Du Langage Hippocrène
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la plasticité du langage à la fondation 9 € hippocrène l’europe au cœur Née de la passion d’un couple pour l’Europe et de son désir d’encourager les jeunes à mieux connaître et partager cet horizon, la Fondation Hippocrène célèbre ses 20 ans en organisant une exposition d’art contemporain sur « La Plasticité du langage ». Convaincue qu’Europe et culture sont indissociables, Michèle Guyot-Roze raconte l’action et l’esprit de la Fondation qu’elle préside. La Fondation Hippocrène fête D’où vient le nom de la Fondation, ses vingt ans en organisant Hippocrène ? une exposition ambitieuse, mais c’est Mon père, qui ne souhaitait pas du tout laisser son bien l’Europe qui est au cœur de cet patronyme à sa fondation, a trouvé ce nom en pui- anniversaire comme de votre fondation. sant dans la mythologie grecque, car la Grèce est Comment est-elle née ? non seulement le berceau de l’Europe intellectuel- L’origine de la Fondation s’enracine dans l’histoire lement, philosophiquement, mais aussi la source de mes parents, Jean et Mona Guyot, et tout particu- de la démocratie et donc de la citoyenneté. Étymo- Michèle Guyot-Roze, lièrement dans celle de mon père, né en 1921, résis- logiquement, « Hippocrène » signifie « la source présidente de la Fondation tant pendant la guerre puis membre du cabinet de du cheval » : le mythe raconte que Pégase a frappé Hippocrène depuis Robert Schuman avant de devenir un proche colla- de son sabot un rocher d’où a jailli une source qui 2006, a effectué tout son parcours professionnel borateur de Jean Monnet. Devenu directeur finan- a attiré les muses puis les poètes venus chercher au sein d’Électricité de cier de la Communauté européenne du charbon et l’inspiration. C’est aussi un clin d’œil à l’amour de France. Membre du conseil de l’acier (la CECA, première réalisation concrète la poésie et des chevaux que partagent plusieurs d’administration de européenne), au Luxembourg, il est entré ensuite la Maison de l’Europe de Paris et des Amis à la banque Lazard, à Paris, comme associé gérant du musée national d’Art et il y a fait toute sa carrière. En 1992, au moment « L’art contemporain peut moderne, elle représente de se retirer des affaires et profitant d’une liberté aussi les fondations nouvelle, mon père décide de créer une fondation familiales au sein du être un langage commun conseil d’administration pour soutenir les projets européens réalisés par du Centre français ou pour des jeunes. L’expérience de la guerre et de à l’Europe » des fonds et fondations. la Résistance avait fait naître en lui un engagement européen très fort, à une époque où l’Europe n’était encore qu’un rêve partagé par quelques pionniers. membres de la famille, car dans l’esprit de mon Son passage à la Communauté européenne du char- père (mort en 2006), la Fondation est vraiment bon et de l’acier comme sa proximité avec Jean Mon- familiale, composée de plusieurs générations, net, homme si visionnaire et imaginatif, avaient garantes de sa longévité : c’est toujours le cas au- fait comprendre à mon père que seules les actions jourd’hui. Il est en effet souvent difficile de péren- ci-contre concrètes peuvent obliger les institutions à bouger, niser une fondation, de trouver la bonne échelle Les lauréats du prix à avancer. Il est resté fidèle à cette philosophie toute pour pouvoir durer, tout en restant une fondation Hippocrène 2012 sa vie, et c’est ainsi que créer une fondation euro- privée, familiale et totalement indépendante, devant le Parlement européen de Strasbourg, péenne, ce qui à l’époque était encore rare, lui a paru c’est-à-dire sans avoir recours à l’argent public. le 24 mai 2012. le meilleur moyen d’agir. C’est pour nous un défi constant. 2 3 L’Europe au cœur Quelle est la mission de la Fondation ? ci-contre L’idée principale a été, dès le début, de se focaliser sur Concert sur le thème « Plasticité du langage : la jeunesse et de soutenir des projets concrets dans entre les mots » des domaines précis : la culture, l’éducation à l’Eu- à la Fondation Hippocrène rope, les échanges, bien sûr, et, dans une moindre le 26 juin 2012. mesure, le social et l’humanitaire. En vingt ans, nous avons soutenu quelque 700 projets, un chiffre important qui prouve que la société civile a une action importante à mener dans la consolidation d’une Europe citoyenne, en complément de ce que font les pouvoirs publics, dont les moyens ont ten- dance à diminuer. Sept cents projets, cela signifie une quarantaine chaque année, avec une moyenne de 10 000 euros par projet. Certaines associations sont des partenaires privilégiés que nous soutenons tous les ans, avec un noyau dur que nous accompa- gnons