homme quand même très connu, monde en somme c’est pareil ! Je alors quelqu’un de l’entourage — très considéré, très très bon, enfin. Et veux dire que l’intérêt, la curiosité est-ce que c’est déjà Bärbel Inhelder, puis, dès que je l’ai vu, je suis tombé sont identiques. Chaque personne je ne sais pas — l’a convaincu que ce amoureux de lui ; enfin, vous voyez est unique, dès qu’on s’en approche. n’était pas tout-à-fait quand même comment je l’entends : ce grand bon- On n’est banal que vu de loin ! un journaliste, et il m’a reçu. Assez homme aux yeux bleus, déjà vieux et brutalement. un peu distant et courtois et gogue- IB. Formule généreuse. Mais on nard. Et alors il y a eu l’étrangeté de n’a pas envie d’approcher tout IB. Ah oui ? cette première rencontre. Je lui dis le monde ! Et d’ailleurs on ne « Ecoutez, donnez moi un moment, le peut pas... JCB. Oui, enfin non, c’était un grand type formidable, physiquement je suis venu ici, vous ne pouvez pas JCB. C’est vrai. Il faut avoir un radar, imposant, cheveux blancs, magnifique me lâcher », il dit « Mais je n’ai pas le une boussole. Moi, ce qui me guide, vieillard, jeune, dynamique, plein de temps » - « Ecoutez, une heure ! » et c’est la qualité humaine... vie, plein de vie. Il m’a dit « On m’a alors ça a commencé comme ça, et dit de vous recevoir, alors je vous on s’est donné rendez-vous pour le IB. C’est à dire ? reçois»: c’était un peu frais, hein? lendemain. JCB. Des gens possèdent ça... C’est à la fois rare et assez bien réparti IB. Chez lui à Pinchat ? IB. Alors justement. Voilà com- dans le corps social. Quelqu’un s’im- ment ça commence. Vous lui JCB. Chez lui à Pinchat, oui. Et il me pose, vous avez envie de lui parler, de dites : « Je vous en prie, si vous dit « Qu’est-ce que vous voulez ? ». prolonger cette rencontre. Une avez quelque chose à termin- Je lui dis « Il parait que vous êtes... je façon d’être, de s’exprimer. Le regard er... ». crois avoir compris que vous étiez un parfois suffit... la voix... Il y a une aris- inconnu célèbre ». Alors il m’a JCB. Quand je suis arrivé, il était en tocratie de l’espèce humaine, on regardé, il a haussé les épaules, c’est train d’écrire... peut arriver à oser dire ça ! C’est le tout. sel de la terre... les inconnus de la IB. Et il vous a dit... « C’est terre... des gens ont en eux des excellent de rester au milieu IB. Cette remarque a dû le choses qu’ils ignorent avoir. Ma vie d’une phrase; ça évite le temps stimuler à vous en dire davan- de travail a été faite de ces rencon- d’amorçage .... ». Donc il tage, parce que c’est une con- tres. Et par ailleurs, oui, il y a des aimait bien être interrompu, tradiction, « un inconnu hommes d’existence publique. Mais mais pas par n’importe qui. A eux aussi doivent me séduire. Et je célèbre ». ce moment-là il était acquis à dois les séduire... JCB.Oui,alors peut-être que j’ai eu votre cause. Cahiers 02 4/12/10 13:47 Page 25

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parler avec des gens pré-choisis par pour l’entretien. On trouve des moi, et en plus j’étais payé pour ça. répliques qui vous débarrassent de IB. De parler avec eux, et de l’embarras, c’est-à-dire qu’on sait les faire parler, surtout. qu’on se met à parler maladroite- JCB. En général les gens qui me ment, et que ça n’a aucune impor- connaissent, et c’est toujours la tance, quand il s’agit d’une certaine cooptation, s’ils me parlent, c’est qualité de propos. qu’ils devinent que ça va marcher.Les relations, les contacts ont joué. IB. Cette liberté-là se sent à travers tout le livre. IB. Les contacts avant JCB. Vous savez, ça a été un animal l’entretien… sauvage, il a fallu me faire accepter. Il JCB. Si l’entretien a lieu, si nous m’est arrivé avec Piaget ce qui m’est sommes en présence l’un de l’autre, arrivé avec Levi Strauss aussi... je les c’est que ça a été préalablement ai fatigués. J’ai obtenu de moi ce rendu possible. Je ne suis pas un jour- courage bizarre que j’évoquai qui est naliste, je n’ai jamais fait d’interview, de dire : « Je ne comprends pas ce j’ai fait des entretiens. Le métier, sou- que vous dites ». Il n’y a pas beau- vent noble, du journaliste, est de coup de gens qui disent ça. couvrir un événement, « couvrir » est un mot extraordinaire d’ailleurs, IB. Cela devait le stimuler parce qu’on ne le voit plus, l’événe- plutôt. Une petite réplique « Je ment. Le journaliste on l’envoie pour ne comprends pas ce que vous rendre compte de ce qui s’est passé. dites » ou une répétition de ses Moi, c’est l’inverse : j’arrive quand il deux derniers mots sur un ton ne se passe plus rien, quand la vie interrogatif, provoquait chez dite normale a repris. Ce qui m’in- lui, on le voit dans le livre, téresse, c’est ce que les gens trou- plein d’explications, deux vent banal, et ce qui pour moi est pages de texte. unique. JCB. C’est vrai, mais parce que déjà nous étions réchauffés, le courant IB. La première sorte de gens circulait. Mais au début ça n’a pas été En haut : l’édition française de “Con- que vous avez interrogés, ce très commode. Souvent, ça ne se versations libres avec Jean Piaget”. Ci- sont donc les inconnus de la sent pas dans le livre, mais il laissait dessus :“Conversations with Jean terre. Piaget - University of Chicago (1980). tomber les conversations, et il fallait En médaillon : réédition en Australie. JCB. Oui, des gens que le hasard et relancer; alors parfois c’était lui, par- A droite : l’édition allemande l’amitié autour de moi m’avaient per- fois c’était moi. Il se méfiait au début; mis de rencontrer. et puis, comme on fait l’amour, on a fait l’amitié. JCB. Oui... C’était le lendemain en IB. Et l’autre espèce de question! Le pire était passé ... personnes ? IB. Il se méfiait, vous dites ? IB : Mais que cherchiez-vous JCB. Ce sont les hommes publics. JCB. Il ne savait pas que j’étais un en l’abordant ? Vouliez-vous documentariste, il me prenait pour qu’il vous parle de lui, de son IB. Les hommes de science un journaliste, c’est une espèce de oeuvre, des deux ? Je sais que surtout ? gens dont il se méfiait, les journal- istes. vous avez interrogé plusieurs JCB. Il se trouve que ça a été des autres hommes de science. hommes de science. Et quand on JCB. La réponse que je vais essayer interroge quelqu’un qui est précédé IB. Parce qu’il n’aimait pas les de faire concerne tous les gens que par son existence publique, on ne questions hors de sa sphère j’ai interrogés. J’ai interrogé deux s’adresse pas à lui comme on d’intérêt scientifique. sortes de personnes. Des inconnus s’adresse à un paysan des Pyrénées. JCB. Oui, et il était quand même de la terre, que ce soit en France, en Quand j’interroge des inconnus, je très jaloux de son travail, il était très Angleterre, en Amérique, en Espagne, constate qu’en général ces gens occupé par son oeuvre, par son tra- en Suède, dans plusieurs pays. Je suis savent des choses qu’ils ne savaient vail. Il dit quelque part plus tard dans un flâneur salarié, c’est-à-dire je me pas savoir. Quand j’interroge des l’entretien, quand il s’est permis suis promené pendant cinquante ans savants, je ne suis pas moins libre, quelques libertés avec moi, presque à travers le monde avec le plaisir de mais je me sens plus embarrassé des aveux : « Vous me faites penser à Cahiers 02 4/12/10 13:47 Page 26

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Proust qui dit qu’il faut qu’il se pas besoin de ça, et même ça me lui a été inspirée par la psychi- dépêcher, parce qu’il lui reste très gêne. Il faut qu’ils dépouillent le vieil atrie lorsqu’il travaillait à peu de temps pour finir son oeuvre ». homme. La difficulté avec Piaget Paris en 1921. Lorsqu’on inter- Il parlait de lui, bien entendu. comme avec d’autres hommes de sci- roge les enfants avec cette ence, c’est que c’est un professeur, méthode socratique, on IB. Cela fait bientôt quarante donc il a des choses à redire chaque s’adapte à eux, on fait aussi ans que les premiers entretiens année, devant des élèves nouveaux. constamment des hypothèses ont eu lieu. Et pourtant Pour eux ce n’est pas gênant, mais sur ce que signifie ce que le aujourd’hui encore, ce livre est pour lui c’est gênant de se répéter. sujet vient de vous dire. Eh recommandé aux étudiants. Quand on a une conscience profes- bien, ces caractéristiques de la JCB. Encore maintenant ? sionnelle, il y a une gêne quelque part méthode d’interrogation sont à répéter ce qu’on dit, parce qu’on présentes dans votre façon de IB. Oui, et dans plusieurs s’encroûte au sens littéral, il y a une questionner Piaget. S’il s’est pays. Il a été traduit en six croûte qui se forme entre les mots. Il pris au jeu, comme vous dites, langues : anglais, hébreu, ital- y a un ciment qui se met, et qui c’est peut-être aussi parce ien, japonais, néerlandais et enlève le vivant de la parole, de la qu’il s’est reconnu dans votre grec moderne. phrase. méthode d’entretien. JCB. Il s’est reconnu quelque part. JCB. Souvent j’ai reçu des remer- IB. Vous voulez dire que le fait ciements. Quand les films ont été d’être interrogé par vous fait IB. Il a constaté que vous pra- faits — parce que les films ont sortir le savant de cette ... tiquiez sa méthode, sans l’avoir précédé ce livre, Piaget qui boudait apprise par lui! les films a été content quand il les a JCB. C’est l’effort que doit faire l’in- vus, on l’a forcé à voir ces films, je ne terrogeant et aussi l’interrogé, avec JCB. Je ne