depuis 1992 et d’autres qui se sont ajoutées au fil des années. C’est ainsi que nous suivons l’associa- tion théâtrale Image Aiguë, installée à Lyon et menée par Christiane Véricel, depuis 1993 : très engagée, elle met en scène des jeunes des banlieues défavorisées de France et d’autres pays européens. Apprendre à exister sur une scène, c’est aussi apprendre à exister dans la vie. Je crois qu’il est important de construire avec les associations des liens de longue durée. Parmi tous ces projets, quel est votre meilleur souvenir ? Peut-être à Rennes, où une association que nous sou- organisé au sein des établissements scolaires en par- avoir lieu et rester digne. Car une autre grande valeur tenons depuis de nombreuses années avait réuni le tenariat avec le ministère de l’Éducation nationale, européenne est évidemment la paix : on oublie par- Parlement européen des jeunes (PEJ) en session in- pour récompenser les meilleurs projets européens. fois que le premier mérite de l’Europe, c’est d’éviter ternationale. Sur la forme, ce type d’action peut sem- les guerres. La culture contribue profondément à ce bler « élitiste », mais à la fin de la session, j’ai été très Quel rôle joue la culture dialogue. Mon père, qui soutenait beaucoup la mu- émue de voir ces jeunes qui avaient vraiment joué le dans la Fondation Hippocrène ? sique et l’art contemporain, a été l’un des premiers à jeu, eux-mêmes très émus et qui n’oublieront sans La culture est un excellent vecteur de transmis- souhaiter que la culture soit un enjeu prioritaire de doute jamais ce que c’est d’être citoyen européen. sion des valeurs européennes. Ne pas rester dans sa la construction européenne. propre culture, mais mettre bout à bout 27 cultures, Diriez-vous que les jeunes sont c’est ça, l’Europe. Culturellement, l’Europe existe de- Vous avez d’ailleurs reçu en 2011 moins européens qu’il y a vingt ans ? puis très longtemps, même si les cassures, les cham- la distinction de « Grand Mécène Non, je ne crois pas : les jeunes se sentent européens, boulements de l’histoire ont malheureusement de la culture » remise par le ministère mais ils ont du mal à adhérer aux institutions euro- souvent pris le pas sur les réalisations culturelles. de la Culture. péennes, qui souvent ne représentent rien pour eux. Nous soutenons par exemple un festival de cinéma, Oui, j’en ai été d’abord étonnée, puis très honorée et À Bruxelles comme à Strasbourg, les institutions ci-contre Evropa Film Akt, qui présente beaucoup de films de heureuse, car j’ai vu cette distinction comme une n’arrivent pas à remédier à cette situation et l’on voit Image Aiguë : créations l’Europe de l’Est, un cinéma assez méconnu et pour- reconnaissance institutionnelle et un grand en- théâtrales dans lesquelles bien que la communication ne suffit pas : il faut aller jouent des comédiens tant très intéressant. Ces films font écho à l’actualité, couragement à l’action que nous poursuivons. Au- sur le terrain, et ce ne sont pas les parlementaires adultes, enfants, aux débats politiques, et des débats sont également jourd’hui, nous mettons l’accent sur l’art contem- qui peuvent le faire. C’est là que nous pouvons agir, adolescents de différentes organisés par cette association ; un, en particulier, porain, tout en continuant à soutenir des projets nationalités qui parlent relayer les pouvoirs publics et encourager l’imagina- a été organisé cette année entre l’ambassadeur de musicaux, et ce, depuis que, en 2000, nous avons sur scène leur langue tion. En 2010, nous avons créé le prix Hippocrène de d’origine dans un désir de Hongrie et un public de jeunes très partagé sur les acquis les locaux conçus par Mallet-Stevens, à Paris, l’éducation à l’Europe, remis au terme d’un concours tolérance et de paix. positions du régime actuel, mais la discussion a pu où nous organisons chaque année des expositions. 4 5 L’Europe au cœur L’art contemporain est donc devenu tistes européens. En 2008, nous avons choisi d’orga- l’une de vos priorités ? niser un échange avec la Hongrie : exposer là-bas de L’une de nos ambitions est que les jeunes Euro- jeunes artistes français et montrer à la Fondation, à péens se rencontrent, et organiser des expositions, Paris, de jeunes artistes hongrois. Nous avons aussi c’est faire se rencontrer des artistes européens et voulu montrer les croisements, les points de contact, en haut Détail de l’œuvre in situ leur présenter de nouveaux publics. L’art, j’en suis comme avec une exposition consacrée aux artistes de Rinus Van de Velde, convaincue, est un formidable vecteur d’échange et allemands vivant en France (« Propos d’Europe VIII : Fondation Hippocrène, de communication dans un espace traversé par une Paris-Berlin », 2009).