le savais pas, mais alors sais pas si c’est Cellerier ou l’aide plus ou moins valable de l’in- vous m’éclairez aujourd’hui, effec- quelqu’un de l’équipe — il m’a terrogeant. Il faut retrouver la pulpe tivement vous avez raison : naturelle- téléphoné tout de suite et il m’a dit première. Retrouver l’origine de la ment c’est une des choses qui a servi « C’est épatant, je vous remercie ». pensée. Piaget a dit un jour : « Si de tuteur à nos conversations. J’ai eu j’avais pu interroger l’humanité cette chance, involontaire, c’était une entière ça aurait été formidable ; je heureuse coïncidence. Et c’est allé de IB. Je trouve assez extraordi- n’avais à ma disposition que ce rac- mieux en mieux. En me quittant, il y a naire que les étudiants, après courci de l’humain qu’est l’enfant ». Il donc eu deux périodes, en 1969 et quarante ans, sont encore n’a pas dit ça comme ça, mais ça veut en 1975, il m’a dit: « Vous revenez friands de ce livre. dire ça. Et bien sûr on croit que c’est quand vous voulez ». JCB. C’est parce que c’est le seul un psychologue de l’enfant : c’est vrai événement de sa vie où il a daigné et ce n’est pas vrai, c’est un psycho- IB. Il a laissé la porte ouverte. expliquer sa pensée à quelqu’un qui logue de l’humain à travers l’enfant. JCB.Alors que ça avait été précédé lui posait des questions. par des difficultés. IB. A votre manière, vous suiv- IB. Pourquoi « Conversations iez bien sa pensée. Parfois, lors IB. Qu’est-ce que vous pourriez libres » ? des entretiens, vous para- encore dire sur vos entretiens ? JCB. Parce qu’elles sont chaotiques, phrasiez ses derniers mots, et JCB. Je ne sais pas s’il faut en parler, il y a des allers et des retours. « ça le faisait rebondir, on le voit mais au début je ne comprenais rien Libres », ça veut dire qu’il n’y avait bien dans le livre. de ce qu’il me disait. pas de sujet pré-établi. Vous me JCB. Exactement, et c’est parce qu’il demandiez la différence entre les n’avait pas l’habitude. J’ai eu cette IB. Comment pouviez-vous hommes publics et les gens.Aux gens chance de n’avoir pas eu de alors continuer de le question- je ne peux pas dire « J’ai envie de prédécesseur auprès de lui. Et donc ner? Lorsqu’on pratique la vous interroger pour ce que vous c’était un phénomène, une fois qu’il méthode clinique, on rencontre êtes, je vais interroger votre âme ». l’a eu admis, entièrement nouveau souvent la difficulté de la « C’est la vérité, mais je ne peux pas le pour lui. Il a eu affaire à un type qui question d’après » : quand le leur dire, alors je triche, je dis « Vous comprenait vaguement ce qu’il lui sujet vous dit quelque chose, êtes maçon, parlez-moi de votre disait, qui semblait vraiment qu’est-ce que vous lui deman- métier ». Ce qui m’intéresse, c’est la intéressé, et il s’est pris au jeu. Ça dez après ? façon dont il en parle, c’est-à-dire le fonctionnait. JCB. J’avais une espèce d’instinct, je rapport qu’il a avec lui-même. Avec posais des questions qui n’étaient pas les hommes de science, les hommes IB. Piaget est l’inventeur de la trop ridicules, même si je ne compre- de savoir, c’est-à-dire des personnes méthode clinique en psycholo- nais pas. J’avais entrevu à peu près de qui ont la maîtrise du langage, je n’ai gie, une méthode originale, qui quoi il était question quand on par- Cahiers 02 4/12/10 13:47 Page 27

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lait. J’avais des trous énormes, et ces gens, je me décrassais de ma évidemment un génie, avec cette curieusement les trous m’ont aidé, timidité scientifique. particularité d’être un gars candide. parce qu’ils demandaient à être IB. Alors Bärbel Inhelder vous Je crois qu’il a confiance en l’espèce comblés. a suggéré de venir au sympo- humaine. La tâche humaine est de IB. Comblés au cours de l’en- sium... s’améliorer. La jalousie ne lui a pas atteint la plante des pieds. ... Avec tretien, mais aussi aux entre- JCB. « Si vous lui demandez de venir tiens suivants ? des roublardises aussi. Il m’a dit : « au symposium, il ne pourra pas vous Quand j’entends une contradiction JCB.C’était fini en principe.Je lui ai refuser, et là vous vous débrouillez ». qui m’intéresse, je l’écoute comme dit « Je voudrais travailler encore C’est ce que j’ai fait, et j’ai filmé bien je peux, et après je l’intègre ». A la une heure avec vous ». Il m’a dit «si sûr le symposium et je me suis fin du dernier entretien, lorsqu’il vous voulez ... », c’était dans le débrouillé pour avoir de nouveau une m’explique qu’il n’est pas parti d’un jardin. Mais ça n’a pas été une heure, heure ou deux d’entretien ; et avec ça système préétabli, mais qu’il a petit ça a été deux heures. Et puis je suis j’ai construit mes films. à petit, séquentiellement, construit rentré à Paris, j’ai réécouté et réé- sa théorie, je lui lance : « Vous êtes couté, et j’ai vu les trous réels qui IB. Peut-on dire que l’entre- très piagétien au fond » ; et en riant restaient. Je me suis dit: comment tien avance à coups d’incom- il me répond: « Je l’étais moins faire, ce n’est pas fini. Et là, Bärbel préhensions de l’interrogeant ? autrefois. Mais ça commence ». Sous Inhelder m’a aidé. Je l’ai appelée, je Chaque fois que celui-ci mon- cette boutade, une violente et sou- lui ai dit « Voilà ce qui se passe, je tre des signes d’incompréhen- veraine confiance en soi. Il avait la n’ai pas fini ». Elle a dit « Dans un sion, déclarée ou non, ça le simplicité des très grands. Piaget, mois il y a le symposium ». Le sym- fait repartir. Il construit là- Lévi-Strauss, Albert Schweitzer, ils posium c’était le moment où Piaget dessus. sont tous des types simples. A la réunissait les savants du monde JCB. Voilà ! Il y a peut-être un par- crête, au faîte, il y a une simplicité entier, pour parler de son travail et allélisme entre nos entretiens et ce qui n’est pas voulue, qui est sou- du travail qui était avoisinant au sien. qu’il pense de la construction du veraine. J’ai eu beaucoup de chance Parce que quand même, Piaget a du monde. Une chose que j’aimerais de rencontrer ça. génie, il a cette espèce de façon encore dire : j’ai aimé profondément vorace d’attraper ce qu’il ne tient Piaget. Il manque, toujours, non, pas IB.Merci, Jean-Claude Bringuier, pas encore dans ses mains. tous les jours, mais il manque sou- de nous avoir livré le portrait de IB. C’est l’assimilation. vent. Et il n’arrête pas de manquer, Piaget, et aussi un peu le vôtre. JCB.Et à mesure que j’avais affaire à ça ne s’estompe pas. Cet homme est aujourd’hui. I

Deux DVD-tracts de Raoul Sangla : “De l’utopie à la révolte”

On peut retrouver Jean-Claude Bringuier aux côtés de plusieurs autres inventeurs de la télévision française dans un double dvd-tract signé par Raoul Sangla sorti aux édi- tions “les Mutins de Pangée” en octobre 2010 Bringuier interviewé par Sangla DVD 1 : DES INVENTEURS DE LA RTF Une histoire de l’écriture télévisuelle à la Radio Télévision Française (1950 -1965) sur laquelle Raoul Sangla enquête auprès des pionniers de la rue Cognacq-Jay. En allant interroger chez eux ses contemporains – Bernard Gensous, Alexandre Tarta, Jacques Krier, Jean-Claude Bringuier, Jean-Marie Drot, ou Marcel Bluwal – Raoul Sangla évoque la genèse de la télévision française pour démontrer comment “les évolutions techniques, la liberté et l’engouement pour ce nouvel outil ont permis à une poignée de jeunes réalisateurs d’inventer un autre langage que celui du cinéma”. DVD 2 : DU JOLI MAI 68 A L’ORTF Quarante ans après la révolte de Mai 68, Raoul Sangla retrouve d’anciens grévistes de l’ORTF qui témoignent des luttes contre “la censure de l’information du service public”. Ce documentaire est une initiative prise par Raoul Sangla à l’occasion du 40ème anniversaire du “joli mai”. De la mi-mai à la fin de juin 1968, il a vécu à la maison de Radio France en qualité de secrétaire administratif de l’intersyndicale dont il présidait l’assemblée quotidienne des vingt représentants syndicaux. 40 ans plus tard, il s’agaçait de voir que rien n’était fait sur cette aventure. Il est allé à la rencontre d’un certain nombre de ceux et de celles qui avaient participé à ce mouvement. I Cahiers 02 4/12/10 13:47 Page 28

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Jean-Pierre Angremy duo qu'il formait avec Claude Evrard. Romancier, diplomate, membre de Avron et Evrard triomphaient à l’Académie française, directeur de la l'Olympia, à Bobino, et faisaient les Bibliothèque nationale de France Jean- beaux soirs de l'ORTF. Parallèlement, Pierre Angremy est mort à l’âge de 73 Philippe Avron s’illustre dans de ans. Connu principalement en littéra- grandes productions des Buttes ture sous le pseudonyme de Pierre- Chaumont telles que le « Cyrano de Jean Remy, Jean-Pierre Angremy a été Bergerac » de Claude Barma (1960), « directeur-adjoint de l'ORTF (1971- Loin de Rueil » d’après Marguerite Stephen J Cannell 1975). Détaché à l'O.R.T.F. en 1972, en Duras (1961), ou « Fifi la plume » Le scénariste, producteur de cinéma et qualité de directeur, adjoint au prési- (1965), sans oublier le « Théâtre de la de télévision, acteur,écrivain et réalisa- dent-directeur général, chargé de l'har- Jeunesse » de Claude Santelli. Après teur américain Stephen J. Cannell est monisation des programmes, il l’interruption des « dramatiques », mort à l’âge de 69 ans. Producteur présidera notamment la Commission Philippe Avron poursuivra une carrière entre autres de « L'Agence tous des coproductions cinéma-télévision théâtrale, dirigé par les plus grands risques », « 21 Jump Street » qui révéla de l'Office. metteurs en scène (André Barsacq, Johnny Depp, « Rick Hunter », « Un flic Peter Brook, Benno Besson, Roger dans la mafia », « Les Têtes brûlées », Planchon, etc.). « Les dessous de Palm Beach », il appa- raissait à la fin des génériques de ses séries où on pouvait le voir jeter une feuille de papier, sortie tout droit de sa machine à écrire. Claude Chabrol Pionnier de la « Nouvelle Vague » au cinéma, Claude Chabrol est mort à l’âge de 80 ans. Réalisateur, également producteur, acteur, scénariste et dia- loguiste, il réalisera 21 films pour la télévision, s’intéressant particulière- Georges Bortoli ment aux séries, parmi lesquelles on citera les “Nouvelles de Henry James” Cécile Aubry Ancien présentateur du journal à la (1974-1976), les “Histoires insolites” Ecrivain, scénariste, réalisatrice et télévision française, Georges Bortoli (1974-1979), “Il était un musicien” actrice française, Cécile Aubry est est mort à l’âge de 87 ans. Dans les (1978-1979),“Madame le juge” (1979), morte à l’âge de 82 ans. Après un années 1970 et 1980, Georges Bortoli “Fantômas” (1980), “les Dossiers début de carrière internationale très va s'imposer comme un spécialiste de secrets de l’inspecteur Lavardin” prometteur qui lui vaudra la couver- l'Union Soviétique ;il sera en particuli- (1988),“Chez Maupassant” et “Au siè- ture de l'édition du 26 juin 1950 du er correspondant de l'ORTF puis cle de Maupassant” (2007-2009) magazine « Life », elle est tête d’affiche d'Antenne 2 à Moscou. Il sera par la du « Manon », de Henri-Georges suite un éditorialiste reconnu sur les Clouzot (1949) et signe un contrat dossiers des relations internationales. Jean-Pierre Chapel avec la 20th Century Fox, mais elle Journaliste spécialiste des dossiers interrompra sa carrière pour épouser "Défense, Aéronautique et Espace", Si Brahim el Glaoui, fils du Pacha de Gilles Carle Jean-Pierre Chapel est mort à l’âge de Marrakech, au temps du protectorat Graphiste plasticien, réalisateur, scé- 75 ans. Il est notamment connu pour français. Après l'indépendance du nariste, monteur et producteur, Gilles avoir co-présenté en 1969, les images Maroc, Cécile Aubry devient écrivain Carle est mort à l’âge de 82 ans. en direct à la télévision du premier pas pour enfants et adapte elle-même ses Ancien de l’Office National du Film de l'homme sur la lune. En 1975, Il romans pour la télévision. Elle en tirera canadien, il devient un des chefs de file lance avec Jacques Bonnecarrère les feuilletons « Poly », « Belle et du cinéma québécois dont il signera les l'émission Auto-Moto sur TF1. Sébastien » et « le Jeune Fabre » dont premiers succès internationaux dans Promoteur du Paris-Dakar à la télévi- son fils Mehdi El Glaoui sera la vedette. les années soixante-dix. En 1983, il sion, il disputera les 8 premières édi- réalise “Maria Chapdelaine” d’après le tions de cette course. Ayant rejoint la roman de Louis Hémon pour le grand Cinq,il partira deux mois à Ryad Philippe Avron et le petit écran (4 épisodes) avec, dans comme envoyé spécial pour couvrir la Le comédien Philippe Avron est mort à le rôle-titre, Carole Laure, qu’il avait première Guerre du Golfe en 1991. Il l’âge de 81 ans. Le grand public l'avait révélée dans “la Tête de Normande St- sera le journaliste français envoyé le découvert dans les années 60 grâce au Onge”. plus longtemps sur place. Cahiers 02 4/12/10 13:47 Page 29

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Bernard Clavel Laurent Fignon Bernard Clavel. L'écrivain Bernard Double vainqueur (1983-1984) du Clavel, prix Goncourt 1968, est mort à Tour de France, Laurent Fignon est l'âge de 87 ans. Plusieurs de ses œuvres mort à l’âge de 50 ans. Il commentait ont été adaptées à la télévsion : « D'où depuis plusieurs années le Tour sur viens-tu, toi? » coréalisé avec Jean France 2. Archimbaud ; « L'Espagnol », « le Tambour du bief », et « le Silence des John Forsythe armes », réalisés par Jean Prat ; « L'Es- ’interprète de Blake Carrington dans « pion aux yeux verts », téléfilm de Jean- Dynastie » est mort à l’âge de 92 ans. Paul Sassy ; « L'Hercule sur la place » De son vrai nom John Lincoln Freund, et « Pirates du Rhône », par René il avait notamment prêté sa voix à Lucot; « Légion », par Philippe Joulia Jacques Dacqmine Charlie dans la version américaine de (1962) ; « Malataverne », par Jean la série « Drôles de dames ». Archimbaud , « la Maison des autres», Acteur et scénariste français, Jacques par Jean-Pierre Marchand ;« Vincendon », Dacqmine, mort à l’âge de 86 ans, avait Ginette Garcin été conseiller artistique du directeur par Frank Apprederis, et « Les Actrice française morte à l’âge de 82 de la télévision au lendemain des Colonnes du ciel, » par Gabriel Axel. ans, Ginette Garcin avait débuté événements de mai-juin 1968 à l'ORTF. comme chanteuse dans l’orchestre de L’acteur, qui avait quitté la Comédie Jacques Hélian au lendemain de la Française en 1947 pour rejoindre la guerre. Devenue une habituée des compagnie Renaud-Barrault, s’est illus- plateaux de télévision au milieu des tré à la scène dans des tragédies années 1970 en racontant des his- comme « Phèdre », « Œdipe » ou « toires un peu grivoises dans « C'est Hamlet » et sur le grand écran dans « pas sérieux », émission satirique de Germinal », « la Neuvième Porte » ou Jean Amadou, on la retrouvera comédi- encore « Un Crime au Paradis ». enne dans « les Enquêtes du commis- Jacques Dacqmine était également saire Maigret » (entre 1978 et 1981) et Bruno Cremer connu pour avoir doublé James Mason, plus récemment dans des séries popu- Le commissaire Maigret de France 2, dans « la Mort aux trousses » et laires telles que « Famille d'accueil », est mort à l'âge de 80 ans. Le comédi- George Sanders dans « le Village des « Père et Maire », et des téléfilms :« Le en Bruno Cremer a incarné le com- damnés » A la télévision, il avait Don fait à Catchaires » (téléfilm) ou « missaire Maigret dans plus de quarante soutenu le développement des fictions Camping Paradis ». épisodes de la série télévisée, entre utilisant « l’écriture par l’image », util- 1991 et 2005, mais a aussi joué dans isant des moyens tournage légers en une quarantaine de films et de nom- 16 mm. Cette nouvelle dramaturgie, David Gerber breuses pièces de théâtre. héritière de « Cinq Colonnes à la Une Le producteur de télévision américain » sera illustrée par « le Fils Unique » David Gerber est mort à 87 ans. Gary Coleman de Michel Polac, « la Séparation » de Parmi ses nombreuses productions, on Maurice Cazeneuve ou plus tard « De peut citer « Police Story », « Sergent Héros de la série télévisée « Arnold et la Belle Ouvrage » de Maurice Failevic. Anderson » ou « Sam Cade ». Willy », l'acteur Gary Coleman est mort à l'âge de 42 ans, après s'être Jean Ferrat : blessé à la tête lors d'une chute à son domicile. “déconseillé” à l’ORTF Parolier, musicien, compositeur et chanteur français Jean Ferrat, né Jean Tenenbaum, est mort à l’âge de 80 ans. A l’époque de l’ORTF, ce chanteur populaire et engagé avait connu de nombreux incidents de censure au petit écran, à commencer par la rumeur d’une note de la direc- Tony Curtis tion « déconseillant » en 1963 la dif- L'acteur américain Tony Curtis est fusion de « Nuit et Brouillard » sur mort à l'âge de 85 ans. On se souvient les ondes en raison du contexte politique de la réconciliation franco-alle- de lui notamment dans le rôle de mande. Jean Ferrat avait fait de ses mésaventures avec les médias du temps Danny Wilde dans la série du monopole un sujet de chanson ironique: "Quand on n'interdira plus mes « Amicalement Vôtre », aux côtés de chansons, je serai bon à jeter sous les ponts..." Roger Moore. Cahiers 02 4/12/10 13:47 Page 30

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Roger Gicquel ment et la mort à Troyes du petit Comédien, steward, puis journaliste Philippe Bertrand par Patrick Henry, de presse écrite, avant de devenir le restera dans les annales du petit présentateur vedette du JT de1974 à écran. Il cédera la présentation du 1981, Roger Gicquel est mort à l’âge journal à Jean-Claude Narcy, peu de 77 ans. Animateur de la revue de avant les éléctions de 1981, non sans presse de France Inter de 1968 à avoir risqué la disgrâce après avoir 1973, il devient présentateur du jour- évoqué le sujet tabou de l’affaire des nal de 20 heures de TF1 en 1974. diamants offerts par l’Empereur Chargé par la chaîne d'«incarner l'in- Bokassa au président Valéry Giscard formation» , il va ouvrir son journal d’Estaing. par un éditorial dans lequel il donne Il reviendra à l'antenne de TF1 à par- Roger Gicquel fera son retour à la son avis, s’inspirant du modèle améri- tir de 1983, à la présentation et à la télévision à la demande de Jean-Pol cain de l’”anchorman” à la Walter production de l'émission culturelle Guguen, directeur de la station Cronkite. « La France a peur » : sa « Vagabondages ». Quittant la chaîne régionale France 3 Ouest, pour laque- phrase d'ouverture du 20 heures du au moment de sa privatisation, il lle il animera les 182 numéros d’« En 18 février 1976, destinée à souligner retrouvera France Inter avec la revue flânant ». Il continuait de s’informer l'émotion provoquée par l'enlève- de presse du week-end. En 1994, régulièrement des activités du CHTV.

Bernard Giraudeau sur France-Inter fut le dimanche 21 Christian Quidet Acteur, réalisateur, producteur, scénar- juin 2009 en tant qu'invitée de sa pro- Le journaliste sportif Christian Quidet iste et écrivain français, Bernard pre émission « Crumble » où l'avait est mort à l’âge de 78 ans. Giraudeau est mort à l’âge de 63 ans. conviée sa remplaçante Marie-Pierre Après des débuts dans la presse écrite, Bernard Giraudeau est passé derrière Planchon. au « Figaro » et à « l’Equipe », il est la caméra en 1987 pour la réalisation entré à l’ORTF en 1964. Responsable d'un téléfilm "La Face de l'ogre", puis Peter Graves de la préparation de la couverture des en 1991 pour "L'Été glacé". Atteint Acteur américain, surtout connu pour Jeux olympiques d’hiver 1968 à d’un cancer depuis 2000, il consacrera avoir interprété le personnage de Jim Grenoble, Christian Quidet deviendra une partie du temps qu’il lui reste à Phelps dans la série « Mission Impossible directeur des sports par intérim en vivre à aider les malades en soutenant », Peter Graves est mort à l'âge de 83 1972 après un demi-exil de quatre ans l'Institut Curie et l'Institut Gustave ans. Sa carrière cinématographique à la radio. Directeur adjoint du service Roussy. comptait plus de 130 films. des sports de l’ORTF en 1973, il est nommé chef du service des sports en Georges Kleinmann 1978 et sera également à cette péri- ode vice-président du groupe sport de Journaliste, animateur de la Télévision l’UER (Union Européenne de suisse romande (TSR). Georges Radiodiffusion). En 1981, il prend la Kleinmann est mort à l'âge de 79 ans. direction du magazine « Télé Poche ». Il assura notamment la couverture de Revenu à la télévision comme l’'actualité spatiale lors des premiers directeur du service des sports satellites et de la conquête de la lune. d’Antenne 2 en 1985, il négociera les Et les retransmissions des mariages de grands contrats de la chaîne : tennis, la famille royale de Grande-Bretagne. cyclisme, rugby à XV...En 1992, il entre De 1967 à 1982, il sera l’animateur à TF1 comme conseiller pour les Kriss Graffiti suisse de « Jeux sans frontières » sports auprès de la direction générale. De son vrai nom Corinne Gorse, fille Après sa retraite, Christian Quidet de l’ancien ministre de l’information Roger Pierre sera conseiller de TVRS98, radiodif- Georges Gorse, Kriss est morte à l’âge Le comédien français Roger Pierre, qui a fuseur-hôte de la Coupe du monde de 61 ans. Elle était productrice-anima- notamment connu le succès en duo avec 1998 en France ;en 2003,il sera conseiller trice de radio, mais sa voix jeune et Jean-Marc Thibault, est mort à l'âge de pour la couverture des Championnats du acidulée était familière aux téléspecta- 86 ans. Le tandem comique devenu monde d'athlétisme à Paris. teurs dans les voix-off et dans les pubs. célèbre au temps du cabaret de la Rose Au cours des deux dernières annnées Rouge, s'est produit dans de nombreux de sa vie, elle a tenu ses auditeurs au spectacles, dans trois longs métrages et courant de l'évolution de son cancer, plusieurs séries d'émissions de télévi- revenant à l'antenne quand sa santé le sion de Maritie et Gilbert Carpentier lui permettait. Sa dernière prestation dans les années 1970 et 80. Cahiers 02 4/12/10 13:47 Page 31

LES DISPARUS DE 2010 - CAHIERS DU CHTV - AUTOMNE 2010 - PAGE 31

Laurent Terzieff Francis Vacher Acteur et metteur en scène exigeant, Chanteur et producteur de télévision, Laurent Terzieff est mort à l’âge de 75 Francis Vacher est mort à l’âge de 53 ans. Il avait notamment enregistré une ans. Cofondateur du groupe musical trilogie réalisée par Stéphane Bertin Licence IV, qui fut numéro 1 du Top 50 pour France 3 dans les studios de durant 14 semaines (du 11 avril au 11 Toulouse et de Marseille : « La juillet 1987) avec « Viens boire un p'tit Guérison américaine » de James coup à la maison », Francis Vacher s'é- Saunders (1986), « Temps contre tait lancé dans la télévision après la dis- temps » de Ronald Harwood (1996) et solution du groupe en 1994, devenant « le Bonnet de fou » de Pirandello tout d'abord directeur des pro- (1998). Le 25 avril 2010, il a reçu le grammes de Magic TV, la société de Molière du Comédien pour son inter- Patrick Sébastien, puis responsable du prétation dans « l’Habilleur » et « divertissement chez Fremantle. En Kalthoum Sarraï Philoctète ». 2001, Francis Vacher crée sa propre La « Super Nanny » de M6 est morte société: « Grand Quiz 2009 » ou « Mag à l'âge de 48 ans. Nurse profession- 2.0 » font partie des productions de nelle, elle avait débuté sur la chaîne French TV ; il avait proposera l'intro- tunisienne Hannibal TV. Le principe de duction de l'interactivité par SMS aux ses émissions portait sur l'aide aux magazines « C dans l'air », « Revu & parents aux prises avec des enfants Corrigé », « Magazine de la santé » ou très difficiles. encore « C à vous ». On doit égale- ment à cette société les jeux « Tout vu Serge Sauvion tout lu » et « Le 4ème duel ». Acteur français mort à l’âge de 81 ans, Serge Sauvion est principalement connu pour avoir doublé Peter Falk, dans la version française de la série policière « Columbo ». Véronique Silver Actrice de cinéma et de très nom- breuses séries télévisées dont « le Pain noir » de Serge Moati en 1974, Véronique Silver est morte à l’âge de Pierre Vaneck 79 ans. Elle avait débuté en 1954 dans Homme de théâtre, de cinéma et de « Si Versailles m’était conté » de Sacha télévision, Pierre Vaneck est mort à Guitry. l’âge de 79 ans. Le grand public l'a connu surtout pour son rôle de père Patrick Topaloff du héros dans la série télévisée « Pierre-Luc Séguillon Fabien Cosma », ainsi que dans de Ancien journaliste à « Témoignage Animateur de radio et de télévision nombreux feuilletons (« les Grandes chrétien », Pierre-Luc Séguillon est distingué lors du même concours Marées », « Garonne », etc.). Il avait fait mort à l’âge de 70 ans. Ayant rejoint RMC que Jean-Pierre Foucault, Patrick ses début télévisés en 1957 dans le TF1 en 1983 pour diriger le service Topaloff est mort à l’âge de 66 ans. rôle d’Orsino de « la Nuit des Rois » politique à la demande d’Hervé C’est en tant que fantaisiste qu’il rem- de Shakespeare. Bourges, il co-animera avec Anne portera ses plus grands succès, notam- Sinclair l’émission « Questions à domi- ment avec la parodie disco « Ma che- cile ». En 1987, il rejoint La Cinq pour mise grise » en duo avec Sim, égale- Georges Wilson y devenir éditorialiste et chef du serv- ment son partenaire dans « Drôle de Comédien, metteur en scène, et hériti- ice politique jusqu'à la disparition de la zèbre », réalisé par Guy Lux. Topaloff er de Jean Vilar au TNP, Georges chaîne en 1992. En 1994, il participe à fait régulièrement partie des invités Wilson est mort à l'âge de 88 ans. la création de LCI, la chaîne d'informa- dans « les Jeux de 20 heures » sur FR3 Georges Wilson s’est intéressé très tion en continu du groupe TF1. et dans « l'Académie des Neuf » sur tôt au petit écran. On le verra dès Jusqu'en 2008, il y sera éditorialiste Antenne 2. Il fera sa dernière appari- 1953 dans « le Village des miracles ». politique, animateur de débats et d’en- tion télévisée en 2009 dans une fiction Son dernier rôle aura été Kersaint tretiens politiques. En 2009, il avait d'Yves Boisset consacrée à l'affaire dans la série « Dolmen ». Il était le rejoint i>Télé. Salengro. père de Lambert Wilson Cahiers 02 4/12/10 13:47 Page 32 ...... Le CHTV a 30 ans L'histoire de la télévision se raconte aujourd'hui... Avec vous !

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